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Stratégie d'élimination du trachome comme problème de santé publique dans une zone d'incertitude: cas du district de santé de Kolofata au Cameroun


par Patrick Gérard TOUKO SIANI
Université Catholique d'Afrique Centrale - Executive MBA Management Stratégique 2021
  

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3- Description des acteurs et enjeux dans la lutte contre le trachome

Les acteurs sont des éléments qui agissent dans un espace géographique. La théorie de l'acteur stratégique a été élaborée par CROZIER et FRIEDBERG. Elle stipule qu'il n'est pas possible de considérer que le jeu des acteurs n'est déterminé que par la cohérence du système ou par les contraintes environnementales. On doit chercher en priorité à comprendre comment se construisent les actions collectives à partir des comportements et d'intérêts individuels parfois contradictoires entre eux.

Concrètement, l'acteur devra toujours s'abriter entre deux grands objectifs : d'une part, un objectif d'autonomie, c'est-à-dire une tendance à se soustraire au pouvoir d'autrui ; d'autre part, un objectif d'action qui le pousse à développer ses propres ressources pour pouvoir guider la conduite des autres acteurs. Dans les deux cas, cela revient pour l'acteur à accroitre sa marge de liberté afin de ne pas être soumis au bon vouloir d'autrui. Le but de l'acteur stratégique devient donc de conquérir des marges de liberté, indépendamment des motivations profondes de son action.

Un enjeu est ce « ce qui est en jeu », quelque chose que l'on risque dans une compétition, une activité, ou une situation vis-à-vis d'un aléa. C'est donc ce que l'on peut gagner ou perdre en menant une action (ou en ne la menant pas). L'analyse des besoins dans un territoire, de ses atouts et de ses limites, aboutit à la définition des actions à mener, c'est-à-dire des enjeux.

La description des acteurs et enjeux dans le cadre de l'élimination du trachome dans le DS de Kolofata va consister en un passage en revue des éléments suivants : la présence de la secte terroriste Boko Haram, les populations déplacées internes / réfugiées, les comités de vigilance, les forces de défense et sécurité, les acteurs humanitaires, l'approvisionnement en eau, l'hygiène et l'assainissement, la pandémie à COVID-19. C'est à partir de la description des acteurs et enjeux que va être définie la stratégie, de laquelle va découler le plan d'action.

La situation d'insécurité persistante dans la région du Bassin du Lac Tchad, notamment au niveau des frontières des pays et à l'intérieur de chaque État, occasionne d'importants déplacements forcés de populations civiles tant à l'intérieur du même pays qu'à l'extérieur. Ceci est à l'origine de la présence des personnes déplacées internes et des réfugiés de part et d'autre des frontières. Au Cameroun, ces déplacements sont majoritairement concentrés dans la région de l'Extrême-Nord.

Depuis 2014, la région de l'Extrême-Nord du Cameroun est fortement touchée par le conflit Boko Haram en cours au Nigeria, pays frontalier au nôtre. Initialement connue comme terre d'accueil pour les refugiés nigérians qui s'étaient installés dans les zones frontalières, la région est progressivement devenue le siège d'une forte insécurité, dont les effets se font sentir sur l'ensemble des populations notamment celles des localités frontalières.

Avec la mise en place de la force multinationale, Boko Haram s'est davantage engagé dans une guerre asymétrique, et commet de nombreux attentats et attaques contre les populations civiles, ainsi que des enlèvements et diverses formes d'incursions. Ceci contribue à déstabiliser la région de l'Extrême-Nord, conduisant à des déplacements massifs des populations. En dépit de l'affaiblissement de Boko Haram au Cameroun ces derniers mois, la situation humanitaire ne s'améliore pas véritablement dans la région de l'Extrême-Nord. La commune de Kolofata dans le département du Mayo Sava est l'une des communes les plus touchées depuis le début de la crise.

L'arrondissement de Kolofata fait régulièrement les frais des attaques de Boko Haram. Cette localité située à quelques kilomètres de la frontière avec le Nigéria, est - avec le temps - devenue une zone militaire. Les attaques contre les villages ou les positions de l'armée camerounaise sont très fréquentes ; ceux qui les perpètrent sont souvent difficiles à différencier des civils. Les demandeurs d'asile qui trouvent refuge dans cette zone inhospitalière sont traités avec suspicion. Les humanitaires doivent constamment solliciter l'appui des autorités civiles et militaires pour pouvoir mener à bien leurs activités.

En 2018, on comptait plus de 12.500 réfugiés nigérians et déplacés internes qui vivaient à Kolofata, ceci dans des conditions précaires avec un accès limité aux services de base du fait de l'insécurité qui règne dans la zone et aux opérations militaires en cours. Ces personnes, parfois privées de toute assistance, ont des besoins urgents en nourriture, eau, abris et santé.

L'arrondissement de Mora compte des populations déplacées dans les localités de Mémé et Igawa-Mémé. La localité de Mémé située à 21 kilomètres de Mora compte six camps de déplacés pour plus de 2.000 âmes, des populations venues d'environ 30 villages de la région. Au lieu dit Igawa-Mémé, deux camps des déplacés partagent des sites voisins. Ici, le quotidien est tout aussi difficile et les histoires pratiquement similaires. 93% de la population s'est déplacée en raison du conflit lié à Boko Haram, tandis que 6,6% des déplacements ont été provoqués par des inondations, la sécheresse et autres facteurs climatiques, et 0,4% par d'autres raisons non spécifiées.

Le camp de déplacés d'Igawa-Mémé abrite deux sites équidistants de 500 mètres. Les populations déplacées internes y logent dans des abris de fortune, faits de vieilles bâches et de paille. Chaque abri accueille 4 à 6 personnes, tous sexes et âgés confondus. Les besoins immédiats exprimés se résument en nattes, bâches, canaris, couvertures, ustensiles de cuisine, eau et aliments. La grande majorité de la population est composée d'enfants et de femmes. Ils viennent principalement des villages Sanda-Wadjiri, Bia, Kalniwa et Kolofata. "Nous vivons dans la pure résilience depuis que nous sommes ici en 2015. Les conditions de vie sont rudes. On n'a pas d'eau, pas de denrées alimentaires, pas de matériels de couchage et nous habitons dans ces maisons en matériaux provisoires. Ici même, nous ne sommes pas à l'abri de Boko Haram", raconte une dame rencontrée sur place. Il est à noter qu'il n'y a ni latrines ni points d'eau sur le site de recasement temporaire des refugiés. Les représentants des réfugiés ont exprime leur souhait d'être transférés à Minawao, ou même à Banki.

Les membres des comités de vigilance sont le plus souvent recrutés dans les communautés locales ; ils partagent généralement la même identité ethnique ou politique, les mêmes intérêts collectifs, et leurs perceptions des menaces sont similaires. Ils agissent comme des milices locales, et jouissent généralement d'une grande légitimité en raison de leurs racines communautaires. Ils peuvent identifier, pister et combattre les insurgés assez efficacement grâce à leur familiarité avec les langues, la géographie et la culture locales. Ils sont supervisés avec succès par les autorités de l'État - et les acteurs internationaux -, et ils accompagnent ceux-ci dans le renforcement de la légitimité de l'État au sein des communautés locales.

Ils sont ainsi de nombreux jeunes à s'être réunis en comités de vigilance, encouragés par le Gouvernement. Ces volontaires se retrouvent en première ligne face aux kamikazes et aux raids djihadistes. Les comités de vigilance renseignent les forces de défense et servent d'éclaireurs ou de guides. Ils affrontent parfois directement les mouvements terroristes et contribuent à protéger les communautés, notamment contre les attentats suicides. Ils peuvent reconnaitre les djihadistes, et surtout le visage de certains cadres locaux de Boko Haram traqués. En échange, ils reçoivent de l'armée des médailles, des vivres et d'autres formes de récompenses et gratifications.

Pour l'approvisionnement en eau potable des populations, la localité de Kolofata dispose de plusieurs systèmes d'approvisionnement. Un réseau d'adduction d'eau desservant les populations à travers les branchements particuliers et les bornes fontaines est présent. Celui ci n'est pas toujours fonctionnel. On recense 8 forages équipés de pompes à motricité humaine. Des puits traditionnels et des Mayos (cours d'eau temporaires) sont également utilisés. Compte tenu de l'insuffisance des infrastructures fonctionnelles, les populations ont recours aux vendeurs d'eau ambulants pour satisfaire leurs besoins. À titre indicatif, un bidon de 20 litres est vendu à 100 F CFA.

Pour ce qui est de l'hygiène et l'assainissement, la défécation à l'air libre est pratiquée par la plupart des groupes vulnérables. Au site des refugiés, seulement 4 latrines sont disponibles soit un ratio de plus de 150 personnes par latrine. Selon les propos recueillis, les 4 latrines existantes sont utilisées exclusivement par les femmes. Le reste pratique la défécation à l'air libre dans les espaces environnants. La défécation à l'air libre désigne l'action de déféquer hors des habitations (ou hors des toilettes publiques), par exemple dans les champs, les forêts, les buissons, les lacs, les montagnes, ....

La pandémie de la COVID-19 a eu un impact considérable sur les programmes d'élimination du trachome. Le 1er avril 2020, afin de réduire le risque de transmission du COVID-19, l'OMS a recommandé que la distribution de masse de médicaments, les initiatives de détection des cas actifs de complications du trachome et les enquêtes épidémiologiques soient reportées jusqu'à nouvel ordre. Cet avis a été renouvelé dans un guide publié le 5 mai 2020. Cette pandémie a favorisé la promotion du lavage régulier des mains, le respect de la distanciation physique, le port des masques de protection du visage, l'usage des gels hydro alcooliques, la limitation des contacts et des déplacements humains.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand