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L'engagisme à  la réunion


par Willy Boris GENCE
Université Paris VIII - Licence Histoire mention Science Politique 2021
  

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CHAPITRE 1

L'engagisme et lecoolie trade dans l'histoire réunionnaise

1.1. Fin de l'esclavage et essor de l'engagisme à La Réunion

L'arrivée des premiers travailleurs engagés à La Réunion date de 1828 mais elle s'arrête rapidement à la demande de la Grande-Bretagne pour reprendre après l'abolition de l'esclavage en France, en 1848. En effet, celalibère de leur situation 62 000 personnes, soit plus de la moitié de la population de l'île. Les continents africains et asiatiques deviennentune précieuse réserve de travailleurs pour les plantations. L'administration française réglemente d'abord seule cette immigration, puis l'organise par convention dès 1860. Cette date marque l'explosion de l'engagisme à La Réunion. De 1848 à 1860, 43 958 Indiens débarquent sur l'île9(*). Le traité de libre-échange franco-anglais du 25 juillet 1860 introduit l'autorisation de recruter 6 000 travailleurs par an depuis les territoires anglais. Entre 1834 et 1920, les Indiens sont 118 000 à débarquer sur l'île, beaucoup plus qu'en Guadeloupe (42 000) ou en Martinique (25 000)10(*).Officiellement, l'immigration indienne est clôturée en 1882 mais, dans la réalité, elle continuebien après cette date. Entre la fin de Première Guerre mondiale et 1948, la sphère publique réunionnaise voitl'émergence des enfants d'engagés. Progressivement, on assiste à une amélioration de la situation des familles issues de l'engagisme dont certaines acquièrent même des sucreries, s'installent sur leurs propres terres ou commencent à organiser le commerce avec l'Inde. C'est à cette époque qu'une classe intermédiaire indienne commence à se développer.

L'engagisme est donc un nouveau mode de recrutement de la main d'oeuvre qui apparaîtaprès l'abolition de l'esclavage. Celle-ci date de 1848 en Francemais est plus précoce en Angleterre, où les mouvements non-conformistes et abolitionnistes ont mené pendant plusieurs années une propagande efficace. La traite y est abandonnée en 1807 et l'esclavage en 183311(*). Avec la remise en question de tout ce système de traite, de nouvelles migrations de travailleurs apparaissentpour venir répondre aux besoins des plantations et notamment des exploitations sucrières.À La Réunion, les Français font appel à une main d'oeuvre étrangère libre en proposant des contrats dont les caractéristiques sont partout à peu près similaires: c'est un contrat de travail d'une durée déterminée pour lequel l'employeurd'engage à avancer les coûts du voyage au travailleur. Les Africains ou les Asiatiques ne sont pas les seuls concernés. Au départ, ce sont des « blancs pauvres » venus d'Irlande, d'Allemagne ou d'Écosse, perçus par la population locale comme des alcooliques paresseux, qui sont recrutés12(*). Plus tard, des milliers d'Indiens commencent à débarquer sur l'île.Cela s'explique autant par la volonté expansionnisme colonial que par la situation économique des pays d'origine des engagés. La famine, la surpopulation, la pression foncière et le manque de travail conduisent les Indiens à envisager de nouvelles solutions et à quitter leur région, souvent des provinces pauvres au Nord-Est et au Sud-Est.Le XIXème siècle n'est pas une période faste pour l'Inde. Malgré cela, il est faux de croire que tous les engagés étaient pauvres : selon les études disponibles,ils étaient autant issus de hautes castes et de castes intermédiaires que de basses castes13(*).

L'une des spécificités de l'histoire de l'engagisme à La Réunion réside dans sa mise en place prématurée, avant même que l'esclavage soit aboli dans l'empire colonial français. Cela est dû à deux facteurs principaux. D'une part, la métropole française constitue un marché croissant pour le sucre de canne, un produit qui connaît une demande exponentielle au fur et à mesure qu'il est diffusé en Europe. D'autre part, la France se sépare de Saint-Domingue, sa principale colonie productrice de sucre. Dans ces conditions, le sucre de canne apparaît comme un secteur clef à développer, puisque la main d'oeuvre qui y est mobilisée est peu coûteuse et que la métropole est en demande. La production sucrière nécessite cependant une main d'oeuvre abondante. La fin de l'esclavage oblige donc le secteur à trouver des solutions, d'autant plus que la traite des esclaves est illégale et que les organisations militantes se font de plus en plus véhémentes.

Dans cette situation, les autorités coloniales françaises tentent de préparer la transition. Elles décident donc de s'inspirer de l'ancien système de travail utilisé au XVIIIe siècle par les Compagnies des Indespour mettre en valeur les territoires conquis. Ce système permettait d'envoyer aux colonies des Européens avec des contrats dits des « 36 mois », mais aussi des travailleurs libres venus d'ailleurs. C'est ainsi que commence l'engagisme avec l'arrivée d'une majorité d'Indiens, en accord avec les autorités coloniales anglaises. La première grande période de cette émigration indienne est celle de 1828-1830 durant laquelle les engagés viennent majoritairement de Yanaon. Vient ensuite la période post-esclavagiste avec une émigration depuis les « comptoirs français » de Pondichéry et de Karikal14(*). La dernière période est celle de 1860 à 1885, qui voit le recrutement d'engagés toujours originaires des comptoirs français mais aussi de l'arrière-pays (Calcutta et Madras).

Après l'épuisement des flux en provenance de l'Inde, les engagés sont recrutés en Indochine, en Afrique, à Madagascar ou encore à Rodrigues dans des proportions plus réduites. La nécessité économique dece système contractuel pour la métropole est donc manifeste. Les champs de canne à sucre et les usines de transformation nécessitent un grand volume de travailleurs. Dès les années 1930, les exploitants se tournent vers Rodrigues en négociant de nouveaux accords avec l'autorité britannique pour des contrats de trois ans15(*).Hormis les Indiens,La Réunion voit donc, dès 1860, l'arrivée d'engagés originaires de Chine, des flux qui s'intensifient à partir de 1875. D'abord installés dans les villes principales, les engagés chinois occupent des fonctions de commerces alimentaires ou de détail.C'est ce qui explique, selon Marimoutou-Oberlé, qu'ils détiennent aujourd'hui la totalité du commerce de l'alimentation au détail et qu'ils contrôlent une partie du commerce de demi-gros. Même s'ils sont Français de naissance, ils restent moins occidentalisés que les Indiens et, pour certains, parlent et écrivent encore le chinois. Cette spécificité des intégrations et assimilations a notamment été étudiées par Stanziani16(*). Leur étude différenciée offre des clefs de compréhension par rapport au devenir des engagés à La Réunion aujourd'hui, en termesdémographique et socio-culturel.

* 9Weber, Jacques. L'émigration indienne à la Réunion : «contraire à la morale» ou «utile à l'humanité». In Maestri, Edmond. Esclavage et abolition dans l'Océan Indien, 1723-1860, p. 309-328. Paris: L'Harmattan, 2002, p. 54.

* 10 Singaravélou, Pierre. Les empires coloniaux (XIXème-XXème siècle). Paris : Editions Points, 2013.

* 11Surun, Isabelle. Les sociétés coloniales aÌ l'âge des empires, 1850-1960. Paris : Atlande, 2012.

* 12Surun, Isabelle. Les sociétés coloniales aÌ l'âge des empires, 1850-1960. Paris : Atlande, 2012.

* 13 Singaravélou, Pierre. Les empires coloniaux (XIXème-XXème siècle). Paris : Editions Points, 2013.

* 14Singaravélou, Pierre. Les empires coloniaux (XIXème-XXème siècle). Paris : Editions Points, 2013.

* 15Callandre, Florence et Barat, Christian. Traces de l'engagisme de 1933 à La Réunion et à Rodrigues. Études océan Indien, no 49-50, 2013, p. 1.

* 16Stanziani, Alessandro. Les métamorphoses du travail contraint. Paris : Presses de Sciences Po, 2020.

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