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L'engagisme à  la réunion


par Willy Boris GENCE
Université Paris VIII - Licence Histoire mention Science Politique 2021
  

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ENGAGISME, GENRE ET SUBALTERN STUDIES

Retour sur les débats historiographiques contemporains à travers l'étude de l'engagisme

WILLY BORIS GENCE

ENGAGSIME, GENRE ET SUBALTERN STUDIES

Retour sur les débats historiographiques contemporains à travers l'étude de l'engagisme

WILLY BORIS GENCE

Mémoire de fin d'études présenté à l'Université de Paris VIII, au sein de la licenceHistoire, mention Science Politique

Sous la direction de Madame Emmanuelle Sibeud

2020 - 2021

TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES MATIÈRES 2

INTRODUCTION 4

ÉPISTÉMOLOGIES DE L'ENGAGISME À LA RÉUNION : LA NAISSANCE D'UN OBJET D'ÉTUDE HISTORIOGRAPHIQUE 4

CHAPITRE 1 10

L'ENGAGISME ET LE COOLIE TRADE DANS L'HISTOIRE RÉUNIONNAISE 10

1.1. FIN DE L'ESCLAVAGE ET ESSOR DE L'ENGAGISME À LA RÉUNION 10

1.2. ENGAGISME ET INDENTURE 12

CHAPITRE 2 15

LES INTERPRÉTATIONS HISTORIOGRAPHIQUES DU PHÉNOMÈNE DE L'ENGAGISME À LA RÉUNION 15

2.1. UN ESCLAVAGISME DÉGUISÉ ? QUESTIONS TERMINOLOGIQUES 15

2.2. UNE APPROCHE À RELATIVISER 18

CHAPITRE 3 23

LES ÉTUDES HISTORIQUES SUR L'ENGAGISME ET LA QUESTION GENRÉE À LA RÉUNION 23

3.1. L'ENGAGISME AU PRISME DE LA QUESTION DU GENRE À LA RÉUNION 23

3.2. LE DÉPASSEMENT DU DÉBAT PAR UNE NOUVELLE LECTURE 25

CONCLUSION 28

BIBLIOGRAPHIE 30

ANNEXES.................................................................................................32

INTRODUCTION

Épistémologies de l'engagisme à la réunion : la naissance d'un objet d'étude historiographique

L'immigration indiennea considérablement modifié la géographie humaine de l'île de la Réunion, tout comme ce fut le cas dans d'autres îles comme la Guadeloupe ou l'île Maurice. On peut considérer que ce trafic s'inscrit dans les grandes migrations de travail identifiables au XIXème siècle. Selon Marimoutou-Oberlé, ce sont près de 3 millions de personnes qui ont été déplacées avec l'engagisme, dont une sur cinq vers « les îles à sucre des Mascareignes » et environ 200 000 à La Réunion1(*). Mais l'immigration indienne sur l'île ne date pas uniquement de cette période. Durant le XIXème et XXème siècles, près de 2 millions d'Indiens sont arrivés sur l'île, les premiers étant des femmes indo-portugaises venues de Goa. Sont ensuite venus les premiers esclaves, puis les artisans et ouvriers libres, et enfin les premiers travailleurs sous contrat en provenance de Yanaon. Cette migration s'est accélérée avec les conventions internationales de 1860 et 1861. Vers 1870, ce sont les commerçants indiens originaires de Bombay qui ont fait leur apparition, mais la dernière immigration indienne date de 1970 avec l'arrivée des Karanas, des Malgaches d'origine indienne.

L'engagisme prend différentes dénominations. On parle par exemple d'engagisme à la Réunion1(*)et d'indenture à l'île Maurice(traduction de « contrat » en anglais)2(*). Quelle que soit son appellation, le principe est le même : il s'agit d'un système contractuel qui offre une nouvelle de la main d'oeuvre après l'abolition de l'esclavage dans des territoires qui en ont besoin. Ce système se manifeste sous la forme d'un contrat signé par un travailleur « libre »et un employeur qui s'engage à avancer des frais de voyage qui lui seront remboursés en nature, contre une charge de travail.On parle également decoolie trade (migration de travail) pour désigner les mouvements migratoires asiatiques(coolie signifiant « salaire » en tamoul). Celui-ci est moins contraignant que l'engagisme. Il désigne les autres formes de recrutements organisés par des transporteurs européens dans une forme de migration libre. Ce phénomène est néanmoins resté plus marginal que l'engagisme puisqu'il n'a concerné que 10 % des migrants indiens au total3(*).

L'étude de l'engagisme à la Réunion a évolué au cours du temps sous l'influence de différents courants historiographiques et, depuis les années 2000,sous l'influence de deux nouveaux courants : les gender studieset les postcolonial studies.Nées aux États-Unis, les gender studiesforment un champ de la recherche qui s'intéresse au rapport entre les sexes dans tous les domaines des sciences humaines. Elles considèrent que ce rapport a une influence déterminante sur la compréhension et l'interprétation des phénomènes qu'elles s'emploient à revisiter sous un prisme différent. Selon ce courant, la binarité établie entre les deux sexes est un élément constitutif du prisme d'analyse historique occidental. Elle repose sur une représentation mutuellement exclusive et contrastée qui est à la fois fixe et stable : les rôles sociaux sont clairement différenciés, tout comme les attributs donnés à chacun. Ce paradigme a commencé à être remis en question dans les sciences humaines et sociales dans les années 1970.

En rebattant les cartes des cadres épistémologiques en vigueur, les gender studies ont participé à mettre en lumière l'artificialité et la porosité de la construction de nombreuses dichotomies structurant l'ordre social. Deux tournants importants ont eu lieu dans le développement des gender studies. Le premier est relatif au travail mené par Michel Foucault autour des thématiques liées aux relations entre corps et champ politique. Cela a entrainé un premier changement de perspective : le corps est désormais considéré comme le terrain de relations de domination et de pouvoir. Pour Foucault, il s'agit d'une «relation symbiotique». Le corps n'a d'existence qu'à l'intérieur de ces relations constitutives4(*). Le second tournant a été opéré par les travaux de Judith Butler dans les années 1990sur la remise en perspective de la naturalisation du corps. La représentation du genre serait sa construction et elle est imprégnée de la culture occidentale et de son histoire.Ce courant genré s'est développé dans la deuxième moitié du XXème siècle, en même temps que les postcolonial studies et le postmodernisme.

Le postmodernisme est important à mentionner ici car il venu bouleverser les codes existants en remettant en cause la « vérité » telle qu'elle est présentée dans les différents domaines de recherche en sciences humaines. Il s'agit d'une critique générale de la modernité au profit du relativisme, portée par des penseurs comme Gilles Deleuze, Jacques Derrida ou encore Michel Foucault.Le post-colonialisme est souvent rattaché au postmodernismeparce ce que l'objet des postcolonial studies est précisément de faire la critique des discours du colonialisme encore présents aujourd'hui dans les anciens territoires colonisés. Le postmodernisme porte sur la remise en question des discours de l'autoritéqui se traduisent par différentes manifestations (la langue, les institutions, les pratiques, les modes d'organisation, etc.) que le post-colonialisme tente d'étudier pour identifier les manifestations de la domination passée. Ainsi, il est aisé de faire le lien entre ces deux mouvements5(*). De leur côté, les subaltern studies (subaltern studies) s'inscrivent dans la même démarche que les postcolonial studies mais s'intéressent plus précisément à l'Asie du Sud.

Ce travail de recherche a pour but de montrer en quoi les perspectives développées par les gender studies et les subaltern studies permettent de renouveler l'étude de l'engagisme sur l'île de la Réunion.Nous tenterons à ce titre de répondre à une problématique centrale qui est la suivante :

Dans quelle mesure l'étude de l'engagisme à la Réunion permet-elle d'apporter une contribution aux épistémologies historiographiques subalternes ?

L'engagisme à la Réunion est un sujet intéressant à étudier car il comporte, au sein du phénomène colonial, un certain nombre de spécificités chronologiques et géographiques. Tout d'abord, il commence un peu avant l'abolition de l'esclavage, de manière prématurée, comme de manière à préparer la transition. Aussi, l'engagisme à la Réunion est marquée par une certaine diversité que l'on ne retrouve pas dans d'autres îles comme à l'île Maurice. Même si les Indiens représentent la plus grande partie des engagés, d'autresnationalités sont représentées : de 1828 à 1933, sur environ 155 000 engagés de toutes origines enregistrés, 117 000 sont Indiens, 37 000 sont Africains, 3 500 sont Chinois ou Vietnamiens, 3 600 sont Malgaches et 3 000 Rodriguais6(*). Cette diversité réunionnaise est flagrante en comparaison à l'île Maurice où seulement 2% des 500 000 engagés ne sont pas Indiens(22 % sur l'île de La Réunion). L'engagisme est donc une période cruciale de l'histoire réunionnaise, qui a imprimé sa marque au niveau de la composition démographique mais également de la culture et de la construction identitaire de l'île.

Mais ce sujet représente un autre intérêt du point de vu historiographique, car si c'est d'abord la vision de l'empire colonial qui prédomine, cette histoire a été peu à peu revisitée dans le même mouvement que les postcolonial studies. Le nouveau regard porté sur l'engagisme s'est retrouvé à travers les événements de mai 2020, moisdurantlequel les statuts ayant un lien avec le passé colonial et esclavagiste des grandes puissances ont été renversées un peu partout dans le monde. Cette apparition des enjeux mémoriels au sein de l'espace publicfait écho au succès des nouveaux courants historiographiques mentionnés plus tôt. Les travaux de Stanziani seront ici particulièrement étudiés. La Réunion n'a été constituée en objet d'étude que depuis les années 1970, après l'ouvrage pionnier de Tinker, A New System of Slavery : the export of Indian Labour Overseas, 1830-19207(*). Son titre est explicite : il y discute la continuité ou la rupture de l'engagisme avec l'esclavage. Les études sur l'engagisme à La Réunion connaissent depuis un essor considérable. La décennie 2010 a été notamment marquée parles travaux fondateurs de Stanziani, ceux de Marimoutou-Oberlé ou de Callandre et Barat.

De son côté, et dans un contexte de construction de cet objet d'étude, la mobilisation du prisme du genre n'en est encore qu'à ses prémisses. C'est Loza qui lui a ouvert la porte en 2019avec une lecture genrée de l'engagisme à La Réunion8(*). Celle-ci représente un grand intérêt dans la mesure où, si l'engagisme a concerné majoritairement des hommes, il a aussi touché des femmes dont l'expérience et la perception de l'expérience dans l'histoire renvoieà la divergence des discours sur l'engagisme en général. En effet, si certains considèrent que les femmes indiennes se sont libérées grâce à ces contrats de travail, s'émancipant des contraintes liées à leur appartenance à une caste ou à leur condition de femme, d'autres soulignent la dureté de leur condition à La Réunionavec des violences à la fois de la part de la hiérarchie coloniale et des hommes originaires de leur communauté. L'analyse de Loza nous permettra d'aborder l'ambivalence decette étude.

Nous tenterons de répondre à notre problématique en trois temps. Tout d'abord, nous aborderons le phénomène de l'engagisme dans l'histoire réunionnaise et ses spécificités en s'intéressant à son essor et en le comparant à d'autres formes d'engagisme. Dans un second temps, nous nous intéresserons aux études historiographiques sur l'engagisme, à la place qu'y occupentles subaltern studies et à l'apport de l'engagisme à ce nouveau courant. Enfin, nous verrons en quoi les gender studies proposent de porter un nouveau regard qui rejoint celui des subaltern studies dans les travaux historiographiques.

* 1 Marimoutou-Oberlé, Michèle. Les engagés du Sucre. Saint-Denis : L'Harmattan, 2004.

* 1Callandre, Florence et Barat, Christian. Traces de l'engagisme de 1933 à La Réunion et à Rodrigues. Études océan Indien, no 49-50, 2013, p. 1.

* 2Chummun, Divisha. Le trauma de l'esclavage à l'engagisme : une réécriture des géographies du corps humain et de l'espace. Boston : Boston University, 2018, p. 103.

* 3 Singaravélou, Pierre. Les empires coloniaux (XIXème-XXème siècle). Paris : Editions Points, 2013, p. 125.

* 4 Foucault, Michel. Michel Foucault:De la guerre des races au biopouvoir. Cités, 2. Paris : PUF, 2000.

* 5Samaddar Ranabir propose une explication plus détaillée dans son article « Lire Foucault à l'ère post-coloniale », paru dans la revue Actuel Marx en 2010.

* 6Marimoutou-Oberlé, Michèle. Les engagés du Sucre. Saint-Denis : L'Harmattan, 2004.

* 7Tinker, Hugh. A New System of Slavery: the export of Indian Labour Overseas, 1830-1920. Oxford: Oxford University Press, 1974.

* 8Loza, Léna. L'engagisme indien au féminin : entre tradition et modernité ? ILCEA, 2019.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams