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Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun


par Luc René BELL BELL
Université de Yaoundé II - Soa - Master en droit public 2020
  

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    RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN PAIX - TRAVAIL - PATRIE

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    MINISTÈRE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

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    FACULTE DES SCIENCES

    REPUBLIC OF CAMEROON

    PEACE - WORK - FATHERLAND

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    MINISTRY OF HIGHER EDUCATION

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    FACULTY OF LAW AND

    POLITICAL SCIENCES

    ********************

    JURIDIQUES ET POLITIQUES

    UNIVERSITE DE YAOUNDE II - SOA
    THE UNIVERSITY OF YAOUNDE II - SOA

    CHEFFERIES TRADITIONNELLES ET

    DECENTRALISATION AU CAMEROUN

    Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue l'obtention du Diplôme de Master en Droit Public

    Option : Droit public interne

    Par:

    BELL BELL Luc René

    Licence en droit public

    Sous la direction de:

    Pr. MBALLA OWONA Robert

    Maître de conférences

    Année académique: 2017-2018

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page i

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    SOMMAIRE

    DEDICACE ii

    REMERCIEMENTS iii

    AVERTISSEMENT iv

    SIGLES ET ABRÉVIATIONS v

    RÉSUMÉ vi

    ABSTRACT vii

    INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

    PREMIÈRE PARTIE :

    LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU

    DEVELOPPEMENT LOCAL. 17

    CHAPITRE 1 :LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU

    DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE LOCAL 20
    SECTION 1 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES A

    L'ACTION ECONOMIQUE 21
    SECTION 2 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES A LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES ET A LA TRANSFORMATION DU

    MILIEU DE VIE 31
    CHAPITRE 2 :LE CONCOURS DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU

    DEVELOPPEMENT SOCIOCULTUREL LOCAL. 46
    SECTION 1 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU

    DEVELOPPEMENT LOCAL EN MATIERE D'ENSEIGNEMENT ET SOCIALE 47
    SECTION 2 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU DEVELOPPEMENT LOCAL EN MATIERE DE JEUNESSE, DIVERTISSEMENT ET

    CULTURE 60

    SECONDE PARTIE :

    LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES A LA

    DEMOCRATIE ET A LA BONNE GOUVERNANCE LOCALES 76

    CHAPITRE 1 : LA PARTICIPATION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES A

    LA DEMOCRATIE LOCALE 79
    SECTION 1 - LA PARTICIPATION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES EN

    MATIERE ELECTORALE 80
    SECTION 2 - LA PARTICIPATION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES EN MATIERE DE PROMOTION DES DROITS DE L'HOMME ET DE PRESERVATION DE

    LA PAIX 90
    CHAPITRE 2 :L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES À LA BONNE

    GOUVERNANCE LOCALE 103
    SECTION 1 - L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AUX PRINCIPES

    D'ETAT DE DROIT, D'ÉGALITÉ, DE PARTICIPATION ET D'EFFICACITÉ 104
    SECTION 2 - L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AUX PRINCIPES

    DE TRANSPARENCE ET DU CLIMAT DES AFFAIRES 117

    CONCLUSION GENERALE 130

    BIBLIOGRAPHIE 133

    TABLE DES MATIERES 143

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page ii

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    DEDICACE

    Aux mémoires de ma grand-mère et de FOUDA Stéphane Romain Loïc.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page iii

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    REMERCIEMENTS

    Nous remercions, très sincèrement et profondément, le Professeur MBALLA OWONA Robert pour avoir accepté de diriger ce travail ainsi que sa grande disponibilité tout au long de la conduite de ce travail.

    Nous tenons aussi à dire merci à leurs majestés qui ont bien voulu nous accorder de leur temps dans la collecte d'informations relatives au présent sujet et plus particulièrement S.M TSALA NDZOMO Guy et S.M BELL Luc René.

    Nous remercions également Madame NGO YAP LIBOCK Kitoña, MM. FOKO KOUAM Célestin et OMBEDE EBODE Dietrich Kévin pour la relecture et la correction de ce travail.

    Nous disons enfin merci à ma très grande famille et à mes amis pour leur soutien permanent.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page iv

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    AVERTISSEMENT

    L'université de Yaoundé II n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires et dans les thèses. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page v

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    SIGLES ET ABRÉVIATIONS

    (Liste non exhaustive ; seules les abréviations essentielles ont été reportées)

    Art. Article

    CNCTC Conseil National des Chefs Traditionnels du Cameroun

    CODESRIA Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en

    Afrique

    C.G.C.T.D Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées

    CRAPS Club de Réflexion sur l'Avenir de la Protection Sociale

    C.T.D Collectivité Territoriale Décentralisée

    CURAPP Centre Universitaires de Recherches Administratives et Politiques de

    Picardie

    DSCE Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi

    MINAT Ministère de l'Administration Territoriale

    MINATD Ex Ministère de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation

    MINDDEVEL Ministère de la Décentralisation et du Développement Local

    MINEPAT Ministère de l'Economie, de la Planification et de l'Aménagement du

    Territoire

    S.M Sa Majesté

    S.N.G Stratégie Nationale de Gouvernance

    U.C.A.C Université Catholique d'Afrique Centrale

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page vi

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    RÉSUMÉ

    Réforme majeure du Cameroun depuis son accession à l'indépendance, la décentralisation est un mode de gestion de l'Etat unitaire qui suppose des transferts de compétences et de moyens à des entités dotées de la personnalité juridique et de l'autonomie financière, qui s'administrent librement par des conseils élus. La décentralisation fait intervenir bon nombre d'acteurs parmi lesquels les chefferies traditionnelles. Ces dernières représentent un groupe humain établit sur un territoire, ayant un patrimoine commun et placé sous l'autorité d'un chef désigné suivant les modes de dévolution du pouvoir traditionnel.

    La relation chefferies traditionnelles / décentralisation permet de déterminer le rôle des premières sur cette dernière. Ainsi, il ressort que les chefferies traditionnelles participent d'une part au développement économique, social et culturel de leurs contrées, et d'autre part à la consolidation de la démocratie au niveau local et à l'ancrage de la bonne gouvernance à l'échelon local.

    Il convient de relever l'existence de quelques obstacles à la réalisation de ces missions. Ceux-ci peuvent être surmontés par une réelle appropriation des possibilités qu'offre la décentralisation et par la prise d'initiatives par nos autorités traditionnelles pour le développement de notre pays.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page vii

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    ABSTRACT

    Major reform of Cameroon since its independence, decentralization is a mode of management of the unitary State which suggests the transfer of skills and means to entities, endowed with legal personality and financial autonomy, which are administered freely by elected councils. Decentralization involves a large number of players, including the traditional chiefdoms. The latter represents a human group established on a territory, having a common heritage and placed under the authority of a chief designated according to the modes of devolution of the traditional power.

    The relationship between traditional chiefdoms and decentralization makes it possible to determine the role of the former over the latter. Thus, it appears that the traditional chiefdoms participate on the one hand in the economic, social and cultural development of their countries, and on the other hand in the consolidation of democracy and in the anchoring of good governance to the local level.

    It should be noted that there are some obstacles to the achievement of these missions. These can be overcome by a real appropriation of the possibilities offered by decentralization and by the taking of initiatives by our traditional authorities for the development of our country.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 1

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    INTRODUCTION GÉNÉRALE

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 2

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    Chefferies traditionnelles et décentralisation ? Cette interrogation pourrait susciter de l'étonnement car ces deux notions sont, à première vue, antagonistes. La première semble renvoyer à un prolongement de la déconcentration administrative1. Tandis que la seconde renvoie à une technique d'organisation administrative diamétralement opposée de la déconcentration. Cependant dans la pratique, « la chefferie traditionnelle (...) reste la structure de base incontournable dans la mise en oeuvre de la décentralisation2». La chefferie traditionnelle représentant la plus petite division du territoire3, elle ne saurait donc pas être mise en marge du processus de décentralisation si cher à notre pays4. Elle apparaît comme l'échelon de base bénéficiaire de la décentralisation.

    Il nous paraît donc opportun de s'intéresser à ces deux concepts mis ensemble après cette brève présentation. En se référant à la doctrine5, cette étude pourrait contribuer à une meilleure compréhension du rôle des chefferies traditionnelles dans le processus de décentralisation. Ne perdant pas de vue cet objectif, il sera question pour nous de présenter d'une part le cadre conceptuel de cette étude (I) et de dégager d'autre part son cadre opérationnel (II).

    I. LE CADRE CONCEPTUEL

    Le cadre conceptuel de ce sujet sera abordé au moyen du contexte de celui-ci (A), de la clarification terminologique des mots-clés (B), de la délimitation (C) et de l'intérêt (D) de ce sujet.

    A. LE CONTEXTE DE L'ETUDE

    Contextualiser c'est « replacer dans son contexte6». Le contexte quant à lui est l'ensemble des circonstances dans lesquelles s'insère un fait7, un évènement8. Remettre un

    1 Voir en ce sens les articles 19, 20 et 21 du Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant Organisation des chefferies traditionnelles sur les attributions du Chef traditionnel.

    2 BELL Luc René, Exposé sur le thème : « La chefferie traditionnelle dans la mouvance de la décentralisation », Travaux du Comité de pilotage et de suivi de l'étude sur l'organisation déconcentrée de l'Etat, Yaoundé, 18 décembre 2007.

    3 La chefferie de troisième degré en l'occurrence car elle représente un quartier ou un village. Voir article 3 du Décret N°77/245 du 15 juillet 1977 suscité.

    4 La décentralisation est au regard de l'évolution politique et juridique du Cameroun depuis 1960 la réforme majeure de l'Etat. Lire à ce propos ABOUEM à TCHOYI David et M'BAFOU Stéphane Claude (dir.), 50 ans de réforme de l'Etat au Cameroun : stratégies, bilans et perspectives, Yaoundé, L'Harmattan Cameroun, 2013.

    5 NACH MBACK Charles, « La chefferie traditionnelle au Cameroun : ambigüités juridiques et dérives politiques », Africa Development, Vol. XXV, N°3 et 4, 2000.

    6 Dictionnaire Le Petit Robert, 2011, p.525.

    7 Ibid.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 3

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    évènement, un fait, ou même un phénomène dans son contexte revient à relater celui-ci dans la conjoncture qui fut sienne sur des aspects divers (historique, juridique, social, politique...)9. « Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun » aborde des contextes variés que nous ne pouvons présenter de manière exhaustive. Cependant, nous nous limiterons à évoquer tour à tour les contextes historique (1) et juridique (2).

    1. LE CONTEXTE HISTORIQUE

    « Il faut comprendre ce que l'on a été pour savoir ce que l'on doit devenir10». Cette citation de Bernard NKUISSI permet de nous plonger dans l'histoire de la chefferie traditionnelle ainsi que dans celle de la décentralisation.

    Concernant d'une part la chefferie traditionnelle au Cameroun, il faut dire qu'elle a toujours existé11. Seulement le vocable chefferie traditionnelle n'est arrivé qu'avec les occidentaux. En effet, les garants de la tradition ont des dénominations différentes suivant le lieu où on se trouve. A titre d'exemple, on peut citer le Sultan chez les Bamoun et certains peuples du Grand Nord, le Fo et le Fon chez les peuples des Grass Fields, le Nkunkuma chez les Fang-Béti, le Mbombog chez les Bassa, le lamido dans le Grand Nord... Pour M. MOUGNOL Stéphane, « L'institution cheffale telle qu'elle est retrouvée en Afrique contemporaine est la résultante de nombreuses mutations qui n'ont pas été sans impact sur son originalité. En effet, les sociétés traditionnelles ont préexisté à l'État postcolonial12». Ces détenteurs du pouvoir traditionnel n'étaient pas toujours d'accord pour certains et hostiles pour d'autres avec les idéaux du colon. Ce dernier pour asseoir son autorité va créer des chefferies traditionnelles dans le but d'« en faire un instrument à son service puisque son action [de la chefferie traditionnelle] ne dépendait plus de la coutume13». C'est ainsi que certains garants de la tradition ont été mis à l'écart lors de la création des chefferies

    8 Kitoña NGO YAP LIBOCK, La fonction d'ordonnateur au Cameroun, Mémoire de Master en Droit Public option Droit Public Interne, Université de Yaoundé II, 2014, p.3.

    9 Ibid.

    10 NKUISSI Bernard, Nkongsamba. Les années obscures de la fondation de 1898 à 1923, Mémoire pour le DES d'Histoire, Lille, 1967, cité par GUIFFO Jean-Philippe, Le statut international du Cameroun 1921-1961, Editions de l'Essoah, 2007, p.9.

    11 KAMGA Léon, Dos kirdi ventre bantou : les sources de l'exception culturelle Bamiléké et Tikar, Afrédit, 2015, p.103.

    12 MOUGNOL Stéphane, Recherches sur le droit constitutionnel local dans les Etats d'Afrique noire francophone, Thèse de Doctorat en Droit Public, Université de Yaoundé II, 2019, p.82.

    13 NGUEMEGNE Jacques Philibert, Du dépérissement de l'organisation socio-politique de la chefferie traditionnelle Bayangam, Yaoundé, Mémoire Maîtrise, 1990 cité par Jean-Philippe GUIFFO, Le statut international du Cameroun 1921-1961, op. cit. p.137.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 4

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    traditionnelles tels le Mbombog chez les Bassa « qui n'a pas offert sa coopération14» à l'administration coloniale. Pour NACH MBACK Charles, « ce que l'on appelle aujourd'hui chefferie traditionnelle est une survivance des formes multiples d'organisations sociopolitiques qu'a connues l'Afrique avant la colonisation. Cette dernière a inventé les expressions de chefferie traditionnelle et de chef traditionnel dans un effort d'uniformiser une réalité dont la complexité lui échappait15».

    Concernant d'autre part la décentralisation, elle apparaît en 1827. Il faut préciser que le sens que ce mot avait au XIXème siècle n'est pas le même qu'il a actuellement. En effet, « la décentralisation était conçue comme le contraire de l'action de centraliser, c'est-à-dire, qu'elle consistait à enlever une partie de ses attributions au pouvoir central qui était le centre des décisions à la fois politiques et administratives. [...] Mais ce transfert d'attributions, baptisé à cette époque décentralisation n'était en réalité que de la déconcentration du sens donné de nos jours à ce terme16». Elle migrera progressivement pour se détacher complètement de la déconcentration. Elle aura donc pour but de pallier aux insuffisances de la déconcentration. Dans ce sens, les décisions ne sont plus prises « au nom et pour le compte de l'Etat, comme dans le cas de la centralisation ou de la déconcentration, mais au nom et pour le compte d'une collectivité locale, par un organe qui émane d'elle17». De ce fait « la décentralisation est, dans le monde, un fait marquant de la gouvernance publique en cette moitié du 20è siècle. Si dans les pays en voie de développement, et plus précisément les pays africains au Sud du Sahara, ce concept n'occupe une place prépondérante dans le discours politique que depuis quelques années, il a été mis en exergue, dans les pays développés, depuis plusieurs décennies18». Toutefois, il convient de relever que la décentralisation, en Afrique en général et au Cameroun en particulier, bénéficie de la part des pouvoirs publics, depuis quelques décennies, d'une réelle prise en compte au-delà des discours politiques et de sa consécration textuelle.

    14 BELL Luc René, « Améliorer l'efficacité de l'Etat à travers l'évolution de la Chefferie traditionnelle », in ABOUEM à TCHOYI David et M'BAFOU Stéphane Claude (dir.), Améliorer l'efficacité de l'Etat au Cameroun : Propositions pour l'action, L'Harmattan, 2019, p.540.

    15 NACH MBACK Charles, « La chefferie traditionnelle au Cameroun : ambigüités juridiques et dérives politiques », op. cit., p. 79.

    16 BODINEAU Pierre et VERPEAUX Michel, Histoire de la décentralisation, Paris, PUF, 2e éd, 1997, p.3.

    17 EKO'O AKOUAFANE Jean Claude, La décentralisation administrative au Cameroun, L'Harmattan, 2009, p.91.

    18 BIWOLE Gilbert, « Préface », in FINKEN Martin, Communes et gestion municipale au Cameroun : institution municipale, finances et budget, gestion locale, interventions municipales, Impression Groupe St François, 1996, p.5.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 5

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    2. LE CONTEXTE JURIDIQUE

    Le contexte juridique de la chefferie traditionnelle et de la décentralisation dans notre pays a été consacré avec l'arrivée de l'homme blanc.

    S'agissant d'une part de la chefferie traditionnelle, on recense les premières actions des chefs avant l'arrivée du colon. En effet, les chefs entretenaient déjà des relations commerciales et d'amitié avec d'autres peuples. Remontant l'histoire, l'on se souvient que les chefs Sawa, du fait de leur tension19, ont écrit à trois reprises aux autorités britanniques20, pour leur transmettre leur désir d'être placés sous protectorat anglais. Face à cette « déception21», ils vont se tourner vers les allemands. Les chefs Douala signeront avec les commerçants allemands de la firme WOERMANN le Traité Germano-Douala le 12 juillet 1884. On peut dire au regard de ce qui précède que ce sont les chefs traditionnels qui ont écrit la genèse de notre histoire constitutionnelle et politique. Ce n'est qu'en 1909 que le Dr SEITZ Theodor, gouverneur impérial allemand, au moyen d'une circulaire, accordera des traitements de faveur à certains chefs de communautés. La chefferie traditionnelle connaîtra sa véritable consécration juridique par l'arrêté N° 244 signé le 4 février 1933, par le gouverneur français Auguste François BONNECARRERE, fixant le statut des chefs coutumiers. Ce texte restera en vigueur jusqu'au passage du Cameroun oriental à l'indépendance et fera place à la loi N° 7/SC du 10 décembre 1960 sur la reconnaissance des chefferies du territoire camerounais. Elle fut modifiée pour réceptionner le changement de la forme de l'Etat intervenu en 1961. Il faudra encore attendre une seizaine d'années pour voir l'arrivée d'un texte novateur en la matière. Il s'agit en l'occurrence du décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles modifié et complété par le décret N° 2013/332 du 13 septembre 2013. A sa suite, l'on a eu deux lois notamment la loi N° 79/17 du 30 juin 1979 relative aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels et la loi N° 80/31 du 27 novembre 1980 dessaisissant les juridictions des affaires relatives aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels. En 1996, avec l'avènement de la nouvelle Constitution, la chefferie traditionnelle en ressortira ragaillardie22.

    19 Ces tensions découlaient des rivalités et querelles internes des chefs Sawa. Cf. Sosthène EFOUBA NGA, Cours d'Histoire des institutions et des faits sociaux, Université de Yaoundé II, Inédit, 2013-2014.

    20 Le Roi BELL écrit à la Reine Victoria en 1864 puis le Roi AKWA et les sous-chefs à la Reine et au Premier Ministre britannique en 1879.

    21 EFOUBA NGA Sosthène, Cours d'Histoire des institutions et des faits sociaux, Université de Yaoundé II, Inédit, 2013-2014.

    22 Voir Préambule et Article 1er alinéa 2 de la Loi N° 96-06 du 18 janvier 1996 portant modification de la Constitution du 02 Juin 1972.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 6

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    S'agissant d'autre part de la décentralisation, il faut dire que sa réception juridique au Cameroun a été faite à deux vitesses compte tenu de sa double administration par la Grande Bretagne et la France par le mandat de la Société Des Nations (SDN) et la tutelle des Nations Unies. Avec la gouvernance britannique, c'est en 1922 qu'une loi va créer les Native Courts qui sont des institutions locales. En 1948, une loi nigériane23 va créer les Native Authorities qui étaient des « structures locales placées sous la direction d'autorités traditionnelles et détenant le pouvoir de légiférer et d'établir les impôts sous le contrôle des district officers, sorte de préfets de l'époque24». Quant à la gouvernance française, le processus de décentralisation ne commence qu'en 1941 avec un décret du 23 avril portant création des communes mixtes de Yaoundé et de Douala. On assiste alors à « une décentralisation légère25» du fait de la nomination du conseil et de l'exécutif de la commune. Par la suite, interviendra le décret du 19 novembre 1947 portant réorganisation du régime municipal. Ce décret octroyait la possibilité au Haut-Commissaire de créer de nouvelles communes et de modifier celles existantes, la consécration de l'élection des organes de certaines communes. Après cette avancée relative, il a fallu attendre la promulgation de la loi du 18 novembre 1955 réorganisant l'institution municipale. Ce texte fit la distinction entre les communes de plein exercice et les communes de moyen exercice. Dès 1960, la Constitution du 4 mars reconnut les collectivités locales en ses articles 46 à 48. Celles-ci étaient dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière et s'administrant librement par des conseils élus. Cette situation ne dura qu'un an avec l'entrée en vigueur de la loi N° 61/24 du 1er septembre 1961 portant révision de la Constitution du 4 mars 1960 qui consacra la fédération au Cameroun. Ce n'est qu'en 1972 que la décentralisation refit surface au Cameroun grâce à la Constitution du 2 juin 1972 qui rétablit l'Etat unitaire avec la confirmation de « l'idéal décentralisateur26». Deux ans plus tard, le législateur prit la loi N° 74/23 du 5 décembre 1974 portant organisation communale modifiée et complétée par les lois N° 87/015 du 15 juillet 1987 et N° 92/003 du 4 août 1992. Avec l'avènement de la loi constitutionnelle de 1996, la décentralisation prendra un autre virage au Cameroun. En effet, en application de la Loi N° 96/06 du 18 janvier 1996 portant modification de la Constitution du 02 Juin 1972, d'autres textes verront le jour. Il

    23 Bien que sous mandat et tutelle britannique, le Cameroun occidental était géré comme une province du Nigéria.

    24 HOND Jean Tobie, Cours de Droit de la décentralisation, Université de Yaoundé II, Inédit, 2016-2017.

    25 Ibid.

    26 Ibid.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 7

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    s'agit des lois dites de décentralisation27, de la loi N° 2009/010 du 10 juillet 2009 portant régime financier des collectivités territoriales décentralisées, de la loi N° 2009/019 du 15 décembre 2009 portant fiscalité locale, de la loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code général des collectivités territoriales décentralisées et d'autres textes législatifs et réglementaires dont nous ferons l'économie dans les développements qui vont suivre.

    B. LA CLARIFICATION TERMINOLOGIQUE

    La clarification terminologique permet d'éviter toute confusion, il est donc important de définir, ou d'expliquer les concepts clés du sujet à traiter. Dans le cas d'espèce, il s'agira de « chefferie traditionnelle » (1) et de « décentralisation » (2).

    1. CHEFFERIE TRADITIONNELLE

    Afin de mieux comprendre le vocable « chefferie traditionnelle », nous analyserons tour à tour les mots « chefferie » puis « traditionnelle ».

    Chefferie vient du nom « chef », qui à son tour trouve ses racines du mot latin caput qui signifie tête. Pour FRANTZ FANON, la chefferie est une « ancienne division territoriale africaine, avant la colonisation28». Pour Le Petit Robert, elle représente une « unité territoriale sur laquelle s'exerce l'autorité d'un chef traditionnel29». Définie de cette manière, la chefferie est l'ellipse de chefferie traditionnelle.

    Traditionnelle est pour sa part le féminin du substantif masculin traditionnel qui signifie « qui est fondé sur la tradition30». La tradition renvoie pour sa part à la façon de faire, penser et agir d'un groupe social constituant son héritage et qui se transmet de générations en générations.

    La chefferie traditionnelle apparaît alors comme l'institution garante de la tradition ou coutume.

    Le décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant l'organisation des chefferies traditionnelles ne définit pas la chefferie traditionnelle. Le droit n'étant pas seulement le droit positif mais aussi le droit prospectif. La définition lege ferenda que nous avons trouvé provient d'un projet de décret émanant du Comité de pilotage et de suivi de l'étude sur la

    27 Il s'agit de trois lois promulguées le 22 juillet 2004 notamment la loi N° 2004/017 portant orientation de la décentralisation, la loi N° 2004/018 fixant les règles applicables aux communes et la loi N° 2004/019 fixant les règles applicables aux régions.

    28 FRANTZ FANON, Les damnés de la terre, Editions Maspero, 1961, p.90.

    29 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.412.

    30 Définition du Wiktionnaire, http://www.fr.wiktionary.org/wiki/traditionnel, consultée le 20 juin 2019.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 8

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    modernisation de l'administration territoriale et de la déconcentration31. Selon ce projet de décret, la chefferie traditionnelle « est considérée comme (...) toute communauté humaine fixée sur un territoire déterminé, ayant en principe un patrimoine ancestral commun, et placée sous l'autorité d'un chef désigné selon les modes traditionnels de dévolution du pouvoir ».

    Pour M. NACH MBACK, la chefferie traditionnelle est avant tout « une collectivité humaine établie sur une portion du territoire de l'Etat32 », ensuite elle est « le cadre d'exercice de ses compétences par une autorité justement dénommée chef traditionnel33». En somme, la chefferie traditionnelle est « un groupement humain dont les membres sont liés les uns aux autres par des solidarités anthropologiques pour former une communauté historique. Par conséquent, la chefferie, au-delà du chef lui-même est une communauté d'hommes et de femmes qui ont en commun le rattachement à un territoire donné34».

    2. DECENTRALISATION

    La décentralisation est l'« action de décentraliser35». Décentraliser pour sa part signifie « rendre plus autonome ce qui dépend d'un pouvoir central ». C'est aussi « donner le pouvoir de décision, dans la gestion administrative locale, à des collectivités territoriales, des personnes publiques élues par les administrés ». La décentralisation consiste alors à retirer certaines affaires du pouvoir central pour les attribuer aux collectivités locales.

    La doctrine, au regard de ce qui précède, a élaboré trois critères qui peuvent être utilisés séparément ou simultanément. Il s'agit de : la distinction entre affaires nationales et affaires locales36, l'autonomie juridique et financière des entités décentralisées et l'élection des organes décentralisés37.

    Au sens de la Loi N° 2004/017 du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation, et notamment en son article 2 alinéa 1, elle « consiste en un transfert par

    31 Voir l'Arrêté N° 130/CAB/PM du 6 octobre 2005 portant création du Comité de pilotage et de suivi de l'étude sur la modernisation de l'Administration territoriale et de la déconcentration. Ce comité avait pour mission la modernisation des textes relatifs à l'administration territoriale, à la déconcentration et à la chefferie traditionnelle.

    32 NACH MBACK Charles, « La chefferie traditionnelle au Cameroun : ambigüités juridiques et dérives politiques », op. cit., p. 77.

    33 Ibid., pp. 77-78.

    34 Ibid., p.80.

    35 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.628.

    36 Voir DE TOCQUEVILLE Alexis, De la démocratie en Amérique, Livre I, Chapitre V, Pagnerre, 1948.

    37 Voir VEDEL Georges, Droit administratif, PUF, 1961, p.460. Voir aussi ROIG Charles, « Théories et réalités de la décentralisation », Revue française de Science politique, 1966, p.449.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    l'Etat, aux collectivités territoriales décentralisées, de compétences particulières et de moyens appropriés ». L'alinéa 2 de l'article susvisé poursuit en disant que « La décentralisation constitue l'axe fondamental de promotion du développement, de la démocratie et de la bonne gouvernance au niveau local». L'article 3 quant à lui identifie les Régions et les Communes comme collectivités territoriales décentralisées tout en laissant la possibilité au législateur d'en créer d'autres types38.

    Ainsi définie par le législateur, la décentralisation apparaît uniquement sous son angle géographique ou territorial. En effet pour le Professeur Bernard-Raymond GUIMDO « il est usuel de distinguer deux types de décentralisation. D'une part la décentralisation territoriale, c'est-à-dire, celle qui intéresse les collectivités territoriales locales et d'autre part la décentralisation technique ou fonctionnelle, c'est-à-dire, celle qui concerne les institutions ou administrations spécialisées39». Et à ce dernier de poursuivre que « le premier donne naissance à des entités autonomes ayant une compétence générale locale alors que le second type donne naissance à des entités autonomes ayant une compétence spécialisée ».

    Pour le Lexique des termes juridiques, la décentralisation est un « Système d'administration consistant à permettre à une collectivité humaine (décentralisation territoriale) ou à un service (décentralisation technique) de s'administrer eux-mêmes sous le contrôle de l'État, en les dotant de la personnalité juridique, d'autorités propres et de

    ressources40».

    Plus concrètement, la décentralisation « consiste à créer ou à reconnaître l'existence des collectivités distinctes de l'Etat sur le plan juridique. Elles bénéficient de la personnalité morale et sont titulaires de droits et d'obligations, au même titre que les personnes physiques. La personnalité morale ne suffit sans doute pas à définir la décentralisation mais elle constitue une rupture juridique et politique importante par rapport à la déconcentration, car la collectivité cesse d'être une simple circonscription administrative de l'Etat pour devenir une entité relativement autonome. Elle possède ainsi des organes distincts de ceux de l'Etat (conseil élu, autorité exécutive) dispose de compétences propres, est propriétaire de biens,

    38 Cf. Loi N° 96/06 du 18 janvier 1996 portant modification de la Constitution du 2 juin 1972 en son article 55 al. 1 et Loi N° 2004/017 du 22 juillet d'Orientation de la décentralisation en son article 3 al. 3.

    39 GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, Cours de Droit administratif général 1, Université de Yaoundé II, Inédit, 2014-2015.

    40 GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry (Dir.), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 25e éd, 2017-2018, p.659.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    recrute du personnel, est titulaire d'un patrimoine et établit son propre budget ainsi, elle peut s'administrer librement41».

    In fine, la décentralisation est une forme d'organisation administrative de l'Etat unitaire qui reconnait à des entités infra étatiques la personnalité juridique et l'autonomie financière dans le but de gérer leurs affaires locales au travers de conseils élus.

    C. LA DELIMITATION DU SUJET

    La délimitation du sujet a pour but de fixer les limites de celui-ci. Elle apparait alors comme un outil de précision facilitant l'examen dudit sujet sans pour autant rejeter ce qui est étranger au cadre de travail déterminé en avance. La délimitation d'un sujet permet de mieux le circonscrire. Les balises retenues pour cette analyse concerneront le temps (1) mais aussi l'aspect matériel (2).

    1. LA DELIMITATION TEMPORELLE

    « L'espace peut inclure le temps et le lieu42». Le sujet « Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun » définit déjà lui-même le cadre géographique de l'étude. Il convient dès lors de lui fixer des balises temporelles.

    En ce qui concerne la période que va couvrir cette étude, elle part du protectorat allemand de 188443 jusqu'à nos jours suivant les différentes formes de l'Etat du Cameroun dans sa configuration actuelle.

    2. LA DELIMITATION MATERIELLE

    La délimitation matérielle permet de préciser l'angle sous lequel seront prises les notions étudiées.

    A ce niveau, le concept de chefferies traditionnelles ne fera pas l'objet de délimitation matérielle. L'on s'appesantira sur la délimitation matérielle de la décentralisation selon la distinction opérée par le cours de Droit administratif général 1 dispensé par le Professeur GUIMDO. En effet, et comme mentionné ci-haut, on peut distinguer la décentralisation territoriale ou géographique de la décentralisation technique ou fonctionnelle.

    41 BODINEAU Pierre et VERPEAUX Michel, op. cit., p.4.

    42 NGO YAP LIBOCK Kitoña, La fonction d'ordonnateur au Cameroun, Mémoire de Master en Droit Public option Droit Public Interne, Université de Yaoundé II, 2014, p.12.

    43 Traité Germano-Douala signé le 12 juillet 1884 entre les Chefs Douala et des commerçants allemands et entré en vigueur le 14 juillet 1884. Cf. EFOUBA NGA Sosthène, Cours d'Histoire des institutions et des faits sociaux, Université de Yaoundé II, Inédit, 2013-2014.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    Dans le cadre de ce travail, nous aborderons la décentralisation sous son volet territorial. La raison étant que ce type nous permet d'avoir un large spectre contrairement à la décentralisation fonctionnelle qui est éparse et pas toujours bien représentée.

    D. L'INTERET DU SUJET

    L'intérêt du sujet est le propre de tout travail scientifique. Il permet de dévoiler l'utilité, l'importance, les avantages, la contribution du sujet dans les domaines qu'il traite. L'intérêt du sujet participe à l'évaluation et à la démonstration de la pertinence du sujet. Le thème Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun présente un intérêt sur les plans scientifique (1), social (2) et politique (3).

    1. L'INTERET SCIENTIFIQUE

    La doctrine a beaucoup écrit sur la chefferie traditionnelle et encore plus sur la décentralisation. Mais les deux concepts mis ensemble n'ont pas encore fait l'objet de beaucoup de recherches d'après ce que l'on a constaté. Cette étude a alors pour but d'explorer la question pour faire ressortir sa pertinence. Elle peut aussi apporter un enrichissement sur la question. Il sera donc question de comprendre le rôle de l'institution garante de nos coutumes dans la mise en oeuvre du processus de décentralisation dans notre pays.

    2. L'INTERET SOCIAL

    Les populations, principales bénéficiaires de la décentralisation, vivant toutes sur le territoire d'une chefferie traditionnelle ne perçoivent pas toujours le rôle de cette dernière dans le déploiement de ce processus. Le foisonnement social de notre pays fait en sorte que les rapports avec l'autorité traditionnelle ne sont pas les mêmes partout. L'on observe que les autorités traditionnelles sont vénérées dans les Grass Fields et le Grand Nord alors que tel n'est pas le cas dans les régions du Centre, Sud, Est, Littoral et Sud-Ouest. Il paraît donc judicieux pour celles-ci de se saisir des implications de leur fonction dans le processus de décentralisation. Cette étude pourrait permettre d'éclairer plus d'un sur l'importance de la chefferie traditionnelle dans la mise en branle de la décentralisation.

    3. L'INTERET POLITIQUE

    Le contexte camerounais est marqué par l'émergence des partisans du fédéralisme et de la sécession. A côté de ces protagonistes, on a ceux qui pensent que l'accélération du

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    processus de décentralisation constitue la solution au mal-être social observé dans notre pays. Ce travail pourrait permettre, à notre humble avis, de réduire les tensions observées ci et là.

    La chefferie traditionnelle, collectivité de base de la société, peut sur le plan politique permettre l'accélération du processus de décentralisation et une meilleure compréhension de celui-ci par les populations.

    Il y a également à espérer qu'à travers cette contribution qui, peut-être, fera écho au plus haut sommet de l'État, le pouvoir central prenne beaucoup plus au sérieux les chefferies traditionnelles afin que celles aient une part belle dans le processus de décentralisation.

    II. LE CADRE OPERATIONNEL

    Le cadre opérationnel permet de dégager la démarche adoptée pour traiter le sujet. Il s'agira dans cette partie, de proposer une problématique (A) et une hypothèse de réponse (B) en expliquant la méthode (C) ayant mené à ce résultat ; et finalement, justifier les grandes articulations de ce travail (D).

    A. LA PROBLEMATIQUE

    La problématique c'est « un ensemble de questions que se posent une philosophie ou une science dans un domaine particulier44». La problématique peut aussi être « la présentation d'un problème sous différents aspects. Dans un mémoire de fin d'étude, la problématique est la question à laquelle l'étudiant va tâcher de répondre. Une problématique mal posée est un hors-sujet. C'est poser le problème de recherche (énoncé), en faire ressortir les informations pertinentes (termes) et être dans le bon cadre spatio-temporel. La construction de la problématique se fonde sur une vue exposée de la phrase qui rend compte des sous-entendus et permet de mettre en évidence les liens logiques entre les termes du sujet45».

    La présente étude porte sur la démonstration du rôle des chefferies traditionnelles dans la mise en oeuvre du processus de décentralisation. La chefferie traditionnelle et la décentralisation sont deux phénomènes qui ont été construit chacun de son côté. Il faut faire l'exégèse des textes en la matière pour pouvoir effectuer un rapprochement. Ainsi, le contact des chefferies traditionnelles avec la mouvance décentralisatrice de l'Etat n'a pas toujours été le même suivant l'évolution constitutionnelle et politique de notre pays. La chefferie

    44 Le Petit Larousse illustré, op.cit.

    45 Définition de Wikipédia, https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Probl%C3%A9matique, consultée le 6 juillet 2019.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    traditionnelle en tant qu'institution garante de nos us et coutumes a toujours existé sous des vocables différents en fonction du lieu où on se trouve. C'est avec l'arrivée des Allemands qu'elle connaîtra son insertion dans le droit. Si pendant l'occupation allemande le vocable décentralisation n'apparaît nulle part, il faudra attendre la période de mandat et de tutelle pour voir son apparition. Même à ce niveau, il n'existe véritablement pas une friction entre ces deux phénomènes. C'est avec l'indépendance du Cameroun oriental le 1er janvier 1960 qu'elle connaîtra une ascension particulière dans la Constitution du 4 mars 160. Cette ascension ne durera pas longtemps étant donné que l'Etat du Cameroun migrera de l'Etat Unitaire vers l'Etat Fédéral le 1er octobre 1961. Avec le retour à l'Etat Unitaire en 1972, la décentralisation reviendra de manière implicite vu qu'elle n'est pas formellement inscrite dans la Constitution du 2 juin 197246. Ce n'est qu'en 1996, aux termes de la Loi constitutionnelle du 18 janvier de la même année que la décentralisation reprendra véritablement son essence.

    Fort de ce qui précède, on est en droit de se demander quel est le rôle des chefferies traditionnelles dans le processus de décentralisation ?

    B. L'HYPOTHESE DE L'ETUDE

    Une hypothèse est, selon le dictionnaire Le Petit Larousse illustré, une proposition à partir de laquelle on raisonne pour résoudre un problème, pour démontrer un théorème. « C'est aussi une proposition de réponse qui résulte de l'observation et que l'on peut soumettre au contrôle de l'expérience ou vérifier par déduction. C'est donc une réponse ou une solution possible à une question ou à un problème donné47».

    A la lecture du décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles notamment en son article 20, ces institutions jouent un rôle dans le processus de décentralisation. A bien y regarder, l'on se rend compte que ce décret n'intègre pas complètement la variante décentralisation. L'article 22 du Projet de décret portant organisation des chefferies traditionnelles a pris en compte de manière explicite la mouvance de décentralisation. Celui-ci dispose en effet que les chefs traditionnels ont en charge de veiller à la sauvegarde et à la promotion des valeurs et coutumes ancestrales non contraires aux principes démocratiques; aux droits de l'homme et à la loi, de transmettre à la population les directives de l'Administration et d'en assurer l'exécution; collecter les doléances des populations pour les porter à l'attention de l'Administration et des Collectivités Territoriales

    46 La Constitution de la République Unie du Cameroun du 2 juin 1972 n'a pas en son sein un titre qui traite de la décentralisation contrairement aux Constitutions du 4 mars 1960 et du 18 janvier 1996 qui en disposent.

    47 NGO YAP LIBOCK Kitoña, La fonction d'ordonnateur au Cameroun, op. cit., p.17.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    Décentralisées; de veiller, sous le contrôle des autorités administratives compétences, au placement et au recouvrement des taxes et impôts de l'Etat ou des collectivités territoriales décentralisées; de concourir, sous la direction des autorités administratives, au maintien de l'ordre public et à la réalisation des actions de développement économique, social et culturel; d'organiser et d'assurer l'exécution des programmes d'hygiène et de salubrité publiques. L'article 20 du décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles dispose que « Indépendamment des tâches qui précèdent, ils [les chefs traditionnels] doivent accomplir toute autre mission qui peut être confiée par l'autorité administrative locale ».

    Pour sa part, la décentralisation a été consacrée par la loi N° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 et aménagée par trois lois du 22 juillet 2004 encore appelées lois de décentralisation. Ces trois lois constituent le noyau dur de la décentralisation. A côté de celles-ci, on peut adjoindre d'autres textes juridiques tels le Code électoral, les lois portant régime financier des collectivités territoriales décentralisées et fiscalité locale entre autres. Le Professeur Joseph OWONA assimile la décentralisation à « un moyen de développement, de la démocratie et plus particulièrement de la démocratie locale48 ». Allant plus loin et dans le même sens, MM. TANG ESSOMBA, FORBAH TANJONG et NDONGO pensent que « La décentralisation poursuit trois objectifs majeurs : promouvoir le développement des populations (...), impulser la participation des communautés locales dans la gestion de leurs affaires et renforcer la démocratie locale49». A la lecture de la loi N°2004/017 du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation, il en ressort que la décentralisation a, au niveau local, une triple portée notamment en matière de développement, de démocratie et de bonne gouvernance. L'hypothèse de la présente étude est justifiée par l'impact des chefferies traditionnelles sur le développement local, la démocratie et la bonne gouvernance à l'échelon local.

    C. LE CADRE METHODOLOGIQUE

    La réalisation d'un travail scientifique ne peut se faire ex nihilo. Celle-ci se doit de respecter certaines règles. Ces canons constituent la méthodologie à adopter pour parvenir à des résultats. La méthodologie englobe les méthodes et les techniques de recherche et de raisonnement propres à une science.

    48 OWONA Joseph, La décentralisation camerounaise, L'Harmattan, 2011, p. 9.

    49 TANG ESSOMBA Augustin Claude, FORBAH TANJONG Martin et NDONGO André Marie, « La décentralisation au Cameroun : un grand chantier démocratique », Télescope, vol. 11, n° 3, juin 2004, p.18.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    Pour analyser une donnée quelconque, la logique voudrait qu'on procède d'une certaine manière. Cette manière est la méthode de travail. Parler de méthode renvoie à présenter le procédé, la démarche rationnelle utilisée pour connaître ou pour démontrer une vérité. Les méthodes sont les opérations intellectuelles mises en oeuvre pour comprendre un sujet.

    Plusieurs méthodes existent en droit notamment la méthode historique, la méthode comparative et la méthode juridique. C'est cette dernière qui retiendra notre attention. Celle-ci peut être usitée soit au moyen de la dogmatique soit au moyen de la casuistique. La dogmatique c'est l'étude et l'analyse des textes, de la règle de droit. C'est l'exégèse des textes. Elle se borne donc par conséquent à l'examen du droit positif pour apporter des réponses aux problèmes soulevés. La casuistique en ce qui la concerne prend en compte la dimension sociologique et évolutive. En réalité, elle traduit « l'étude de la pratique ou de la jurisprudence pour résoudre une question donnée50». La casuistique apparaît alors comme le complément de la dogmatique pour une meilleure interprétation de la norme juridique. Pour une bonne analyse du rôle des chefferies traditionnelles dans le processus de décentralisation, nous ferons recours à ces deux méthodes.

    Une technique étant un «ensemble de procédés employés pour produire une oeuvre ou obtenir un résultat déterminé51». C'est elle qui permet de déboucher sur des résultats plus ou moins acceptables. Les recherches documentaires et enquêtes sur le terrain constituent les techniques utilisées dans l'accomplissement de ce travail.

    La recherche documentaire est « une étape du travail de recherche qui consiste à trouver des sources afin de s'informer sur un sujet, répondre à une question ou réaliser un travail52». Selon la brochure du Service Formation des Publics de l'Université d'Avignon, une bonne méthodologie de recherche a pour finalité de « faciliter la production d'un travail universitaire en alliant richesse documentaire et rigueur scientifique53». De ce fait, le droit - en vigueur et prospectif- ainsi que la doctrine en matière de droit administratif nous permettrons de relever le cadre juridique de rôle des chefferies traditionnelles dans le processus de décentralisation et d'en constater la dynamique.

    50 Ibid., p.19.

    51 Définition de Le Petit Robert, 2011, p. 2516.

    52 La recherche documentaire, https://www.google.com/amp/Methodologie/Rapport-de-stage/Expose-La-recherche-documentaire-103349.html , consultée le 19 juillet 2019.

    53 Université d'Avignon, Service Formation des Publics, Brochure intitulée Méthodologie de la recherche documentaire : principes clés.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    Le Petit Robert de 2011 définit une enquête comme une « étude d'une question sociale, économique, politique...par le rassemblement des avis, des témoignages des intéressés». Il s'agit donc d'une manière de procéder qui vise la collecte et le traitement des informations sur le terrain. Le recueil de ces informations sera fait à deux niveaux notamment auprès des populations, principales bénéficiaires de la décentralisation, et auprès de ceux qui incarnent le pouvoir traditionnel à savoir les chefs traditionnels et les notables.

    D. L'ARTICULATION ET LA JUSTIFICATION DU PLAN

    Le rôle que jouent les chefferies traditionnelles dans la mouvance de décentralisation est transversal, il n'est pas seulement contenu dans la loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code général des collectivités territoriales décentralisées. Il est également contenu dans plusieurs instruments juridiques. Mais le Code général des collectivités territoriales décentralisées permet de résumer ce rôle. Après la lecture de l'article 5 alinéa 2 de la loi citée ci-haut, on peut retenir d'une part que le rôle des chefferies traditionnelles dans le processus de décentralisation peut être appréhendé en matière de développement au niveau local(première partie) et d'autre part que celui-ci peut être lu en matière de démocratie et de bonne gouvernance locales(seconde partie).

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    PREMIÈRE PARTIE :

    LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES
    TRADITIONNELLES AU DEVELOPPEMENT LOCAL

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    « Toute personne physique ou morale peut formuler, à l'attention de l'Exécutif Communal ou Régional, toutes propositions tendant à impulser le développement de la Collectivité Territoriale concernée ou à améliorer son fonctionnement. » Tel est la quintessence de l'alinéa 1er de l'article 40 de la Loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées. Pour sa part, l'article 41 du même code va plus loin en précisant que « Les associations et organisations de la société civile locales, ainsi que les comités de quartier et de village concourent à la réalisation des objectifs des Collectivités Territoriales. » A la lecture de ces deux articles du CGCTD, l'on peut penser que les chefferies traditionnelles ont une contribution à apporter en matière de développement au niveau local.

    Le développement est, pour les économistes, un ensemble de transformations techniques, sociales et culturelles qui permettent l'apparition et la prolongation de la croissance économique ainsi que l'élévation des niveaux de vie des citoyens.

    Le développement local est une « nébuleuse54» pour M. STEVENIN Jacques au regard du foisonnement des divergences des territoires locaux. Une chose peut revêtir une considération de développement local à Yoko et pas nécessairement à Fundong du fait de la divergence des conditions de vie et d'esprit des populations qui y vivent55. Faisant fi de cette considération, M. GREFFE définit le développement local comme « un processus de diversification et d'enrichissement des activités économiques et sociales sur un territoire à partir de la mobilisation et de la coordination de ses ressources et de ses énergies. Il sera donc le produit des efforts de sa population et fera d'un espace de contiguïté un espace de solidarité active56». C'est donc « une démarche volontaire d'acteurs intéressés à l'amélioration des conditions de vie dans leur environnement immédiat57». De manière simpliste et pour terminer, le développement local est un processus par lequel une communauté participe au façonnement de son propre environnement en vue d'améliorer la qualité de vie de ses habitants. L'on peut donc s'apercevoir que « s'il est vrai que les multiples responsabilités des maires ne leur permettent pas toujours d'être disponibles pour

    54 STEVENIN Jacques, « Le développement local dans les pays développés », Actes de la Journée de l'Association de Professionnels - Développement Urbain et Coopération : Les ressources du développement local, 10 septembre 2004, p.60.

    55 Lire les différents critères proposés par DUBRESSON Alain et FAURE Yves-André, « Décentralisation et développement local : un lien à penser », Tiers-Monde, Tome 46, N° 181, pp. 7-20.

    56 GREFFE Xavier, Le développement local, Paris, éd. de L'Aube - DATAR, 2002, p.10.

    57 Ministère de l'Intérieur et de la Décentralisation du Niger, Lexique des termes de la décentralisation et du développement local, p.10.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    la gestion quotidienne de leur localité, l'envergure de ceux [des chefs traditionnels] qui exerçaient parallèlement de hautes fonctions politiques ou administratives étaient souvent un atout pour leur localité. Il reste à espérer que ceux-ci [les chefs traditionnels] joueront pleinement leur rôle d'élite attendu d'eux pour apporter leur contribution au développement de leur localité58 ».

    Pour sa part, l'Union Africaine définit le développement local comme « la mobilisation de l'ensemble des ressources humaines, économiques, socioculturelles, politiques et naturelles locales, pour l'amélioration et la transformation des conditions de vie, des communautés et des collectivités au niveau local59».

    Le développement local a deux aspects. Le premier touche au volet économique et le second au volet socioculturel. Il apparaît difficile de les dissocier car l'un ne peut coexister sans l'autre. D'où ces interactions entre les deux volets.

    En l'absence d'un rôle clairement défini par les textes, la chefferie traditionnelle est appelée, dans la pratique, à apporter une contribution significative au développement local. D'une part, en tant que garante des us et coutumes et par ricochet de la trajectoire que prend le style de vie des populations et d'autre part, en tant que bénéficiaire de ce développement local.

    Le développement local incluant deux dynamiques, la contribution des chefferies traditionnelles à celui-ci se fera également à deux niveaux. Premièrement, par la participation des chefferies traditionnelles au développement économique local (chapitre 1). Secondement, par l'apport des chefferies traditionnelles au développement socioculturel local (chapitre 2).

    58 NGANE Suzanne, La décentralisation au Cameroun : Un enjeu de gouvernance, Afrédit, 2008, p.90.

    59 Article 1er de la Charte Africaine des valeurs et des principes de la décentralisation, de la gouvernance et du développement local du 27 juin 2014.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    CHAPITRE 1 :

    LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU
    DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE LOCAL

    Le développement économique local est « un processus de transformation orienté sur la manière dont sont prises les décisions économiques et politiques à l'échelon local, l'objectif final étant d'améliorer les conditions de vie de la société locale de manière participative60». L'on peut donc au regard de ce qui vient d'être dit que le développement économique local est l'appropriation par toutes les composantes de la société au niveau local du déploiement de l'ensemble des activités relatives à la production et à la vente des biens et services.

    L'Union Africaine a défini le développement économique local comme « un élément du développement local qui met l'accent sur la mobilisation des ressources endogènes et des connaissances et compétences locales de manière à attirer des investissements pour générer des activités économiques inclusives et la croissance, et favoriser la redistribution équitable des ressources61».

    Comme le dit si bien Charles NACH MBACK, « La décentralisation est également associée au développement local. Cette association s'inscrit dans les théories qui en appellent à la réforme économique de l'Etat en termes d'une réduction de son interventionnisme économique62». Ce retrait de l'Etat se fait au profit d'autres acteurs locaux à l'exemple des chefferies traditionnelles.

    Il se dégage de ce qui vient d'être dit que les chefferies traditionnelles sont appelées à jouer deux rôles dans le processus de développement économique local. Le premier est un rôle de participation dans la prise des choix économiques locaux. Le second a trait à une implication véritable dans ce processus par des actions concrètes.

    La lecture du Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant Organisation des chefferies traditionnelles est assez édifiante quant au rôle du chef traditionnel en matière de

    60 Direction du développement local et de la coopération de la Confédération Suisse, Document de travail sur la décentralisation et la gouvernance locale, novembre 2007, p.10.

    61 Article 1er de la Charte Africaine des valeurs et des principes de la décentralisation, de la gouvernance et du développement local du 27 juin 2014.

    62 NACH MBACK Charles, Démocratisation et décentralisation : genèse et dynamiques comparées des processus de décentralisation en Afrique subsaharienne, Karthala-PDM, 2003, p. 37.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    développement. Premièrement, les chefs traditionnels peuvent « concourir, sous la direction des autorités administratives compétentes, (...) au développement économique (...) de leurs unités de commandement63». Secondement, les autorités traditionnelles « doivent accomplir toute autre mission qui peut être confiée par l'autorité administrative locale64». L'on fait le constat que cette disposition formule une obligation à l'endroit des chefs par l'emploi du verbe devoir.

    Le Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées confère un statut spécial aux Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest conformément à l'article 62 de notre constitution. Ce qui nous intéresse ici est la création au sein de chacune de ces deux régions d'une assemblée régionale subdivisée en deux chambres à savoir la house of divisional representatives et la house of Chiefs. Cette dernière comprend vingt membres et dispose de deux commissions. Celle qui marque notre attention est celle chargée du développement économique de la région65. L'on peut alors aisément penser que ces chefs apporteront une pierre à l'édifice de construction du développement économique de la région.

    Ainsi formulée, la contribution des chefferies traditionnelles pourra alors être analysée, à la lecture du Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées, à deux niveaux. D'une part, les chefferies traditionnelles sont conviées à contribuer à l'action économique au niveau local (section 1). D'autre part, ces dernières sont à même de contribuer à la gestion des ressources naturelles et à la transformation du milieu de vie des populations locales (section 2).

    SECTION 1 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES A
    L'ACTION ECONOMIQUE

    L'arsenal juridique en matière de décentralisation66 évoque la question de l'action économique sans pour autant la définir. A l'analyse de l'énumération faite pour désigner les compétences transférées aux CTD en matière d'action économique, l'on peut dire qu'elle a trait aux activités génératrices de revenus. De ce fait, on peut citer les activités agricoles,

    63 Article 20 alinéa 2 du Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant Organisation des chefferies traditionnelles.

    64 Article 20 alinéa 3 du décret précité.

    65 Article 338 du CGCTD.

    66 Sur la question de l'action économique, voir le CGCTD en ses articles 156 et 267, la Loi N° 2004/018 du 22 juillet 2004 portant règles applicables aux communes en son article 15 et la Loi N° 2004/019 du 22 juillet 2004 portant règles applicables aux régions en son article 18.

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    pastorales, piscicoles, l'artisanat, le tourisme, les microprojets générateurs de revenus et d'emplois et surtout la petite et moyenne entreprise.

    Il est alors de leur « devoir de promouvoir les productions spécifiques de leur localité, dans les domaines de l'artisanat, (...) de l'agriculture, de l'élevage, de la pêche...67» ainsi que « d'animer l'activité économique de leur territoire en organisant des forums de rencontres et d'échanges68 » tels les expositions commerciales locales69, foires et salons70.

    La contribution des chefferies traditionnelles à l'action économique peut alors être mise en branle au moyen d'une part de la promotion des activités génératrices de revenus (§1) et d'autre part de la promotion d'un cadre en faveur desdites activités (§2).

    §1 - La promotion des activités génératrices de revenus

    Les activités génératrices de revenus sont « des petites activités économiques au profit des couches sociales pauvres, ne nécessitant pas un grand apport financier, mais rapportant des gains qui permettent la prise en charge des besoins biologiques et sociaux de la famille71». Cette définition a l'inconvénient de limiter les activités génératrices de revenus aux personnes pauvres et aux activités de commerce à faible rendement, excluant de ce fait l'entreprenariat voire l'auto-emploi.

    Dans la promotion des activités génératrices de revenus, les chefferies traditionnelles apportent leur appui tant au plan matériel et financier (A) que sur le plan technique et technologique (B).

    A) L'appui au plan matériel et financier

    L'appui des chefferies traditionnelles peut être matériel (1) ou financier (2).

    1) L'appui matériel des chefferies traditionnelles

    Un appui matériel étant une aide en matières, c'est un apport physique et concret. Les chefferies traditionnelles peuvent apporter leur appui matériel au développement des activités

    67 NGANE Suzanne, op. cit., p.39.

    68 Ibid.

    69 Cf. Article 156 CGCTD.

    70 Cf. Article 267 CGCTD.

    71 NDIONE Léon Michel, L'apport des activités génératrices de revenus dans l'amélioration des conditions socioéconomiques des femmes handicapées motrices de la Commune Bambey : étude à partir de l'association féminine des handicapés moteurs de la Commune Bambey, Mémoire du Diplôme d'Etat d'assistance sociale, Ecole Nationale de développement sanitaire et social, Dakar, 2007 p.5.

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    génératrices de revenus par deux moyens au moins. D'une part, il peut s'agir d'un appui propre et d'autre part d'un appui résultant du plaidoyer des chefferies traditionnelles.

    Ainsi, au plan communal, les autorités traditionnelles peuvent apporter leur appui en matière agricole, cela passe par la mise à la disposition des terres cultivables au profit des agriculteurs et plus particulièrement les jeunes et les femmes en vue de garantir leur autonomie. Cela passe également par l'offre du matériel de travail selon les moyens de chaque chefferie. On peut également énumérer la remise des intrants agricoles tels les semences, engrais, pesticides, etc.

    En matière pastorale, l'on peut citer la mise à disposition des terres de pâturage, la remise des espèces en vue de constituer le cheptel, les éléments de base relatifs à l'alimentation tels les herbes, les déchets végétaux et animaux, etc.

    En ce qui concerne la pisciculture, l'appui matériel des chefs traditionnels peut consister en la mise à la disposition des pisciculteurs des espaces pour les étangs, la remise du matériel d'appui et les intrants nécessaires à la réalisation de cette activité.

    En ce qui concerne à présent l'artisanat, l'appui matériel des chefferies traditionnelles se matérialise à deux niveaux. D'une part par l'accompagnement des artisans, les chefs traditionnels étant les garants de la tradition, ils peuvent inspirer ceux-ci dans la réalisation de leurs oeuvres d'art qui sont le reflet de notre culture et de notre identité. D'autre part par une facilité d'accès aux éléments d'art tels les éléments végétaux, organiques, le matériel artistique nécessaire à l'accomplissement de l'artisanat.

    En matière de tourisme, leurs majestés peuvent jouer deux rôles notamment l'accompagnement des promoteurs ou entrepreneurs touristiques par la mise à disposition d'espaces dédiés au tourisme tels que les sites touristiques, les lieux d'hébergement et de restauration ainsi que les équipements indispensables au tourisme. Les chefs traditionnels peuvent aussi jouer un rôle d'attrait des entrepreneurs touristiques dans leurs localités à potentiel touristique et de ce fait des touristes qui apporteront un plus à l'économie locale.

    Au plan régional, la tâche parait plus ardue au regard de l'étendue des régions. Toutefois, ce qui vient d'être dit ci-haut en matière communale peut-être transposé mutatis mutandis en matière régionale. Ce qui change ici c'est la taille de l'apport.

    Cet appui matériel des chefs traditionnels est de nature à promouvoir les activités génératrices de revenus et par conséquent d'améliorer le tissu économique local et les

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    finances personnelles de ceux qui exercent ces activités. Les chefs peuvent aussi apporter un appui financier.

    2) L'appui financier des chefferies traditionnelles

    Un appui financier est un soutien en termes d'argent ou tout ce qui tient lieu. Les autorités traditionnelles apportent leur appui financier au développement des activités génératrices de revenus par un apport propre ou par un concours auprès des investisseurs ou donateurs en vue de les accompagner.

    Tous les chefs traditionnels n'ayant pas le même pouvoir financier, l'appui financier de ceux-ci sera différemment apprécié suivant chaque chefferie. De ce fait, suivant leurs moyens, les chefs traditionnels peuvent venir en aide directement aux personnes exerçant dans ces domaines de deux manières au moins. Premièrement, il peut s'agir d'un programme d'appui initié par les soins du chef et qui ambitionne apporter une aide financière aux personnes désireuses de se lancer dans des activités génératrices de revenus ou celles qui y sont déjà mais éprouvent des difficultés financières. Secondement, il peut s'agir d'une aide spontanée résultant d'une sollicitation par un particulier en vue de réaliser un microprojet générateur de revenus. Dans ce cas, le sentiment affectif est de mise. Le chef aidera en fonction des affinités avec la personne.

    Les chefferies traditionnelles peuvent également appuyer les activités génératrices de revenus par un plaidoyer auprès d'instances à même de financer ces activités ou projets. Le chef mettra alors en avant son entregent pour faciliter aux porteurs de projets l'accès aux financements nécessaires à l'accomplissement de leurs activités.

    A la lecture des articles 156 et 267 du Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées, l'on relève comme compétence dévolue aux collectivités territoriales l'appui aux microprojets générateurs de revenus et d'emplois. Ceci rentre dans le sillage de l'appui financier des chefferies traditionnelles aux porteurs de ce type de projets.

    L'appui financier des chefferies traditionnelles à l'endroit de ceux exerçant des activités génératrices de revenus peut également être accompagné d'un appui technique et technologique à ces derniers.

    B) L'appui au plan technique et technologique

    L'appui des chefferies traditionnelles peut aussi être technique (1) ou technologique (2). Il ressort que ces appuis sont pour la plupart théoriques donc immatériels. Ils rassemblent

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    l'ensemble des connaissances nécessaires à la réussite des activités génératrices de revenus pour les porteurs de projets ainsi que ceux qu'ils emploient.

    1) L'appui technique des chefferies traditionnelles

    Apporter un appui technique revient à donner son expertise en se basant sur l'ensemble des acquis formels et informels liés à la pratique d'une activité. Cet appui peut être fait en direction des personnes ou structures. Dans la promotion des activités génératrices de revenus, les chefferies traditionnelles apportent leur appui technique au moyen de plusieurs procédés à l'instar des formations, séminaires, stages et apprentissages.

    S'agissant d'abord de la formation, elle peut être initiale ou continue. On parlera de formation initiale lorsque que les chefferies traditionnelles mettent à la disposition des personnes désireuses d'exercer des activités génératrices de revenus des connaissances leur permettant de se lancer dans lesdites activités sans trop de difficultés. On peut par exemple citer la formation à la culture du cacao et du café, la formation aux métiers de l'artisanat et la formation à la pisciculture. L'on retient ici que l'apprenant ressort nanti d'une connaissance pratique.

    S'agissant ensuite des séminaires, il s'agit pour les chefferies traditionnelles de réunir les professionnels et/ou les porteurs de projets en vue de l'étude et de l'approfondissement de leurs connaissances sur un sujet donné. Ça peut par exemple le cas d'un séminaire de formation à l'endroit des agriculteurs sur l'utilisation responsable des pesticides. Un séminaire de formation aux nouvelles techniques piscicoles. Ou d'un séminaire à l'endroit des porteurs de projets sur la manière de monter un projet viable et rentable.

    S'agissant enfin des stages et apprentissages, il est question ici de mettre en pratique les connaissances acquises. Les chefferies pourront alors s'assurer que les apprenants ont bien assimilé les connaissances qui leur ont été données. L'on pourra, par exemple, en matière agricole avoir un champ expérimental. En matière de projets créateurs d'emplois et de revenus avoir un incubateur de projets.

    L'appui technique des chefferies traditionnelles en matière de promotion des activités génératrices de revenus ne saurait au regard de la mondialisation galopante d'un appui technologique de la part de ceux-ci.

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    2) L'appui technologique des chefferies traditionnelles

    L'appui technologique est difficilement dissociable de l'appui technique dont il est le corollaire direct. On s'étendra ici sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication par l'utilisation de l'outil informatique et par la formation à cet outil. Il appartient donc aux chefferies traditionnelles d'apporter un appui en matière technologique aux personnes touchées par ces activités.

    D'une part, il est de notoriété publique que les technologies de l'information permettent d'alléger la tâche à l'homme par la réduction de la charge de travail, la rapidité des opérations et l'optimisation des activités et par conséquent des bénéfices. Ces nouvelles technologies ont le mérite d'apporter de nouveaux procédés simplifiant la charge des activités. Elles ont aussi le mérite d'offrir des domaines innovants souvent implémentés par des startup. Il est donc du devoir du chef traditionnel de porter auprès de sa population ces outils innovants pour le rayonnement des activités génératrices de revenus.

    D'autre part, l'apport technologique des chefferies traditionnelles consistera en la vulgarisation de l'outil informatique. Ceci passe par l'utilisation de l'outil informatique et la formation à l'outil informatique. S'agissant de l'utilisation de l'outil informatique, les chefs traditionnels ont la lourde tâche de promouvoir l'utilisation de l'outil informatique en vue de mener de manière efficiente les activités génératrices de revenus. S'agissant de la formation à l'outil informatique, elle peut avoir deux volets. Le premier volet a trait à la formation des formateurs, ces derniers auront pour mission de former des personnes exerçant ou souhaitant exercer des activités génératrices de revenus en vue de leur donner toutes les clés nécessaires, en matière informatique, pour la réussite de leurs activités. Le second volet consiste à la formation initiale des artisans par les chefferies traditionnelles au cours des programmes saisonniers ou spontanés de formation. Ces deux volets devront alors être mis en branle par le truchement des chefferies traditionnelles pour une utilisation optimale en vue de garantir le succès de ces personnes dans les activités génératrices de revenus.

    L'appui technologique constitue l'ultime point relatif à la promotion des activités génératrices de revenus. Les chefferies traditionnelles apportent également leur concours pour la promotion d'un cadre favorable à l'accompagnement de ces activités.

    §2 - La promotion d'un cadre favorable à ces activités

    La promotion d'un cadre favorable par les chefferies traditionnelles aux activités génératrices de revenus passe nécessairement par la promotion d'infrastructures et

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    d'évènements favorables au développement de ces activités (A) et par la vulgarisation des politiques publiques nationales et locales en matière d'activités génératrices de revenus (B).

    A) La promotion des infrastructures et évènements propices au développement desdites activités

    La promotion des infrastructures (1) et évènements propices (2) au développement des activités génératrices de revenus par les chefferies traditionnelles constitue la première trame de la promotion d'un cadre favorable à ces activités.

    1) La promotion d'infrastructures liées aux activités génératrices de revenus La promotion des infrastructures liées aux activités génératrices de revenus peut trouver un ancrage dans le Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées en ses articles 156 et 267. L'économie de ces dispositions révèle qu'il s'agit essentiellement d'infrastructures communautaires à l'instar des marchés, abattoirs, gares routières et autres infrastructures abritant les projets générateurs de revenus.

    S'il est a été « observé que les petites et moyennes entreprises se développement plus aisément dans l'environnement d'une petite agglomération72», il est donc du devoir des chefs locaux de promouvoir des infrastructures nécessaires au développement harmonieux de ces activités de concert avec les autorités administratives locales car ces activités sont plus productives « dans les villes secondaires que dans grandes villes qui créent des dépenses additionnelles à la production73».

    N'oubliant que ces infrastructures sont généralement publiques, ce qui place alors les autorités administratives locales et même nationales comme les principaux maîtres d'ouvrage ou maîtres d'ouvrage délégués de ces infrastructures. Les chefs peuvent alors intervenir par des plaidoyers auprès des autorités administratives locales et des investisseurs. Pour ce faire, les chefferies peuvent demander à la collectivité locale la construction et l'équipement des marchés, gares routières, abattoirs, routes et pistes agricoles dans le but de favoriser les activités génératrices de revenus. Elles peuvent également soumettre aux investisseurs de bâtir des infrastructures pour l'éclosion des activités génératrices de revenus. Ceci permettra aux populations d'utiliser ces infrastructures, aux investisseurs d'avoir un retour sur investissement et d'alléger la tâche à la collectivité locale dont les ressources financières sont le plus souvent limitées.

    72 NGANE Suzanne, op. cit., p. 102. 73Ibid.

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    La promotion des infrastructures nécessaires au développement des activités génératrices de revenus par les autorités traditionnelles s'avère être importante, au regard de ce qui vient d'être dit, il apparaît alors judicieux pour celles-ci de promouvoir également des évènements propices aux activités génératrices de revenus.

    2) La promotion d'évènements propices aux activités génératrices de revenus

    La promotion d'évènements favorables au développement des activités génératrices est encadrée par les articles 156 et 267 du CGCTD. A l'exégèse de ces derniers, il apparait alors judicieux pour les chefs traditionnels de promouvoir l'organisation d'expositions commerciales locales74, des foires et salons75. Il est à noter qu'il ne s'agit pas toujours d'évènements purement économiques. Il peut s'agir d'un évènement à vocation culturelle mais impliquant des opérateurs économiques, des artisans et commerçants. La finalité étant de faire en sorte ceux qui exercent des activités génératrices de revenus en sortent gagnants sur le plan financier.

    Relativement à l'organisation d'expositions commerciales locales, on peut avoir deux cas de figures à ce niveau. Dans le premier cas de figure, cette organisation incombe totalement à la chefferie qui pourra s'entourer de sponsors et de personnes qualifiées pour y parvenir. Il peut par exemple s'agir d'un marché périodique de commerce de vivres frais et produits de première nécessité, l'organisation d'une exposition commerciale thématique sur un ou deux produits phares de la localité. Dans le second cas de figure, l'idée de création de telles expositions peut émaner d'une chefferie. L'implémentation sera alors faite par la collectivité territoriale ou des particuliers.

    Relativement à l'organisation des foires et salons, l'on passe à une dimension beaucoup plus grande que les expositions commerciales locales. Ces foires et salons sont généralement organises en région ce qui limite l'intervention des chefferies traditionnelles dans ce domaine. Toutefois, elles peuvent concourir à leur organisation au moyen d'actions précises telles la consultation, l'apport multiforme, l'exposition de leurs éléments de culture à ces évènements et la commercialisation d'éléments reflétant leurs cultures.

    En somme, les autorités traditionnelles de concert entre elles peuvent créer des évènements à caractère touristique. Ce qui permettra de créer de la valeur ajoutée. Tel est par exemple le cas de la semaine culturelle des peuples riverains du fleuve Sanaga des rives

    74Article 156 CGCTD. 75Article 267 CGCTD.

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    traversant les départements de la Lékié et celui du Mbam et Inoubou. Les chefs traditionnels de ces deux rives organisent annuellement ces activités permettant ainsi à la localité hôte d'engranger des bénéfices.

    La promotion d'évènements propices aux activités génératrices de revenus par les chefferies traditionnelles permet aux acteurs économiques locaux de se refaire une santé financière. Ces évènements étant ponctuels, il semble alors opportun, pour les autorités traditionnelles, de miser sur le long terme par la vulgarisation des politiques publiques nationales et locales en matière d'activités génératrices de revenus.

    B) La vulgarisation des politiques publiques nationales et locales en la matière

    En vue de promouvoir les activités génératrices de revenus, les chefferies traditionnelles sont appelées à vulgariser dans ce domaine les politiques publiques nationales (1) et locales (2).

    1) La vulgarisation des politiques publiques nationales

    Les politiques publiques nationales destinées à la réduction de la pauvreté par les activités génératrices de revenus englobent les actions menées par l'Etat et ses partenaires.

    D'une part, les politiques publiques nationales stricto sensu sont essentiellement des programmes contenus dans le Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi, des programmes ponctuels mis en oeuvre par le Gouvernement de la République. Concernant d'une part le DSCE, il énumère une panoplie de programmes destinés à la création d'activités génératrices de revenus tels le Programme d'installation de quinze mille jeunes agriculteurs76, le Pacte National pour l'Emploi des Jeunes (PANEJ), le Projet d'Appui aux Acteurs du Secteur Informel (PIAASI), le Programme d'Appui à la Jeunesse Rurale et Urbaine (PAJER-U), le Projet d'Insertion Socio-Economique des Jeunes à travers la Fabrication des Matériels Sportifs (PIFMAS) et le Service National de Participation au Développement77. Nous avons également le Programme de Promotion de l'Entreprenariat Agropastoral des jeunes (PEA - Jeunes) avec l'appui technique et financier du Fonds International de Développement Agricole (FIDA). Ainsi présentés, ces projets ne sauraient résumer les politiques nationales en la matière car le DSCE en lui-même constitue une source de création de richesses. Concernant d'autre part les programmes ponctuels, on peut citer les projets logés au sein des

    76 Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi : cadre de référence de l'action gouvernementale pour la période 2010-2020, Août 2009, p.89.

    77 Pour voir ces projets, DSCE p.90.

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    départements ministériels destinés à appuyer les porteurs de projets. On peut citer les domaines de l'agriculture, de l'élevage, des pêches, du numérique, etc. Il appartient alors aux chefs traditionnels de vulgariser ces politiques publiques auprès de leurs populations respectives pour que celles-ci puissent en bénéficier

    D'autre part, les politiques de lutte contre la pauvreté menées par les partenaires au développement du Cameroun sont également à vulgariser par les chefs traditionnels. On peut citer le Programme Filets Sociaux initié par la Banque Mondiale qui vise à doter les personnes indigentes d'une « allocation monétaire78» pour pouvoir mener des activités génératrices de revenus en vue de subvenir à leurs besoins. Nous pouvons également citer les projets de la Banque Africaine de Développement (BAD), de l'Agence Française de Développement (AFD), de l'Agence Allemande de Coopération (GIZ) et de l'Agence Néerlandaise de Développement (SNV), le Programme d'Appui à la Société Civile (PASC) de l'Union Européenne, etc.

    Les politiques publiques nationales et des partenaires de l'Etat sont souvent très nombreuses et éparses, il n'est pas alors évident pour les chefs traditionnels, qui ne les connaissent pas toujours, de les vulgariser toutes auprès de leurs populations. Il est donc judicieux pour eux de vulgariser les politiques publiques locales.

    2) La vulgarisation des politiques publiques locales

    La vulgarisation des politiques publiques locales par les chefferies traditionnelles en matière d'activités génératrices de revenus peut se faire à deux niveaux : régional et communal.

    En ce qui concerne la vulgarisation des politiques publiques régionales, les chefs traditionnels ont la responsabilité de répercuter des choix et actions de la Région aux populations. A l'interprétation de l'article 267 du CGCTD, les chefs traditionnels pourront alors vulgariser ce que la Région fait en matière de promotion des petites et moyennes entreprises, de foires et salons, d'activités agricoles, pastorales et piscicoles, de regroupements régionaux pour les opérateurs économiques, de tourisme et de projets générateurs d'emplois et de revenus.

    78 Le nouveau rôle des filets sociaux en Afrique Subsaharienne,

    https://www.banquemondiale.org/fr/region/afr/publication/the-new-role-of-safety-nets-in-africa, consultée le 28 décembre 2019.

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    En ce qui concerne la vulgarisation des politiques publiques communales, les autorités traditionnelles doivent faire la propagande des décisions et actions de la Commune à leurs administrés. Cette opération est primordiale au regard de l'éloignement de certains quartiers en zone urbaine, villages et hameaux en zone rurale du chef-lieu de la commune. Celle-ci créera un sentiment de non délaissement à l'endroit des populations éloignées du chef-lieu de la commune.

    La vulgarisation des politiques publiques locales constitue l'ultime point de la contribution des chefferies traditionnelles à l'action économique. Cette contribution, comme on l'a vu tout au long de la présente section, permet aux chefs de promouvoir d'une part les activités génératrices de revenus et un cadre favorable auxdites activités. L'on peut alors se poser la question de savoir en quoi consiste la contribution des chefferies traditionnelles à la gestion des ressources naturelles et à la transformation du milieu de vie ?

    SECTION 2 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES A LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES ET A LA TRANSFORMATION DU

    MILIEU DE VIE

    La contribution des chefferies traditionnelles à la gestion des ressources naturelles et à la transformation du milieu de vie est le second volet de cette contribution au développement économique local. Les autorités traditionnelles jouent un rôle déterminant dans la gestion des ressources naturelles et de l'environnement (§1) et dans la transformation de leur milieu de vie de leurs populations (§2). Ce rôle peut être diversement apprécié en fonction des richesses dont regorge une localité, de la carrure du chef et du dynamisme des populations locales. C'est donc tous ces facteurs mis ensemble qui permettent d'évaluer la contribution des autorités traditionnelles dans ces domaines.

    §1 - La gestion des ressources naturelles et de l'environnement

    Une ressource naturelle est « une substance, un organisme, un milieu ou un objet présent dans la nature, sans action humaine, et qui fait, dans la plupart des cas, l'objet d'une utilisation pour satisfaire les besoins (énergies, alimentation, agrément, etc.) des humains, animaux ou végétaux79». L'environnement est, pour sa part, un « ensemble de conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (sociologiques) dans lesquelles

    79 Définition de Wikipédia, https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Ressouce_naturelle consultée le 3 janvier 2020.

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    les organismes vivants (en particulier l'homme) se développement80». L'environnement est de manière globale le milieu qui nous entoure.

    Au regard de ces définitions, les chefs traditionnels ont, en matière de ressources naturelles et d'environnement un rôle d'encadrement des populations, de suivi de ces activités et de consultation. C'est sans doute ce qui a amené M. ABBA Souleymane à dire que le chef traditionnel est l'« administrateur des ressources collectives - notamment de celles de l'environnement81». Le chef est donc celui qui est chargé de veiller à ce que ces ressources servent au développement économique local. Le souci majeur des autorités traditionnelles dans « la gestion de l'environnement et des ressources naturelles (...) est la qualité de la vie et la salubrité publique82».

    La gestion des ressources naturelles et l'environnement sont des compétences reconnues aux communes et aux régions par le Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées en ses articles 157 et 258. Les chefferies traditionnelles s'immiscent dans ce domaine au moyen de la participation, de la concertation, de la consultation et de la substitution.

    Nous verrons donc tour à tour la contribution des chefferies traditionnelles à la gestion des ressources naturelles (A) et à la gestion de l'environnement (B).

    A) La gestion des ressources naturelles

    La gestion des ressources naturelles a toujours suscité des passions partout où l'on se trouve et surtout sur notre continent. Il convient de relever que les chefferies traditionnelles ne sont pas gestionnaires des ressources naturelles car celles-ci appartiennent à l'Etat et exploitées par des entreprises ou des particuliers83 en respect de la règlementation en vigueur84. Les chefferies traditionnelles apparaissent dans ce processus pour veiller à bien que les exploitants respectent leurs cahiers de charges et par ricochet participent au développement de la localité. C'est pourquoi Marie DERIDDER estime que les collectivités locales doivent mettre en place « des outils de gestion démocratique et participative des

    80 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.898.

    81 ABBA Souleymane, « La chefferie traditionnelle en question », Politique africaine, n° 38, 1990, p.52.

    82 EKO'O AKOUAFANE Jean Claude, La décentralisation administrative au Cameroun, op. cit., p.218.

    83 En ce sens, voir la définition d'artisan minier à l'article 4 de la Loi N° 2016/017 du 14 décembre 2016 portant Code minier.

    84 Voir les Lois N° 2012/006 du 19 avril 2012 et N° 2016/017 du 14 décembre 2016 portant respectivement Code gazier et Code minier.

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    ressources naturelles favorisant la consultation et, au mieux, la cogestion de ces ressources avec les autorités traditionnelles concernées85».

    L'action des chefferies traditionnelles dans cette gestion est perceptible sur les ressources du sol (1) et sur celles du sous-sol (2).

    1) La gestion des ressources du sol

    La participation des chefs traditionnels à la gestion du sol porte sur les ressources forestières et fauniques. La forêt étant une étendue de terrain « comportant une ouverture végétale dans laquelle prédominent les arbres, arbustes et autres espèces susceptibles de fournir des produits autres qu'agricoles86». De son côté, la faune est « l'ensemble des espèces faisant partie de tout écosystème naturel ainsi que toutes espèces animales ayant été prélevées du milieu naturel à des fins de domestication87».

    En matière forestière, le législateur établit plusieurs types de forêts88, mais ici uniquement deux nous intéresserons à savoir les forêts communales et les forêts communautaires. Relativement d'une part aux forêts communales, ce sont des forêts bénéficiant d'un acte de classement ou plantées par les communes. Les chefs peuvent dans leur mission de conseil, demander aux municipalités de planter une forêt pour pouvoir en tirer profit car faut-il le rappeler, les produits issus de ces forêts appartiennent exclusivement à la commune. Ces ressources participent donc au développement local. Ces forêts communales peuvent également employer les riverains. Relativement d'autre part aux forêts communautaires, il s'agit des forêts gérées par les communautés villageoises avec l'assistance technique de l'administration des forêts. Les chefs en tant qu'administrateurs des ressources tel que défini par Souleymane ABBA ont un grand rôle à jouer à ce niveau. Ils peuvent gérer ces forêts eux-mêmes ou confier la gestion à des personnes expérimentées. Toujours est-il que la finalité est la création des richesses, l'emploi des personnes issues de ces communautés, l'amélioration des conditions de vie de ces communautés. En gros, ces forêts communautaires doivent être une plus-value pour ces communautés. A ce niveau, les chefs, administrateurs de

    85 DERIDDER Marie, « Processus électoraux, sécurisation des autorités traditionnelles et changement social dans une petite ville du Delta intérieur du fleuve Niger (Youwarou Mali) », in BREDA Charlotte, DERIDDER Marie, LAURENT Pierre-Joseph, La modernité insécurisée : Anthropologie des conséquences de la mondialisation, Academia, 2013 p.192.

    86 Article 2 de la Loi N° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche.

    87 Article 3 de la loi précitée.

    88 Voir le Titre III de la loi précitée.

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    ces forêts, doivent avoir une gestion exemplaire au regard des mauvaises pratiques et dérives observées çà et là en matière.

    En matière faunique, nous nous avons les ressources fauniques terrestres et maritimes. L'action des chefferies traditionnelles dans ce domaine portera sur la chasse et la pêche. Il convient de dire que ces activités sont soumises à une législation rigide89. Les autorités traditionnelles ont la double mission de veiller d'une part au respect de cette loi et de s'assurer d'autre part que les activités liées à la chasse et à la pêche soient sources de richesse pour ceux qui les exercent et dans une moindre mesure la collectivité. Elles peuvent également inciter les jeunes à se lancer dans ces activités pour être en mesure de se prendre en charge et de participer au développement économique de la localité. Ceci passe par les facilités accordées pour l'octroi des autorisations nécessaires pour l'exercice de l'une ou l'autre activité.

    La participation à la gestion des ressources du sol par les chefferies traditionnelles suppose également la gestion des ressources du sous-sol par celles-ci.

    2) La gestion des ressources du sous-sol

    Les ressources du sous-sol sont des ressources enfouies dans le sol et nécessitant l'action de l'homme pour son extraction. Comme rappelé ci-haut, les chefs traditionnels ne gèrent pas directement les ressources du sous-sol mais y participent au moyen d'actions ciblées. Il s'agira alors pour les chefs, en conformité avec les Codes minier et gazier, de s'assurer que les exploitants ne mettent pas en péril l'environnement et la santé des populations d'une part et de participer aux opérations du contenu local prévues par le code minier d'autre part.

    Concernant le contrôle de l'observance du cahier de charges, il sera question pour les autorités traditionnelles de veiller à ce que les exploitants respectent les obligations à eux assignées. N'ayant pas de pouvoir de contrainte sur ceux-ci, les chefs se contenteront d'informer les autorités administratives déconcentrées et locales et plus particulièrement l'administration des mines pour une réaction rapide. Il peut en être ainsi lorsqu'un exploitant déverse des produits toxiques dans un cours d'eau fréquenté par les populations riveraines altérant ainsi la qualité de l'eau. Ou du rejet abusif de gaz nocifs à la santé des populations.

    89 Cf. Loi N° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    Concernant la participation au développement, le Titre VII de la Loi N° 2016/017 du 14 décembre 2016 portant Code minier intitulé Du Contenu Local prévoit que les retombées issues de projets miniers et de carrières doivent permettre le développement économique, social, industriel et technologique. Ceci passe par le recrutement des ressortissants camerounais, le recours prioritaire aux petites et moyennes entreprises locales pour des sous-traitances et surtout un programme de développement économique et social de la localité et des populations riveraines ou autochtones90. L'action des chefferies pourra se faire ressentir par ce dernier volet. En effet, dans la mise en oeuvre de ce programme de développement, les exploitants devront consulter les autorités traditionnelles pour savoir ce dont la communauté a besoin en marge de certaines obligations inamovibles du contenu local telles la viabilisation des voies d'accès, la construction d'infrastructures communautaires telles les écoles, centres de santé, points d'eau potable. Le code gazier pour sa part définit le contenu local comme étant « l'ensemble d'activités axées sur le développement des capacités locales, l'utilisation des ressources humaines et matérielles locales, le transfert de technologie, l'utilisation des sociétés industrielles et services locaux, et la création de valeurs additionnelles mesurables à l'économie locale91». L'on constate que le contenu local du code gazier est le similaire à celui du code minier et du code pétrolier92. La difficulté dans la pratique résulte de la persistance des mauvaises pratiques. On déplore la complicité de certains chefs dans le non-respect des aspects du contenu local. Les exploitants utilisent la corruption et les pots-de-vin pour se soustraire de leurs obligations. Il apparaît donc primordial, pour les autorités traditionnelles, de tourner le dos à ces mauvaises pratiques pour le bien-être de tous.

    La participation à la gestion des ressources du sous-sol par les chefferies traditionnelles ne peut se faire que dans le strict respect de l'environnement.

    B) La gestion de l'environnement

    L'environnement étant le milieu qui nous entoure, sa gestion apparaît alors comme primordiale. La gestion de l'environnement par les chefferies traditionnelles est observable au quotidien. Les dispositions du CGCTD et des autres instruments juridiques régissant ce domaine excluent des fois les chefs traditionnels. En réalité, il s'agit dans bien de cas des missions de service public. Toutefois ceux-ci peuvent donner leur avis. A titre d'exemple, on a la production et distribution de l'eau potable dévolue désormais aux collectivités locales, la

    90 Article 165 alinéa 2 Loi N° 2016/017 précitée.

    91 Article 3 Loi N° 2012/006 précitée.

    92 Loi N° 2019/007 du 25 avril 2019 portant Code pétrolier.

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    production des énergies vertes, etc. Cette gestion se décline en la préservation de l'environnement (1) et les travaux de nettoyage (2).

    1) La préservation de l'environnement

    La préservation de l'environnement est une tâche qui incombe à chaque citoyen, mais encore plus aux autorités locales et nationales. Etant garants de la survie de leurs territoires de commandement, les chefs traditionnels se doivent de préserver leur environnement. Ces mesures de préservation peuvent être menées avec le concours financier, technique et humain de l'Etat ou des collectivités locales concernées. Ces mesures de préservation, qui consistent à minimiser ou supprimer l'impact négatif de l'action humaine sur l'environnement, sont entre autres : la protection des espèces protégées, le boisement et le reboisement, etc.

    La protection de l'environnement est un champ assez vaste et impliquant une diversité d'acteurs. Les chefferies traditionnelles pour leur part, et au regard de leurs moyens limités, peuvent alors dans leur action quotidienne concourir avec les autorités compétentes à la sauvegarde des espèces animales et végétales protégées, aider les autorités dans la lutte contre braconnage, la sensibilisation des populations sur les méfaits des feux de brousse et l'apport de toute expertise visant à protéger la nature. Dans la région des Grass Fields par exemple, la chasse est règlementée par les chefferies. Ainsi certaines espèces sont interdites de chasse sans autorisation. De plus, la chasse est interdite dans certains lieux dits sacrés aux non-initiés. Le contrevenant encourt des représailles souvent mystiques.

    Les autorités traditionnelles préservent l'environnement par des opérations de boisement ou de reboisement. Ces opérations sont subordonnées à la prise en compte de plusieurs paramètres. Premièrement, l'initiative de ces opérations peut émaner de ces autorités qui se chargeront alors de toute la logistique y afférente. Deuxièmement, elles peuvent soumettre le projet de boisement ou de reboisement aux autorités nationales ou locales qui se chargeront alors de le mettre en oeuvre. Troisièmement, il peut s'agir d'une opération menée par les autorités traditionnelles avec le concours financier, technique et matériel des agents du secteur privé ou de la société civile. Ces opérations ont le mérite in fine de lutter contre la sècheresse, de réduire la hausse des températures observées çà et là, d'améliorer la qualité de l'air et dans une moindre mesure, d'embellir la localité ou la ville par le pavoisement des rues et la création des forêts urbaines93.

    93 L'article 33 de la Loi N° 94/01 précitée prévoit un taux de boisement au moins égal à 800 m2 pour mille habitants dans les villes.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    La préservation de l'environnement étant une nécessité pour sa survie, il convient d'y associer des travaux de nettoyage.

    2) Les travaux de nettoyage

    Ces travaux ressortissent en principe à la collectivité territoriale mais dans la pratique, les chefferies traditionnelles jouent un rôle important avec ou sans appui de la collectivité territoriale. S'il appartient à chaque citoyen de garder son environnement immédiat propre, le nettoyage des espaces publics est dévolu, comme le prévoit les articles 157, 241 et 268 du CGCTD, aux communes, aux communautés urbaines et aux régions. Comme indiqué ci-haut, les chefferies traditionnelles s'immiscent dans ce domaine régulièrement et pour certaines missions bien particulières. Au quotidien, l'on aperçoit les chefferies traditionnelles mener, de concert ou non avec les autorités administratives locales, les travaux de cantonnage des voies de communication et autour de certaines infrastructures, les opérations d'assainissement et le nettoyage de certains espaces publics. Ces opérations d'investissement humain sont le plus souvent menées par des jeunes contre ou non rémunération.

    En rapport d'abord avec les travaux de cantonnage des voies de communication et autour de certaines infrastructures, il peut s'agir des routes ou pistes, des voies ferrées et du nettoyage aux alentours d'infrastructures de transport de l'électricité telles les postes de transformateurs, les pylônes et les poteaux électriques. Concernant les travaux de cantonnage routier, ils sont depuis 2017 à la charge des communes. Celles-ci n'ayant pas toujours le personnel pour effectuer ces travaux en régie se tournent souvent vers les chefferies traditionnelles pour recruter des jeunes à même d'effectuer ces travaux contre rémunération. Concernant les voies ferrées, ces travaux d'entretien incombent à la compagnie de transport ferroviaire, elle utilise le même modus operandi que les communes pour mener à bien ces travaux. Concernant les travaux de nettoyage autour des infrastructures de transport électrique, la compagnie de distribution électrique a confié ces travaux à des sous-traitants. Il arrive cependant que ceux-ci ne soient pas en mesure d'exécuter les tâches à eux assignées. L'on fait donc recours aux autorités traditionnelles en vue de la poursuite de ces travaux.

    En rapport ensuite avec les opérations d'assainissement, elles visent à rendre le milieu de vie sain. Ceci passe par des opérations d'investissement humain à l'exemple du curage des caniveaux et de l'enlèvement des immondices. Pour le curage des caniveaux, il est question d'enlever des déchets qui obstruent l'écoulement des eaux dans les rigoles ou caniveaux. Il peut aussi être question d'enlever les déchets surtout plastiques présents dans les cours d'eau

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    et limitant la circulation des eaux. Pour l'enlèvement des immondices, il s'agit de retirer des tas d'ordures de la voie publique ou dans un espace inapproprié pour les déverser dans un lieu adéquat. Ces travaux d'investissement initiés par les chefferies traditionnelles sont dans la plupart des cas effectués par des jeunes bénévoles soucieux de garder leur environnement propre. Les chefs doivent montrer l'exemple en participant si possible à ces travaux.

    En rapport enfin avec le nettoyage de certains espaces publics, il peut s'agir du nettoyage d'un bâtiment appartenant à la chefferie, d'un bâtiment public utilisé par la chefferie tel un musée communautaire, de toute autre infrastructure dont la collectivité locale n'assure plus le nettoyage et d'une ruelle. En tout état de cause, le chef traditionnel au regard du contexte qui est le sien s'organise pour assurer la propreté de ces espaces. Il peut être accompagné dans cette démarche ou non par les autorités locales. Ces questions se posent inexorablement aux chefferies traditionnelles lorsqu'elles sont isolées du chef-lieu ou de la ville. Elles ont alors l'obligation de mener ces activités pour conserver la terre que leurs ancêtres leur ont léguée en état de propreté. En tout état de cause, le Code général des collectivités territoriales décentralisées prévoit la participation des populations au travers des comités de quartiers et de villages à la maintenance de certains ouvrages et équipements publics94.

    Les travaux de nettoyage dirigés par les autorités traditionnelles permettent, dans une moindre mesure, de participer à la transformation du milieu de vie.

    §2- La participation à la transformation du milieu de vie

    La participation à la transformation du milieu de vie par les chefferies traditionnelles est faite avec le concours des autorités nationales et locales en matière de planification et d'aménagement du territoire (A) et en matière d'urbanisme et d'habitat (B).

    A) En matière de planification et d'aménagement du territoire

    Les chefferies traditionnelles participent à la transformation du milieu de vie par la planification (1) et par l'aménagement du territoire (2).

    1) La participation des chefferies traditionnelles à la planification

    La planification est « une organisation selon un plan95». Un plan est donc un « ensemble de dispositions arrêtées en vue de l'exécution d'un projet96». Le projet dont il est

    94 Article 182 (2) du CGCTD.

    95 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.1924.

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    question ici c'est le développement local. La planification locale est faite par les autorités municipales et régionales après consultation des autorités traditionnelles et des populations. On aura alors deux outils de planification à savoir le Plan Régional de Développement (PRD) et le Plan Communal de Développement (PCD).

    S'agissant d'une part du Plan Régional de Développement, il s'agit d'un document « qui fixe les objectifs et priorités de développement de la Région, en fonction des besoins économiques, sociaux, environnementaux et de mobilité97». La participation des chefferies traditionnelles à la planification régionale se fera à deux niveaux notamment à la phase d'élaboration du plan régional de développement et à la phase d'implémentation de ce plan. Le plan régional de développement étant une boussole supposée encadrer le processus de développement régional, celui-ci doit prendre en compte au moment de son élaboration des attentes et propositions émanant des chefs traditionnels qui sont en principe en contact permanent avec les populations. La région étant grande, il ne sera pas évident pour l'exécutif régional de recueillir les aspirations de tous, c'est pourquoi celui-ci consultera le pouvoir traditionnel dans le cadre de la mise en forme de ce plan. Les chefferies traditionnelles pourront encore être consultées lors de la mise en oeuvre du plan régional de développement. Ceci émane du fait qu'il paraît important, pour les autorités décentralisées régionales, de s'assurer du caractère actuel d'un aspect du plan, car le plan avait par exemple de régler une situation ponctuelle et qui n'est plus d'actualité à l'heure de sa mise en oeuvre.

    S'agissant d'autre part du Plan Communal de Développement, il s'agit d'un « plan d'orientation qui fixe les objectifs et les priorités de développement de la Commune. Il couvre toutes les matières pour lesquelles la Commune a des compétences, ou qui concernent son développement98». C'est également « un ensemble de dispositions destinées à permettre à l'économie d'une Commune d'atteindre, au cours d'un laps de temps à définir des objectifs de croissance et de développement économique99». Il convient de rappeler que celui-ci doit être conforme au plan régional de développement. Comme en matière de plan régional de développement, les chefferies participent à la participation communale à deux niveaux : lors de l'élaboration et de l'implémentation. La particularité du plan communal de développement

    96 Ibid., p.1923.

    97 Plan Régional de Développement, https://perspective.brussels/fr/plans-reglements-et-guides/plans-strategiques/plan-regional-de-developpement-prd consultée le 3 janvier 2020.

    98 MANJAKA Aulu Jean Hilaire, Analyse du plan communal de développement et ses impacts sur la riziculture, Mémoire Maîtrise, Université de TOAMASINA, 2012, p.8.

    99 Ibid.

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    est que celui-ci touche directement à la vie des populations par des actions de proximité. La participation des autorités traditionnelles à ce niveau ne saurait être éludée. Les communes sont certes différentes suivant les considérations économiques, géographiques, culturelles, historiques et linguistiques, elles traduisent souvent les mêmes réalités à savoir un centre un peu développé et la périphérie laissée pour compte. Les communes surtout rurales ont en leur sein beaucoup de quartiers, villages et hameaux isolés du centre, il n'est pas aisé pour les agents communaux de recueillir aisément toutes les informations dont ils ont besoin pour la conception du plan communal de développement ; d'où l'importance des chefferies traditionnelles dans ce processus. Il en est de même lors de l'implémentation pour éviter des éléphants blancs ou réalisations de peu d'utilité.

    La participation de leurs majestés à la planification, étant l'étape primaire de la projection du développement local, il faut après cela la mettre en oeuvre par l'aménagement du territoire.

    2) La participation des chefferies traditionnelles à l'aménagement du territoire L'aménagement du territoire est une « organisation globale de l'espace, destinée à satisfaire les besoins des populations intéressées en mettant en place les équipements nécessaires (...)100». C'est donc une opération qui modifie la disposition de notre environnement par la création d'infrastructures facilitant les conditions de vie des populations.

    Concernant d'une part le schéma régional d'aménagement du territoire, c'est un cadre de références politiques, administratifs, juridiques, techniques et de planification spatiale multisectorielle des investissements physiques à réaliser dans une région, destinés à permettre le développement économique durable tout en préservant la capacité productive régionale101. Il sera question pour les chefs traditionnels d'une part de s'assurer lors de l'élaboration de ce schéma de s'assurer que les aspirations des populations y sont prises en compte et plus particulièrement celles qui touchent au développement économique ; d'autre part de veiller à ce que ce schéma soit mis en oeuvre en conformité avec les aspirations citées plus haut et de les modifier au cas où elles sont devenues caduques.

    100Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.80.

    101 Ministère de l'Economie et des Finances du Mali - Programme de renforcement des capacités nationales pour une gestion stratégique du développement, Guide méthodologique d'élaboration du schéma d'aménagement et de développement de Cercle, Juillet 2001, p.9.

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    Concernant d'autre part le schéma communal d'aménagement du territoire, il s'agit, comme le document précédent, d'un cadre qui formule les orientations basiques et à moyen terme du développement du territoire de la commune. L'aménagement du territoire de la commune touche directement celui des chefferies traditionnelles. Il semble alors important d'associer les autorités traditionnelles pour faire en sorte que ce schéma participe au développement économique de la ville ou de la localité. Il convient de relever que le territoire de commandement de la chefferie traditionnelle est l'assiette sur laquelle repose le schéma communal d'aménagement. C'est le territoire de la chefferie qui reçoit toutes opérations d'aménagement destinées à créer le développement économique local. Les chefs traditionnels ont alors un grand rôle à jouer, au regard de ce qui précède, tant dans l'élaboration que dans l'application de ce schéma.

    La participation des chefferies traditionnelles à l'aménagement du territoire peut être complétée par leur participation aux processus d'urbanisme et d'habitat.

    B) En matière d'urbanisme et d'habitat

    La contribution des chefferies traditionnelles à la transformation du milieu de vie des populations locales peut aussi se faire en matière d'urbanisme (1) et d'habitat (2). L'urbanisme et l'habitat ayant pour socle la terre, il apparaît utile d'associer les gardiens de la terre que sont les chefs traditionnels aux opérations d'urbanisme et d'habitat afin d'assurer le développement économique de la ville ou de la localité.

    1) La participation des chefferies traditionnelles à l'urbanisme

    L'urbanisme est défini par le législateur comme « l'ensemble des mesures législatives, réglementaires, administratives, techniques, économiques, sociales et culturelles visant le développement harmonieux et cohérent des établissements humains, en favorisant l'utilisation rationnelle des sols, leur mise en valeur et l'amélioration du cadre de vie, ainsi que le développement économique et social 102». L'urbanisme est un phénomène qui touche les villes et les groupements de communes dont le développement nécessite une action concertée. La loi régissant l'urbanisme prévoit, selon les circonstances, plusieurs documents de mise en oeuvre de l'urbanisme à savoir : le Plan directeur d'urbanisme (PDU), le Plan d'occupation des sols (POS), le Plan de secteur et le Plan sommaire d'urbanisme103. Il convient de soulever que ces documents sont ne sont pas obligatoires, certains suppléent ou complètent d'autres.

    102 Article 3 de la Loi N° 2004/003 du 21 avril 2004 régissant l'urbanisme au Cameroun.

    103 Article 26 de la loi précitée.

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    Premièrement, le plan directeur d'urbanisme est le « document qui fixe les orientations fondamentales de l'aménagement d'un territoire urbain, la destination générale des sols et la programmation des équipements104». Les chefferies traditionnelles peuvent être consultées au moment de l'élaboration de ce plan sur l'utilisation de certains sols et la nécessité de certaines infrastructures collectives. Les chefferies traditionnelles peuvent également, au sens de l'article 34(3), faire partie du comité technique de pilotage chargé de rédiger ce plan.

    Deuxièmement, le plan d'occupation des sols est, selon l'article 37 de la loi N° 2004/003 précitée, un « document qui fixe l'affectation des sols et les règles qui la régissent pour le moyen terme (10 à 15 ans). Il définit le périmètre de chacune des zones d'affectation et édicte, pour chacune d'entre elles, les règles, restrictions et servitudes particulières d'utilisation du sol ». L'apport des chefs traditionnels peut tout aussi se faire à deux niveaux à savoir au travers de la consultation et au travers de la participation aux travaux du comité technique de pilotage chargé du suivi des travaux d'élaboration de ce document.

    Troisièmement, le plan secteur est un document qui, pour une partie d'une agglomération, précise de façon détaillée l'organisation et les modalités techniques d'occupation du sol, les équipements et les emplacements réservés, et les caractéristiques techniques et financières des différents travaux d'infrastructures105. Ce plan est fait en respect du plan d'occupation des sols et du plan directeur d'urbanisme s'ils en existent. Le plan secteur nous paraît important au regard de son étendue très ciblée et limitée. Il touche au plus près les territoires des chefferies traditionnelles. Par conséquent, il est impensable de l'élaborer sans associer les autorités traditionnelles.

    Quatrièmement, le plan sommaire d'urbanisme est un document élaboré pour suppléer l'absence du plan d'occupation des sols. C'est, suivant l'article 45 régissant l'urbanisme, un « document qui fixe l'affectation des sols et définit le périmètre de chacune des zones d'affectation. Il édicte de façon sommaire, pour chacune d'entre elles, les règles, restrictions et servitudes particulières d'utilisation du sol ». Ce plan a l'obligation de se conformer au plan directeur d'urbanisme s'il en existe un. Bien qu'ayant un caractère précaire, il n'en demeure pas moins important pour autant. Les chefferies traditionnelles ont la possibilité d'y participer au moyen des modalités vues pour les trois documents précédents.

    104 Article 32 de la loi précitée.

    105 Article 40 de la loi précitée.

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    En somme, on retient que les autorités traditionnelles participent à l'édiction de certains documents d'urbanisme et par ricochet, à la mise en oeuvre de ceux-ci. L'urbanisme ayant pour corollaire immédiat l'habitat, il convient alors de voir la contribution des chefferies traditionnelles à l'habitat.

    2) La participation des chefferies traditionnelles à l'habitat

    La géographie humaine définit l'habitat comme un mode d'occupation de l'espace pour des fonctions de logement. Pour Le Petit Robert, l'habitat est l' « ensemble des conditions d'habitation, de logement106». En d'autres termes, c'est un « mode d'organisation et de peuplement par l'homme du milieu où il vit107». L'habitat ici est vu sous l'angle du logement et de ces implications. Les autorités traditionnelles ne sont pas insensibles aux problèmes d'habitat de nos villes et villages. Elles sont, malgré elles, amenées à jouer un rôle important dans ce secteur en dépit de la faiblesse de leurs moyens. Nous verrons ce rôle tant sur le plan régional que sur le plan communal.

    Au plan régional d'une part, le Code général des Collectivités prévoit que les Régions peuvent apporter un soutien à l'action des communes en matière d'habitat108. Une région comptant beaucoup de communes109 et de communautés urbaines, il n'est pas toujours évident pour elle d'aider ces entités de manière équitable. C'est à ce niveau qu'interviennent alors les chefferies traditionnelles par des propositions d'actions et des aides concrètes faites à la région. Il peut s'agir de la cession d'un terrain en vue d'effectuer des lotissements. Cette cession peut être onéreuse ou gracieuse en fonction des sensibilités de chaque chefferie.

    Au plan communal, et plus proches des autorités traditionnelles, l'habitat n'est pas une réalité qui leur est étrangère. Car soucieuses de la rareté des terres constructibles, les chefferies traditionnelles peuvent mettre à disposition des terres pour l'aménagement et la viabilisation des espaces habitables. Ces lotissements peuvent être faits selon plusieurs modèles. Le premier est relatif à la création sur ses terres et sur fonds propres d'un lotissement. L'autorité traditionnelle après la viabilisation du site procèdera à la commercialisation des lots en fonction de la mercuriale de la zone de lotissement. Le deuxième, et le plus récurrent dans la pratique, consiste à confier le projet de lotissement à un

    106 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.1207.

    107 Ibid.

    108 Article 269 CGCTD.

    109 Les plus petites régions en termes de communes sont les Régions de l'Adamaoua et du Nord avec 21 communes chacune et la plus grande est la Région du Centre avec 70 communes. Voir MINATD, Annuaire Statistique, 2013, p.117.

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    particulier ou une entreprise qui l'effectuera à ses frais. Les deux parties pourront alors fixer les modalités de leur entente dans un document écrit. Le troisième, pour sa part, consiste avec le concours de l'autorité administrative communale ou communautaire créer des lotissements communaux ou communautaires sur le terrain d'une chefferie et gérés par la collectivité locale. Les modalités de mise en branle de ce type lotissement seront inscrites dans un contrat.

    A côté de ce qui vient d'être dit, l'on peut mettre pour le compte de l'apport des chefferies traditionnelles à l'habitat, l'accueil et l'hébergement de certains compatriotes en difficulté dans les résidences et dépendances des chefferies traditionnelles.

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    CONCLUSION DU CHAPITRE 1er

    En conclusion, il était question tout au long de ce chapitre de traiter de la contribution des chefferies traditionnelles au développement économique local. Nous avons vu que cette contribution passe par l'action économique et l'accompagnement dans la gestion des ressources naturelles et de l'environnement. Nous pouvons donc dire que les autorités traditionnelles ont un grand rôle à jouer dans le processus de développement économique local au regard de la situation de nos villes et campagnes. Au demeurant, celles-ci sont également attendues en ce qui concerne le développement socioculturel local.

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    CHAPITRE 2 :

    LE CONCOURS DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU
    DEVELOPPEMENT SOCIOCULTUREL LOCAL.

    « Si la dimension économique est essentielle, elle ne se comprend pas seule puisque un développement économique a nécessairement une coloration culturelle et sociale très spécifique. Ainsi en Afrique, la logique capitalistique est faible tandis que la logique de répartition, de partage du travail est très importante : si un projet axé sur une logique économique pure ne prend pas en compte cela, il est voué à l'échec. (...) il faut réintroduire l'humain dans la dimension économique et prendre en compte cette dimension culturelle, sociologique (par ex. impliquer les pouvoirs traditionnels)110».

    Le développement socioculturel local peut être appréhendé comme la transformation et la valorisation sociale et culturelle d'une localité, ville ou région dans le but d'améliorer de manière significative les conditions de ceux qui y vivent. Le développement socioculturel local est également, selon le Professeur MOUICHE Ibrahim, « l'ensemble des enjeux sociaux et culturels fondés sur le bien-être social111».

    Le développement socioculturel a un champ d'application assez vaste, il concerne les domaines de la santé, de l'éducation, de l'action sociale, du sport, de la culture, de la jeunesse et du divertissement entre autres.

    Le décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles fait du chef traditionnel un acteur important du développement socioculturel de leurs zones de compétence. A cet effet, l'article 20 alinéa 2 dispose que les chefs traditionnels sont chargés de « concourir, sous la direction des autorités administratives compétentes, (...) au développement (...) social et culturel de leurs unités de commandement ». Cette disposition règlementaire fait des chefs traditionnels des acteurs non négligeables du processus de développement social et culturel.

    Le code général des collectivités territoriales décentralisées a conféré un statut spécial aux Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Ce statut spécial, comme vu supra, a institué la house of Chiefs. Elle possède deux commissions dont l'une dénommée Commission des

    110 CHAMBE Adeline, Etude sur la notion de développement local, Actes de la Journée de l'Association de Professionnels - Développement Urbain et Coopération, op. cit., p.18.

    111 MOUICHE Ibrahim, « Chefferies traditionnelles, culture et développement local au Cameroun », 11e Assemblée Générale du CODESRIA, décembre 2005, p.8, Note de bas de page 2.

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    affaires administratives, juridiques, du règlement intérieur, de l'éducation, de la santé, de la population, des affaires sociales et culturelles, de la jeunesse et des sports112. Son nom est assez explicite sur le contenu de ses missions. L'on pourra ressentir la touche des chefs traditionnels à ce propos. Toutefois, les autres collectivités locales ne sont pas en reste. Les chefs traditionnels sont appelés, comme on l'a vu ci-haut avec l'article 20 (2) du décret de 1977, à jouer un rôle important dans ce processus.

    De ce fait, l'apport des chefferies traditionnelles sera analysé en deux temps. Il sera question d'une part, d'évoquer l'action des chefferies traditionnelles au développement local dans les domaines de l'enseignement et social (S1). Il sera question d'autre part, d'aborder la participation des chefferies traditionnelles au développement local en matière de jeunesse, de divertissement et de culture (S2).

    SECTION 1 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU DEVELOPPEMENT LOCAL EN MATIERE D'ENSEIGNEMENT ET SOCIALE

    L'étude de la contribution des chefferies traditionnelles au développement socioculturel local passe d'abord par l'implication des chefs à l'enseignement (§1) et à l'action sociale (§2).

    §1 - L'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière
    d'enseignement

    L'enseignement est, selon le dictionnaire le Petit Robert, « l'action, l'art d'enseigner, de transmettre des connaissances à un élève113». Enseigner reviendrait alors à transmettre à une personne de façon qu'il comprenne et assimile certaines connaissances théoriques et pratiques114. L'enseignement est une mission qui relève des acteurs publics centraux, déconcentrés et décentralisés et de certains acteurs privés115. La répartition des tâches est assez claire. Les autorités traditionnelles n'interviennent dans ce domaine que pour suppléer la carence de ces acteurs ou leur insuffisance à mener à bien ces missions.

    Le Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi considère l'éducation et la formation professionnelle comme le cadre du développement humain capable de fournir des

    112 Article 338 du CGCTD.

    113 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.882.

    114 Ibid.

    115 Article 2 de la Loi N° 98/004 du 14 avril 1998 d'Orientation de l'éducation au Cameroun.

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    ressources humaines avec des capacités à même de bâtir une économie émergente à l'horizon 2035116.

    Pour se faire, nous verrons la contribution des chefferies traditionnelles en matière d'enseignement classique (A) et en matière d'alphabétisation et de formation professionnelle (B).

    A) La contribution des chefferies traditionnelles en matière d'enseignement

    classique

    L'enseignement classique est celui qui est rattaché à l'école conventionnelle telle que nous la connaissons. L'école constituée de plusieurs cycles notamment le cycle maternel et primaire (1), le cycle secondaire et le cycle universitaire (2).

    1) L'éducation maternelle et primaire

    L'éducation maternelle et primaire est celle qui a pour mission de jeter les bases de l'apprenant par l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et des opérations mathématiques simples. Ce cycle, quel que soit le sous-système éducatif117, apparaît alors crucial car si il est mal géré, il causera des problèmes aux apprenants aux cycles suivants. Le DSCE distingue au niveau de l'enseignement primaire, l'enseignement préscolaire et l'enseignement fondamental118. Il semble donc opportun pour les autorités traditionnelles de mettre du sien pour la réussite de cette éducation étant donné que l'enseignement primaire est obligatoire119. Ici encore, la contribution des autorités traditionnelles peut être appréciée de manière divergente du fait de l'étendue de la chefferie, du nombre d'écoles, bref des éléments de singularité de chaque unité de commandement de la chefferie. L'apport des chefferies traditionnelles peut se faire à plusieurs niveaux : elle va de l'accompagnement des autorités décentralisées locales en passant par l'accompagnement des élèves, des enseignants et des associations de parents d'élèves entre autres.

    Concernant d'abord l'accompagnement des autorités administratives décentralisées, il peut se matérialiser par la vulgarisation et l'implémentation, à leur niveau, des politiques publiques locales en matière d'enseignement de base ou primaire. Les chefferies traditionnelles peuvent également accompagner les municipalités et régions, et ce suivant

    116 DSCE, p.73.

    117 En l'occurrence le sous-système francophone et le sous-système anglo-saxon.

    118 DSCE, p.74.

    119 Article 9 Loi d'Orientation de l'éducation.

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    leurs moyens, par des appuis financiers nécessaires à l'accroissement de l'enveloppe du paquet minimum indispensable au fonctionnement de l'école. Elles peuvent pareillement apporter leur appui aux régions dans la conception de la carte scolaire de la région et avec les communes mettre en oeuvre la tranche de la carte scolaire communale. Chaque conseil d'école comprend un chef traditionnel élu par ses pairs120. Celui-ci participe à veiller à ce que l'école ne s'éloigne pas des recommandations de la municipalité et de la politique globale en matière d'enseignement de base.

    Concernant ensuite l'accompagnement des élèves et enseignants, il est question d'une part de conduire les élèves vers la réussite. Ceci passe par l'encouragement des écoliers au travers d'allocation de bourses et aides scolaires. Ceci passe également par les conseils prodigués aux élèves sur la nécessité de poursuivre leurs études au regard du taux d'abandon scolaire surtout en zone rurale. Il est question d'autre part d'accompagner les enseignants dans l'exercice de leurs missions. Les chefs traditionnels apportent leur appui aux enseignants en leur octroyant des logements121, des facilités d'exercice de leur métier. Ils peuvent également les accompagner dans la nouvelle dynamique de l'enseignement basée sur l'approche par les compétences.

    Concernant enfin les associations des parents d'élèves, S.M TSALA NDZOMO Guy estime qu'il s'agit d'une « source permanente de conflits122» entre les associations des parents d'élèves et les directeurs d'écoles primaires. Ces derniers sont souvent divisés sur la gestion des fonds. Il apparaît alors opportun pour les chefs traditionnels de prévenir les conflits, de rappeler à chacun sa mission et surtout leur rappeler qu'il s'agit de fonds publics d'où la nécessité de gérer ces fonds de manière saine et dans l'intérêt des écoles. Les chefferies traditionnelles peuvent également apporter un appui multiforme aux associations de parents d'élèves dans l'accomplissement de leurs missions.

    L'éducation primaire étant la porte d'entrée de l'éducation classique, elle conditionne l'accès de l'apprenant aux cycles suivants.

    120 Article 4 (1) b de l'Arrêté Conjoint N° 367/B/1464/MINEDUC 064/CF/MINEFI du 19 septembre 2001 du Ministre de l'éducation nationale et du Ministre de l'économie et des finances portant application de certaines dispositions du décret N° 2001/041 du 19 février 2001 relatives à l'organisation et au fonctionnement des établissements publics d'enseignement maternel et primaire.

    121 Entretien avec S.M. TSALA NDZOMO Guy, Chef Traditionnel de 1er degré d'ENDINGDING, le 17 décembre 2019 à Yaoundé.

    122 Ibid.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    2) L'éducation post-primaire

    L'éducation post-primaire est constituée des cycles secondaires et universitaires. Chaque cycle ayant ses particularités123. Le concours des chefferies traditionnelles à l'enseignement secondaire et supérieur est également multiforme. Nous pouvons faire une transposition mutatis mutandis du titre ci-haut. Ici c'est l'assiette d'intervention qui est plus large au regard de la multitude des branches qu'offrent l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur.

    En ce qui concerne premièrement l'enseignement secondaire, faut-il le rappeler, c'est le niveau d'enseignement qui contient le plus grand nombre de salles de classe et par conséquent d'élèves. Les deux sous-systèmes éducatifs à ce niveau comprennent chacun l'enseignement secondaire général, l'enseignement secondaire technique et l'enseignement normal124. La tâche qui incombe ici aux chefs traditionnels est ardue au regard du foisonnement de niveaux, cycles et sous-cycles. Néanmoins, les chefs traditionnels peuvent accompagner les établissements d'enseignement secondaire dans leurs tâches en leur apportant un appui didactique, matériel ou financier.

    En ce qui concerne secondement l'enseignement supérieur, on note la baisse considérable du canevas. L'enseignement supérieur est conduit par les institutions publiques d'enseignement supérieur et les institutions privées d'enseignement supérieur125. On dénombre alors peu d'universités publiques et une pléthore d'instituts privés d'enseignement supérieur126. Il faut relever que ces derniers ne sont pas visibles sur toute l'étendue du territoire national. L'action des chefferies traditionnelles en matière d'enseignement supérieur est, plus ou moins, subordonnée à l'existence de ces écoles sur leurs territoires. Pour les chefferies accueillant ces écoles, il sera question pour elles d'accompagner les dirigeants des institutions d'enseignement supérieur dans la mise en oeuvre de leur politique de formation127 d'une part et d'être consultées sur des questions qui touchent à la vie sur leurs territoires.

    123 Voir les articles 15 à 17 de la loi précitée.

    124 Art. 16 et 17 Loi d'orientation de l'éducation.

    125 Art. 17 Loi N° 2001/005 du 16 avril 2001 portant orientation de l'enseignement supérieur.

    126 En 2018, le Ministère en charge de l'enseignement supérieur dénombrait d'une part huit (8) universités publiques reparties en facultés, écoles, instituts et d'autre part deux cent quarante (240) instituts privés d'enseignement supérieur.

    127 Art. 7 al. 2 Loi N° 2001/005 précitée.

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    Si l'éducation post-primaire est conditionnée par l'éducation maternelle et primaire, il convient de souligner que des alternatives sont offertes à ceux n'ayant pas subi ce parcours par le biais de l'alphabétisation et la formation professionnelle.

    B) La contribution des chefferies traditionnelles à l'alphabétisation et à la formation

    professionnelle

    La contribution des chefferies traditionnelles en matière d'enseignement peut se faire par l'alphabétisation (1) et la formation professionnelle (2).

    1) L'alphabétisation

    L'alphabétisation est « l'enseignement de l'écriture et de la lecture aux personnes analphabètes d'une population ou à des personnes ne connaissant pas un alphabet donné128». Un analphabète est une personne ne sachant ni lire, ni écrire. M. EKO'O AKOUAFANE129 affirme alors que l'alphabétisation qui autrefois était assimilée à l'école sous l'arbre a été remise au gout du jour du fait des lois du 22 juillet 2004. Du fait de la non-scolarisation, beaucoup d'enfants et d'adultes aujourd'hui sont analphabètes. Ce taux est beaucoup plus élevé en zone rurale qu'en zone urbaine. Il est donc nécessaire pour les chefs traditionnels de joindre leurs efforts à ceux des pouvoirs publics locaux en vue d'infléchir de manière significative le taux d'analphabétisme dans leurs localités respectives. Ceci est réalisable par l'organisation des campagnes d'alphabétisation, la sensibilisation des parents sur la nécessité aujourd'hui d'envoyer les enfants à l'école.

    S'agissant d'une part des campagnes d'alphabétisation, il est question pour les chefs traditionnels, eux qui sont au contact permanent des administrés, de recenser les analphabètes de leurs unités de commandement. Par la suite, ils pourront alors organiser à leur intention des campagnes d'alphabétisation destinées à leur apprendre à lire, écrire le français et/ou l'anglais et effectuer les opérations mathématiques élémentaires. Les modalités de mise en branle de ces campagnes dépendent dans bien des cas du volet financier. Il s'agira pour les chefs traditionnels de trouver la parade à même de financer ces campagnes. A la lecture du Code général des collectivités territoriales décentralisées130, les chefs traditionnels peuvent également apporter leur participation aux plans d'élimination contre l'analphabétisme, à la formation des formateurs, à la conception et la production du matériel didactique, à la

    128 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.73.

    129 EKO'O AKOUAFANE Jean Claude, La décentralisation administrative au Cameroun, op. cit., p.220.

    130 Articles 161 et 271 CGCTD.

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    réalisation de la carte de l'alphabétisation et au suivi-évaluation des plans d'élimination de l'illettrisme.

    S'agissant d'autre part du volet sensibilisation, il s'agit pour leurs majestés de sensibiliser, dans leur action quotidienne, les parents réfractaires sur le bien-fondé de l'école au XXIème siècle. On note aussi des parents vivant dans la précarité qui estiment ne pas pouvoir prendre en charge la scolarité et tout ce que ça implique. Les chefs pourront alors leur faire comprendre qu'il existe des structures d'accompagnement pour ce type de situation et les actions caritatives. Ils peuvent aussi selon leurs facilités, leur venir en aide de manière matérielle ou financière. Avec l'avènement des technologies de l'information et de la communication (TIC), le champ de l'analphabétisme a évolué. De ce fait, celui qui ne sait pas manier ces outils est considéré comme analphabète. Les autorités traditionnelles ont alors pour mission de mettre sur pied des stratégies visant à enseigner ces technologies à leurs administrés.

    L'alphabétisation permettant de sortir une personne de l'ignorance, on peut après ça lui apprendre un métier ou savoir-faire par le canal de la formation professionnelle.

    2) La formation professionnelle

    La formation professionnelle est l'apprentissage d'un métier ou d'un savoir-faire à un apprenant diplômé ou non. Elle est alors « le processus d'apprentissage qui permet à un individu d'acquérir le savoir, le savoir-faire et le savoir-être (capacité et aptitude) nécessaires à l'exercice d'un métier ou d'une activité professionnelle131». La loi régissant la formation professionnelle définit cette dernière comme une « une formation consistant à faire acquérir des savoirs, compétences et habilités dont le but est d'assurer une main d'oeuvre compétente, en tenant compte notamment des besoins qualitatifs et quantitatifs des employeurs et salariés132».

    A la différence de l'enseignement classique, qui selon le Ministre de l'enseignement supérieur M. FAME NDONGO, inculque des « savoirs savants », la formation professionnelle vise à donner une qualification pratique et opérationnelle à l'apprenant. Les autorités traditionnelles, en leur qualité d'acteurs de la communauté de la formation

    131 Définition de Wikipédia de la formation professionnelle,

    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Formation_professionnelle&hl=fr-CM&grqid=w0J2yUhL, consultée le 9 janvier 2020.

    132 Article 6 de la Loi N° 2018/010 du 11 juillet 2018 régissant la formation professionnelle au Cameroun.

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    professionnelle133, agissent dans ce domaine de deux moyens au moins à savoir l'accompagnement des institutions de formation professionnelle et l'appui aux étudiants de ces écoles.

    S'agissant d'une part de l'accompagnement des institutions de formation professionnelle par les chefferies traditionnelles, il peut avoir de plusieurs manières notamment l'institution d'un cadre de partenariat pouvant porter sur l'octroi des terres pour l'implantation du site d'une école de formation, la participation aux programmes de formation et la création d'une plateforme permanente de concertation.

    S'agissant d'autre part de l'appui des chefferies traditionnelles aux étudiants des écoles de formation professionnelle, il peut s'agir de dispenser des enseignements, de faciliter l'octroi des stages professionnels grâce à l'entregent des autorités traditionnelles et enfin de les accueillir et les orienter lors des tournées d'enquête souvent dans des zones reculées ou peu développées.

    La formation professionnelle étant le gage d'une formation pratique, elle peut toucher au domaine de l'action sociale.

    §2 - L'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière d'action

    sociale

    L'action sociale désigne l'ensemble des moyens par lesquels une collectivité agit sur elle-même pour préserver sa cohésion par des mesures destinées à aider les personnes ou groupes les plus fragiles à mieux vivre en acquérant ou préservant leur autonomie et à s'adapter à leur milieu social.

    L'action des chefferies traditionnelles au développement local dans le domaine de l'action sociale sera étudiée sous l'angle de la santé (A), de la protection sociale et de la population (B).

    A) La participation des chefferies traditionnelles à la santé

    La santé dans la collectivité est un « état physiologique et psychologique des membres d'un groupe social134». Cette définition emboite sensiblement le pas à la santé publique qui

    133 Voir l'article 9 de la Loi N° 2018/010 du 11 juillet 2018 régissant la formation professionnelle au Cameroun qui prévoit bon nombre d'acteurs de la communauté de la formation professionnelle. Ceux qui retiennent notre attention sont les collectivités territoriales décentralisées et les partenaires du milieu socio-professionnel parmi lesquels les chefferies traditionnelles.

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    est l'ensemble des « connaissances et techniques propres à prévenir les maladies, à préserver la santé, à améliorer la vitalité et la longévité des individus par une action collective (mesures d'hygiène et de salubrité, dépistage et traitement préventif des maladies, mesures propres à assurer le niveau de vie nécessaire135». Cette définition nous permet de constater que la santé publique est une question transversale, elle n'est pas uniquement l'affaire du ministère en charge de la santé publique et ses démembrements mais de tous et plus particulièrement des chefferies traditionnelles.

    Au regard de l'organisation du secteur de la santé au Cameroun, l'on se rend compte que ce secteur est structuré en trois niveaux à savoir le niveau central, le niveau intermédiaire et le niveau périphérique136. Nous nous intéresserons ici aux niveaux intermédiaire et périphérique parce qu'ils correspondent respectivement aux régions (1) et aux communes (2).

    1) Au plan régional

    Le niveau régional de la santé publique correspond au niveau intermédiaire matérialisé par des délégations régionales. Les structures de soins placées sous l'autorité d'une délégation régionale sont les hôpitaux régionaux et assimilés et les fonds régionaux pour la promotion de la santé137. L'action des chefferies traditionnelles à ce niveau n'est pas toujours perceptible pour deux raisons au moins. La première est que ces structures sanitaires sont très étendues et le contact n'est pas toujours évident avec elles. La seconde est que ces structures ont généralement un large plateau technique ce qui attire des malades venus d'ailleurs.

    Le Code général des collectivités territoriales décentralisées attribue des compétences aux régions en matière de santé138. Les autorités traditionnelles peuvent aider les régions à exercer certaines. L'on peut citer la participation des chefferies traditionnelles à l'élaboration de la carte sanitaire régionale, l'appui aux formations sanitaires, la participation à la mise en oeuvre des mesures d'hygiène et de salubrité et enfin la participation à la création des structures régionales de santé. Cette contribution tient au fait de leur proximité avec les populations.

    134 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.2307.

    135 Ibid.

    136 Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) 2016-2020, p.6.

    137 Ibid., Tableau 1.

    138 Art 270 CGCTD.

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    Toutefois, les chefferies peuvent apporter un soutien minimaliste en référant des cas à ces structures, en accompagnant celles-ci chaque fois qu'elles seront sollicitées sur des questions touchant à la vie tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ces structures de soins.

    Le statut spécial des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest conféré par le CGCTD ne donne pas de mission explicite139 en matière de santé à la house of Chiefs. L'on peut, du fait de l'existence d'une commission chargée des questions de santé au sein de cette chambre, subodorer que les autorités traditionnelles pourront contribuer de manière significative à l'amélioration de la santé dans ces deux régions.

    Le niveau intermédiaire de santé publique est éloigné des populations isolées du chef-lieu de la région, il convient de s'intéresser au niveau périphérique de santé publique pour voir quel peut être l'apport des autorités traditionnelles.

    2) Au plan communal

    Le niveau communal de la santé publique correspond au niveau périphérique doit-on le relever est incarné par les districts de santé dont la base est la commune. Toutefois, lorsque les circonstances l'exigent, un district de santé peut couvrir plusieurs arrondissements140 et « obéit à une logique de fonctionnalité et d'efficacité141». Chaque district de santé comprenant des structures de soins telles les hôpitaux de district, les cliniques, les centres médicaux d'arrondissement, les centres de santé intégrés et les cabinets de soins142.C'est le niveau d'implémentation véritable de la politique de santé.

    A la lecture de l'article 160 du Code général des collectivités territoriales décentralisées, les chefferies traditionnelles peuvent soutenir l'action des communes par plusieurs moyens. Premièrement, les chefferies traditionnelles peuvent contribuer à la création des centres de santé d'intérêt communal par trois méthodes. La première résulte d'une demande formulée à l'endroit de la collectivité en vue de la création d'un centre de santé à un endroit précis au regard de l'absence ou de l'éloignement des structures de soins. La deuxième quant à elle est le fruit de la consultation du chef traditionnel par la collectivité

    139 La House of Chiefs siège sur toutes les matières reconnues à l'Assemblée régionale. Cette dernière exerce d'une part l'ensemble des attributions dévolues aux conseils régionaux et d'autre part des attributions qui lui sont propres. Voir l'article 331(2) CGCTD.

    140 Sur les trois cent soixante (360) arrondissements que compte le Cameroun, on dénombre 189 districts de santé.

    141 NGONO TSIMI Landry, « Les mutations de l'organisation administrative déconcentrée au Cameroun », in ABOUEM à TCHOYI David et M'BAFOU Stéphane Claude (dir.), op. cit., p.268. Note de bas de page 17.

    142 Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) 2016-2020, Tableau 1, p.6.

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    locale en vue d'une implantation future sur un site précis d'une structure de soins. La troisième pour sa part résulte d'une initiative prise par le chef de bâtir, en fonds propres ou avec l'aide d'un partenaire, une structure de soins. Tel fût le cas de l'hôpital du palais des rois Bamoun de Foumban inauguré le 16 décembre 1996143. Deuxièmement, les autorités traditionnelles peuvent porter assistance aux formations sanitaires et établissements sociaux. Cette assistance peut être financière, matérielle ou même technique lorsque les autorités traditionnelles ont les moyens et compétences pour le faire. Troisièmement, les autorités traditionnelles peuvent saisir les autorités municipales lorsqu'elles émettent des doutes sur le respect des règles sanitaires par des établissements, entreprises ou usines. Il s'agit en fait de demander aux autorités locales de procéder au contrôle sanitaire de la structure en question.

    Dans la pratique, l'on remarque que les chefferies traditionnelles jouent un très grand rôle en matière de santé publique et surtout de santé de proximité. Relais entre les populations et l'administration locale, celles-ci servent de canal pour l'atteinte de ces objectifs. Ainsi, lors de certaines opérations de santé menées aussi bien par le ministère en charge de la santé publique que la collectivité, les chefferies traditionnelles sont consultées en vue de constituer une base de données nécessaire à l'implémentation de ces opérations. Les exemples en la matière abondent. On peut citer le cas des campagnes de vaccination, la chefferie est consultée pour avoir des chiffres exacts, c'est elle qui fournit le guide devant accompagné l'agent vaccinateur pour faciliter sa tache compte tenu de l'urbanisation anarchique et des réalités sociales de nos périphéries, c'est également elle, en plus de la communication médiatique, qui est chargée d'informer les populations du passage des équipes de vaccination et de leur bien-fondé. Tel a été le cas en décembre 2019 avec la campagne nationale de vaccination contre la rougeole et la rubéole concernant les enfants de neuf à cinquante-neuf mois. On peut également citer la mise à la disposition des espaces appartenant à la chefferie pour la tenue de certaines campagnes de dépistage et de consultation.

    Les questions de santé peuvent également être véhiculées par la culture. A ce titre, le peuple Bamoun formule lors du festival Ngouon leurs préoccupations en matière de santé publique. A en croire le Professeur MOUICHE, la plupart de ces doléances trouve solution une fois arrivées au niveau du Sultan. A cet égard, il énumère la convention entre le sultanat

    143 Voir MOUICHE Ibrahim, « Chefferies traditionnelles, culture et développement local au Cameroun », op. cit., p.5.

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    et le ministère de la santé publique destinée à lutter contre le VIH-Sida, la construction d'un hôpital, l'appui en équipements médicaux et en médicaments entre autres144.

    La santé étant un élément incontournable du développement social, il convient aussi de saisir la portée de la protection sociale et de l'encadrement de la population.

    B) La participation des chefferies traditionnelles en matière de protection sociale et de population

    La participation des chefferies traditionnelles au développement socioculturel peut également passer par la protection sociale (1) et l'encadrement de la population (2).

    1) La protection sociale

    La protection sociale renvoie à un « ensemble des mécanismes de prévoyance collective qui permettent aux individus ou aux ménages de faire face financièrement aux conséquences des risques sociaux, c'est-à-dire aux situations pouvant provoquer une baisse des ressources ou une hausse des dépenses (vieillesse, maladie, invalidité, chômage, charges de famille...)145». La protection sociale poursuit alors des objectifs matériels permettant aux individus de se prendre en charge lorsqu'ils sont malades ou séniles ; et des objectifs sociaux visant la réduction des inégalités de la vie et assurer un minimum de revenus leur permettant d'être intégrés à la société.

    Traditionnellement dévolues aux institutions publiques et parapubliques, certaines missions de la protection sociale peuvent être assurées par les chefferies traditionnelles. Il s'agit pour celles-ci de fournir une assistance à leurs administrés afin de relever leurs conditions de vie à un niveau acceptable.

    A l'analyse du Code général des collectivités territoriales décentralisées, notamment les compétences transférées aux régions et aux communes en matière de protection sociale146, les chefferies traditionnelles peuvent accompagner celles-ci voire les suppléer. Les autorités traditionnelles pourront alors apporter une participation active aux centres de promotion et de réinsertion sociale d'une part et apporter une assistance multiforme aux personnes nécessiteuses.

    144 Ibid. pp. 4-6.

    145 Définition de la protection sociale de Wikipédia, https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Protection_sociale consultée le 19 janvier 2020.

    146 Articles 160 b) et 270 CGCTD.

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    Au vu de la crise sociopolitique qui prévaut dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et son flot de déplacés internes, on note une précarité et une promiscuité grandissante au sein des milieux où vivent ces déplacés. L'on note l'action des chefs traditionnels visant à apporter un minimum de commodités de base destinés à réduire leurs souffrances. Cette aide est faite à l'endroit des compatriotes par un appel à la solidarité à leur endroit lancé par les chefs traditionnels destiné à leur apporter des aides sanitaires, des aides familiales et scolaires, des aides au logement et des aides financières en vue de réduire la pauvreté et l'exclusion sociale entre autres.

    Si la protection sociale a pour but de ne pas laisser sur le bas-côté de la route du développement une certaine frange de la population, il est indispensable d'inclure toute la population dans le processus de développement socioculturel.

    2) La population

    La population est l' « ensemble des personnes qui habitent un espace, une terre147». La population dont il est question ici est celle vivant sur les territoires des chefferies traditionnelles et des collectivités territoriales décentralisées. Elle est, au regard des mouvements migratoires, cosmopolite surtout en zone urbaine qu'en zone rurale.

    Le décret du 15 juillet 1977 prévoit en son article 19 que « les chefs traditionnels ont pour rôle de seconder les autorités administratives dans leur mission d'encadrement des populations ». Il est par conséquent du devoir des chefferies traditionnelles de mettre tout en oeuvre pour encadrer leurs populations pour deux motifs au moins. Le premier est que les populations sont les bénéficiaires de la décentralisation et ses effets, ceci sous-entend qu'elles doivent se sentir impliquées dans ce processus. Le second est que les chefferies traditionnelles sont le relais entre l'administration décentralisée et les populations, ce qui implique une circulation d'informations dans les deux sens.

    Les chefferies traditionnelles doivent contribuer à la transformation de la population par « un changement mentalités148» car le développement ne peut se faire sans un changement radical des mentalités. Il est alors nécessaire d'encadrer ces populations pour parvenir à cette transformation.

    147 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.1965.

    148 NGANE Suzanne, op. cit., p.101.

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    Les autorités traditionnelles aident la population par plusieurs moyens. On peut énumérer les facilités administratives de délivrance des actes d'état civil et d'accès aux services publics, et l'éducation civique.

    S'agissant d'une part de l'accompagnement des chefferies traditionnelles en vue de faciliter à leurs populations certaines démarches administratives, on peut citer la délivrance des actes d'état civil. A l'examen de Loi N° 2011/011 du 6 mai 2011 modifiant et complétant certaines dispositions de l'ordonnance N° 81/02 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil et diverses dispositions relatives à l'état des personnes physiques, l'on se rend compte que les actes d'état civil sont désormais délivrés par les centres principaux d'état civil et centres secondaires d'état civil rattachés au premier. Les chefferies traditionnelles ont alors la lourde mission, étant donné qu'une bonne partie de la population ne dispose pas d'actes d'état civil, de faciliter l'obtention desdits actes par des campagnes d'établissement des actes d'état civil, des audiences foraines de jugements supplétifs d'actes de naissance et de décès. La loi du 6 mai 2011, comme vu ci-haut, a prévu des centres secondaires d'état civil « lorsque la densité de la population ou des difficultés de communication le justifient149». Dans la pratique, on note que les officiers d'état civil de ces centres sont le plus souvent les autorités traditionnelles. Ceci a le mérite de faciliter l'obtention des actes d'état civil par les populations souvent éloignées du chef-lieu de l'arrondissement. Les chefferies traditionnelles peuvent également faciliter l'accès aux services publics pour la délivrance de services, documents ou pièces dont leurs populations ont besoin. Il convient alors de leur faire savoir les missions de chaque administration dont la zone de compétence couvre le territoire de la chefferie.

    S'agissant d'autre part de l'éducation civique, le chef traditionnel « doit, tout en prêchant lui-même par l'exemple150», inculquer à sa population le civisme. Le civisme étant assimilé au patriotisme, il apparaît opportun d'enseigner aux populations, des valeurs qui placent la patrie au-dessus de toute considération égoïste ; ceci passe par le respect des emblèmes et symboles de l'Etat, le respect des institutions et de ceux qui les incarnent, le respect de l'autre, l'observance de certaines règles dans la vie en société. Tout ceci est fait pour avoir des bons citoyens à même de conduire notre pays vers le développement tant

    149 Art 10 (4) Loi N° 2011/011 du 6 mai 2011 modifiant et complétant certaines dispositions de l'ordonnance N° 81-02 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil et diverses dispositions relatives à l'état des personnes physiques.

    150 BELL Luc René, « Améliorer l'efficacité de l'Etat à travers l'évolution de la Chefferie traditionnelle », op. cit., p.546.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    recherché. Le citoyen n'ayant pas que des obligations, les chefs traditionnels doivent également leur apprendre leurs droits.

    Si la population est l'ultime point de cette section relative à l'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière d'enseignement et sociale, il convient d'aborder la contribution de ces chefferies au développement local en matière de jeunesse, de divertissement et de culture.

    SECTION 2 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU
    DEVELOPPEMENT LOCAL EN MATIERE DE JEUNESSE, DIVERTISSEMENT ET

    CULTURE

    L'étude de la contribution des chefferies traditionnelles au développement socioculturel local passe aussi par l'implication de celles-ci en matière de jeunesse, de divertissement (§1) et de culture (§2).

    §1 - L'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière de
    jeunesse et de divertissement

    L'action des autorités traditionnelles au développement socioculturel local peut tout aussi se faire au travers de la jeunesse (A) et du divertissement (B).

    A) La contribution des chefferies traditionnelles au développement local en matière

    de jeunesse

    La jeunesse est considérée comme le fer de lance de la nation, il convient de l'encadrer pour qu'elle puisse atteindre les objectifs en elle placés. Elle est diversement définie et le point de rupture est la tranche d'âge de la jeunesse. Pour ne pas tomber dans ces travers, nous allons élargir cette tranche pour conforter le plus grand nombre. Nous retenons la tranche 1535 ans151. Les chefferies traditionnelles peuvent dès lors accompagner la jeunesse par la vulgarisation des politiques publiques destinées aux jeunes (1) et l'accompagnement quotidien des jeunes (2).

    1) La vulgarisation des politiques publiques destinées aux jeunes

    La vulgarisation des politiques publiques destinées aux jeunes par les chefferies traditionnelles auprès des jeunes peut se faire suivant les politiques nationales et les politiques locales y afférentes.

    151 Voir le Préambule de la Charte Africaine de la Jeunesse du 2 juillet 2006 qui définit un jeune comme « toute personne âgée de 15 à 35 ans ».

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    Relativement aux politiques publiques nationales destinées aux jeunes d'une part, il s'agit de répandre auprès des jeunes ce que les autorités nationales font pour cette tranche d'âge. Les politiques publiques destinées aux jeunes sont implémentées au niveau national par le ministère en charge de la jeunesse en respect de la Charte Africaine de la Jeunesse. A bien regarder l'organigramme de ce département ministériel, les chefferies traditionnelles peuvent porter à la connaissance des jeunes les politiques publiques en matière de vie associative et participation des jeunes, d'insertion sociale des jeunes, du volontariat, de l'éducation civique, de l'intégration nationale des jeunes et de la promotion économique des jeunes152. A ce niveau, il existe une multitude d'institutions spécialisées dont les plus marquantes sont le Service civique national de participation au développement, le Conseil national de la jeunesse et l'Observatoire national de la jeunesse.

    D'abord, le Service civique national de participation au développement est chargé de la « mobilisation des énergies pour le développement économique, social et culturel du pays153» par la promotion « du sentiment national et patriotique, du sens de la discipline, de la tolérance, de l'intérêt général, de la dignité du travail, de l'esprit civique et de la culture de la paix154». Ce service cible deux catégories de jeunes à savoir les appelés et les volontaires. L'âge des appelés oscille entre 17 et 21 ans et bénéficient d'une formation de soixante jours adossée sur le civisme, l'éducation physique, sportive et culturelle, la consolidation de la solidarité et de l'intégration nationales, le secourisme, la protection civile et la sensibilisation à la protection de l'environnement. Les volontaires pour leur part sont des jeunes qui s'engagent pour une période de six mois au bout desquels ils doivent être capables d'avoir des aptitudes nécessaires à la création d'activités génératrices de revenus et réaliser des travaux d'intérêt général aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé.

    Ensuite, le Conseil national de la jeunesse du Cameroun a pour mission principale de « mettre en synergie les organisations de jeunesse du Cameroun afin d'accroître la créativité des jeunes et optimiser leur potentiel d'action et de participation au développement155». Le conseil a des organes centraux et des organes déconcentrés à l'image de la déconcentration territoriale de notre pays. Cette organisation permet au conseil de toucher le plus grand

    152 Art 8 du décret N° 2012/565 du 28 novembre 2012 portant organisation du Ministère de la Jeunesse et de l'Education Civique.

    153 http://minjec.gov.cm/index.php/fr/35-ascnpd, consultée le 22 janvier 2020.

    154 Ibid.

    155 http://www.minjec.gov.cm/index.php/fr/cnjc/386-conseil-national-de-la-jeunesse-du-cameroun-organe-

    federateur-des-organisations-de-jeunesse, consultée le 22 janvier 2020.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    nombre de jeunes. A titre d'exemple les bureaux exécutifs communaux auront plus de faciliter pour mobiliser les jeunes en vue de l'atteinte de certains objectifs. Ces bureaux locaux peuvent être aidés dans ce sens par les autorités traditionnelles.

    Enfin, l'Observatoire national de la jeunesse a pour objectif général « d'organiser la rencontre entre la demande formulée par la jeunesse en matière de formation civique, d'insertion sociale et de promotion économique, et l'offre proposée par les programmes gouvernementaux et non-gouvernementaux156». Cette plateforme de mise en relation entre les jeunes et les programmes institutionnels à leur endroit permet de rendre accessible les informations utiles en fonction de ce que recherche un jeune. A titre d'exemple, un jeune agriculteur qui est inscrit dans la base de données de l'observatoire recevra les annonces qui concernent son domaine d'activités.

    Relativement aux politiques publiques locales destinées aux jeunes d'autre part, il est question pour les autorités traditionnelles de transmettre aux jeunes ce que les autorités régionales et municipales prennent comme décision à leur endroit. Les chefferies traditionnelles auront du grain à moudre selon la proactivité de ces autorités administratives décentralisées.

    Les chefferies traditionnelles, comme on vient de le voir, se font le devoir de vulgariser auprès des jeunes les politiques publiques nationales et surtout locales en la matière, il convient de souligner que l'accompagnement des jeunes par les autorités traditionnelles se fait au quotidien.

    2) L'accompagnement quotidien de la jeunesse

    L'accompagnement de la jeunesse par les chefferies traditionnelles se fait au quotidien. Cet accompagnement fait directement ou par l'interface locale du ministère en charge de la jeunesse.

    De manière directe, les chefferies traditionnelles apportent leur appui aux jeunes. Les mécanismes de cet accompagnement sont aussi divers que variés et reflètent l'identité de chaque chef et de son milieu de vie. Cet accompagnement peut prendre plusieurs formes notamment les causeries éducatives, la définition du rôle de la jeunesse dans la chefferie, la

    156 http://www.minjec.gov.cm/index.php/fr/pts-jeunes/145-observatoire-national-de-la-jeunesse-un-imperatif-

    pour-une-meilleure-mediation-entre-les-programmes-de-developpement-et-la-jeunesse, consultée le 22 janvier 2020.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    sensibilisation face aux fléaux sociaux et surtout l'encouragement des jeunes qui se distinguent par leur travail ou comportement.

    De manière indirecte, les autorités participent à l'accompagnement des jeunes par l'intermédiaire de la délégation d'arrondissement de la jeunesse et de l'éducation civique qui est l'interface la plus proche des populations du ministère en charge de la jeunesse. La structure la plus présente dans les esprits et où convergent les jeunes à ce niveau demeure le centre multifonctionnel de promotion des jeunes qui est un « laboratoire de solutions innovantes au problème d'emplois chez les jeunes157». Les chefferies ont le devoir de conduire les jeunes vers ces centres en vue de leur autonomisation.

    Si la jeunesse camerounaise et plus particulièrement celle de nos contrées est porteuse d'un certain nombre d'espoirs et d'attentes, il ne faudrait cependant pas ignorer le fait qu'elle a droit au divertissement.

    B) La contribution des chefferies traditionnelles au développement local en matière de divertissement

    Le divertissement est une activité visant l'épanouissement de l'homme par la récréation ou le jeu. Le divertissement est de ce fait permet de distraire l'homme pour quelques instants sans pour autant l'éloigner de ses objectifs.

    La contribution des chefferies traditionnelles au développement local dans le domaine du divertissement sera analysée sous le prisme des sports (1) et des loisirs (2).

    1) Les sports

    Le sport est une « activité physique exercée dans le sens du jeu, de la lutte et de l'effort, et dont la pratique suppose un entraînement méthodique, le respect de certaines règles et disciplines158». Allant plus loin, la loi portant organisation et promotion des activités physiques et sportives identifie le sport comme un « ensemble d'exercices physiques et intellectuels codifiés se pratiquant sous forme de jeux individuels ou collectifs pouvant donner lieu à des compétitions159». Le sport, a-t-on l'habitude de le dire, est un facteur majeur de communion sociale. Aussi, le sport est un « facteur important d'équilibre mental, de

    157 http://minjec.gov.cm/index.php/fr/actu/274-centres-multifonctionnels-de-promotion-des-jeunes-levier-de-l-entrepreneuriat-jeune , consultée le 22 janvier 2020.

    158 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.2425.

    159 Article 10 de la Loi N° 2018/014 du 11 juillet 2018 portant organisation et promotion des activités physiques et sportives au Cameroun.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    préservation du capital santé, d'épanouissement physique, intellectuel ou socio-économique de l'individu160».

    L'action des chefferies traditionnelles en matière de sports pourra se faire selon qu'on soit en présence du sport amateur ou du sport professionnel.

    En rapport d'une part avec l'action des chefs traditionnels en matière de sport amateur, il faut noter qu'il s'agit de la pratique du sport en vue de se divertir. Hormis les cas de pratique obligatoire du sport161, la loi aménage la pratique du sport pour tous. Le sport pour tous « consiste en l'organisation de l'éducation physique et de loisirs sportifs récréatifs libres ou organisés au profit du plus grand nombre de citoyens162». Le sport pour tous a l'avantage de constituer un important facteur de promotion de la santé publique, de l'insertion sociale et de la lutte contre les fléaux sociaux163. Les chefferies traditionnelles, dans leur mission d'accompagnement des collectivités locales, peuvent organiser ces activités sportives destinées au plus grand nombre. Il peut s'agir par exemple d'une marche sportive avec exercices d'étirements. Ces activités sportives pour tous dans la réalité sont mises en second plan au profit des activités sportives collectives dont la plus pratiquée est le football. Les installations de football sont visibles dans tous les quartiers et villages de notre pays dont certaines sont sur les terres des chefferies. Les autorités traditionnelles organisent à l'endroit des sportifs des tournois périodiques, des compétitions inter-quartiers ou inter-villages. Il est également du devoir des chefs traditionnels, en synergie avec les collectivités territoriales décentralisées, de promouvoir les sports peu pratiqués et surtout ceux ayant trait à nos cultures à l'image de la lutte traditionnelle.

    En rapport d'autre part avec l'action des chefs traditionnels en matière de sport professionnel, il convient de relever qu'il s'agit de la pratique du sport comme métier. A ce niveau l'action des autorités traditionnelles peut se faire à plusieurs paliers. D'abord, on peut assister à la création et la gestion d'une équipe de sport professionnel par une chefferie traditionnelle. Lorsque qu'une chefferie est un creuset de talents sportifs ou lorsque certaines conditions sont réunies, le chef peut, sur sa propre initiative ou de concert avec les forces en présence, créer une équipe dans le but de promouvoir le sport et porter la localité sur un piédestal. Ensuite, la chefferie traditionnelle peut accompagner une équipe sportive, ses joueurs et son staff technique. Enfin, les chefferies traditionnelles peuvent aider les équipes

    160 Article 2 (1) de la loi précitée.

    161 Articles 4 et 12 de la loi précitée.

    162 Art 15 (1) de la loi précitée.

    163 Al 2 de l'article 15 de la loi précitée.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    sportives de leur ressort territorial par la mobilisation. La mobilisation peut se faire à plusieurs niveaux, on peut énumérer la mobilisation des populations lors des rencontres sportives, la mobilisation des ressources financières nécessaires au fonctionnement de l'équipe et la mobilisation matérielle telle la mise à disposition d'une aire de jeu.

    Les sports et particulièrement le football occupent dans notre pays la plus grande portion de divertissement au grand désarroi des loisirs.

    2) Les loisirs

    Les loisirs correspondent au temps dont on peut disposer en dehors de ses occupations habituelles et des contraintes. Ce temps est mis à profit pour se divertir. La difficulté est que les loisirs sont tous aussi divers que variés et reflètent la subjectivité de chaque individu. Une chose peut constituer un loisir pour une personne et paraître inutile pour une autre. En tout état de cause, il existe des loisirs qui sont admis par le plus grand nombre. Les autorités peuvent intervenir dans le champ des loisirs en agissant sur les infrastructures de loisirs, les évènements ayant un caractère de loisirs et les acteurs des loisirs.

    Concernant d'abord, l'action des chefferies traditionnelles sur les infrastructures de loisirs, elles peuvent accompagner les autorités régionales dans la création et l'exploitation des parcs de loisirs d'intérêt régional164. Elles peuvent aussi apporter leur soutien aux autorités municipales dans la création et l'exploitation des parcs de loisirs165 et parcs d'attraction situés dans la commune. De leur propre chef, les autorités traditionnelles peuvent également mettre à la disposition de leurs administrés des biens de la chefferie pour que ceux-ci puissent se divertir. Il peut s'agir d'un terrain, d'un immeuble bâti pour l'exercice de leurs loisirs.

    Concernant ensuite la participation des chefferies traditionnelles aux évènements ayant un caractère de loisirs, les autorités traditionnelles peuvent, au regard du Code général des collectivités territoriales décentralisées, soutenir les autorités municipales dans 1'organisation des manifestations socioculturelles à des fins de loisirs166. Les autorités traditionnelles peuvent lorsque les circonstances le permettent d'organiser sur leurs territoires respectifs des évènements ayant un caractère de loisirs, il peut s'agir des jeux de société, des séances de lecture publique, des oeuvres de vacances, des randonnées et de l'écotourisme. Cette tâche

    164 Art 272 CGCTD.

    165 Art 162 CGCTD.

    166 Articles 162 et 272 CGCTD.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    s'avère indispensable au regard du manque criard d'activités de loisirs aussi bien en ville qu'en campagne.

    Concernant enfin l'action sur les acteurs des loisirs, il convient tout d'abord de situer l'existence de deux acteurs majeurs de loisirs à savoir les prestataires de loisirs et les consommateurs. D'une part, les autorités traditionnelles ont la mission de faciliter le travail des prestataires de services de loisirs sur leur territoire. Il s'agit aussi compte tenu de l'absence de loisirs d'inciter des promoteurs de loisirs nationaux voire même internationaux de venir s'installer sur le territoire de la chefferie au regard du potentiel de celle-ci. D'autre part, les chefs traditionnels accompagnent les consommateurs de loisirs représentés par tous les citoyens, par l'information ceux-ci. Il s'agit de mettre à leur disposition des informations dont ils ont besoin pour leurs activités de loisirs. Les chefferies peuvent mettre à leur disposition par exemple un guide devant les conduire et leur expliquer le contenu de l'activité de loisirs.

    Si les loisirs constituent un moment de récréation des individus durant leur temps libre, ceux-ci peuvent avoir un lien fort avec la culture.

    §2 - L'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière culturelle

    La culture est une notion polysémique. Dans le sens qui nous intéresse, la culture est l'« ensemble des aspects intellectuels propres à une civilisation, une nation167». Mieux encore c'est la somme « des formes acquises de comportement, dans les sociétés humaines168». En tout état de cause, la culture est l'ensemble des manières et habitudes d'un groupe social.

    La loi portant Code général des collectivités territoriales décentralisées du 24 décembre 2019 a, par transfert, octroyé des compétences aux CTD en matière de culture169. Il est du ressort des autorités traditionnelles d'accompagner les autorités locales pour le rayonnement de notre culture.

    Avec l'avènement du statut spécial des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest brièvement présenté ci-haut, la house of Chiefs a conformément au CGCTD des missions particulières en matière culturelle170.

    167 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.603.

    168 Ibid.

    169 Voir les articles 163, 242 (3) et 273 CGCTD.

    170 Article 337 (2) CGCTD.

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    L'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière culturelle peut être appréhendée par la promotion de la culture (A) et la promotion des langues officielles et nationales (B).

    A) La promotion de la culture

    La promotion de la culture par les chefferies traditionnelles peut se faire par la création et l'organisation d'évènements culturels (1) ainsi que la création et l'appui aux infrastructures culturelles (2).

    1) La création et l'organisation d'évènements culturels

    Un évènement culturel est une rencontre d'un groupe social basée sur la création artistique et culturelle dans espace et à un moment donné. Les chefferies traditionnelles peuvent, de manière autonome ou avec les autorités territoriales décentralisées171, créer ou organiser des évènements culturels. Ainsi, les chefferies traditionnelles peuvent initier des évènements culturels dans le but de pérenniser la culture, de faire connaître la culture au grand public et de renforcer les liens entre peuples au cours de ces rencontres périodiques. Chaque aire culturelle de notre pays a ses particularités, sans exhaustivité nous pouvons citer le Ngouon chez les Bamoun, le Ngondo chez les Sawa, le Gurna des peuples Toupouri, Kéra et Wina et le festival Mbog Liaa chez les peuples Bassa, Bati et Mpoo. Nous verrons successivement comment ces évènements culturels sont mis en oeuvre pour dégager leurs spécificités.

    Le festival Ngouon est l'un des plus anciens festivals sinon le plus ancien au Cameroun172, il représente « un moment fort de l'exaltation de la culture camerounaise173». C'est à la fois un instrument de pouvoir, de démocratie et de développement174. Durant ce festival, chaque famille apportait son tribut agropastoral au Sultan destiné à nourrir la population palatine et à garantir la sécurité alimentaire du Royaume. L'articulation majeure du Ngouon est l'interpellation du Sultan sur des manquements, dysfonctionnements ou injustices dans le palais. Ainsi « à un moment, le roi interpellé se lève et on plante devant lui la lance de la justice. A ce moment, il n'est plus roi. On lui dit ce qui s'est passé et on lui demande ce qu'il va faire pour y remédier. Le roi réagit ensuite par un discours du trône,

    171 Art 273 a) CGCTD.

    172 La première édition du Ngouon remonte au 16ème siècle après la création du Royaume Bamoun par NCHARE

    YEN. Lire sur la question MOUICHE Ibrahim, « Chefferies traditionnelles, culture et développement local au Cameroun », 11e Assemblée Générale du CODESRIA, décembre 2005, p. 1-10.

    173 MOUICHE Ibrahim, « Chefferies traditionnelles, culture et développement local au Cameroun », op. cit., p.3.

    174 Ibid.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    généralement articulé en deux points : il répond aux interpellations du précédent Ngouon et prend acte de celles qui lui sont faites. C'est quasiment une comparution devant le peuple175». Au total, ce festival est un rendez-vous du peuple Bamoun, réparti sur les neuf arrondissements que compte le département du Noun, qui converge vers Foumban avec sa spécialité pour rehausser l'éclat de cet évènement qui transcende les frontières nationales.

    En rapport avec Ngondo, c'est une fête traditionnelle et rituelle des peuples côtiers du Cameroun. Elle réunit les Sawa de la région du Littoral pendant la première semaine du mois de décembre. La littérature sur le Ngondo est assez fournie176. Cette manifestation qui existe depuis 1830 a pour objectif « de réunir les peuples côtiers une fois tous les douze mois en célébrant une grande fête rituelle, mystique et culturelle animée par les hauts dirigeants des différents cantons de la Ville de Douala et sa Métropole177». L'on retient que cet évènement annuel est placé sous la présidence d'un chef d'un des cantons de Douala. Les autorités traditionnelles de ces cantons dans la matérialisation des activités de ce festival ont le souci de promouvoir la culture et de renforcer les liens entre les peuples côtiers. Moment privilégié de la culture camerounaise, le Ngondo a brisé les barrières culturelles et réunit les camerounais de tous les bords qui demeurent fascinés par la course de pirogues, la lutte traditionnelle, le concours du meilleur danseur, le concours de cuisine et le concours de Miss Ngondo pour ne citer que ceux-là.

    En rapport avec le festival Mbog Liaa, il convient de soulever que ce festival n'a été initié par uniquement par des chefs traditionnels mais par des personnalités comme le Colonel MANG Sylvestre, M. MPOUMA Léonard Claude et le Professeur MBOUI Joseph entre autres. Ce festival est organisé par l'association Mbog Liaa. Cependant, on note la place importance reconnue aux chefs traditionnels et plus particulièrement des Mbombog. Ce regroupement des peuples de la « grotte » permet aux peuples de ces trois communautés de se retrouver et de communier autour d'une panoplie d'activités parmi lesquelles des expositions, des conférences-débats, élection miss Mbog Liaa, danses culturelles et sans doute échange

    175 Ibid.

    176 Lire à cet effet AUSTEN Ralph, « Tradition, invention et histoire : le cas du Ngondo », Cahiers d'études africaines, vol. 32, n° 126, 1992, pp.285-309 ; NDOUMBE-MOULONGO Maurice, Le Ngondo, assemblée traditionnelle du peuple duala, centre d'édition et de production de manuels et d'auxiliaires de l'enseignement, Yaoundé, 1972 ; TOKO Le Fils Jean Bernard, Ngondo : impasses d'une mythologie. Ethique théologique de la liberté, Editions universitaires européennes, 2013 et enfin HARTER Pierre, « Le Ngondo », Bulletin de l'Association française pour les recherches camerounaises, Faculté des lettres et de sciences humaines de Bordeaux, tome 3, 1968, pp.61-97.

    177 Document Wikipédia sur le Ngondo https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Ngondo, consulté le 21 janvier 2020.

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    d'expériences. En tout état de cause, ce festival permet aux autorités traditionnelles de transmettre la culture de ces communautés par l'apprentissage de la langue, les contes, l'histoire des peuples de la grotte entre autres.

    En rapport avec le festival Gurna, il faut relever qu'il réunit les peuples Toupouri, Kéra et Wina du Cameroun et du Tchad. Ce festival se passe de manière rotative au Cameroun et au Tchad. Les autorités traditionnelles de ces communautés jouent une part active dans le déploiement des activités de ce festival qui comporte les courses de chevaux, les danses traditionnelles, les jeux de société en voie de disparition, la lutte traditionnelle, les expositions d'oeuvres d'art ancien et moderne et des tables rondes sur les questions de développement des peuples de ces communautés. Il s'agit de réunir et de fédérer les peuples Toupouri, Kéra et Wina issus des départements du Mayo-Danay au Cameroun et du Mont Ili au Tchad autour des valeurs qui leur sont propres.

    A côté de ces évènements culturels majeurs il ne faudrait pas négliger l'existence de certains évènements culturels de petite envergure tels les activités culturelles régulières ou ponctuelles.

    La création et l'organisation d'évènements culturels par les chefferies traditionnelles peuvent être suivies par la création et l'appui aux infrastructures et aux acteurs culturels.

    2) La création et l'appui aux infrastructures et l'appui aux acteurs culturels

    La création et l'appui aux infrastructures culturelles et l'aide aux acteurs culturels constituent le second volet de l'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière culturelle.

    Concernant d'une part la création et l'appui aux infrastructures culturelles, l'on peut retenir ici deux moyens pour y parvenir. Premièrement, les chefferies traditionnelles peuvent créer des infrastructures de promotion de la culture à l'instar des musées, des bibliothèques, des centres socioculturels. A cet égard, on peut citer les musées emblématiques comme le musée de Foumban, le musée de Dschang. Secondement, les autorités traditionnelles peuvent appuyer l'action des autorités locales par la participation à la surveillance et au suivi de l'état de conservation des sites et monuments historiques ainsi qu'à la découverte des vestiges préhistoriques ou historiques et la contribution à la création de centres socioculturels et des bibliothèques de lecture publique d'intérêt régional178.

    178 Art 273 a) CGCTD.

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    Concernant d'autre part l'appui aux acteurs culturels, le Code général des collectivités territoriales décentralisées parle d'appui et d'assistance179 aux associations culturelles. Tous les acteurs culturels n'étant regroupés au sein d'associations, les CTD ne peuvent qu'aider une partie des acteurs culturels. Les chefferies traditionnelles interviendront alors dans l'optique de contenter le plus grand nombre d'acteurs culturels parmi lesquels on a des artistes de tous ordres, les promoteurs culturels et les initiés entre autres. Cet accompagnement des chefferies traditionnelles peut revêtir plusieurs formes. Il peut être financier, matériel, artistique ou même lié à l'idéologie culturelle.

    L'avènement du statut spécial des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest permet à la House of Chiefs de connaître des questions liées aux infrastructures culturelles. En effet, cette chambre de l'Assemblée Régionale émet un avis conforme sur le statut de la chefferie traditionnelle, la gestion et la conservation des sites, monuments et vestiges historiques180. Cet avis va sans doute améliorer la place de la chefferie traditionnelle dans ces régions où le chef a une place prépondérante, valoriser ces sites par une visibilité ici et ailleurs dans le but de partager notre histoire souvent méconnue.

    Si la culture l'élément fondateur de notre identité, elle a pour véhicule les langues et plus singulièrement les langues officielles et nationales.

    B) La promotion du bilinguisme et des langues nationales

    Les autorités traditionnelles, dans leur concours au développement socioculturel local, sont appelées à promouvoir le bilingue (1) et les langues nationales (2) ceci dans le but de permettre aux camerounais de communiquer entre eux tout en conservant les systèmes de communication claniques qui leur sont propres.

    1) La promotion du bilinguisme

    Le bilinguisme est la capacité de parler parfaitement deux langues. Pour le législateur, c'est la « pratique courante des deux langues officielles par les citoyens du Cameroun181». La promotion du bilinguisme, si chère à notre Etat182, incombe également aux chefferies traditionnelles. La constitution garantit la promotion du bilinguisme sur toute l'étendue du triangle national183. Néanmoins, l'on se rend compte que beaucoup de citoyens camerounais

    179 Articles 163 a) et 273 a) CGCTD.

    180 Art 337 (2) CGCTD.

    181 Article 7 a) de la Loi N° 2019/019 du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles au Cameroun.

    182 Art 1 al 3 Loi N°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.

    183 Ibid.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    ne maîtrisent que leur dialecte du fait de la non-scolarisation de ceux-ci. Les chefs traditionnels sont alors appelés à oeuvrer aux côtés des pouvoirs publics à apprendre non pas une mais deux langues à leurs administrés. Cette tâche s'avère très ardue au regard du contexte qui est le nôtre et du mauvais maniement des langues officielles par certains de nos compatriotes.

    Bien qu'étant difficile, cette tâche n'est pas impossible. Elle peut se résumer en l'accompagnement des politiques publiques et la prise d'initiatives propres.

    S'agissant premièrement de l'accompagnement des politiques publiques en matière de promotion des langues officielles et du bilinguisme, il est du devoir des chefferies traditionnelles de soutenir les autorités administratives dans leur action dont la trame centrale est « d'assurer l'égalité de l'usage de l'anglais et du français dans les administrations et organismes publics, et d'inciter les citoyens camerounais à s'exprimer en anglais et en français184». Les autorités traditionnelles pourront donner leur avis sur ces politiques dans le but de les rendre efficientes et accessibles au plus grand nombre de citoyens ; et apporter leur appui multiforme pour la mise en oeuvre de ces politiques. Les autorités traditionnelles peuvent également participer aux programmes nationaux et locaux ponctuels tels les cours de bilinguisme de vacances, les concours d'expression bilingue entre autres.

    S'agissant secondement de la prise d'initiatives propres en ce qui concerne les langues officielles et le bilinguisme, les chefferies traditionnelles peuvent organiser des programmes et évènements destinés à promouvoir le bilinguisme et les langues officielles. Ce type de programme a le mérite d'être efficace en milieu rural où le gap est à combler. On peut à titre d'exemple citer les concours de langue et de bilinguisme organisés par les autorités traditionnelles au sein des établissements scolaires primaires et secondaires.

    Les langues officielles et plus particulièrement le bilinguisme sont l'héritage commun de tous les camerounais, il ne faudrait pas cependant oublier l'existence de tribus et clans au Cameroun d'où l'importance de promouvoir les langues nationales car comme le dit l'adage « il faut se connaître soi-même avant d'aller à la rencontre de l'autre ».

    2) La promotion des langues nationales

    La langue nationale renvoie à un « système d'expression et de communication commun à un groupe social185», une tribu ou une ethnie. Les langues nationales constituent le patrimoine immatériel de notre pays. Si les chefs traditionnels sont garants de nos us et

    184 Art 5 (1) Loi N° 2019/019 précitée.

    185 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.1428.

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    coutumes, ils le sont à plus forte raison de nos langues nationales. Leur action à ce niveau est très attendue compte tenu de la posture qui est la leur. Au regard du foisonnement des langues nationales186 et de la prédominance des langues officielles, il apparaît plus que nécessaire pour nos chefferies traditionnelles de préserver et de pérenniser les langues nationales afin qu'elles ne rentrent pas dans la catégorie des langues dites mortes. La promotion des langues nationales par les autorités traditionnelles, garantie par le constituant camerounais187, peut se faire au niveau des programmes et des infrastructures de promotion.

    Concernant d'une part la participation à la mise en place de programmes de promotion des langues nationales, les chefferies traditionnelles peuvent apporter leur contribution tant au niveau communal qu'au niveau régional. S'agissant premièrement la participation au niveau communal, il peut s'agir à l'examen du CGCTD188, de l'accompagnement des communes à la mise en place des programmes d'apprentissage et de vulgarisation des langues nationales auprès de ceux qui ne la maîtrisent pas. En dehors de cette mission d'accompagnement, la chefferie traditionnelle peut elle-même organiser en son sein des cours d'apprentissage d'une langue nationale de manière continue ou périodique. S'agissant secondement de la participation au niveau régional, il peut s'agir de concert avec les autorités décentralisées régionales et selon la loi189, de la confection du programme régional de promotion des langues nationales ainsi que ces modalités de mise en oeuvre, la mise au point avec ces autorités de la carte linguistique régionale, la participation à la promotion de l'édition et de la numérisation des langues nationales, l'accompagnement de la presse parlée et écrite en langues nationales entre autres. Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, la house of Chiefs est appelée à donner son avis sur la collecte et traduction des éléments de la tradition orale190. Ce qui permettra à coup sûr de mettre à la disposition du public ces éléments de notre patrimoine culturel.

    Concernant d'autre part la participation à la mise en place d'infrastructures de promotion des langues nationales, les chefferies traditionnelles peuvent apporter leur appui tant au plan régional que communal de plusieurs manières. Il peut être question de participer, en concertation avec les autorités régionales et municipales, à la mise en place et à l'entretien des infrastructures régionales et communales de promotion des langues nationales, la création

    186 L'on estime à plus de deux cent cinquante (250), le nombre de langues parlées au Cameroun.

    187 Art 1 al 3 Loi constitutionnelle de 1996.

    188 Art 163 b) CGCTD.

    189 Art 273 b) CGCTD.

    190 Art 337(2) CGCTD.

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    des infrastructures destinées à la valorisation des langues nationales. En rapport d'une part avec l'accompagnement des institutions locales dans la mise en oeuvre des infrastructures de promotion des langues nationales, il peut s'agir de l'octroi d'une parcelle de terre pour la construction d'une telle infrastructure, l'appui technique dans cette mise en oeuvre, l'apport en ressources humaines et financières, entre autres. En rapport d'autre part avec la création des infrastructures de promotion des langues nationales, il est question pour la chefferie traditionnelle de la construction sur fonds propres ou avec l'appui d'un partenaire d'une infrastructure destinée à enseigner et mettre en valeur les langues nationales. Ces infrastructures directement placées sous le contrôle du chef traditionnel ont pour mission de sauvegarder les langues nationales et sa pratique compte tenu de la prééminence de l'anglais et du français dans l'espace public et même dans l'espace privé.

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    CONCLUSION DU CHAPITRE 2

    En définitive, il était question pour nous de traiter de l'action des chefferies traditionnelles au développement socioculturel local. La réponse à cette préoccupation s'est faite en deux temps. D'un côté, il fallait aborder l'action des chefferies traditionnelles au développement socioculturel local en matière d'enseignement et sociale. De l'autre côté, il fallait évoquer l'action des autorités traditionnelles au développement socioculturel local en matière de jeunesse, de divertissement et de culture. Nous pouvons donc dire que les chefs traditionnels apportent une contribution significative à ces domaines au quotidien dans leurs rapports avec leurs administrés.

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    CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

    En somme, il s'agissait pour nous de démontrer le premier volet de la participation des chefferies traditionnelles au processus de décentralisation qui est axé sur le développement local. Il en ressort que de par leur position stratégique, les autorités traditionnelles ont un rôle important à jouer pour le développement de leurs territoires. Cette participation est d'une part orientée vers le développement économique local et d'autre part, elle est dirigée vers le développement socioculturel local. Nous pouvons donc dire que les chefferies traditionnelles sont de véritables vecteurs de développement au niveau local du fait de leur posture et de leur proximité avec les populations principales bénéficiaires de la décentralisation. On peut donc conclure avec Sa Majesté TSALA que cette contribution est permanente car « les chefs sont sollicités dans l'encadrement au quotidien des populations, (...) pas seulement au niveau social mais au niveau des activités économiques qui sont conduites ou menées par nos populations et à travers les projets de développement ». Les chefferies traditionnelles apportent également une contribution en matière de démocratie et de bonne gouvernance locales.

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    SECONDE PARTIE :

    LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES
    TRADITIONNELLES A LA DEMOCRATIE ET A LA
    BONNE GOUVERNANCE LOCALES.

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    La démocratie locale et la gouvernance locale sont deux notions fortement indissociables, certains parlent même de gouvernance démocratique191. La démocratie locale renvoie au « pouvoir de décision transféré dans certains domaines de compétences par un Etat à une collectivité locale ou régionale dotée elle-même d'institutions démocratiques192». Tandis que la gouvernance locale est « un ensemble d'institutions, de mécanismes et de processus qui permettent aux citoyens et aux groupements de citoyens d'exprimer leurs intérêts et leurs besoins, de régler leurs différends et d'exercer leurs droits et obligations à l'échelon local193». Ces définitions nous permettent de cerner le lien étroit qui existe entre la démocratie locale et la gouvernance locale. On peut dire que la démocratie locale renvoie à une action et la gouvernance est le procédé de mise en oeuvre et de contrôle.

    Cependant chez nous, la démocratie est appréhendée sous le spectre des élections. Ce qui limite par conséquent l'action des citoyens en matière de gouvernance au seul moyen du vote sanction194 ou du plébiscite195. C'est sans doute ce qui a poussé le Dr DERIDDER à dire que « Les élections (...) se situent au coeur de la gouvernance locale et sont révélatrices de l'ambivalence du processus de décentralisation. L'instauration d'une nouvelle forme de pouvoir local élu, et ses modalités d'accès ont été progressivement intériorisées (...) comme une menace pour les autorités traditionnelles ; mais, dans un même temps, la décentralisation offre à celles-ci des opportunités pour se repositionner, réaffirmer et sécuriser leur position dans l'arène politique locale. Ainsi, contrairement aux attentes véhiculées par les discours des promoteurs de la réforme et des bailleurs de fonds, la décentralisation n'est pas une cause déterminante ni une condition suffisante de l'ouverture démocratique de l'espace politique local. Cette réforme doit plutôt être comprise comme un contexte favorable ou une opportunité de changement dont les multiples acteurs peuvent se saisir de façons diverses en fonction de leur trajectoire propre et de la variabilité du contexte local196». Il ressort de ce long passage que les chefferies traditionnelles, jadis considérées comme une menace, ont l'opportunité de redorer leur blason au travers de la démocratie et la gouvernance locales.

    191 NGANE Suzanne, op. cit., p.25.

    192 Définition de la démocratie locale de Wikipédia, https://fr.m.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mocratie_locale, consultée le 26 janvier 2020.

    193 PNUD, Decentralised Governance for Development: A Combined Practice Note on Decentralisation, Local Governance and Urban/Rural Development, 2004, p.4.

    194 Le vote sanction est un vote punitif destiné à marquer son désaccord avec les choix des responsables politiques au pouvoir.

    195 Le plébiscite traduit originellement le résultat obtenu à la majorité absolue au cours d'un referendum. Aujourd'hui, il traduit l'élection d'un élu ou d'un programme à une majorité écrasante. Cf. Le Petit Robert, op. cit., p.1930.

    196 DERIDDER Marie, op. cit., pp.201-202.

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    Le Code général des collectivités territoriales décentralisées dispose que la décentralisation « constitue l'axe fondamental de promotion (...) de la démocratie et de la bonne gouvernance au niveau local197». Ce texte de loi ne décline pas en quoi consiste la démocratie et la bonne gouvernance locales, il est impératif de rechercher le contenu de ces concepts dans plusieurs textes législatifs ou règlementaires, et surtout l'intervention des autorités traditionnelles dans ces domaines.

    Le second volet de la contribution des chefferies traditionnelles à la décentralisation dans notre pays peut être appréhendé par le prisme de la démocratie locale (chapitre 1) et de son corollaire immédiat qu'est la bonne gouvernance locale (chapitre 2).

    197 Art 5 (2) CGCTD.

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    CHAPITRE 1 : LA PARTICIPATION DES CHEFFERIES
    TRADITIONNELLES A LA DEMOCRATIE LOCALE

    La démocratie est « un système politique qui permet le contrôle du gouvernement par le peuple et qui place les citoyens sur un pied d'égalité dans l'exercice de ce contrôle198». La démocratie de nos jours est beaucoup plus représentative que directe. Les citoyens agissent par l'intermédiaire de leurs représentants qu'ils ont désignés eux-mêmes.

    D'un autre côté, « à l'égard de la démocratie appréhendée dans le cadre national (...), la démocratie locale (...) se caractérise par l'importance théorique conférée à la participation des habitants199». La participation est l'élément qui revient dans la définition de la démocratie et de la démocratie locale.

    Conformément à leur mission d'encadrement des populations200, les chefferies traditionnelles ont un rôle indéniable à jouer dans le déploiement de la démocratie locale et dans une moindre mesure dans la démocratie à l'échelle nationale.

    La démocratie locale est alors le niveau « le plus proche des citoyens, l'espace dans lequel ceux-ci font l'expérience pratique de la démocratie au quotidien, quand ils interagissent avec les institutions et les processus démocratiques, s'efforcent de gagner leur vie et d'assurer leur sécurité, s'occupent de leur famille et de leur communauté et ont recours à des services essentiels comme la santé, le logement et l'éducation. C'est souvent à ce niveau que les citoyens commencent à se familiariser avec le système politique dont ils font partie201». Ceux-ci doivent être accompagnés par les chefferies traditionnelles pour qu'ils puissent pleinement tirer profit des opportunités que leur offre la démocratie locale.

    La démocratie, au plan national et beaucoup plus au plan local, est malheureusement perçue chez nous sous la coupole des élections. Ce qui a probablement conduit LAMARTINE à affirmer que « le suffrage universel est donc la démocratie elle-même ». Cette vision de la démocratie nous paraît réductrice. Au niveau local, l'on peut adjoindre l'élection à la promotion des droits de l'Homme, la préservation de la paix et la participation citoyenne.

    198 IDEA (Institut International pour la démocratie et l'assistance électorale), Cadre d'évaluation de l'état de la démocratie locale, 2015, p.13.

    199 PAOLETTI Marion, « La démocratie locale française. Spécificité et alignement », CURAPP/CRAPS, La démocratie locale, Représentation, participation et espace public, PUF, 1999, p.45.

    200 Articles 19 et 20 du Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles.

    201 IDEA (Institut International pour la démocratie et l'assistance électorale), op. cit., pp.13-14.

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    La participation des chefferies traditionnelles à la démocratie locale sera étudiée ici sous le prisme de la contribution des chefferies traditionnelles en matière électorale (section 1) et de l'apport de ces entités traditionnelles à la promotion des droits de l'Homme et la préservation de la paix (section 2).

    SECTION 1 - LA PARTICIPATION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES EN
    MATIERE ELECTORALE

    L'élection désigne le « choix, [ou la] désignation d'une ou plusieurs personnes par un vote202». Le vote traduit alors une « opération par laquelle les membres d'un corps politique donnent leur avis sur une décision à prendre203». De manière simple, l'élection est la désignation par le suffrage universel de ses représentants par le peuple. L'élection constitue dès lors la pierre angulaire de la démocratie parce qu'elle représente l'un des aspects de la démocratie locale « les plus visibles directement par les populations204».

    La participation des chefferies traditionnelles en matière électoral peut être appréhendée à l'observation du processus électoral (§1) et suivant le type d'élections (§2).

    §1 - L'action des chefferies traditionnelles dans le processus électoral

    L'action des chefferies traditionnelles dans le processus électoral peut se faire avant (A), pendant et après (B) les élections.

    A) L'action préparatoire des élections

    L'action préparatoire des élections fait référence aux inscriptions sur les listes électorales (1) et aux déclarations de candidature (2).

    1) Les inscriptions sur les listes électorales

    Les inscriptions sur les listes électorales font partie de ce que le code électoral appelle l'établissement et la révision des listes électorales205.

    La loi portant code électoral a prévu que ces opérations d'établissement et de révision des listes électorales se fassent au niveau communal par la commission communale de révision de listes électorales composée d'un président qui est le représentant d'Elections Cameroon et des Membres que sont un représentant de l'Administration, le maire, ou un

    202 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.832.

    203 Ibid., p.2742.

    204 DERIDDER Marie, op. cit., p.169.

    205 Art 50 de la Loi N° 2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral modifiée et complétée par la Loi N° 2012/017 du 21 décembre 2012.

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    adjoint au maire ou un conseiller municipal et un représentant de chaque parti politique légalisé et présent sur le territoire de la commune concernée206. De cette composition, on note la non-prise en compte des chefs traditionnels. Ils accompagnent, dans la pratique, cette commission par deux moyens au moins. D'un côté, les chefs traditionnels peuvent inciter leurs administrés à s'inscrire sur les listes électorales en vue de jouir pleinement de leurs droits civiques et de participer aux choix de ses élus. D'un autre côté, les chefs traditionnels sont sollicités dans la mise oeuvre du travail de la commission. Il peut s'agir de véhiculer auprès des populations de la descente sur le terrain de la commission pour l'enrôlement des potentiels électeurs. Il peut également s'agir de la mise à disposition des commodités nécessaires au déploiement de la commission. Il peut enfin s'agir d'un travail de fonds, les chefs traditionnels doivent signaler à la commission les cas de décès, les personnes sous le coup d'une incapacité électorale207, les personnes ayant changé de domicile et les personnes inscrites indûment208.

    Après cette phase de toilettage du fichier électoral, l'on assiste à la distribution des cartes d'électeur. Les chefferies traditionnelles jouent un rôle important dans la pratique dans ce domaine. Au regard des superficies souvent étendues que les commissions de révision des listes électorales doivent couvrir, il n'est pas toujours évident pour elles de toutes les parcourir entièrement pour la remise des cartes d'électeur. Les membres de ces commissions utilisent les chefferies traditionnelles pour le faire lorsqu'elles connaissent effectivement les concernés. A défaut, ces cartes seront conservées à l'antenne communale de l'organisme en charge des élections et déposées en cas d'élection dans les bureaux de vote respectifs de leurs titulaires209.

    Les inscriptions sur les listes électorales constituent la première partie de l'action préparatoire des élections, la seconde a trait aux déclarations de candidature.

    2) Les déclarations de candidature

    Les déclarations de candidature aux élections intéressent les chefs traditionnels suivant qu'ils sont candidats ou non.

    Lorsque que les chefs traditionnels ne sont pas candidats, ils peuvent intervenir dans le processus de déclaration de candidature par un seul moyen légal. En effet, à la lecture du code

    206 Art 52 (2) Code électoral.

    207 Voir les articles 47 et 48 du Code électoral.

    208 Voir l'article 76 (3) du Code électoral sur les personnes à retrancher du fichier électoral.

    209 Art 85 (2) Code électoral.

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    électoral et en son article 121 alinéa 2, les candidats à l'élection présidentielle qui ne sont pas investis par des partis politiques sont considérés comme candidats indépendants. Ces derniers doivent avoir trois cents signatures de personnalités à raison de trente par région. Parmi ces personnalités, on note la présence des chefs traditionnels de 1er degré.

    Lorsque ces autorités traditionnelles sont a contrario candidates à une élection, il leur appartient de réunir toutes les pièces prévues par le code électoral pour l'élection concernée. Les déclarations de candidature sont généralement accompagnées de contestations qu'il faut vider avant la tenue de la campagne210. En ce qui concerne les élections régionales, le chef traditionnel doit fournir, comme le prescrit le Code électoral, une « copie certifiée conforme de l'acte homologuant la désignation comme chef traditionnel de 1er, 2ème ou 3ème degré pour chaque candidat représentant du commandement traditionnel211».

    Les déclarations de candidature en vue de l'élection marquent la fin de l'action préparatoire des élections, elle ouvre la voix aux élections, au contentieux électoral, à la publication des résultats et à l'installation des élus dans leurs fonctions.

    B) L'action post-préparatoire des élections

    L'action post préparatoire des élections est composée du vote (1) et de l'après-vote

    (2).

    1) Le vote

    Le vote correspond dans ce cadre à l'opération de choix de ses représentants dans les institutions municipales, régionales et nationales. C'est l'acte matériel par lequel le citoyen désigne ses représentants.

    Le vote est placé sous la conduite de l'organe en charge des élections, cela revient à dire que l'action des chefferies traditionnelles est assez limitée dans ce domaine. Elles peuvent être membres des commissions locales de vote212.

    En tant qu'entités de la société, elles participent au vote de deux manières au moins. D'un côté, de par leur posture dans leur milieu de vie, elles sont supposées montrer le bon exemple. Montrer le bon exemple revient à aller effectivement voter le jour du scrutin, ce qui aura, de manière indirecte, le mérite d'encourager leurs administrés à exercer leurs droits

    210 Voir les articles 126, 129, 189 (2), 190 et 231 (2) Code électoral.

    211 Art 257 Code électoral.

    212 Voir la composition de la commission locale de vote prévue par le Code électoral prévu en son article 54 (1).

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    civiques. D'un autre côté, il peut s'agir de la tenue d'un langage positif en matière de vote. Il est question d'inciter les citoyens à aller voter le jour du scrutin pour que leurs voix comptent. Il est tout aussi question d'éviter de tenir un langage nocif au scrutin tel le boycott, la fraude électorale, la corruption et la violence en matière électorale213.

    2) L'après-vote

    La phase intervenant après le vote concerne le contentieux électoral, la publication des résultats et l'installation des élus.

    En ce qui concerne d'abord le contentieux électoral, il est question à ce niveau de contestation de la régularité d'une élection. Elle contient trois étapes majeures à savoir l'introduction d'un recours auprès de la juridiction compétente214, la décision de la juridiction compétente et l'application de cette dernière. L'action des autorités traditionnelles sera ressentie dans le processus de contentieux suivant qu'elles soient candidates ou non. Lorsqu'une autorité traditionnelle est candidate à une élection, elle pourra saisir la juridiction compétente lorsqu'elle a relevé des irrégularités durant le scrutin. Il s'agit pour elle de faire dire le droit pour restituer la vérité qui lui permettra certainement d'accéder au siège en compétition. Lorsqu'elle n'est pas candidate à une élection, le code électoral a prévu la saisine de la juridiction compétente à tout électeur215, ou à tout candidat à ladite élection, parti politique ayant pris part à ladite élection ou toute personne intéressé. Les chefs traditionnels étant des personnes devant montrer le bon exemple, ils sont supposés être inscrits sur les listes électorales. Partant de ce postulat, les chefferies traditionnelles par leurs chefs peuvent saisir la juridiction compétente en l'occurrence le tribunal administratif lorsqu'il y a eu des irrégularités durant le scrutin. Il peut s'agir des délits électoraux que sont la fraude, la corruption, la violence et les actes perturbant le bon déroulement du scrutin. Leur action a pour but d'annuler totalement ou partiellement l'élection avec en toile de fond le respect du suffrage et des droits de leurs administrés.

    En ce qui concerne ensuite la publication des résultats, elle faite par le Conseil constitutionnel pour les élections présidentielles, législatives et sénatoriales, par une commission communale de supervision pour les élections des conseillers municipaux et par

    213 Cf. articles 122 et 123 du Code pénal.

    214 Il s'agit du Conseil Constitutionnel pour l'élection présidentielle, les élections législatives, les élections sénatoriales et le referendum et des Tribunaux Administratifs pour les élections régionales et communales. En attendant la mise en place des tribunaux administratifs, c'est la Chambre Administrative qui les supplée. Voir les articles 132, 168, 194, 239 et 267 du Code électoral.

    215 Il s'agit uniquement des élections régionales et municipales. Cf. articles 194 et 267 (1) Code électoral.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    une commission régionale de supervision. Il convient de relever que les chefferies n'ont aucun rôle à ce niveau sinon véhiculer l'information à leurs administrés.

    En ce qui concerne enfin l'installation des élus, deux cas de figure sont à observer. D'une part lorsqu'un chef traditionnel se voit être élire à une fonction élective, son installation marque le début de sa contribution au processus de décentralisation suivant sa double casquette d'élu et de chef traditionnel. Il s'engage alors à oeuvrer pendant la durée de son mandat à poser des actions de nature à encrer la décentralisation dans la vie des populations et par là même d'améliorer leurs conditions de vie. D'autre part, lorsque le chef traditionnel n'est pas élu, l'installation des élus marque un nouveau départ pour sa collectivité surtout lorsqu'il s'agit de nouveaux élus. L'autorité traditionnelle saisit cette occasion pour prendre attache avec ses représentants en vue de travailler en synergie pour l'évolution de la collectivité.

    L'installation des élus marque la dernière étape de la participation des chefferies traditionnelles dans le processus électoral, il sied maintenant de voir leur participation suivant le type d'élections.

    §2 - La participation suivant le type d'élections

    A ce niveau, nous allons nous intéresser aux élections dites locales parce qu'elles concernent directement les chefferies traditionnelles et la mouvance de décentralisation. Nous adjoindrons les élections des membres du parlement avec un accent sur les élections législatives car elles assimilées à tort ou à raison comme élections locales216.

    Pour ce qui est de la mise à l'écart à ce niveau de l'élection du Président de la République, il faut dire que c'est une élection dont la circonscription est unique, c'est-à-dire, nationale et par conséquent n'a pas une incidence directe sur le processus de décentralisation.

    La participation des chefferies traditionnelles en fonction du type d'élections peut être analysée au travers des élections régionales (A), des élections parlementaires et municipales (B).

    A) La participation aux élections régionales

    Les élections régionales visent à doter les collectivités territoriales régionales de conseillers qui sont les délégués départementaux élus au suffrage universel indirect et les

    216 Le député représente la Nation toute entière. Du fait, du découpage du territoire en circonscriptions électorales, il est assimilé à tort comme le député de sa circonscription électorale. Voir l'article 15 alinéa 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

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    représentants du commandement traditionnel élus par leurs pairs217. Le législateur a fait une part belle aux autorités traditionnelles en leur accordant 22% du conseil régional218. Lors de la plénière d'adoption de la Loi N° 2019/006 du 25 avril 2019 fixant le nombre, la proportion par catégorie et le régime des indemnités des conseillers régionaux, les députés à l'assemblée nationale avaient posé la question de savoir si les chefs traditionnels pouvaient représenter la catégorie des délégués départementaux. Le ministre en charge de la décentralisation leur a répondu que cela était possible à la seule condition qu'ils ne font pas prévaloir leur casquette de chef traditionnel.

    Avec l'avènement du Statut spécial dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les élections régionales ont pour but de doter chacune de ces deux régions d'une assemblée régionale divisée en deux chambres à savoir la House of divisional representatives et la House of Chiefs219. Cette assemblée exerce l'ensemble des attributions dévolues aux conseils Régionaux par la législation en vigueur220 en plus des matières dévolues à chaque chambre.

    Dans le cadre de ce travail, nous nous intéresserons à la catégorie des représentants du commandement traditionnel par la reconnaissance d'un collège de conseillers (1) et par la reconnaissance d'un collège électoral (2).

    1) La reconnaissance d'un collège de conseillers

    La reconnaissance d'un collège de conseillers aux autorités traditionnelles de prendre une part active dans la mise en oeuvre de la décentralisation et plus particulièrement de la démocratie locale. La loi portant Code général des collectivités territoriales décentralisées prévoit comme vu ci-haut que les chefs traditionnels élus par leurs pairs font partie du conseil

    régional221. La circonscription électorale en matière d'élection régionale est le
    département222. La particularité de cette élection est que « le candidat représentant le commandement traditionnel doit avoir la qualité de chef traditionnel de 1er degré ou de 2ème degré. Toutefois, en l'absence d'un chef de 1er degré ou de 2ème degré, la candidature d'un

    217 Cf. article 2(1) de la Loi N° 2019/006 du 25 avril 2019 fixant le nombre, la proportion par catégorie et le régime des indemnités des conseillers régionaux. Et l'article 243(1) du Code électoral.

    218 L'article 4 de la Loi N° 2019/006 du 25 avril 2019 fixant le nombre, la proportion par catégorie et le régime des indemnités des conseillers régionaux prévoit que chaque Conseil régional est constitué de quatre-vingt-dix (90) conseillers régionaux dont soixante-dix (70) conseillers représentant la catégorie des délégués départementaux et vingt (20) conseillers représentant la catégorie des représentants du commandement traditionnel.

    219 Voir les articles 330, 331 et 332 (2) CGCTD.

    220 Art 331 (2) CGCTD.

    221 Art 275 (3) CGCTD.

    222 Art 247 Code électoral.

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    chef de 3ème degré est admise223». Cette disposition vise à doter les conseils régionaux de chefs traditionnels ayant une certaine autorité sur leur territoire car comme nous le savons, les chefs traditionnels de 3ème degré administrent un quartier ou un village. C'est dire qu'ils n'ont pas une grande superficie à couvrir contrairement aux chefs de 1er et 2ème degré qui administrent des territoires ne pouvant excéder les limites respectivement d'un département et d'un arrondissement224. Les autorités traditionnelles représentant le commandement traditionnel au sein des conseils régionaux sont de ce fait des personnes ayant une certaine assise dans le département.

    Avec l'adoption statut dérogatoire des régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest, les conditions d'éligibilité et de vote sont les mêmes que dans les huit autres régions. Ce qui change ici c'est la reconnaissance d'une assemblée régionale à l'image d'un parlement avec deux chambres dont celle qui nous intéresse ici est la House of Chiefs. Le vice-président du Conseil exécutif régional assure la présidence de la chambre225. Cette chambre possède des attributions qui lui sont propres226 en sus des attributions de l'assemblée régionale.

    La reconnaissance d'un collège de conseillers aux autorités traditionnelles a le mérite de faire participer ces dernières au développement de leur région tout en restant attachées aux valeurs et symboles caractérisant la région. Elles veillent donc au développement de la région par l'amélioration des conditions de vie des populations tout en gardant à l'esprit la sauvegarde de notre héritage culturel.

    La reconnaissance d'un collège de conseillers aux chefs traditionnels passe inéluctablement par la reconnaissance d'un collège électoral.

    2) La reconnaissance d'un collège électoral

    « A la différence des parlementaires, mais aussi des conseillers municipaux qui sont élus au suffrage universel direct, les conseillers régionaux sont élus au suffrage universel indirect par de grands électeurs regroupés en collèges électoraux227».

    La reconnaissance d'un collège électoral aux autorités traditionnelles dans la désignation des conseillers régionaux représentant le commandement traditionnel est la suite

    223 Art 250 (3) Loi N° 2019/005 du 25 avril 2019 modifiant et complétant certaines dispositions de la Loi N° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral.

    224 Article 3 du Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles.

    225 Art 339 (1) CGCTD.

    226 Art 337 CGCTD.

    227 EKO'O AKOUAFANE Jean Claude, La décentralisation administrative au Cameroun, op. cit., p.163.

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    logique de la reconnaissance d'un collège de conseillers. Le collège électoral de désignation de ces derniers est composé des chefs traditionnels. Le Code électoral dispose que « Les représentants du commandement traditionnel sont élus par un collège électoral composé des chefs traditionnels de 1er, 2e et 3e degrés autochtones, dont la désignation a été homologuée, conformément à la réglementation en vigueur228». Le même code poursuit en disant que lorsqu'un chef traditionnel a la qualité de conseiller municipal, il ne peut exprimer son suffrage que dans un seul collège électoral229.

    La reconnaissance d'un collège électoral de désignation des représentants du commandement traditionnel au sein du conseil régional a l'avantage de donner la capacité aux autorités traditionnelles de désigner leurs pairs pour que ceux-ci puissent porter valablement leurs préoccupations au sein de ces conseils. Elle a aussi l'avantage de responsabiliser et de renforcer la culture démocratique des chefs traditionnels.

    Ceci trouve justification par le fait que « le commandement traditionnel (...) n'a pas la même importance dans toutes les Régions du Cameroun. Celui-ci acquiert une nouvelle reconnaissance des pouvoirs publics qui oblige à sa prise en compte. Il s'agit pour chaque terroir d'avoir une organisation propre, liée à son identité culturelle230».

    La reconnaissance d'un collège électoral aux autorités traditionnelles constitue l'ultime point de la participation de celles-ci aux élections régionales, il convient à présent de voir quelle est leur contribution en matière d'élections parlementaires et municipales.

    B) La participation aux élections parlementaires et municipales

    La participation des chefferies traditionnelles aux opérations électorales, peut également se faire en ce qui concerne les élections des membres du parlement (1) et les élections municipales (2).

    1) Les élections parlementaires

    Les élections des membres du Parlement concernent les élections sénatoriales et les élections législatives. Ces deux chambres du Parlement se renouvellement intégralement tous les cinq (5) ans.

    Concernant d'une part les élections sénatoriales, il s'agit d'élections particulières car « Chaque région est représentée au Sénat par dix (10) sénateurs dont sept (7) sont élus au

    228 Art 248 (2) Code électoral.

    229 Art 248 (3) Code électoral.

    230 NGANE Suzanne, op. cit., p.32.

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    suffrage universel indirect sur la base régionale et trois (3) nommés par le Président de la République231». S'agissant de l'élection des sénateurs, il s'agit comme relevé plus haut d'une élection indirecte. Le collège électoral est constitué des conseillers régionaux et des conseillers municipaux232. Les sénateurs « sont par conséquent, les élus des élus ou pour être plus précis, les élus des élus locaux233». A ce niveau, deux cas de figure sont à observer. D'un part, un chef traditionnel peut être candidat à l'élection des sénateurs. Il devra alors mobiliser toutes les ressources à sa disposition en vue d'être élu et de remplir la fonction de représentation des collectivités territoriales décentralisées234. Dans la pratique, on dénombre une multitude d'autorités traditionnelles au sein du Sénat. La législature actuelle du Sénat compte parmi ses membres une dizaine de chefs traditionnels. D'une autre part, les chefs traditionnels détenteurs d'un mandat de conseiller municipal ou régional, font partie du collège électoral de désignation des sénateurs. Ceux-ci ont la prestigieuse mission d'élire les sénateurs devant les représenter au Parlement.

    Concernant d'autre part les élections législatives, il est question d'élire les députés à l'Assemblée Nationale au suffrage universel direct et secret235. Contrairement à l'élection des sénateurs, le corps électoral de l'élection des députes est composé de l'ensemble des citoyens inscrits sur les listes électorales. La circonscription électorale est le département, la loi donne la possibilité au Président de la République de procéder à des découpages spéciaux au regard de la spécificité de certaines circonscriptions236. Ainsi, le décret N° 2013/222 du 3 juillet 2013 portant répartition des sièges par circonscription électorale à l'Assemblée nationale est venu régler la question en prenant en compte les spécificités de chaque terroir. A ce niveau, deux scénarios peuvent être observés. Le premier est visible lorsque les listes de candidats comptent des autorités traditionnelles, celles-ci doivent tout mettre en oeuvre en vue de garantir leur élection. Elles auront une fois élues de représenter valablement les populations dont elles détiennent le mandat. Le second est visible lorsque les autorités traditionnelles ne sont pas candidates à cette élection. Il est de leur devoir, en vue de raffermir la démocratie locale, d'inviter leurs administrés à effectuer leur devoir citoyen le jour du scrutin.

    231 Art 20 Loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

    232 Art 222 (1) Code électoral.

    233 EKO'O AKOUAFANE Jean Claude, Le Sénat au Cameroun et en Afrique : Vade-mecum, L'Harmattan Cameroun, 2011, p.109.

    234 Art 20 (1) Loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

    235 Art 148 (1) Code électoral.

    236 Art 149 (2) Code électoral.

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    Si les élections des membres du Parlement permettent aux populations et à leurs représentants de désigner des élus à même de les représenter dans les instances nationales, il est loisible de s'intéresser aux élections municipales qui touchent directement les populations et les autorités traditionnelles.

    2) Les élections municipales

    Les élections municipales sont celles qui visent à doter les communes de conseillers municipaux. Les élections des conseillers municipaux sont celles qui suscitent le plus d'engouement des administrés car ces derniers attendent beaucoup des conseillers municipaux et des exécutifs communaux en termes d'amélioration des conditions de vie. C'est sans nul doute ce qui a poussé le Docteur DERIDDER à affirmer qu'« En milieu rural, les élections communales et les processus électoraux engendrés sont l'un des aspects de la décentralisation les plus visibles directement par les populations237».

    La participation des autorités traditionnelles peut également se faire à ce niveau par deux moyens au moins.

    D'une part, lorsque les autorités traditionnelles sont candidates aux élections municipales, il s'agit pour elles de mettre à profit leur expérience pour le développement de la municipalité. Les élections municipales se faisant au scrutin de liste sans vote préférentiel ni panachage238, il n'est pas rare de retrouver des listes comportant des chefs traditionnels. De ce fait, les autorités traditionnelles « réussissent à se maintenir au pouvoir tout en se transformant de façon peu perceptible. Elles apprennent à maîtriser ces nouvelles règles du jeu politique et font du conseil communal un nouveau lieu stratégique du pouvoir et de sa mise en scène (...)239».

    D'autre part, lorsque les chefs traditionnels ne sont pas candidates aux municipales, il n'est pas exclu que ceux-ci soient proches de certains candidats et militent en leur faveur. La position stratégique de la chefferie traditionnelle dans le territoire d'une commune fait qu'elle est incontournable dans la quête des suffrages et plus tard dans l'implémentation du développement local. Les candidats se tournent alors vers les chefs traditionnels en fonction de leurs obédiences politiques ou de leurs affinités pour solliciter leur soutien. Passé cette étape, que le chef soutienne ou non un candidat ou sa liste, il est important pour lui d'exhorter ses populations à aller exprimer leur choix le jour du scrutin.

    237 DERIDDER Marie, op. cit., p.169.

    238 Art 171 (1) Code électoral.

    239 DERIDDER Marie, op. cit., p.202.

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    La participation des chefferies traditionnelles aux élections municipales est le dernier point de la participation de ces autorités au processus électoral, il est nécessaire de voir dès à présent comment s'effectue la contribution des chefferies traditionnelles en matière de promotion des Droits de l'Homme et des Libertés et de préservation de la paix.

    SECTION 2 - LA PARTICIPATION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES EN
    MATIERE DE PROMOTION DES DROITS DE L'HOMME ET DE PRESERVATION

    DE LA PAIX

    La participation des chefferies traditionnelles à la démocratie locale peut également se

    faire par la promotion des droits de l'Homme et des libertés (§1) et par la préservation de la paix (§2).

    §1 - La promotion des Droits de l'Homme et des Libertés

    Les droits de l'Homme « peuvent être appréhendés comme des prérogatives ou des droits consubstantiels ou inhérents à la personne humaine240». Ils sont selon le lexique des termes juridiques l'ensemble des « droits inhérents à la nature humaine, donc antérieurs et supérieurs à l'État, déclarés au plan national puis international, et protégés notamment par la voie juridictionnelle241». Les libertés publiques quant à elles renvoient à l'aménagement par l'Etat au profit des citoyens des possibilités de penser, d'agir et de se mouvoir sans contraintes et dont la garantie est assurée par l'Etat. Pour MM. GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry, il s'agit de « droits de l'Homme reconnus, définis et protégés juridiquement242». La liberté publique s'entend alors comme le corollaire des droits de l'Homme.

    La promotion des droits de l'Homme et des libertés publiques par les autorités traditionnelles peut s'analyser par la valorisation des droits de l'homme et des libertés (A) et par la lutte contre les atteintes faites à ceux-ci (B).

    A) La valorisation des Droits de l'Homme et des Libertés

    Les droits de l'Homme et les libertés publiques étant une question qui transcende les clivages locaux et nationaux, il faut aller chercher ses racines loin, c'est-à-dire au niveau international. La valorisation des droits de l'Homme et des libertés publiques par les chefferies traditionnelles passe par la promotion des mesures de valorisation au plan international (1) et au plan national et local (2).

    240 GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, Cours de libertés et droits fondamentaux, Université de Yaoundé II, 2015-2016, Inédit.

    241 GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry (dir.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p.829.

    242 Ibid., p.1248.

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    1) La promotion des mesures de valorisation au niveau international

    La promotion des mesures de valorisation des droits de l'Homme et libertés publiques est visible au travers d'un arsenal juridique et d'institutions émanant de ce dernier. Au regard de la largesse de ce domaine, l'on abordera uniquement les cas perceptibles au plan universel et en Afrique. Ces mesures s'appliquent à nous parce que notre pays est membre des organisations internationales qui les ont prises243.

    Concernant d'une part les mesures de valorisation au plan universel, elles émanent principalement de l'Organisation des Nations Unies (ONU). L'instrument de base dans ce domaine est la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948. Autour d'elle gravitent d'autres textes tels la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, la Convention internationale pour l'élimination de toutes formes de discrimination raciale du 21 décembre 1965, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, la Convention sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes du 18 décembre 1979 et les Pactes internationaux du 16 décembre 1966 relatifs respectivement aux droits civils et politiques, et aux droits économiques, sociaux et culturels entre autres.

    Il est alors question pour les autorités traditionnelles de véhiculer à leurs administrés le contenu de cette armada de textes. Cet enseignement a deux atouts. Le premier est de leur apprendre quels sont leurs droits et ceux de leurs semblables. Le second est de leur donner des moyens de se prémunir face aux autres. A côté de cet arsenal juridique, il existe des institutions chargées à ce niveau de veiller au respect des droits de l'Homme et libertés publiques. A titre d'illustration, on peut citer la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies qui est le principal organe chargé de promouvoir les droits de l'Homme dans le monde. La commission fait « office de tribune où les pays, grands et petits, groupes non gouvernementaux et les défenseurs des droits de l'homme du monde entier peuvent faire entendre leur voix244». Les chefs traditionnels en tant que défenseurs des droits de l'Homme et des libertés publiques se doivent en tout lieu et en tout temps de toujours promouvoir ces droits.

    243 Le Cameroun est devenu membre de l'Organisation des Nations Unies le 20 septembre 1963 par la Résolution n° 1476 (XV). Tandis que le 25 mai 1963, le Cameroun devient membre de l'Organisation de l'Unité Africaine qui deviendra Union Africaine le 9 juillet 2002.

    244 Présentation de la Commission des droits de l'Homme de l'Organisation des Nations Unies, https://www.ohchr.org/FR/hrbodies/chr/pages/commissiononhumanrights.aspx, visitée le 30 janvier 2020.

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    Concernant d'autre part les mesures de valorisation en Afrique, elles sont l'oeuvre de l'Union Africaine et des organisations sous régionales. Nous allons jeter notre dévolu sur ce qui est fait au niveau de l'Union Africaine. Sa devancière245 n'a pas attendu longtemps pour prendre des textes ayant un caractère de promotion et protection des droits de l'Homme et des libertés publiques. On peut énumérer la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples du 27 juin 1981, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant du 1er juillet 1990 et le Protocole à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes du 11 juillet 2003. Ces textes ont prévu des institutions chargées de veiller au respect des droits de l'Homme édictés par les textes cités plus haut au sein de chaque Etat membre et de régler les litiges y afférents. On peut citer la Commission africaine des droits de l'Homme et des Peuples chargée de « promouvoir les droits de l'homme et des peuples et d'assurer leur protection en Afrique246» et le Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant chargé de « promouvoir et protéger les droits et le bien-être247» sur le continent de cette catégorie sociale. Le devoir des autorités traditionnelles est alors de mettre ces informations à la disposition de leurs administrés.

    Si les chefferies traditionnelles se livrent à la promotion de ce qui est fait à l'extérieur du Cameroun en matière de droits de l'Homme et libertés publiques, il est primordial pour elles de relever également ce qui est fait à l'intérieur du pays.

    2) La promotion des mesures de valorisation au niveau national et local

    La promotion des mesures de valorisation des droits de l'Homme et libertés publiques par les autorités traditionnelles consiste à porter aux populations ce qui est fait au plan national et au plan local.

    S'agissant d'une part des mesures de valorisation des droits de l'Homme et libertés publiques au niveau national, l'on peut relever un ensemble de textes et d'institutions de promotion des droits de l'Homme et des Libertés. Le texte fondateur en la matière est la Constitution qui dans son préambule « affirme son attachement aux libertés fondamentales inscrites dans la déclaration universelle des droits de l'homme, (...) la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples248». Après cette affirmation, elle reconnaît des droits et libertés du citoyen et confie l'aménagement et la protection de ces droits à la loi. Il convient de relever que les lois en la matière sont éparses au regard de la multitude de droits à

    245 L'organisation de l'Unité Africaine créée en 1963 et remplacée par l'Union Africaine en 2002.

    246 Article 30 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples du 27 juin 1981.

    247 Article 32 de la Charte Africaine des Droits et du bien-être de l'enfant du 1er juillet 1990.

    248 Préambule de la Loi Constitutionnelle du 18 janvier 1996.

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    sauvegarder. Il existe toutefois une loi créant un organe destiné à protéger les droits des citoyens. Le texte législatif dont s'agit est la Loi N° 2019/014 du 19 juillet 2019 portant création, organisation et fonctionnement de la commission des droits de l'homme du Cameroun qui est « une institution indépendante de consultation, d'observation, d'évaluation, de dialogue, de conciliation et de concertation en matière de promotion et de protection des droits de l'homme249». Cette instance contribue à la vulgarisation des instruments juridiques des droits de l'homme, à la sensibilisation du public sur diverses thématiques relatives aux droits de l'homme, y compris la question du genre, ainsi que les droits des groupes vulnérables, à la recherche, l'éducation et la formation en matière des droits de l'homme, au plaidoyer en faveur de l'amélioration du cadre juridique et institutionnel de promotion des droits de l'homme250. Les chefferies traditionnelles dans leur mission d'encadrement des populations devront alors renseigner leurs administrés sur la question afin d'en faire des citoyens qui jouissent pleinement de leurs droits tout en respectant ceux des autres.

    S'agissant d'autre part des mesures de valorisation des droits de l'Homme et libertés publiques au niveau local, il est question pour leurs majestés de consolider l'action des communes et régions en la matière. L'action des chefs traditionnels sera appréciée en fonction de leur engagement et par ce qui est fait par la collectivité. En tout état de cause, parmi les compétences transférées aux collectivités territoriales décentralisées, l'on dénombre certains droits tels l'éducation, la protection, le logement, la santé, le droit à un environnement sain, le travail, le droit au divertissement251. Les autorités traditionnelles dans leur mission d'assistance et de conseil des collectivités territoriales devront s'assurer que ces dernières mettent tout en oeuvre pour la réalisation de ces droits.

    Les chefs traditionnels dans leur travail de pédagogie de valorisation des droits de l'Homme et libertés publiques aux populations, doivent aussi leur apprendre comment lutter contre les atteintes faites aux droits inhérents à leurs personnes.

    B) La lutte contre les atteintes aux Droits de l'Homme et des Libertés

    La lutte contre les atteintes aux droits de l'homme et des libertés par les autorités traditionnelles peut être faite au moyen de la lutte non juridictionnelle contre ces atteintes (1) et de la lutte juridictionnelle contre celles-ci (2).

    249 Article 1er alinéa 2 de la Loi N° 2019/014 du 19 juillet 2019 portant création, organisation et fonctionnement de la commission des droits de l'homme du Cameroun.

    250 Article 4 de la Loi N° 2019/014 précitée.

    251 Voir le Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées, des articles 156 à 163 et 267 à 273.

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    1) La lutte non juridictionnelle contre les atteintes aux Droits de l'Homme et des

    Libertés

    La lutte non juridictionnelle contre les atteintes aux droits de l'Homme et aux libertés publiques est assurée à trois niveaux par les chefferies traditionnelles elles-mêmes, par l'administration locale et par des organismes gouvernementaux à l'instar de la Commission des droits de l'Homme du Cameroun.

    D'abord relativement à la lutte menée par les autorités traditionnelles, il s'agit pour ces dernières de mettre tout en oeuvre pour qu'au sein du territoire de commandement de la chefferie, les atteintes à ces droits soient sanctionnées par l'autorité coutumière sans préjudice de la loi. Ainsi, cette dernière peut créer un comité chargé de veiller au respect des droits de l'Homme. Celui-ci pourra être saisi lorsqu'un administré estime que l'autorité traditionnelle est à même de répondre à ces préoccupations. Compte tenu du système d'imposition de volontés observé dans certaines chefferies, il est question de faire en sorte que les chefs et leurs notables soient des exemples en matière de droits de l'Homme. Ce qui vient d'être dit pourra être apprécié diversement en fonction du foisonnement culturel de notre pays.

    Ensuite relativement à la lutte menée par l'administration locale, il est question pour cette dernière de combattre ces atteintes par l'autorité administrative locale et par certains services locaux spécialisés. Lorsque des atteintes sont avérées, l'autorité traditionnelle peut saisir l'autorité administrative locale - municipale ou régionale - afin qu'elle restaure l'administré dans ses droits et le dédommage lorsque la restauration n'est pas possible. Pour ce qui est des services locaux spécialisés il peut s'agir du service des affaires sociales qui pourra être saisi par les chefs traditionnels lorsqu'ils auront constaté des atteintes aux droits fondamentaux pour une réponse prompte.

    Enfin relativement à la lutte menée par les organismes gouvernementaux, l'on s'appesantira uniquement sur la Commission des droits de l'Homme du Cameroun. En effet, cette commission participe à « la lutte contre l'impunité en matière des droits de l'homme252» par le traitement des requêtes et dénonciations relatives aux allégations de violation des droits de l'homme, l'auto-saisine pour les faits portés à sa connaissance, qui sont de nature à constituer des violations graves, récurrentes ou systémiques des droits de l'homme, le suivi de la situation des droits de l'homme et les avis et conseils en matière des droits de l'homme253.

    252 Article 6 de la Loi N° 2019/014 du 19 juillet 2019 portant création, organisation et fonctionnement de la

    commission des droits de l'homme du Cameroun.

    253 Ibid.

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    Les autorités traditionnelles, comme tout citoyen, peuvent saisir la Commission pour que celle-ci se prononce sur des cas de violations des droits de l'Homme. Pour sortir, la chefferie traditionnelle est représentée au sein de la Commission par un membre254. Ceci montre à suffire le rôle important que joue l'autorité traditionnelle dans la protection des droits de l'Homme.

    Si la lutte non juridictionnelle contre les atteintes aux droits de l'Homme et des libertés publiques peut se faire en trois volets, comment les chefs traditionnels peuvent-ils initier la lutte juridictionnelle contre de telles atteintes ?

    2) La lutte juridictionnelle contre les atteintes aux Droits de l'Homme et des

    Libertés

    La juridiction juridictionnelle contre les atteintes aux droits de l'Homme et aux libertés publiques peut se faire tant au plan national qu'au plan international.

    D'une part s'agissant de la protection juridictionnelle nationale contre les atteintes à ces droits et libertés, elle est garantie par la juridiction constitutionnelle et les juridictions judiciaires et administratives. La juridiction constitutionnelle n'est malheureusement pas ouverte à tout citoyen dans notre pays255. Malgré la saisine complexe, lorsque celle-ci tranche elle prend en compte la sauvegarde des droits fondamentaux bafoués étant donné qu'elle est garante du respect de la Constitution. L'action dans ce domaine des chefferies traditionnelles nous semble très limitée. A côté de la juridiction constitutionnelle, on dénombre les juridictions judiciaires et administratives. La saisine de celles-ci est beaucoup plus facile qu'avec la juridiction constitutionnelle, chacune présente des règles propres de saisine. Si pour saisir la juridiction administrative il faudrait en principe avoir passé l'étape du recours gracieux préalable, tandis que pour saisir la juridiction judiciaire il faut juste une requête. L'action des autorités traditionnelles pourra alors être multiforme. Elle peut consister à l'information des autorités judiciaires des cas d'atteintes des droits de l'Homme pour qu'elles se saisissent de l'affaire. Elle peut aussi consister en un accompagnement des victimes d'abus

    254 Voir l'article 13 la Loi N° 2019/014 du 19 juillet 2019 qui prévoit dans la composition de la commission treize (13) membres parmi lesquelles « une (01) autorité traditionnelle ».

    255 A la lecture de l'article 47 (2) de notre Constitution qui dispose que « Le Conseil Constitutionnel est saisi par le Président de la République, le président de l'Assemblée Nationale, le président du Sénat, un tiers des députés ou un tiers des sénateurs. Les présidents des exécutifs des régionaux peuvent saisir le Conseil Constitutionnel lorsque les intérêts de leur région sont en cause », l'on se rend compte que les particuliers ne peuvent saisir la juridiction constitutionnelle que dans le cadre du contentieux de certaines élections. Encore qu'il faut avoir la qualité pour agir au sens de l'article 48 (2) du même texte.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    pour qu'elles choisissent de dénoncer et de briser le silence. Ceci s'avère compliqué au regard de l'organisation de la société patriarcale dans laquelle nous vivons.

    D'autre part s'agissant de la protection juridictionnelle internationale contre les atteintes aux droits de l'Homme et aux libertés publiques, on dénombre une multitude de juridictions en la matière. Nous nous limiterons à celles de l'Organisation des Nations Unies et de l'Union Africaine. Au niveau onusien, on note deux systèmes à savoir le système de rapports et le système de plaintes256. Nous allons nous intéresser au second. De ce fait, le Comité des droits de l'Homme est compétent « pour recevoir et examiner les communications des Etats ainsi que des particuliers qui prétendent être victimes d'une violation de leurs droits par leurs Etats parties au Pacte257». De cette citation, il en ressort que les chefs traditionnels peuvent saisir cette instance lorsque l'Etat viole leurs droits et ceux de leurs administrés. Au niveau de l'Afrique, on note une dualité de système de protection avec la commission africaine des droits de l'Homme et des Peuples et la cour africaine des droits de l'Homme et des Peuples. La commission est chargée d'examiner les « communications ou plaintes des Etats parties à la charte et d'autres communications ou plaintes provenant des personnes physiques ou morales258». On note alors la possibilité offerte aux personnes physiques et par ricochet aux autorités traditionnelles de saisir la Commission. La cour africaine des droits de l'Homme et des Peuples pour sa part, il s'agit de porter à sa connaissance des cas de violation des droits de l'Homme. Les autorités traditionnelles peuvent lorsqu'elles le peuvent accompagner les victimes dans ce processus.

    La protection juridictionnelle contre les atteintes faites aux droits de l'Homme et aux libertés est le dernier volet de la promotion des droits de l'Homme et des libertés, il apparaît opportun de s'arrêter un instant sur la préservation de la paix.

    §2 - La préservation de la paix

    La paix désigne de manière triviale l'absence de conflits et d'un calme relatif d'un lieu. La préservation de la paix permet de « prévenir (...) la menace, et au besoin de réprimer par l'application de différents moyens, les actions ou omissions de nature à troubler l'ordre social259». Dans leur mission d'encadrement des populations, les autorités traditionnelles

    256 GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, Cours de libertés et droits fondamentaux, Université de Yaoundé II, 2015-2016, Inédit.

    257 Ibid.

    258 Ibid.

    259 CIMAMONTI Sylvie, « L'ordre public et l'ordre pénal », in BEIGNIER Bernard et REVET Thierry, L'ordre public à la fin du XXe siècle, Dalloz-Sirey, 1996, p.90.

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    préservent la paix d'une part par la prise de mesures visant à la préserver (A) et d'autre part par le règlement des litiges par la juridiction traditionnelle (B).

    A) La prise de mesures visant à préserver la paix sociale

    La paix sociale peut être définie comme la représentation d'un groupe social qui se singularise par son état de tranquillité. Elle trouve son fondement sur « le droit et le respect mutuel260».

    La prise de mesures visant à maintenir la paix sociale dans le territoire de la chefferie traditionnelle est faite par le chef en vertu de l'article 19 du décret du 15 juillet 1977 qui confère au chef la « mission d'encadrement des populations ». Il doit donc dans cet encadrement de toujours veiller à ce que la paix sociale ne soit pas perturbée.

    Pour que la paix sociale soit effective, l'autorité traditionnelle a un double rôle à jouer, d'une part il doit prendre des mesures destinées à prévenir les risques de trouble de la paix sociale (1) et prendre également des mesures destinées à rétablir la paix sociale lorsqu'elle est troublée (2).

    1) La prise de mesures préventives

    La prise de mesures préventives destinées à préserver la paix sociale est faite par le chef traditionnel au quotidien dans sa circonscription. Lesdites mesures sont essentiellement la sensibilisation et le renseignement prévisionnel.

    S'agissant d'une part de la sensibilisation, il est question pour l'autorité traditionnelle d'éduquer sa population aux bienfaits de la paix sociale et aux pertes occasionnées lorsqu'elle est troublée. Il s'agit d'un véritable cours de civisme. La difficulté peut résider en milieu urbain où il n'est pas évident d'atteindre tous les citoyens au regard du mode de vie axée sur la quête des moyens de subsistance d'où l'absence de certains de leurs domiciles. Malgré cette difficulté les autorités traditionnelles se doivent de mettre tous les moyens en jeu pour atteindre le maximum de personnes. La sensibilisation a pour effet de conscientiser les populations sur l'importance de la paix sociale pour le développement économique et socioculturel de leur contrée et pour leur épanouissement.

    S'agissant d'autre part du renseignement prévisionnel, il est question pour le chef d'avoir des canaux d'information dans toutes les strates de sa collectivité à même de déjouer

    260 Définition de la paix sociale de Didier Toulouse, http://didiertoulouse.e-monsite.com/pages/la-paix-sociale-1/definition-de-la-paix-sociale.html, consultée le 2 février 2020.

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    les éventuelles atteintes à la paix sociale. Lorsqu'une information est avérée, l'autorité traditionnelle a alors la possibilité de régler la question elle-même ou de la référer aux autorités compétentes pour le faire. Cette plateforme de collaboration entre d'une part les administrés et les chefferies traditionnelles et d'autre part entre les autorités locales, les chefferies traditionnelles et les administrés doit permettre l'instauration d'un climat de confiance entre ces acteurs pour permettre aux administrés de véhiculer les informations utiles à la sauvegarde de la paix sociale.

    Lorsque les mesures préventives n'ont pas permis de contenir les dérapages, il faut que l'autorité traditionnelle prenne alors des mesures curatives en vue de restaurer la paix sociale.

    2) La prise de mesures curatives

    La prise de mesures curatives est faite par le chef traditionnel directement après la survenance d'un trouble à celle-ci. Elle vise à rétablir la paix sociale troublée. L'action de l'autorité traditionnelle peut se faire en deux temps.

    Premièrement, lorsque ces troubles surviennent les autorités traditionnelles, par leur position de premier plan avec les populations, peuvent mener plusieurs opérations destinées à rétablir la paix sociale. Il s'agit de l'arbitrage et de l'isolement ou la quarantaine. D'une part, l'arbitrage est le « règlement d'un différend (...) par une ou plusieurs personnes auxquelles les parties ont décidé, d'un commun accord, de s'en remettre261». Il s'agit donc pour les autorités traditionnelles d'arbitrer des litiges qui menacent la paix sociale pour deux objectifs au moins, le premier est de restaurer la paix et le second de trouver une solution objective au litige afin que les parties soient satisfaites de celle-ci. D'autre part, l'isolement ou la quarantaine vise à éloigner la source du trouble de la population afin que celle-ci n'ait plus d'effets négatifs sur la paix sociale. L'on a vu dans la pratique des administrés réclamer auprès du chef traditionnel, le départ d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison des actes négatifs qu'elles posaient au sein de la collectivité.

    Secondement, lorsque les autorités traditionnelles n'ont pas pu juguler la crise, elles s'en réfèrent aux autorités locales ou nationales en fonction de la gravité de celle-ci. Ces autorités se chargeront alors de stopper le trouble et de rétablir la paix sociale. Ces autorités pourront à leur tour tous les moyens en leur possession pour le retour à la normale. Il peut s'agir du déploiement des forces de maintien de l'ordre sur le terrain, le dialogue lorsqu'il est possible avec les principaux protagonistes et la concertation avec les parties au litige.

    261 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.129.

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    S'il advienne que les mesures curatives de troubles à la paix sociale prises par les chefferies s'avèrent insuffisantes, elles peuvent saisir le tribunal coutumier pour que celui-ci tranche sur la question.

    B) Le règlement des litiges par la juridictionnelle traditionnelle

    Le règlement des litiges survenus dans une chefferie traditionnelle peut trouver une issue favorable à travers la juridiction traditionnelle (2) survenue après une tentative de conciliation à l'amiable lorsque cela est possible (1).

    1) La tentative de conciliation

    La conciliation est un mode alternatif de règlements des différends traditionnellement reconnu à l'office de tout juge judiciaire. La conciliation est alors un « mode de résolution des conflits menée sous l'égide du juge, visant à une solution négociée du litige (...) qui consiste à amener les parties à un règlement amiable du conflit par la voie de la conciliation262». De manière simple, il s'agit de « mettre d'accord, amener à s'entendre des personnes divisées d'opinion, d'intérêt263».

    Dans la vie quotidienne, l'on fait tous recours à la conciliation pour se sortir des situations compliquées. Il en est de même pour les chefs traditionnels qui voient défiler chaque jour des personnes avec des différends qu'il faut résoudre. C'est nul doute ce qui a motivé le pouvoir règlementaire à doter les chefferies traditionnelles d'un véritable pouvoir de conciliation. En effet « Les chefs traditionnels peuvent, conformément à la coutume et lorsque les lois et règlements n'en disposent pas autrement, procéder à des conciliations ou attributions ou arbitrages entre leurs Administrations264». Les autorités traditionnelles sont donc chargées de trouver des solutions conciliées non seulement aux problèmes des particuliers mais aussi aux conflits de leurs administrations lorsque les textes le permettent.

    Le préalable de la conciliation repose est duale. D'une part, il faudrait que les parties acceptent la conciliation de l'autorité traditionnelle. D'autre part, il faudrait également que les parties acceptent la proposition de conciliation de l'autorité traditionnelle. Il convient de soulever que cette dernière n'est pas une solution qui doit toujours arranger les parties, elle doit épouser la coutume locale, le droit, le bon sens et la compromission pour parvenir à une solution durable dans le temps.

    262 GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry (dir.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p.490.

    263 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.498.

    264 Article 21 du décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles.

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    Lorsque la tentative de conciliation ne donne aucun résultat satisfaisant, les parties peuvent solliciter la juridiction traditionnelle.

    2) La saisine et l'action de la juridiction traditionnelle

    La saisine et l'action de la juridiction traditionnelle sont régies par le décret N° 69-DF-544 du 19 décembre 1969 fixant l'organisation judiciaire et la procédure devant les juridictions traditionnelles au Cameroun oriental. De l'exégèse de ce texte, il en ressort que la compétence de cette juridiction « est subordonnée à l'acceptation préalable de toutes les parties en cause265». L'on constate également que les juridictions traditionnelles comprennent le tribunal de premier degré et le tribunal coutumier266. Nous verrons tour à tour l'action des autorités traditionnelles au sein de ces juridictions.

    Pour ce qui est d'une part du tribunal coutumier, il convient de relever que cette juridiction est compétente pour connaître des différends d'ordre patrimonial notamment des demandes de recouvrement des créances civiles et commerciales, des demandes en réparation de dommages matériels et corporels, et des litiges relatifs aux contrats267. La composition de ce tribunal nous permet de constater qu'il est présidé par un notable maitrisant parfaitement la coutume, assisté de six assesseurs dont deux titulaires et quatre suppléants268. Ce personnel, issu de la chefferie, a alors l'impérieuse mission de statuer sur les litiges portés à sa connaissance en application de la coutume locale269 pour le rétablissement de la justice.

    Pour ce qui est d'autre part du tribunal de premier degré, il est important de soulever que cette juridiction est compétente pour connaître des procédures relatives à l'état des personnes, à l'état civil, au mariage, au divorce, à la filiation, aux successions et aux droits réels immobiliers270. La composition de cette juridiction révèle une organisation différente de celle du tribunal coutumier. Le tribunal du tribunal de premier degré est présidé par un fonctionnaire en service dans le ressort territorial du tribunal271. Les assesseurs qui assistent le président sont désignés de la manière que pour le tribunal coutumier. Ces derniers sont ceux qui représentent le commandement traditionnel au sein de cette juridiction. Il est alors de leur

    265 Article 2 (1) du décret N° 69-DF-544 du 19 décembre 1969 fixant l'organisation judiciaire et la procédure devant les juridictions traditionnelles au Cameroun oriental.

    266 Article 1er du décret N° 69-DF-544 précité.

    267 Article 4 (1) a du décret N° 69-DF-544 précité.

    268 Voir les articles 8 et 10 (2) du décret cité ci-haut en ce qui concerne la composition du tribunal coutumier.

    269 Art 18 a) du décret précité.

    270 Article 4 a) du décret N° 69-DF-544 précité.

    271 Article 7 (2) du décret N° 69-DF-544 précité.

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    devoir de s'assurer que toutes les affaires inscrites au rôle soient traitées dans le respect de la coutume locale et du droit pour parvenir à un jugement solide.

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    CONCLUSION DU CHAPITRE 1er

    En définitive, il était question pour nous de traiter de la participation des autorités traditionnelles à la démocratie locale. Nous pouvons dès à présent dire que cette participation se fait au moyen de la contribution des chefferies traditionnelles au processus électoral et de la contribution de ces institutions à la promotion des droits de l'Homme et libertés publiques et à la préservation de la paix. Il en ressort que les chefferies traditionnelles sont de véritables catalyseurs de la démocratie locale. Cependant, il ne faudrait pas éluder que l'analyse de la contribution des chefferies traditionnelles à la démocratie locale implique l'analyse de son corollaire immédiat qu'est la bonne gouvernance locale.

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    CHAPITRE 2 :

    L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES À LA
    BONNE GOUVERNANCE LOCALE

    La gouvernance est le corollaire immédiat de la démocratie. Cette notion est, de manière véhémente, apparue en Afrique avec le vent de la démocratisation au début des années 1990. Les deux concepts sont tellement liés qu'on parle même aujourd'hui de gouvernance démocratique. La gouvernance est définie comme « un processus qui s'intéresse au cycle d'élaboration, d'implémentation ou de mise en oeuvre, puis d'évaluation des lois, règlements et procédures de décision pour la régulation de la société272». C'est cette définition qu'a confirmé le Programme National de Gouvernance en la consacrant comme un « processus par lequel les différents pouvoirs de l'État (exécutif, législatif et judiciaire) se coordonnent pour créer un large consensus et réguler l'ensemble des décisions et actes politiques dans la perspective de construire une République exemplaire273». La République exemplaire est une expression assez politisée mais nous pouvons retenir qu'elle désigne « l'exemplarité du comportement des dirigeants, avec une forte connotation morale et éthique274».

    La gouvernance a pour suite logique la bonne gouvernance, car la première « permet de distinguer les conditions d'une bonne gouvernance, c'est-à-dire l'existence d'un cadre qui permette des décisions pertinentes et cohérentes par l'ensemble des acteurs275».

    La gouvernance locale est l'ensemble des mesures prises, au niveau national et local, en vue d'établir une gestion transparente et saine des affaires locales avec la participation des populations et de tous les acteurs locaux. Il ne s'agit pas d'une cogestion entre les autorités locales et les acteurs locaux mais plutôt de la prise en compte des aspirations et points de vue de ces derniers. Toujours est-il que l'autorité locale n'est pas en présence d'avis conformes, donc elle a la possibilité d'aller dans une direction différente de celle souhaitée par ces

    272 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun », in ABOUEM à TCHOYI David et M'BAFOU Stéphane Claude (dir.), Améliorer l'efficacité de l'Etat au Cameroun : Propositions pour l'action, L'Harmattan, 2019, p.57.

    273 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance, 2015, p.15.

    274 Qu'est-ce qu'une République exemplaire ? https://www.google.com/amp/s/www.la-
    croix.com/amp/1100956946, consultée le 2 février 2020.

    275 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun », op. cit., p.57.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    acteurs, parce que possédant des informations que ces acteurs n'ont pas et sachant où elle veut mener sa collectivité

    La Charte Africaine des valeurs et principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local appréhende la gouvernance locale comme l'ensemble des « processus et institutions de gouvernance au niveau sous-national, y compris la gouvernance par et avec les gouvernements locaux ou les autorités locales, la société civile et les autres acteurs concernés au niveau local276». De cette définition, on note l'accent mis sur les processus et institutions de gouvernance et beaucoup plus sur l'implication de tous les acteurs locaux impliqués dans le processus de décentralisation et a fortiori des autorités traditionnelles.

    La gouvernance locale traduit « le niveau d'autorité publique vers lequel les citoyens se tournent en premier pour résoudre leurs problèmes sociaux immédiats. C'est aussi le niveau de démocratie auquel le citoyen a la plus d'opportunités effectives de participer activement et directement dans les décisions prises concernant l'intérêt général277».

    Les chefferies traditionnelles, dans le processus de gouvernance locale, ont dès lors une double mission notamment celle d'éclairer les populations sur le rôle qui est attendu d'eux en matière de gouvernance locale, et de veiller à ce que les autorités locales - communales et régionales - promeuvent le développement local en prenant en compte tous les aspects de la bonne gouvernance au niveau de leur collectivité.

    La contribution des chefferies traditionnelles à la bonne gouvernance locale peut passer d'un côté par l'apport des chefferies traditionnelles aux principes d'Etat de droit, d'égalité, de participation et d'efficacité (Section 1) et d'un autre côté par l'apport de celles-ci aux principes de transparence et du climat des affaires (Section 2).

    SECTION 1 - L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AUX PRINCIPES D'ETAT DE DROIT, D'ÉGALITÉ, DE PARTICIPATION ET D'EFFICACITÉ

    L'apport des chefferies traditionnelles à la bonne gouvernance locale peut d'abord être

    analysé par le raffermissement de l'Etat de droit et de l'égalité au niveau local (§1) et par le développement de la participation citoyenne locale et de l'efficacité (§2).

    276 Art 1er de la Charte Africaine des valeurs et principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local.

    277 IDEA (Institut International pour la démocratie et l'assistance électorale), La démocratie au niveau local : manuel sur la participation, la représentation, la gestion des conflits et la gouvernance, 2002, p.7.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    §1 - Le raffermissement de l'Etat de droit et de l'égalité au niveau local

    L'étude de la contribution des chefferies traditionnelles à la bonne gouvernance locale sera analysée ici par le raffermissement de l'Etat de droit (A) et par la promotion de l'égalité (B) au niveau local.

    A. L'Etat de droit

    L'Etat de droit correspond à un Etat dans lequel tous les sujets de droit, en commençant par l'Etat et ses démembrements respectent, la règle de droit. La stratégie nationale de gouvernance appréhende l'Etat de droit par une énumération278. De cette longue énumération, l'on retient qu'il s'agit des garanties de la régulation harmonieuse de la société et de la sauvegarde des droits des particuliers.

    L'Etat de droit coïncide avec « la nécessité pour un pays de disposer des règles juridiques et des institutions permettant à l'ensemble des acteurs de connaître leurs droits, libertés et obligations. Il se décline par le fait que les règles en vigueur doivent être connues à l'avance et être appliqués de façon systématique et équitable. Le cadre juridique installé doit être le plus complet possible pour éviter les incertitudes et l'arbitraire (...)279». Au niveau local, l'Etat de droit correspond à la soumission de l'administration locale au droit et du respect des droits des administrés par celle-ci.

    Le raffermissement de l'Etat de droit par les autorités traditionnelles se fait au moyen de la soumission des collectivités locales au droit (1) et du respect des droits des particuliers (2).

    1. La soumission des collectivités locales au droit

    La collectivité locale « agissant comme puissance publique ou exerçant une mission de service public, doit se conformer au droit en vigueur dans l'Etat. En le faisant, elle contribue à la construction d'une société de droit280». Cet extrait de cours du Pr GUIMDO montre bien la nécessité pour la collectivité de se soumettre au droit et le bien-fondé qui en découle.

    278 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance, 2015, p.15.

    279 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun », op. cit., p.57.

    280 GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, Cours de Droit Administratif Général 2, Université de Yaoundé II, 2014-2015, Inédit.

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    Les autorités traditionnelles ont alors la mission de veiller à ce que les autorités de proximité respectent le droit. Juridiquement, aucune disposition ne leur permet de mener ce contrôle qui relève des pouvoirs de la tutelle administrative281. Dire alors qu'elles ne mènent aucune action pour garantir la légalité administrative au niveau local serait faire preuve de candeur. Dans la pratique, les autorités parviennent à faire en sorte que les élus locaux se conforment à la loi. Il peut en être ainsi lors d'une saisine officieuse, d'une consultation ou lors des échanges dans un cadre formel.

    Concernant d'abord la saisine officieuse, il est question pour l'autorité traditionnelle de saisir de manière non officielle une autorité locale afin que celle-ci se conforme au droit si elle a pris une décision bafouant le droit. Elle peut aussi la saisir si elle a connaissance d'un projet de décision contenant des dispositions contraires à la règlementation.

    Concernant ensuite la consultation, les chefferies traditionnelles lorsqu'elles sont sollicitées par les autorités locales peuvent faire part, à ces dernières, d'un certain nombre d'observations relatives à la légalité. Il peut en être le cas lors de la rédaction d'un document d'orientation de la collectivité tel le plan communal de développement. Il peut en aussi le cas lors de la consultation pour avis sur une question donnée.

    Concernant enfin les échanges dans un cadre formel, il s'agit pour les autorités traditionnelles de répondre à une invitation faite par les autorités locales en vue d'échanger sur un certain nombre de points. C'est alors un cadre de concertation entre les autorités locales et traditionnelles. Il peut en être ainsi lors de la tenue d'une session du conseil de l'organe délibérant282. Les chefs traditionnels devront toujours dès lors avoir à l'esprit le respect de la légalité. Bien que n'ayant qu'une voix consultative, ils peuvent rappeler des dispositions juridiques guidant les résolutions à prendre.

    En tout état de cause, lorsque l'autorité locale ne se conforme pas au droit, l'autorité traditionnelle, en tant que citoyen et représentant des populations, peut saisir l'autorité de tutelle283 afin que l'autorité locale fasse chemin arrière.

    La participation des autorités traditionnelles à la soumission des autorités locales conduit indubitablement au respect des droits des particuliers.

    281 Art 72 CGCTD. Lire à propos de la tutelle, ABANE ENGOLO Patrick Edgard, Traité de droit administratif du Cameroun : Théorie générale et droit administratif spécial, L'Harmattan, 2019, pp.187-190.

    282 Cf. articles 177 (4), 181 (4) et 183 (2) CGCTD.

    283 En l'occurrence le Gouverneur pour la Région et le Préfet pour la commune et la communauté urbaine. Cf. art 73 al 4 et 5 CGCTD.

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    2. Le respect des droits des particuliers

    Le respect des droits des particuliers peut être assuré par les autorités traditionnelles qui jouent un rôle de gendarme dans ce domaine. Elles doivent premièrement elles-mêmes, selon les circonstances, respecter les droits de leurs administrés avant de s'assurer que ceux-ci sont respectés par les autorités locales. La mission à cette échelle des chefferies traditionnelles est duale, respecter les droits des particuliers et faire respecter ces droits.

    Relativement d'une part au respect des droits des particuliers par les autorités traditionnelles, il s'agit de par leur stature d'exemple, d'avoir de la considération des droits de leurs administrés. Ceci passe par la culture des valeurs prônant le respect d'autrui. Cependant, il ne faut pas balayer d'un revers de la main que les autorités traditionnelles ont des prérogatives, en fonction de la coutume locale, sur leurs populations. Celles-ci sont de nature une certaine inégalité entre le chef traditionnel et le citoyen. Le plus important est que cette situation n'affecte pas au plus haut niveau les droits des particuliers.

    Relativement d'autre part à la protection des droits des particuliers par les chefs traditionnels, il est question pour ces derniers de s'assurer que les autorités administratives municipales, communautaires et régionales prennent en compte les droits des particuliers dans leurs décisions. Cependant, il faut relever que « dans les rapports administration/ administré, la prééminence de l'administration l'amène la plupart du temps à violer le droit en vigueur284». Il apparaît important pour les autorités de ramener ces violations à leurs portions les plus congrues.

    Tout compte fait, des voies de recours sont offertes aux autorités traditionnelles et aux particuliers dont les droits ont été violés. Il est question de se tourner vers les autorités compétentes pour « faire constater et sanctionner de telles violations285». Les autorités traditionnelles peuvent accompagner leurs administrés, victimes de l'arbitraire de l'administration locale dans ce processus.

    Le respect des droits des particuliers est, comme nous l'avons vu, le second aspect du raffermissement de l'Etat de droit par les chefferies traditionnelles, il sied dès maintenant de s'appesantir sur l'égalité.

    284 GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, Cours de Droit Administratif Général 2, Université de Yaoundé II,

    2014-2015, Inédit.

    285 Ibid.

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    B. L'égalité

    L'égalité est « le fait pour les humains d'être égaux devant la loi, de jouir des mêmes droits286». Le principe d'égalité en droit renvoie généralement à l'égalité de tous devant la loi. En droit administratif, ce principe est appelé égalité de tous les citoyens devant le service public287. Il est mis en oeuvre au niveau local par les autorités décentralisées. Les autorités traditionnelles, en leur qualité de second des autorités administratives288, se doivent de veiller à cette mise en oeuvre.

    L'égalité dont il est question passe alors par l'égalité de traitement (1) et par l'égalité de droits (2).

    1. L'égalité de traitement

    L'égalité de traitement suppose que tous les usagers du service public local doivent recevoir le même traitement. Malheureusement, à ce jour aucune collectivité territoriale décentralisée ne possède de Manuels de Procédures Administratives (MPA). Toutefois, les exécutifs locaux sont portés par le désir de rendre aux usagers un service public satisfaisant. L'égalité de traitement implique au moins trois éléments à savoir l'absence de discrimination, l'accessibilité et la neutralité.

    En rapport d'abord avec l'absence discrimination, il est question « qu'aucune distinction ne soit faite entre les usagers quant à l'accès au service public comme au service rendu lui-même. Chacun doit être à même de bénéficier des prestations du service public sans se retrouver en position d'infériorité en raison de son origine, de sa condition sociale, de son handicap, de sa résidence ou tout autre motif tenant à sa situation personnelle ou à celle du groupe social dont il fait partie289». Il appartient à la collectivité locale de mettre tout en oeuvre pour que le service public local soit rendu sans forme de discrimination. Toutefois, il existe des cas où en fonction des nécessités d'intérêt général l'on peut assister à des discriminations positives290.

    En rapport ensuite avec l'accessibilité, il est question de rendre le service public ouvert à tous. Il s'agit donc d'alléger les « démarches et formalités que l'usager doit accomplir pour

    286 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.827.

    287 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun », op. cit., p.60.

    288 Art 17 décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles.

    289 ABANE ENGOLO Patrick Edgard, op. cit., p.160.

    290 Ibid., p.161.

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    bénéficier d'un service ou d'une prestation291». L'accessibilité suppose aussi l'implantation géographique des services publics locaux en vue de garantir « la présence administrative sur l'ensemble du territoire292» de la collectivité.

    En rapport enfin avec la neutralité, elle s'inscrit dans l'action quotidienne des services publics locaux. Cette neutralité implique « la laïcité (...), l'impartialité des agents publics et l'interdiction de toute discrimination fondée sur les convictions politiques, philosophiques, religieuses, syndicales ou tenant à l'origine sociale, au sexe, à l'état de santé, au handicap ou à l'origine ethnique293». Le service public local doit se borner à offrir des prestations aux usagers sans tenir compte d'un certain nombre de paramètres subjectifs.

    L'égalité de traitement doit de ce fait être un axe d'action des autorités traditionnelles. Il ne s'agit pas pour elles de se substituer aux services publics locaux mais d'attirer l'attention des autorités locales sur les dysfonctionnements de leurs services.

    L'égalité de traitement va de pair avec l'égalité de droits.

    2. L'égalité de droits

    L'égalité de droits des citoyens est garantie, au niveau local, par les autorités administratives locales. Les autorités traditionnelles se contentent de leur rappeler que des instruments juridiques, au premier rang desquels la Constitution294 de notre pays, consacrent l'égalité des droits des citoyens. Cette égalité de droits s'accompagne aussi d'égalité de devoirs. A ce niveau, les autorités traditionnelles ont le devoir de promouvoir l'égalité des droits de leurs administrés. Les citoyens jouissent, en principe des mêmes droits, mais il peut arriver que l'on fasse certaines discriminations au profit de certains groupes sociaux pour rétablir l'équité.

    Les autorités traditionnelles se doivent de promouvoir le principe de l'égalité des droits de leurs administrés. Ceci passe par deux moyens au moins. Premièrement, il est question de faire assimiler aux populations que les hommes sont tous égaux en droits et en devoirs. Qu'au plan purement ontologique « l'homme est égal à l'homme » comme le disait un chanteur. Il est aussi question, comme vu au chapitre précédent, de leur apprendre leurs droits. Secondement, l'autorité traditionnelle dans ses rapports avec l'administration locale se

    291 Ibid., p.162.

    292 Ibid.

    293 Ibid.

    294 La Loi N° 96/06 du 18 Janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972 dispose dans son Préambule que « Tous les hommes sont égaux en droits et en devoirs ».

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    doit de rappeler à cette dernière, lorsque cela est nécessaire, de sauvegarder l'égalité des droits des citoyens de sa localité.

    Les chefferies traditionnelles ont aussi à coeur la prise en comptes des minorités295 et groupes sociaux défavorisés. Il s'agit, pour les autorités traditionnelles et locales, de prendre des mesures spéciales ouvrant des perspectives meilleures auxdits groupes afin qu'ils puissent aussi bénéficier de l'égalité des droits296.

    L'égalité de droits peut permettre véritablement aux populations de participer localement à l'action de leurs élus et de veiller à ce que celle-ci soit efficace.

    §2 - Le développement de la participation citoyenne locale et de l'efficacité

    La participation des chefferies traditionnelles à la bonne gouvernance locale peut aussi se faire par le développement de la participation citoyenne locale (A) et par l'efficacité (B).

    A. La participation citoyenne locale

    La participation citoyenne locale fait référence à « un processus d'engagement obligatoire ou volontaire de personnes ordinaires, agissant seules ou au sein d'une organisation, en vue d'influer sur une décision portant sur des choix significatifs qui toucheront leur communauté297». Cette participation peut avoir lieu dans un cadre formel ou non sous l'égide des décideurs locaux ou de la société civile298. Elle apparaît comme l'un sinon le pilier de la gouvernance locale car c'est au travers d'elle qu'on ressent l'adhésion des populations à l'action de leurs élus locaux. Elle suppose alors une implication « plus directe et effective des populations locales à la gestion de leurs affaires, toute chose qui chose qui est susceptible de diminuer les conflits entre les exécutifs locaux et les populations qu'ils sont amenés à diriger299».

    295 MOUANGUE KOBILA James, La Protection des minorités et des peuples autochtones au Cameroun : Entre reconnaissance interne contrastée et consécration universelle réaffirmée, Editions Dianoïa, 2009, p.56. Voir aussi MOUICHE Ibrahim, « Chefferies traditionnelles, autochtonie et construction d'une sphère publique locale au Cameroun », L'anthropologue africain, Vol. 15, Nos. 1&2, 2008, p.80.

    296 MOUICHE Ibrahim, Démocratisation et intégration sociopolitique des minorités ethniques au Cameroun : Entre dogmatisme du principe majoritaire et centralité des partis politiques, CODESRIA, 2012, p.22.

    297 ANDRÉ Pierre, « Participation citoyenne », COTÉ Louis et SAVARD Jean-François (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, 2012, p.4.

    298 Ibid.

    299 HOND Jean Tobie, « La prévention et la résolution des conflits dans un système décentralisé : l'expérience du Cameroun », Séminaire sur la Gouvernance de la décentralisation, Centre Africain de Formation et de Recherche Administratives pour le Développement - Fondation Hanns SEIDEL - Fondation pour le Renforcement des Capacités en Afrique, Tanger, 2014, p.5.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    La participation citoyenne locale des autorités traditionnelles peut se faire d'une part par divers modes de participation (1) et d'autre part au niveau des instances de participation (2).

    1. Les modes de participation

    Les modes de participation citoyenne locale des autorités traditionnelles sont divers. On peut citer les concertations, les consultations, les propositions, les contributions au sein de certaines instances et la participation à l'élaboration des politiques et documents de la collectivité entre autres.

    Concernant premièrement les concertations, elles consistent à s'entendre pour agir ensemble300. Il est question pour les autorités traditionnelles d'agir de concert avec les autorités municipales, communautaires et régionales pour avoir des actions ayant un grand retentissement au sein des communautés bénéficiaires. Ces actions concertées ont le mérite d'impliquer les principaux bénéficiaires dans une action de la collectivité les concernant directement.

    Concernant deuxièmement les consultations, il s'agit de récolter les avis des autorités traditionnelles, du fait de leur proximité avec les populations, sur une question ou sujet donné. Ces consultations sont menées dans le but de faire murir une décision afin que celle-ci puisse avoir l'assentiment de ses destinataires301. Ces consultations sont faites dans un cadre assez particulier car dans notre pays, il n'existe pas de referendum local ce qui rend difficile la consultation et la conséquence immédiate est que le résultat de cette consultation ne reflète pas toujours la réalité. Malgré cela, les autorités locales et traditionnelles doivent mettre en place des mécanismes cohérents de consultation.

    Concernant troisièmement les propositions, il est, pour les chefferies traditionnelles, question de soumettre aux élus locaux des propositions tendant à améliorer la vie de la collectivité tant le plan du développement local que sur celui de la démocratie et de la bonne gouvernance à l'échelle locale. La Loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019 mentionnée plus haut a prévu des mécanismes de participation citoyenne à l'action des CTD302. L'avantage des autorités traditionnelles est qu'elles sont en contact permanent avec les populations, et par conséquent maîtrisent au mieux les réalités et difficultés auxquelles elles font face. Il n'est donc pas surprenant que les chefferies traditionnelles formulent à l'endroit des autorités

    300 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.497.

    301 A titre d'exemple, le CGCTD prévoit en son article 416 alinéa 2 que le projet de budget est élaboré en se référant aux résultats des consultations des citoyens.

    302 Art 40 CGCTD.

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    locales des propositions visant à booster le développement local et par ricochet répondre aux aspirations des populations. Ces propositions, pour sortir, tendent à « conduire une stratégie plus efficace et plus efficiente du développement local avec une meilleure participation des populations impliquées dans la quête de leur bien-être économique, social et culturel303».

    Concernant quatrièmement les contributions au sein de certaines instances, il s'agit d'une participation active des autorités traditionnelles au sein d'instances tant nationales que locales. A cet effet, les chefs traditionnels participent directement avec les autorités locales aux réflexions et prises de décisions touchant à la vie de la collectivité. A la différence de la concertation, il s'agit d'un cadre formel de discussions.

    Concernant enfin la participation à l'élaboration des politiques et documents de la collectivité, il est question d'associer les collectivités traditionnelles dans l'élaboration des politiques et documents devant guider l'action de la collectivité locale. Ce mode de participation permet l'adhésion des autorités traditionnelles à la direction que la collectivité locale souhaite prendre. Il peut en être ainsi de la préparation du budget communal, de l'élaboration des plans de développement de la collectivité.

    Les modes de participation se font au sein d'instances spécifiques.

    2. Les instances de participation

    Les instances de participation citoyenne des citoyens sont au nombre de deux à savoir les instances nationales d'une part et les instances locales d'autre part.

    D'une part, les instances locales de participation citoyenne permettent aux populations et aux autorités traditionnelles de donner directement leur avis sur les questions d'importance locale. Le code général des CTD nous renseigne sur trois d'entre-elles, il s'agit des comités de quartiers et de villages, des instances de participation au sein de la collectivité et du public independent conciliator dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. S'agissant d'abord, des comités de quartiers et de villages, le CGCTD304 y fait référence en indiquant qu'ils « concourent à la réalisation des objectifs des collectivités territoriales305» et qu'ils peuvent être créés par des conseils municipaux306. En attendant que l'arrêté de renvoi fixant les

    303Discours du Premier Ministre Chef du Gouvernement à l'ouverture de la 2ème session du Conseil National de la Décentralisation du 5 août 2009, cité par HOND Jean Tobie, « Etats des lieux de la décentralisation territoriale au Cameroun », in ONDOA Magloire, (dir.), L'administration publique camerounaise à l'heure des réformes, L'Harmattan, 2010, p. 104.

    304 Art 41 et 182 CGCTD.

    305 Art 41 CGCTD.

    306 Art 182 (1) CGCTD.

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    modalités d'organisation et de déploiement de ces comités, l'on verrait mal des personnes autres que celles issues de la coupole des chefferies traditionnelles gérer lesdits comités. L'on retient alors que ces comités sont des « cadres de concertation qui visent à favoriser la participation des populations à l'élaboration, à l'exécution et au suivi des programmes et projets communaux ou à la surveillance, la gestion ou la maintenance des ouvrages et équipements concernés307». S'agissant ensuite des instances participation au sein des collectivités, il s'agit des instances légales des collectivités ou de celles mises sur pied par ces dernières. Il peut s'agir du Conseil municipal, du conseil de communauté, du conseil régional ou de l'Assemblée régionale. A ce niveau, les autorités traditionnelles, membres ou non, de ces assemblées peuvent faire entendre leur voix, ce qui a le mérite de créer des échanges et par ricochet de toucher la gouvernance locale. S'agissant enfin du public independent conciliator, il s'agit d'une autorité indépendante érigée dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest chargée de veiller au bon fonctionnement de l'administration locale dans ces régions et de régler les litiges émanant de cette administration dans les conditions fixées par la loi308. A cet effet, il recueille « les réclamations concernant le fonctionnement des administrations (...) des collectivités territoriales décentralisées (...) dans leurs relations avec les administrés309». Son action permet de montrer le niveau de gouvernance d'une région. Sa saisine étant ouverte à tout citoyen, et à plus forte raison aux autorités traditionnelles, ces dernières peuvent le saisir aux fins qu'il constate des irrégularités dans la gestion des services publics et demander réparation ou cessation du préjudice.

    D'autre part, les instances nationales de participation, l'on note des instances permanentes et des instances ponctuelles. Concernant les instances permanentes, il s'agit des instances ayant en charge de la mise en oeuvre de la décentralisation. A titre d'exemple, nous avons le Conseil National de la Décentralisation présidé par le Président Ministre, le Comité Interministériel des Services Locaux présidé par le ministre en charge de la décentralisation. Il faut reconnaître que les autorités traditionnelles ne sont pas membres statutaires de ces organes. Toutefois, elles peuvent être conviées aux travaux de ces instances en fonction de leurs compétences en rapport avec l'ordre du jour310. Elles pourront alors s'exprimer de

    307 Art 182 (2) CGCTD.

    308 Sur les attributions du public independent conciliator, voir l'art 367 (3) CGCTD.

    309 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun », op. cit., pp. 60-61.

    310 Cf. l'article 3 (2) du Décret N° 2008/013 du 17 janvier 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil National de la Décentralisation et l'article 3 (4) du Décret N° 2008/014 du 17 janvier 2008 Portant Organisation et fonctionnement du Comité Interministériel des Services Locaux.

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    manière objective sur la mise en oeuvre de la décentralisation non pas sur le plan purement local mais sur le plan national. Concernant les instances nationales ponctuelles, elles touchent aux instances mis en oeuvre par l'Etat central pour résoudre une situation particulière qui touche la vie de la Nation toute entière. Notre pays a depuis des décennies organisé quelques-unes. La dernière en date est le Grand Dialogue National tenu au Palais des Congrès de Yaoundé du 30 septembre au 4 octobre 2019. De ce qu'il ressort, les autorités traditionnelles ont pris une part active à ces travaux. Pour exemple, sur les six cents personnes conviées à ce dialogue, nous avions une centaine de chefs traditionnels. Lors de la séance plénière, sept sur les treize orateurs étaient des autorités traditionnelles. Lors des travaux en commission, les chefs traditionnels ont valablement été actifs au sein des huit commissions mises sur pied pour la circonstance. La commission décentralisation et développement local a reçu la participation des autorités traditionnelles. Il sied de relever que la majeure partie des propositions311 faites par cette commission a eu un écho favorable par le législateur au travers de la Loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées.

    Après la participation citoyenne locale des autorités traditionnelles, il est loisible de questionner leur apport à la bonne gouvernance locale en matière d'efficacité et d'efficience.

    B. L'efficacité et l'efficience

    L'efficacité et l'efficience sont deux mots qui sont qualifiés, à tort ou à raison, de synonymes312. L'efficacité dans la conduite des affaires publiques est aujourd'hui adossée à l'efficience. Ces deux concepts permettent de mesurer la performance de l'action publique et, en ce qui nous concerne, l'action publique locale. Nous verrons alors l'action des autorités traditionnelles en vue de garantir l'efficacité (1) et d'assurer l'efficience (2) dans la gestion des affaires locales.

    1. L'efficacité

    L'efficacité est « la capacité, d'une personne, d'un groupe ou d'un système, à parvenir à ses fins, à ses objectifs (...). Etre efficace revient à produire à échéance prévue les résultats escomptés et réaliser les objectifs fixés, objectifs pouvant être définis en termes de quantité, mais aussi de qualité, de rapidité, de coûts, de rentabilité, etc.313». C'est, pour sortir, la « capacité des politiques mises en oeuvre à répondre aux problèmes identifiés314».

    311 Rapport du Rapporteur Général du Grand Dialogue National, Yaoundé, 4 octobre 2019, pp.16-17.

    312 Voir en ce sens les définitions proposées par le Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.824.

    313 Définition de l'efficacité de Wikipédia, https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Efficacit%C3%A9, consultée le 4 février 2020.

    314 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance, 2015, p.84.

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    Les autorités traditionnelles peuvent questionner l'efficacité de l'action publique locale au moyen de deux interrogations à savoir « dans quelle mesure les effets obtenus sont-ils conformes aux objectifs retenus et aux effets attendus ? Comment aurait-on pu optimiser les effets observés ?315». Elles peuvent, pour avoir les réponses à ces interrogations sur l'efficacité de l'action locale, utiliser plusieurs méthodes notamment au travers de rapports et comptes rendus sur l'action de la collectivité, le questionnement des autorités locales sur l'efficacité des politiques publiques locales et l'appréciation des effets de l'action locale.

    Relativement d'abord aux rapports et comptes rendus sur l'action de la collectivité locale, il s'agit de documents mis à la disposition du public316 et par ricochet à la disposition des autorités traditionnelles. Ces dernières peuvent alors constater, au regard des indicateurs retenus par la collectivité, si la politique locale a été efficace. C'est l'occasion pour ces autorités traditionnelles de formuler des suggestions à même de relever le taux d'efficacité lorsqu'il n'est pas satisfaisant. A titre d'exemple, il peut s'agir d'un rapport de performance adossé sur le rapport d'exécution du budget d'une collectivité, celui-ci offre un panorama sur les prévisions et les réalisations. Ce qui permettra à la collectivité coutumière de mesurer l'efficacité des choix des dirigeants locaux.

    Relativement ensuite aux questionnements, il s'agit des interrogations formulées par les autorités traditionnelles à l'endroit des élus locaux sur l'incompréhension de l'effectivité et de l'efficacité des politiques publiques. Les autorités traditionnelles saisissent alors les autorités locales afin d'être éclairées sur un certains points de la politique locale. En effet, les impacts de l'action publique ne sont pas toujours visibles dès leur mise en oeuvre car ceux peuvent être immédiats, à moyen terme et à long terme317. Il est donc du devoir des autorités locales de rassurer les autorités traditionnelles quant à l'efficacité des choix publics.

    Relativement enfin de l'appréciation des effets de l'action locale, les autorités traditionnelles cherchent à vérifier l'action des CTD de manière pratique ou concrète. L'efficacité des dirigeants locaux sera évaluée fonction des réalisations de ceux-ci sur les territoires des chefferies. Ce critère d'appréciation de l'efficacité a l'avantage de se fonder sur le concret, sur ce qui est quantifiable mais la difficulté qu'il soulève est que l'action publique peut être formulée sur le moyen et les termes, par conséquent ses fruits ne seront pas visibles

    315 GALDEMAR Virginie, GILLES Léopold et SIMON Marie-Odile, « Performance, efficacité, efficience : les critères d'évaluation des Politiques sociales sont-ils pertinents ? », Cahier de recherche, N° 299, Décembre 2012, p.11.

    316 Voir sur les documents mis à la disposition du public les articles 40 al 2 et 3, 180 et 290 al 2 CGCTD.

    317 GALDEMAR Virginie, GILLES Léopold et SIMON Marie-Odile, op. cit., p.11.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    dans l'immédiat. D'où la nécessité pour les autorités traditionnelles de faire recours à tous ces procédés pour apprécier l'efficacité de l'action locale.

    L'efficacité permet certes d'atteindre des résultats mais ne tient pas compte de certains facteurs tels la minimisation des coûts, la simplification des procédures et la rationalisation des ressources propres à l'efficience.

    2. L'efficience

    L'efficience quant à elle renvoie à l'efficacité de l'action publique à laquelle on adjoint « le maximum de résultats avec le minimum de coût318». Le Dr Bernard MOMO319 propose la formule suivante : « efficience = rationalisation + simplification + opérationnalisation ».

    Les interrogations permettant aux chefferies traditionnelles de s'assurer que l'action de la collectivité locale est efficiente sont les suivantes : « quels moyens (matériels, humains, financiers,...) ont effectivement été mobilisés ? Les effets obtenus sont-ils en adéquation avec l'ensemble des moyens mobilisés ? Aurait-on pu atteindre les mêmes résultats à moindre coût ?320». Du fait de la rareté des ressources, les politiques publiques font recours à l'efficience si chère au secteur de la production. Il est question de résoudre le maximum de défis de la collectivité avec un minimum de ressources. Dans la pratique, nos collectivités locales en l'occurrence les communes, et plus particulièrement les communes dites rurales, font face à un déficit de ressources financières, matérielles et humaines pour la réalisation de leurs objectifs. Le principe d'efficience apparaît pour ces entités locales comme une issue favorable à la concrétisation de leurs objectifs de développement. Les autorités traditionnelles concourent alors à l'efficience de nos collectivités locales par l'opération et le résultat de celle-ci.

    S'agissant d'une part de l'opération, elle vise l'ensemble des procédés et mécanismes mis en oeuvre pour parvenir à l'efficience des choix et décisions publiques locales. Il s'agit de la conception des mécanismes à mettre en branle pour y parvenir. L'action des autorités traditionnelles à ce niveau peut consister à faire part de leurs inquiétudes quant à la réalisation des politiques publiques locales du fait de l'inadéquation avec le milieu auquel elles se rapportent. Ces autorités traditionnelles peuvent également faire des propositions en vue de

    318 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun »,

    op. cit., p.35.

    319 Ibid.

    320 GALDEMAR Virginie, GILLES Léopold et SIMON Marie-Odile, op. cit., p.11.

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    parvenir à l'efficience escomptée. Ceci passe alors par « l'organisation cohérente et logique (...) ainsi que de la coordination d'ensemble, de simplification de la structure en évitant toute interférence de compétence par le regroupement sous l'autorité d'un chef hiérarchique unique (...) de tous les services assurant la satisfaction des besoins analogues et connexes, et d'opérationnalisation qui consiste en la recherche de décisions (...) permettant la mise en oeuvre effective des réformes préconisées321».

    S'agissant d'autre part du résultat, il a trait au déploiement des choix des autorités administratives décentralisées. Il est question de voir comment ceux-ci ont été mis en oeuvre et les résultats produits. Il s'agit en réalité d'un bilan de ces choix. Ces derniers seront évalués en fonction des critères d'efficience retenus par la collectivité. En tout état de cause, les autorités traditionnelles sont appelées, dans leurs rapports avec les autorités régionales et municipales, à évaluer l'efficience des activités de ces dernières et de leur donner des pistes de solution à même de rendre à l'avenir efficiente l'action des collectivités locales.

    Avec le principe d'efficience, nous pouvons appréhender le concours des chefferies traditionnelles en matière d'Etat de droit, d'égalité, de participation et d'efficacité, il sied dès à présent de voir quel peut être ce concours en ce qui concerne la transparence et le climat des affaires.

    SECTION 2 - L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AUX PRINCIPES DE TRANSPARENCE ET DU CLIMAT DES AFFAIRES L'apport des autorités traditionnelles à la bonne gouvernance locale peut également se faire au travers de transparence (§1) et du climat local des affaires (§2).

    §1 - L'apport au principe de transparence

    La transparence peut être définie comme un « caractère de ce qui est visible par tous, public322». Pour le lexique des termes juridiques, il s'agit d'un principe d'organisation de toute société démocratique323.

    L'action des autorités traditionnelles sur le principe de transparence permet de dégager sa portée (A) et sa conséquence directe qu'est la redevabilité (B) dans la gestion des affaires de la collectivité locale.

    321 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun », op. cit., pp.36-37.

    322 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.2605.

    323 GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry (dir.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p.2032.

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    A. La transparence locale

    La transparence locale apparaît comme un droit sur l'action des services publics locaux d'un « droit à l'information (...) et l'obligation d'informer les usagers de manière systématique324». Cette approche semble omettre la fonction de dialogue, de concertation et de contrôle de l'action des autorités locales par les administrés325. La transparence locale implique la mise sur pied par les CTD des manuels de procédures administratives dans l'optique « d'améliorer le management des services et des relations administration / usagers326». En clair, il est question de faciliter « l'accès du public à l'information327».

    La transparence locale suppose alors une communication complète et honnête de la collectivité territoriale d'un côté et l'accès de toutes les parties prenantes à une information intégrale328. La transparence locale peut être analysée d'une part par la lisibilité des affaires et services locaux (1) et d'autre part par l'information sur les affaires et services locaux (2).

    1. La lisibilité des affaires et services locaux

    La lisibilité des affaires et services locaux traduit la transparence dans la gestion des affaires et services des autorités décentralisées. La lisibilité des affaires et services que gèrent les collectivités territoriales décentralisées induit alors selon M. MOMO, « une meilleure lisibilité des circuits administratifs, la traçabilité dans le suivi des dossiers et une meilleure identification des postes de travail329». Il convient alors de s'arrêter d'une part sur la clarté des procédures administratives et d'autre part sur les facilités offertes aux usagers des services.

    D'une part, la clarté des procédures administratives, il s'agit de rendre limpide, tant pour l'usager que pour l'agent public local, les mécanismes permettant de réguler le fonctionnement des services public locaux. Ceci passe par l'élaboration du circuit de l'usager, le coût si la prestation est rendue à titre onéreux, la sécurisation des services et des biens qu'ils comportent et la répartition claire des tâches. On peut ajouter à ceux-ci, les nouveaux modes de gestion des services publics qui ont pour but la réduction des contacts entre l'agent

    324 ABANE ENGOLO Patrick Edgard, op. cit., p.162.

    325 Ibid.

    326 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun », op. cit., p.44.

    327 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance, 2015, p.78.

    328 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun », op. cit., p.58.

    329 Ibid., p.44.

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    et l'usager par l'informatisation, la réduction de la chaîne administrative. Face à cette mouvance de l'administration locale, il appartient aux autorités traditionnelles de veiller à ce que l'administration décentralisée soit toujours dans la dynamique de la lisibilité pour le bien des populations.

    D'autre part, les facilités offertes aux usagers des services publics locaux permettent de rendre ces derniers efficients et répondre convenablement aux préoccupations des usagers au regard de certains dysfonctionnements observés dans ces services330. Il est question de permettre « aux populations elles-mêmes à travers leurs élus, de gérer leurs affaires de façon autonome331». Ces facilités visent « l'amélioration de la qualité des services à l'usager332». Celles-ci consistent à l'implantation services locaux partout où le besoin se fait ressentir, la mise à disposition de documents à la portée des usagers entre autres. La mission des autorités traditionnelles est à ce niveau, bien que n'étant pas inspecteurs des services publics locaux, de s'assurer que lesdites facilités soient offertes à tous. De plus, suivant la possibilité offerte aux chefs traditionnels de seconder les autorités administratives dans l'encadrement des populations333, ils peuvent offrir certains services à leurs administrés après délégation expresse de l'autorité administrative.

    La lisibilité des affaires et services locaux va de pair avec l'information sur les affaires et services locaux destinée au public.

    2. L'information sur les affaires et services locaux

    L'information sur les affaires locales et la gestion des services publics locaux est le point d'orgue de la transparence locale. Il est question notamment pour les autorités traditionnelles et leurs populations de s'enquérir de toutes les informations concernant la gestion de leurs collectivités locales afin de s'assurer que cette gestion soit saine et va dans le sens de l'intérêt général.

    L'information des autorités traditionnelles et leurs administrés par les autorités administratives décentralisées est faite via la communication sur les actions de celles-ci et la mise à disposition de l'information au public.

    330 Ibid., p.59.

    331 Ibid., p.45.

    332 Ibid., p.59.

    333 Art 19 Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles.

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    S'agissant d'une part de la communication sur les actions de la collectivité, il est question pour cette dernière de faire savoir, au public en général et aux chefferies traditionnelles en particulier, ce qu'elle a fait, ce qu'elle fait et ce qu'elle fera dans l'intérêt de tous. En réalité, la collectivité par un effort de communication informe le plus grand nombre sur ses réalisations menées ou à mener et même en cours. Cette ouverture communicationnelle participe à la bonne gouvernance locale et permet de lutter contre le mutisme observé dans nos collectivités locales. En saisissant ce canal, l'autorité décentralisée informe sur ses réalisations sous forme de bilan. Ce qui permettra à coup sûr d'apprécier son action. Suivant toujours la même logique, l'autorité administrative « informe les différentes autorités locales (en particulier les chefs traditionnels) des intentions334» de la collectivité. L'information que la collectivité locale met à la disposition des autorités traditionnelles est de nature à garantir un climat de confiance quant à la prise en compte de leurs aspirations.

    S'agissant d'autre part de la mise à disposition de l'information, il est question de fournir au public en général et aux autorités traditionnelles, toutes les informations qui leur sont nécessaires dans l'optique de s'assurer de la bonne gestion de leurs collectivités territoriales décentralisées. Le code général des collectivités territoriales décentralisées a reconnu le droit à tout citoyen d'une collectivité le droit de demander communication ou prendre copie partielle ou totale de certains documents335. Ces documents sont entre autres les procès-verbaux des organes délibérants, les budgets des CTD, les projets et rapports annuels de performance, les plans de développement, les comptes et les arrêtés. Le même code prévoit que ces actes « sont également publiés sur le site électronique de la Collectivité Territoriale et déposés à son siège où ils peuvent être consultés336». A ce niveau, les autorités traditionnelles peuvent consulter ces documents pour apprécier le travail fourni par la collectivité. A ce niveau, il faudrait que la collectivité territoriale soit diligente en mettant à la disposition de ces autorités les documents dont elles font la demande. La collectivité locale se doit alors de les produire à la date indiquée et les publier conformément à la loi. Ces informations permettent d'apprécier la gestion de la collectivité ainsi que l'état de développement local.

    La transparence locale permet, comme nous l'avons vu ci-haut, de garantir la gestion saine des affaires locales, c'est pourquoi la transparence n'exempt pas la redevabilité des affaires locales.

    334 MOUICHE Ibrahim, « Genre et commandement territorial au Cameroun », MBOW Penda (dir.), Hommes et femmes entre sphères publique et privée, CODESRIA, p.154.

    335 Art 40 (2) CGCTD.

    336 Art 40 (3) CGCTD.

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    B. La redevabilité sur les affaires locales

    La redevabilité fait référence, pour la Stratégie Nationale de Gouvernance, à « l'obligation de rendre compte et se traduit entre autre par la lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics337». La spécificité de la redevabilité est basée sur « la transparence financière qui implique les choix budgétaires rationnels, et puis généralement un contrôle interne et externe de la régularité de fonctionnement338». Elle traduit ainsi à l'échelle locale, l'impératif pour les élus de rendre compte au public de leur gestion. Celle-ci doit être irréprochable et dénuée de toutes pratiques malsaines telles la corruption, les détournements de deniers publics, les délits d'initiés, etc.

    La redevabilité des autorités administratives décentralisées suppose leur responsabilité (1) et l'implication des populations au sein de certaines instances (2).

    1. La responsabilité des élus locaux

    La responsabilité ou imputabilité des élus locaux a trait « au rapport qui unit la population locale et ses représentants, ainsi qu'aux mécanismes qui garantissent l'obligation pour les décideurs de rendre des comptes aux citoyens, notamment dans le domaine des services publics et dans celui des mesures prises au nom des citoyens339».

    Cette responsabilité est assimilable à ce que les privatistes appellent la reddition de comptes qui est une « procédure consistant pour celui qui a géré les intérêts d'autrui (le rendant), à présenter à celui auquel il est dû (l'oyant), l'état détaillé de ce qu'il a reçu ou dépensé, dans le but d'arriver à la fixation du reliquat (le débet)340». M. MOMO parle

    d' « obligation redditionnelle341» qui a pour but d'évaluer la performance des politiques publiques locales et de sanctionner les gestionnaires indélicats. Il s'agit donc, pour les autorités traditionnelles, de passer en revue la gestion des élus locaux au peigne afin de s'assurer que l'intérêt général a été la boussole de ces derniers. La redevabilité interpelle la responsabilité des élus « à ne pas perdre de vue leur raison d'être, à savoir, répondre à la demande de gouvernance de la société et fournir aux usagers des prestations de qualité342».

    337 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance, 2015, p.8.

    338 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun », op. cit., p.58.

    339 IDEA (Institut International pour la démocratie et l'assistance électorale), Cadre d'évaluation de l'état de la démocratie locale, 2015, p.25.

    340 GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry (dir.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p.1722.

    341 Bernard MOMO, « Renforcer la stratégie d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun », op. cit., p.58.

    342 Ibid., p.56.

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    La responsabilité des élus locaux pourra être mise en cause lorsque ceux-ci ne se seront pas montrés aptes à résoudre les préoccupations de leurs administrés. Il convient de rappeler que cette responsabilité a plusieurs niveaux. Nous marquerons un temps d'arrêt sur la responsabilité politique et la responsabilité pénale des élus locaux. D'une part, l'engagement sur le plan politique de a responsabilité d'un élu local traduit généralement l'absence d'adhésion des choix politiques de ce dernier par les populations. A ce niveau, on remarque un manque de redevabilité envers les populations. La conséquence immédiate est un vote-sanction aux prochaines échéances électorales. De cette façon, les consultations électorales « permettent au peuple d'exercer un contrôle politique343». D'autre part, l'engagement de la responsabilité d'un élu local sur le plan pénal peut intervenir lorsque celui-ci a posé des actes réprimés par le Code pénal. Les chefs traditionnels, en leur qualité de représentants des populations et électeurs d'une catégorie de conseillers régionaux, peuvent saisir les juridictions compétentes en cas de commission d'infractions.

    La responsabilité des autorités locales peut déboucher sur l'implication des populations au sein de certaines instances.

    2. L'implication des chefs traditionnels au sein de certaines instances

    L'implication des populations de manière générale et les chefferies traditionnelles de manière particulière permet d'inclure celles-ci dans le processus de redevabilité. Il est question pour celles-ci d'apprécier par elles-mêmes ceux qui est fait par leurs élus locaux ou leurs mandants.

    Il s'agit à cet effet des comités de suivi de l'exécution physico-financière de l'investissement public institués par le Premier Ministre par un décret en date du 13 septembre 2013. A l'exégèse de ce texte, on note la présence des chefs traditionnels au sein des différents comités chargés de l'exécution physico-financière de l'investissement public344. Ces instances ont pour mission principale de « promouvoir le principe de transparence à travers une approche participative de suivi dans la gestion de l'investissement public, intégrant les principes de gestion axée sur les performances345». Les autorités traditionnelles présentes au sein de ces instances veilleront alors à informer les populations de

    343 Ibid., p.59.

    344 Décret N° 2013/7987/PM du 13 septembre 2013 portant création, organisation et fonctionnement des comités de suivi de l'exécution physico-financière de l'investissement public prévoit quatre comités de suivi de l'exécution des projets impliquant les autorités traditionnelles à savoir le comité communal, le comité départemental, le comité régional et le comité national.

    345 Art 2 al 1 Décret N° 2013/7987/PM du 13 septembre 2013 précité.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    l'ensemble des projets d'investissement public programmés dans leur localité pour chaque exercice, s'assurer du respect du journal de programmation des marchés publics, recueillir les observations relatives à la qualité et à la réalisation effective des projets exécutés au cours de l'exercice budgétaire en cours ou de ceux antérieurs, s'assurer de l'effectivité des réalisations physiques et de se faire justifier le cas échéant, des écarts entre les prévisions et les réalisations346. Elles veilleront également à contribuer à l'élaboration des rapports de performance des administrations en renseignant les états de performance relatifs aux projets de ressort, préparer les données de l'exécution de l'investissement public en vue de l'élaboration des rapports d'évaluation du budget de la collectivité et apprécier le niveau de satisfaction des bénéficiaires des projets347.

    En tout état de cause, l'implication des chefferies traditionnelles au sein de ces instances a une double justification, d'une part, il est question pour ces dernières d'apprécier la redevabilité de leurs élus locaux, d'autre part, il s'agit de représenter les populations dont elles ont la charge au sein de ces instances en vue de faire passer leur point de vue en ce qui concerne l'exécution des projets qui leur sont liés directement.

    La redevabilité des agents publics locaux envers leurs administrés et les autorités traditionnelles, peut permettre, dans une moindre mesure, d'améliorer au niveau local le climat des affaires.

    §2 - L'apport au climat local des affaires

    Le climat des affaires est « l'ensemble des facteurs politiques, juridiques, économiques, sociaux et même culturels qui poussent un investisseur à décider de d'installer dans un milieu ou dans un pays donné pour faire ses affaires348». De manière simple, il s'agit des conditions permettant le développement des affaires dans un pays. Plus étroitement, le climat local des affaires est l'ensemble des éléments qui favorisent l'éclosion et le développement des activités économiques dans une collectivité locale.

    L'apport des chefferies traditionnelles au climat local des affaires passe par l'assainissement de celui (A) ainsi que l'accompagnement des acteurs économiques (B).

    346 MINEPAT, Document de vulgarisation du Décret IV° 2013/7987/PM du 13 septembre 2013 portant création, organisation et fonctionnement des comités de suivi de l'exécution physico-financière de l'investissement public, novembre 2013, p.2.

    347 Ibid.

    348 KIAMBU Janvier, Exposé sur le thème : « Reformes relatives au climat des affaires et des investissements », Journée d'information des femmes entrepreneures sur le guichet unique de création d'entreprise, Kinshasa, 26 juin 2013, p.4.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    A. L'assainissement du climat local des affaires

    L'assainissement du climat local des affaires par les autorités traditionnelles représentent l'ensemble des mesures prises à leur niveau pour faciliter le déploiement harmonieux des échanges et activités économiques sur leur territoire de commandement. L'assainissement du climat local des affaires par les autorités traditionnelles passe par l'amélioration du cadre des affaires (1) et l'assainissement de la vie publique locale (2) dans l'optique de garantir le déroulement harmonieux des échanges.

    1. L'amélioration du cadre des affaires

    L'amélioration du cadre des affaires par les chefferies traditionnelles au niveau local résulte de l'ensemble des actions qu'elles font à leur niveau dans le but de rendre les territoires de leurs collectivités respectives attrayants. Pour parvenir à l'amélioration escomptée, les autorités traditionnelles peuvent notamment agir seules ou avec l'appui des autorités locales.

    Considérant d'une part l'action autonome des chefferies traditionnelles à l'amélioration du cadre des affaires à l'échelon local, il est question pour celles-ci de poser des actions concrètes visant à assurer le bon déroulement des affaires. Il s'agit de mesures impersonnelles. Par leur pouvoir de décision, elles peuvent agir directement sur le cadre des affaires au niveau de la collectivité. Nous pouvons, à titre d'exemple, citer l'éducation ou la sensibilisation et la sécurité. L'éducation ou la sensibilisation a pour but de faire connaître aux populations le cadre des affaires dans la collectivité et les débouchés qu'il offre à ses acteurs. Leur implication permettra à coup sûr d'améliorer ce cadre. Quant à la sécurité, il est question de mettre sur pied des structures de veille sécuritaire à l'instar des comités de vigilance devant servir de première ceinture de sécurité des populations. Ces mesures ont l'avantage de participer à l'amélioration du cadre des affaires.

    Considérant d'autre part l'action concertée des chefferies traditionnelles à l'amélioration du cadre des affaires au niveau de la collectivité, elle se résume à deux choses. La première action concertée avec les autorités administratives décentralisées consiste en un certain nombre de propositions faites à ces dernières en vue d'améliorer le cadre des échanges au niveau local. Il revient alors à la collectivité décentralisée de mettre en oeuvre ces propositions pour le bien des activités économiques. La seconde action concertée entre les chefferies traditionnelles et les autorités locales a trait à l'accompagnement de ces dernières. Il s'agit en réalité d'une synergie d'actions en vue d'implémenter des décisions tendant à consolider le cadre des activités économiques au sein de la collectivité territoriale.

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    Après la participation à l'amélioration du cadre des affaires au niveau local, les autorités traditionnelles peuvent participer à l'assainissement de la vie publique locale.

    2. L'assainissement de la vie publique locale

    L'assainissement de la vie publique locale vise à réduire de manière significative les mauvaises pratiques des personnes qui animent l'espace public au sein d'une collectivité locale. Il est question pour ceux-ci d'être exemplaires. L'assainissement de la vie publique nationale en général et locale en particulier fait débat actuellement dans le monde. L'encadrement des comportements de ces acteurs est du ressort de la loi largo sensu et de certaines institutions. En gros, l'assainissement de la vie publique locale est gage du bon déroulement des activités économiques dans la collectivité.

    Pour le Pr HOND, l'évolution qu'ont connue certains organismes publics en ce qui concerne leur mission et leur fonctionnement a traduit l'imperfection de ces mutations institutionnelles et de notre environnement sociopolitique349. C'est sans doute pour ces raisons, que l'Etat du Cameroun a créé des autorités administratives indépendantes en vue d'assainir la vie publique, les CTD ne sont pas en reste.

    Les autorités traditionnelles interviennent dans ce domaine, peu ou prou balisé, pour essayer de compléter les efforts des pouvoirs publics en la matière. Etant elles-mêmes des acteurs de la vie publique locale, du fait de leur exposition au public et aux autorités, elles se doivent de montrer l'exemple d'une part, et en tant que citoyens, les chefs traditionnels peuvent veiller à l'assainissement de la vie publique locale.

    En rapport avec l'exemplarité des autorités traditionnelles, elles se doivent d'avoir un comportement irréprochable au sein de leurs collectivités. En effet, de par sa position stratégique, l'autorité traditionnelle est appelée à côtoyer « les étrangers et ses administrés, sans oublier les autorités administratives, municipales et religieuses, etc...350». De ces contacts, le chef doit rester digne et ne pas céder à quelque pression que ce soit. Cette attitude pourra avoir le mérite d'améliorer le climat des affaires au niveau local et plus particulièrement le sentiment de confiance des opérateurs économiques à l'endroit de l'autorité traditionnelle.

    349 HOND Jean Tobie, « Des transformations de l'Etat au Cameroun : Lecture critique de l'évolution d'un système institutionnel cinquantenaire », in L'administration publique en Afrique 50 ans après, Centre Africain de Formation et de Recherche Administratives pour le Développement (CAFRAD), p.214.

    350 BELL Luc René, Exposé sur le thème : « L'évolution et le rôle de la chefferie traditionnelle au Cameroun », Assemblée Générale de l'Association des Chefs Traditionnels du Nyong et Kellé, Eséka, décembre 2015, p.15.

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    En rapport avec la participation à l'assainissement de la scène publique locale, il va s'agir de renforcer les capacités des autorités traditionnelles afin que celles-ci puissent effectivement jouer un rôle dans l'assainissement de la vie publique locale351. Ceci passe alors par la lutte contre la corruption, la sensibilisation des acteurs de la vie publique sur les méfaits observés dans ce domaine à savoir l'enrichissement illicite, les délits d'initiés et les détournements de deniers publics. Ces mesures, aussi minuscules soient-elles, permettent à leur manière d'améliorer la perception du climat des affaires dans une collectivité locale.

    L'assainissement de l'arène publique locale par les chefferies traditionnelles peut aussi déboucher sur l'accompagnement des acteurs économiques.

    B. L'accompagnement des acteurs économiques

    L'accompagnement des acteurs économiques, sur le plan local, par les chefferies traditionnelles peut se faire de deux manières à savoir l'accompagnement des acteurs économiques présents (1) et l'accompagnement des potentiels acteurs économiques (2).

    1) L'accompagnement des acteurs économiques présents

    L'accompagnement des acteurs économiques présents sur territoire de la collectivité par les autorités traditionnelles vise un seul but notamment celui de les maintenir sur ce territoire fin que la collectivité puisse pleinement tirer profit de ces acteurs économiques. Pour ce faire, l'autorité traditionnelle doit d'abord abandonner la casquette qu'on lui connaît quant à la réception des présents des acteurs économiques dans le but d'acheter son silence ou sa complicité. Le chef traditionnel doit alors se comporter comme un agent économique qui parle à ses pairs et non comme un « malheureux mendiant352». Pour ce faire, il faudrait que le chef soit investi, un tant soit peu, dans les activités économiques. A cet effet, les autorités traditionnelles pourront par exemple exhorter certains acteurs de passer du secteur informel vers le secteur formel dans le but de bénéficier d'une certaine protection juridique et institutionnelle. Il est également question pour elles de résoudre de manière prompte, à leur niveau, les problèmes que rencontrent les agents économiques présents sur leurs territoires. Pour sortir, toutes ces mesures de rétention ambitionnent de conserver ces acteurs sur leurs territoires.

    L'encadrement des acteurs économiques présents sur le sol de la collectivité locale par les chefferies traditionnelles n'exclut pas l'accompagnement des potentiels acteurs économiques par celles-ci.

    351 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance, 2015, p.65.

    352 BELL Luc René, Exposé sur le thème : « L'évolution et le rôle de la chefferie traditionnelle au Cameroun », op. cit., p.15.

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    1. L'accompagnement des potentiels acteurs économiques

    L'accompagnement des potentiels acteurs économiques par les chefferies traditionnelles a pour vocation l'incitation des porteurs de projets ou d'investisseurs à choisir le territoire desdites chefferies pour y mener leurs activités. Ceci peut être réalisable par trois moyens au moins à savoir la valorisation du potentiel du territoire de la chefferie, les garanties posées par le cadre juridique et institutionnel et l'entregent de l'autorité traditionnelle.

    D'abord, en ce qui concerne la valorisation du potentiel de la collectivité, les autorités traditionnelles veilleront, avant toute chose, à connaître le potentiel de leur territoire de commandement pour mieux le vendre. Cette maîtrise, minimale soit-elle, permettra à coup à l'autorité traditionnelle de parler de sa collectivité lorsqu'il sera en présence de potentiels investisseurs ou acteurs économiques.

    Ensuite, en ce qui concerne le cadre juridique et institutionnel de promotion des investissements et activités économiques, le chef devra être l'ambassadeur de la promotion des mesures prises, tant au niveau central qu'au niveau local, en vue d'inciter les potentiels acteurs économiques à s'installer sur son territoire. Il fera alors un devoir d'appropriation de ces mesures dans l'optique d'encourager ces acteurs à s'établir dans sa collectivité.

    Enfin, quant à l'entregent des chefs traditionnels, celui-ci traduit de liaison des relations utiles353, dans un but précis. Les autorités traditionnelles dotées d'un fort entregent pourront alors y faire recours pour convaincre les membres de leur entourage de venir développer des activités économiques dans leur contrée au vu de son potentiel.

    353 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.891.

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    CONCLUSION DU CHAPITRE 2

    Dans ce chapitre, il s'agissait de traiter de l'apport des chefferies traditionnelles à la bonne gouvernance locale. Cet apport, nous l'avons vu, a deux aspects à savoir l'apport des chefferies traditionnelles aux principes d'Etat de droit, d'égalité, de participation et d'efficacité ainsi que l'apport de ces chefferies aux principes de transparence et du climat local des affaires. Ces autorités traditionnelles contribuent alors, à leur façon, à l'ancrage et à la consolidation de la bonne gouvernance à l'échelon local.

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    CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

    En somme, il était question d'aborder le second volet de la contribution des chefferies traditionnelles à la démocratie et à la bonne gouvernance locales. Nous avons, au cours des deux chapitres précédents, démontré le rôle des autorités traditionnelles en matière de démocratie locale et de bonne gouvernance locale. Les chefferies traditionnelles participent activement, en tant que acteurs et sujets, à la démocratie locale. Quant à la bonne gouvernance locale, il est question pour elles d'insuffler un vent nouveau sur nos collectivités locales par la prise de conscience de nos élus et surtout l'exemplarité des autorités traditionnelles.

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    CONCLUSION GENERALE

    In fine, Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun est le sujet qui a retenu l'attention de tout ce travail. La question ayant motivé la recherche était relative au rôle des chefferies traditionnelles dans le processus de décentralisation dans notre pays.

    La chefferie traditionnelle représente une « communauté humaine fixée sur un territoire déterminé, ayant en principe un patrimoine ancestral commun, et placée sous l'autorité d'un chef désigné selon les modes traditionnels de dévolution du pouvoir354». Pour sa part, la décentralisation est le transfert de compétences et ressources de l'Etat central vers des entités infra-étatiques qui s'administrent librement par des conseils élus. Son domaine de déploiement est la CTD. Cette dernière est, au regard du Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées, repartie en deux catégories à savoir les Régions et les Communes355.

    La contribution des chefferies traditionnelles à la décentralisation peut se faire en deux temps, d'une part, la participation des chefferies traditionnelles au développement local et d'autre part, l'apport des chefferies traditionnelles à la démocratie et à la bonne gouvernance locales.

    Concernant d'une part la contribution des chefferies traditionnelles au développement local, il convient de dire qu'il s'agit pour les autorités traditionnelles d'être des vecteurs de développement économique mais également socioculturel de leurs localités respectives.

    Concernant d'autre part la contribution des chefferies traditionnelles à la démocratie et à la bonne gouvernance locales, il faut dire qu'il est question pour nos autorités traditionnelles de participer à l'impulsion de la démocratie et de la bonne gouvernance au niveau local.

    Cependant, il ne faudrait pas faire preuve de candeur au vu de certains obstacles qui pourraient plomber l'action de leurs majestés dans la mouvance de la décentralisation. En effet, l'on note au moins trois obstacles que rencontrent les chefs traditionnels. Le premier est relatif à l'absence de moyens, ce qui est de nature à les exposer à la précarité. Car un chef dépourvu de moyens est proche de la mendicité et « ne peut guère commander efficacement. Ce sont ses pourvoyeurs qui lui dictent la conduite des affaires de la chefferie. Faute pour lui

    354 Voir note de bas de page 31, p.8.

    355 Art 2 (1) CGCTD.

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    d'obtempérer, il se voit couper les vivres356». Soucieux de cette situation de dégradation du prestige de la chefferie, les pouvoirs publics ont, par décret357, tenté de résoudre ce problème même comme le mal perdure à certains endroits. Le deuxième a trait au manque d'initiatives de la part de l'autorité traditionnelle dans ce domaine étant donné que « ses missions ne sont pas bien clarifiées dans la mise en oeuvre effective du processus de décentralisation, ce qui pourrait justifier les hésitations dans la prise des initiatives358». Ces hésitations doivent être levées par les chefs eux-mêmes afin de jouer pleinement leur rôle. Le troisième enfin a trait à la faible culture démocratique et du compte rendu de certaines chefferies du fait de leur configuration. On voit mal à certains endroits l'autorité traditionnelle rendre des comptes à ses administrés. Ceci ne favorise pas la démocratie et la bonne gouvernance au niveau local.

    En tout état de cause, ces écueils ne sont pas de nature à rendre rédhibitoire l'action des chefs traditionnels dans ce domaine. Il est plutôt question d'une appropriation du phénomène de décentralisation par les chefferies traditionnelles en fonction de leurs cultures et de leurs sensibilités. C'est pourquoi le présent mémoire se veut d'être une boussole des chefferies traditionnelles dans leur action au quotidien dans leurs rapports avec leurs administrés. Car il s'agit d'une action « permanente359» devant conduire au développement local et à l'enracinement de la démocratie et de la bonne gouvernance au niveau local.

    C'est sans doute pour unir les chefs traditionnels du Cameroun que le CNCTC a vu le jour le 28 mars 2010. Celui-ci a alors au regard de ses Statuts la mission de « favoriser des partenariats entre les chefferies pour permettre des échanges ou des actions de développement intégré en faveur des populations ». Il serait donc judicieux que celui-ci sorte de sa léthargie et donne un coup de pouce aux actions éparses des autorités traditionnelles dans le but de les fédérer et d'atteindre de meilleurs résultats.

    La décentralisation étant la réforme majeure de l'Etat du Cameroun depuis son accession à la souveraineté, elle implique dans son exécution une panoplie d'acteurs aussi

    356 BELL Luc René, Exposé sur le thème : « L'évolution et le rôle de la chefferie traditionnelle au Cameroun », op. cit., p.15.

    357 Le Décret N° 2013/332 du 13 septembre 2013 modifiant et complétant certaines dispositions du décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant Organisation des chefferies traditionnelles prévoit en son article 22 des allocations mensuelles au profit des autorités traditionnelles à raison de deux cent mille (200.000) Francs CFA pour le Chef de 1er degré, cent mille (100.000) Francs CFA pour le Chef de 2ème degré et cinquante mille (50.000) Francs CFA pour le Chef de 3ème degré.

    358 BELL Luc René, Exposé sur le thème : « L'évolution et le rôle de la chefferie traditionnelle au Cameroun », op. cit., p.27.

    359 Entretien avec S.M. TSALA NDZOMO Guy, Chef Traditionnel de 1er degré d'ENDINGDING, le 17 décembre 2019 à Yaoundé.

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    bien institutionnels que non. Ces derniers ont pour cheval de bataille la décentralisation comme moyen de développement et d'intégration de notre pays. Après la chefferie traditionnelle, quel peut être le rôle de la société civile dans le processus de décentralisation ?

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    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    - NDIONE Léon Michel, L'apport des activités génératrices de revenus dans l'amélioration des conditions socioéconomiques des femmes handicapées motrices de la Commune Bambey : étude à partir de l'association féminine des handicapés moteurs de la Commune Bambey, Mémoire du Diplôme d'Etat d'assistance sociale, Ecole Nationale de développement sanitaire et social, Dakar, 2007.

    - NGO YAP LIBOCK Kitoña, La fonction d'ordonnateur au Cameroun, Mémoire de Master en Droit Public option Droit Public Interne, Université de Yaoundé II, 2014.

    - NGUEMEGNE Jacques Philibert, Du dépérissement de l'organisation socio-politique de la chefferie traditionnelle Bayangam, Yaoundé, Mémoire Maîtrise, 1990.

    H- Textes juridiques

    1- Textes internationaux

    - Charte Africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance du 30 Janvier

    2007

    - Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples du 27 juin 1981.

    - Charte Africaine des Droits et du bien-être de l'enfant du 1er juillet 1990.

    - Charte Africaine des valeurs et des principes de la décentralisation, de la gouvernance

    et du développement local du 27 juin 2014.

    - Charte Africaine sur les valeurs et les principes du service public et de l'administration

    du 31 janvier 2011.

    - Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948.

    2- Textes nationaux

    ? Constitutions

    - Constitution du 4 mars 1960.

    - Constitution du 1er octobre 1961.

    - Constitution du 2 juin 1972.

    - Loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 modifiant la Constitution du 2 juin 1972

    modifiée et complétée par la loi du 14 avril 2008.

    ? Lois

    - Loi N° 7/SC du 10 décembre 1960 sur la reconnaissance des chefferies du territoire camerounais.

    - Loi N° 74/23 du 5 décembre 1974 portant organisation communale modifiée et complétée par les lois N°87/015 du 15 juillet 1987 et N°92/003 du 4 août 1992.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 138

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    - Loi N° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche.

    - Loi N° 98/004 du 14 avril 1998 d'Orientation de l'éducation au Cameroun.

    - Loi N° 2004/003 du 21 avril 2004 régissant l'urbanisme au Cameroun.

    - Loi N° 2004/017 du 22 juillet 2004 portant Orientation de la décentralisation.

    - Loi N° 2004/018 du 22 juillet 2004 portant règles applicables aux communes.

    - Loi N° 2004/019 du 22 juillet 2004 portant règles applicables aux régions.

    - Loi N° 2006/004 du 14 juillet 2006 fixant le mode d'élection des Conseillers

    régionaux.

    - Loi N° 2006/005 du 14 juillet 2006 fixant les conditions d'élection des Sénateurs.

    - Loi N° 2009/011 du 10 juillet 2009 portant Régime financier des Collectivités

    Territoriales Décentralisées.

    - Loi N° 2009/019 du 15 décembre 2009 portant fiscalité locale.

    - Loi N° 2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral et ses modifications

    subséquentes (Lois N° 2012/017 du 21 décembre 2012 et N° 2019/005 du 25 avril

    2019).

    - Loi N° 2012/006 du 19 avril 2012 portant Code gazier.

    - N° 2013/222 du 3 juillet 2013 portant répartition des sièges par circonscription

    électorale à l'Assemblée nationale.

    - Loi N° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code pénal.

    - Loi N° 2016/017 du 14 décembre 2016 portant Code minier.

    - Loi N° 2019/006 du 25 avril 2019 fixant le nombre, la proportion par catégorie et le

    régime des indemnités des conseillers régionaux.

    - Loi N° 2019/007 du 25 avril 2019 portant Code pétrolier.

    - Loi N° 2019/014 du 19 juillet 2019 portant création, organisation et fonctionnement

    de la commission des droits de l'homme du Cameroun.

    - Loi N° 2019/019 du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles au

    Cameroun.

    - Loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code Général des Collectivités

    Territoriales Décentralisées.

    ? Ordonnances

    - Ordonnance N° 81/02 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil et diverses dispositions relatives à l'état des personnes physiques modifiée et complétée par la Loi N° 2011/011 du 6 mai 2011.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 139

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    ? Décrets

    - Décret N° 69-DF-544 du 19 décembre 1969 fixant l'organisation judiciaire et la procédure devant les juridictions traditionnelles au Cameroun oriental.

    - Décret N° 77/91 du 25 mars 1977 déterminant les pouvoirs de tutelle sur les communes, les syndicats de communes et établissements communaux modifié par le Décret N° 90/1464 du 09 novembre 1990.

    - Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant Organisation des chefferies traditionnelles modifié et complété par le décret N° 2013/332 du 13 septembre 2013.

    - Décret N° 2008/013 du 17 janvier 2008 portant organisation et fonctionnement du conseil national de la décentralisation.

    - Décret N° 2008/014 du 17 janvier 2008 portant organisation et fonctionnement du comité interministériel des services locaux.

    - Décret N° 2008/376 du 12 novembre 2008 portant organisation administrative de la République du Cameroun.

    - Décret N° 2008/377 du 12 novembre 2008 fixant les attributions des chefs de circonscriptions administratives et portant organisation et fonctionnement de leurs services.

    - Décret N° 2009/248 du 05 août 2009 fixant les modalités d'évaluation et de répartition de la dotation générale de la décentralisation.

    - Décret N° 2018/366 du 20 Juin 2018 portant Code des Marchés Publics.

    - Décret N° 2013/7987/PM DU 13 septembre 2013 portant création, organisation et fonctionnement des comités de suivi de l'exécution physico-financière de l'investissement public.

    ? Arrêtés

    - Arrêté N° 244 du 4 février 1933 fixant le statut des chefs coutumiers.

    - Arrêté N° 130/CAB/PM du 6 octobre 2005 portant création du Comité de pilotage et de suivi de l'étude sur la modernisation de l'Administration territoriale et de la déconcentration.

    ? Circulaires

    - Circulaire de 1909 accordant des traitements de faveur à certains chefs de communautés.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 140

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    I- Cours

    - EFOUBA NGA Sosthène, Cours d'Histoire des Institutions et faits sociaux, Université de Yaoundé II, 2013-2014, Inédit.

    - GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond,

    ? Cours de Droit Administratif Général 1, Université de Yaoundé II, 2014-2015, Inédit.

    ? Cours de Droit Administratif Général 2, Université de Yaoundé II, 2014-2015, Inédit.

    ? Cours de Libertés et Droits Fondamentaux, Université de Yaoundé II, 2015-2016, Inédit.

    - HOND Jean Tobie, Cours de Droit de la Décentralisation, Université de Yaoundé II, 2016-2017, Inédit.

    J- Ressources numériques

    - https://www.banquemondiale.org/fr/region/afr/publication/the-new-role-of-safety-

    nets-in-africa

    - https://perspective.brussels/fr/plans-reglements-et-guides/plans-strategiques/plan-

    regional-de-developpement-prd

    - https://www.google.com/amp/Methodologie/Rapport-de-stage/Expose-La-recherche-

    documentaire-103349.html

    - https://www.frwikipedia.org/wiki/

    - http://www.fr.wiktionary.org

    - www.prc.cm

    - www.spm.gov.cm

    - www.persée.fr

    K- Dictionnaires et Lexiques

    - GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry (dir.), Lexique des termes juridiques,

    Dalloz, 25e éd, 2017-2018.

    - Dictionnaire Le Petit Robert, 2011.

    - Dictionnaire Le Petit Larousse Illustré.

    - Dictionnaires Le Robert, Lexique des termes administratifs, 2è édition, 2003.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 141

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    - Ministère de l'Intérieur et de la Décentralisation du Niger, Lexique des termes de la décentralisation et du développement local.

    L- Entretiens

    - Entretien avec S.M TSALA NDZOMO Guy, Chef Traditionnel de 1er degré d'ENDINGDING, le 17 décembre 2019 à Yaoundé.

    M- Autres

    - S.M BELL Luc René,

    ? Exposé sur le thème : « L'évolution et le rôle de la chefferie traditionnelle au Cameroun », Assemblée Générale de l'Association des Chefs Traditionnels du Nyong et Kellé, Eséka, décembre 2015.

    ? Exposé sur le thème : « La chefferie traditionnelle dans la mouvance de la décentralisation », Travaux du Comité de pilotage et de suivi de l'étude sur l'organisation déconcentrée de l'Etat, Yaoundé, 18 décembre 2007.

    - S.E. BIYA Paul, Message du Chef de l'Etat à la Nation, Yaoundé, 10 septembre 2019. - Brochure intitulée Méthodologie de la recherche documentaire : principes clés, Université d'Avignon, Service Formation des Publics.

    - Direction du développement local et de la coopération de la Confédération Suisse,

    Document de travail sur la décentralisation et la gouvernance locale, novembre 2007. - Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi : cadre de référence de l'action

    gouvernementale pour la période 2010-2020, Août 2009.

    - IDEA (Institut International pour la démocratie et l'assistance électorale),

    ? Cadre d'évaluation de l'état de la démocratie locale, 2015.

    ? La démocratie au niveau local : manuel sur la participation, la
    représentation, la gestion des conflits et la gouvernance
    , 2002.

    - KIAMBU Janvier, Exposé sur le thème : « Reformes relatives au climat des affaires et des investissements », Journée d'information des femmes entrepreneures sur le guichet unique de création d'entreprise, Kinshasa, 26 juin 2013.

    - MINATD, Annuaire Statistique, 2013.

    - MINEPAT,

    ? Atlas national de développement physique du Cameroun, 2012.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 142

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    ? Document de vulgarisation du Décret N° 2013/7987/PM du 13 septembre 2013

    portant création, organisation et fonctionnement des comités de suivi de

    l'exécution physico-financière de l'investissement public, novembre 2013. ? Stratégie Nationale de Gouvernance, 2015.

    - Ministère de l'Economie et des Finances du Mali - Programme de renforcement des capacités nationales pour une gestion stratégique du développement, Guide méthodologique d'élaboration du schéma d'aménagement et de développement de Cercle, Juillet 2001.

    - Plan National de Développement Sanitaire (PNDS), 2016-2020.

    - PNUD, Decentralised Governance for Development: A Combined Practice Note on Decentralisation, Local Governance and Urban/Rural Development, 2004.

    - Rapport du Rapporteur Général du Grand Dialogue National, Yaoundé, 4 octobre 2019.

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 143

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    TABLE DES MATIERES

    SOMMAIRE

    DEDICACE ii

    REMERCIEMENTS iii

    AVERTISSEMENT iv

    SIGLES ET ABRÉVIATIONS v

    RÉSUMÉ vi

    ABSTRACT vii

    INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

    PREMIÈRE PARTIE :

    LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU

    DEVELOPPEMENT LOCAL. 17
    CHAPITRE 1 :LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES

    AU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE LOCAL 20
    SECTION 1 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES A

    L'ACTION ECONOMIQUE 21

    §1 - La promotion des activités génératrices de revenus 22

    A) L'appui au plan matériel et financier 22

    1) L'appui matériel des chefferies traditionnelles 22

    2) L'appui financier des chefferies traditionnelles 24

    B) L'appui au plan technique et technologique 24

    1) L'appui technique des chefferies traditionnelles 25

    2) L'appui technologique des chefferies traditionnelles 26

    §2 - La promotion d'un cadre favorable à ces activités 26

    A) La promotion des infrastructures et évènements propices au développement

    desdites activités 27

    1) La promotion d'infrastructures liées aux activités génératrices de revenus 27

    2) La promotion d'évènements propices aux activités génératrices de revenus 28

    B) La vulgarisation des politiques publiques nationales et locales en la matière 29

    1) La vulgarisation des politiques publiques nationales 29

    2) La vulgarisation des politiques publiques locales 30
    SECTION 2 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES A LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES ET A LA TRANSFORMATION DU

    MILIEU DE VIE 31

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 144

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    §1 - La gestion des ressources naturelles et de l'environnement 31

    A) La gestion des ressources naturelles 32

    1) La gestion des ressources du sol 33

    2) La gestion des ressources du sous-sol 34

    B) La gestion de l'environnement 35

    1) La préservation de l'environnement 36

    2) Les travaux de nettoyage 37

    §2- La participation à la transformation du milieu de vie 38

    A) En matière de planification et d'aménagement du territoire 38

    1) La participation des chefferies traditionnelles à la planification 38

    2) La participation des chefferies traditionnelles à l'aménagement du territoire 40

    B) En matière d'urbanisme et d'habitat 41

    1) La participation des chefferies traditionnelles à l'urbanisme 41

    2) La participation des chefferies traditionnelles à l'habitat 43

    CONCLUSION DU CHAPITRE 1er 45

    CHAPITRE 2 :LE CONCOURS DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU

    DEVELOPPEMENT SOCIOCULTUREL LOCAL. 46
    SECTION 1 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU

    DEVELOPPEMENT LOCAL EN MATIERE D'ENSEIGNEMENT ET SOCIALE 47

    §1 - L'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière

    d'enseignement 47

    A) La contribution des chefferies traditionnelles en matière d'enseignement classique
    48

    1) L'éducation maternelle et primaire 48

    2) L'éducation post-primaire 50

    B) La contribution des chefferies traditionnelles à l'alphabétisation et à la formation

    professionnelle 51

    1) L'alphabétisation 51

    2) La formation professionnelle 52

    §2 - L'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière d'action

    sociale 53

    A) La participation des chefferies traditionnelles à la santé 53

    1) Au plan régional 54

    2) Au plan communal 55

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 145

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    B) La participation des chefferies traditionnelles en matière de protection sociale et

    de population 57

    1) La protection sociale 57

    2) La population 58
    SECTION 2 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU
    DEVELOPPEMENT LOCAL EN MATIERE DE JEUNESSE, DIVERTISSEMENT ET

    CULTURE 60

    §1 - L'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière de

    jeunesse et de divertissement 60

    A) La contribution des chefferies traditionnelles au développement local en matière

    de jeunesse 60

    1) La vulgarisation des politiques publiques destinées aux jeunes 60

    2) L'accompagnement quotidien de la jeunesse 62

    B) La contribution des chefferies traditionnelles au développement local en matière

    de divertissement 63

    1) Les sports 63

    2) Les loisirs 65

    §2 - L'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière culturelle

    66

    A) La promotion de la culture 67

    1) La création et l'organisation d'évènements culturels 67

    2) La création et l'appui aux infrastructures et l'appui aux acteurs culturels 69

    B) La promotion du bilinguisme et des langues nationales 70

    1) La promotion du bilinguisme 70

    2) La promotion des langues nationales 71

    CONCLUSION DU CHAPITRE 2 74

    CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 75

    SECONDE PARTIE :

    LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES A LA

    DEMOCRATIE ET A LA BONNE GOUVERNANCE LOCALES. 76
    CHAPITRE 1 : LA PARTICIPATION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES

    A LA DEMOCRATIE LOCALE 79
    SECTION 1 - LA PARTICIPATION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES EN

    MATIERE ELECTORALE 80

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 146

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    §1 - L'action des chefferies traditionnelles dans le processus électoral 80

    A) L'action préparatoire des élections 80

    1) Les inscriptions sur les listes électorales 80

    2) Les déclarations de candidature 81

    B) L'action post-préparatoire des élections 82

    1) Le vote 82

    2) L'après-vote 83

    §2 - La participation suivant le type d'élections 84

    A) La participation aux élections régionales 84

    1) La reconnaissance d'un collège de conseillers 85

    2) La reconnaissance d'un collège électoral 86

    B) La participation aux élections parlementaires et municipales 87

    1) Les élections parlementaires 87

    2) Les élections municipales 89
    SECTION 2 - LA PARTICIPATION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES EN MATIERE DE PROMOTION DES DROITS DE L'HOMME ET DE PRESERVATION

    DE LA PAIX 90

    §1 - La promotion des Droits de l'Homme et des Libertés 90

    A) La valorisation des Droits de l'Homme et des Libertés 90

    1) La promotion des mesures de valorisation au niveau international 91

    2) La promotion des mesures de valorisation au niveau national et local 92

    B) La lutte contre les atteintes aux Droits de l'Homme et des Libertés 93

    1) La lutte non juridictionnelle contre les atteintes aux Droits de l'Homme et des

    Libertés 94

    2) La lutte juridictionnelle contre les atteintes aux Droits de l'Homme et des Libertés 95

    §2 - La préservation de la paix 96

    A) La prise de mesures visant à préserver la paix sociale 97

    1) La prise de mesures préventives 97

    2) La prise de mesures curatives 98

    B) Le règlement des litiges par la juridictionnelle traditionnelle 99

    1) La tentative de conciliation 99

    2) La saisine et l'action de la juridiction traditionnelle 100

    CONCLUSION DU CHAPITRE 1er 102

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 147

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    CHAPITRE 2 :L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES À LA

    BONNE GOUVERNANCE LOCALE 103
    SECTION 1 - L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AUX PRINCIPES D'ETAT DE DROIT, D'ÉGALITÉ, DE PARTICIPATION ET

    D'EFFICACITÉ 104

    §1 - Le raffermissement de l'Etat de droit et de l'égalité au niveau local 105

    A. L'Etat de droit 105

    1. La soumission des collectivités locales au droit 105

    2. Le respect des droits des particuliers 107

    B. L'égalité 108

    1. L'égalité de traitement 108

    2. L'égalité de droits 109

    §2 - Le développement de la participation citoyenne locale et de l'efficacité 110

    A. La participation citoyenne locale 110

    1. Les modes de participation 111

    2. Les instances de participation 112

    B. L'efficacité et l'efficience 114

    1. L'efficacité 114

    2. L'efficience 116
    SECTION 2 - L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AUX

    PRINCIPES DE TRANSPARENCE ET DU CLIMAT DES AFFAIRES 117

    A. La transparence locale 118

    1. La lisibilité des affaires et services locaux 118

    2. L'information sur les affaires et services locaux 119

    B. La redevabilité sur les affaires locales 121

    1. La responsabilité des élus locaux 121

    2. L'implication des chefs traditionnels au sein de certaines instances 122

    §2 - L'apport au climat local des affaires 123

    A. L'assainissement du climat local des affaires 124

    1. L'amélioration du cadre des affaires 124

    2. L'assainissement de la vie publique locale 125

    B. L'accompagnement des acteurs économiques 126

    1) L'accompagnement des acteurs économiques présents 126

    1. L'accompagnement des potentiels acteurs économiques 127

    Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 148

    Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

    CONCLUSION DU CHAPITRE 2 128

    CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 129

    CONCLUSION GENERALE 130

    BIBLIOGRAPHIE 133

    TABLE DES MATIERES 143






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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore