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Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun


par Luc René BELL BELL
Université de Yaoundé II - Soa - Master en droit public 2020
  

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A. LE CONTEXTE DE L'ETUDE

Contextualiser c'est « replacer dans son contexte6». Le contexte quant à lui est l'ensemble des circonstances dans lesquelles s'insère un fait7, un évènement8. Remettre un

1 Voir en ce sens les articles 19, 20 et 21 du Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant Organisation des chefferies traditionnelles sur les attributions du Chef traditionnel.

2 BELL Luc René, Exposé sur le thème : « La chefferie traditionnelle dans la mouvance de la décentralisation », Travaux du Comité de pilotage et de suivi de l'étude sur l'organisation déconcentrée de l'Etat, Yaoundé, 18 décembre 2007.

3 La chefferie de troisième degré en l'occurrence car elle représente un quartier ou un village. Voir article 3 du Décret N°77/245 du 15 juillet 1977 suscité.

4 La décentralisation est au regard de l'évolution politique et juridique du Cameroun depuis 1960 la réforme majeure de l'Etat. Lire à ce propos ABOUEM à TCHOYI David et M'BAFOU Stéphane Claude (dir.), 50 ans de réforme de l'Etat au Cameroun : stratégies, bilans et perspectives, Yaoundé, L'Harmattan Cameroun, 2013.

5 NACH MBACK Charles, « La chefferie traditionnelle au Cameroun : ambigüités juridiques et dérives politiques », Africa Development, Vol. XXV, N°3 et 4, 2000.

6 Dictionnaire Le Petit Robert, 2011, p.525.

7 Ibid.

Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 3

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évènement, un fait, ou même un phénomène dans son contexte revient à relater celui-ci dans la conjoncture qui fut sienne sur des aspects divers (historique, juridique, social, politique...)9. « Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun » aborde des contextes variés que nous ne pouvons présenter de manière exhaustive. Cependant, nous nous limiterons à évoquer tour à tour les contextes historique (1) et juridique (2).

1. LE CONTEXTE HISTORIQUE

« Il faut comprendre ce que l'on a été pour savoir ce que l'on doit devenir10». Cette citation de Bernard NKUISSI permet de nous plonger dans l'histoire de la chefferie traditionnelle ainsi que dans celle de la décentralisation.

Concernant d'une part la chefferie traditionnelle au Cameroun, il faut dire qu'elle a toujours existé11. Seulement le vocable chefferie traditionnelle n'est arrivé qu'avec les occidentaux. En effet, les garants de la tradition ont des dénominations différentes suivant le lieu où on se trouve. A titre d'exemple, on peut citer le Sultan chez les Bamoun et certains peuples du Grand Nord, le Fo et le Fon chez les peuples des Grass Fields, le Nkunkuma chez les Fang-Béti, le Mbombog chez les Bassa, le lamido dans le Grand Nord... Pour M. MOUGNOL Stéphane, « L'institution cheffale telle qu'elle est retrouvée en Afrique contemporaine est la résultante de nombreuses mutations qui n'ont pas été sans impact sur son originalité. En effet, les sociétés traditionnelles ont préexisté à l'État postcolonial12». Ces détenteurs du pouvoir traditionnel n'étaient pas toujours d'accord pour certains et hostiles pour d'autres avec les idéaux du colon. Ce dernier pour asseoir son autorité va créer des chefferies traditionnelles dans le but d'« en faire un instrument à son service puisque son action [de la chefferie traditionnelle] ne dépendait plus de la coutume13». C'est ainsi que certains garants de la tradition ont été mis à l'écart lors de la création des chefferies

8 Kitoña NGO YAP LIBOCK, La fonction d'ordonnateur au Cameroun, Mémoire de Master en Droit Public option Droit Public Interne, Université de Yaoundé II, 2014, p.3.

9 Ibid.

10 NKUISSI Bernard, Nkongsamba. Les années obscures de la fondation de 1898 à 1923, Mémoire pour le DES d'Histoire, Lille, 1967, cité par GUIFFO Jean-Philippe, Le statut international du Cameroun 1921-1961, Editions de l'Essoah, 2007, p.9.

11 KAMGA Léon, Dos kirdi ventre bantou : les sources de l'exception culturelle Bamiléké et Tikar, Afrédit, 2015, p.103.

12 MOUGNOL Stéphane, Recherches sur le droit constitutionnel local dans les Etats d'Afrique noire francophone, Thèse de Doctorat en Droit Public, Université de Yaoundé II, 2019, p.82.

13 NGUEMEGNE Jacques Philibert, Du dépérissement de l'organisation socio-politique de la chefferie traditionnelle Bayangam, Yaoundé, Mémoire Maîtrise, 1990 cité par Jean-Philippe GUIFFO, Le statut international du Cameroun 1921-1961, op. cit. p.137.

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traditionnelles tels le Mbombog chez les Bassa « qui n'a pas offert sa coopération14» à l'administration coloniale. Pour NACH MBACK Charles, « ce que l'on appelle aujourd'hui chefferie traditionnelle est une survivance des formes multiples d'organisations sociopolitiques qu'a connues l'Afrique avant la colonisation. Cette dernière a inventé les expressions de chefferie traditionnelle et de chef traditionnel dans un effort d'uniformiser une réalité dont la complexité lui échappait15».

Concernant d'autre part la décentralisation, elle apparaît en 1827. Il faut préciser que le sens que ce mot avait au XIXème siècle n'est pas le même qu'il a actuellement. En effet, « la décentralisation était conçue comme le contraire de l'action de centraliser, c'est-à-dire, qu'elle consistait à enlever une partie de ses attributions au pouvoir central qui était le centre des décisions à la fois politiques et administratives. [...] Mais ce transfert d'attributions, baptisé à cette époque décentralisation n'était en réalité que de la déconcentration du sens donné de nos jours à ce terme16». Elle migrera progressivement pour se détacher complètement de la déconcentration. Elle aura donc pour but de pallier aux insuffisances de la déconcentration. Dans ce sens, les décisions ne sont plus prises « au nom et pour le compte de l'Etat, comme dans le cas de la centralisation ou de la déconcentration, mais au nom et pour le compte d'une collectivité locale, par un organe qui émane d'elle17». De ce fait « la décentralisation est, dans le monde, un fait marquant de la gouvernance publique en cette moitié du 20è siècle. Si dans les pays en voie de développement, et plus précisément les pays africains au Sud du Sahara, ce concept n'occupe une place prépondérante dans le discours politique que depuis quelques années, il a été mis en exergue, dans les pays développés, depuis plusieurs décennies18». Toutefois, il convient de relever que la décentralisation, en Afrique en général et au Cameroun en particulier, bénéficie de la part des pouvoirs publics, depuis quelques décennies, d'une réelle prise en compte au-delà des discours politiques et de sa consécration textuelle.

14 BELL Luc René, « Améliorer l'efficacité de l'Etat à travers l'évolution de la Chefferie traditionnelle », in ABOUEM à TCHOYI David et M'BAFOU Stéphane Claude (dir.), Améliorer l'efficacité de l'Etat au Cameroun : Propositions pour l'action, L'Harmattan, 2019, p.540.

15 NACH MBACK Charles, « La chefferie traditionnelle au Cameroun : ambigüités juridiques et dérives politiques », op. cit., p. 79.

16 BODINEAU Pierre et VERPEAUX Michel, Histoire de la décentralisation, Paris, PUF, 2e éd, 1997, p.3.

17 EKO'O AKOUAFANE Jean Claude, La décentralisation administrative au Cameroun, L'Harmattan, 2009, p.91.

18 BIWOLE Gilbert, « Préface », in FINKEN Martin, Communes et gestion municipale au Cameroun : institution municipale, finances et budget, gestion locale, interventions municipales, Impression Groupe St François, 1996, p.5.

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2. LE CONTEXTE JURIDIQUE

Le contexte juridique de la chefferie traditionnelle et de la décentralisation dans notre pays a été consacré avec l'arrivée de l'homme blanc.

S'agissant d'une part de la chefferie traditionnelle, on recense les premières actions des chefs avant l'arrivée du colon. En effet, les chefs entretenaient déjà des relations commerciales et d'amitié avec d'autres peuples. Remontant l'histoire, l'on se souvient que les chefs Sawa, du fait de leur tension19, ont écrit à trois reprises aux autorités britanniques20, pour leur transmettre leur désir d'être placés sous protectorat anglais. Face à cette « déception21», ils vont se tourner vers les allemands. Les chefs Douala signeront avec les commerçants allemands de la firme WOERMANN le Traité Germano-Douala le 12 juillet 1884. On peut dire au regard de ce qui précède que ce sont les chefs traditionnels qui ont écrit la genèse de notre histoire constitutionnelle et politique. Ce n'est qu'en 1909 que le Dr SEITZ Theodor, gouverneur impérial allemand, au moyen d'une circulaire, accordera des traitements de faveur à certains chefs de communautés. La chefferie traditionnelle connaîtra sa véritable consécration juridique par l'arrêté N° 244 signé le 4 février 1933, par le gouverneur français Auguste François BONNECARRERE, fixant le statut des chefs coutumiers. Ce texte restera en vigueur jusqu'au passage du Cameroun oriental à l'indépendance et fera place à la loi N° 7/SC du 10 décembre 1960 sur la reconnaissance des chefferies du territoire camerounais. Elle fut modifiée pour réceptionner le changement de la forme de l'Etat intervenu en 1961. Il faudra encore attendre une seizaine d'années pour voir l'arrivée d'un texte novateur en la matière. Il s'agit en l'occurrence du décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles modifié et complété par le décret N° 2013/332 du 13 septembre 2013. A sa suite, l'on a eu deux lois notamment la loi N° 79/17 du 30 juin 1979 relative aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels et la loi N° 80/31 du 27 novembre 1980 dessaisissant les juridictions des affaires relatives aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels. En 1996, avec l'avènement de la nouvelle Constitution, la chefferie traditionnelle en ressortira ragaillardie22.

19 Ces tensions découlaient des rivalités et querelles internes des chefs Sawa. Cf. Sosthène EFOUBA NGA, Cours d'Histoire des institutions et des faits sociaux, Université de Yaoundé II, Inédit, 2013-2014.

20 Le Roi BELL écrit à la Reine Victoria en 1864 puis le Roi AKWA et les sous-chefs à la Reine et au Premier Ministre britannique en 1879.

21 EFOUBA NGA Sosthène, Cours d'Histoire des institutions et des faits sociaux, Université de Yaoundé II, Inédit, 2013-2014.

22 Voir Préambule et Article 1er alinéa 2 de la Loi N° 96-06 du 18 janvier 1996 portant modification de la Constitution du 02 Juin 1972.

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S'agissant d'autre part de la décentralisation, il faut dire que sa réception juridique au Cameroun a été faite à deux vitesses compte tenu de sa double administration par la Grande Bretagne et la France par le mandat de la Société Des Nations (SDN) et la tutelle des Nations Unies. Avec la gouvernance britannique, c'est en 1922 qu'une loi va créer les Native Courts qui sont des institutions locales. En 1948, une loi nigériane23 va créer les Native Authorities qui étaient des « structures locales placées sous la direction d'autorités traditionnelles et détenant le pouvoir de légiférer et d'établir les impôts sous le contrôle des district officers, sorte de préfets de l'époque24». Quant à la gouvernance française, le processus de décentralisation ne commence qu'en 1941 avec un décret du 23 avril portant création des communes mixtes de Yaoundé et de Douala. On assiste alors à « une décentralisation légère25» du fait de la nomination du conseil et de l'exécutif de la commune. Par la suite, interviendra le décret du 19 novembre 1947 portant réorganisation du régime municipal. Ce décret octroyait la possibilité au Haut-Commissaire de créer de nouvelles communes et de modifier celles existantes, la consécration de l'élection des organes de certaines communes. Après cette avancée relative, il a fallu attendre la promulgation de la loi du 18 novembre 1955 réorganisant l'institution municipale. Ce texte fit la distinction entre les communes de plein exercice et les communes de moyen exercice. Dès 1960, la Constitution du 4 mars reconnut les collectivités locales en ses articles 46 à 48. Celles-ci étaient dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière et s'administrant librement par des conseils élus. Cette situation ne dura qu'un an avec l'entrée en vigueur de la loi N° 61/24 du 1er septembre 1961 portant révision de la Constitution du 4 mars 1960 qui consacra la fédération au Cameroun. Ce n'est qu'en 1972 que la décentralisation refit surface au Cameroun grâce à la Constitution du 2 juin 1972 qui rétablit l'Etat unitaire avec la confirmation de « l'idéal décentralisateur26». Deux ans plus tard, le législateur prit la loi N° 74/23 du 5 décembre 1974 portant organisation communale modifiée et complétée par les lois N° 87/015 du 15 juillet 1987 et N° 92/003 du 4 août 1992. Avec l'avènement de la loi constitutionnelle de 1996, la décentralisation prendra un autre virage au Cameroun. En effet, en application de la Loi N° 96/06 du 18 janvier 1996 portant modification de la Constitution du 02 Juin 1972, d'autres textes verront le jour. Il

23 Bien que sous mandat et tutelle britannique, le Cameroun occidental était géré comme une province du Nigéria.

24 HOND Jean Tobie, Cours de Droit de la décentralisation, Université de Yaoundé II, Inédit, 2016-2017.

25 Ibid.

26 Ibid.

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s'agit des lois dites de décentralisation27, de la loi N° 2009/010 du 10 juillet 2009 portant régime financier des collectivités territoriales décentralisées, de la loi N° 2009/019 du 15 décembre 2009 portant fiscalité locale, de la loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code général des collectivités territoriales décentralisées et d'autres textes législatifs et réglementaires dont nous ferons l'économie dans les développements qui vont suivre.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille