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La collecte des données marines et le droit de la mer


par Wafa ZLITNI
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis - Master de recherche en Droit international 2021
  

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Section II. L'inapplicabilité du régime de la recherche scientifique marine aux nouveaux SADO

Nous assistons à «une attraction dans le champ d'application des conditions de la recherche scientifique marine d'un certain nombre [de SADO] que l'on ne saurait ranger dans une catégorie mieux établie»511. Certains instruments de collecte sont en effet qualifiés par défaut de matériel de recherche scientifique marine. Or, le régime juridique qui découle de cette qualification est inadapté à l'utilisation de ces instruments. Les scientifiques qui les utilisent sont en effet confrontés à des difficultés pratiques qui rendent compliquée voire impossible l'application du régime prévu par ladite Convention. Les dispositions de la CMB se révèlent alors dépassées par l'innovation technologique de ce nouveau matériel qui risque de traverser les frontières maritimes de l'Etat côtier (paragraphe I) ou qui collecte des données marines au-delà de ces frontières (paragraphe II).

Paragraphe I. Une catégorisation inadaptée au matériel risquant de traverser les frontières maritimes

Les flotteurs profileurs Argo et les balises émettrices placées sur des animaux marins sont déployés dans la colonne d'eau au-delà de la ZEE. Dans cette zone, la CMB consacre le principe de la liberté de la recherche scientifique en haute mer512 qui implique par conséquent la liberté de placer des SADO en haute mer513. Les chercheurs ne sont donc pas liés par le régime du consentement qui est de toutes manières inadapté au mouvement des flotteurs et des balises, les uns portés par les courants et les autres par les animaux.

511 JARMACHE (E.), op. cit., p.310.

512 Article 87 de la CMB précitée.

513 FREYMOND (O.), op. cit., pp. 37-47.

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Les scientifiques qui déploient ces instruments dans cette zone de liberté sont confrontés à des difficultés d'ordre pratique514 lorsque ceux-ci passent de la haute mer à la ZEE de l'Etat côtier. En effet, dans cette dernière, le consentement de l'Etat côtier est nécessaire puisque celui-ci y exerce sa juridiction en matière de recherche scientifique marine (A) et des droits souverains sur les ressources naturelles (B).

A. La dérive des flotteurs dans les zones sous juridiction de l'Etat côtier

Un flotteur «est utilisé pour déterminer la direction et la vitesse du courant de surface. La direction est obtenue par l'observation du déplacement du flotteur, et la vitesse au moyen d'une ligne graduée fixée au flotteur (ligne de Loch) dont on mesure la longueur filée à la demande pendant un temps donné»515. Les flotteurs déployés en haute mer dans le cadre du projet Argo évoluent librement au gré des courants marins et sont susceptibles de dériver dans la ZEE de l'Etat côtier. Que l'entrée de ce SADO dans la ZEE de l'Etat côtier doive faire l'objet d'une demande de consentement est source de controverse.

Certains Etats membres de l'ABE-LOS tels que la Russie qualifient les flotteurs Argo de matériel de recherche scientifique marine pour les soumettre au régime prévu pour cette catégorie en vertu de l'article 258 de la CMB. Ledit article prévoit que «la mise en place et l'utilisation d'installations ou de matériel de recherche scientifique de tout type dans une zone quelconque du milieu marin sont subordonnées aux mêmes conditions que celles prévues par la Convention pour la conduite de la recherche scientifique marine dans la zone considérée». Les flotteurs étant considérés comme du matériel de recherche scientifique marine, leur utilisation est par conséquent régie par les dispositions de la partie XIII de la CMB consacrée à l'activité de recherche scientifique marine.

514 Ibidem.

515 OHI, Dictionnaire hydrographique (S-32), op. cit., p.92.

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Or, selon le régime juridique prévu par celle-ci, le déploiement de ces flotteurs en haute mer est libre516, tandis qu'il requiert le consentement préalable et nécessaire de l'Etat côtier dans la ZEE. Rappelons que l'Etat côtier y a juridiction en matière de recherche scientifique marine517 et qu'il a par conséquent «le droit de réglementer, d'autoriser et de mener des recherches scientifiques marines»518. Intégrer les flotteurs dans la catégorie du matériel de recherche scientifique marine permettrait par conséquent à l'Etat côtier d'exiger une demande de «consentement»519 «six mois au plus tard»520 avant l'entrée des flotteurs dans sa ZEE.

D'autres Etats membres de l'ABE-LOS tels que les USA considèrent au contraire que le cadre juridique de la recherche scientifique marine ne s'applique pas aux flotteurs Argo521. Il est en effet impossible pour les scientifiques de déposer un dossier de demande de consentement522 tel que l'exige la CMB, six mois avant l'entrée du flotteur d'un espace où la recherche scientifique est libre à un espace où le consentement de l'Etat côtier est nécessaire, puisqu'ils ne peuvent pas prévoir le mouvement de ce matériel porté par les courants avec autant d'avance. Une solution plus adéquate serait de notifier l'Etat côtier raisonnablement avant l'entrée du matériel de collecte des données marines dans sa ZEE523.

La résolution EC-XLI.4 de la COI propose un régime de notification selon lequel «un État membre de la COI doit être informé à l'avance, par les voies

516Article 87 de la CMB précitée.

517 Article 56 de la CMB précitée.

518 L'article 246.1 de la CMB précitée prévoit: «Les Etats côtiers, dans l'exercice de leur juridiction, ont le droit de réglementer, d'autoriser et de mener des recherches scientifiques marines dans leur zone économique exclusive et sur leur plateau continental conformément aux dispositions pertinentes de la Convention».

519 Article 246 de la CMB précitée.

520 Article 248 de la CMB précitée.

521 ABELOS, Neuvième session, 2009.

522 FRIKHA (A.), op. cit., pp. 44-47. 523Ibidem.

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appropriées, du déploiement en haute mer de tous flotteurs dans le cadre du programme Argo qui risqueraient de dériver dans sa ZEE. Pour mettre en oeuvre cette disposition, le Secrétaire exécutif de la COI invite tous les États membres de la COI qui le désirent à déclarer à tout moment, en lui adressant une note écrite à cet effet, qu'ils souhaitent se voir notifier le déploiement en haute mer de tous les flotteurs du programme Argo qui risquent de dériver dans leur ZEE.

Le Secrétaire exécutif de la COI communique sans délai cette note aux États membres de la Commission"524. L'opérateur du flotteur Argo dérivant dans la ZEE de cet Etat envoie alors une notification à ce dernier et lui communique les informations qu'ils jugent tous deux utiles, telles que le type de flotteur déployé, la date et les coordonnées géographiques de l'emplacement en haute mer où le flotteur a été mis à l'eau et de sa dernière localisation525.

Ainsi, la CMB n'est pas adaptée à la dérive des flotteurs dans les zones de droits souverains et de juridiction de l'Etat côtier. Ladite Convention ne l'est pas non plus à l'entrée des balises émettrices dans ces zones.

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