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La collecte des données marines et le droit de la mer


par Wafa ZLITNI
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis - Master de recherche en Droit international 2021
  

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Section II. Une catégorisation incertaine des activités de collecte des

données marines

La CMB ne propose la définition d'aucune activité de collecte des données marines. L'enjeu de telles définitions étant la conception de catégories juridiques aux frontières nettes173 qui ne laissent planer aucune incertitude. Nous proposons alors une catégorisation de ces activités sur la base du critère de l'affectation des données marines collectées. Celles-ci peuvent en effet être affectées à des fins commerciales (paragraphe I) ou à des fins sécuritaires (paragraphe II).

171 MARFFY (A. de), «Les difficultés posées par la mise en application du nouveau régime de la recherche scientifique marine avant l'entrée en vigueur de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer», op. cit., p. 747.

172 Ibibem.

173 Une frontière nette est une frontière «qui ne laisse pas de doute, qui est sans équivoque,

Encyclopédie LAROUSSE, 2020, [en ligne]
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/net/54328?q=net#53966 (consulté le 15-022021).

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Paragraphe I. Le critère de l'affectation des données marines collectées à des fins commerciales

L'exploration des ressources halieutiques et l'archéologie sous-marine étudient des objets matériels tandis que la recherche scientifique marine étudie le plus souvent des phénomènes naturels. L'affectation de ces objets à des fins commerciales ou l'interdiction de leur commercialisation nous permet de distinguer la recherche scientifique marine de l'exploration des ressources naturelles (A) et l'exploration des ressources archéologiques (B).

A. L'exploration des ressources naturelles

L'exploration constitue la collecte de données174 affectées à la recherche de gisements de pétrole, de gaz ou de nodules polymétalliques175 ainsi que la collecte de données concernant certaines espèces animales visées par la pêche, l'analyse de ces ressources, et l'étude «des facteurs environnementaux, techniques, économiques, commerciaux et autres à prendre en considération dans [leur] exploitation»176.

L'exploitation consiste quant à elle à la mise en valeur de ces ressources177. Elle se définit comme «la collecte à des fins commerciales [de ressources naturelles marines telles que les poissons ou le corail] dans la Zone et l'extraction des minéraux qu'ils contiennent, notamment la construction et l'exploitation de systèmes d'extraction minière, de traitement et de transport pour la production

174 BORK (K.), op. cit., pp. 304.

175 L'article 1.3.b. du règlement relatif à la prospection et à l'exploration de nodules polymétalliques dans la Zone précité prévoit: «Aux fins du présent règlement, on entend par exploration la recherche, faisant l'objet de droits exclusifs, de gisements de nodules polymétalliques dans la Zone, l'analyse de ces gisements, l'utilisation et l'essai des procédés et du matériel d'extraction, des installations de traitement et des systèmes de transport, et l'établissement d'études des facteurs environnementaux, techniques, économiques, commerciaux et autres à prendre en considération dans l'exploitation».

176 Ibidem.

177GUILLOUX (B.), op. cit., p.4.

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et la vente de minéraux»178. Les termes exploration et exploitation sont quasiment toujours mentionnées conjointement dans la CMB179. Seul l'article 62 est consacré exclusivement à l'exploitation des ressources biologiques tandis que l'article 277 mentionne «l'extraction minière» aux côtés de «l'exploration géologique des fonds marins»180.

Cette exploration a pour objet les ressources naturelles, que la CMB définit différemment selon la zone maritime concernée181. Ainsi, le régime de la ZEE s'applique aux «ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sol»182. L'article 77.4 de la CMB reprend ensuite la définition de la Convention de Genève sur le

178 L'article 1.3.a du règlement relatif à la prospection et à l'exploration de nodules polymétalliques dans la Zone précité prévoit: «Aux fins du présent règlement, on entend par exploitation la collecte à des fins commerciales de nodules polymétalliques dans la Zone et l'extraction des minéraux qu'ils contiennent, notamment la construction et l'exploitation de systèmes d'extraction minière, de traitement et de transport pour la production et la vente de minéraux».

179 La CMB consacre les articles 56, 73, 77 et 79 à l'exploration et l'exploitation marines dans la zone économique exclusive et sur le plateau continental de l'Etat côtier, l'article 123 à cette activité dans les mers fermées et semi-fermées, la partie XI intitulée "La Zone" dans cet espace, les articles 266 et 269 au transfert des techniques dans ce domaine, l'annexe III intitulée «Dispositions de base régissant la prospection», mais surtout les articles 246 et 249 à cette activité en relation avec la recherche scientifique marine.

180 L'article 277 de la CMB précitée prévoit: «Les centres régionaux, entre autres fonctions, sont chargés d'assurer : a) des programmes de formation et d'enseignement à tous les niveaux dans divers domaines de la recherche scientifique et technique marine, en particulier la biologie marine, portant notamment sur la conservation et la gestion des ressources biologiques, l'océanographie, l'hydrographie, l'ingénierie, l'exploration géologique des fonds marins, l'extraction minière et les techniques de dessalement de l'eau ; b) des études de gestion ; c) des programmes d'études ayant trait à la protection et à la préservation du milieu marin et à la prévention, la réduction et la maîtrise de la pollution ; d) l'organisation de conférences, séminaires et colloques régionaux ; e) le rassemblement et le traitement de données et d'informations dans le domaine des sciences et techniques marines ; f) la diffusion rapide des résultats de la recherche scientifique et technique marine dans des publications facilement accessibles ; g) la diffusion d'informations sur les politiques nationales concernant le transfert des techniques marines, et l'étude comparative systématique de ces politiques ; h) la compilation et la systématisation des informations relatives à la commercialisation des techniques ainsi qu'aux contrats et aux autres arrangements relatifs aux brevets ; i) la coopération technique avec d'autres États et la région».

181 ROACH (A.), «Marine Data Collection: US Perspectives», in LEE (S.), (ed.), LEE (H.) (ed.), BAUSTITA (L.) (ed.) et ZOU (K.) (ed.), Asian Yearbook of International Law, volume

22, Brill, 2016, pp. 188-189, [en ligne]:
https://www.jstor.org/stable/pdf/10.1163/j.ctvrxk3zz.13.pdf?refreqid=excelsior%3A6c2882d ddf79def6f48793174ae55591 (consulté le 15-02-2021).

182 Article 56.1.a de la CMB précitée.

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plateau continental183 pour définir les ressources naturelles de ladite zone comme «les ressources minérales et autres ressources non biologiques des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi que les organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires, c'est-à-dire les organismes qui, au stade où ils peuvent être pêchés, sont soit immobiles sur le fond ou au-dessous du fond, soit incapables de se déplacer autrement qu'en restant constamment en contact avec le fond ou le sous-sol»184.

Aux fins de la partie de la CMB consacrée à la Zone internationale des fonds marins (ci-après la Zone), on entend par ressources naturelles «toutes les ressources minérales solides, liquides ou gazeuses in situ qui, dans la Zone, se trouvent sur les fonds marins ou dans leur sous-sol, y compris les nodules polymétalliques [...]. Une fois extraites de la Zone, [celles-ci] sont dénommées « minéraux »»185. Enfin, le régime de la haute mer s'applique aux ressources biologiques comprenant les poissons et les mammifères marins186.

En vertu du principe de la souveraineté des peuples sur les ressources naturelles187 qui englobe les ressources marines188, et en vertu de l'article 2 de la

183 L'article 2.4 de la Convention de Genève sur le plateau continental précitée prévoit: «Les ressources naturelles visées dans les présents articles comprennent les ressources minérales et autres ressources non vivantes du lit de la mer et du sous-sol, ainsi que les organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires, c'est-à-dire les organismes qui, au stade où ils peuvent être pêchés, sont soit immobiles sur le lit de la mer ou au-dessous de ce lit, soit incapables de se déplacer si ce n'est en restant constamment en contact physique avec le lit de la mer ou le sous-sol».

184 L'article 77.4 de la CMB précitée prévoit: «Les ressources naturelles visées dans la présente partie comprennent les ressources minérales et autres ressources non biologiques des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi que les organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires, c'est-à-dire les organismes qui, au stade où ils peuvent être pêchés, sont soit immobiles sur le fond ou au-dessous du fond, soit incapables de se déplacer autrement qu'en restant constamment en contact avec le fond ou le sous-sol».

185 Article 133 de la CMB précitée.

186 ROACH (A.), op. cit., pp. 188-189.

187 Résolution sur souveraineté permanente sur les ressources naturelles, A/RES/1803 (14 décembre 1962).

188 FISCHER (G.), «La souveraineté sur les ressources naturelles», Annuaire français de droit international, volume 8, 1962, pp. 520, [en ligne]: www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1962_num_8_1_985 (consulté le 15-02-2021).

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CMB, l'Etat côtier exerce sa souveraineté189 sur les ressources naturelles se trouvant dans sa mer territoriale. Celui-ci a également «des droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation [...] des ressources naturelles»190 dans sa ZEE «située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci»191 mais aussi sur son plateau continental192 qui «comprend les fonds marins et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale»193. L'activité d'exploration des ressources marines dans ces zones dépend donc des moyens de l'Etat côtier. La collecte des données marines dans les zones sous l'emprise d'Etats côtiers ne disposant pas de techniques développées est donc difficile et ces parties de l'océan mondial risquent de rester méconnues.

Par contre, «aucun Etat ne peut revendiquer ou exercer de souveraineté ou de droits souverains»194 sur les ressources de la Zone qui sont «le patrimoine

189 L'article 2.1 de la CMB précitée prévoit: «La souveraineté de l'État côtier s'étend, au-delà de son territoire et de ses eaux intérieures et, dans le cas d'un État archipel, de ses eaux archipélagiques, à une zone de mer adjacente désignée sous le nom de mer territoriale». 190L'article 56.1.a de la CMB précitée prévoit: "Dans la zone économique exclusive, l'Etat côtier a des droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sols ainsi qu'en ce qui concerne d'autres activités tendant à l'exploration et à l'exploitation de la zone à des fins économiques, telles que la production d'énergie à partir de l'eau, des courants et des vents».

191 L'article 55 de la CMB précitée prévoit: «La zone économique exclusive est une zone située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci, soumise au régime juridique particulier établi par la présente partie, en vertu duquel les droits et la juridiction de l'Etat côtier et les droits et libertés des autres Etats sont gouvernés par les dispositions pertinentes de la Convention».

192 L'article 77.1 de la CMB précitée prévoit: «L'Etat côtier exerce des droits souverains sur le plateau continental aux fins de son exploration et de l'exploitation de ses ressources naturelles».

193 L'article 76.1 de la CMB précitée prévoit: «Le plateau continental d'un Etat côtier comprend les fonds marins et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l'étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cet Etat jusqu'au rebord externe de la marge continentale, ou jusqu'à 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles Est mesurée la largeur de la mer territoriale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve à une distance inférieure».

194 L'article 137 de la CMB précitée prévoit: «1. Aucun État ne peut revendiquer ou exercer de souveraineté ou de droits souverains sur une partie quelconque de la Zone ou de ses ressources ; aucun État ni aucune personne physique ou morale ne peut s'approprier une partie quelconque de la Zone ou de ses ressources. Aucune revendication, aucun exercice de souveraineté ou de droits souverains ni aucun acte d'appropriation n'est reconnu.

2. L'humanité tout entière, pour le compte de laquelle agit l'Autorité, est investie de tous les droits sur les ressources de la Zone. Ces ressources sont inaliénables. Les minéraux extraits de la Zone ne peuvent, quant à eux, être aliénés que conformément à la présente partie et aux règles, règlements et procédures de l'Autorité.

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commun de l'Humanité»195. L'article 137 de la CMB investit alors l'AIFM «de tous les droits sur les ressources de la Zone» pour organiser, mener et contrôler l'exploration de ces ressources «pour le compte de l'Humanité tout entière»196. Ces dispositions semblent favoriser cette activité de collecte des données marines dans cette partie de l'océan mondial, et par conséquent le progrès de cette science.

Les données collectées dans le cadre d'un projet de recherche scientifique marine peuvent avoir également pour objet les ressources naturelles, mais l'affectation de ces mêmes données diffère d'une activité à l'autre197. Alors que la recherche scientifique vise à accroître les connaissances sur les ressources halieutiques, l'activité d'exploration vise l'exploitation commerciale de ces ressources. Cette activité a donc un caractère exclusivement économique198.

Pour cette raison, il fut proposé durant les négociations de la CNUDM III que les conditions d'exploitation ne devraient s'appliquer qu'aux activités commerciales et non à la recherche scientifique199. Mais la distinction entre la recherche scientifique marine ayant pour objet les ressources naturelles et les activités d'exploration et d'exploitation de celles-ci est plus complexe que ce que nous venons de présenter. En effet, la collecte de différentes variétés de riz pour mettre au point une nouvelle variété plus adaptée à tel insecte ravageur ou encore l'utilisation des molécules chimiques d'une plante pour développer un

3. Un État ou une personne physique ou morale ne revendique, n'acquiert ou n'exerce de droits sur les minéraux extraits de la Zone que conformément à la présente partie. Les droits autrement revendiqués, acquis ou exercés ne sont pas reconnus».

195 L'article 136 de la CMB précitée prévoit: «La Zone et ses ressources sont le patrimoine commun de l'Humanité».

196 L'article 153.1 de la CMB précitée prévoit: « Les activités, dans la Zone, sont organisées, menées et contrôlées par l'Autorité pour le compte de l'humanité tout entière conformément au présent article, et aux autres dispositions pertinentes de la présente partie et des annexes qui s'y rapportent ainsi qu'aux règles, règlements et procédures de l'Autorité».

197 BORK (K.), op. cit., pp. 304-305.

198 MONTJOIE (M.), op. cit., pp.842.

199 ONU, Document A/CONF.62/C.1/SR.14, Documents officiels de la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la mer, volume II, pp. 69-76.

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médicament peuvent être qualifiées de recherche scientifique appliquée ou de «valorisation indirecte et différée»200 des ressources naturelles puisque celles-ci sont exploitées «pour leur potentialité chimique ou génétique à mener à un nouveau produit»201.

Ainsi, les activités d'exploration peuvent avoir pour objet les ressources naturelles en vue de leur commercialisation, mais aussi les ressources archéologiques dont la commercialisation est interdite.

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"