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Sécurité et liberté chez Thomas Hobbes


par Jacob Koara
Université Joseph Ki Zerbo  - Master 2022
  

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1.2. Nuances entre l'absolutisme et le despotisme

Un État despotique est un État dans lequel celui qui détient le pouvoir politique dispose comme le souverain hobbesien d'un pouvoir absolu. Cependant, il existe une nuance entre l'État despotique et l'État hobbesien qui n'est peut-être pas perceptible à première vue. Celle-ci se situe notamment dans le but poursuivi par les deux États : l'un, le despote, à travers l'exercice du pouvoir a comme aiguillon de son action l'assouvissement de ses caprices ou de ceux de ses proches ; alors que le but de l'État hobbesien est le salut du peuple. Le pouvoir despotique travaille à contenter les intérêts d'un groupuscule de personnes au détriment de ceux du peuple. C'est une gestion népotique du pouvoir qu'exerce le pouvoir despotique. Ce qui n'est pas le cas du souverain hobbesien. Pour mieux cerner cette différenciation qui existe entre le despotisme et l'absolutisme hobbesien, nous jugeons opportun de rappeler ces propos de Jean-Pierre Zarader :

C'est le plaisir personnel, la jouissance qui meut le despote. Le souverain de Hobbes est à l'opposé d'une telle conception : il légifère dans l'intérêt du peuple. C'est le bien du peuple, non le sien propre, que recherche le souverain245(*).

Si à première vue, les décisions du souverain hobbesien peuvent passer pour insensées, elles s'inscrivent en réalité dans un ordre logique, qui peut certes échapper à la perspicacité de la foule, mais qui en réalité, ne vise que le salut de ses citoyens. Que la mesure soit populaire ou impopulaire, l'essentiel est que le souverain ne la met en place qu'en vue du bien-être de ses sujets. Le salut du peuple passe pour ainsi dire au-dessus de ses intérêts et autres caprices246(*).

1.3. Confusions entre l'absolutisme et le totalitarisme

L'absolutisme, tel qu'envisagé par Thomas Hobbes, donnerait lieu à un État de type totalitaire. Mais en fait qu'est-ce qu'unÉtat totalitaire, pour qu'on puisse y confiner l'absolutisme hobbesien ? À cette question, Jean-Pierre Zarader répond qu'un État totalitaire,

c'est un État dans lequel l'autorité politique prétend tout régir, non seulement la sphère proprement politique mais également la vie privée, la vie économique, artistique, ... C'est dire que l'État totalitaire entend présider, comme son nom l'indique, à la totalité de la vie des individus247(*).

En des propos plus limpides, l'État totalitaire serait un État qui veut tout soumettre à son contrôle, la sphère publique comme la sphère privée. Il en découle que l'individu en régime totalitaire n'est qu'une infime partie d'un tout, le tout ayant plus de valeur sur la partie : il y a une primauté abyssale de l'État sur l'individu. Ce faisant, les États totalitairescompriment gravement les libertés, car ils ne veulent rien laisser échapper à leur examen.

Dissertant sur le sujet, Raymond Aron en vient à distinguer cinq caractéristiques de l'État totalitaire :

le monopole de l'activité politique par un parti [avec à sa tête un seul homme], l'exercice d'une idéologie monopolistique, le monopole des moyens de force et des moyens de persuasion détenus par ce parti, la subordination des activités économiques et professionnelles à l'idéologie et à la politique du parti, et enfin la terreur à la fois policière et idéologique248(*).  

L'État hobbesien est loin de remplir de telles conditions. Certes, c'est un État qui a la prétention d'intervenir dans les différentes sphères de la vie des citoyens, mais l'assimiler à un État totalitaire relève d'un véritable embrouillamini, d'un contresens doublé d'un anachronisme249(*).

Il y a une absence de ces critères d'éligibilité dans l'hobbisme politique pour pouvoir élever l'État-Léviathan au rang d'État totalitaire. Nullement dans toute l'oeuvre politique de Hobbes, il n'est question de la présence d'un quelconque parti unique, de la prédominance d'une idéologie, d'une étatisation de l'économie, d'une police de terreur. Notons aussi que le mot250(*) et le système totalitaire sont postérieurs à l'absolutisme hobbesien. La théorie hobbesienne de l'absolutisme fut formulée au XVIIe siècle, alors que le totalitarisme est un système politique apparu au XXe siècle, précisément au lendemain de la première guerre mondiale. Sa naissance coïncide avec l'apparition des sociétés dîtes industrielles. Ces types de sociétés paraissent comme la condition sine qua non de l'émergence des régimes totalitaires251(*).

En outre, si sur le plan de l'économie, dans les régimes totalitaires, il y a une mainmise totale de l'État sur tous les secteurs d'activités économiques, chez Thomas Hobbes, il est laissé la possibilité aux citoyens de passer les contrats commerciaux comme bon leur semble : ils peuvent acheter et vendre. En plus, l'État ne détermine pas ce qu'ils peuvent vendre ou acheter. Il ne fait que superviser les échanges commerciaux comme c'est le cas de nos jours. La présence même de ces notions, en l'occurrence, acheter et vendre dans la sphère économique au sein de l'hobbisme politique fait dire à Jean-Pierre Zarader que l'auteur du Léviathan est un partisan du libéralisme économique. Car, celles-ci révèlent qu'il n'y a pas de planification rigoureuse de l'économie par l'État-Léviathan ; ce qui est tout le contraire des États totalitaires252(*). L'État-Léviathan est donc loin d'être liberticide en la matière.

Si l'État hobbesien a compétence pour réguler le commerce, il faut dire que c'est pour combattre le système des monopoles. Il joue le rôle de superviseur en la matière à l'image des États modernes qui fixent le prix de certaines marchandises notamment celles jugées de première nécessité. L'État-Léviathan s'immisce dans la sphère économique pour éviter qu'un seul particulier ou un groupe d'individus ne s'arrogent le droit de contrôler à eux seuls tout un domaine du commerce national. Cela pourrait concourir à la ruine de l'État. Il faut que l'État empêche que tout soit amassé « abondamment entre les mains de quelques particuliers ou d'un seul, sous l'effet de monopoles, ou de la mise en ferme des revenus publics »253(*).

Enfin, pour parvenir à ses fins, à savoir avoir un contrôle total et sans partages sur la vie des citoyens, l'État totalitaire utilise dans sa gouvernance la terreur comme moyen de coercition. On pourrait être tenté de voir ici, encore, quelques similitudes entre la contrainte qu'exerce le souverain hobbesien sur ses sujets et la terreur des régimes totalitaires, mais il n'en est rien puisque ces présupposées analogies devraient s'arrêter aux simples apparences. Pour dire vrai, la contrainte du souverain hobbesien n'est nullement synonyme d'oppression du citoyen. L'État-Léviathan n'a pas pour but d'opprimer ces sujets. La contrainte, dans ce cas d'espèce, ne s'exerce que si et seulement si le citoyen décide de s'opposer aux desseins du souverain. Mais, une fois cette rébellion contenue, la contrainte cesse automatiquement. À la vérité, cette contrainte ne visait qu'une fin bien déterminée dans le temps, à savoir faire plier le citoyen récalcitrant ; amener le citoyen indocile à se soumettre. Et d'ailleurs, ce recours se fait en préservant sa vie. La finalité atteinte, la contrainte n'a plus sa raison d'être ; alors que la terreur du régime totalitaire perdure indéfiniment. Elle est quotidienne et ininterrompue. Elle peut souvent aller jusqu'aux extrêmes d'autant que la vie du citoyen peut lui être ôtée sans ménagement. Cette terreur semble ne pas avoir d'objectif précis et circonscrit. Les choses se passent comme si la terreur induite par le régime totalitaire était elle-même sa propre fin. Sous ce registre, on pourrait même penser qu'elle constitue l'essence même dudit régime. Par voie de fait, Claude Polin a raison quand il écrit qu' :

il faut se garder de confondre contrainte et terreur, car l'une n'a d'autre but que de réduire l'opposition, tandis que l'autre tend à détruire en chacun, et précisément par la terreur, sa propre dignité, c'est-à-dire à réduire l'homme en l'homme254(*).

Au regard de ces commentaires susmentionnés, nous pouvons dire avec Yves Charles Zarka : « Si le pouvoir du souverain[chez Hobbes] est absolu, cela ne signifie ni qu'il soit sans loi, ni que l'État soit totalitaire »255(*). En outre, si Thomas Hobbes n'apparaît en rien comme le chantre tout désigné d'une politique qui rime avec l'arbitraire, le despotisme ou encore le totalitarisme, peut-on néanmoins voir en sa philosophie une pensée qui pourrait servir à la consolidation des Droits de l'Homme en matière de politique sécuritaire ?

* 245Jean-Pierre Zarader, Petite histoire des idées philosophiques, suivi d'un essai : Le Statut de l'oeuvre d'art chez André Malraux, Paris, Ellipses, 1994, p. 48.

* 246 Thomas Hobbes,Le Corps politique, trad. Samuel de Sorbière, Saint-Étienne, Publication de l'Université de Saint-Étienne, 1972, p. 163.

* 247 Jean-Pierre Zarader, Op. Cit., p.48.

* 248Claude Polin, Le totalitarisme, Paris, PUF, 1982, pp. 30-31.

* 249 Jean-Pierre Zarader, Op. Cit., p. 48.

* 250 Benito Mussolini, homme politique italien, au XXe siècle, a forgé le terme pour désigner le type d'État qu'il souhaitait construire. Cf. Claude Polin, Op. cit., p. 5.

* 251 Claude Polin, Op. Cit., p. 116.

* 252Jean-Pierre Zarader, Petite histoire des idées philosophiques, suivi d'un essai : Le Statut de l'oeuvre d'art chez André Malraux, Paris, Ellipses, 1994, p. 50.

* 253 Thomas Hobbes, Léviathan, trad. François Tricaud, Paris, Sirey, 1971,pp. 353-354.

* 254 Claude Polin, Le totalitarisme, Paris, PUF, 1982, p.76.

* 255 Yves Charles Zarka,« Hobbes » in Denis Huisman, Dictionnaire des philosophes, Paris, PUF, 1984, p. 1231.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein