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Agrobusiness, sécurité foncière et alimentaire au Sourou (Burkina Faso). Cas des périmètres agricoles de Niassan, Di, Débé et Gouran.


par Ouango Blaise ZONGO
Université Joseph Ki-Zerbo (Ouagadougou) - Maîtrise de géographie 2014
  

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Introduction générale

Depuis quelques années, l'agro-business est devenu un modèle agricole en vogue, du moins dans le discours politique. Ce modèle agricole a une histoire. Il a été favorisé par la mécanisation de l'agriculture et a été accéléré la révolution scientifique. On utilise désormais des semences sélectionnées et des engrais de bonne qualité pour accroître les rendements. Peu à peu se mettent en place des entreprises agricoles de plus en plus spécialisées. On aboutira à l'agro-industrie et aux monopoles qui contrôlent les marchés de semences commercialisées et des semences génétiquement modifiées et du commerce des céréales et banane (HORMAN, 2006). Cette agriculture est productiviste et demande peu de main d'oeuvre. Le surplus des exploitants sera absorbé par l'industrie et constitue le prolétariat urbain. L'agro-business s'est exporté dans presque tous les continents. Cette avance de l'Europe dans le domaine industriel et agricole par rapport aux pays africains est bien illustrée par OUEDRAOGO (2011):

«Visiblement le contexte européen de formation de ce type d'agriculture n'est pas celui des pays africains. Ils n'ont pas connu de révolution industrielle et ne sont pas, non plus dans une position dominante dans les rapports internationaux comme ce fut le cas pour l'Europe au XIXè siècle. En outre la mondialisation et la concurrence constituent une limite au processus d'industrialisation - révolution agricole pour des raisons de compétitivité. En effet, le retard d'industrialisation des pays africains semble être une limite à une révolution agricole endogène ; la minimisation des coûts de production impose d'importer nécessairement certains capitaux fixes, notamment les machines...» (p 25).

Il ressort que les pays africains n'ont pas pratiqué l'agro-business selon l'orthodoxie de ce modèle agricole. Cela fera que l'agro-business pratiqué en Afrique ne sera que l'ombre portée et projetée de celui pratiqué en Europe. Le déséquilibre des forces, la division internationale du travail, la colonisation, les programmes d'ajustement structurel (PAS) seront utilisés comme moyens de pression pour imposer ce modèle à l'Afrique. Les politiques agricoles volontaristes et productivistes pour l'autosuffisance alimentaire seront donc abandonnées pour la sécurité alimentaire. En Afrique l'agro-business va se distinguer de l'agriculture paysanne par de vastes superficies sur lesquelles il est pratiqué. Cette décision a été prise au Forum Mondial de l'Agro-industrie tenu au Nigéria en 2010 à travers l'Initiative de Développement de l'Agro-business et de l'Agro-industrie en Afrique (ID3A). L'achat de vastes terres par les entreprises d'agro-business (les unes plus puissantes que les autres au regard de leur pouvoir économique) s'en suivra. Elles viennent de l'Asie, du Moyen Orient et l'Europe. Ainsi, la Chine dispose de 10 000 ha de terre au Cameroun, 40 046 ha en Ouganda et 300 ha en Tanzanie. La Corée du Sud se taille

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690 000 ha de terre au Soudan, 1 300 000 ha à Madagascar. L'Arabie Saoudite, grand pays producteur de pétrole a 10 117 ha de terre au Soudan, 100 000 ha au Sénégal, 1 500 ha en Algérie. Le Japon, quant à lui, exploite 1 600 ha des terres égyptiennes. Il y a aussi certains Etats africains qui pratiquent l'agro-business sur le continent. Il s'agit du Nigéria avec 40 000 ha de terres au Sénégal ; la Libye exploitait 100 000 ha de terre au Mali et 30 ha au Bénin (SOS FAIM, 2009). Malgré ces grandes superficies mises à la disposition de ces entreprises et firmes multinationales, la situation alimentaire de ces pays ne s'est guère améliorée car la plupart des entreprises étrangères ne produisent pas des cultures vivrières mais plutôt de la canne à sucre, du jatropha pour la fabrication de biocarburant. Les compagnies chinoises avec 100 000 ha au Mali à l'office du Niger et les compagnies pétrolières françaises Total sont des exemples en la matière.

Le Burkina Faso aussi, avec l'adoption des Programmes d'Ajustement Structurel (PAS), sera désormais sur la liste des pays où sera pratiqué l'agro- business. Surtout qu'il dispose d'environ 9 millions ha de terres cultivables dont seulement 160 000 ha irrigables soit 2% des terres cultivables. Les prêts contractés par le pays seront payés aux prix de cette concession. Il en est de même pour les 200 milliards de FCFA déjà contractés auprès de la Banque Mondiale et du Fond Monétaire International (Institutions de Brettons Wood) pour l'aménagement de 17 750 ha. Dans cette somme, 20,3 milliards de FCFA ont servi à l'aménagement de la vallée de la Volta. Le barrage de Bagré et ses aménagements annexes ont coûté 45 milliards de FCFA (KANAZOE, 1999). Le Burkina Faso est alors soumis aux injonctions de ces institutions. L'ouverture au privé du secteur agricole et la commercialisation des produits agricoles seront alors décidées par la Banque Mondiale et le Fond Monétaire International à travers le programme d'ajustement sectoriel agricole (PASA). BETHELEMONT, FAGGI et ZOUNGRANA (2003) précisent :

«L'actuelle orientation des politiques agricoles du Burkina Faso est donc tournée vers le marché. En effet, un des principaux motifs utilisés pour expliquer l'atonie du secteur agricole est l'absence d'un marché efficient capable de stimuler la production. Selon les objectifs ministériels, toute la production agricole sera dorénavant fondée sur les opportunités offertes par le marché donc la demande nationale et internationale. Accéder au marché devient dès lors une étape fondamentale dans le processus de modernisation du secteur agricole. Si dès les années 60 le paysannat a été fondamental dans toutes les initiatives agricoles et s'il a longtemps constitué l'instrument stratégique de l'emploi et de la gestion politique des sociétés rurales, les années 1990 définissent l'aptitude nouvelle par rapport au territoire rural, son économie et sa société entreprise agricole (agro-business), libre marché, privatisation sont devenus les piliers déclarés du système économique du Burkina Faso.» (p 69).

En adoptant le PASA, le Burkina Faso a opté de prioriser l'agriculture commerciale. Sa politique agricole va se calquer sur cette logique. Le plus grand choix sera donné aux privés et aux marchés. Les agro-businessmen, principaux acteurs de ce nouveau modèle agricole, sont ceux

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sur qui l'Etat compte pour exploiter les vastes terres fertiles. Le Ministère l'Agriculture en 1999 précise:

«Des espaces fertiles s'étendent à perte de vue à Bagré. Malheureusement, ils restent sous exploités par les paysans qui y vivent. Ce serait un gâchis si cela devait durer il faudra tôt ou tard rembourser. Il faudra rentabiliser l'aménagement agricole de Bagré et des autres zones comme le Sourou, en faisant appel à des opérateurs privés » (M.A. 1999 : p8).

Ainsi, c'est aux agro-businessmen ou opérateurs privés que revient désormais la rentabilisation des aménagements agricoles. Si ce modèle agricole a commencé par les périmètres aménagés, il ne s'y est pas confiné. Les périmètres non aménagés du Ziro et du Houet sont aussi concernés avec respectivement 9 540 ha et 6 978 ha (GRAF, 2010).

Au Sourou, l'agro-business a d'abord été expérimenté en 1999 après son lancement à Bagré la même année. Les premiers agro-businessmen ont exploité entre 10 à 30 ha de 1999 à 2004. Mais, tous ont échoué avec des pertes financières allant de 4 800 000 FCFA à 54 000 000 FCFA (GRAF, 2008). Ce n'est véritablement qu'en 2005 que l'Autorité de Mise en Valeur du Sourou (AMVS) installera 17 agro-businessmen avec un cahier des charges et un protocole d'accord scellant le lien.

Un tel passage a sans doute un impact sur la sécurité alimentaire des populations des zones concernées. La terre étant le principal facteur de production, elle devient par conséquent le fond de la problématique de la production agricole locale.

Ce type d'agriculture est au centre des débats politiques et scientifiques car ses implications sur les questions alimentaires et foncières sont multiples, complexes, et déterminent parfois l'avenir de certains pays. Doit-il servir à produire pour vendre ou s'alimenter ? Pourquoi pas les deux à la fois ? De telles questions ne sont pertinentes que si elles s'insèrent dans un thème d'étude. Le notre en est un. Il est intitulé : « Agro-business, sécurité foncière et alimentaire au Sourou : cas des périmètres agricoles de Niassan, Di, Débé et Gouran». L'objectif visé à travers ce thème est de contribuer à analyser les relations entre les pratiques d'agro-business et les perspectives de sécurisation foncière et alimentaire au Sourou. Pour traiter ce thème, deux types de données nous ont été utiles: les revues documentaires et les enquêtes de terrain. Le présent mémoire comprend deux parties subdivisées en deux chapitres chacune. La première partie traite de la présentation de la zone d'étude. Dans la seconde partie, nous abordons la question de l'agro-business, la sécurité foncière et alimentaire puis une conclusion incluant des perspectives.

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I. L'approche théorique et méthodologique de l'étude

Notre étude a été menée en prenant en compte deux approches: l'approche théorique et conceptuelle et la méthodologie de recherche utilisée. Elles se complètent mutuellement. Leur présentation détaillée permet de mieux comprendre leur importance dans cette étude.

1.1. Le cadre théorique et conceptuel

Il précède l'enquête de terrain. Il annonce notre problématique, la revue de littérature, les objectifs de notre étude, les hypothèses de travail et la définition des concepts.

1.1.1. La problématique

Avec une population rurale à plus de 80%, le Burkina Faso demeure un pays essentiellement agricole. Le potentiel agricole du Burkina Faso est jugé capable de nourrir une population estimée à 16 248 558 habitants en 2011(Estimation/ INSD, 2007). Parmi les 9 millions d'hectares de terres fertiles, les 500 000 hectares de terres irrigables seulement 32 258 hectares sont aménagés (AMVS, 2010.b.). Le potentiel hydrique est aussi important et est estimé à 41 milliards de mètres cubes d'eau dont moins du tiers est utilisé pour les besoins agricoles et autres prélèvements animaux (SNAT, 2008).

Malgré les ressources et potentialités hydro-agricoles disponibles, l'agriculture du pays peine à satisfaire les besoins alimentaires des populations. Les crises alimentaires, notamment celles engendrées par les sécheresses de 1970-1974 et de 1983-1984, témoignent de la fragilité et de l'inadaptation du système agricole : faible maîtrise d'eau, faible mécanisation, recours très limité aux nouvelles technologies agricoles (semences améliorées, fertilisation organique et chimique, irrigation, etc.). Ces problèmes se sont accentués avec l'adoption du libéralisme comme mode de gestion politique qui a intégré tous les secteurs d'activité dont l'agriculture dans le commerce international. Les Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) dont son volet agricole PASA marque ce secteur de son sceau. Une des conséquences du désengagement de l'Etat du secteur agricole se traduira par la chûte des subventions jadis accordées au secteur agricole ; elles passeront de 32 à 13 %, de 1990 à 2006 Pourtant l'agriculture contribue à près de 40% au Produit Intérieur Brut (PIB) (DGPSA/MAHRH, 2008). A ce problème, s'ajoute la fluctuation des prix (dépréciation) des produits agricoles sur les marchés et par les crises économiques qui s'accompagnent parfois de déficits céréaliers. Entre 1990 et 1991, ce déficit était estimé à 127 000 tonnes ; 15 800 tonnes en 1997 et 1998 ; 442 000 tonnes entre 2000 et 2001 et 208587 tonnes entre 2007 à 2008 (DGPSA/MAHRH, 2008). Ces déficits conduiront aux importations de produits alimentaires. De 1990 à 2006, les importations avaient un taux compris entre 13,35 et 23,34%. Pour le riz, par exemple, les importations sont de 200 000 tonnes/an et coûteraient 20

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milliards de FCFA (SNAT, ibid.). Selon les projections en 2015, elles atteindraient 300 000 tonnes pour un montant de plus 70 milliards de FCFA (SORY, 2006).

La vallée du Sourou regorge aussi d'énormes potentialités agricoles et, de ce fait, est depuis la période coloniale une zone d'intérêt agronomique. L'administration coloniale y avait déjà identifié, en 1925, 30 000 hectares aménageables pour une production agricole considérable. Mais, ce n'est que 12,7% de cette superficie qui seront aménagés soit 3818 hectares par l'Autorité de Mise en Valeur de la vallée du Sourou (AMVS) contre une prévision d'aménagement de 27%, équivalant à 11 500 ha (AMVS, 2010). Actuellement, selon l'AMVS, le taux de détérioration de ces aménagements est estimé à 20%. Pourtant, le coût des aménagements se chiffre en milliards de francs CFA ; entre 1972 et 1984, l'hectare aménagé revenait à 4 millions de FCFA contre 7 à 9 millions en l'an 2000. Les aménagements du Sourou sont estimés à environ 30 milliards toujours selon le GRAF (2008). Ces réalisations ont été possibles grâce aux fonds de l'endettement extérieur (aide publique au développement, prêts, etc.). Aussi, le Sourou avait pour vocation d'être un centre de modernité agricole dans un environnement agricole national marqué par la prédominance de pratiques agricoles arriérées (usage répandu de la daba, par exemple). Mais comment atteindre ces objectifs assez ambitieux au regard du contexte national? Ce fut d'abord les coopératives comme formes d'organisation de l'exploitation agricole, sous la direction de l'Etat, qui sont mises en place pour la réalisation des objectifs agricoles. Mais, en dépit de certains efforts consentis, sur les sommes importantes d'argent et de moyens matériels déployés, le Sourou n'arrive toujours pas à remplir sa mission de grenier du Burkina Faso. Depuis l'avènement du néolibéralisme qui a consacré les PASA en 1990, d'autres acteurs sont considérés comme ceux détenant les clefs de la réussite agricole au Burkina Faso face à l'immobilisme qui caractériserait le secteur agricole : les agro- businessmen (OUEDRAOGO, 2011). Face à la crise des coopératives, ils sont ceux sur qui, la « nouvelle politique agricole » de l'Etat a placé l'avenir de l'agriculture burkinabé en matière de réalisation de la sécurité alimentaire et de compétitivité sur le marché « libre ».

Selon le Plan d'Action (2010 - 2015) élaboré en 2006 par l'AMVS pour le développement durable de la vallée du Sourou, 250 entrepreneurs agricoles devraient être installés en fin 2015 et vont exploiter 2 500 hectares soit 65,5% de la superficie actuelle. Il s'en suit donc que les enjeux de l'agriculture sont multiples et soulèvent de nombreux questionnements : Qu'est-ce que l'agro-business dans l'environnement agricole du Sourou ? Comment se manifeste-t-il ? Qui en sont les acteurs? A-t'il un impact sur la sécurité foncière? Est-il une perspective d'atteinte de la sécurité alimentaire?

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