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Inventaire de quelques vestiges coloniaux matériels dans la ville de Dschang(1907-1957)


par Yannick Guerin Diffouo
Universite de Dschang - Master 2014
  

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CONCLUSION GENERALE

Après la prise de possession du Kamerunstadt (l'actuelle ville de Douala) à la faveur du traité germano-douala du 12 juillet 1884 et l'appropriation par la force de l'arrière pays quelques années plus tard, les allemands s'installent à Dschang vers 1903, date probable de naissance de cette ville aujourd'hui universitaire au passé colonial riche.

Pour matérialiser leur présence dans cette ville, pour des besoins de sécurité, d'administration et d'exploitation des richesses, Allemands d'abord et Français vont y édifier à l'aide d'une main d'oeuvre locale, forcée et gratuite, de nombreuses infrastructures.

La mise en valeur ou le pillage des ressources du sol et du sous sol avait fortement besoin des grandes constructions comme les infrastructures administratives, routières et ferroviaires.

Quant au financement, il venait directement de la métropole et était géré par les représentants de la mère patrie à des échelons divers. Pour le cas allemand par exemple, c'est le gouverneur du territoire qui tranchait les questions budgétaires après avoir consulté la métropole et ordonnait aux Chefs de circonscription la répartition. Entre les deux guerres mondiales, les Français n'ont presque pas investi à cause des idées pro-allemandes qu'ils combattaient chez les Camerounais. C'est à partir de la fin de la Deuxième Guerre Mondiale qu'ils commencent à investir véritablement dans les colonies en espérant avoir de bons rendements. Ce financement s'est fait à travers le FIDES pendant une période de dix ans (19471957).

L'Allemagne étant la première puissance européenne à s'installer au Cameroun, ses citoyens ont construit leurs premiers bâtiments en s'inspirant des techniques autochtones et en utilisant le matériau trouvé sur place. Le tout premier bâtiment de la mission centrale de Dschang, construit par les pères pallotins, en est une illustration parfaite car il a été construit en bois et en paille. Jusqu' à l'arrivée des

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Français à Dschang en 1920, la technique avait beaucoup évolué et a d'ailleurs continué jusqu'au béton armé (ce que l'on utilise aujourd'hui).

La majorité des infrastructures coloniales est encore visible dans la ville de Dschang. On peut les recenser dans plusieurs domaines à savoir le domaine politico-administratif, le domaine socio-économique et le domaine culturel et religieux. Néanmoins, une partie connait de sérieux problèmes de conservation.

Plusieurs facteurs influencent la destruction des vestiges coloniaux dans la ville de Dschang. Nous en avons retenu trois, le premier est lié aux facteurs climatiques qui à travers les différents éléments météorologiques (pluie, humidité, vent et alternance chaleur/humidité...), frappent ces vestiges depuis au moins soixante cinq ans. Ensuite nous avons l'inaction de l'homme qui se manifeste par la négligence et l'abandon des vestiges en question. Cette action négligente de l'homme participe à la destruction des vestiges et donc au risque d'effacement de l'histoire de toute la région parce que Dschang, depuis sa création a toujours été au centre de l'administration coloniale. Enfin le dernier facteur est l'inexistence d'une politique culturelle et l'inapplicabilité des lois existantes sur le patrimoine culturel national. Il est clair que le Cameroun en matière de politique culturelle ne sait pas où il va et c'est pour cette raison que plusieurs lois ont déjà été adoptées par l'Assemblée Nationale et promulguées par le Président de la République du Cameroun, mais n'ont jamais été appliquées. La conséquence directe de tous ces facteurs est la négligence1 voire l'abandon des vestiges coloniaux qui pourtant font aussi partie du patrimoine culturel du Cameroun.

Cette situation entraine ipso facto la destruction progressive des vestiges coloniaux au Cameroun en général et à Dschang en particulier. Nous avons recensé en ce qui concerne l'état de ces vestiges trois types, à savoir ; les vestiges coloniaux transformés, les vestiges coloniaux assombris et les vestiges coloniaux réhabilités. Pour les premiers, ce sont ceux qui ne sont plus repérables sur la carte de la ville de Dschang parce qu'ils ont été détruits et dont les sites abritent actuellement de

1 Entretien avec Etienne Sonkin le 17 mars 2014 à son bureau

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nouveaux bâtiments.. Les seconds sont ceux dont les sites n'ont pas changé, fonctionnels ou pas, mais qui sont dans un état de délabrement très avancé. Et enfin ceux qui ont régulièrement été réhabilités et entretenus. Ils ont gardé leurs objectifs de départ.

Il devient aisé de percevoir que c'est peut être la mauvaise récupération de ces "projets coloniaux" par les dirigeants de la nation après les indépendances qui justifierait ne serait-ce qu'en partie le retard de développement1 de ce pays. Car, comment comprendre que le paludisme, pour ne prendre que cet exemple, fait encore aujourd'hui des ravages dans notre pays alors qu'il existait pendant la colonisation toute une entreprise faisant dans la production du quinquina et de sa transformation en quinine, remède efficace contre cette maladie.

Ces vestiges coloniaux sont en train de disparaitre, pourtant ils constituent une source indéniable de la mémoire collective. Ce sont des monuments historiques, des constructions destinées à perpétuer le souvenir des hommes et des événements qui ont marqué l'histoire d'un pays, ou même des oeuvres modestes qui ont acquis avec le temps, la valeur d'un témoignage historique.2 Ces vestiges, s'ils étaient conservés, pouvaient par exemple jouer un rôle très important dans la résolution des conflits de génération parce que ce sont des preuves réelles, donc palpables des faits historiques réel et qui peuvent être datés dans le temps. En plus, s'ils étaient entretenus, ils participeraient à la lutte contre l'un des plus grands fléaux qui sévit dans les pays du tiers monde à savoir le chômage. Des emplois peuvent en effet être créés à la faveur d'une politique institutionnelle de réhabilitation et d'entretien des vestiges coloniaux, aussi minimes soient ils.

En terme de perspective, notons que le travail de mise en valeur des vestiges coloniaux dans la ville de Dschang doit être fait avec beaucoup de minutie et ce n'est pas l'affaire d'une seule personne, ou de la Mairie tout simplement, ou encore des dirigeants de l'Etat ou enfin, de la communauté internationale à travers L'UNESCO.

1 Entretien avec Jean Claude Tchouankap, le 14 mai 2014 à son domicile.

2 Esther Bernadette S. Nkengmo, « Musées et Monuments historiques... p56.

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C'est une affaire de tous, et en tant que telle une mobilisation générale soutenue par une bonne politique culturelle en République du Cameroun est impérative1. Car, c'est chaque Etat qui définit sa politique culturelle en fonction de ses besoins et de ses objectifs présents et futurs comme l'affirme si bien Bahoken J.C. et Engelbert Atangana :

les politiques culturelles sont aussi diverses que les cultures elles-mêmes, il appartient à chaque état membre [de l'UNESCO] de déterminer et d'appliquer la sienne, compte tenu de sa conception de la culture, de son système socio-économique, de son idéologie politique et de son développement technologique2.

Puisque les contacts entretenus de gré ou de force avec les populations européennes installées au Cameroun depuis le XVIIIe siècle ont emmené les peuples camerounais à introduire de nouvelles normes dans leur univers social, politique et psychique, il devient normal qu'il y ait une sorte de symbiose culturelle3 dans les pays ou la volonté de retrouver une certaine authenticité culturelle amène les individus et les groupes à remodeler les éléments culturels étrangers pour construire des modèles originaux.

En outre, il faudrait que l'Etat du Cameroun crée un bureau autonome ou une direction autonome du patrimoine qui « ne soufre pas en permanence de l'absence de concepts appropriés, d'équipements techniques et de moyens financiers, toutes conditions d'un fonctionnement efficace4 » qui sera chargée de la conservation du patrimoine et qui ne dépendra pas matériellement du Ministère des arts et de la culture. Car en dehors du centre fédéral linguistique et culturel crée par décret n° 62/DF/108 du 31 mars 1962 jusqu'à la direction du patrimoine culturel actuelle, qui fait partie de l'administration centrale du Ministère des Arts et de la Culture, en passant par la Direction des Affaires culturelles du Ministère de l'éducation, de la jeunesse et de la culture crée par décret n°68/DF/268 du 12 juillet 1968 et du

1 Entretien avec Feromeo Nguimebou Keumbou, le 05 juin 2014 dans son atelier à la Chefferie Foreké-Dschang

2 J.C. Bahoken et Engelbert Atangana, La politique culturelle en République Unie du Cameroun, Paris, UNESCO, 1975, p.5.

3 Ibid. p.17.

4 Kevin Mbayu, « La conservation de l'héritage historique...p.135

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Ministère de l'Information et de la Culture, il n'y a pas de structures publiques autonomes chargées de la gestion du patrimoine culturel. Cette structure qui doit être le lieu de rencontre des chercheurs venant de disciplines différentes comme le démontre Kevin Mbayu :

il faudrait que tous les organismes et les personnes qui participent à la recherche concernant la conservation du patrimoine pratiquent au maximum une approche interdisciplinaire systématique . . .qui assure l'intégration des informations fournies par les différentes sciences de la nature, la sociologie et l'architecture des paysages1.

Le rôle de cette structure consistera à sensibiliser, conserver et protéger, restaurer ou réhabiliter et enfin entretenir le patrimoine culturel.

Il est question ici de sensibiliser tous les citoyens du Cameroun et même les étrangers sur la nécessité de protéger cette fortune que sont tous ces vestiges. Cette action peut se faire à travers plusieurs moyens à l'instar des affiches, des tracts, les informations de bouche à oreille, des panneaux signalétiques et surtout à travers les réseaux sociaux et les sites appropriés des technologies de l'information et de la communication2 où se connectent un grand nombre de personnes.

Cette tâche revient en principe aux spécialistes qui sont les Restaurateurs, les Muséologues, les Historiens, les urbanistes etc. La réhabilitation des usines à café et du quinquina par exemple fera d'elles des musées respectivement du café et du quinquina dans la ville de Dschang avec, à l'entrée de chaque site, une plaque signalant l'entrée du musée avec un aperçu sur l'historique de chaque plante.

Pour ce qui est des lois, Il est vrai que depuis les indépendances certaines ont déjà été adoptées en faveur de la protection du patrimoine à l'instar de la loi n°63/22 du 19 juin 1963 portant sur la protection des monuments, des objets et des sites à caractère historique ou artistique ou encore la plus récente, la loi n°2013/003 du 18 avril 2013 régissant le Patrimoine Culturel au Cameroun, mais ces lois restent encore sécrètes3 car elles ne sont jamais sorties des tiroirs, il y a très peu de Camerounais qui

1 Kevin Mbayu, « La conservation de l'héritage historique. . .p136.

2 Pierre de Maret, « Patrimoines africains : plaidoyer ...p.24

3 Esther Bernadette S. Nkengmo, « Musées et Monuments ... p56.

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sont au courant même de leur existence. Il est question donc ici de la vulgarisation et de la véritable mise en application de celles-ci.

Il est certain que cela exigera beaucoup de moyens financiers et matériels ; mais c'est le prix à payer pour pouvoir sauver notre histoire. Nous ne voulons pas une conservation désordonnée du patrimoine, mais celle qui va dans le sens proposé par Bruno Favel dans la préface de l'ouvrage intitulé Architectures modernes, l'émergence d'un patrimoine, quand il dit :

Conserver l'architecture du XXe siècle constitue un défi important tant pour les institutions publiques que pour les architectes chargés de projets de restauration et de réhabilitation. C'est une pratique exigeante qui implique de travailler avec des édifices qui ont atteint un statut de mémoire collective et dont l'héritage est précieux1.

Si la sensibilisation et la restauration sont bien faites, il ne reste plus que l'entretien régulier de ces vestiges coloniaux pour qu'ils soient en forme tout le temps. Les touristes nationaux et internationaux pourront enfin passer apprécier les constructions coloniales dans la ville de Dschang après un demi-siècle d'indépendance. Il faut surtout éviter comme l'affirme Pierre de Maret de « prétendre valoriser le patrimoine d'une population sans tenir compte d'elle, c'est un non-sens, c'est un danger dans la mesure où l'on risque de créer un rejet vis-à-vis de ce patrimoine2 ». Il faut que les gens se reconnaissent dans ce qu'on présente comme leur patrimoine. Celui-ci en tant que possession collective d'un groupe, transmis depuis un passé proche ou lointain, est une base de la construction identitaire.

Avant ou après la restauration des vestiges coloniaux et sur la base de la carte que nous avons élaborée au Chapitre 3, il est possible que les touristes puissent les visiter à condition qu'un certain nombre de problèmes soient résolus. Nous pouvons citer, entre autres, le problème d'intimité des citoyens camerounais vivant dans ces bâtiments, le caractère fonctionnel de certaines infrastructures et l'appartenance divergente de ces constructions aux différents ministères de la République du Cameroun.

1 Casciato De Maristella, et Emilie D'orgeix, Architecture moderne... p.7.

2 Pierre de Maret, « Patrimoines africains : plaidoyer pour...p.25

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Les citoyens camerounais vivant au camp des fonctionnaires new town de Foto n'accepteraient pas qu'à chaque fois, les touristes viennent leur poser des questions sur leurs bâtiments ou viennent faire des études en entrant à l'intérieur de leurs maisons. Ils sentiraient leur intimité violée. En plus l'actuelle sous-préfecture de Dschang, étant un lieu de service public, ne saurait faire partie des lieux touristiques. Les bâtiments relevant de la haute sécurité de l'Etat du Cameroun et qui font partie des vestiges coloniaux ne sauraient faire partie d'une partie de plaisir, nous pouvons citer ici, la gendarmerie nationale, les commissariats central et spécial...

En outre, le caractère fonctionnel de certaines infrastructures comme la régie de production d'électricité à Dschang ne sauraient permettre qu'elles deviennent des lieux touristiques parce qu'elle joue encore un rôle assez important dans la distribution de l'énergie électrique à Dschang1. En effet, avec le système turboalternateur, la régie sert de base de transformation pour l'énergie électrique venant de Mbouda. Et pour la sécurité même des touristes, on ne peut accepter qu'ils se promènent aux environs de ce lieu où le risque d'être électrocuté ou d'être foudroyé par des rayons émis par ce système est trop grand. Au sujet de la réhabilitation de la régie, Etienne Sonkin nous fait savoir qu'elle ne peut pas bien fonctionner, car la turbine qui transformait l'énergie cinétique en énergie électrique avait été enlevée. En plus, le débit d'eau venant du lac Municipal de Dschang est extrêmement faible et ne peut donc pas produire l'énergie permettant d'alimenter le seul quartier dans lequel l'installation se trouve2.

Enfin, le fait que les vestiges relèvent, en termes de fonctionnalité, de la compétence des différents Ministères pose un problème d'harmonisation et surtout du processus de réhabilitation de ces vestiges3. A titre illustratif, le camp des fonctionnaires, la sous-préfecture, bref, tous les bâtiments publics dépendent du Ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat, la régie de production d'électricité dépend

1 Entretien avec Etienne Sonkin le 17 mars 2014 à son bureau

2 Idem

3 Idem

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du Ministère de l'énergie et de l'eau, le Centre Climatique dépend du Ministère du tourisme. Il faut que chaque Ministère donne le quitus pour que la procédure de restauration soit engagée et ceci ne peut être possible que s'il y a véritablement une volonté politique, une véritable politique de gouvernance en matière de promotion du tourisme.

Comme nous pouvons le constater, ces problèmes dépendent de la plus haute autorité politique du pays et nous proposons, après l'inventaire des vestiges coloniaux que nous venons de faire, qu'une certaine distance soit observée entre les touristes et les objets touristiques. On peut se contenter pour un début,1 de faire des analyses, à partir de l'extérieur, sur les formes de ces bâtiments encore fonctionnels de nos jours. Pour les autres bâtiments non fonctionnels, les études vont être plus approfondies puisqu'on peut avoir la possibilité d'y entrer, comme l'usine de traitement du quinquina par exemple. Enfin, le Cameroun a intérêt à copier l'exemple des pays européens où le culturel et la protection du patrimoine sont très développés et contrôlés comme en Allemagne où il existe plusieurs services spécialisés et la protection du patrimoine constitue même une discipline étudiée dans les universités2. Ceci dans le but de constituer une conscience collective efficace en faveur de la conservation et la valorisation de ce patrimoine.

1 L'administration camerounaise semble ne pas être prête pour le moment vu les coûts matériels et humains énormes que demande la réhabilitation de ces vestiges

2 Yves Aurélien Kana Donfack, "Evolution de l'habitat traditionnel... p.170.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote