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Inventaire de quelques vestiges coloniaux matériels dans la ville de Dschang(1907-1957)


par Yannick Guerin Diffouo
Universite de Dschang - Master 2014
  

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III. CADRE CONCEPTUEL

Pour une meilleure compréhension et une maîtrise profonde de notre sujet, la définition des termes clés s'impose. Ainsi, les mots à définir sont : Inventaire, vestiges coloniaux et ville de Dschang.

Selon le Dicos Encarta 2009, Inventorier signifie établir une liste descriptive

complète d'un ensemble de choses2. La loi n° 2013/003 du 18 avril 2013 régissant le patrimoine culturel au Cameroun définit l'inventaire comme une opération permanente de souveraineté qui recense, étudie et fait connaitre les éléments de patrimoine culturel.

« Vestige » vient du mot latin "vestigium3"qui signifie trace, reste, ruine, débris. C'est ce qui reste d'une chose détruite. Notons que c'est l'archéologie qui comprend et explique mieux la notion de vestiges. Pour elle, c'est toute trace

1 Gregoire Djarmaila, « Tourisme : pourquoi le nord se vend mal », in Cameroun tribune, n°9020 du Mardi 22 janvier 2008, p.9.

2 Microsoft Encarta 2009

3 Dictionnaire Larousse, Paris, Larousse, 2010, P.2085.

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matérielle qui après datation, peut renseigner sur les périodes les plus reculées de l'Histoire. Eugene D. Eloundou quant-à lui estime que :

le vestige lorsqu'il existe est par excellence le moyen à travers lequel les oeuvres entreprises par les hommes ne peuvent jamais s'effacer avec le temps, il est par excellence la trace la plus durable des civilisations humaines [...] le vestige joue donc un important rôle de mémoire et permet par la même occasion la pérennisation du souvenir douloureux ou heureux1.

Il parait contradictoire de parler de vestiges en faisant référence à quelque chose de fonctionnel. Nous allons adopter l'expression "vestiges coloniaux" dans notre travail pour désigner l'ensemble des édifices coloniaux (infrastructures fonctionnelles ou non) existants dans la ville de Dschang parce qu'au moins, ils ont défié le temps.

« Colonie» vient du latin "colonia2" qui veut dire Territoire occupé et administré par une puissance étrangère et dont il dépend sur le plan politique, économique et culturel. Notons ici que, d'un point de vue théorique ou officiel, le Cameroun n'a jamais été une "colonie", il a été respectivement protectorat allemand, territoire sous mandat de la Société des Nations et administré conjointement par la France et la Grande Bretagne et territoire sous-tutelle de l'Organisation des Nations Unies et administré à nouveau conjointement par les deux puissances ci-dessus nommées3. Mais sur le terrain, la gestion du Cameroun n'était pas différente de celle d'une colonie comme le Gabon ou le Tchad.

Nous entendons donc par « Inventaire des vestiges coloniaux », le recensement puis la description de toute trace, de tout élément qui marque ou qui rappelle la présence des administrateurs coloniaux et des colons. Comme exemple, nous pouvons citer les stations d'expérimentation agricole de Dschang, l'église Sacré-Coeur de Dschang, l'Hôpital de Dschang...

1 Eugene Désiré Eloundou, « Vestiges historiques et préservation...p. 77.

2 Dictionnaire Larousse... p. 266.

3 Pour plus d'information, lire Emmanuel Tchumtchoua, De la Jeucafra à l'Upc, l'éclosion du nationalisme camerounais, Clé, Yaoundé, 2006 ; Dieudonné Oyono, Colonie ou mandat international ? La politique française au Cameroun de 1916 à 1946, Paris, L'Harmattan, 1992.

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Quant à la notion de "ville", notons que sa définition et ses caractéristiques ne font pas l'unanimité entre les chercheurs et même les autorités politiques. Economistes, sociologues, historiens, géographes, architectes, urbanistes s'en donnent des définitions adaptées aux débats qui alimentent leur discipline. Ces définitions sont donc adaptées aux configurations de pensées des chercheurs, mais également aux contextes historiques et géographiques auxquels elles se confèrent1. Jacques Le Goff montre par exemple que, là où il y a expression matérielle du pouvoir politique et économique, ce n'est plus un simple village, ni un bourg rural, c'est un lieu de décision2. Pour Catherine Coquery-Vidrovitch,

L'idée de ville risque en permanence en histoire d'être restrictive, c'est à dire plus eurocentrée qu'il n'y parait [...] les historiens de la ville, voire les historiens tout court, continuent de faire comme si l'histoire urbaine africaine débutait avec l'intrusion européenne tardive de l'impérialisme colonial...contrairement aux idées reçues, l'idée de ville est ancienne et enracinée en Afrique3.

Cependant, la colonisation a donné une nouvelle impulsion aux villes existantes en Afrique et a transformé certains villages en ville. Le processus de développement des villes en Afrique, comme l'affirme Jacques Champaud, avait pour principal facteur, la création de postes administratifs4. La ville de Dschang est alors une pertinente illustration de ce processus de développement urbain. De façon plus simple, nous retenons cette définition tirée de wikipedia qui estime que la ville est un milieu physique où se concentre une forte population humaine, et dont l'espace est aménagé pour faciliter et concentrer ses activités : habitat, commerce, industrie, éducation, politique, culture, etc.5.

1 Anne Ouallet, « Les villes africaines et leurs patrimoines », in Les villes africaines et leurs patrimoines, Paris, Riveneuve, octobre 2011, pp.19-20.

2 Jacques Le Goff, « Introduction », in la ville médiévale. Des carolingiens à la renaissance, Paris, le Seuil, 1980, p.10.

3 Catherine Coquery-vidrovitch, « De la ville en Afrique Noire », in Annales histoire, sciences sociales, 2006/5, 61e année, pp.1088-1089.

4 Jacques Champaud, « Genèse et typologie des villes du Cameroun de l'Ouest », in Cahiers de l'ORSTOM, Série sciences humaines, Vol IX, n°3, 1972, p.325.

5Anonyme, « Définition de la ville », in www.wikipedia.org consulté le 14 janvier 2014

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Le mot Dschang est une appellation allemande du mot Atsang1 qui, en langue yemba, signifie palabre (dispute, querelle). En effet, les Allemands arrivent dans cette zone au moment où les Chefferies Foto et Foréké-Dschang se disputent le territoire dont elles partageaient la frontière. Ils s'essaient à arbitrer le conflit et profitent pour installer le poste administratif en ce lieu de conflit ; ce qu'on avait appelé le Fort allemand. C'est probablement là le point de départ du périmètre urbain de la ville de Dschang qui alla en s'agrandissant jusqu'à nos jours. Pour Feromeo Nguimebou Keumbou, le mot "Atsang" désigne la Chefferie Foréké-Dschang avant l'arrivée des Européens. L'administration coloniale allemande avait tout simplement récupéré ce nom pour désormais nommer la circonscription administrative à lui confiée par les Chefs Foto et Foréké, sans doute à cause des relations très amicales qu'il entretenait avec le Chef Ndong-Mbou des Foréké-Dschang2.

Dschang est donc une ville créée par les Allemands autour de 1907 comme Chef-lieu du Bezirk de Dschang3. Elle jouera la même fonction pendant l'administration française jusqu'en 1963, date du transfert du Chef-lieu de la région Bamiléké de Dschang vers Bafoussam. M Enoch Kwayeb, à cette époque Préfet du Département de Bamiléké (27 Juin 1960 au 23 août 19634), à travers cet extrait, y voit plutôt des besoins de gestion administrative plus efficace et plus sûre:

La finalité [de la réorganisation administrative] était de mettre fin à la sous-administration [...] à l'ouest, le Chef-lieu avait été d'abord Dschang, puis finalement Bafoussam tout simplement en raison de sa position centrale qui justifie encore qu'on ait par la suite décidé le rattachement à l'ouest de l'ancien Département du Noun, Dschang étant de toute évidence trop excentrique de part sa situation5.

1 Jean Marie Tchinda, « Grandeur, Décadence et Renaissance d'une ville camerounaise : Dschang (1903-2007) », Université de Dschang, Mémoire de Master en Histoire, 2008/2009, p.20.

2 Entretien avec Feromeo Nguimebou Keumbou, le 05 juin 2014 dans son atelier à la Chefferie Foréké-Dschang

3 Zacharie Saha, « Le Bezirk de Dschang : relations entre l'administration coloniale

allemande et les autorités traditionnelles (1907-1914) », Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé, avril 1993, p.45.

4 Mesmin Kanguelieu Tchouake, La rébellion armée à l'Ouest-Cameroun (1955-1971), contribution à l'étude du nationalisme camerounais, Yaoundé, Edition Saint Siro, 2003, p.44.

5 Anonyme, « La stricte vérité sur le transfert de la capitale régionale de Dschang à Bafoussam », in Dschang News, journal d'informations générales de la commune urbaine de Dschang, n°001, Septembre 1996, p.6.

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Nous sommes d'avis avec Jean Claude Tchouankap1 qui voit en ce transfert une conséquence de l'engagement assez poussé des populations de la Menoua dans le mouvement nationaliste, engagement très dangereux aux yeux de l'administration postcoloniale. Dès lors, ceci nous amène à délimiter sur le plan spatial et temporel notre cadre d'étude.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus