Synergie politique monétaire et politique de change pour une stabilité des prix en République Démocratique du Congopar Raphaël Wadiadio Université de Kinshasa - Licence 2022 |
Section 8.03 SECTION 3. CONTRAINTES ET PERSPECTIVES DE LA POLITIQUE MONETAIRE ET DE CHANGE EN RDCAprès avoir estimé ainsi qu'interprété les résultats de notre modèle, puis à la validation du modèle et à la vérification des hypothèses. Il est question dans cette dernière section de présenter les contraintes qui empêchent à la politique monétaire et de change d'être efficace sur l'économie congolaise, également les perspectives pour l'avenir. (a) 3.1. Contraintes47(*)Plusieurs facteurs nuisent à l'efficacité de la politique monétaire en RDC: la forte dollarisation, l'absence d'un marché monétaire vraiment opérant, la faiblesse institutionnelle et administrative des autorités monétaires, la prééminence de la politique budgétaire, et le manque de capacités et de crédibilité des autorités monétaires. La forte dollarisation pose problème parce qu'elle limite la portée des leviers d'action de la BCC. Les secteurs dominants de l'économie (les secteurs tournés vers l'exportation, comme les industries extractives, représentant 98% du total des exportations) et les services financiers ne sont pratiquement pas affectés par les fluctuations du taux de change, et le taux directeur de la BCC n'a que peu d'influence sur les décisions d'emprunts, lesquels sont généralement souscrits en dollars. Pour ces acteurs, sachant que les exportations et les importations sont le plus souvent négociées à l'étranger en dollars, le taux directeur a surtout une influence sur leur choix de conserver des réserves en monnaie nationale ou en devises. S'agissant généralement d'activités à forte intensité capitalistique, la part des salaires, payés en monnaie nationale, n'est pas un facteur très important.Par ailleurs, leurs liens avec le secteur réel sont limités. Les secteurs tournés vers le marché intérieur (télécom, boissons) vendent leur production en monnaie nationale, alors que l'essentiel de leurs intrants sont achetés en devises. Ils sont de ce fait vulnérables aux fluctuations du taux de change, mais pas à la politique monétaire elle-même. L'économie formelle en monnaie nationale est également relativement petite et dominée par le secteur public. Les choix budgétaires ont donc une influence disproportionnée sur les arbitrages monétaires, et la politique budgétaire échappe au contrôle de la BCC. La dollarisation, en plus de limiter la portée de la politique monétaire, réduit également la capacité de la BCC à agir comme prêteur en dernier ressort. La forte dollarisation signifie que la facilité de prêt en dernier ressort de la BCC doit détenir davantage de réserves internationales en cas de panique bancaire qui entraînerait des retraits massifs des dépôts en dollars. Le mécanisme habituel de transmission entre les interventions des autorités monétaires et le marché interbancaire et le marché du crédit est entravé, faute d'un marché monétaire qui fonctionne bien et du fait de l'exclusion financière de la majorité de la population : - le manque de profondeur et de liquidité du marché monétaire interbancaire empêche le système bancaire de transmettre efficacement les impulsions monétaires aux marchés financiers. Le bon fonctionnement des marchés monétaires, des marchés des changes et des marchés secondaires des titres est un facteur important pour la transmission de la politique monétaire à l'économie. Il permet la distribution des liquidités entre les établissements financiers qui ont un excédent ou un besoin de liquidités, et la fixation du prix de la liquidité, lequel influe sur le marché du crédit. - la fragmentation financière pénalise la capacité à influencer le stock de monnaie via des leviers fondés sur le marché, c'est-à-dire la création de monnaie par les banques au moyen de leur activité de prêts. Trois quarts de la masse monétaire (M1) sont sous forme d'argent liquide détenu par des individus qui n'ont pas accès au système bancaire formel. Les avoirs de la population en monnaie nationale peuvent être sensibles à des variations du taux de change, et notre analyse empirique montre d'ailleurs que le niveau des prix est dans une large mesure déterminé par le taux de change, mais ils ne sont pas sensibles aux variations des taux d'intérêt puisqu'ils sont exclus du système bancaire.
La faiblesse institutionnelle et administrative des autorités monétaires constitueune entrave à la conduite de l'action publique : - du fait de son manque d'indépendance, la BCC est soumise à des objectifs multiples et contradictoires. Bien que la BCC obtienne de relativement bons scores de mesure d'indépendance de jure, d'un point de vue opérationnel, son indépendance est limitée et se trouve parfois obérée par le gouvernement. La mauvaise position financière de la BCC en est unecause importante. Actuellement, la banque centrale a un bilan négatif et continue d'accumuler les pertes sur ses opérations administratives et de politique monétaire. Ces pertes doivent être (à terme) financées par le gouvernement, ce qui lui donne un ascendant politique sur l'autorité monétaire. - les interventions de politique monétaire de la BCC réagissent aux fluctuations de l'inflation à Kinshasa, et non à l'évolution des prix dans l'ensemble du territoire congolais. Les capacités de l'Institut national de la statistique (INS) ont été renforcées et, conformément aux bonnes pratiques, la compilation des données de l'inflation et leur couverture sont confiées à l'INS (et non plus à la BCC); un nouvel indice des prix à la consommation couvre désormais cinq villes principales. - l'expérience des dernières années et notre analyse empirique montrent que la BCC réagit aux évolutions de l'inflation, mais que ses interventions sur le taux directeur tendent à se faire en réaction plutôt que par anticipation. Si la politique monétaire a souvent tendance à être à la remorque des événements, c'est en grande partie parce que la BCC ne dispose pas de la capacité technique suffisante pour évaluer l'évolution de l'inflation. Le manque de données de périodicité suffisamment élevée et suffisamment actualisées sur l'activité économique nuit à la BCC et à sa capacité à évaluer et déterminer les interventions de court terme nécessaires pour que les liquidités restent dans la trajectoire programmée. - la gestion de la liquidité par la BCC est aussi pénalisée par la faiblesse de la supervision bancaire et de la surveillance des marchés. Elle peut entraîner une mauvaise estimation des besoins de refinancement des banques commerciales ou de leurs excédents de réserves. Les difficultés de la BCC tiennent aussi au fait que la RDC est une économie relativement ouverte, ce qui entraîne une forte transmission du taux de change vers l'inflation. Le modèle Mundell-Fleming-Dormbush montre que, même avec un régime de changes flottants, une économie ouverte ne conserve qu'une faible indépendance monétaire. Cette indépendance est encore réduite lorsque la répercussion du taux de change est élevée, et que la crédibilité de la Banque centrale est compromise par des objectifs contradictoires. Le degré d'indépendance de la politique monétaire est aussi influencé par la crédibilité des institutions qui conduisent l'action publique et par leur capacité à influencer les anticipations des agents économiques.
Lorsque les objectifs sont en contradiction « stabilité des prix et déficit zéro pour la Banque centrale » cela peut nourrir des doutes quant à la détermination et à la capacité de la RDC à contrôler l'inflation. Si l'anticipation d'inflation est élevée, il en résulte des primes de risque plus élevées et des pressions plus fortes sur le taux de change. Dans ces circonstances, pour les petites économies ouvertes, une politique monétaire prudente et un régime de taux de change flottants peuvent nécessiter de lier la politique monétaire à un grand partenaire. * 47 Felix Fischer, Charlotte L. et Samir J. Vers une politique monétaire plus efficace : le cas de la RDC, 2013, p. 14-19. |
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