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De l'écrit à l'écran: l'information géographique à l'épreuve des NTIC


par Insa Manga
Université Jean Moulin Lyon 3 - DEA Sciences de l'information et de la communication 2004
  

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INTRODUCTION GENERALE

Symbole ou symptôme, miroir ou malaise d'une civilisation, l'émergence d'un nouveau système technique draine dans son sillage tout un cortège d'interrogations, de doutes et d'enthousiasmes. De fait, l'irruption du «tout numérique» suscite un véritable débat, rapporté notamment au statut de l'information. Elle entraîne un bouleversement radical des modalités de production, de transmission et de réception de l'écrit. Dissociée des supports où nous avons l'habitude de la rencontrer (livre, journal, périodique), l'Information Scientifique et Technique (IST) serait désormais vouée à une existence électronique : composée sur l'ordinateur ou numérisée, convoyée par les procédés télématiques, elle atteint un lecteur qui l'appréhende sur un écran.

L'émergence d'Internet a suscité une abondante littérature de célébration ou de dénigrement. On comprend que cette technologie qu'on a nommé le réseau des réseaux fascine autant. En effet, il est peu de situations, dans l'histoire récente des médias, où l'on a pu voir se développer dans le même mouvement un dispositif technique de médiation et une observation fine des pratiques sociales, organisationnelles et individuelles d'appropriation et d'usage des réseaux informatiques. Il est aussi peu de situations où les médias ont à ce point stimulé les imaginaires et construit des mythologies et des effets réels ou supposés des réseaux numériques, mise en scène le développement du multimédia et Internet : thématique du réseau comme métaphore du lien et de la communion universelle...thématique du temps raccourci et de l'immédiateté des réponses... thématique encyclopédique de la bibliothèque universelle et de l'accès possible à tous les savoirs et connaissances...et enfin, promotion de l'email comme mode de communication alternatif au courrier et au face à face.

La «révolution technologique» ou «ère informationnelle» prônée dans les décennies 60 et 70 par les prospectivistes et futurologues du MIT de Cambridge (Massachusetts) ou de Stamford (Californie), a laissé, pendant plusieurs années, les géographes perplexes. En effet, la communication, vecteur essentiel de cette période que d'aucuns appelleront la «révolution postindustrielle» aborde des problématiques inhérentes à la géographie, à savoir l'espace et la distance. Ainsi, les travaux de Watzlawick et Hall de l'Ecole de Palo Alto et le «village global» de Marshall MacLuhan, fondateurs d'une nouvelle façon d'appréhender l'espace, ne convainquent guère les géographes.

Aujourd'hui, grâce notamment aux travaux de chercheurs tels que Henry BAKIS et Pierre GEORGES, mais aussi à l'initiative du CNIG et de l'AFIGEO, la problématique des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication a trouvé sa place en Géographie. Elle se présente, désormais, comme un enjeu non pas uniquement d'enrichissement, de diversification thématique, mais, à certains égards, comme un enjeu de renouvellement, de revivification de la discipline. Cette situation correspond à une prise de conscience forte des modifications rapides du contexte général dans lequel se développe aujourd'hui la recherche en sciences sociales en général, et en géographie en particulier. Les canaux traditionnels de la communication scientifique ne répondaient plus pleinement aux besoins nés de l'augmentation des effectifs, de l'éclatement des équipes de recherche, de l'internationalisation d'une part croissante de la recherche (déplacement des financements de la recherche publique du niveau national au niveau européen) ou encore de l'accélération des résultats et donc, de la production scientifique. Les chercheurs se trouvent confrontés aux défis que représente la diffusion généralisée des réseaux immatériels dans l'organisation de la recherche, dans la production et la diffusion de la connaissance scientifique.

Le numérique et les réseaux ont modifié les processus de production et d'usage du savoir scientifique. Du «mieux voir» ou «mieux simuler» ou «représenter autrement» au «se voir voyant sous des conditions variables» [Cyberspace], c'est l'ensemble des dispositifs de visualisation qui sont travaillés, ce sont les conditions structurales de la vision, de la perception qui sont affectées et donc de la pensée.

Pourtant, prévient De La Véga, l'évolution due aux supports électroniques ne fait que commencer et elle conduit à nous interroger en profondeur et à remettre en question toutes nos idées établies sur le rôle des publications scientifiques, des revues, des éditeurs et de la communication scientifique en général. Et cela à juste raison car, comme l'affirmait MUCCHIELLI (2001), «tout phénomène de transformation s'insère dans un ensemble de transformations qu'il faut aussi prendre en compte si on ne veut pas réduire la compréhension en une causalité linéaire simpliste».

Cette pertinente affirmation de Mucchielli constituera le point de départ de notre réflexion qui se veut de repérer et désigner les effets d'une révolution, redoutée par les uns ou applaudie par les autres, donnée comme inéluctable : la numérisation des données géographiques (textes, images, cartes) et leur transfert via les réseaux sont en train de transformer en profondeur non seulement le traitement documentaire de l'information géographique, mais aussi les modes de communication et les pratiques informatives des chercheurs.

Par son objet, ce travail s'insère donc à plein dans les problématiques au coeur des SIC, à savoir la transformation d'un vecteur et d'un mode de communication et de diffusion de l'information scientifique. En effet, les sciences de l'information et de la communication, définies comme « l'étude des processus d'information ou de communication relevant d'actions organisées, finalisées prenant ou non appui sur des techniques et participant des médiations sociales et culturelles », jouent un rôle incontestable dans ces recherches.

Divers travaux sur les incidences sociales et organisationnelles de la révolution informationnelle, surtout des réseaux et Internet, ont été largement développés ces dernières années notamment en Sociologie, en Psychologie sociale... Nous citerons entre autres Manuel CASTELLS, Pierre MUSSO. En SIC, les ouvrages de Josette De La Véga, de Patrice FLICHY et de Francis BALLE, mais aussi les travaux de divers équipes de recherches des Universités françaises, ont revisité l'influence de ces médias nouveaux dans la société, les pratiques des chercheurs, la relation médias/pouvoir...Ils ont ainsi développé l'aspect sociotechnique, historique, voire politique de ces médias.

La problématique générale de notre recherche est celle de l'influence2(*) des technologies numériques sur l'information, les pratiques informationnelles et le mode de communication des chercheurs dans le cadre de leur activité. L'étude se focalise essentiellement sur une analyse de la communication mise en oeuvre au quotidien entre chercheurs géographes dans la conduite de la recherche du savoir, mais aussi, sur les comportements adoptés face aux supports numériques en général et Internet en particulier. En effet, il nous semble nécessaire, aujourd'hui, face aux bouleversements que vit l'ensemble de la communauté scientifique d'accompagner par une réflexion historique, sociale et technique, la mutation considérable qui est en train de modifier les modes de communication, de réception et de diffusion de l'information.

Deux hypothèses sous- tendent cette étude : la première est que si les géographes se sont montrés particulièrement ouverts à cette révolution du numérique, ils ne la maîtrisent pas encore. Dans ce nouveau paysage immatériel, la lisibilité des lieux de construction et d'expression d'une discipline, ceux de sa production, doivent être nécessairement repensés. La deuxième hypothèse est que les formes des supports de communication entre chercheurs et les pratiques informatives font partie des spécificités intrinsèques qui distinguent les communautés scientifiques.

Ce mémoire se veut une modeste contribution à l'enrichissement d'une grille de lecture plus générale sur l'usage ou l'influence des NTIC dans la communication scientifique. Il ne s'agit guère d'une analyse de la transformation d'une science (en l'occurrence ici, la Géographie), mais une observation des comportements de chercheurs révélateurs des logiques d'appropriation et d'innovation.

Pour aborder notre sujet, nous avons choisi de le découper en trois parties :

Dans la première, nous avons choisi de mettre l'accent sur la singularité de l'information géographique qui s'accommode de manière très concrète au concept de multimédia : l'image cartographique est à la fois source d'information et résultat d'analyse. Mais au-delà de la carte, qu'en est-il de l'intégration de différents documents dans une démarche SIG (Système d'Information Géographique) : images, sons, vidéos, etc.? La technologie numérique apporte-t-elle une nouvelle dimension à l'information géographique ou ne fait-elle que les «décorer» à la mode du jour? Telles sont les quelques questions auxquelles nous essaierons de répondre à travers des exemples précis. Dans cette partie, il sera également question des outils et méthodes nouvelles de collecte, de traitement et de diffusion de l'information localisée car, à la suite de Yves Lasfargue, la meilleure manière de regarder les systèmes techniques actuels est d'essayer d'apprécier si les technologies modifient le processus de production de l'information.

La deuxième partie, traitera de la géographie sur les supports numériques. Il s'agira d'une analyse et une lecture critique des ressources en information scientifique géographique disponibles sur le réseau. Il sera aussi question de mettre en évidence de nouvelles formes organisationnelles émergentes dans la communauté des chercheurs. Cette partie accordera une attention particulière à la question des normes techniques et standards ; à ce titre, on étudiera les mutations induits par l'introduction des NTIC dans l'évolution des codes, processus et acteurs de la normalisation du document.

Nous sommes souvent fasciné par la vitesse du changement et l'ampleur des perspectives ouvertes par les innovations technologiques. Pour en mesurer lucidement l'impact sur la communication scientifique, il nous a semblé nécessaire de ne pas les isoler de leur contexte d'usage. C'est l'objet de la troisième partie qui portera sur la dimension sociale du numérique. Cette partie replace le rôle de Internet dans la communication scientifique des géographes autrement dit son développement dans les pratiques informationnelles des chercheurs, sur leur discours et leur mode de communication. Nous chercherons aussi, face à une offre aujourd'hui foisonnante, à analyser les facteurs d'usage et de non- usage des ressources de Internet. Cependant, la question traitée n'est pas tant la technologie elle- même que la façon dont on en use, c'est-à-dire les comportements et les états d'esprits des chercheurs notamment.

Afin d'apporter des éléments pour notre grille, et respectant le caractère transdisciplinaire des recherches en SIC qui, de l'avis de MUCCHIELLI, « ne doivent pas se focaliser exclusivement sur le versant technologique de la communication ; mais doivent interroger aussi et surtout les contextes sociaux et historiques qui donnent naissance à ces appareils », nous avons réalisé des enquêtes et entretiens à l'aide d'outils et de concepts sociologiques. L'analyse des résultats de nos recherches a aboutit à la rédaction de la présente étude.

* 2 Nous avons préféré le terme « influence » à celui de « impact » considéré par Pierre LEVY (1997) comme «une métaphore balistique inadéquate». En effet, LEVY P. dans son ouvrage (Cyberculture) publié en 1997 à Paris aux éditions Odile Jacob, s'oppose à l'emploi du terme «impact» concernant le développement du multimédia, ses conséquences sur la société ou la culture. Selon lui, ce terme induit une comparaison de la technologie à un projectile et la culture ou la société à une cible vivante. Il soutient que les techniques ne viennent pas d'une autre planète (le monde des machines) étrangère à toute signification ou toute valeur humaine, mais qu'elles sont imaginées, fabriquées et réinterprétées à l'usage par des hommes ; par conséquent, on ne peut dissocier la technologie de son environnement.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote