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Crise de la société et mouvements sociaux: étude des mouvements estudiantins à l'Université de Lomé

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par Komi Mawunam VIAGBO
Université de Lomé - Maîtrise en sociologie politique 2007
  

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Cadre théorique

I.1 Analyse de la situation et problématique

En août 1963, 200000 Américains entamaient une marche pacifique en faveur des droits civiques des Noirs. En octobre 1988, les infirmiers enclenchaient un mouvement ponctué de manifestations organisées aux quatre coins de la France. Les manifestations prennent fin au cours de l'année 1993 avec la constitution d'un comité d'infirmiers. A en croire le compte rendu de Evelyne OUDART de la communication de François BONNIER au stage MAFPEN de Lyon en 1997, sur « les conflits sociaux », ces deux mouvements d'ampleur et de durée inégales et porteurs de revendications spécifiques suscitent la même interrogation chez le sociologue à savoir : « selon quelle logique des individus en viennent-ils à se réunir, puis à s'unir pour la défense d'un projet revendicatif commun ? » (Voir bibliographie : source électronique, n° 58)

Cette question fondamentale nous renvoie aux travaux de McAdam, J. McCATHY et M.N. ZALD (1996) sur les conditions de l'émergence et du développement des mouvements sociaux. Il en ressort que trois grands facteurs permettent de rendre compte de l'émergence et du développement de ces mouvements : les structures de mobilisation, les opportunités politiques et les processus de cadrage.

D'autres théoriciens ont précédé McAdam, McCathy et ZALD dans l'explication des mouvements sociaux. Au milieu des années 1960, les théories de l'individu rationnel et de la mobilisation des ressources soutiennent que la participation à des mouvements sociaux répond à des motivations rationnelles tournées vers la réalisation d'un intérêt personnel. L'accent est mis ici sur l'organisation des mouvements plutôt que sur la participation individuelle.

A partir des années 1970, les théories des nouveaux mouvements sociaux insistent sur les transformations structurelles des sociétés capitalistes et le développement de nouveaux clivages sociaux. Ce fut le cas avec Alain TOURAINE (1966).

Alors que la théorie de la mobilisation des ressources, notamment le modèle de rationalité partagée postule que tous les agents ont la même perception de leur situation, une évaluation similaire des coûts et des avantages de l'action, les théoriciens des nouveaux mouvements sociaux se focalisent sur les origines structurelles des tensions en laissant de côté la question des modes de perception de ces tensions par les agents.

Dans l'optique des recherches plus récentes, l'individu en vient à agir collectivement en fonction de perceptions différenciées de la réalité sociale et sous la contrainte de positions structurelles qui conduisent à des expériences spécifiques.

Cela conduit à des notions comme l'activisme individuel et la rationalité de l'acteur. Ainsi par exemple, une situation objective de dépossession comme le chômage ne suffit pas à mobiliser ceux qui le vivent, il faudrait en effet, que ceux-ci perçoivent la perte de travail en termes politiques et non plus comme une fatalité économique (la crise) et le résultat d'une inadaptation personnelle.

Les règles sociales deviennent ainsi enjeux de conflits. Deux catégories d'analyses y sont appliquées : celles qui font des conditions de domination, les fondements de tout conflit et celles qui mettent en avant les relations de pouvoir et d'influence sur les règles sociales.

Dans les formes de participation politique, les mouvements sociaux font partie de ce que l'on appelle les formes protestataires ou non conventionnelles de la participation politique. Ces mouvements mobilisent généralement des groupes de citoyens plus ou moins nombreux au nom de la défense d'intérêts communs. Ces actions directes qui mettent face à face citoyens et détenteurs du pouvoir sans passer par la médiation des élites ou les canaux habituels de la démocratie représentative sont des actions autonomes et expressives qui échappent à la contrainte d'un cadre juridique et institutionnel.

Pour Alain TOURAINE (1993), le mouvement social est constitué de trois éléments : «la défense de l'identité et des intérêts propres, la lutte contre un adversaire, et la vision commune que partagent le mouvement et son adversaire. En termes néo-hégéliens, on pourrait donc dire qu'un mouvement social est caractérisé par son identité, son opposition, et sa totalité. Un mouvement social par conséquent, c'est une action collective voulue et organisée à travers laquelle un acteur de classe conscient de son identité et de ses intérêts propres lutte avec un adversaire identifié et ciblé pour la direction sociale de l'historicité, dans une situation historique bien concrète. » (Jean-Guy VAILLANCOURT, 1991)

De nos jours, les mouvements sociaux dominent les grands titres de l'actualité internationale. Que ce soit aux U.S.A., en Europe, en Asie ou en Afrique, la voie royale pour réagir contre les violations des droits, les situations d'abus, les conditions difficiles de vie est la manifestation protestataire qui peut revêtir plusieurs caractères. Ces mouvements expriment non seulement la possibilité mais aussi la nécessité d'un changement de l'ordre existant. C'est pourquoi malgré les répressions dans plusieurs cas, ces manifestations ont toujours cours sur tous les continents et dans presque tous les pays.

Elles ont été spécifiquement déterminantes dans le processus de décolonisation des peuples africains et plus encore aujourd'hui, dans leur processus de démocratisation. En effet, face à des irrégularités politiques et sociales, face à la violation des libertés individuelles et collectives, face à l'absence ou mieux l'inefficacité des structures légales de recours, les manifestations protestataires constituent une voie efficace pour ouvrir un conflit avec le violateur, et parvenir progressivement à un compromis.

Mais au même moment que la question des mouvements sociaux se pose, celle de leur maîtrise interpelle les décideurs.

Au Togo, il y a eu des mouvements de résistance à l'occupation et à la domination étrangères. Ces mouvements, bien que réprimés, ont survécu et ont été finalement décisifs dans l'avènement de l'indépendance du pays le 27 avril 1960. Trois ans après l'indépendance, le 13 janvier 1963, le pays connut un coup d'état qui finit par mettre, quatre ans plus tard, en janvier 1967, un régime militaire aux commandes de l'Etat. Un parti-Etat vit le jour le 30 août 1969 à travers cet appel de son fondateur à Kpalimé : «  Le salut du Togo est dans l'union de tous ses fils au sein d'un seul et véritable creuset national où viendront se fondre les forces vives de ce pays à quelque parti qu'elles aient appartenu » (http : // asdvt.free.fr/togohist.htm)

Dès lors que tous les fils de la Nation viennent s'unir au sein « d'un seul et véritable creuset national », l'on assiste à l'anéantissement de toute manifestation contestataire ouverte contre le pouvoir. En dehors de la contestation occulte, les seules manifestations ouvertes étaient des soutiens au pouvoir.

C'est en réalité dans ce contexte que fut créée, par décret numéro 70-156/PR du 14 septembre 1970, l'Université du Bénin, aujourd'hui Université de Lomé. Aussi, le Mouvement National des Etudiants et Stagiaires du Togo (MONESTO), était-il censé être le creuset des étudiants togolais. Mais à côté, on notait la présence de l'Amicale des Etudiants du Nord Togo (AMENTO), l'Association des Etudiants Togolais de l'Université du Bénin (AETB) puis des regroupements d'élèves et étudiants par préfecture.

Tous ces mouvements et regroupements estudiantins s'étaient assignés comme objectifs la promotion du bien-être des étudiants, la défense de leurs intérêts...

Mais ils travaillaient en réalité à la promotion des idéaux du véritable creuset des étudiants : le MONESTO.

Face à ce tableau, toute contestation ouverte contre le pouvoir public s'avère impossible. Cependant, les conditions de vie et de travail des étudiants togolais de l'Université de Lomé ne cessent de se détériorer.

En effet, créée en 1970, la plupart des structures originelles de l'Université de Lomé sont gardées malgré une démographie sans cesse galopante. Avec la réforme de l'éducation en 1975, on assiste à une multiplication des écoles primaires et secondaires. Cette mesure entraîne du coup l'augmentation de l'effectif des bacheliers les années suivantes. Alors que l'effectif des étudiants était de 845 en 1970, il est de 15249 en 2004-2005

Cette croissance démographique à l'Université de Lomé n'a cependant pas entraîné un important renouvellement des structures. Les ouvrages de la grande bibliothèque universitaire ne se renouvellent pas. Le transport universitaire est inefficace et entraîne des retards au cours. La plupart des étudiants viennent de l'intérieur du pays, mais peu sont logés par l'université. Sur les 15249 étudiants inscrits en 2004-2005, l'université ne peut loger que 1131 avec ses six cités sises sur le campus. La restauration universitaire ne comble pas les attentes des étudiants. Les allocations de bourses et d'aides accusent des retards de payement.

Ces conditions de vie ont été un motif valable pour les étudiants togolais pour prendre dans les années 1990, le devant de toute la population, dans l'exigence de plus de liberté et de droit à la suite du sommet franco-africain de la Baule (juin 1990) au cours duquel, le président français d'alors, François MITTERAND exigeait plus de liberté pour les peuples africains. Il est fondamental de remarquer que les étudiants togolais réclamaient non seulement l'amélioration des conditions de vie et de travail mais aussi la liberté d'association, la démocratisation... Ce fut le cas des différents mouvements étudiants de 1991 et notamment ceux de mars.

La reconnaissance de la contribution étudiante à la lutte pour plus de liberté au Togo est remarquable par la présence de tous les mouvements estudiantins aux assises de la Conférence Nationale Souveraine en 1991.

Il est donc important de préciser que l'université de Lomé a connu des mouvements purement politiques et des mouvements purement sociaux. Ainsi, les manifestations des années 1990 ont été plus politiques que sociales et celles des années d'après sont plus sociales que politiques. C'est dire alors que les revendications étudiantes pour plus de liberté au Togo ne sont que le début de revendications étudiantes qui, avec le temps et les contextes, vont se doter d'autres objectifs : ceux relatifs à l'amélioration des conditions de vie et de travail des étudiants.

Aussi, l'université de Lomé demeure-t-elle le théâtre de multiples manifestations. Nous pouvons citer les mouvements étudiants des années universitaires 1998-1999, 1999-2000, 2000-2001, et, le plus récent, celui d'avril 2004. Cependant, force est de constater que, au fur et à mesure que s'organisent ces mouvements de lutte (marches, sit-in, grèves ...) pour de meilleures conditions de vie, se met en place, au niveau de l'appareil étatique, une machine répressive de plus en plus améliorée pour paralyser ces mouvements. La répression va de l'intervention policière, à la suppression de bourses et aides, la majoration des frais d'inscription et des oeuvres universitaires, l'exclusion des meneurs, etc.

Par exemple, les mouvements étudiants de l'année universitaires 2000-2001 à travers lesquels les étudiants réclamaient les arriérés de bourses et d'aides, l'amélioration des moyens de transport universitaire sont soldés par une détérioration des conditions de vie existantes. Les bourses sont systématiquement suspendues, les frais d'inscription sont passés de 4500 F à 50000 F ; la restauration universitaire est passée de 90 F à 500 F et le transport de 10 F à 150 F.

Un autre moyen d'anéantissement des mouvements étudiants est leur instrumentalisation par les autorités administratives et le gouvernement. C'est ainsi qu'il est fréquent d'écouter après un mouvement étudiant que « les étudiants sont manipulés par l'opposition ».

Au regard des mesures qui précèdent, notamment la multiplication des frais d'inscription et des oeuvres universitaires, l'instrumentalisation des mouvements, tout porte à croire que, les étudiants togolais ne seraient plus tentés par l'action protestataire. Tel n'a pas été le cas lorsqu'on considère les différents mouvements qui se sont développés les années suivantes et ont pris une ampleur inattendue en avril 2004.

Ainsi, on est amené à se demander si la répression permet aux commanditaires d'obtenir les résultats escomptés. Autrement dit, la répression permet-elle de maîtriser les manifestations ? Quel effet produit-elle sur les manifestants ? Enlève-t-elle la velléité contestataire chez les populations ou la renforce-t-elle au contraire ? Les mouvements émanent-ils d'une crise générale de la société ?

Si pour le cas des manifestations étudiantes de l'Université de Lomé, malgré les mesures répressives, ces mouvements ont toujours cours, doit-on en déduire une inefficacité de la répression comme méthode de gestion des mouvements ? Comment expliquer la persistance de ces mouvements malgré les conséquences qu'ils subissent ? Doit-on penser à un « effet pervers » dans l'action répressive des manifestations étudiantes par les autorités ?

Ces différentes questions sont issues de la question fondamentale de cette recherche à savoir : « Selon quelle logique les étudiants de l'Université de Lomé organisent-ils des mouvements contestataires malgré les mesures répressives qui accompagnent leurs mouvements ? »

De cette question, les hypothèses suivantes sont formulées.

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