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L'activité culinaire des étudiants étrangers

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par Frédérique Giraud
Ens-Lsh - Master 1 de Sociologie 2006
  

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II. Les outils de la collecte : l'observation participante

Nous avons combiné plusieurs méthodes d'analyse : nous avons procédé à des observations en situation de participant, nous avons observé des magasins spécialisés dans les denrées étrangères, nous avons réalisé huit entretiens avec des étudiants étrangers, nous avons analysé des blogs de français expatriés au Japon et en Chine et posté des questionnaires à leurs auteurs.

Nous allons revenir sur chacune de ces méthodes afin d'analyser leur mise en place et leur positionnement dans notre dispositif d'enquête.

1) L'observation participante dans une situation de colocation

La méthode majeure de notre enquête consiste en une observation participante à notre domicile. Nous vivons effectivement à la résidence de l'Ecole Normale Supérieure de Lyon dans un module. C'est le nom donné aux appartements des étudiants. La résidence des élèves dispose de modules de trois, quatre ou cinq personnes.

Nous habitons dans un module de cinq personnes, ce module comporte une chambre double ce qui est une configuration particulière, puisque seuls sept des modules de la résidence disposent d'une chambre double. Nous habitons dans cette chambre double en présence de notre conjoint. Cette précision, qui peut paraître inutile l'est cependant. En effet, la configuration des interactions dans le module en découle et de fait notre implication dans la vie commune de celui-ci et de fait dans notre recherche.

Le module s'est en effet tout de suite organisé selon un regroupement des personnes de type 2 + 3, c'est à dire que les occupants de la chambre double vivent à deux dans un module de cinq personnes, leur couple s'individualisant par rapport aux autres colocataires. Cela implique une certaine mise à distance des autres colocataires et donc de nos enquêtés. Le couple n'est pas intégré à la vie commune du module, c'est à dire qu'il ne participe pas aux repas pris en commun, ou s'il y participe, c'est encore de manière individualisée, mangeant à part mais à la même heure que ses colocataires, qui quant à eux prennent tous leur repas en commun. Ils organisent une répartition des tâches consistant, pour le repas du soir à manger systématiquement ensemble et à préparer à tour de rôle les plats communs.

Le module se composait de trois français (notre couple et un autre élève de l'école en master 1 de géographie), d'un étudiant en master 2 italien, en droit et d'une étudiante chinoise en deuxième année de thèse de géographie.

A partir du mois de février, l'étudiant français en géographie est parti en Russie, et l'étudiant italien est rentré chez lui. Nous avons alors accueilli à nouveau deux personnes étrangères : une italienne en licence de sociologie et une doctorante brésilienne en première année de thèse de linguistique.

Cette configuration particulière a des implications sur la situation d'observation, comme nous l'analyserons après.

L'observation participante consiste à s'intégrer dans un groupe social et à partager sa vie, de la façon la plus concrète, pendant une période suffisamment longue pour que l'observateur perde son statut de chercheur et devienne un membre du groupe comme les autres.

Il s'agit de saisir au plus près le contexte étroit de l'activité, l'expérience pratique de la cuisine.

Bogdan et Taylor79 définissent ainsi l'observation participante : « une recherche caractérisée par une période d'interactions sociales intenses entre le chercheur et les sujets, dans le milieu de ces derniers. Au cours de cette période des données sont systématiquement collectées(...) »

L'observateur, quelque soit sa posture d'intervention, modifie ce qu'il observe, puisqu'il fait partie de la situation d'observation. La notion d'observation participante introduit la réciprocité de l'observation car elle est le produit de la participation à une activité commune (par exemple dans mon travail je fais la cuisine en même temps que mes colocataires, qui me demandent des conseils ou de l'aide sur un geste précis alors qu'ils sont occupés ailleurs).

L'observateur n'est pas extérieur et n'examine pas le phénomène pour le réduire à ses notes, mais s'établissent une série d'échanges et de dialogues qui engagent les protagonistes de l'observation à se situer ensemble dans le « faire la cuisine ». Il y a observation mutuelle des pratiques, des techniques et imitation de part et d'autre.

Cette participation-observante nécessite de la part du chercheur de s'appuyer sur une familiarisation à la vie quotidienne. Les éléments vécus et partagés servent de base à l'échange, les perceptions réciproques permettent l'émergence de questionnement, de doute, d'interrogation. Au cours de cette observation réciproque, se fait jour un apprentis sage mutuel que l'on peut qualifier d'imprégnation.

Cette étape commence dès l'installation dans l'appartement commun et la définition progressive de l'objet de la recherche. Celui-ci n'était pas formalisé au début de l'année, je savais que je voulais faire une recherche sur la cuisine mais son cadre restait vague. J'avais eu l'année dernière une colocataire étrangère japonaise dont les pratiques alimentaires m'avaient déjà intéressées, sans que puisse être initiée à ses secrets. Le hasard a fait que je me suis trouvée cette année encore avec deux colocataires étrangers, ce qui a fait mûrir mon interrogation sur les pratiques des étudiants étrangers. J'interrogeais ma colocataire chinoise, qui voulait toujours me faire goûter ses préparations, m'expliquait le contenu de paquets non identifiables parce que provenant de Chine dans la cuisine. De cette situation de confrontation à des pratiques culinaires bien différentes des miennes, de l'utilisation de produits qui m'étaient inconnus est née une interrogation.

Le premier objectif qui est de construire des relations de confiance avec les acteurs de l'activité pour qu'ils soient en mesure de participer pleinement au projet de recherche s'était produit en amont du début de la recherche par le biais de la vie en commun et des premiers partages de savoirs culinaires.

La première phase de l'observation proprement dite a consisté donc à rendre possible la situation d'enquête par l'explication détaillée du projet de recherche. Est née une situation de co-construction des connaissances, dans laquelle une grande part revient à mes colocataires,

79Bogdan et Taylor Introduction to qualitative research methods, 1975, in PERETZ, H. Les méthodes en sociologie : l'observation, Coll Repères, La Découverte, Paris, 1998.

ces derniers veillant à me présenter tout produit m'étant certainement inconnu, m'expliquer ses modes de préparation...

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