WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'activité culinaire des étudiants étrangers

( Télécharger le fichier original )
par Frédérique Giraud
Ens-Lsh - Master 1 de Sociologie 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

b) Comment parvenir à la typicité ?

Au vu des pratiques que nous essayé de décrire et d'analyser, il semble que à un moment donné, que ce soit dans une pratique régulière et quotidienne ou pour certains plats plus festifs

185 Hubert, Annie, Cuisine et politique, le plat national existe-t-il?, Revue des sciences sociales, 2000

et mangés plus rarement, l'un des objectifs des migrants est de parvenir à une typicité des plats. Les migrants recherchent dans le plat du pays des saveurs d'autrefois, le «vrai goût du village». Il faut un ensemble de conditions pour parvenir à retrouver des sensations authentiques que nous allons essayer de lister.

Trouver tous les produits de la recette

La première étape consiste à trouver des produits d'origine, authentiques, c'est la condition indispensable pour pouvoir continuer à faire ici, en France, une cuisine « comme chez soi ». L'obtention d'aliments authentiques, de bonne qualité passe par la quête de lieux de ravitaillement idéaux que représentent les magasins spécialisés.

La décision de s'y rendre ou de ne pas s'y rendre fait entrer en ligne de compte le facteur temps (selon la distance des supermarchés asiatiques), et le budget alimentaire. En effet, si on peut trouver l'ensemble des ingrédients utiles à la cuisine chinoise, ils sont plus chers qu'en Chine, de sorte que se nourrir de façon chinoise en France coûte plus cher qu'en Chine. La décision de s'y rendre ou non peut être supplée par la possibilité de demander à ses amis chinois de ramener des produits pour soi. On peut penser que le groupe est incitatif dans la décision de s'y rendre. De plus dans la volonté de manger typique entre en ligne de compte une bonne ou mauvaise conscience selon que l'on ne se ravitaille pas là où il « faut ». Ne pas faire l'effort et la dépense de se rendre dans un magasin asiatique informe dès le début la tentative de reconstitution du plat. Les colis et l'approvisionnement au départ peuvent servir de supplétif au ravitaillement sur place.

Une préparation dans les règles

La première étape levée, on doit pouvoir préparer le plat selon les méthodes traditionnelles. Il faut disposer des ustensiles nécessaires : la préparation de la cuisine chinoise demande des ustensiles spécifiques : le panier en bambou pour cuire des raviolis à la vapeur, le rice cooker pour faire cuire le riz ; le café italien demande la détention d'une cafetière italienne. Ce n'est pas tant le plat qui est typique que la manière de le préparer et de le consommer. Cela pose la question de comprendre pourquoi Shumeï ne mange plus en France avec des baguettes et de l'importance de ce fait dans sa position aux autres chinois en France. Les trois étudiants chinois que nous avons observés dans leurs pratiques culinaires utilisent tous des baguettes, mis à part Shumeï à la fois pour préparer, saisir et remuer tous les aliments et pour manger. Shumeï elle s'en distingue fortement puisqu'elle se sert de cuillère à soupe et de cuillère en bois pour remuer. Shumeï est assez peu prolixe à ce sujet, elle considère seulement que manger avec un couteau et une fourchette est plus pratique. On doit de façon certaine tenir ce propos comme un indice du fait qu'elle mange de manière plutôt française en France, en effet les préparations chinoises se mangent plus facilement avec des baguettes, les ingrédients étant préparés de manière à ce qu'ils soient préhensibles avec des baguettes. La texture gluante de certains mets fait également qu'ils ne sont pas attrapables avec une fourchette et un couteau qui les déchire et ne permet pas de les porter entier à sa bouche, notamment pour les raviolis ou les boulettes.

Si les plats sont les mêmes, il y a tout un ensemble de faits autour du met qui changent et contribuent à modifier le fait alimentaire au-delà de la continuité mise en avant. C'est la forme des journées alimentaires, le lieu où l'on mange, la manière dont on mange...

Par exemple toute pratique alimentaire relève d'une position particulière du corps et de techniques spécifiques. La rencontre avec des pratiques alimentaires étrangères nous confronte directement à d'autres façons d'être du corps. On ne mange pas de la même manière avec des baguettes ou munis d'une fourchette et d'un couteau. En Chine, les plats sont tous posés ensemble sur la table et l'on se sert constamment dans le plat collectif avec ses baguettes. On est donc amené à croiser les baguettes de l'autre, à devoir attendre que l'autre se serve. Une anecdote confirme ce fait. Lorsque notre colocataire nous a fait goûter au moment du Nouvelan des boulettes de riz gluant, elle a pris le soin de nous expliquer comment les manger. Ces boulettes sont cuites à la vapeur et servies dans un bol. Elles sont remplies d'une sauces différents (pâtes de haricot rouge, pâte de cacahuète, graines de lotus, sésame noir, taro). De ce fait elles sont difficiles à manger parce que l'intérieur est généralement très chaud. Shumeï nous a expliqué qu'il fallait les déposer dans une cuillère à soupe et les croquer par petits morceaux de manière à ne pas se brûler et à ne pas répandre le coeur fondant dans son bol.

L'ensemble de ces éléments fait que la continuité n'est pas aussi manifeste que les enquêtés veulent bien la définir. En France, les manières de manger à table sont différentes : pour caricaturer un Japonais ne mange pas en France assez sur un tatamis, un tunisien mange rarement le repas en buvant du thé vert.

Le fait d'affirmer la continuité de ses pratiques, et d'essayer réellement de reproduire en France des plats ne signifie pas la totale et parfaite reconstitution des plats. Il y aura toujours des modifications des plats, des recettes. Si les plats sont reproduits en France, ils sont conservés mais réinterprétés. C'est ce que nous souhaitons présenter dans la partie suivante qui s'attelle à expliquer le côté technique et matériel de la cuisine.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon