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L'activité culinaire des étudiants étrangers

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par Frédérique Giraud
Ens-Lsh - Master 1 de Sociologie 2006
  

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2) La matérialisation du réseau

Quelles sont les illustrations de l'importance du groupe dans le domaine alimentaire ? Il s'agit ici de recenser un ensemble de pratiques que nous avons déjà analysées au cours de la démonstration.

Si le groupe joue un rôle éminemment symbolique et affectif de création d'une identité, il possède également un rôle plus matériel et terre à terre qui n'en sert pas moins la première fonction. Le groupe joue un rôle à plusieurs niveaux, à la fois avant le départ lorsqu'il fournit comme nous l'avions vu des informations sur le pays d'accueil et les difficultés qu'on peut y rencontrer, mais surtout pendant le séjour.

On doit séparer le groupe que l'on quitte, les amis ou la famille qui reste au pays et qui peut envoyer des colis contenant des denrées typiques à l'étudiant. Ce groupe là a surtout une importance avant le départ, il achète pour celui qui part des produits typiques, puis ensuite envoie des colis.

Les dons s'espacent avec la durée du séjour. Ils ont une visée utilitaire lorsque le prix des denrées exotiques en France est vraiment élevé, c'est le cas pour Abdelbaki. Pour d'autres étudiants, les colis sont moins inscrits dans une visée de réduction des coûts de vie à l'étranger que dans la volonté de faire plaisir. Chez les bloggeurs expatriés, les colis demandés par les étudiants sont beaucoup plus ludiques. Nous avons évoqué l'anecdote de la taxe chocolat demandée par les étudiants étrangers lorsqu'ils reçoivent des amis ou de Mademoiselle à Moscou qui se fait envoyer des tablettes de chocolat noir par sa mère. On se situe ici du côté des consommations superflues qui ne relèvent pas de la reconstitution des plats de base de l'alimentation. C'est là une grande différence entre les enquêtés que l'on peut rattacher à une

212 Stéphanie Tabois, « Cuisiner le passé, souvenirs et pratiques culinaires des exilés pieds-noirs, » Diasporas, Histoire et Sociétés, numéro 7, 2ème semestre, Toulouse, 2005

origine sociale. Abdelbaki et M'barek (bloggeur) reçoivent tous deux des colis dont les contenus évoquent la volonté de consommer des produits typiques le moins cher possible. En effet, on peut être surpris que le colis d'Abdelbaki contienne des boîtes de thon et de tomate lorsqu'il semble que ces aliments sont relativement faciles à trouver en France si l'on ne se replace dans une logique de diminution des coûts de vie en France. C'est aussi le cas des femmes camerounaises étudiées par Sophie Bouly de Lesdain213. L'auteure montre que le colis peut êyre envoyé par la poste directement ou transiter par un intermédiaire connu rentré au pays qui ramène les produits à celui qui est encore en France, parfois la famille confie le colis à un inconnu qui a à charge d'amener le colis au membre de la famille.

Le groupe que l'on intègre à son arrivée dans le pays d'accueil a un rôle d'entraide dans les démarches administratives, les inscriptions scolaires... mais aussi sur le plan alimentaire. Il joue un rôle au niveau de l'approvisionnement. On trouve sur Internet des forums de discussion organisés par des communautés de migrants qui permettent aux personnes de mieux s'organiser et de gérer des problèmes quotidiens ; comme nous l'avions évoqué de nombreux messages ont trait à l'alimentation.

Voici l'exemple d'une chronique lue sur le blog Céline en Chine 214 , chronique intitulée « Où peut-on manger de bonnes profiteroles à Shanghaï ? ». Céline lance un appel à l'aide à d'autres expatriés à Shanghaï pour connaître un pâtissier qui ferait des profiterolles « Je m'adresse là à tous mes lecteurs, en particulier ceux sur Shanghai, c'est une question de... non pas de vie ou de mort quand même, une question de... bah ouais, pure gourmandise et aussi d'un peu de regret de ce qu'est la vie à Paris, et aussi d'un tout petit peu de vengeance aussi. ». Mimine en Chine a récupéré une adresse d'une pizzeria diffusée sur un forum sur Internet, que les expatriés conseillaient pour y déguster en Chine de vraies pizzas au feu de bois avec du fromage. Le groupe est un réseau d'aide, de conseils que les individus au coup par coup. Notre colocataire Shumeï se rend assez peu souvent dans les épiceries et demande à ses amies chinoises de lui ramener des produits.

Le groupe peut aider à se familiariser à l'offre alimentaire de la ville où l'on s'installe. Le groupe renseigne sur l'existence d'épiceries spécialisées, y emmène le nouveau venu et ou lui indique comment s'y rendre. De plus le groupe a un rôle d'authentification des aliments que l'on trouve en France, comme nous l'avons analysé, pour être achetés, les aliments ont besoin d'être médiatisés en transitant par des territoires ou réseaux d'individus proches. Le mangeur se fie aux informations que lui donne ses amis sur la qualité des produits ou sur la possibilité de trouver des ingrédients en un lieu donné.

Le groupe peut faire des dons de nourriture, de préparations typiques lorsqu'une des personnes du groupe sait préparer une spécialité. Une étudiante chinoise de l'Ens prépare des oeufs au thé et en donne à tous ses amis215. Le groupe peut prêter des ustensiles.

Comment survive sans les ustensiles indispensables à la fabrication du plat «identitaire » d'Asie Centrale ? Où trouver un « kazan » quand on est à Paris ou à Chicago ? Charlotte

213 Sophie Bouly de Lesdain. Femmes camerounaises en région parisienne. Trajectoires migratoires et réseaux d'approvisionnement. Connaissance des hommes. L'Harmattan, Paris, 1999

214 Céline Monthéard, Céline en Chine, http://www.celine-en-chine.com/categorie-12603.html

215 Il s'agit d'une préparation assez particulière pour les occidentaux que nous sommes : on commence par cuire des oeufs durs. Une fois froids, il faut casser la coquille des oeufs mais ne pas les écaler et les faire cuire environ une demie-heure supplémentaire dans une sauce faite de thé, de sauce au soja, et de sucre, puis on laisse les oeufs tremper dans le thé froid.

Urbain et Hugues Bissot216 nous font part de l'impossibilité de faire un « plov » sans ce spectaculaire chaudron en fonte. Les émigrés qui en ont un le prêtent, et la communauté peut ainsi, à tour de rôle, réaliser ce plat de fête, apparenté au pilaf. C'est le récipient (le kazan) et le contenant (le plov) qui identifie les Tadjiks, Ouzbeks et autres habitants de cette lointaine Asie. Enfin, le groupe permet de célébrer des fêtes traditionnelles d'une manière qui se rapproche du pays d'origine, notamment le Nouvel an chinois.

Le groupe a donc un rôle de soutien de l'étudiant en France, il permet de maintenir des traditions, des préparations alimentaires proches de son pays.

Le rôle du groupe semble d'une importance différenciée selon la nationalité des étudiants. En effet, comme nous avons vu que le groupe servait de relais pour l'obtention d'aliments authentiques... son rôle est donc d'autant plus important que les étudiants cherchent à manger comme chez eux. Or cette attitude caractérise avant tout les étudiants chinois (et tunisiens) dont les habitudes alimentaires sont les plus éloignées des groupes. On peut donc penser que la forme du réseau que nous avons décrit, centrée sur les échanges alimentaires, caractérise principalement des groupes enclins au maintien des traditions culinaires plutôt qu'à leur remaniement.

Ce chapitre indique les voies d'une étude plus approfondie du phénomène migratoire grâce à l'alimentation. Les éléments d'analyse que nous avons souligné veulent mettre le doigt sur quelques propriétés des réseaux sociaux et de leur rôle dans le déploiement de l'activité culinaire.

216 Charlotte Urbain et Hugues Bissot, « Le Plov dans tous ses Etats, constitution d'une diaspora autour d'un plat d'Asie centrale », Diasporas, Histoire et Sociétés, numéro 7, , 2ème semestre, Toulouse, 2005

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams