WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les représentations dans la géographie : une approche à valoriser dans les pays du Sud (l'exemple des hautes terres d'afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale

( Télécharger le fichier original )
par David Leyle
Université Bordeaux 3 - DEA de géographie 2001
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2 LES REPRÉSENTATIONS DE LA SOCIÉTÉ, SA NATURE ET SA STRUCTURE, SES DYNAMIQUES INTERNES

On peut donc considérer que la subjectivité de chaque individu participe à la construction de logiques spatiales qui lui sont propres (voir doc. 15 et 16). Mais ce dernier est aussi un être social, installé dans une niche territoriale, accessible à des valeurs référentielles de groupe suffisamment claires et puissantes pour que des structures telles que le pouvoir, l'économie et ses règles, la culture, les croyances, la religion ou simplement le langage revêtent une intelligibilité commune. « Etre social >, parce que, dans le contexte des relations et des pratiques quotidiennes, l'individu partage non seulement la situation objective, mais aussi, quelle que soit l'ampleur des négociations auxquelles d'inévitables divergences le contraignent, les opinions, les représentations, et les stratégies d'autres acteurs sociaux. (D'après Di Méo, G., 1991).

Ainsi, existe-il un sentiment d'appartenance à un même groupe, à un même territoire ? Sur quoi reposent les identités collectives ? Sur le territoire, la descendance, la pratique de certains rituels religieux, certains codes sociaux, les classes sociales ? La religion peut-être considérée comme un centre dynamique et universellement reconnu. Ciment, clé de voûte de certaines sociétés et qui, au travers des images qu'elle véhicule, la religion pose son empreinte dans les pratiques de gestion de l'espace et dans les paysages. « Le continent africain est remarquable pour l'importance que les croyances occupent dans la vie quotidienne >, (Deletage, V, 1998). Une autre forme de codification sociale fortement symbolique se retrouve dans le langage. Notamment dans les repères toponymiques, car le groupe se dote d'un nom et de représentations mentales associées à ce nom : « je ne suis pas guinéen, je suis peul du Fouta-Djalon >, (Baldé., M.L, 2000, enquêtes personnelles).

Mais également, l'identité ethnique et territoriale est parfois une construction contemporaine. « Ainsi en est-il pour les Bamiléké, nom crée en 1885 par les Allemands à la suite d'une mauvaise traduction des propos d'un interprète qui désignait ainsi les Grassfields, les gens d'en haut >, (Morin, S, 1996). Le sentiment d'identité ethnique des chefferies Bamiléké est né de la confrontation avec les colons et avec l'Etat indépendant ; ce sentiment d'unité représente pour elles un moyen de défendre leurs intérêts, « alors qu'au début de la colonisation, les chefferies des Hautes Terres ne cessaient de guerroyer entre elles et leur dernier souci était bien celui de l'unité d'une quelconque communauté >, (Morin, S, 1996). Malgré une pseudo-identité contemporaine qui s'étend à un ensemble régional plus vaste, l'unité socio-spatiale de référence reste la chefferie..

DOCUMENT 17

Le paysage de la chefferie de Bandjoun (Bamiléké), en 1955, avant son saccage par les maquisard pendant les troubles de 1960. Elle témoigne néanmoins d'une organisation spatiale toujours visible.

Les concessions familiales (Mba) les plus anciennes et donc les demeures des puissants se sont d'abord installés sur les basses pentes. Leurs enfants et serviteurs, villageois, se sont implantés plus haut, sur les terres de moindre valeur agricole et sociale. L'inscription de l'habitat traduit la position sociale des individus: plus on réside en altitude, moins on occupe un rang élevé dans la chefferie (voir également doc.12_2). La conquête agricole des versants s'est développée à partir des riches terres. Sur le haut du versant, la place du marché joue un rôle essentiel: ici se fait l'information de la population, les danses et les cérémonies s'y déroulent. On notera l'omniprésence des signes et des symboles sacrés dans le paysage de la chefferie qui constituent autant de marques et de représentations sociales. (D'après Morin, S., 1996, texte et document)

DOCUMENT 18

68 bis

Beaucoup plus nettement que les territoires géographiques, groupes et classes font l'objet de représentations souvent identiques, tant de la part des individus qui les composent que des acteurs sociaux qui leur sont extérieurs. (Di Méo, G., 1991)

A quelle échelle peut-on considérer les identités collectives? Ou s'arrête le cercle des proches, du clan ou du lignage ? Comment s'organisent les liens entre les différentes unités sociales ? Sont-ils spatialisés ? Ainsi, on peut également raisonner à une échelle plus réduite, en terme de groupes sociaux et de territoires plus restreints. Nous touchons alors à l'unité sociale et productive de base, où souvent domine un homme chef de famille ; les sociétés d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale sont très largement patriarcales (voir doc. 17).

En pays Tamberma1 (Atacora), la société s'organise autour de la cellule familiale polygame, forme de groupement de base. Cette dernière s'intègre dans le lignage qui comprend les grands-parents, parents et leurs enfants, où les familles entretiennent des liens motivés souvent par des intérêts d'entraide et participent aux rites ancestraux dans le tata2 familial. Au-dessus, l'ensemble le plus vaste est le clan, unité supérieure référentielle pour tous les individus de la communauté. « C'est la base même de la reconnaissance sociale, on se dit de tel ou tel clan et on en est fier. >, (Deletage, V., 1998). C'est à ce niveau qu'existent des relations complexes entre les différentes branches ; ici, la religion animiste maintient l'unité du clan, du lignage et de la famille. Cette notion parait simple mais les relations qu'elle sousentend sont d'une grande complexité et presque insaisissables pour un étranger à leur groupe.

La vie sociale de référence pour les individus s'organise donc en lignages et en clans, parfois regroupés en hameaux, en villages ou en quartiers urbains. Ces groupes spatialisés distincts participent à la gestion des biens communautaires (fonciers, constructions, aménagements... etc.) ainsi qu'à l'organisation de la vie sociale et productive. Cette complexe organisation socio-spatiale représente pour les populations un gage de stabilité sociale et une garantie de la reproduction du groupe dans ses activités. Un projet de développement rural ne peut se passer de connaissances localisées de ces phénomènes sociaux, des logiques et des représentations qui les président.

Mais surtout, dans l'étude des représentations que se font les hommes de la société qu'ils composent, on ne peut s'affranchir de l'étude des rapports sociaux, entre les individus et entre les multiples unités socio-spatiales d'une communauté. La société est elle conçue selon un modèle hiérarchique ? La hiérarchie a-t-elle une traduction spatiale ? S'exprime-t-elle par des ségrégations socio-spatiales, des signes dans le paysage ? En effet, « tous ces groupes sociaux ne sont pas structurés de la même manière et ils sont loin d'être tous des modèles de démocratie. L'intérêt collectif n'est pas obligatoirement leur moteur, le consensus leur seul mode de prise de décision. >, (Rossi, G ., 2000). Au contraire, les groupes étudiés dans le cadre des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale sont fortement hiérarchisés, organisées et médiatisés par des grappes de facteurs

1 Région du Nord-est de l'Etat togolais, située sur le versant oriental de l'Atacora, sur la rive droite du fleuve Kéran.

2 Le tata est une construction, un habitat repère d'une famille et d'un clan (voir illustration de l'introduction). Il s'agit d'une sorte de concession, à l'image de la tapade du Fouta-Djalon.

LA RÉPARTITION DE L'HABITAT SUR LES VERSANTS DU FOUTA-DJALON

Dans le massif du Fouta-Djalon, la ségrégation sociale est à l'origine de la ségrégation spatiale dans le paysage. Les gens de classe vivent dans des villages à l'écart des misiide et des foulaso, dans les runde. Le modèle religieux qui déterminait le statut socioéconomique et spatial des différentes classes du Fouta-Djalon est toujours visible dans le paysage et perceptible dans les pratiques quotidiennes des individus.

DOCUMENT 18 BIS

Ci-dessus, le misiide de Falo Bowé (au N de Labé, 1958), qui perché sur son bowal, domine les runde installés près du bas-fond .

A droite, le même phénomène est observable sur le terroir de Dempo dans les Timbis (1989).

culturels, dont les composantes sont plus ou moins influentes en fonction des organisations sociales observées (voir doc.17). Parmi ces multiples facteurs, on peut retenir le lignage et ses racines historiques dans la société, le sexe, l'age, la religion, le pouvoir politique et économique.

En Afrique de l'Ouest et Centrale, les chefs de clans, les chefs de lignage, les sorciers et devins, sont très respectés voire craints, notamment pour les représentations qu'en ont les membres de la société. Par exemple, dans les croyances animistes, les chefs symbolisent les pouvoirs que leur confèrent les ancêtres et les autres esprits avec lesquels ils entretiennent des liens.

Ainsi, sur les Hautes Terres de l'Ouest Cameroun, l'unité territoriale est la chefferie ; véritable Etat, elle réunit un grand nombre de patrilignages par un fort sentiment d'appartenance à une même communauté que sacralise le chef (Fon ou Mfo). Desservant du Grand Esprit de la Montagne (Mbolom), il est responsable de la gestion de la communauté (Ngwa1), des terres, des femmes et de la justice. Ici, les chefs sont mieux écoutés par les populations que l'administration (Leplaideur, M-A., 1997) (voir note 22). Nous avons vu précédemment que de cette hiérarchie découle une occupation de l'espace sectorisée, hiérarchisée sur les versants (voir doc. 18).

Suivant le nombre de clan et leur hiérarchie que comporte le village ou la communauté, on peut distinguer parfois plusieurs chefs qui officient chacun pour leur groupement clanique (Sombas et Tamberma de l'Atacora), ou à tour de rôle.

Cette vision hiérarchique de la société est donc répandue sur notre terrain d'étude ; même si elle peut-être remise en cause2, cette structure sociale véhicule des représentations de la société par ses membres. Elle est souvent fonction de la place qu'occupe l'individu dans la hiérarchie. C'est pourquoi, les facteurs socioculturels de différentiation des individus et des groupes nous amènent à la reconnaissance des statuts sociaux et des classes sociales. Quels sont-ils ? Sont-ils traduits dans l'espace ? Sont-ils figés ou dynamiques?

Dans le Fouta-Djalon, on distingue à la tête de la pyramide sociale, l'Almamy (de l'arabe al-imâm, celui qui dirige la prière) et la branche de sa famille. Juste derrière se situe la noblesse qui comprend les familles peules à la tête des chefferies de diwal (provinces) et de misiide (paroisse) (voir doc.18 bis). Les autres familles peules sont les hommes de condition libre ; ces derniers habitent dans les foulaso, à l'écart des misiide, hameau principal de la mosquée. Le clivage de cette portion privilégiée de la société existe avec la base de la pyramide sociale, composée par les gens de classe : les esclaves captifs et les groupes d'artisans. En marge de la société évoluent différents groupes d'hommes de condition libre, des artisans parmi lesquels des forgerons, des cordonniers, des tisserands, des teinturiers, des potiers, des griots, des boisseliers, souvent d'origine Dialonké. Les traductions spatiales de la hiérarchie sociale apparaissent ici nettement, principalement en fonction des origines ethniques, de la pratique religieuse et des activités pratiquées (D'après Leyle, D., 2000).

1

« Unité de référence des populations, un tout indissociable, un véritable Pays. » (Morin, S., 1996)

2 Dynamiques sociales sur lesquelles nous reviendrons plus amplement.

Comprendre une société, cerner les logiques et les représentations qui façonnent leurs structures, ses composantes, apparaît comme fondamental dans le développement de projets. Hélas, on ne compte plus le nombre d'échecs dans le domaine des politiques de développement et de gestion de l'environnement écologique, où cette démarche fait souvent défaut.

Prenons l'exemple d'un projet rizicole en Guinée forestière, dans la région du Nimba, mis en place pour faire face à l'inefficacité du système de défriche brûlis dans un contexte de pression démographique élevée (40 hab./km²). Organisée par la polygamie1, la culture du riz sur versant est le domaine des femmes ; mais dans le cadre du projet, la riziculture dans les bas-fonds est préconisée. La lourde charge de travail que demande ce mode de mise en valeur risquait de remettre en cause la répartition du travail entre hommes et femmes, et donc toute l'organisation socioéconomique patriarcale basée sur la polygamie. Les réticences à reconsidérer le statut des femmes ont alors été masquées par de multiples prétextes dévalorisant les milieux des bas-fonds pour la culture du riz. Le projet, ainsi court-circuité par la classe sexuelle dominante, n'a donc jamais abouti, dans l'incompréhension des coopérants responsables du projets. (D'après Rossi, G., 2000).

Dans le Fouta-Djalon, le même problème émerge progressivement avec le développement du maraîchage dans les bas-fonds où les femmes, et surtout les anciennes captives, qui sont les instigatrices du mouvement de descente dans les bas-fonds, jouent un rôle prépondérant. Elles sont les premières à avoir mis ces espaces répulsifs et réputés insalubres en valeur. Et elles en retirent aujourd'hui d'importants bénéfices qui ne sont pas que financiers. Cette tendance a d'ailleurs influencé considérablement les institutions gouvernementales et les ONG dans leur choix de soutenir prioritairement la gente féminine qui, par ce biais, recherche la possibilité de s'affranchir d'un joug marital et social trop pesant et d'offrir à leurs enfants et à elles-mêmes une émancipation et des perspectives d'avenir qu'elles estiment plus intéressantes. Le président de la CRA2 de Labé, El Hadj Mamadou Bilo Baldé Kompaya, n'entrevoit l'avenir agricole de la sous-préfecture qu'en favorisant dans un premier temps le travail des femmes. Celui-ci apparaît aujourd'hui comme un moteur du développement rural. (D'après Beuriot, M., 2000).

Longtemps réticents à travailler ces espaces, « domaine des captifs », les hommes de descendance peule, conscients des risques sociaux que représentent pour eux l'émancipation des femmes et des anciens captifs, refusent aujourd'hui le prêt de leurs bas-fonds aux particuliers, aux groupements, de surcroît si une ONG ou les services techniques locaux encadrent ces opérations de mise en valeur. L'échec du projet aménagé de Foduyé (voir illustration de la troisième partie), sur les hauts plateaux centraux de Labé-Timbi, est, au-delà de la mauvaise conception de ses aménagements hydro-agricoles, le résultat d'un véritable sabotage social : les élites sociales ne voulaient pas être concurrencées par l'émergence d'une élite économique ; et parce que les terres leur appartiennent, certains grands

1 « Avoir beaucoup de femmes, c'est avoir beaucoup de main d'oeuvre » (Alpha Moktar Bah, FoutaDjalon, enquêtes personnelles, 2000)

2 Chambre Régionale de l'Agriculture

propriétaires locaux ont annulé les prêts engagés, prétextant une mise en valeur de leurs parcelles ; qui fut effective, mais qui fut l'oeuvre de leurs femmes et sur de faibles superficies comparées à celles engagées par les prêts.

Quel que soit le jugement qu'on porte sur les « détournements », les accaparements ou les neutralisations de projets, ils expriment un profond désaccord avec le projet technique, politique ou social proposé par une structure exogène ; ils dénoncent l'inadéquation du contenu du projet avec les logiques de leur société, ce qu'elles représentent pour eux. Nous verrons cependant dans le troisième chapitre que ces sociétés, par l'intervention d'acteurs exogènes ou allogènes, sont aujourd'hui confrontées à des dynamiques contemporaines qui modifient parfois profondément leurs représentations.

Afin de faciliter les pistes d'identification et de lecture des représentations, nous avons choisi d'aborder en premier lieu celles qui émanent de l'homme, de sa société, et de son statut dans la hiérarchie sociale, avant de nous pencher sur les images du milieu. Pourtant, même si les pays du Nord font aisément une distinction entre la société et le milieu, pour les communautés d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale, cette dichotomie n'existe pas forcément, les hommes et leur environnement formant un tout.

CHAPITRE 2 :
LES SOCIÉTÉS CONFRONTÉS A LEUR MILIEU : UNE SOURCE DE REPRÉSENTATIONS

Dans le système de pensée occidental actuel, les individus et les sociétés entretiennent avec leur environnement biophysique des rapports pour l'essentiel d'ordre économique, technique et matériel. Or nous avons abordé précédemment sur les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale ces rapports avec leur milieu qui relèvent de fondements culturels, sociaux et économiques bien différents.

Pour Rossi G. (2000), les pratiques de gestion des sociétés, souvent très élaborées, sont fondées sur une intime connaissance empirique de leur milieu physique, sur la représentation qu `elles en ont tirée, sur les liens religieux, spirituels, qu'elles entretiennent avec les éléments naturels/surnaturels qui le composent. Le but de cet ensemble de conceptions, de liens et de pratiques, résultats d'évolutions multiséculaires, est d'assurer la survie et la reproduction du système communautaire.

Ainsi, dans la perspective de compréhension des systèmes de représentations des hommes, il s'avère nécessaire de s'interroger sur la manière dont ils conçoivent les rapports avec leur milieu.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand