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La modification du contrat de travail en droit congolais

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par Serge DIENA DIAKIESE
Université protestante du Congo - Licence en droit économique et social 2004
  

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INTRODUCTION

Les rapports sociaux sont souvent frappés du sceaux des conflits. Ce constat stigmatise en réalité la nature même des positions respectives occupées par les auteurs de la vie économique. La subordination et la hiérarchie, qu'elles soient juridiques ou économiques, martèlent les relations du travail au point de transformer parfois ces dernières en joutes censées traduire la rivalité d'intérêts : d'un côté ceux des salariés et de l'autre ceux de l'employeur. On est tenté de douter de l'authenticité de cette toile manichéenne qui emprunte volontiers les couleurs de l'exagération et du paroxysme : le fort contre le faible, « le pot de fer contre le pot de terre ». Le contrat de travail ne serait autre que la mise sous forme de cette confrontation. « Puisque aucun homme n'a une autorité naturelle sur son semblable, et puisque la force ne produit aucun droit, restent donc les conventions pour base de toute autorité légitime parmi les hommes »1(*). Excès de simplicité ou erreur au sein de l'analyse de l'essence même de la vie de l'entreprise, il est un point qui brille par sa certitude : la réussite de l'employeur est liée au bien-être du salarié. C'est finalement l'alliance d'intérêts qui scelle le contrat de travail. Cette union sacrée commande, afin de connaître une certaine longévité, en même temps qu'une tempérance dans la revendication des protagonistes, une nécessaire adaptation de la relation contractuelle. Cet instant, qui devrait se dérouler dans le calme et la sérénité, est fréquemment marqué par l'existence de dialogues houleux et canalise les tensions. Cela explique le contentieux naissant à l'heure de la modification du contrat de travail.

Au sein du contentieux de la modification du contrat de travail divers pouvoirs, divers principes s'affrontent : d'une part, le pouvoir de direction, d'organisation et de réorganisation de l'employeur, ainsi que l'intérêt de l'entreprise et d'autre part la force obligatoire du contrat et la protection du salarié.

L'article L 121-1 C.Trav. dispose que « le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun. Il peut être constaté dans les formes qu'il convient aux parties contractantes d'adopter ». Or, l'article 1134 C.CIV. dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ». Cet article 1134 C. Civ. légitime la force obligatoire attachée au contrat et l'immutabilité de l'accord de volonté sous l'adage pacta sunt servanda. Il est ainsi interdit de réviser les conventions pour imprévision2(*).

En droit du travail, il est fréquemment fait appel au droit commun des contrats. On assisterait même selon certains auteurs à un retour aux sources des techniques contractuelles, au principe de la force obligatoire du contrat qui entraîne des solutions, quant au contentieux, plus justes, « qui dit contractuel dit juste » 3(*).

L'utilisation des principes du droit contractuel est généralement présentée comme protectrice du salarié4(*) : « l'exécution de bonne foi du contrat de travail entraîne pour l'employeur le devoir d'adapter ses salariés à l'évolution de l'emploi »5(*) ; « le licenciement économique du salarié n'aura lieu que si le reclassement de l'intéressé dans l'entreprise n'est pas possible »6(*) ; « l'employeur doit proposer aux salariés concernés des emplois disponibles de même catégorie ou à défaut de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification substantielle des contrats de travail »7(*). La jurisprudence manifeste un souci sans cesse plus croissant de consolider l'emploi du salarié et ce grâce aux techniques juridiques civilistes.

Ainsi, au terme du second alinéa de l'article 1134 C.CIV., le contrat peut être modifié d'un commun accord.

Si le contrat de travail reste un acte soumis au droit commun des contrats, son régime est à bien des égards dérogatoire. Ainsi, le contrat de travail subsistera en cas de modification de la situation juridique de l'employeur, ce qui peut constituer une entorse à l'effet relatif des conventions8(*). En effet, l'article L. 122-12 alinéa 2 C. Trav. dispose que « s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise». 

Le contrat de travail est communément défini comme la convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre sous la subordination de laquelle elle se place moyennant une rémunération. En théorie, à partir de l'échange des consentements, les parties au contrat s'engagent réciproquement et définitivement9(*), solus consensus obligat10(*). Mais, le contrat de travail est un contrat à exécution successive qui est, en conséquence, très sensible aux transformations11(*). On emploie parfois l'expression « d'attrait du transformisme » pour mettre en exergue cette nécessaire évolution des rapports sociaux12(*).

Le problème tangent au contrat de travail est le risque d'immobilisme alors que l'entreprise doit, dans un contexte où les technologies ne cessent de se développer et où la concurrence fait rage, s'adapter aux contraintes exogènes. Le contrat de travail généralement est passé rebus sic habentibus, en fonction des circonstances présentes, ce qui nécessite son adaptation.

Déjà durant le Bas-Empire romain, il existait pour un des contractants un droit, le jus paenitendi, de se retirer quand la période était marquée par l'instabilité économique. La loi Aede permettait quant à elle de résilier le contrat lorsque les circonstances différaient de celles initiales13(*). Aujourd'hui encore, en droit administratif, l'administration peut se délier unilatéralement des contrats par elle signés ou y apporter des modifications substantielles aux conditions d'exécution.

Il est par ailleurs important de noter qu'un des éléments constitutifs du contrat de travail est le lien de subordination existant entre l'employeur et le salarié.

La convention ne sera qualifiée de contrat de travail que si preuve est faite du lien de subordination juridique existant entre les parties14(*).

Découle de ce lien le pouvoir de direction de l'employeur qui lui donne le droit d'organiser et de réorganiser son entreprise. Le salarié se place sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directions, de contrôler l'exécution du travail et de sanctionner le cas échéant le salarié, ainsi qu'un droit d'aménagement des relations contractuelles15(*). Lors de la formation du contrat de travail, le salarié donne son accord tacitement pour les changements de conditions de travail intervenant dans l'intérêt de l'entreprise. Cet état de subordination est inhérent au contrat de travail, librement conclu et accepté qui permet, en application de l'article 1134 C. Civ., à l'employeur d'imposer certains changements dans les rapports entretenus avec son effectif16(*). Il existe en ce sens une présomption simple17(*). Outre un pouvoir sur les choses, pouvoir de gestion de capital, ce pouvoir est doublé d'un pouvoir sur les hommes. Malgré ce pouvoir de gestion du personnel, l'employeur n'est pas en droit de transgresser les termes fondamentaux du contrat de travail. S'il franchissait les limites fondamentales de la convention, la rupture de son contrat de travail serait de sa responsabilité18(*).

M. Thiébault affirme pour sa part que le pouvoir réglementaire de l'employeur, certes borné depuis la fin de la jurisprudence qui faisait de cet employeur le seul juge du règlement du mode de vie au sein de l'entreprise, découle davantage de la fonction économique plutôt que de la situation du cocontractant juridiquement subordonné19(*) .

Pour pallier aux éventuels écueils attachés au lien de subordination découlant du contrat de travail20(*), il fut proposé de supprimer tout contrat individuel de travail. Cette convention aurait été supplantée par l'appartenance à l'entreprise. L'inconvénient majeur eut été de priver le salarié de la protection contractuelle dont il jouit au travers précisément de son contrat de travail. L'autre alternative du contrat de travail étant un contrat collectif de travail remplaçant le contrat individuel, le risque majeur aurait été d'assister à une dérive des rapports sociaux, dégénérant peu à peu vers un marché de la main d'oeuvre monopolisé par les syndicats21(*).

Certains auteurs avancent aujourd'hui que le salarié devrait avoir un droit de regard et de co-décision sur l'objet du travail et ses modalités, c'est-à-dire son organisation, la gestion du temps, les horaires effectifs pour allier flexibilité de l'entreprise et individuelles des travailleurs22(*).

Plutôt que de supprimer le contrat de travail, il parut plus lumineux d'éluder la subordination du salarié vis-à-vis de l'employeur en privilégiant la concertation avec les organisations syndicales ou avec le comité d'entreprise pour définir un ordre accepté23(*).

La subordination du salarié est légalement limitée par l'article L. 120-2 C. Trav. disposant que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Il existe un autre particularisme du contrat de travail : le droit de résiliation unilatérale de cette convention. Selon l'article L 122-4 C.Trav., « le contrat à durée indéterminée peut cesser à tout moment par la volonté de l'une des parties ». En vertu de l'adage « qui peut le plus peut le moins », on a déduit de ce pouvoir de résiliation unilatérale que les parties au contrat avaient la faculté de modifier unilatéralement le contrat à durée indéterminée. C'est d'ailleurs précisément cette logique qui légitimait la position jurisprudentielle qui retenait en ces termes que : « le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à tout moment par l'une des parties. Ce contrat peut également être modifié par l'employeur avec en réserve le droit du salarié de le considérer comme rompu si la modification substantielle n'est pas acceptée »24(*).

Aujourd'hui, notre contexte économique tumultueux aidant, ce droit de résiliation unilatérale représente un moyen de pression avec lequel joue l'employeur forçant le salarié à acquiescer, dans le cadre de la modification du contrat de travail25(*), sauf en ce qui concerne les salariés protégés26(*). A tel point que la révision du contrat par accord de volontés est devenue pour certains auteurs une pure fiction, d'où la responsabilité endossée par l'employeur lors de la rupture du contrat consécutive au refus de la modification27(*).

En effet, il ne faut pas perdre de vue qu'en cas de refus, le problème de la révision est transposé sur le terrain de la rupture28(*).

Le salarié, au même titre que l'employeur, peut vouloir la modification et la proposer ; toutefois, le lien de subordination juridique et économique restreint son pouvoir de conviction et son esprit d'initiative. régime du contrat à durée déterminée est en effet tout à fait différent. Aucune modification unilatérale du contrat de travail ne saurait être imposée avant l'arrivée du terme institué29(*). Il y aurait sinon, selon la jurisprudence30(*), rupture avant terme. Cette stabilité, pour Irène Gallot, serait « la contrepartie d'une précarité temporelle »31(*). Le salarié refusant la proposition de modification, subissant la rupture du contrat, aura droit au versement de son salaire jusque la fin du contrat à durée déterminée32(*).

Le traitement de la question de la modification du contrat de travail a connu une longue évolution. Etant donné qu'il n'y a pratiquement aucun texte relatif à cet épineux problème33(*), c'est vers la jurisprudence qu'il faut se tourner pour essayer de cerner le régime juridique applicable à la modification du contrat de travail.

Retraçons l'historique jurisprudentiel en cette matière :

Avant 1973 et 1975, le refus du salarié d'une modification substantielle était équivalante à un licenciement. C'était, selon A. Brun, la théorie des «équipollents »34(*). Le salarié avait droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Encore récemment, dans un arrêt en date du 15 juillet 1998 -Pagano-, la Cour de cassation a retenu que « la refus par le salarié d'accepter une modification du contrat s'analyse en un licenciement »35(*). Il semble que des réminiscences jurisprudentielles de ce type occupent encore le devant de la scène. Mais, ces décisions sont isolées.

En cas de refus d'une modification substantielle opposé par le salarié, la rupture était, déjà à cette époque, imputable à l'employeur.

Le refus de la modification non substantielle n'entraînait aucune faute imputable au salarié36(*). Au contraire, si le salarié n'était pas démissionnaire, l'employeur endossait la responsabilité juridique de la rupture du contrat de travail37(*).

Par ailleurs, le salarié resté silencieux était présumé avoir accepté la modification. En conséquence, il ne pouvait réclamer le rétablissement du contrat de travail dans ses conditions antérieures.

Le pouvoir de direction de l'employeur lui donnait la faculté de modifier les conditions d'exécution du travail et les dispositions du contrat. Ce pouvoir avait pris l'ascendant sur la force obligatoire du contrat et l'article 1134 C.CIV.

Puis, avec la loi du 13 juillet 1973 et celle du 3 janvier 1975 subordonnant le licenciement économique à l'autorisation administrative, la doctrine va peu à peu prendre le contre-pas de la jurisprudence qui faisait du droit de la modification unilatérale du contrat par l'employeur, le «corollaire de la résiliation unilatérale »38(*).

Influencée sans nul doute par la doctrine, la Cour suprême opéra un revirement de jurisprudence le 8 octobre 1987 dans ses arrêts Raquin et Trappiez39(*), avec pour visa l'article 1134 C.CIV.

Désormais, lorsqu'il s'agit d'une modification substantielle, la poursuite aux nouvelles conditions ne vaut plus acception automatique. Il faut l'accord du salarié pour qu'une modification substantielle ait un impact juridique sur le contrat de travail. En cas de refus, l'employeur doit prendre l'initiative de la rupture sauf à maintenir les conditions antérieures du contrat de travail.

Lorsque la modification est non substantielle, celle-ci s'impose au salarié. En 1992, la Cour de cassation40(*) affirma que « le refus n'entraînait pas automatiquement rupture du contrat, à défaut de démission non équivoque, ce refus n'étant qu'un manquement aux obligations pouvant être sanctionné par un licenciement ».

Le 10 juillet 199641(*), la Haute juridiction changea de terminologie en substituant aux expressions «modification substantielle » et « modification non substantielle » celles de « modification du contrat de travail » et « changement dans les conditions de travail », créant ainsi une nouvelle summa divisio. Selon le conseiller à la Cour de cassation Philippe Waquet, ce changement de terminologie oppose les effets du contrat aux effets du pouvoir de direction de l'employeur, noyau dur des conditions de travail et contractualisation à la flexibilité et au pouvoir de direction42(*) .

Reprenons la logique de démonstration du Doyen Waquet tendant à prouver que la jurisprudence ne pouvait qu'aboutir à cette modification.

Avant 1996, on opposait modification substantielle et non substantielle. A ce propos, M. Morand pour illustrer cette distinction affirme que la Cour de cassation distinguait « coup de hache » (modification substantielle) et «coup de canif » (modification non substantielle)43(*), l'importance de la mesure permettant de qualifier celles-ci.

Par modification substantielle, il fallait entendre celle qui portait sur des éléments considérés comme essentiels du contrat de travail. Quant aux modifications non substantielles, elles n'affectaient que des éléments secondaires ou accessoires du contrat sans porter atteinte à la base des relations contractuelles44(*).

Nombre d'auteurs avait soulevé à ce propos une incohérence sémantique.

En effet, une modification substantielle vise l'économie du contrat. Le terme "substantielle" désigne ce qui est important. Dès lors, seule une atteinte grave au contrat constituerait une modification du contrat. Par conséquent, par le biais d'une modification non substantielle, on pourrait unilatéralement changer le contrat de travail si l'atteinte n'est pas trop importante ; l'article 1134 C.CIV., en cela, ne serait pas respecté.

Naguère, la jurisprudence analysait la qualification de la modification par rapport aux effets de la modification, c'est-à-dire à la lumière du préjudice causé par le changement sur la situation contractuelle. Désormais, c'est au regard de l'objet de la modification que s'appréciera la modification45(*).

L'évolution en cette matière a été amorcée par une jurisprudence relative aux salariés protégés : Le 26 juin 1991, la Cour de cassation avait retenu «qu'en cas de refus par un salarié protégé d'une modification du contrat de travail, substantielle ou non, l'employeur pouvait engager une procédure de licenciement et devait demander l'autorisation à l'inspecteur du travail » 46(*). Ainsi, ici, le caractère substantiel ou non de la modification importait peu, seule l'existence d'une modification emportait le droit, si elle était refusée, de mettre en mouvement la procédure spéciale. Puis, le 23 septembre 1992, la Cour suprême affirma que « une modification du contrat du contrat de travail ou de condition de travail ne peut être imposée à un représentant du personnel, l'employeur pouvant engager la procédure de licenciement en cas de refus »47(*). La dichotomie généralisée en 1996 apparaissait expressément à cette occasion.

La scission entre la modification du contrat de travail et modification dans les conditions de travail est donc apparue dans une décision relative aux salariés protégés.

Enfin, la Cour de cassation, par deux arrêts rendus le 10 juillet 1996, a retenu que «le refus par un salarié de continuer le travail ou de le reprendre après un changement de ses conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction est en principe une faute grave » 48(*).

Désormais, on utilise les expressions «modification du contrat de travail » et « changement des conditions de travail ».

Le contrat de travail cause deux contentieux de la modification : celui de la sphère contractuelle et celui de la phase d'exécution. Le socle contractuel n'est pas modifiable unilatéralement, socle régi par la directive communautaire du 14 octobre 1991, même si le contrat peut prévoir des clauses permettant à l'employeur de modifier sans l'accord du salarié le contrat de travail, le salarié se dessaisissant en quelque sorte de son droit de refuser la modification.

En revanche, l'exécution du contrat de travail rentre dans le domaine du pouvoir de direction et d'organisation du travail de l'employeur. Ce pouvoir est toutefois limité par la discrimination, interdite par la loi, et par l'abus de droit. Le salarié peut, en apportant la preuve d'un abus dans l'attitude de l'employeur, se voir octroyer des dommages et intérêts en réparation de son préjudice49(*). La Cour de cassation recherchera si la modification est intervenue dans l'intérêt de l'entreprise ou si l'employeur a agit dans une intention malveillante ou avec une légèreté blâmable50(*).

Le réel enjeu attaché à la qualification de la modification du contrat de travail est que face à une révision du contrat de travail, l'accord du salarié est requis, la rupture des relations de travail étant imputable à l'employeur. Si la modification entraîne un simple changement de conditions de travail, le changement s'impose au salarié puisque étant du ressort du pouvoir de direction et d'organisation de l'employeur. Cependant, le refus du salarié n'entraînera pas automatiquement rupture du contrat, à défaut de démission non équivoque, l'employeur devant prendre l'initiative de cette rupture.

A l'issue de ces quelques précisions, n'est-ce pas aller trop vite en besogne que de conclure qu'il n'existe plus de contentieux de la modification du contrat de travail ?

Moult hypothèses nous démontrent la difficulté de déterminer ce qui est constitutif d'une modification du contrat de travail ou d'un simple changement de condition de travail. Certains auteurs déplorent cette incertaine distinction pour l'employeur, voyant en cela une évolution tendant à favoriser le salarié, « le faible contre le fort, l'intérêt de la collectivité des salariés contre l'intérêt de l'entreprise »51(*).

Ainsi, le projet de recherche de candidats à des mesures de temps partiel indemnisé ou de préretraite progressive n'entraîne pas rupture du contrat de travail, ne donnant pas lieu à l'intervention de l'article L. 432-1 C. trav., aucune proposition de modification du contrat de travail n'étant émise à cette occasion, s'agissant de simple mesure de gestion prévisionnelle du personnel52(*). La difficulté réside donc dans le fait de savoir si ces mesures qui n'entraînent pas rupture du contrat de travail sont ou non des propositions de modification du contrat de travail53(*).

La modification du contrat de travail sera mise en exergue lorsqu'un élément essentiel du contrat aura fait l'objet d'une révision. Ces éléments seront jugés comme essentiels lorsqu'ils auront déterminé le consentement des parties lors de la conclusion du contrat de travail ou lorsque la modification bouleversera les conditions de vie ou de travail du salarié. A l'inverse, on sera en présence d'un simple changement des conditions de travail quand l'aménagement ne concernera que les conditions de travail ou d'emploi du salarié sans entraîner pour autant de bouleversement, ce qui constitue le cadre du pouvoir de direction et d'organisation de l'employeur, le salarié consentant par avance aux dites modifications54(*).

En conséquence, la détermination de la modification de contrat de travail retiendra notre attention dans une première partie. Nous saisirons cette occasion pour mettre en exergue les deux origines de la révision, tantôt contractuelle tantôt collective. Nous nous apercevrons que la modification peut-être causée par différents facteurs.

Par ailleurs, en raison de la volonté législative de réguler une situation pouvant déboucher sur des licenciements de masse, de la même manière qu'il existe une procédure particulière lorsqu'un licenciement a un motif économique, la modification du contrat de travail avec un motif économique doit, pour être régulière, suivre certaines conditions, prévues et réglementées par la loi quinquennale55(*) du 20 décembre 1993, en son article 47. En toute logique, la seconde partie fera place à la procédure de mise en oeuvre de la modification du contrat de travail, de l'information préalable de certains organes aux conséquences sur le licenciement d'un refus de modification du contrat de travail.

* 1 J.J. Rousseau : Du contrat social - G.F., Flammarion, 1992.

* 2 H. Roland et L. Boyer : Adages en droit français - Litec, 3ème éd., 1992, n° 293, p. 618.

* 3 G. Couturier : Techniques civilistes et droit du travail, chronique d'humeur à partir de quelques idées reçues - D. 1975, Chron. XXIV et XXXVI, p. 152.

* 4 J. Savatier : La modification unilatérale du contrat de travail - Dr. Social 1981, p. 219.

* 5 Cass. Soc. - 25 février 1992 - B.C., V, n° 122.

* 6 Cass. Soc. - 1er avril 1992 - B.C., V, n° 228.

* 7 Cass. Soc. - 8 avril 1992 - B.C., V, n° 258. ; également en ce sens : Cass. Soc. - 4 avril 1995 - Dr. Social 1995, p. 510.

* 8 H. Bouilloux : Adaptabilité du contrat de travail - Dr. Ouvrier, décembre 1997, p. 487.

* 9 Dalloz Action : droit de l'emploi 98 : n°1501.

* 10 « Le consentement oblige à lui seul » - H. Roland et L. Boyer, préc., n° 399, p. 849.

* 11 Irène Gallot : Répertoire Dalloz, Droit du travail, Recueil : Contrat de travail, 1991, p.2, n°1.

* 12 B. Teyssié : Modification du contrat de travail, instrument de gestion de l'entreprise - Dr. Social 1986, p. 852.

* 13 H. Roland et L. Boyer : Adages du droit français - Litec, 3ème éd., 1992, n° 372, p. 775.

* 14 Cass. Soc. - 13 décembre 1996 - Dr. Social 1996, p. 1067, obs. J.J. Dupeyroux.

* 15 Lamy social 1998, préc., p. 483.

* 16 G. Lyon-Caen : Du rôle des principes généraux de droit civil en droit du travail, rapports entre droit civil et droit du travail - R.T.D.Civ. 1974, p. 233.

* 17 B. Teyssié, préc., p. 857.

* 18 P. Salvage : Application du nouveau droit du licenciement à la modification du contrat de travail - J.C.P. 1977, éd. C.I., II, 12559, p. 495.

* 19 M. Thiébault : L'employeur et le juge - Dr. Social 1997, p. 133.

* 20 Voir sur ce point : T. Aubert-Monpeyssen : Subordination juridique et relation de travail - éd. C.N.R.S. 1988, préface M. Despax, spéc. p. 118 et s.

* 21 X. Blanc-Jouvan : Les relations collectives du travail aux U.S.A., thèse Dalloz, 1957. G. Lyon-Caen, préc., p. 235.

* 22 B. Trentin : Un nouveau contrat de travail - Dr. Social 1999, p. 473. ; on peut néanmoins se demander si l'article L. 432-1 C. Trav. n'effectue pas cette alliance d'intérêts. Les instances représentatives ne peuvent certes pas prendre, in fine, de décision, mais celles-ci sont entendues par l'employeur, ce qui, même si l'on peut déplorer aujourd'hui un recul du syndicalisme en France, n'est pas négligeable si l'on prend en compte le droit fondamental des salariés de faire grève.

* 23 G. Lyon-Caen, préc., p. 236.

* 24 Cass. Soc. - 24 février 1982 - D. 1982, I.R., p. 183. Déjà dans le même sens : Cass. Soc. - 26 janvier 1978 - B.C., V, n° 69.

* 25 B. Teyssié, préc., p. 857.

* 26 Voir infra, p. 87.

* 27 J. Savatier, préc., p. 221.

* 28 G.H. Camerlynck : La révision du contrat de travail - J.C.P. 1965, I, 1964

* 29.G.H. Camerlynck, préc.

* 30 Cass.soc. - 31 octobre 1996 - : Dr. Social 97, p 92, obs. H. Blaise.

* 31 I.Gallot.préc.n°7.

* 32 Lamy social 1998, préc., p. 483.

* 33 Sous l'Ancien Régime, on estimait que ce qui était du ressort des organismes professionnels rentrait dans le cadre du droit public. Néanmoins, le contrat de travail était avant tout un contrat comme les autres, traité comme tel ; il n'y avait donc pas d'interventionnisme royal en la matière.

Lors de la codification Napoléonienne, le code ne comportait que 3 dispositions relatives au contrat de travail, n'intéressant pas la modification.

Par ailleurs, le code Napoléon a été influencé par « l'optimisme révolutionnaire » qui prétendait que l'entrepreneur et l'ouvrier étant tous deux des hommes, ils étaient, partant, dotés d'une volonté libre. De la rencontre de ces libres volontés ne pouvait naître qu'un accord juste. Tous éléments contractuels étaient nécessairement justes car acceptés ( Gérard Aubin, Jacques Bouveresse : Introduction historique au droit du travail - Collect. Droit fondamental, P.U.F, 1995, p.103 et suivantes. ).

* 34 A. Brun : La jurisprudence en droit du travail - Paris, Sirey, 1967, p.285 ; G. Couturier. Préc.p.328, n°217.

* 35 Cass.soc. - 15 juillet 1998 - Dr. social 98,n°11, arrêt n°6.

* 36 Cass. Soc. - 1er mars 1961 - B.C., IV, n° 212.

* 37 Cass. Soc. - 30 mai 1958 - Dr. Social 1959, p. 26.

* 38 P.Y. Verkindt : Juris-classeur droit du travail, Révision du contrat de travail, Fasc. 30-4, p. 4, n°6.

* 39 Cass. soc. - 8 octobre 1987 - Raquin et Trappiez - : B.C., V, n°451.

* 40 Cass. soc. - 24 juin 1992 - B.C., V, n°413.

* 41 Cass. soc. - 10 juillet 1996 - B.C., V, n°278.

* 42 F. Bousez et M. Moreau : A Propos des changements apportés par l'employeur aux conditions de travail - J.C.P. 97, éd. E, I, 705.

* 43 M. Morand : Propos sur la modification du contrat de travail ou des conditions de travail : J.C.P 97. éd.E., I, 643.

* 44 Dalloz Action 98, droit de l'emploi, n°1507.

* 45 B. Boubli : Sur les modification du contrat de travail et la loi Aubry - Semaine sociale Lamy 1998, n° 897, p. 5.

* 46 Cass. soc. - 26 juin 1991- R.J.S 8-9/91, n°975

* 47 Cass. soc. - 23 septembre 1992 - R.J.S 11/92, n° 1274

* 48 Cass. soc. - 10 juillet 1996- B.C., V, n°278.

* 49 Cass. Soc. - 11 janvier 1957 - B.C., IV, n° 31.

* 50 Cass. Soc. - 10 juillet 1953 - Dr. Social 1954, p. 35. ; Plus récents : Cass. Soc. - 21 juillet 1986 - Dr. Social 1986, p. 865, obs. B. Teyssié ; Cass. Soc. - 9 mai 1990 - J.C.P. 1991, éd. E, II, 126, note F. Taquet.

* 51 M. Thiébault : L'employeur et le juge - Dr. Social 1997, p. 133.

* 52 Cass. Soc. - 12 janvier 1999 - Dr. Social 1999, p. 297.

* 53 B. Teyssié : De Framatome à I.B.M - J.S.L. 1999, n° 31.

* 54 Lamy social 1998, Guide, p. 264.

* 55 Loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1998 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnel (J.O. 21 décembre 1993).

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