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La sécurité juridique du contribuable dans le droit fiscal tunisien

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par Mariem Dhouib
Ecole supérieure de commerce de Sfax (Tunisie) - Maitrise en sciences comptables 2004
  

Disponible en mode multipage

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Table des matières

INTRODUCTION 3

PREMIÈRE PARTIE : LA SÉCURITÉ DE LA RÈGLE DE DROIT FISCAL TUNISIEN ? 5

CHAPITRE 1 : LES GRANDS PRINCIPES DE SÉCURITÉ JURIDIQUE 5

Section 1 : Notion, importance et intérêt de la sécurité fiscale 5

Section 2 : Statut juridique du contribuable 6

Section 3 : Principes juridiques assurant la sécurité du contribuable 6

Sous section 1 : Principe de légalité de l'impôt 6

Paragraphe 1 : Etendu du principe de légalité 7

Paragraphe 2 : Limite du principe de légalité 7

Sous section 2 : Principe d'intelligibilité et d'accessibilité 8

Paragraphe 1 : Etendu du principe d'intelligibilité et d'accessibilité 9

Paragraphe 2 : Limite du principe 9

Section 4 : Principes économiques assurant la sécurité du contribuable 10

Sous section 1 : principes de "simplicité et de stabilité" 10

Paragraphe 1 : Etendu du principe "de simplicité et de stabilité" 11

Paragraphe 2 : Limite du principe "de simplicité et de stabilité" 11

CHAPITRE 2 : L'INSÉCURITÉ FISCALE AU DROIT TUNISIEN 12

Section 1 : L'utilisation de l'outil fiscal à des fins économiques et sociales 12

Section 2 : Le productivisme juridique 14

Section 3 : L'interprétation des normes fiscales 15

Sous-section 1 : L'interprétation faite par l'administration fiscale 16

Sous-section 2 : L'interprétation faite par le juge fiscal 18

Sous-section 3 : L'interprétation faite par le législateur 19

Sous-section 4 : la rétroactivité des lois fiscales 21

Paragraphe 1 - l'application de la loi de finance à l'exercice précédent 22

Paragraphe 2 - La rétroactivité des lois fiscales interprétatives 22

Sous-section 5 : L'absence de protection législative contre le changement de la doctrine administrative 24

DEUXIÈME PARTIE : LA LUTTE CONTRE LES CONSÉQUENCES FUNESTES DE L'INSÉCURITÉ FISCALE ! 26

CHAPITRE 1 : CONSÉQUENCES ET EFFETS DE L'INSÉCURITÉ JURIDIQUE DU CONTRIBUABLE 26

Section 1 : L'effet d'inhibition fiscale 27

Section 2 : L'évasion fiscale 28

Section 3 : La fraude fiscale 29

Section 4 : Relation conflictuelle entre administration et contribuable 31

CHAPITRE 2 : DE QUELQUES RÉFLEXIONS PROSPECTIVES 32

Section 1 : La technique du rescrit fiscal ou "ruling" 33

Section 2 : Amélioration de la qualité de la norme fiscale 34

Sous-section 1 : Améliorer la qualité du débat public en matière fiscale 34

Sous-section 2 : Rendre la loi fiscale plus compréhensible par les contribuables 35

Sous-section 3 : Entreprendre une réécriture des codes fiscaux 36

Sous-section 3 : Réduire les commentaires de la loi fiscale 37

Section 2 : Renforcer la sécurité juridique en droit fiscal 38

Sous-section 1 : Renforcer le contrôle constitutionnel des lois fiscales 38

Sous-section 2 : Encadrer strictement la rétroactivité de la norme fiscale 40

Sous-section 3 : Instituer une protection législative du contribuable contre le changement de doctrine administrative 41

CONCLUSION GENERALE 43

INTRODUCTION

L'imparfaite intégration de "l'impôt" dans les tissus sociaux des différents pays, date déjà de plusieurs années. Cela pourrait, bien sûr, être expliqué par le fait que l'Homme, égoïste de nature, accepte mal l'idée de partager sa richesse. Mais au-delà de cette idée traditionnelle, on peut ajouter que l'état actuel d'une fiscalité obscure, complexe, confiscatoire et source d'incertitude, rend cette dernière difficilement compréhensible par ses usagers et par voie de conséquence l'impôt devient alors la principale contrainte pour le citoyen.

Dans ce contexte A. Smith (1776) préconisait que la fiscalité devrait se doter d'une qualité essentielle : "la taxe ou portion d'impôt que chaque individu est tenu de payer doit être certain et non arbitraire. L'époque de payement, le mode de payement, la quantité à payer, tous cela doit être clair et précis tant pour le contribuable qu'aux yeux de toute autre personne". 1(*)

Cette qualité "la certitude" se trouve à la base de la notion de "sécurité juridique du contribuable en droit fiscal", objet de cette étude. Ce principe suppose qu'en toute sécurité, le contribuable pourra effectuer des prévisions juridiques sur le fondement des textes fiscaux et pouvoir compter sur ces prévisions. Mais avant d'atteindre cette finalité, le contribuable se trouve confronté à de nombreux problèmes, qui ne sont pas dû seulement aux multiplicités techniques de la fiscalité, mais aussi à la diversité des ressources de la matière.

En plus, d'autres dimensions s'en ajoutent à savoir les nouvelles contraintes qui s'imposent à l'Etat du fait de l'ouverture des frontières et la libéralisation de l'économie. Ce qui nécessite d'une part, l'amélioration des ressources budgétaires et d'autre part, la mise en oeuvre d'un système fiscal compétitif. Mais ces deux objectifs certes ne peuvent pas être facilement réunis. Un défi est ainsi lancé à l'Etat, qui décidera du sort du contribuable.

Par conséquent, d'un outil purement financier à un outil de politique économique, l'impôt et par la suite la fiscalité passent par de multiples changements, que seul le contribuable en subira les conséquences.

N'est-il pas temps de lui accorder un certain degré de sécurité fiscale ?

N'est il pas temps d'aborder ce sujet longtemps négligé dans notre pays ?

Pour cela il est indispensable de nous demander, jusqu'à quel niveau le principe de sécurité juridique est-il respecté dans le cadre de la fiscalité tunisienne ?

Cette étude portera donc sur l'état actuel du droit fiscal tunisien en matière de sécurité juridique (objet d'une première partie) ainsi que les possibilités de perfectionnement de notre système fiscal actuel en faveur de la sécurité du contribuable (objet d'une deuxième partie)

Cette recherche sera réalisée sur la base d'une consultation de la littérature fiscale et d'une analyse de certains textes de loi.

Première partie : La sécurité de la règle de droit fiscal tunisien ?

La sécurité fiscale suppose qu'il existe un droit fiscal constitué par un corps de principes et de règles aisément identifiables, qui permettent de déterminer avec certitude le montant des impositions mises à la charge du contribuable.

Bien que non expressément édicté par une disposition d'ordre constitutionnel, le principe de sécurité juridique est revendiqué par la grande majorité des auteurs fiscalistes. Il se trouve en fait, au coeur des préoccupations de la nouvelle culture fiscale.

En ce contexte, plusieurs principes caractérisants le droit fiscal préconisent " la sécurité juridique du contribuable " vu que ce dernier est réputé être la partie la plus faible des deux protagonistes du système fiscal (administration et contribuable).

CHAPITRE 1 : LES GRANDS PRINCIPES DE SÉCURITÉ JURIDIQUE

Section 1 : Notion, importance et intérêt de la sécurité fiscale

Selon François Luchaire, "la sécurité juridique est un élément de la sûreté. A ce titre, elle a son fondement dans l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui place la sûreté parmi les droits naturels et imprescriptibles de l'homme, au même titre que la liberté, la propriété et la résistance à l'oppression". 2(*)

En dépit de la différence du contexte qui sépare le monde contemporain de celui il y a deux siècles, cette disposition nous parait toujours d'actualité, et le fait d'accommoder cette définition, d'ordre général, aux spécificités du droit fiscal, on pourrait en conclure que les concepts de sûreté et de certitude sont à la base du principe de sécurité. Ce dernier suppose alors, que la réglementation qui impose les charges au contribuable devrait être suffisamment claire et précise, afin qu'il puisse aisément se prévaloir de ses droits et respecter ses obligations.

Ainsi selon F. Douet " En matière fiscale, la sécurité juridique consiste donc à garantir aux contribuables le montant des impositions mises à leurs charges de telle manière que chacun d'entre eux puisse prévoir et compter sur ce résultat ".3(*)

Il s'agit donc de conférer au contribuable une certaine protection de droits, à défaut de laquelle les lois, surtout à caractère répressif, peuvent être alors établies d'une façon arbitraire, rendant ainsi illusoire toute prévision.

Bien que la sécurité apparaît ici comme un principe juridique important, il ne figure désormais pas parmi les principe généraux du droit fiscal tunisien, toutefois, certains de ces principes s'y rattachent directement à savoir : le statut du contribuable, le principe de légalité, d'intelligibilité et d'accessibilité et celui de simplicité et de stabilité.

Section 2 : Statut juridique du contribuable

En droit fiscal tunisien, le statut du contribuable se présente comme suit :

- De nature légal et réglementaire, écartant ainsi tout aspect contractuel.

- Le contribuable bénéficie d'une sécurité juridique qui le protège, dans une certaine mesure, contre la remise en cause des situations légalement acquises.

- Le respect de la sécurité juridique relève de la responsabilité du juge fiscal.

Ainsi, le statut du contribuable découle certes des différents principes de droit et surtout celui de la légalité fiscale.

Section 3 : Principes juridiques assurant la sécurité du contribuable

Sous section 1 : Principe de légalité de l'impôt

Il est de fait que le contribuable, en exerçant son devoir, doit être à l'abri de tout arbitraire fiscal. En l'occurrence, le législateur tunisien consacre le principe de légalité fiscale, en vertu duquel, seule la loi a la compétence d'instituer les impôts et de fixer les différents régimes juridiques d'imposition, en d'autre termes " l'instance parlementaire a l'exclusivité d'instituer les prélèvements fiscaux et déterminer leurs régimes".

Paragraphe 1 : Etendu du principe de légalité

Le principe de légalité date déjà de plusieurs siècles; en fait, il a été posé dés le moyen age, et plus précisément, avec la grande charte de 1215 en son §12, il a été affirmé plus tard, par l'article 14 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Il importe aussi de signaler qu'il existe un principe synonyme au principe susvisé ; celui du consentement de l'impôt, en vertu duquel, les contribuables acceptent de payer l'impôt car ce dernier a été établi et voté par leurs représentants parlementaires dans un but d'intérêt général. Le pouvoir de créer un impôt est donc réservé à la chambre des députés, ce qui implique une série de conséquences : de prime abord, pas d'impôt sans texte, de ce fait il n'appartient à aucune autorité, autre que le législateur, d'instituer un impôt, de définir son assiette, son taux et son mode de recouvrement, corrélativement, il ne peut y avoir d'exonération sans loi.

Le principe de légalité se trouve ainsi consacré à travers l'article 34 (ancien) de la constitution, selon lequel il revient à la loi la compétence exclusive de déterminer les règles relatives à " l'assiette et aux taux des impôts au profit de l'Etat ".4(*)

Paragraphe 2 : Limite du principe de légalité

En principe le législateur a le monopole de la législation fiscale. Ainsi " la règle, que l'impôt doit être consenti par les représentants du peuple, est apparue alors comme l'une des modalités essentielles de mise en oeuvre de la souveraineté populaire ". 5(*) Toutefois la technique de délégation apparaît comme la principale limite du domaine de la loi.

Selon J.L Guineze, la délégation est " l'acte unilatérale par lequel une autorité, qui a été habilitée, transfère une partie de sa compétence ". Le transfert ne peut être effectué qu'en vertu d'un texte préexistant qui l'autorise. Dans ce sens, l'article 34 de la constitution (déjà mentionné) a été modifié par la loi n° 65 du 27 octobre 1997. La nouvelle formule de l'article 34 s'éloigne de l'ancienne. En effet, la révision a limité le domaine de la loi et a conféré au président de la république la délégation par les lois de finances et les lois fiscales; en outre, ce dernier peut décider en matière fiscale, par les décrets initiatifs inscrits à l'article 35.

De ce fait il y a interférence de compétences en matière fiscale, le pouvoir de fixation de la norme se partage ainsi entre le législatif et le réglementaire; d'où La remise en cause du principe de légalité. A cet égard certains auteurs parlent même de "déclin de ce principe". 6(*)

Le développement de la technique de délégation donne lieu à " une fiscalité gouvernementale " qui nécessite, bien évidement, un système de contrôle ayant pour but la légalité fiscale. Cette notion de fiscalité gouvernementale renvoi aussi à l'administration fiscale qui, par sa doctrine, dépasse parfois son rôle interprétatif et légifère en matière fiscale. A cet égard, le Pr. H.Ayadi parle de "prévalence de la doctrine administrative sur la loi". 7(*)

Sous section 2 : Principe d'intelligibilité et d'accessibilité

En premier lieu la norme juridique doit être accessible, cela suppose que les destinataires soient en mesure de la saisir afin de connaître les conséquences de leurs actes, " à défaut, les sujets de droit seront soumis à des normes dont ils ignoraient la vocation, à régir leurs situation. Une norme juridique non aisément accessible est donc un facteur d'insécurité". 8(*)

En second lieu, la norme doit être intelligible; cela signifie que le vocabulaire, la structure et la rédaction, doivent être simples clairs et compréhensibles ne laissant qu'une marge réduite d'interprétation.

Paragraphe 1 : Etendu du principe d'intelligibilité et d'accessibilité

En matière fiscale, pour un objectif de sécurité et de bonne application, la norme doit être accessible, aussi bien qu'intelligible, en raison de la forte créativité législative et réglementaire propre à ce domaine, en ce sens, le conseil constitutionnel français considère que "l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi sont des objectifs à valeur constitutionnelle".

L'existence de textes fiscaux clairs, explicites et facilement accessibles pour tous, est de nature à accroître le sentiment de sécurité fiscale chez le contribuable, en revanche une forte complexité des textes est créatrice d'insécurité juridique.

Paragraphe 2 : Limite du principe

M.Cazin Arnaud a remarqué que " nul n'est censé ignorer la loi, mais personne ne peut plus la connaître. Réconcilier le citoyen avec ses lois, c'est d'abord élaguer, simplifier, supprimer les doublons, bref rendre accessible ". 9(*) En effet, en droit fiscal, l'accessibilité et l'intelligibilité restent problématiques. Bien que la codification législative a pour objectif général de simplifier l'accès aux textes juridique, la structure des codes fiscaux est devenue inadaptée car complexe et trop peu cohérente.

A titre d'exemple, certains articles du "code de l'IRPP et de l'IS", sont difficilement lisibles. Ainsi, l'article 48 (nouveau) de ce code, long de dix huit pages, dont les dix sept premières lignes ne constituent q'une seule phrase, est dépourvu de toute structure. En effet, il contient d'innombrables renvois : vingt deux ajouts, neuf modifications et quatre abrogations, en outre, il renvoi à trente sept autres articles, trois arrêtés ministérielles et un décret.

De surcroît, les articles auxquels il est renvoyé, revoient eux même à d'autres articles, donnant lieu à une arborescence complexe qui rend, au total, particulièrement difficile, la compréhension du dispositif initial. Tous ces renvois nuisent, certes, à la lisibilité du texte et le rend d'une grande opacité pour le lecteur même s'il est spécialiste en la matière.

"En plus des complications qui résultent du caractère pléthorique de la législation fiscale et ses subtilités, il existe une série d'autres complications dont notamment l'imprécision de la rédaction des textes fiscaux ".10(*)

En ce sens, la législation fiscale contient plusieurs confusions terminologiques et surtout pour les termes dont le sens est proche tel est l'exemple, en matière de TVA, le fait générateur et la date d'exigibilité, l'exonération et en hors du champs ce qui amène à une difficulté de compréhension.

Dans le langage fiscal usité, y compris, dans la doctrine administrative, il arrive que le terme "assujetti" soit employé à la place de "redevable". Il arrive aussi que la qualificatif "exonéré" soit utilisé dans le sens "hors du champs" ou encore à la place de "en suspension de la TVA" 11(*)

Ces principes "de légalité", "d'accessibilité et d'intelligibilité" qui devraient normalement assurer la sécurité du contribuable, se trouvent fortement mis en cause. Ce qui nous rend un peu perplexe à l'égard du respect de la sécurité juridique en droit tunisien. Mais reste à voir les principes économiques à savoir; "de simplicité et de stabilité"

Section 4 : Principes économiques assurant la sécurité du contribuable

Sous section 1 : principes de "simplicité et de stabilité"

Un bon système fiscal doit éviter autant que possible la complexité, il doit offrir une certaine stabilité aux utilisateurs afin de préserver leur sécurité fiscale.

Ce principe suppose alors que les textes fiscaux soient facilement compréhensibles même par les non spécialistes et que chaque contribuable est en mesure d'acquérir l'information sur ses obligations et droits et prévoir ainsi le montant de l'impôt à payer, afin d'en tenir compte dans ses décisions économiques.

En effet, "le contribuable a droit à une information adéquate sur ses droits et obligations. Cette information atteint d'autant plus sa cible que le système bénéficie d'une certaine stabilité, tend plutôt vers la simplicité et évite la complexité, souvent non fructueuse." 12(*)

Paragraphe 1 : Etendu du principe "de simplicité et de stabilité"

Il est souvent fait grief au droit fiscal tunisien de ne pas garantir aux contribuables un degré suffisant de stabilité, c'est ainsi que la revendication en matière de sécurité fiscale concerne la stabilité de la norme. Cette exigence est légitime : la stabilité de l'environnement législatif et réglementaire est un élément important pour le bon développement des activités économiques. Mais cette stabilité ne signifie pas immobilisme, à cet égard comment se présente le système fiscal tunisien, est-il suffisamment stable?

Paragraphe 2 : Limite du principe "de simplicité et de stabilité"

La fréquence des modifications législatives est inévitablement élevée. En effet, la fiscalité doit certes s'adapter à l'évolution du cadre économique et social dans lequel les contribuables exercent leurs activités : mondialisation des entreprises, innovations permanentes... il convient à cet égard de signaler que les modifications des lois fiscales sont, le plus souvent, demandées par les entreprises elles mêmes. Mais selon le conseil national des impôts de France en son rapport annuel pour l'année 1987 : " toute réforme, même à priori favorable aux entreprises, est pour elle une source d'insécurité juridique et a de ce fait des effet pervers non négligeables."

Pour autant certains secteurs particuliers de la fiscalité dans notre pays apparaissent touchés par une mobilité excessive. Tel est, notamment le cas du régime des avantages fiscaux. En effet, "jamais une branche de droit n'aura connu autant de changements successifs au point de rendre vaines toutes les tentatives de simplification." 13(*)

L'instabilité des règles du droit fiscal se traduit par des suppléments d'impositions mis à la charge des contribuables. Ces revirements bouleversent les prévisions que ces derniers ont effectué sur le fondement des règles précédemment établies. Selon M. GEFFROY " l'instabilité du système laisse au contribuable l'impression d'une remise en question permanente des règles du jeu et dont il estime être la perpétuelle victime. " 14(*)

Cette instabilité du système fiscal procure ainsi un sentiment d'insécurité qui affectera, par conséquence, le consentement du contribuable à l'impôt.

Comme tout système fiscal, la fiscalité tunisienne repose sur les grands principes fiscaux classiques, garantissant en apparence un certain degré de sécurité juridique. Mais, dépassé ce stade des illusions, la réalité est autrement plus douloureuse pour le contribuable; en effet, on parle plus d'insécurité que de sécurité, tous ces principes dont la proclamation est rituelle, leurs pratique est cependant irréelle, d'où la nécessité d'étudier notre sujet sous un autre angle; celui de l'insécurité juridique.

CHAPITRE 2 : L'INSÉCURITÉ FISCALE AU DROIT TUNISIEN

Actuellement, on assiste de plus en plus à une remise en cause des caractères originaux de la règle de droit fiscal. Une conception moderne de la loi fiscale s'installe, cette dernière a pour principale conséquence de provoquer l'insécurité juridique du contribuable. Qu'en est-il en fait?

Section 1 : L'utilisation de l'outil fiscal à des fins économiques et sociales

" Il y a des charges publiques, il faut les couvrir." Cette célèbre formule de M. Gaston Jèze suit la conception classique des fonctions de la règle fiscale selon laquelle ; l'impôt est destiné à la couverture des charges publiques.

En effet, les dépenses publiques ne cessent de s'accroître, et pour un Etat qui ne dispose pas de richesses naturelles suffisantes telles que l'Etat tunisien, l'impôt constitue la source principale de financement de ses charges. Particulièrement, les ressources ordinaires de l'Etat sont constituées à hauteur de 90% de recettes fiscales :

Evolution des recettes du budget ordinaire 15(*)

(en milliers de dinars)

Prévisions de l'année

2001

%

2002

%

2003

%

Recettes fiscale

5806.000

90%

6280.000

89%

6647.000

89%

Recettes non fiscales

600.000

10%

723.000

11%

783.000

11%

Total recettes ordinaries

6406.000

100%

7003.000

100%

7430.000

100%

Actuellement, l'impôt s'éloigne de plus en plus, de sa vocation d'origine, il constitue en fait, un redoutable outil de politique économique et sociale, entre les mains du gouvernement, il apparaît ainsi comme un instrument d'intervention conjoncturelle de premier ordre. Ce qui, par voie de conséquence, donne émergence à une nouvelle politique à part entière : la politique fiscale

En ce contexte, l'exemple le plus illustratif est certes, le code d'incitation aux investissements qui entre dans le cadre d'une politique d'encouragement pour les investisseurs.

L'intervention de l'Etat pour une nouvelle redistribution des revenus, de point de vue social, ou pour orienter l'activité économique à travers l'impôt, se manifeste par l'établissement des mesures incitatives ou dissuasives selon l'objectif de la politique fiscale. Les effets d'une telle intervention risquent de se heurter avec les principes juridiques ou économiques du droit fiscal.

En effet, l'activité économique est certes en perpétuelle évolution, la fiscalité doit alors s'adapter à tous les changements économiques, ce qui rend illusoire toute stabilité ou simplicité fiscale.

Le principe de neutralité de l'impôt se trouve aussi fortement affecté, l'impôt devient un outil utilisé par l'Etat à des fins qui divergent. De même, certaines mesures, en l'occurrence d'incitations affectent le principe d'équité, dans la mesure où elles favorisent les contribuables qui se trouvent dans leur champs d'application au détriment des autres, générant ainsi des rentes fiscales.

Mais la complexité inhérente à ce changement de finalité de la règle fiscale, demeure la conséquence la plus redoutable. Cette complexité se manifeste par une inflation des textes fiscaux appelé aussi "Productivisme juridique" rendant la fiscalité, de plus en plus, obscure, inabordable et surtout insécurisante. Dans ce contexte Robbez Masson affirme que " la complexité fiscale résulte d'une inflation continue des textes. Celles-ci est due à leur adaptation nécessaire au progrès technique et économique ". 16(*)

Donc au sein d'une fiscalité active, les textes fiscaux ne procurent plus de sécurité, vu qu'ils sont nombreux et instables. Le contribuable s'égare alors, forcément, au milieu d'une masse importante de textes qui lui semble infinie.

La multiplicité des finalités de l'impôt ne peut alors être séparé d'un phénomène d'inflation des règles du droit fiscal.

Section 2 : Le productivisme juridique

Le productivisme juridique, se traduit par la multitude de textes qui régissent la matière fiscale. Compte tenu du grand nombre de dispositions législatives dans le domaine fiscal, il a été décidé dés 1950, d'élaborer des codes (code de douanes, code de la patente et des professions non commerciales). En plus des divers codes élaborés en matière d'encouragement aux investissements (remplacés depuis 1993 par un code unique : d'incitation aux investissement), six codes ont été promulgués depuis 1988 : le code de l'IRPP et de l'IS, le code de la TVA, le code des droit d'enregistrement et de timbre, le code de la fiscalité locale et le CDPF. 17(*)

Le droit fiscal se présente ainsi comme un droit volumineux, complexe et obscur. De ce fait, le contribuable se trouve dans une situation fragilisée, ne pouvant plus connaître avec certitude son régime fiscal. Il plongera alors directement dans une ignorance croissante, en conséquence, dans une insécurité totale.

L'impôt, en général, est l'outil le plus utilisé par l'Etat pour intervenir constamment dans la vie socio-économique. Vu que cette dernière est loin d'être statique ou simple, il parait alors logique, quoique inadmissible, que l'impôt demeure aussi complexe et les textes y régissant aussi diversifiés.

De plus, les textes législatifs ont pour motif de clarifier chaque situation de droit, de la plus simple à la plus complexe. En ce sens il est inévitable qu'ils soient nombreux comportant plusieurs cas particuliers, détails et spécificités.

Les texte fiscaux, ne peuvent donc plus clarifier les situations de droit au contraire ils ne font que compliquer ces dernières. Donc plus les textes sont nombreux et précis, plus le système fiscal est flou, compliqué, incompréhensible et donc inabordable aux non spécialistes.

En effet, selon Portalis.F " lorsque les progrès ont accru les besoins, diversifié les transactions et multiplié les intérêts. Il arrive toujours un moment chez une nation, où le grand nombre de lois rendues pour y satisfaire ne présente plus qu'un inextricable labyrinthe, où l'esprit du juge s'égare au milieu d'un nombre infini de dispositions en désordre, souvent opposées entre elles ". 18(*)

Le productivisme juridique qui touche profondément la réglementation fiscale, nuit certes à la qualité de la norme, qui demeure toujours, réfractaire à tout principe de simplicité et de stabilité. Face à ce foisonnement de la législation fiscale, l'interprétation des textes, jugés complexes, s'avère être une nécessité fonctionnelle.

Section 3 : L'interprétation des normes fiscales

L'ensemble des textes qui régissent la matière fiscale se caractérise, désormais, par une grande complexité. Qui engendre, par voie de conséquence, une difficulté d'appréhension de plus en plus accrue, surtout en présence de normes dont la qualité de rédaction est médiocre.

Selon la définition d'ESMEIN : " interpréter, c'est rechercher le sens d'un texte, la pensée qu'il exprime. A l'entendre ainsi, tout texte comporte une interprétation ". 19(*)

Plusieurs catégories d'intervenants dans le domaine fiscal proposent alors leurs interprétations, à savoir ; l'administration fiscale, le juge fiscal et le législateur, auteur de la norme. Notre étude s'intéressera donc à ces trois interprètes.

Sous-section 1 : L'interprétation faite par l'administration fiscale

En raison de sa complexité, la norme fiscale prépare un terrain favorable à l'interprétation. L'interprétation consiste alors, à expliquer un texte dont l'ambiguïté est certaine, avec des termes précis et clairs, en se limitant à son propre sens, sans pour autant modifier son contenu.

En effet, la fonction interprétative est l'une des fonctions les plus délicates qu'assure l'administration fiscale à travers sa doctrine.

La doctrine administrative est constituée par; les bulletins officiels de la direction des impôts (BODI), les réponses ministérielles et les prises de position. Ces différents documents administratifs ont pour objet d'expliquer et commenter les dispositions fiscales, donc les interpréter. Pour cela la doctrine devrait, normalement, respecter les grands principes d'interprétation des lois, tel que édictés par les articles de 532 à 563 du code des obligations et des contrats.

Néanmoins, dans sa pratique, la doctrine a tendance à dépasser son rôle simplement interprétatif pour légiférer en matière fiscale, devenant ainsi une source indépendante du droit fiscal. Actuellement, plusieurs auteurs vont même à considérer que le droit fiscal tunisien est désormais sous tutelle administrative.

En effet, l'interprétation administrative dresse parfois un écran dont le contenu déforme le texte interprété et l'éloigne de sa signification initiale. Dans ce sens on peut évoquer un exemple illustratif de cette pratique ;

L'extension de l'assiette de l'impôt par la note commune n° 23/99 20(*) :

Selon l'article 52 du code de l'IRPP, l'assiette de la retenue à la source au titre des bénéfices non commerciaux, est constituée par le montant brut des honoraires, commissions, courtages, loyers et rémunérations des activités non commerciales.

Mais la note commune a ajouté que "...cette assiette comprend la taxe sur la valeur ajoutée pour les personnes qui y sont assujetties ", donc la retenue à la source se fait sur une assiette TVA comprise. Cette attitude administrative a été fortement critiquée par la jurisprudence, vu que la taxe qui vient pour augmenter le bénéfice constitue une TVA collectée pour le compte de l'Etat et non pas un profit imposable.

On assiste donc avec flagrance à un débordement du texte interprété par l'administration fiscale, qui à travers sa doctrine se permet d'imposer sa propre lecture de la législation, qui n'est toujours pas au profit du contribuable.

On ne peut aussi ignorer que le foisonnement qui caractérise la doctrine, l'abondance des documents publiés et leur degré de technicité rendent leurs lectures difficiles aux non spécialistes. Comme s'il ne suffisait pas que les textes législatifs soient en perpétuel changement, il faut encore, qu'une doctrine administrative vienne pour aggraver plus la situation et rendre plus complexe encore un droit fiscal qui est déjà volumineux.

Réellement, la doctrine est dépourvue de force juridique, donc elle n'engendre pas d'effets juridiques entre administration-contribuable. De ce fait, la doctrine administrative est inopposable aux contribuables, mais peut être invoquée par ces derniers, si elle s'avère plus favorable que la législation.

Donc théoriquement, la doctrine semble non préjudiciable, offre des faveurs au profit du contribuable qui en connaît l'existence pour s'en prévaloir. Néanmoins la pratique fiscale diverge toujours avec la théorie, en effet, la majorité des litiges fiscaux se résolvent en dehors des tribunaux par simple accord entre les deux parties.

La fiscalité tunisienne, comme l'affirme M. Raouf Yaich, est une fiscalité à essence pratique. En effet, " la caractéristique de la fiscalité à essence pratique, fait qu'il est quasiment impossible de connaître, et encore moins, de mettre en oeuvre, les règles techniques de la fiscalité tunisienne à partir uniquement de ses textes de base ". 21(*) cette caractéristique heurte le principe de sécurité du contribuable, qui suppose que ce dernier, devrait connaître au préalable sa situation fiscale, ce qui n'est plus possible au sein d'un système à dominance pratique, une pratique qui n'est guère stable et qui change selon le cas.

L'interprétation administrative peut parfois aller au delà du texte interprété, en déformant son contenu et imposant sa vision qui diffère de celle du législateur, " cette pratique, qui bafoue la légalité, subit néanmoins certaines limites ". 22(*) En effet, le juge fiscal est compétent pour contrôler la conformité de l'interprétation administrative à la législation interprétée, et proposer une interprétation plus neutre et surtout plus rigoureuse.

Sous-section 2 : L'interprétation faite par le juge fiscal

La mission interprétative du juge fiscal est subordonnée à la préexistence d'un litige qui oppose l'administration et le contribuable, le juge doit alors trancher en garantissant les droits de chacune des parties.

La solution du litige passe alors, nécessairement, par une interprétation de la norme, dont il est question, par le juge fiscal. Sa décision est imposable aux parties à l'instance, mais ne l'est pas ainsi à l'égard des tiers.

Dans un souci de préserver la sécurité du contribuable et à cause du caractère exorbitant du droit fiscal l'interprétation du texte devrait être stricte, cette règle d'interprétation est le corollaire du principe de légalité.

Les implications d'une interprétation stricte sont au nombre de trois :

- Ne pas distinguer là où la loi ne distingue pas.

- Les termes doivent être pris dans leur acception fiscale.

- Et les dispositions dérogatoires doivent être interprétées strictement. 23(*)

Selon M.Martin : " le droit fiscal étant un droit de prélèvement, c'est-à-dire d'exception, il doit être interprété au sens le plus stricte et on ne saurait tolérer aucune imposition qui ne soit exactement prescrite par un texte ". 24(*)

En raison de sa nature juridictionnelle, la décision du juge fiscal est prévisible et censée assurer totalement la sécurité juridique du contribuable. Ceci est souvent vrai, sauf pour le cas de norme nouvelle, trop complexe et ambiguë, dont l'interprétation ne sera pas homogène d'un juge à un autre. Ce qui engendre, par voie de conséquence, des décisions différentes pour des cas d'espèces similaires. Cette incertitude provoquée favorise certes, l'insécurité juridique des destinataires de la dite norme.

Malgré l'indépendance totale de l'interprétation du juge de celle de l'administration fiscale, il se trouve parfois, astreint à l'appliquer dans le cas où cette interprétation est favorable au contribuable qui l'a invoqué en cours d'instance.

Il importe enfin de signaler, qu'en pratique fiscale tunisienne la jurisprudence n'avait pas un rôle prépondérant, en tant que source interprétative enrichissante du droit fiscal. Et ce jusqu'à la promulgation du CDPF qui renforce le rôle du juge en faveur de la sécurité juridique du contribuable et présente une tentative de rationalisation du contrôle fiscal, au point de dire que ce dernier commence à échapper à l'administration.

Mais entre jurisprudence et administration fiscale, c'est le législateur qui intervient souvent à travers les lois, interprétatives ou de validation, pour adopter soit l'interprétation de l'une soit de l'autre.

Sous-section 3 : L'interprétation faite par le législateur

Lorsque le législateur, auteur de la norme, constate que cette dernière est équivoque et incompréhensible, il intervient pour clarifier la dite norme par une nouvelle dite " loi interprétative ". Cette nouvelle norme ne fait que préciser le sens de la loi ancienne, et fera donc corps avec celle-ci.

M.Ayadi Hbib précise : " qu'on appelle loi interprétative, celle par laquelle le législateur se propose de déterminer le sens douteux, obscur ou controversé d'une loi antérieure. On considère alors que la loi nouvelle fait corps avec la loi ancienne, qu'elle n'en est qu'une partie, un prolongement ". 25(*)

Il importe aussi de ne pas confondre la notion de loi interprétative avec d'autres notions voisines, tel que la loi de validation, par laquelle le législateur intervient en forme de loi destinée, à titre rétroactif ou préventif, à valider de manière expresse, indirecte ou même implicite un acte administratif annulé ou susceptible de l'être. 26(*)

La première loi interprétative qu'a connue l'histoire de l'Etat tunisien est, incontestablement, le fameux article 49 de la loi n° 2000-98 du 25 décembre 2000, portant loi de finances pour l'année 2001, cet article a pour objet de préciser le sens voulu par le législateur à travers l'expression " l'année au titre de laquelle l'imposition est due " présente dans l'article 72 du code de l'IRPP et de l'IS.

Les dispositions de l'article 49 sont : " l'expression «celle au titre de laquelle l'imposition est due» prévue à l'article 72 du code de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et de l'impôt sur les sociétés désigne l'année suivant celle de la réalisation du revenu ou du bénéfice soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés. Les dispositions de cet article sont des dispositions interprétatives

L'article 72 porte sur la quantification du délai de prescription en matière d'IRPP et d'IS qui commence à courir, à partir de l'année au titre de laquelle l'imposition est due, cette année parait évidemment être l'année du fait générateur, c'est-à-dire, de réalisation du revenu. Ce qui rejoint la position de la jurisprudence adoptée à partir de l'année 1995.

Mais le fait de considérer que le délai de prescription commence à courir à partir de l'année au cours de laquelle l'imposition est due, c'est-à-dire, celle de déclaration des revenus, comme l'a interprété l'administration fiscale, est fortement critiquable, en raison de l'augmentation du délai de prescription par une année complète, ce qui est sûrement préjudiciable à la situation du contribuable.

Ce conflit d'interprétation a été tranché par les dispositions de l'article 49 susvisé qui confirme, à tort, une doctrine erronée. Malgré sa qualification d'interprétatif, cet article est loin de l'être, pour la simple raison qu'il ajoute certes au texte d'origine et ne se contente pas de l'expliquer. En effet, l'article 49 est incontestablement une loi rectificative (nouvelle) et non pas interprétative, en d'autres termes plus appropriés, c'est une loi "faussement interprétative".

Si Le législateur a voulu prolonger le délai de prescription, il serait plus raisonnable de le faire par le biais d'une nouvelle loi, et non pas par une loi interprétative qui ne l'ai pas en réalité. À moins que son véritable objectif soit de procurer à l'article 49 un effet rétroactif, en raison de sa nature interprétative. Mais agissant ainsi, il n'a fait que confirmer la doctrine administrative par une loi de validation. En effet, en confirmant la doctrine par une loi faussement interprétative le pouvoir de l'administration augmente et lui permet d'agir en tant que véritable législateur. C'est là qu'on remarque encore une fois que l'exécutif l'emporte sur le législatif.

Cette première loi faussement interprétative ne promet, peut être pas, d'être la dernière; on assiste alors, avec flagrance, à une atteinte aux droits déjà acquis par le contribuable sous l'ancienne législation.

Le législateur n'est-il plus le garant des droits des citoyens et le préconiseur de leur sécurité juridique ?

Les effets funestes de la rétroactivité des lois fiscales, sur la situation du contribuable, contribuent-ils à la dégradation du principe tant défendu : "la sécurité juridique" ?

Sous-section 4 : la rétroactivité des lois fiscales

En principe, les lois fiscales ne doivent pas être rétroactives en vertu du principe de sécurité juridique, néanmoins, la rétroactivité des lois fiscales encore trop fréquentes peut paraître choquante, normalement les contribuables doivent connaître exactement le montant des impositions auxquels ils peuvent s'attendre afin de contracter leurs engagements en toute connaissance de cause. C'est une des conditions essentielles de l'Etat de droit.

En effet, le principe de non rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle, en vertu de l'article 13 de la constitution tunisienne, qu'en matière répressives. Ce qui n'est pas le cas en matière fiscale (autre que répressive, puisque on assimile les sanctions fiscales aux sanctions pénales).

La rétroactivité de la norme prend deux aspects relativement différents :

- l'application de la loi de finance à l'exercice précédent en matière d'IRPP et d'IS.

- les lois interprétatives stricto-sensu et les lois de validation.

Paragraphe 1 - l'application de la loi de finance à l'exercice précédent

D'après M.Raouf Yaich: "Pour ce qui est de la loi de finance, elle dispose, généralement son entrée en vigueur à compter du premier Janvier de l'année qui suit. En matière d'impôt sur les revenus et d'impôt sur les sociétés, la doctrine administrative considère que la date d'entrée en vigueur vise les déclarations à déposer à partir du premier Janvier et non les revenus réalisés à partir du premier Janvier de l'année qui suit; ce qui équivaut à une application rétroactive de la loi de finance à l'exercice précédent ". 27(*)

Il en résulte que la loi de finance pour l'année N, votée à la fin du mois de décembre N-1, s'applique en principe aux revenus et aux bénéfices réalisés pendant l'année N-1. Ce phénomène est parfois appelé « petite rétroactivité » ou « rétrospectivité de la loi de finance ».

La différence entre le concept de rétroactivité pur et simple de celui de rétrospectivité, réside dans l'effet juridique de la nouvelle norme. En effet pour ce qui est de la rétrospectivité, l'un de ses éléments constitutif est que " l'application de la loi nouvelle ne provoque pas une remise en cause des effets juridiques déjà créés sous l'empire de la loi ancienne, ce qui la distingue de la rétroactivité ". 28(*)

Cette notion de rétrospectivité est souvent critiquée lorsqu'elle est défavorable au contribuable. Celui-ci peut, en effet, être gêné de ne pas savoir exactement à quel taux exact, ses opérations seront taxées. Cette mesure peut donc provoquer des effets néfastes sur la sécurité juridique du contribuable.

Paragraphe 2 - La rétroactivité des lois fiscales interprétatives

Sachant que la loi interprétative n'est qu'un prolongement de la loi interprétée; elle fait corps avec cette dernière, elle prend ainsi effet à la date d'entrée en vigueur de la loi initiale, dans ce cas, on parle d'une loi interprétative stricto-sensu qui ne dépasse pas le sens de la loi interprétée. Elle prend alors un effet rétroactif.

Contrairement à ceci, si la loi interprétative ne se contente pas simplement de clarifier la loi interprétée et vient ajouter à cette dernière, elle n'est plus une loi interprétative stricto-sensu, ce qui rend douteux son effet rétroactif; cette loi est alors faussement interprétative.

Dans ce sens, il importe de préciser qu'une loi nouvelle est rétroactive lorsqu'elle provoque une remise en cause des effets juridiques créés par une loi fiscale ancienne.

En effet, si le législateur a la faculté de conférer le caractère rétroactif à une loi fiscale, encore faut-il que cela ressorte d'une manifestation de volonté expresse. Comme l'a affirmé plusieurs auteurs : la rétroactivité d'une loi ne se présume pas.

Malgré l'absence de valeur constitutionnelle, le conseil constitutionnel français affirme que la rétroactivité de la loi fiscale constitue une exception au principe à valeur législative de non rétroactivité, prévu par l'article 2 du code civil français. En Tunisie, le fondement législatif du principe de non rétroactivité des lois, est constitué par l'article 2 de la loi n°93-64 du 5 Juillet 1993. 29(*)

Pour des motifs de limitation du caractère rétroactif d'une loi fiscale, le conseil constitutionnel français impose le respect de différentes conditions au législateur, souhaitant recourir à une loi fiscale rétroactive:

- D'une part, la rétroactivité ne peut être justifiée qu'en considération de motifs d'intérêt général.

- D'autre part, la loi rétroactive ne doit pas permettre d'infliger des sanctions à des contribuables en raison des faits antérieurs à la publication de la loi nouvelle. Par ailleurs, les dispositions rétroactives ne doivent pas préjudicier aux contribuables, dont les droits ont été reconnus par une décision de justice, passée en force de chose jugée, à la date d'entée en vigueur de la loi.

- Enfin, une loi fiscale rétroactive ne saurait remettre en cause une prescription légalement acquise. 30(*)

En examinant les dispositions de l'article 49 déjà mentionné (en sous section 3), on remarque, sans aucun doute, qu'il vise à préserver les intérêts du trésor, donc ayant un but purement financier ne pouvant être qualifié d'intérêt général. En outre, ces dispositions nuisent aux intérêts du contribuable, qui risque de se voir réclamer une imposition supplémentaire, suite au prolongement de la période de reprise. Donc le fait d'admettre un caractère rétroactif à l'article 49 parait inapproprié.

Vu que la non rétroactivité est l'une des composantes les plus importantes de la notion de sécurité juridique, le recours à une telle mesure (de rétroactivité) devrait être exceptionnel, afin de préserver à la fois les intérêts de l'administration fiscale et ceux du contribuable.

Sous-section 5 : L'absence de protection législative contre le changement de la doctrine administrative

Outre le fait que la doctrine administrative peut être préjudiciable au contribuable avec ses interprétations qui débordent parfois les textes originaux, elle l'est encore plus quand le contribuable se trouve astreint à subir les changements éventuels de cette dernière.

En effet, et sur un plan éthique, il serait éminemment injuste que l'administration, ayant interprété une disposition fiscale dans un sens déterminé puis la modifiant, puisse faire subir aux contribuables les conséquences de son changement d'interprétation. Et la sécurité en matière fiscale serait gravement affectée si ceux-ci n'étaient pas assurés d'être traités conformément à la doctrine en vigueur à la date des opérations qu'ils concluent. 31(*)

Et par conséquent, un contribuable qui s'est organisé financièrement conformément à une interprétation donnée, peut subir un changement de cette dernière qui bouleversera toutes ses décisions précédentes devenant ainsi non conforme à la nouvelle interprétation. Le contribuable peut donc se voir réclamer des suppléments d'impôts en vertu de cette dernière.

Dans ce contexte M.H.Ayadi a dénoncé cette pratique en écrivant : " il est choquant de voir un contribuable qui a organisé sa situation financière et fiscale en fonction d'une interprétation donnée d'un texte par l'administration, imposé plus sévèrement selon une nouvelle interprétation émanant de la même administration". 32(*)

Cette pratique ne provoque pas seulement des répercutions d'ordre financier mais peut aussi obstruer les prévisions les plus importantes pour le développement des entreprises tel que les possibilités d'investissements futurs, de crédits...ce qui nuit bien sûr à l'économie tout entière du pays.

Malgré que le changement de la doctrine à travers des notes communes rectificatives ou totalement remplaçantes, constitue une atteinte directe à la sécurité fiscale du contribuable, aucune protection législative n'a été instituée dans ce sens.

L'observation de notre droit fiscal tunisien nous rend perplexe et inquiet à l'égard du principe de sécurité juridique qui se trouve souvent remis en cause en faveur de l'intérêt financier du trésor publique. En Tunisie et précisément en pratique fiscale, on constate malheureusement à plusieurs reprises, que l'exécutif domine largement le législatif, ce qui nous amène à poser une question traditionnelle :" la fin justifie-t-elle les moyens ? ".

De ce fait, notre système fiscal apparaît donc, encore perfectible en matière de sécurité, ce qui engendre sûrement des conséquences indésirables à l'égard du comportement du contribuable face à l'impôt.

Deuxième partie : La lutte contre les conséquences funestes de l'insécurité fiscale

L'impôt est ressenti par certains comme une véritable atteinte à la vie privée, vu qu'il agit directement sur le patrimoine de la personne. Un rejet de l'impôt est alors naturellement exprimé, ce rejet se matérialise essentiellement par un phénomène de fraude.

Dans ce contexte la fraude fiscale, dans un sens large, apparaît comme une réalité qui exprime concrètement une contestation. Si on essaye de comprendre ses causes on pourrait peut être y trouver des solutions.

Notre constat sur ce point est le suivant :

Si dans des conditions normales l'homme accepte, à contre coeur, de payer ses impôts ressentis en fin de compte comme un mal nécessaire, il aura désormais du mal à l'accepter dans des conditions d'insécurité juridiques. Donc même si le contribuable, par conscience, se résigne à considérer l'impôt comme un devoir et non comme une contrainte ou soumission au pouvoir public, " l'insécurité juridique le transforme malgré lui en agent défectueux ou en contribuable fraudeur ". 33(*)

Examinons donc les effets et conséquences de l'insécurité juridique (chapitre 1) afin d'en trouver des solutions possibles (chapitre 2).

CHAPITRE 1 : CONSÉQUENCES ET EFFETS DE L'INSÉCURITÉ JURIDIQUE DU CONTRIBUABLE

L'insécurité fiscale engendre un comportement négatif chez le contribuable à savoir, la résistance à l'impôt. Cette réaction provoque la dégradation des relations entre les contribuables et l'administration fiscale, et se manifeste dans un premier temps par des effets inhibitifs, ensuite par l'évasion pour finir en fraude fiscale proprement dite.

Dans ce même ordre d'idée, F.Douet affirme que " l'insécurité juridique a pour conséquence principale de favoriser la fraude et l'évasion fiscale. " 34(*)

Section 1 : L'effet d'inhibition fiscale

Généralement l'impôt est perçu comme étant une obligation contraignante au sein de notre culture fiscale actuelle. Il a ainsi une grande influence sur toute décision d'ordre économique ou financier et de ce fait, " aucun contribuable ne se risque à prendre une décision économique importante sans que les aspects fiscaux en soient préalablement déterminés " 35(*)

On risque alors de voir des contribuables qui modifient leurs opérations ou même leurs activités uniquement pour des considérations fiscales.

A ce propos, Daniel Labetoule affirme : " une incertitude prolongée sur la portée d'une décision législative ou réglementaire est préjudiciable à la sécurité des situations juridiques; elle est aussi, dans bien des cas, génératrice d'inhibitions ". 36(*)

L'insécurité fiscale décourage donc toute initiative économique et provoque des changements notables dans les décisions stratégiques des entreprises. Cela peut même s'étendre sur une échelle internationale quand on remarque que les grands capitalistes ont tendance de plus en plus à investir dans les pays à faible fiscalité tel que par exemple; Hong Kong, Suisse... Ainsi d'après M.Turot " peut-on s'étonner que des entreprises, françaises comme étrangères évitent d'effectuer certaines opérations en France lorsque leurs conseils leurs expliquent que le traitement fiscal de ces opérations risque de n'être connu qu'à posteriori, ou de changer en cours d'opération ? ". 37(*)

L'insécurité juridique et par conséquence l'effet d'inhibition fiscale, affecte initialement le comportement du contribuable à l'égard de son devoir fiscal et par la suite l'économie tout entière. Mais au delà des simples effets inhibitifs, " le contribuable peut se tourner vers des procédés plus directes de contestation de l'impôt, en se tournant directement vers la loi fiscale, soit pour en utiliser les dispositions à son profit -c'est l'évasion fiscale-, soit pour les violer -c'est la fraude- ". 38(*)

Section 2 : L'évasion fiscale

Il est utile d'évoquer une citation d'un Lord Britannique : "il est du devoir du contribuable d'arranger ses affaire de façon à payer, légalement, le moins d'impôt que possible". Mais il est aussi bon de se rappeler la réplique de l'un de ses pairs : "il est aussi du devoir de l'Etat de collecter légalement le plus d'impôt que possible".

L'évasion consiste donc à échapper au paiement de l'impôt par des moyens légaux, c'est-à-dire que le contribuable parvient à diminuer sa charge fiscale sans violer la loi. De ce fait, certains auteurs qualifient l'évasion de " fraude légale ".

Selon J.B.Jeffroy " A la différence de la fraude, l'évasion consiste en un moyen légal voir légitime d'échapper à l'impôt, bien que des nuances puissent séparer deux formes d'évasion. La première qui est légitime consiste à s'abstenir de réaliser l'acte générateur de l'impôt. La seconde plus proche de l'habileté du contribuable à exploiter les failles de la législation et qui se situe à mi-chemin entre l'évasion légale et la fraude ". 39(*)

Ainsi le contribuable cherche à profiter des failles et lacunes de la loi et à se réfugier dans les espaces non réglementés et ce, bien sûr, pour un seul but : diminuer au maximum sa charge fiscale.

Pour être caractérisée, l'évasion fiscale nécessite le plus souvent la réunion de deux conditions :

- un élément de détournement de l'intention du législateur, soit que le contribuable mette à profit les failles de la législation, soit qu'il applique des dispositions légales à des fins autres que prévues

- un élément d'artifice, en ce que les dispositions prises par le contribuable n'ont pas de véritable justification où ont une justification différente de celle qui est affichée. 40(*)

Bien que l'évasion soit non illégale, elle n'est pas pour autant encouragée du fait qu'elle reflète un comportement immoral qui manque de citoyenneté.

L'évasion fiscale conduit donc à une diminution légale de la charge fiscale. Mais en agissant de la sorte, le contribuable devrait prendre en compte les limites juridiques instituées par le code des droits et procédures fiscaux en son article 101, qui stipule: " Est punie d'un emprisonnement de seize jours à trois ans et d'une amende de 1000 dinars à 50.000 dinars toute personne qui a simulé des situations juridiques, produit des documents falsifiés ou dissimulé la véritable nature juridique d'un acte ou d'une convention dans le but de bénéficier d'avantages fiscaux, de la minoration de l'impôt exigible ou de sa restitution ".

En fin, la légitimité de l'évasion reste toujours critiquable et même l'insécurité juridique ne saurait conduire à la justification d'une telle pratique. Ce qui appelle toujours à une lutte contre l'évasion fiscale, " le contrôle n'en reste pas alors moins vigilant, tant il est vrai que de l'évasion à la fraude il n'y a qu'un pas qu'on peut facilement franchir ". 41(*)

Section 3 : La fraude fiscale

Le phénomène de fraude fiscale est omniprésent dans tous les pays et même au sein des systèmes fiscaux les plus avantageux tel que par exemple au Etat Unis.

La fraude consiste à échapper au paiement de l'impôt par violation de la loi. Elle est alors rattachée à un élément intentionnel de mauvaise foi de la part du contribuable.

Pour le conseil national des impôt de France: " il y a fraude dés lors qu'il s'agit d'un comportement délictuel délibéré, consistant notamment à dissimuler une fraction des recettes et à majorer des charges ; c'est la fraude qui fait l'objet de majoration pour mauvaise foi et éventuellement de répression pénale ". 42(*)

Les causes de la fraude sont certes multiples : La culture du pays, l'insécurité juridique ainsi que la nature déclarative du système fiscal, comporte en elle même une certaine incitation à la fraude, surtout que la déclaration du contribuable bénéficie de la présomption d'exactitude. Mais d'une façon générale, les faiblesses juridiques du système fiscal peuvent expliquer le concept mais non le justifier en ce sens J.B.Jeffroy réclame que " l'impôt injuste doit être réformé et non fraudé ". 43(*)

Il en résulte qu'afin de pouvoir lutter contre la fraude, il faut déterminer au préalable toutes ses formes ainsi que les pratiques utilisées. On peut alors citer, à titre indicatif et non exhaustif, les principaux types de fraudes suivants :

1- La fraude par abstention :

C'est la forme la plus simple. Le contribuable ne déclare pas son existence, il omet alors volontairement et de mauvaise foi de se déclarer auprès du fisc. Il se fait ainsi oublier.

2- les échanges informels :

Les échanges informels sont par exemples, les transactions sans factures ou encore des travaux non déclarés.

3- les ventes non déclarées :

C'est la forme la plus redoutable pour le fisc du fait qu'elle permet d'échapper à plusieurs impositions au même temps à savoir ; la TVA, la taxe professionnelle, la TCL, droit de consommation..., ainsi que l'impôt sur les bénéfices.

4- la majoration des charges :

Se fait dans le cadre de minoration de l'assiette imposable soit par exagération des charges ou par des charges complètement fictives.

5- la fraude internationale :

Cette forme de fraude est très répandue surtout pour les sociétés de groupe. Elle peut avoir comme causes les doubles impositions que subissent les sociétés étrangères. Par conséquent, afin d'éviter d'être soumis à deux impositions distinctes, le contribuable cherche à n'être soumis à aucune. 44(*)

Par ailleurs, il faut également rappeler le développement des paradis fiscaux, caractérisés par des impôts faibles et un grand respect du secret bancaire et fiscal. L'accès à ces pays est d'autant plus aisé que les possibilités du transport des personnes et les capacités de télécommunication se sont développées, ce qui prépare un terrain favorable à la fraude.

Dans ce contexte on peut citer par exemple; "les sociétés de base (base company) " installées dans ces pays à faible fiscalité. Ces sociétés n'ont pas d'activité propre, servent à concentrer et à gérer les bénéfices commerciaux et financiers réalisés dans le monde par leurs filiales et les établissements de leur groupe fondateur. 45(*)

C'est ainsi que l'internationalisation de la fraude fiscale révèle que le phénomène prend une dimension universelle, dont la maîtrise s'avère très difficile.

La fraude et l'évasion fiscale sont alors plus complexes à approcher qu'il n'y paraît. Il est donc temps de se demander; peut-on mesurer la fraude fiscale ?

En effet, à la question la plus simple : " Quel en est le montant ? ", aucune réponse certaine ne peut raisonnablement être apportée, du fait que les méthodes d'estimation utilisées peuvent mal représenter l'ensemble du phénomène. En fait, en matière de fraude la réalité dépasse souvent l'estimation.

Force est de constater que l'insécurité juridique du contribuable est loin d'être la seule cause au développement d'une fraude et d'une évasion fiscale d'ampleurs si significatives, et inversement de même; la fraude et l'évasion ne sont pas les seules conséquences de l'insécurité fiscale.

On peut donc ajouter que les relations conflictuelles entre administration et contribuable peuvent en être une autre conséquence.

Section 4 : Relation conflictuelle entre administration et contribuable

On ne peut nier que plus que tout autre domaine, la matière fiscale est par nature conflictuelle puisqu'elle oppose deux intérêts antagonistes, l'intérêt du contribuable à ne payer que le stricte nécessaire de l'impôt, voir à ne rien payer du tout et l'intérêt de l'administration à collecter le maximum possible de recettes au trésor publique et ce en réprimant toute fraude.

Mais au-delà de ceci, l'administration de par sa doctrine qui représente la principale source d'insécurité juridique pour le contribuable, ne peut qu'empirer ses relations avec ce dernier.

Dans ce sens on peut constater, le débordement des textes fiscaux par l'interprétation de la doctrine, la dominance pratique de la fiscalité tunisienne, le foisonnement de la doctrine administrative, l'absence de protection du contribuable contre le changement de celle-ci, la timidité du recours pour excès de pouvoir, la suspension de l'effet des lois par simple note administrative...

L'administration fiscale dispose, en effet, de toute une panoplie de privilèges qui rendent illusoire l'égalité des parties. Ces deux protagonistes ne combattent pas dans la même catégorie, ils ne sont pas à égalité de moyens juridiques. L'excès de prérogatives administratives ne tient plus du privilège mais du sacrilège.

On arrive certes à expliquer les causes des relations conflictuelles qui lient l'administration et le contribuable. On peut alors comprendre que par ce dernier, l'administration fiscale est perçue comme une autorité omnipotente devant laquelle il se sent démuni et impuissant.

Mais soucieux de la confiance que doit accorder le contribuable aux fisc, le législateur a essayer d'améliorer les relations de ces derniers par la promulgation du CDPF qui prévoit les droits et les obligations de l'administration fiscale et du contribuable, il consacre au titre du contrôle fiscal 48 articles. On aperçoit donc une tentative de rationaliser le contrôle fiscal et limiter l'arbitraire de l'administration. Ainsi la réorganisation du contentieux fiscal tend à rééquilibrer les rapports entre les deux parties et contribue à la création d'un environnement fiscal favorable.

CHAPITRE 2 : DE QUELQUES RÉFLEXIONS PROSPECTIVES

L'examen de l'état actuel de notre système fiscal est révélateur de plusieurs atteintes au principe de sécurité juridiques. En effet, " le constat effectué n'est guère rassurant : l'insécurité juridique nous menace bien plus que la sécurité juridique du droit fiscal pourrait nous rassurer, en tant que citoyen " 46(*)

Par contre la mondialisation de l'économie et l'intégration de notre pays dans le marché mondial lance un défi de compétitivité par la fiscalité. Il est donc nécessaire de comparer le système fiscal national avec ceux des autre pays.

Dans ce sens la technique du "benchmarking (étalonnage) permet de se comparer avec les autres pays, d'identifier ses points forts et faiblesses et de sélectionner les meilleures usages pour faire évoluer son système. L'objectif est de ne jamais handicaper l'entreprise ou les ménages tunisiens par une imposition fiscale trop lourde par rapport à la fiscalité régissant les entreprises et les ménages dans les pays concurrents". 47(*)

On sait en plus que parmi les critères d'un bon système fiscal est le fait qu'il soit internationalement comparatif. C'est là que s'annonce la nécessité de toujours améliorer la fiscalité du pays. Pour ce faire plusieurs mesures peuvent être proposées.

Section 1 : La technique du rescrit fiscal ou "ruling"

Inspiré du mot latin "rescriptum" qui voulait dire à Rome : la réponse de l'Empereur aux questions adressées par les gouverneurs ou les particuliers sur les difficultés à résoudre et d'une portée limitée à la personne à laquelle elle était adressée. 48(*)

La technique du rescrit permet d'assurer la sécurité juridique du contribuable, du fait que ce dernier consulte l'administration sur une situation fiscale envisagée afin d'obtenir son accord et ce bien sur préalablement à la réalisation. " L'administration aura l'obligation de répondre explicitement et dans un délai très bref (entre trente et soixante jours). Passé ce délai, le silence de l'administration vaudra acceptation tacite". 49(*)

La décision de l'administration (express ou tacite) aura pour effet que " tout les contribuables placés dans une situation comparable peuvent l'invoquer ". 50(*) Il y a même des pays où ces informations font l'objet d'une publication comme le Canada, la Suède et les Etats-Unis.

Cette technique qui garanti pleinement les droits du contribuable a une portée limitée dans certains pays qui l'adopte tel que la Grèce, la Belgique, la France et la Grande Bretagne. Il n'y a en définitive que cinq pays où la procédure ait une application générale qui sont ; Les Etats-Unis, le Canada, le Portugal, la Suède et l'Uruguay. L'application générale implique que la question peut porter sur n'importe quel impôt, à propos de tout projet, en dehors de tout formalisme. 50(*)

En Tunisie, cette technique ne trouve pas encore un terrain d'application, malgré qu'elle a été recommandée par le conseil économique et social dans le cadre de l'élaboration du CDPF. En effet, le législateur l'a ignoré voir implicitement refusé. " Le refus de consacrer le rescrit par le CDPF, malgré la sollicitation faite par ledit conseil, permet à l'administration fiscale de garder les mains libres ". 50(*)

Puisque la technique du rescrit favorise la sécurité des situations juridiques du contribuable, il parait nécessaire de l'instaurer parmi les autres procédures fiscales d'autant plus qu'actuellement on assiste à une ouverture de l'économie nationale aux investisseurs étrangers cherchant un système fiscal plus avantageux. Cette démarche pourrait effectivement être le premier pas vers une meilleure image du fisc tunisien.

Section 2 : Amélioration de la qualité de la norme fiscale

Il est de fait que la loi, en tant que première source de droit fiscal (après la constitution), doit être de très haute qualité sur tous les plans, afin de pouvoir réglementer les relations fiscales entre le contribuable et l'administration tout en assurant un certain degré de sécurité pour chacun.

Sous-section 1 : Améliorer la qualité du débat public en matière fiscale

Dans notre pays on a pu remarquer que le débat public sur les sujets fiscaux est très limité. La modernisation des procédures d'élaboration des normes fiscales, peut se faire à l'instar des Etats-Unis ou du Royaume-Uni par la création d'organismes indépendants chargés de produire des analyses sur les questions fiscales. Pour la Grande Bretagne cet organisme est le British Institute for Fiscal Studies crée à la fin des années 60. Il est composé par une équipe permanente d'une trentaine de personnes, majoritairement économistes. Il utilise les possibilités de communication les plus développées par Internet et joue depuis sa création un rôle important en matière de qualité de la norme fiscale dans son pays.

Quant aux Etats-Unis, l'organisme est encore plus ancien, le National Tax Association crée en 1907. Il assure la continuité d'une réflexion indépendante sur les questions fiscales. Ses moyens de communications sont très développés et donnent lieu à :

- une publication d'une revue très connue : National Tax Journal

- l'organisation de colloques annuels

- et un site Web développé ( www.ntanet.org ).

Ces deux organismes favorisant le débat public en matière fiscale, n'ont pas d'équivalent dans notre pays. Il apparaît donc utile de renforcer nos moyens d'étude et de réflexion dans le domaine fiscal.

Toujours en terme d'amélioration de la qualité de la norme fiscale, des procédures de simplification de la norme peuvent être envisagées afin de la rendre plus compréhensible par les non spécialistes en la matière.

Sous-section 2 : Rendre la loi fiscale plus compréhensible par les contribuables

Comme on l'a déjà constaté, la loi fiscale est caractérisée par sa complexité qui engendre d'une part une difficulté de compréhension et d'autre part une difficulté d'interprétation. " Un premier recours du contribuable pour surmonter ces dernières devraient être la lecture de l'exposé des motifs de la loi, texte introductif dont l'une des fonctions est de souligner l'intention du législateur". 51(*)

Bien que leur contenu semble être assez explicatif. Il s'avère que ces exposés de motifs des projets des lois, et pour ce qui nous concerne des lois de finances, ne sont pas facilement accessibles. Une publication plus étendue de ces exposés serait donc souhaitable, afin d'améliorer la compréhension des lois fiscales, à travers la connaissance des véritables intentions du législateur.

Cela pourrait alors contribuer à réduire la complexité des normes fiscales, en favoriser une meilleure application et garantir un certain degré de sécurité pour les contribuables.

Sous-section 3 : Entreprendre une réécriture des codes fiscaux

Il est de fait que la loi fiscale souffre de sa faible lisibilité, elle perd facilement son intelligibilité surtout avec des textes longs, un vocabulaire inadapté et des phrases dépourvues de toutes structures. Il serait donc temps de tenter une simplification de fond pour les normes fiscales, et mieux encore envisager un processus de réécriture des codes fiscaux.

On sait qu'une telle proposition n'est pas aisément exécutable, mais avant d'en juger il parait plus judicieux d'effectuer une étude de faisabilité qui dresse un bilan coûts-avantages de l'opération de réécriture.

On pourrait consulter l'expérience britannique de réécriture des lois afin d'en prendre l'exemple, en effet, le British Institute for Fiscal Studies a joué un rôle important en matière de qualité de la norme fiscale, en créant une structure dédiée à la réécriture de la loi fiscale (le Tax Law Review Commitee, crée en 1994) qui a fortement contribué à la démarche britannique de réécriture progressive de la loi fiscale en 1996.

Un exemple pratique de réécriture de la loi fiscale : Procédure britannique

(Tax Law Rewrite) 52(*)

La procédure présente les caractéristiques suivantes :

- Une démarche par étape, par type d'impôt, planifiée sur plusieurs années.

- Une réécriture à droit constant

- Une structure des textes plus clairs et logiques

- Les principales préconisations sont ; proposer des méthodes de simplification de la norme fiscale, notamment avec des exemples concrets, utilisation d'une langue accessible, avec des phrases plus courtes et/ou des méthodes d'écriture plus modernes, meilleur usage des définitions...

Du point de vue procédure, celle-ci a fait place, en amont, à une très large association de l'ensemble de la communauté fiscale britannique, avec plusieurs organes.

La première loi de simplification a été déposée à la chambre des communes, suivant cette procédure, en janvier 2001, et adoptée en mars 2001, soit quatre ans après le lancement du projet.

Outre l'intelligibilité de la norme fiscale, son accessibilité est aussi perfectible. Un processus de codification totale du droit fiscal est donc espérable, du fait qu'une loi non codifiée est difficilement accessible au contribuable.

Ces procédures une fois adoptées permettraient une plus grande cohérence des codes fiscaux, limitant ainsi le champs pour les commentaires de la loi.

Sous-section 3 : Réduire les commentaires de la loi fiscale

La réduction des commentaires de la loi passe systématiquement par la réduction de la taille des instructions administratives, qui représentent la première source interprétative de la loi fiscale dans notre pays. En effet à force de vouloir tout expliquer, l'administration fiscale a développé une doctrine foisonnante, qui compliquait d'avantage la loi fiscale.

À des fins de simplification et de réduction, les commentaires administratifs ne devraient viser que les cas les plus courants ou les plus délicats. C'est ainsi, que la doctrine verrait sa lisibilité renforcée.

Toutes les mesures précitées pourraient effectivement améliorer la qualité de la norme fiscale, et ce bien sur afin d'assurer un seul objectif ; la sécurité juridique du contribuable.

Section 2 : Renforcer la sécurité juridique en droit fiscal

En Tunisie, le système fiscal actuel inspire beaucoup d'inquiétudes, du fait que la sécurité juridique du contribuable semble être volontairement ignorée.

Quoi qu'il en soit, une réforme pour sécuriser et protéger le contribuable, parait d'urgence.

Sous-section 1 : Renforcer le contrôle constitutionnel des lois fiscales

Le respect du principe de légalité fiscale nécessite la mise en oeuvre d'un mécanisme de contrôle approprié. " L'effectivité du principe de légalité est extrêmement variable d'un pays à l'autre, elle dépend de l'existence d'un contrôle effectif de la constitutionnalité des lois". 53(*)

En effet le contrôle de constitutionnalité des lois constitue la garantie essentielle de la sécurité juridique dans un pays. Or peut-on parler d'un contrôle de ce type en Tunisie ?

L'effectivité de ce contrôle dépend certes du rôle et des attributions dont confère la législation à l'organe compétant. Dans ce sens le législateur attribue au conseil constitutionnel la compétence de contrôler tous les projets de lois.

Selon l'article 75 (nouveau) de la constitution, " Le Conseil Constitutionnel se compose de neuf membres ayant une compétence confirmée, et ce indépendamment de l'âge, dont quatre, y compris le président, sont désignés par le Président de la République, et deux par le président de la Chambre des députés, et ce, pour une période de trois ans renouvelable deux fois, et trois membres sont désignés qualités : le premier président de la Cour de cassation, le premier président du Tribunal administratif et le premier président de la Cour des comptes". On remarque alors, que la majorité des membres de ce conseil sont désignés par le président de la république, ce qui implique des doutes sur sa mission, vu sa dépendance du pouvoir exécutif.

Dans ce contexte on pourrait prendre un exemple parmi d'autres, d'inconstitutionnalité d'une loi fiscale, "qui met à la charge des établissements de crédit, l'obligation de collecter l'impôt sur les intérêts au titre des comptes spéciaux d'épargne n'atteignant pas le seuil d'imposition, donc exonérés d'impôt conformément à l'article 39 du code de l'IRPP et de l'IS. Le concept constitutionnel n'est pas respecté, il l'est à un double titre puisque d'une part les retenues opérées ne constituent nullement un impôt dû pour le contribuable épargnant et d'autre part l'organisme qui a opéré les retenues agit de façon inconstitutionnelle". 54(*)

Une réforme constitutionnelle parait donc souhaitable, pouvant renforcer la neutralité et l'indépendance des membres du conseil, de manière à garantir leur objectivité. Cet objectif peut être atteint à travers un nouveau mode de désignation de ces membres. A titre d'exemple les membres du conseil constitutionnel français sont désignés comme suit :

-Trois membres sont nommés par le Président de la République,

- trois par le Président de l'Assemblée Nationale

- et trois par le Président du Sénat. 55(*)

Dans ce sens, il importe tout de même de signaler qu'actuellement et dans le cadre de la consécration des principes de la république de demain, un projet de loi organique relatif au conseil constitutionnel est en cours de débat.

Lors de son audition, le premier ministre a exposé en commission, les objectifs et les spécificités de ce projet, concernant l'insertion des amendements introduits sur la composition du conseil, le mode de désignation de ses membres, la consécration de leur neutralité et de leur indépendance et la fixation des garanties dont ils bénéficient dans l'exercice de leurs fonctions. A cela s'ajoute l'introduction d'un ensemble de procédures à prendre impérativement en considération, notamment le contrôle constitutionnel.

Grâce à ce projet de loi, a-t-il dit, le conseil deviendra une institution cohérente et pluridisciplinaire à l'instar des autres conseils constitutionnels dans le monde. 56(*)

Cette démarche favorise le renforcement de l'Etat de droit et des institutions, la garantie de la primauté de la Constitution, le respect du principe de légalité et donc la souveraineté de la loi. Ce serait un pas important vers la consécration du principe de sécurité juridique.

Mieux encore, il importe d'instituer un véritable droit des contribuables à la sécurité juridique, il faudrait donc constitutionnaliser le principe de sécurité fiscale, à l'instar du cas espagnol à travers l'article 9-3 du titre préliminaire de la constitution du 27 décembre 1978. Cet article dispose que l'un des objets de la constitution est de garantir la sécurité juridique. 57(*)

Mais pour que la sécurité juridique des contribuables soit bien une réalité, il faut encore que cette dernière ne soit plus menacée par les lois fiscales rétroactives.

Sous-section 2 : Encadrer strictement la rétroactivité de la norme fiscale

La non rétroactivité est l'une des principales composantes de la notion de sécurité juridique. Parallèlement la rétroactivité des lois fiscales apparaît en être la principale atteinte, du fait que les lois rétroactives bouleversent les prévisions du contribuable sur lesquelles il ne peut plus compter.

Il apparaît donc nécessaire d'encadrer strictement la rétroactivité de la norme fiscale, à commencer par rendre exceptionnels les cas de rétrospectivité de la loi de finances en raison de ses inconvénients pour les contribuables, malgré que cette dernière demeure utile pour conserver à l'Etat une certaine souplesse face aux fluctuations de la conjoncture économique.

Par le fait de diminuer la portée de la rétrospectivité des lois de finances, on ne vise certes pas à limiter le pouvoir de l'Etat qui pourrait conduire à l'inertie de son budget. En prévoyant que les lois de finances ne s'appliqueraient qu'aux exercices commencés après leur entrée en vigueur, sauf disposition express, le législateur ne perdrait pas ainsi toute possibilité d'action et la rétrospectivité des lois de finances ne jouerait que dans des cas exceptionnels.

Le but sera donc de trouver un meilleur équilibre entre l'exercice du pouvoir législatif et le respect de la sécurité juridique des contribuables, et non pas la remise en cause des libertés dont dispose le législateur pour guider la vie économique.

En ce qui concerne la rétroactivité pure et simple qui menace directement la sécurité des contribuables, le progrès le plus important auquel on pourrait s'attendre réside dans l'attitude même du gouvernement à poser des règles plus stables pour limiter la rétroactivité en matière fiscale et ne la faire agir que dans des cas exceptionnels où l'intérêt général, impérativement, l'exige.

Une proposition notable a été avancée par le conseil des impôts de France, stipule que : " La stricte limitation de la rétroactivité pourrait faire l'objet d'un code de conduite que le parlement et le gouvernement s'engageraient à respecter. Ce code de conduite pourrait poser des principes clairs pour l'application de la loi fiscale aux situations en cours. Ainsi la remise en cause avant leur terme d'exonération préalablement consenties pourrait-elle être exclue". 58(*)

Sous-section 3 : Instituer une protection législative du contribuable contre le changement de doctrine administrative

Le fait que l'administration fiscale ne soit pas liée par sa doctrine pour l'avenir, elle bénéficie alors de la possibilité de changer cette dernière quand bon lui semble. Cette pratique affecte la sécurité du contribuable, qui ne trouve pas sa protection dans la législation tunisienne contre l'arbitraire administratif.

Or pour le cas français, le législateur s'est aperçu qu'il convenait de protéger le contribuable contre le changement de la doctrine administrative. À cet égard, il a considéré que si l'administration procède à un changement de sa doctrine, elle ne peut pas nuire par ce changement au contribuable. 59(*)

Cette garantie est en fait instituée par des textes spéciaux ; l'article L80 A et L80 B du livre des procédure fiscales, au terme de l'article L80 A, la contribuable ayant appliqué un texte fiscal "selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportées à la date des opérations en cause" ne peut faire l'objet d'aucun rehaussement à raison des opérations concernées. L'article L80 B prévoit que ces garanties valent également "lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal". 59(*) Ces dispositions ont donc pour objectif, la sécurité fiscale.

Alors qu'en Tunisie, et malgré la parution du CDPF, ce code ne contient désormais aucun texte relatif à la protection du contribuable contre le changement de la doctrine administrative. Un texte pareil aurait pu garantir la sécurité du contribuable tunisien aussi bien qu'étranger.

Il est aussi opportun de noter que le conseil économique et social a proposé au gouvernement et au parlement d'instituer cette garantie dans le cadre du CDPF, sauf que cette proposition n'a pas été prise en considération, ce qui nous amène à penser qu'il s'agit d'un refus volontaire et non pas d'une omission. " La protection du contribuable tunisien contre les changements de la doctrine administrative n'est semble-t-il pas pour demain". 60(*)

Malgré tout, une telle institution est toujours espérée, afin d'encadrer les pouvoirs de l'administration et surtout réduire l'arbitraire fiscal tout en consacrant la sécurité juridique des contribuables.

À voir les conséquences et effets funestes de l'insécurité juridique, allant des simples inhibitions jusqu'à la fraude, on pourrait conclure :

Qu'au lieu de mettre en oeuvre des procédures de lutte contre la fraude, il parait plus judicieux d'essayer d'agir sur ses causes d'origine et donc tenter d'améliorer notre système fiscal en matière de sécurité juridique.

Cela contribuera peut être au développement d'un certain civisme fiscal qui permettra de voir des contribuables conscients de leurs devoirs fiscals, ressenti comme une forme de solidarité citoyenne et non une oppression de leurs droits.

CONCLUSION GENERALE

En matière fiscale, la sécurité juridique consiste à garantir aux contribuables les montants des impositions mises à leurs charges, de telle manière que chacun d'entre eux puisse prévoir et compter sur ces prévisions.

Dés lors, la sécurité fiscale des contribuables dépend du degré d'application des principes fondamentaux du droit fiscal. En effet si la mise en oeuvre de l'impôt comporte des actes de puissance publique, créant des obligations unilatérales à la charge du contribuable, des garanties doivent être accordées à celui-ci pour le protéger de l'arbitraire. Ces garanties découlent des différents principes de droit et en premier lieu de la notion de légalité qui domine certes les rapports entre l'Etat et les citoyens dans les nations modernes.

La sécurité juridique des contribuables suppose à la fois, la clarté des textes régissant la matière fiscale, la prévisibilité de l'interprétation des normes et la non rétroactivité des lois fiscales.

Or le constat tiré de cette étude, n'est guère rassurant. Le concept de sécurité juridique ne semble pas être respecté en droit fiscal tunisien. Désormais, on a toujours tendance à privilégier les intérêts du trésor et ce au détriment de la sécurité des contribuables.

C'est à partir de là par contre, qu'on constate le développement d'une véritable insécurité qui, à l'heure actuelle, caractérise plus le droit fiscal tunisien. En effet on assiste à l'évolution des finalités de l'impôt, qui n'est plus uniquement un outil de finance publique, mais la règle de droit fiscal est devenue un moyen de service d'une politique économique et sociale.

Ces multiples vocations de l'impôt ont conduit à l'inévitable inflation normative et ce pour des mesures d'adéquation de l'outil fiscal aux changements des conjonctures économiques et sociales.

Le productivisme juridique engendre une matière fiscale complexe et dont les normes sont difficilement compréhensibles aux usagers. A cet égard, une nécessité fonctionnelle s'est fait ressentir, celle de l'interprétation des textes fiscaux.

Par conséquent, on constate le développement d'une doctrine administrative foisonnante, qui déborde parfois les textes interprétés mais qui demeure malgré tout la première source interprétative dans notre pays. Cependant cette dernière connaît certes une supériorité juridique, qui est l'interprétation du juge fiscal dont la décision s'impose à l'administration.

Mais il importe de signaler que l'existence d'un arsenal volumineux de textes fiscaux, auquel s'ajoutent des interprétations divergentes, contribue à désorienter le contribuable et le placer directement en situation fiscale insécurisée. Une situation qui se fragilise d'avantage à travers le recours à des lois fiscales rétroactives.

Dans ce sens, et afin d'éviter les conséquences potentielles de l'insécurité fiscale allant des simples effets inhibitifs jusqu'à la fraude proprement dite, il parait judicieux d'envisager l'amélioration de notre système fiscal.

A commencer par instituer la technique du rescrit, améliorer la qualité de la norme fiscale en général et renforcer de la sorte la sécurité juridique en droit fiscal, favorisant ainsi un système compétitif, d'autant plus qu'on assiste à une ouverture des frontières et une libéralisation de l'économie nationale.

Ainsi, dans le contexte actuel où la fiscalité est ressentie comme une fatalité, l'urgence d'une réforme fiscale apparaît comme un souhait de plus en plus accru, une réforme dont la toile de fond serait le renforcement de la sécurité juridique.

La réforme en question, pourrait se faire dans le cadre de la consécration des principes de la république de demain, et ce afin d'instaurer un certain civisme fiscal. Pour le contribuable, payer ses impôts sera un corollaire de citoyenneté et un élément de rattachement considérable au pays et non plus un acte de puissance publique et d'oppression de droits.

* 1) Adam Smith, "Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations", Gallimard, 1976

* 2) François luchaire, ancien membre du conseil constitutionnel français, "La sécurité juridique en droit constitutionnel français"

* 3) Frédéric Douet, "Contribution à l'étude de la sécurité juridique en droit fiscal interne français", édition LGDJ, paris 1997, page 11

* 4) L'article 34 (ancien) de la constitution 1976

* 5)Jnayeh Ridha."Les délégations législatives en matière de fiscalité indirecte", R.T.D., 1983 page 337

* 6) Ayadi Hbib, "Droit fiscal", 1ère édition, 1991 page 207

* 7) Ayadi Hbib, "Droit fiscal", n° 495, page 219

* 8) Frédéric Douet, op.cit. page 2

* 9) Cazin d'Honincthun Arnaud, journal officiel de la république française des débats de l'assemblée nationale du 20 juillet 1995

* 10) Mohamed Mokded Mastouri, "Droit fiscal de l'entreprise" édition CLE, page 260

* 11) Raouf Yaich, "cours de fiscalité: taxes assises sur le chiffre d'affaire" titre 1 chapitre 2

* 12) Michel Bouvier, "Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l'impôt", 5ème édition 2003 L.G.D.J, page 177.

* 13) Raouf Yaich, "Théorie fiscale", édition Raouf Yaich, Sfax 2002, page 54

* 14) Geffroy Jean Baptiste, "Grands Problèmes Fiscaux Contemporains" 1ére édition, paris PUF page 304

* 15) Données relevées à partir des lois de finances pour la gestion des années 2001, 2002 et 2003, tableaux A "recette du budget de l'Etat"

* 16) Robez-Masson Charles,"la notion d'évasion fiscale en droit interne français", Paris, économica 1991, (encyclopédie de finance publique tome1) page 854

* 17) Ayadi Hbib, "droit fiscal international", page 78.

* 18) Portalis Frédéric, "essais sur l'utilité de la codification, et comparaison des différent projets de code civil", Paris, librairie de la cours de cassation, 1844

* 19) ESMEIN, note relative à des décisions données par la cour de cassation en matière fiscale, Paris, 1927, 1932,1934.

* 20) Note commune n° 23, texte n° DGI 90/28, page 127.

* 21) Raouf Yaich, "Théorie fiscale", édition Raouf Yaich, Sfax 2002, page 96

* 22) Philippe Marchessou, "l'interprétation des textes fiscaux", Paris, édition: économica 1980

* 23) Frédéric Douet, op.cit. page 160

* 24) Marcel Martin, commissaire de gouvernement, conclusions sur un arrêt de 1957, Paris.

* 25) Ayadi Hbib, "droit fiscal international", Tunis 2001, n° 119, page 79.

* 26)Ayadi Hbib, op.cit. page 78

* 27) Raouf Yaich, "Théorie fiscale", édition Raouf Yaich, Sfax 2002, page 97

* 28) Héron Jacques, "principes du droit transitoire", Paris, Dalloz, collection: philosophie et théorie générale du droit",1996

* 29) Loi n° 93-64 du 5 juillet 1993, relative à la publication des textes au JORT et à leurs entrée en vigueur.

* 30) Frédéric Douet, op.cit. page 127

* 31) Michel Bouvier, "Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l'impôt", 5ème édition 2003 L.G.D.J, page 182.

* 32) Hbib Ayadi, "droit fiscal", 1989 page 222

* 33) Philippe Marchessou, " l'interprétation des textes fiscaux" n° 79 page 27

* 34) Frédéric Douet, op.cit. page 49 et suivant.

* 35) Isabelle Helman, " l'opposabilité des prises de positions de l'administration fiscale " page 452

* 36) Daniel Labetoule, " ni monstre, ni appendice " le renvoi de l'article 2 revue française de droit administratif 1988 n° 2 page 213 et suivant

* 37) Jérôme Turot, "moins de laine ou moins de moutons ?" 1996 n° 3 page 107 et suivant.

* 38) - Jean Baptiste Jeffroy, " grands problèmes fiscaux contemporains " n° 297 page 561

* 39) - J.B.Jeffroy, op. cit. page 562 et suivant.

* 40) - Conseil des impôt de France, 13éme rapport au président de la république, 2000

* 41) - J.B.Jeffroy, op. cit. page 570

* 42) - Conseil des impôts, rapport au président de la république, 1977

* 43) - J.B.Jeffroy, op. cit. page 587

* 44) J.B.Jeffroy, op. cit. page 577 et suivant

* 45) J.B.Jeffroy, op. cit. page 578

* 46) Brigitte Néel, préface de l'ouvrage: "Contribution à l'étude de la sécurité juridique en droit fiscal interne français" de Frédéric Douet.

* 47) Raouf Yaich, "Théorie fiscale", édition Raouf Yaich, Sfax 2002, page 17

* 48) Gallimard M, "le rescrit", journal des notaire et des avocats, 1987, article 59077, page 895

* 49), 3) et 4) J.B.Jeffroy, op. cit. page 606 et suivant.

* 50) Ghadhoum Walid, " la doctrine administrative en Tunisie ", thèse de doctorat en droit fiscal, sfax 2003, page 325

* 51) Conseil-des -impôts de France, dixième rapport au président de la république 2001, "relations-contribuable/administration" publié.

* 52) Conseil-des -impôts de France, dixième rapport au président de la république 2001, "relations-contribuable/administration" publié.

* 53) Pr.Baccouch Néji, "Cours de l'académie internationale du droit constitutionnel" cours de droit fiscal 1998.

* 54) Abdelhamid Ben Jaballah, "le contribuable face au fisc", page 26.

* 55) Selon l'article 56 de la constitution française 1958.

* 56) Tunisie, article de la presse, du 24 juin 2004, "Le Conseil constitutionnel appelé à devenir, une institution cohérente et pluridisciplinaire".

* 57) Colas Dominique, "textes constitutionnels français et étrangers, textes essentiels", Paris, Larousse, 1994, page 335.

* 58) Conseil-des-impôts de France, dixième rapport au président de la république 2001, "relations contribuable/administration" publié.

2) Ghadhoum Walid, " la doctrine administrative en Tunisie ", thèse de doctorat en droit fiscal, Sfax 2003, page 317

* 59) Conseil-des-impôts de France, dixième rapport au président de la république 2001, "relations contribuable/administration" publié.

* 60) Ghadhoum Walid, " la doctrine administrative en Tunisie ", thèse de doctorat en droit fiscal, Sfax 2003, page 320






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