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L'alternance politique au Sénégal : 1980-2000

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par Adrien THOUVENEL-AVENAS
Université Sorbonne Paris IV - Master 2 2007
  

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5.2 Les forces en présence :

5.2.1 L'opposition :

5.2.1.1 L'absence d'un véritable front commun :

L'Etat sénégalais compte à l'aube des élections de 1983 treize partis d'opposition. Il souffre de ce qu'on appelle communément "un trop plein démocratique" 24. En effet, cette nébuleuse opposante ne remplit pas son rôle contestataire. Elle n'a aucun plan d'action commun et, semble-t-il, aucune volonté réelle d'en avoir un. Pourtant, aux alentours des années 1978 -1979, quelques personnalités politiques ont tenté d'éviter cet éparpillement. En 1978, Mamadou Dia essaie en créant la COSU de former un véritable "rassemblement national démocratique et populaire" d'extrême gauche.

Basant sa doctrine sur le pluralisme politique intégral, une refonte totale du système économique sénégalais et un rejet du "néo-colonialisme français", Dia attire rapidement des formations clandestines telles qu'And Jëf, la LD/MPT, le PAI-Sénégal et l'UDP. La COSU n'arrive cependant pas à ratisser au-delà des formations marxistes. Ce fait est principalement imputable à Mamadou Dia lui-même. En effet, ce dernier croit en son "destin national" et refuse l'entrée d'hommes comme Wade ou Anta Diop, qui pourraient immanquablement lui faire de l'ombre. Mais l'ascension de la COSU prend bien vite fin, suite à l'ouverture politique décidée par Abdou Diouf en avril 1981. Dépossédée de son thème majeur et fédérateur, la COSU ne subsiste que peu de temps avant de disparaître dans l'indifférence générale.

Toutefois, l'approche des élections amène les opposants à émettre le souhait de s'unir. Abdoulaye Wade déclare, à l'annonce de sa candidature à la présidence le 26 novembre 1982, que "l'union de toutes les forces démocratiques en vue du changement doit être effectué autour d'un programme minimum, en écartant les discutions d'écoles, les querelles byzantines et les idéologies, pour s 'arrêter que sur les objectifs concrets" 25 . Quant à Mahjemout Diop et Ousmane Wone, ils laissent entendre qu'ils pourraient se retirer des présidentielles au profit d'un candidat unique choisi par les différents partis d'opposition 26.

23 Pierre Biarnès, "Veille d'élections au Sénégal : Un trop plein démocratique", Le Monde, 25 février 1983 et D.Cruise O'brien, "Les élections sénégalaises du 27 février 1983", PoA 11, 1983.

24 Pierre Biarnès, "Veille d'élection au Sénégal : Un trop plein démocratique", Le Monde, 25 février 1983.

25 "Abdoulaye Wade candidat à l'élection présidentielle", Le Soleil, 26 novembre 1982.

26 "Ousmane Wone, candidat du PPS", Le Soleil, 1er décembre 1982.

L'espoir est donc de mise lorsque huit partis établissent "une plate-forme d'unité d'action des partis de l'opposition" en janvier 1983. Ils adoptent une déclaration commune qui impute "les souffrances du peuple sénégalais" aux anciens colonisateurs et aux 22 années de mauvaise gérance socialiste. Ils prônent aussi un changement à court terme en établissant "un programme de salut national" 27 . Mais très vite, la flamme unitaire s'éteint. Le groupe des huit se divise au sujet du choix d'un candidat unique. Si Mamadou Dia est plébiscité par la LD/MPT, la LCT, le MPT et l'UDP ; le PAI, le PPS, le PDS et le PIT refusent de soutenir l'ancien Président du Conseil, privilégiant leur propre leader.

Pour les législatives, la situation est encore plus anarchique. Alors qu'une liste commune faciliterait la présence d'un contingent de députés appréciable place Tascher, les formations d'opposition choisissent la carte individuelle contre toute logique. Voici ci-dessous un récapitulatif sommaire des différentes stratégies suivies.

- Le RND adopte une attitude paradoxale. Si le parti de Cheikh Anta Diop ne présente pas de candidat aux présidentielles, certainement pour favoriser une entrée dans le gouvernement de ses dirigeants, il constitue une liste pour les législatives. Lorgnant vers Abdou Diouf tout au long de la campagne, cette erreur stratégique déstabilise l'électorat du RND et marque le début d'un déclin irrémédiable. A partir de 1983, le RND n'incarne plus la possibilité d'une alternance politique auprès du grand public.

- Le PIT prend le parti de Wade en déclarant officiellement soutenir sa candidature, "étant trop réaliste pour faire la politique de l'autruche" 28. Il s'estime trop peu influent pour prétendre à la magistrature suprême. Cette alliance étonne puisqu'elle réunit un parti dit libéral à une formation marxiste, très proche de Moscou. Cependant, Seydou Cissokho rétorque que le PDS n'a de libéral que son statut, décidé à l'époque du tripartisme senghorien. Pour lui, le PDS est une formation populaire, qui a su "rallier les masses". Cependant, le PIT présente une liste aux législatives.

- Le MDP et surtout Mamadou Dia effectuent un dernier baroud d'honneur. Le candidat tente de justifier ses agissements passés, laissant une sorte de testament politique. On note une rancoeur palpable à l'égard de ses anciens amis socialistes, contre qui il désire mener "un véritable "jihad". Agé de 71 ans, atteint d'une cécité presque totale, l'homme n'oublie cependant pas de défendre les intérêts des trois partis qui se sont ralliés à sa candidature. Ils forment selon eux un "cadre d'unité anti-impérialiste". Néanmoins, la LD/MPT et le MDP vont en ordre dispersé aux législatives. Les deux autres partis ralliés à Dia, à savoir la LCT et l'UDP, ne se présentent pas... n'ayant pas la possibilité de payer la caution de 3 millions de FCFA, nécessaire pour obtenir l'autorisation de dresser une liste.

- Le PAI de Mahjemout Diop aborde ces élections de façon solitaire en créant le "Front Boksarew". Affaiblie par des scissions à répétition, notamment avec le PIT, la formation historique du marxisme au Sénégal apparaît en retrait lors des débats. Comme le souligne fort justement Donal Cruise O'Brien, "l'extrême gauche s 'est vu offrir la corde électorale pour se

27 "Huit partis d'opposition d'accord sur une plate forme", Le Soleil, 6 janvier 1983.

28 "Le PIT soutient Abdoulaye Wade", Le Soleil, 28 janvier 1983.

pendre" 29.

- Le PPS est certainement le parti le moins en vue durant les 21 jours de campagne. Néanmoins, son secrétaire général Ousmane Wone s'invente un destin présidentiel. Outre le fait de dénoncer avec virulence le régime néo-colonialiste de Diouf, il déclare le 13 janvier 1983 que "le peuple sénégalais le choisira" 30. Prévoyant, l'homme nomme par avance son futur Premier ministre. L'heureux élu est Landing Savané, le secrétaire général d'And Jëf. Mais les observateurs ne sont pas dupes, n'hésitant pas à qualifier le PPS de "petit parti sans importance".

La multiplication des candidatures ne bénéficie bien évidemment pas à l'opposition. Elle l'affaiblit et discrédite l'action générale menée par les quelques dirigeants "responsables". Seul surnage dans cette nébuleuse contestataire le parti d'Abdoulaye Wade, en dépit des graves agitations qui ont secoué le PDS entre 1981 et 1983.

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