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L'alternance politique au Sénégal : 1980-2000

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par Adrien THOUVENEL-AVENAS
Université Sorbonne Paris IV - Master 2 2007
  

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5.2. Des élections plus transparentes :

Pour s'assurer de la bonne organisation des élections de 1998, Abdou Diouf nomme à la surprise générale un nouveau ministre de l'Intérieur, le général Lamine Cissé. Chef d'Etat Major des Armées jusqu'au 5 janvier 1998, il est réputé pour être apolitique et ne pas avoir de liens trop étroits avec le PS. Cette "militarisation" du gouvernement ne provoque pas de gêne pour l'opposition. Elle s'en satisfait même, car selon les dires de Djibo Kâ, le nouveau ministre a "les mains propres" 135 . Il bénéficie de la bonne réputation de l'armée sénégalaise - "la grande muette" - qui n'est jamais intervenue depuis l'indépendance dans la vie politique

133 Le Soleil, 20 et 22 mars 1998.

134 Le Soleil, 6 avril 1998.

135 "Djibo Kâ en tournée", Le Soleil, 26 janvier 1998.

intérieure.

Le général Lamine Cissé a pour mission de réconcilier l'administration et l'opposition en prenant des mesures allant dans le sens de la transparence. Il doit ainsi collaborer avec un autre général à la retraite, le général Mamadou Niang, directeur de l'ONEL. Les deux hommes se connaissent bien, le général Niang ayant été autrefois le bras droit du ministre de l'Intérieur.

En instaurant ce binôme, Abdou Diouf souhaite faciliter le travail de supervision de l'ONEL, gênée par quelques "blocages" administratifs. Car contrairement aux craintes émises par And Jëf lors de sa création, l'ONEL n'est pas sous la coupe du pouvoir et mène une véritable guerre à la fraude électorale. Implantée partout sur le territoire grâce à ses relais départementaux - les Observateurs Départementaux des Elections (ODEL) - l'organisation se heurte rapidement aux mauvaises volontés... du ministère de l'Intérieur. L'ONEL se plaint notamment de ne pas avoir accès au véritable fichier électoral : "on ne peut pas se mettre dans un petit coin et faire des manipulations sur le fichier" 136.

En effet, elle constate de grandes différences entre le fichier électoral qui lui a été remis et le fichier officiel détenu par le ministère de l'Intérieur. Ce dernier comporte de nombreuses anomalies : des électeurs ont été rayés sans raison valable ; des personnes décédées sont touj ours présentes dans le fichier ; des Sénégalais ayant le même prénom, le même nom et la même date de naissance sont inscrits dans de mêmes bureaux de vote etc. L'ONEL note également des problèmes récurrents concernant la distribution des cartes d'électeur : nonprésence de partis d'opposition lors de la distribution ; présidents de commission tentés de donner des cartes sur présentation de cartes d'identité périmées etc. Bien que n'ayant pas le pouvoir de sanctionner les fraudeurs, l'ONEL les dénonce et obtient pour certains d'entre eux leur mise à l'écart du processus électoral et même leur déferrement devant la justice 137.

L'observatoire pousse les autres garde-fous mis en place par Diouf au cours des années 1990 à être plus pointilleux et moins passifs qu'auparavant. Tel est le cas du Haut Conseil de la Radio-Télévision (HCRT), qui condamne à présent avec plus de vigueur les campagnes déguisées, les ndiguel prononcés etc. Il sort même de son cadre de compétence pour épingler des articles du Soleil, de Wal Fadjri ou du Matin 138.

Le HCRT veille aussi à ce que les temps de parole à la radio et à la télévision soient respectés. Pour ces élections, le PS est très nettement avantagé, officiellement en raison de sa "représentativité" à l'Assemblée nationale. Pendant les trois semaines de campagne, les socialistes ont quotidiennement 10 minutes et 5 secondes d'antenne ; les libéraux 5 minutes et 5 secondes ; les autres partis représentés à l'Assemblée nationale 3 minutes et 5 secondes ; les partis non-représentés au Parlement 3 minutes 139.

Cette organisation rigoureuse du temps de parole est nécessaire, puisque pour ces législatives... 18 formations se présentent. En 1998, on compte une trentaine de partis officiels au Sénégal. La prolifération des organisations politiques à partir du milieu des années 1990 s'explique notamment par : le code électoral de 1992, qui autorise les partis à se regrouper et à se coaliser ; l'ambition de certaines personnalités mis au ban des "grandes" formations de revenir sur le devant de la scène politique (Djibo Kâ, Iba der Thiam, Jean-Paul Dias etc.) ;

136 "Fichier électoral : réclamations de l'ONEL ", Le Soleil, 15 avril 1998.

137 "Distributions de cartes d'électeur : les mises en garde de l'ONEL", Le Soleil, 20 avril 1998 et "Disparition de 210 cartes à Koussanar : le président de la commission et ses complices déférés au parlement", Le Soleil, 12 mai 1998.

138 "Le HCRT épingle les quotidiens", Le Soleil, 21 avril 1998.

139 Le Soleil, 21 avril 1998.

l'affaiblissement doctrinal des partis marxistes, tels que And Jëf, le PIT et la LD/MPT -

reconvertis après la chute de l'URSS en parti de masse - qui amènent les militants désorientés à créer des formations plus ancrées à gauche ; l'arrivée d'une nouvelle génération d'hommes

politiques, bloquée dans son ascension par les caciques des différents partis en place, aspirant à jouer un rôle de premier plan (Talla Sylla avec Alliance Jëf-Jël).

On répartit les formations en lice en deux catégories. La première rassemble les partis dits

"historiques", fondés soit dans le cadre du quadripartisme senghorien, soit dans le cadre du multipartisme intégral dioufiste. La deuxième réunit les formations politiques qui ont

bénéficié des possibilités offertes par le code électoral consensuel de 1992. Cette ligne de démarcation est relativement bien visible quand on se penche sur les dates de création des

formations ou coalitions engagées pour ces législatives.

- Le Parti Socialiste (PS) : 6 septembre 1959

- Le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) : 14 août 1974

- Le Mouvement Républicain Sénégalais (MRS) : 7 février 1979

- Le Rassemblement National Démocratique (RND) : 18 juin 1981

- Le Mouvement pour le Socialisme et l'Unité (MSU) : 6 juillet 1981

- And Jëf : 6 juillet 1981

- La Ligue Démocratique/MPT (LD/MPT) : 9 juillet 1981

- Le Parti de l'Indépendance et du Travail (PIT) : 9 juillet 1981

- Le Parti Africain de l'Indépendance des Masses (PAIM) : 30 juillet 1982

- Le Parti Démocratique Sénégalais - Rénovation (PDS-R) : 2 juillet 1987

- La Convention des Démocrates et des Patriotes/ Garab-Gui (CDP) : 13 juillet 1992

- L'Union pour la Démocratie et le Fédéralisme / Mbooloo-Mi (UDF) : 7 juin 1994

- Le Rassemblement Patriotique Sénégalais (RPS) : 19 septembre 1995

- Le Bloc des Centristes Gaïndé (BCG) : 15 mars 1996

- Le Rassemblement pour le Progrès, la Justice et le Socialisme (RPJS) : 18 mars 1996

- Le Front pour le Socialisme et la Démocratie (FSD) : 9 avril 1996

- L'Action pour le Développement National (ADN) : 2 juin 1996

- L'Alliance Jëf-Jêl - USD (regroupe le Renouveau, l'Alliance Jëf-Jël et l'Union pour le Socialisme et la Démocratie) : 1998

Les moyens financiers et les implantations territoriales différent selon les partis. C'est pourquoi seuls le PS, le PDS, la coalition Jëf-Jël / Renouveau, le CDP, la LD/MPT, And Jëf et

le PDS/R sont présents dans tous les départements mis en jeux. Alors que le Sénégal compte 31 départements, le MRS ne présente que 7 listes départementales, l'UDF 4 et l'ADN 3.

D'autres formations ne s'alignent que dans certaines circonscriptions (FSD, MSU) ou que sur le scrutin national, comme le PAIM et le RPJS 140.

Les petits partis privilégient donc leurs zones d'influence ou les grands centres urbains. La

répartition des députés par régions offre une vision du poids politique - mais aussi démographique, historique et économique - de chaque région et les enjeux électoraux quelle représente 141 :

- Dakar : 12 députés (Dakar 5, Pikine 5, Rufisque 2)

- Thiès : 9 députés

- Saint-Louis et Kaolack : 8 députés

- Kolda : 7 députés

- Louga et Diourbel : 6 députés

140 "Campagne tous azimuts", Le Soleil, 3 mai 1998.

141 "Répartition des députés par départements", Le Soleil, 17 mars 1998.

- Fatick et Ziguinchor : 5 députés

- Tambacounda : 4 députés

Après ses bons résultats aux régionales et municipales, le PS entame la campagne législative confiant. Le parti gouvernemental communique principalement sur le retour de la croissance économique pour séduire, et rassurer, l'électorat sénégalais. De ce fait, il occulte durant trois semaines le problème casamançais, la paupérisation continuelle de la population et ses mauvais rapports avec l'opposition. Une opposition qui compte dorénavant dans ses rangs Djibo Kâ.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle