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L'alternance politique au Sénégal : 1980-2000

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par Adrien THOUVENEL-AVENAS
Université Sorbonne Paris IV - Master 2 2007
  

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1.2. Une chambre parlementaire plurielle et active :

En août 1998, le Parlement sénégalais compte 46 députés opposés à la politique menée par les socialistes : un record 11. Les différents partis s'entendent rapidement entre eux pour former

10 "Les questions des députés", Le Soleil, 13 août 1998.

11 Même si la chambre compte officiellement 47 députés non-socialiste, on exclut des opposants le député PDSR.

des groupes parlementaires. Le PDS crée l'Alliance des Forces de Changement pour l'Alternance (AFCA) en compagnie d'And Jëf, du CDP et du PIT alors que l'Union pour le Renouveau Démocratique (URD), crée par Djibo Kâ à la suite des législatives, établit un Bloc Républicain pour le Changement (BRC) avec la LD/MPT, le BCG et le RND.

La formation de plusieurs groupes parlementaires est capitale pour l'opposition, puisque ces regroupements permettent de proposer plus facilement des lois et d'obtenir des places au bureau de l'Assemblée nationale ou dans les commissions. De ce fait, dans le nouveau bureau dirigé par Cheikh Khadre Cissokho, confirmé dans ses fonctions de président de l'Assemblée nationale, on compte Aminata Tall (PDS) et Landing Savané (And Jëf). L'opposition joue ainsi un rôle plus conséquent qu'autrefois dans "le terrain de jeu socialiste". La chambre se transforme en un véritable lieu d'affrontement politique, à l'instar des grandes démocraties occidentales.

L'érection de deux groupes parlementaires distincts met en évidence la guerre de position que se livrent Wade et Ka en vue des présidentielles, tous les deux désirant être reconnus rapidement comme chef de l'opposition. Pour arriver à leur fin, ils ne choisissent pas la même stratégie. Si Djibo Kâ se fait élire président du groupe parlementaire BRC, Abdoulaye Wade... démissionne de ses fonctions de député en juillet 1998 12 . Cette attitude est logique car depuis ses débuts en politique, le fondateur du PDS ne s'est jamais caché d'un certain désintérêt pour la vie parlementaire en multipliant les absences et les "exils". Il croit en effet que toute lutte place Soweto est vaine, étant donné l'omniprésence et l'omnipotence socialiste dans les travées de l'Assemblée. Pour lui, l'alternance n'est possible que via des soutiens politiques et des financements extérieurs, ainsi que par une campagne "d'information" anti-Diouf soutenue à l'étranger.

Si Djibo Kâ ne nie pas la nécessité de telles démarches - il a d'ailleurs effectué une tournée des capitales occidentales en 1998 - il croit fermement que l'opposition doit faire vaciller le pouvoir en le harcelant à la base. En outre, le leader de l'URD éprouve une certaine satisfaction à revenir officiellement dans la vie politique sénégalaise, lui qui en a été exclu pendant trois ans par son ancien parti, sans aucune contrepartie 13.

C'est pourquoi le BRC dépose dès le mois d'août 1998 une motion de censure contre le gouvernement Loum, alors que celui-ci n'a pas encore fait son discours de politique générale. Djibo Kâ justifie cette initiative par le fait que le PS ne représente que 1/5 de l'électorat sénégalais et que donc il n'a aucune légitimité à gouverner. Il désire de surcroît des "réponses satisfaisantes aux questions brûlantes ", notamment au sujet des opérations militaires en Guinée-Bissau et des difficultés agricoles que connaît le pays durant l'hivernage 1998 14 . Il s'agit par conséquent d'un geste symbolique de défiance à l'égard d'un Premier ministre sans base, ni soutien politique affirmé.

Le PS vient à la rescousse du locataire de la Primature et reprend ses attaques vis-à-vis du dissident Kâ, dont la propagande socialiste assimile le nom aux heures sombres du parti unique au Sénégal. Le climat s'envenime un peu plus quand le PDS et ses alliés apportent leur soutien à l'URD. Face à la constitution d'un véritable front de l'opposition, le porte-parole socialiste Abdourahim Agne dénonce maladroitement les pillages effectués par Kâ et les ministres PDS durant leur séjour au pouvoir. Cette réflexion amène le secrétaire général de l'URD à demander la constitution d'un jury d'honneur, Wade une commission d'enquête et

12 "Me Wade quitte l'Assemblée nationale", Le Soleil, 24 juillet 1998.

13 Avant la "jurisprudence Kâ", il était habituellement de bon ton que le chef de l'Etat offre la direction d'une entreprise publique à un homme politique important remercié, comme cela a été le cas pour Habib Thiam en 1984 ou Abdul Aziz Ndaw en 1993.

14 "Projet de censure du groupe démocratie et liberté", Le Soleil, 10 août 1998.

Madior Diouf la réactivation de la loi contre l'enrichissement illicite. Entraîné sur un terrain glissant et dangereux, le PS fait machine arrière et se contente de faire échouer la motion de censure, qui recueille toutefois 41 voix 15 . Les partis non-gouvernementaux donnent ainsi le ton et montrent qu'ils n'accepteront aucun consensus avec le pouvoir.

Le bon sens politique voudrait que le PS se contente de gérer les affaires courantes jusqu'aux présidentielles. Pourtant, une semaine à peine après l'échec de la motion de censure, Ousmane Tanor Dieng propose aux parlementaires son projet de suppression du quart-bloquant et de fin de limitation des mandats présidentiels. Si la raison de la première suppression peut s'expliquer - en mettant un terme au quart bloquant, le PS offre une chance à Abdou Diouf d'être élu au premier tour - la deuxième ne se justifie absolument pas, étant donné que le chef de l'Etat à d'ores et déjà annoncé qu'il concourait pour son dernier mandat. La seule explication plausible d'une telle emprise est qu'elle permettrait à Tanor Dieng en cas de succession "imprévue" à Diouf de ne pas comptabiliser son premier semi-mandat à la tête de l'Etat lors des élections de 2007.

Quoi qu'il en soit, le PS a bien du mal à légitimer ces modifications du code électoral. Pour ce qui est de la limitation des mandats, Tanor Dieng évoque le droit de tout homme compétent - en l'occurrence Diouf - à se présenter autant de fois qu'il le désire aux élections ; il cite l'exemple français qui n'impose aucune restriction de ce type à ses Présidents et parle d'injustice car des hommes comme Wade "ont le droit de se présenter jusqu'à ne plus pouvoir marcher" 16 . Concernant la suppression du quart-bloquant, les explications socialistes sont encore plus limitées. Le PS soutient qu'il n'est pas normal qu'un homme ne puisse être élu au premier tour par la faute d'abstentionnistes désintéressés de la vie politique et de l'avenir du pays. Ces arguments, largement relayés par Le Soleil, ne satisfont ni les opposants ni les observateurs internationaux.

Le flou qui entoure les intentions socialistes ne fait que crisper un peu plus les relations entre le PS et les opposants. Ces derniers accusent maintenant la formation gouvernementale de vouloir à terme instaurer une présidence à vie. Comme l'explique l'ancien ministre senghorien, Assane Seck, "cet argument de l'opposition, une maladresse des socialistes, appuyé par la critique de la société civile et amplifiée par la presse, permet facilement d'attribuer l'origine de toutes les difficultés que traversent le pays à l'irresponsabilité dont faisait preuve le parti au pouvoir. Cette mesure fut une erreur, qui allait coûter cher au PS" 17.

Obnubilé par leur volonté de faire élire Diouf au premier tour, les socialistes ne rendent pas compte de leur maladresse et font adopter la loi sans aucune difficulté, bien aidés par un Conseil constitutionnel qui n'étudie le recours de l'opposition que... un mois et demi après le vote 18. En guise de représailles, une très large partie de l'opposition ne participe pas aux élections sénatoriales de janvier 1999.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite