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L'alternance politique au Sénégal : 1980-2000

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par Adrien THOUVENEL-AVENAS
Université Sorbonne Paris IV - Master 2 2007
  

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Chapitre 5 : La chute d'Abdou Diouf (1998-2000)

1. En attendant les présidentielles :

1.1. Un gouvernement remodelé et féminisé :

Abdou Diouf nomme à la tête du nouveau gouvernement Lamine Loum, précédemment ministre de l'Economie et des Finances depuis janvier 1998. Ce choix est pour les contemporains une surprise. Si le départ d'Habib Thiam était quasiment une certitude 1, beaucoup d'observateurs pensaient que le choix de Diouf pour la Primature se porterait sur Ousmane Tanor Dieng. Il semble que le chef de l'Etat veuille attendre le scrutin de 2000 pour placer le secrétaire national PS à ses cotés et lui offrir officiellement la direction du gouvernement. Lamine Loum est par conséquent promis à une occupation temporaire de la Primature. Technocrate de formation, sans aucun charisme politique, cet homme de 46 ans doit sa renommée dans le pays à la réussite de son action menée avec Ousmane Sakho pour rétablir les équilibres financiers et budgétaires. Il a ainsi favorisé une réconciliation entre le Sénégal et les bailleurs de fonds. D'ailleurs, il a obtenu quelques semaines avant sa prise de fonction un important rééchelonnement de la dette sénégalaise au Club de Paris.

Nonobstant ses compétences technocratiques, Lamine Loum parait être complètement sous la coupe de Tanor Dieng. Ce dernier n'hésite pas à s'afficher à ses cotés lors de son intronisation en tant que chef du gouvernement 2 . Cette omniprésence du ministre d'Etat motive le départ de Moustapha Niasse, pourtant l'un des hommes les plus populaires auprès de la base socialiste. De plus, le désormais ancien ministre reproche au chef de l'Etat de ne pas avoir été nommé à la Primature, et pire, d'avoir été relégué dans l'ordre ministériel derrière Tanor Dieng 3.

Les explications officielles de Niasse sont néanmoins plus nuancées : "j'ai demandé une audience au Président Abdou Diouf qui me l'a accordé. Je lui ai fait part de mon intention de ne pas continuer mon expérience gouvernementale. Déjà, en 1993, par amitié pour sa personne et mon pays, j'avais accepté de me mettre au service du gouvernement pour deux ou trois ans. J'y suis resté cinq ans (...) de la même manière, je compte laissé mon siège de député à mon suppléant" 4. Les propos sont courtois. Niasse parait vouloir rester fidèle à Diouf. Aucun désir de sédition n'est perceptible en juillet 1998.

Pour le remplacer, le Président fait appel à des personnes "neuves" et féminise le gouvernement. Cinq femmes sont nommées ministre. Cette décision retranscrit les efforts de promotion de la femme en politique. Efforts qui se sont accentués depuis l'émergence du PDS et l'arrivée d'Abdou Diouf au pouvoir, comme on peut le noter en analysant les effectifs de l'Assemblée nationale depuis l'indépendance.

1 Le changement de Premier ministre est semble-t-il motivé par la mauvaise entente entre Thiam et Tanor Dieng. Comme en 1984, Diouf tranche en faveur de son plus fidèle conseiller au détriment de son vieil ami, ce qui fait dire à Thiam dans ses mémoires : "lui le chef de l'Etat, devait bien souvent tenir compte, au poste où il était, de ce qu 'il pouvait considérer comme la raison d'Etat, même si celle-ci me causait, au plan purement personnel, des préjudices ou me faisait mal". Habib Thiam, Par devoir et amitié, pp.219, Paris, Rocher, 2001.

2 Habib Thiam, Par devoir et amitié, pp.197, Paris, Rocher, 2001.

3 Habib Thiam, Par devoir et amitié, pp.198, Paris, Rocher, 2001.

4 "Moustapha Niasse libéré à sa demande", Le Soleil, 7 juillet 1998.

- De 1957 à 1963 : 0 femme sur 80 députés, soit 0%

- De 1963 à 1968 : 1 femme sur 80 députés, soit 1,25 %

- De 1968 à 1973 : 2 femmes sur 80 députés, soit 2,5 %

- De 1973 à 1978 : 4 femmes sur 80 députés, soit 5 %

- De 1978 à 1983 : 8 femmes (dont 4 PDS) sur 100 députés, soit 8 %

- De 1983 à 1988 : 13 femmes (dont une PDS) sur 120 députés, soit 10,83 %

- De 1988 à 1993 : 18 femmes (dont 2 PDS) sur 120 députés, soit 15 %

- De 1993 à 1998 : 14 femmes (dont 5 PDS) sur 120 députés, soit 11,67 %

- De 1998 à 2001 : 18 femmes sur 140 députés, soit 12,86 %

Cette féminisation de la vie politique s'est vérifiée en 1996 lors des élections municipales et

régionales. Pour la première fois dans l'histoire du Sénégal, des femmes ont été élues maire de communauté urbaine, comme Mbayang Laïty Ndiaye à Linguère ou Aminata Mbengue

Ndiaye à Louga 5. Depuis 1996, on recense ainsi : 61 femmes sur 470 conseillers régionaux (12,98 %) ; 783 femmes sur 4 338 conseillers municipaux (18,05 %) ; 720 femmes sur 9092 conseillers ruraux (7,92 %) ; 6 femmes sur 48 maires de communauté urbaine (12,5 %) 6.

En outre, il est connu de tous au Sénégal que les femmes votent plus que les hommes. Au vu du taux de participation extrêmement faible des législatives, il va dans l'intérêt d'Abdou Diouf

de "récompenser" l'implication de la gente féminine7, d'autant plus qu'Aminata Mbengue Ndiaye est l'un des plus fidèles soutien de Tanor Dieng. Cependant, les postes réservés aux

femmes dans l'équipe Loum ne sont que des fonctions secondaires : la première femme, Marie-Louise Correa, n'est située qu'au quatorzième rang du gouvernement.

Ce gouvernement est aussi marqué par sa "tanorisation". Le ministre d'Etat s'assure en effet le

contrôle de l'équipe ministérielle en intégrant certains de ses proches comme Mohamed El Moustapha Diagne, Khalifa Sall, Mme Aissata Tall Sall, Abdoulaye Maktar Diop, Souty

Touré, Abdoulaye Elimane Kane et Mame Bounama Sall 8 . L'équipe de Lamine Loum est donc à forte coloration verte, seul Serigne Diop (PDS-R) étant affilié à un parti autre que le PS. Le parti libéral "bis" confirme de ce fait sa position de collaborateur et non d'opposant.

Voici ci-dessous le gouvernement de Lamine Loum 9 :

- Premier Ministre : Lamine Loum

- Ministre d'Etat, Ministre des Services et des Affaires Présidentielles : Ousmane Tanor Dieng

- Ministre d'Etat, Ministre de l'Agriculture : Robert Sagna

- Ministre de la Justice, Garde des Sceaux : Serigne Diop (PDS-R)

- Ministre des Affaires Etrangères et des Sénégalais de l'Extérieur : Jacques Baudin

- Ministre de l'Intérieur : Le Général des Corps Armés Lamine Cissé

- Ministre des Forces Armées : Cheikh Hamidou Kane

5 "Les maires s'installent", Le Soleil, 23 décembre 1996.

6 On note que les femmes ont plus de facilité à siéger ou même à diriger en milieu urbain qu'en milieu rural, certainement pour des questions d'ordre culturel. En effet, si 6 des 48 présidents de communautés urbaines sont des femmes, seules 2 femmes administrent l'une des... 320 communautés rurales, ce qui représente un pourcentage de 0,62 %. "Collectivités locales : ce qui handicape les femmes", Le Soleil, 2 décembre 1998 et Momar-Coumba Diop, Gouverner le Sénégal, entre ajustement structurel et développement durable, pp.239, Paris, Karthala, 2004.

7 Cette récompense se traduit aussi par des lois votées à la fin de l'année 1998 en faveur des femmes. A cette occasion, l'excision, les violences conjugales et le harcèlement sexuel sont criminalisés avec des peines allant de 1 à 5 ans de prison. "A vancée pour les droits de l'homme", Le Soleil, 23 décembre 1998.

8 "Tanor for vice-président ? ", Lettre du continent, 9 juillet 1998.

9 Le Soleil, 7 juillet 1998.

- Ministre de l'Education Nationale : André Sonko

- Ministre de l'Economie, des Finances et du Plan : Mohamed El Moustapha Diagne

- Ministre de l'Hydraulique : Mamadou Faye

- Ministre de l'Energie, des Mines et de l'Industrie : Magued Diouf

- Ministre de l'Environnement et de la Protection de la Nature : Souty Touré

- Ministre de l'Equipement et des Transports Terrestres : Landing Sané

- Ministre de la Pêche et des Transports Maritimes : Alassane Dialy Ndiaye

- Ministre du Travail et de l'Emploi : Mme Marie-Louise Correa

- Ministre de la Culture : Abdoulaye Elimane Kane

- Ministre de la Jeunesse et des Sports : Iba Gueye

- Ministre du Commerce et de l'Artisanat : Khalifa Sall

- Ministre de la Communication : Mme Aissata Tall Sall

- Ministre de l'Urbanisme et de l'Habitat : Abdourahmane Sow

- Ministre de la Santé : Assane Diop

- Ministre de la Famille, de l'Action Sociale et de la Solidarité Nationale : Mme Aminata Mbengue Ndiaye

- Ministre de la Recherche Scientifique et de la Technologie : Balla Moussa Daffé

- Ministre de la Modernisation de l'Etat : Abdoulaye Makhtar Diop

- Ministre de l'Elevage : Sanghé Mballo :

- Ministre délégué auprès du Premier Ministre, chargé des Relations avec les Assemblées : Papa Babacar Mbaye

- Ministre délégué auprès du Premier Ministre, chargé de l'Intégration Economique Africaine : Mme Aminata Abibatou Mbaye

- Ministre délégué auprès du Ministre de l'intérieur, chargé de la décentralisation : Chérif Macky Sall

- Ministre délégué auprès du Ministre de l'Education Nationale, chargé de l'Education de Base et des Langues Nationales : Mame Bounama Sall

- Ministre délégué auprès du Ministre de l'Economie, chargé du Budget : Mme Aissatou Niang Ndiaye

- Ministre délégué auprès du Ministre de l'Economie, chargé du Plan : El Hadji Ibrahima Sall

Au cours de sa déclaration de politique générale aux députés en août 1998, Lamine Loum présente les grands objectifs de sa Primature. Il insiste sur la modernisation et l'intensification agricole (la sécheresse et les mauvaises récoltes ayant entraîné dans les régions du nord une

quasi-famine), le maintien de l'unité du territoire, le renforcement des moyens de supervision de l'ONEL, la protection des femmes, le soutien du gouvernement aux troupes envoyées en

Guinée-Bissau etc. Il souligne aussi la nécessité pour le Sénégal de maintenir une croissance forte, aux alentours de 6 %, et une inflation faible, en dessous de 3% 10.

Par conséquent, Lamine Loum table sur la notoriété qu'il a acquise grâce au redressement de

l'économie sénégalaise pour se faire accepter des députés. Or, dès sa première prise de parole, il est chahuté par l'opposition qui lui reproche "d'avoir été choisi parce qu 'il est le Monsieur

ajustement du Sénégal" et de n'être que le baobab qui cache le véritable chef du gouvernement, Ousmane Tanor Dieng. Cette nouvelle législature s'annonce donc difficile

pour les socialistes, puisqu'en dépit d'une très large majorité, ils se heurtent maintenant à des partis d'opposition organisés et "belliqueux", prêts à rompre avec la léthargie qui régnait

jusqu'alors dans l'hémicycle.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle