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L'alternance politique au Sénégal : 1980-2000

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par Adrien THOUVENEL-AVENAS
Université Sorbonne Paris IV - Master 2 2007
  

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2.2 L'avènement du multipartisme intégral :

La limitation des partis était l'une des principales critiques adressées par l'opposition à Léopold Sédar Senghor. Dans un souci de démocratisation totale, son successeur en prend acte et l'abroge. Cette réforme fait également sortir de l'ombre les multiples partis clandestins, relativement actifs dans la région de Dakar, qui se sont appropriés les non-votes et les abstentions lors de l'élection de 1978. Il s'agit pour Diouf de "démystifier" leur importance 8 . La réforme constitutionnelle est expéditive, étant décidée le 24 avril 1981. Voici ce que stipule la modification de l'article 3 :

"Les partis politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils sont tenus de respecter la Constitution ainsi que les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Il leur est interdit de s 'identifier à une race, à une ethnie, à un sexe, à une religion, à une secte, à une langue, à une région"

Pour les contemporains, cette ouverture politique doit bénéficier en priorité au RND de l'égyptologue Cheikh Anta Diop. Ce parti, qualifié de masse et nationaliste, peut gêner dans un proche avenir l'hégémonie socialiste en récupérant une partie de son électorat, notamment dans les milieux urbains. Cette officialisation fait également de l'ombre au PDS, qui craint de devoir céder sa place d'opposant numéro un. Outre le RND, on note l'arrivée sur les devants de la scène politique d'une nébuleuse marxiste. Cette dernière est composée de nombreux petits partis qui tentaient de déstabiliser autrefois le pouvoir en infiltrant les syndicats d'opposition.

La balkanisation de l'extrême gauche n'est pas due à des luttes idéologiques entre les diverses organisations - même si certaines se réclament du trotskisme, d'autres du maoïsme, de Moscou ou Tirana - mais à des luttes de personnes, chacun fondant son parti pour en obtenir la préséance. On pense ici au PAI, qui implose en 1976 lorsque Majhmout Diop, opposant historique à Senghor, revient de son exil. Seydou Cissokho, vexé d'avoir été débarqué de sa présidence, le scinde en fondant le PAI-Sénégal. Cet exemple parmi tant d'autres est symbolique du "mal communiste", rongé par les querelles partisanes. Ce manque de cohésion nuit dès 1981 à la percée d'un front marxiste dans le débat politique sénégalais, en dépit de l'effort de rassemblement effectué par Mamadou Dia, via la Coordination de l'Opposition Sénégalaise Unie (COSU). On reviendra sur ce fait ultérieurement dans ce chapitre.

Les formations politiques qui émergent de cette ouverture démocratique ont donc des sensibilités diverses et variées. On les classe en suivant le triptyque français "gauche", "centre" et "droite". Ce choix, héritage de la période senghorienne, ne gêne pas outre mesure les hommes politiques sénégalais, la majeure partie d'entre eux ayant été formés... en France. Il n'en va pas de même pour l'électorat de base, puisqu'il est bien évident que ces dénominations n'ont aucune pertinence vis-à-vis du quotidien sénégalais. On juge que cette répartition idéologique n'est finalement qu"un "emblème administratif pour obtenir un récépissé". Par exemple, on voit depuis 1976 une très grande similitude entre les programmes PS et PDS. Ils se réclament pourtant de deux courants antagonistes : le socialisme progressiste et le libéralisme.

8 "Politiquement, c'était contre productif, car chaque fois qu'il y avait une élection, et qu'il y avait par exemple 50% de votants, ce qui n 'est pas étonnant dans un pays sous-développé, ceux qui n 'étaient pas là disait : "Vous voyez, ils sont minoritaires. Les 50% restants, c 'est nous ". Alors, on a aussi voulu démystifier. C'est pourquoi j'ai pris cette décision là. Mais le Président Senghor, à ce moment là, n 'était pas content de cette décision que j'ai prise". Abdou Diouf : entreti ens avec Philippe Sainteny, Emission livre d'or, RFI, 2005.

On estime ainsi qu'être de "droite", du "centre" ou de "gauche" au Sénégal n'a de vertu qu'au moment où un candidat cherche à obtenir des soutiens ou à former des alliances. L'idéologie française n'est qu'un "critère d'efficacité clientéliste et de performance électorale ". Cette impression est confirmée par l'attitude des militants de base. Bien souvent, ils adhèrent à un parti non pas pour les thèmes qui y sont développés mais pour le charisme du secrétaire général. L'aspect idéologique n'a qu'une part mineure dans le succès d'un parti. Par conséquent, on répartit généralement les formations sénégalaises selon leur volonté ou non de coopérer avec les instances dirigeantes socialistes. En choisissant cette délimitation, on dispose d'une lisibilité meilleure et plus réaliste des affinités politiques au Sénégal.

Qu'elles soient de "gauche", "centre" ou "droite", les formations partisanes sont au nombre de quatorze à la veille des élections de 1983. Voici la liste exhaustive des nouvelles organisations qui apparaissent après l'abolition du quadripartisme.

- Le RND obtient son récépissé de la part du ministre de l'Intérieur le 18 juin 1981. Les deux hommes forts du parti sont Cheikh Anta Diop et Babacar Niang. Ils militent pour une "sénégalisation" accrue du pays, avec le développement de l'utilisation des langues nationales dans les débats publics.

- Le Mouvement Démocratique Populaire (MDP) de Mamadou Dia voit le jour le 6 juillet. Il se réclame d'un socialisme autogestionnaire et rallie des compagnons politiques de l'ancien Président du Conseil, comme Valdiodio Ndiaye, autrefois ministre de l'Intérieur.

- And Jëf / Mouvement Révolutionnaire pour la Démocratie de Landing Savané - qui s'est fait remarquer au début des années 1980 en infiltrant une partie de l'UTLS - est reconnu aussi le 6 juillet. Il dispose d'un journal officiel, Jaay Doolé Bi, et revendique un attachement au communisme chinois.

- La Ligue Démocratique de Babacar Sané est officialisée le 9 juillet.

- Le Parti de l'Indépendance et du Travail - ancien PAI-Sénégal - de Seydou Cissokho (9 juillet), est à consonance marxiste-léniniste. Proche du PC de Moscou et Paris, le parti compte de nombreux sympathisants syndicalistes, tels que Marguette Thiam et Samba Diouldé Thiam, connus pour avoir dirigé, avec Mamadou Dia, le journal d'opposition Ande Sopi (Union pour la lutte en wolof).

- L'Union pour la Démocratie Populaire d'Hamdine Racine Guissé (20 juillet) est issue d'une filiale d'And Jëf. Elle s'en démarque en accordant sa préférence pour l'idéologie marxiste albanaise.

- Le Parti Populaire Sénégalais d'Ousmane Wone (12 octobre)

- L'Organisation Socialiste des Travailleurs (4 février 1982)

- La Ligue Communiste des Travailleurs (8 juillet 1982)

- Le Parti Africain de l'Indépendance des Masses (30 juillet 1982)

En plus de favoriser cette ouverture démocratique, Abdou Diouf joue la carte de la transparence. Il fait voter la loi sur l'enrichissement personnel au cours du mois de juillet 1981. Elle vise principalement non pas les membres de l'opposition, mais bel et bien ceux de la majorité gouvernementale.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery