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L'alcoolique et son fétiche

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par Sandra SOUILLAT
Université de Provence - Master 1 pro psychologie clinique et psychopathologie 2006
  

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2.4. L'ANGOISSE DANS L'ALCOOLISME ET LE FETICHISME

2.4.1. L'angoisse au sens psychanalytique

Laplanche J. (1980, p. 7) reprend la théorie Freudienne pour définir cela : « une conclusion provisoire de ce chemin était que l'angoisse peut être définie; dans une certaine optique, comme la façon subjective d'appréhender une certaine modalité de l'attaque interne de l'individu par sa propre pulsion ». Dans ce sens, l'angoisse semble dépendre de l'éprouvé interne du sujet. Ce qui est source d'angoisse pour une personne ne le sera pas forcément pour une autre : c'est donc la perception (interne) du danger extérieur réel mais aussi du danger de la pulsion de mort (interne). C'est parce que le sujet élabore le danger d'une situation externe et au sein même de son monde interne (pouvant mener son organisme à l'autodestruction et à l'état anorganique), qu'il se sent menacé de l'intérieur et de l'extérieur. L'angoisse est définie par Laplanche J. et Pontalis J.B. (1967, p. 28) comme étant relative à un sujet « soumis à un afflux d'excitations, d'origine externe ou interne, qu'il est incapable de maîtriser ». Par cette notion d' « afflux d'excitations », nous comprenons le rôle des pulsions. Quelque soit la source interne ou externe de cette quantité d'excitations, on voit combien l'activité d'élaboration psychique est importante. En effet, c'est parce que le sujet se représente ces excitations comme étant trop intenses qu'elles lui deviennent intolérables, et donc, source d'éprouvés internes désagréables.

Nous parlions plus haut du principe de constance, principe visant à réduire la quantité d'excitations présente au sein de l'appareil psychique et de l'organisme. Ici, nous pourrions dire qu'il s'agirait d'une menace de ce processus : ce système d'autorégulation interne se verrait dans l'incapacité de maintenir à un niveau aussi bas et constant que possible cette menace interne. Donc, en bref, nous pourrions penser que l'angoisse serait le résultat d'une tension libidinale accumulée et non déchargée. Et puisque le principe échoue là où il devrait réussir, des défenses psychiques vont se mettre en place chez et par le sujet.

2.4.2. L'angoisse de castration : intolérance du manque

2.4.2.1. Le monisme sexuel

Bergeret J. (2004, p. 19) explique que l'angoisse de castration trouve son origine au stade phallique ; troisième phase du développement psycho-sexuel par laquelle passe l'enfant. Vers sa quatrième année, « il n'y a pour l'enfant qu'un seul sexe, celui qui est représenté par les êtres pourvus d'un pénis (...). L'enfant va petit à petit prendre conscience de la réalité anatomique du pénis ; et commencer à se poser des questions sur l'existence ou la non- existence de cet attribut corporel chez lui ou chez les autres ». Ainsi, l'angoisse de castration trouve son origine dans ce que l'on nomme le « monisme sexuel » : les êtres étant dotés d'un pénis sont des êtres animés et sexués. L'angoisse de castration trouve son origine au stade phallique, phase du développement psycho-sexuel durant laquelle l'enfant se questionne sur les organes génitaux et leurs fonctions. L'enfant cherche alors des explications sur la différence anatomique des sexes qu'il découvre, ce qui l'amène à fantasmer. De cette fantasmatisation naît un autre concept important : le phallus.

2.4.2.2. Angoisse de castration phallique

Bergeret J. (2004, p. 21) dit « qu'il importe d'être ici très rigoureux et précis : le pénis est l'organe mâle dans sa réalité anatomique, alors que le phallus souligne la fonction symbolique ». Ainsi, il est nécessaire de distinguer ce qui appartient au corps (le pénis) et ce qui constitue une représentation de cet organe corporel (le phallus). « Du fait, donc, de se savoir possesseur d'un pénis qui manque aux filles, le garçon surinvestit ce pénis : (...) symbole de valorisation narcissique de Soi. (...) On dit alors que le garçon s'est identifié à son pénis » (Bergeret J. 2004, p. 22). Le garçon crée alors son estime de lui-même sur la base d'une constatation perceptive : il possède quelque chose que la fille n'a pas. De là, naît un sentiment de toute-puissance. Mais celui-ci est rapidement rattrapé par une crainte, une angoisse : on pourrait causer du tort ou quelque dommage à son pénis. En effet, dans son imaginaire, il « attribue le manque féminin [de pénis], non à une condition fondamentale, mais à une mutilation subie, comme sanction imaginaire, infligée par les parents pour punir certains désirs (...) qu'il ressent lui-même comme interdits » (Bergeret J. 2004, p. 22).

La curiosité sexuelle amène à prendre conscience de la différence des sexes. Mais cette découverte est traumatique pour l'enfant : tout être n'étant pas pourvu de pénis a été castré volontairement par les parents. De cette fantasmatisation naît donc l'angoisse de castration. Bergeret J. (2004, p. 21) distingue deux formes d'angoisse de castration selon le stade de développement psycho-sexuel dans lequel elle s'exprime. Il parle en effet « d'une angoisse de castration narcissique, prégénitale et phallique, développée par définition autour du phallus et de ce qu'il représente (...) ; une angoisse de castration génitale, oedipienne (...), où cette fois c'est le pénis qui est en cause, organe apte à procurer du plaisir (à soi-même et à l'autre) ». Ainsi, l'angoisse de castration trouverait son origine dans l'appréhension de perdre un attribut corporel.

Or, pour Bailly D. (2004, pp. 70/71), l'angoisse de castration et l'angoisse de séparation sont en effet liées : « Freud développe l'idée que si les dangers varient aux différentes époques de la vie, ils impliquent tous une séparation ou une perte. L'angoisse de séparation doit être considérée comme la toile de fond de toutes les angoisses ultérieures. (...) La castration de la phase phallique peut être aussi comprise comme une séparation, "séparation de l'organe génital", hautement investi narcissiquement ». Toute situation traumatique est répétée dans le temps : c'est une façon de trouver une restriction de l'angoisse relative à celle-ci. Face à ce trauma, les patients alcooliques et fétichistes semblent avoir trouvé une possibilité de dégagement via leurs objets d'addiction.

2.4.2.3. Alcoolisme, fétichisme et angoisse de castration

Selon Jeammet P (2005), quelque soit l'addiction concernée, il y a originairement un défaut d'intériorisation des figures parentales. Il rejoint donc ce que nous avancions plus haut. Cependant, Jeammet P. (2005) va plus loin en introduisant le concept du narcissisme. Si l'identité ne parvient pas à se bâtir correctement, c'est bien parce que l'estime de Soi n'a pu trouver des « Assises Narcissiques » satisfaisantes (Bergeret, 2004). Citons Jeammet P. (2005, p. 49) : « la référence au fonctionnement mental permet d'inférer des failles dans des processus précoces d'intériorisation et du narcissisme. L'aménagement psychique de celles-ci se fait de façon manifeste par des modes opposés pour chaque cas, mais avec en commun le fait que les objets d'attachement de la réalité servent à contre-investir une réalité interne anxiogène. Ainsi (...) la dépendance peut-être décrite comme l'utilisation à des fins défensives (...) comme un contre-investissement d'une réalité psychique interne défaillante ou menaçante ». Pour lui, il y a donc bien un défaut d'intériorisation : les personnes ne possédant pas une réalité interne suffisamment sécurisante sont celles vouées à devenir plus tard des personnes dépendantes à un objet. Jeammet et Corcos (2001) soutiennent en effet que « les sujets dépendants ne disposent pas, pour de multiples raisons, de cette base suffisamment sécurisante au niveau de leur réalité interne ». Ainsi, on peut comprendre l'importance d'une relation dite « secure » avec l'environnement : plus la dimension relationnelle se perd, plus il y aurait recours à un investissement supplétif se réalisant via le corps, et ce, de manière mécanique et désaffectivisée. Bergeret J. (2004) soutient que la violence que l'enfant projette sur la réalité externe est proportionnelle à la violence fantasmée de la scène primitive : plus la scène originaire est fantasmée comme étant chargée de sadisme entre les deux partenaires, plus l'enfant projettera de l'agressivité dans son environnement. De la même façon, Jeammet P. (2005, p. 50) avance l'hypothèse que « la violence de cet investissement et son caractère destructeur [sur le corps] sont proportionnels à la perte de la qualité relationnelle du lien [à l'environnement] ».

Une conduite addictive (l'alcoolisme) ou encore perverse (fétichiste) peut être considérée comme la recherche d'un soutien extérieur face à cette faible estime de Soi, face à cette défaillance narcissique. Ce serait une façon de retrouver un équilibre interne, impossible à atteindre autrement. Jeammet P. (2005, pp. 53/54) parle d'une nécessaire « sauvegarde de l'identité ». Tout se passe comme si, ce qui est difficilement vécu à l'intérieur de Soi, était projeté au dehors de ce corps : « ce nouvel équilibre est le résultat d'un mouvement en miroir de renversement en son contraire - de bascule du dedans au dehors ». L'objet alcool est un représentant d'un déséquilibre narcissique interne. L'objet fétiche est un représentant du manque de pénis chez la femme, vécu de façon insupportable pour le fétichiste. Fétichiste et alcoolique vont ainsi agir sur leurs objets extérieurs (fétiche et alcool) comme ils auraient voulu pouvoir le faire dans leur monde interne.

Les patients alcooliques et fétichistes vont ainsi chercher à se venger, « un triomphe maniaque », comme diraient Freud S. (1927) et, plus tard, De Mijolla A. et Shentoub S.A. (1981). En effet, ils vont se venger contre leur souffrance interne en faisant subir à l'objet choisi ce qu'ils ont vécu, ou vivent encore, eux-mêmes psychiquement. Jeammet P. (2005, pp 53/54) dit que « le sujet fait vivre à l'objet visé par le comportement ce qu'il a pu avoir le sentiment d'avoir subi dans son enfance et de continuer subir [à l'intérieur de Soi] ». C'est ainsi que l'on peut parler de sadisme envers l'objet extérieur choisi. Les patients trouvent une économie dans cette logique défensive : au lieu de réaliser un travail interne, psychiquement plus élaboré via des mécanismes défensifs recherchés, tel le refoulement, ils ont recours au déplacement. Le mal être interne va être projeté au dehors de Soi pour pouvoir le traiter à l'extérieur du psychisme et du corps propres.

Jeammet P. (2005, p. 54) poursuit en notant que « le sujet peut aisément ignorer ainsi la nature de ce lien et développer au contraire le fantasme d'une maîtrise de ce néo-objet qu'est le comportement, alors qu'en fait il est devenu un objet de dépendance de type toxicomaniaque ». En effet, à force de reproduire ce schéma économique, les patients sombrent dans un comportement addictif. Ils deviennent non seulement dépendants des bénéfices apportés par l'objet (restreindre l'angoisse), mais également dépendants de l'objet lui-même (dépendance physique). Cette dépendance « au rôle fonctionnel et économique » de l'objet constitue une relation perverse. Jeammet P. (2005, p. 54) dit à ce propos : « la dimension perverse est essentiellement celle qui régit le comportement lui-même et l'utilisation que le sujet fait de ce comportement à des fins de substitut relationnel (...) : être un des supports du sentiment de continuité du sujet garant de son identité ». Ainsi, on reconnaît dans l'alcoolisme une orientation perverse : l'objet est utilisé et instrumentalisé pour tirer un certain profit, au-delà de celui du plaisir physiologique et gustatif. Il s'agit davantage de trouver en lui une forme d'assurance et de confiance en Soi. L'objet alcool est donc le moyen par lequel le malade alcoolique pourra réinstaurer une bonne estime de Soi-même et renchérir son narcissisme. Les patients alcooliques soutiennent souvent, en effet, que l'alcool est une béquille, le moyen par lequel ils peuvent trouver suffisamment d'assurance afin d'affronter la réalité interne et externe.

L'objet alcool et l'objet fétiche ne seraient pas investis pour permettre la mise en place d'une relation d'échange : ils sont choisis pour procurer un sentiment de protection. Jeammet P. (2005, p. 54) dit à ce propos qu' « il y a en effet un déni total de l'altérité de l'objet qui est investi non pas à des fins d'échange, mais uniquement comme protection contre une perte possible (...). Il est nécessaire au maintien de la cohésion du Moi mais n'a pas d'autre fonction que celle-ci. L'aménagement pervers sauvegarde en effet le lien objectal mais en le réduisant à un lien de contact, en surface, qui évite les dangers de l'intériorisation comme ceux de la perte, offrant par l'emprise qu'il autorise un contrepoids efficace à la destructivité. La contrepartie c'est que la source d'excitation demeure elle aussi externe et doit ans cesse être renouvelée ». Dans ce sens, l'alcoolique et le fétichiste gagnent en travail d'élaboration psychique. Au lieu, en effet, de traiter l'information insupportable qui est en Soi, il déplace celle-ci à l'extérieur. Le mécanisme utilisé par les névroses, le refoulement, semble trop difficile car il est demandeur d'un travail coûteux en formations réactionnelles. C'est ainsi qu'ils vont avoir recours à des mécanismes plus « archaïques » : la projection (Klein M., 1934) par laquelle les patients vont placer l'insupportable dans les objets choisis. Le lien entretenu dans la réalité avec ces objets porteurs de la souffrance interne va rester localisé dehors, dans l'objet externe. En manipulant l'alcool ou le fétiche, ils vont en même temps manipuler leur mal-être interne projeté hors de Soi.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille