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L'alcoolique et son fétiche

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par Sandra SOUILLAT
Université de Provence - Master 1 pro psychologie clinique et psychopathologie 2006
  

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2.3. LA RELATION D'OBJET : ALCOOL ET FETICHE

2.3.1. LES RELATIONS D'OBJET : APPROCHE PSYCHANALYTIQUE

Laplanche J. et Pontalis J.B. (1967, p. 404) présentent le concept de relation d'objet de la manière suivante : « le mode de relation du sujet avec son monde, relation qui est le résultat complexe et total d'une certaine organisation de la personnalité, d'une appréhension plus ou moins fantasmatique des objets et de tels types de défense ». Le concept de relation d'objet désigne alors un interaction entre un individu donné e l'environnement dans lequel il évolue. Cette relation est présentée comme sensible à la vie subjective de cet individu, c'est à dire à son monde interne (personnalité, imaginaire et défenses, qui lui sont propres). Dans ce sens, ce concept renvoie à cette influence que le monde interne exerce sur ses objets externes.

2.3.1.1. Une « relation » ?

Laplanche J. et Pontalis J.B. (1967, p. 405) disent de cette relation qu'il « s'agit en fait d'une interrelation, c'est à dire non seulement de la façon dont le sujet se constitue ses objets, mais aussi de la façon dont ceux-ci modèlent son activité ». Nous parlions, plus haut, du rôle joué par la subjectivité du sujet dans cette interaction avec l'environnement. Mais parler d'interaction sous-entend que l'environnement joue lui aussi une certaine fonction, autant que la subjectivité en joue une. Donc, nous pourrions décrire ce processus interactionnel comme suit : l'objet extérieur, une fois perçu, est mis en pensée (mentalisé, psychisé ou encore élaboré) afin que le sujet puisse évaluer les qualités et défauts de cet objet en question. De cette façon, le sujet décide si cet objet est suffisamment « bon » pour lui ou non ; ce qui va déterminer son action (ou défense) en retour. Pensons ici à Klein M. (1934) qui décrit très bien ce processus chez l'enfant : sur la base de cette élaboration psychique, l'enfant va décider soit de mettre ce « bon » objet en lui (introjection) soit de rejeter ce « mauvais » objet en dehors de lui (projection). Donc, l'interaction dont il est question dans la définition des auteurs, est bien à comprendre comme étant une interrelation entre le monde interne singulier de tout individu et son environnement. Ce qui en résulte est une action réactionnelle spécifique en fonction de ce qui est considéré par l'individu comme étant introjectable et non introjectable. Ce concept de relation, on le comprend, dépasse les visées théoriques béhavioristes : le schéma pavlovien ou encore skinnerien « stimulus/réponse » renforce est ici mis hors de cause. La Psychanalyse prône l'importance de cette activité psychique que constitue l'élaboration psychique.

Faisons ici référence à De Mijolla A. & Shentoub S.A. (1973, pp. 300/301) qui nous expose les aspects économiques et dynamiques de l'alcoolisation transitoire : « L'alcoolisation transitoire est bien souvent le moyen que nous trouvons pour nous donner du coeur à l'ouvrage et nous aider à entreprendre une tâche estimée difficile». Le patient alcoolo dépendant perçoit le bénéfices que son toxique va lui apporter : celui-ci a un effet psycho stimulant et renarcissisant sur lui. Ainsi, l'objet alcool devient cet outil nécessaire pour affronter les objets internes (ressentis) et externes (environnement).

2.3.1.2. Un « objet » ?

Par le terme « objet », Laplanche J. et Pontalis J.B. (1967, pp. 404/405) entendent « une personne en tant qu'elle est visée par les pulsions (...) ; il n'y a rien là de péjoratif, rien de particulier qui implique que la qualité du sujet soit de ce fait refusée à la personne en question ». Est dit « objet » tout objet matériel mais également tout individu qui fait l'objet (le lieu) d'une pulsion. Il peut s'agir « d'une personne ou d'un objet partiel, d'un objet réel ou d'un objet fantasmatique » (Laplanche J. et Pontalis J.B., 1967, p. 290). Par « personne », on entend tout individu capable de penser et qui est singulier de par ses qualités et défauts propres ; on parle de sujet dans sa totalité. Par « objet partiel », on entend par exemple, le sein maternel, le boudin fécal, etc., c'est à dire d'un objet considéré que dans un seul aspect de son ensemble. Par « objet réel », on entend un objet existant de façon effective dans l'environnement : il est ainsi perceptible par Autrui. A l'inverse, un « objet fantasmé » n'existe que dans le monde imaginaire du sujet, ce qui le rend moins accessible et moins perceptible par Autrui.

Laplanche J. et Pontalis J.B. (1967, p. 405) se réfèrent à Freud S. qui présente l'objet sexuel comme étant « la personne qui exerce l'attirance sexuelle » et présente la but sexuel comme étant « l'action à laquelle pousse la pulsion sexuelle ». Dans ce sens, une personne dite « objet sexuel » est une personne comportant en elle des caractéristiques physiques et/ou psychiques attisant l'énergie sexuelle d'Autrui. Ainsi cette quantité d'énergie psychique (la libido) croît de façon tellement intense qu'elle appelle à la réalisation d'un but sexuel : la satisfaction d'une zone érogène ou génitale qui est jusque là chargée en libido. Parler d' « objet » pour un individu n'a donc rien de péjoratif, pour en revenir aux auteurs, puisqu'il ne s'agit pas, ici, d'une instrumentalisation de l'Autre : l'individu n'est pas manipulé, ni même utilisé, c'est à dire qu'il n'est pas réduit à un état inanimé. Si cela était le cas, comme nous l'expliquions pour le fétichisme, on parlerait de perversion sexuelle.

Laplanche J. et Pontalis J.B. (1967, pp. 404/405) poursuivent en montrant que le concept d'objet peut être abordé sous trois aspects principaux, du moins, si l'on se réfère à la Psychanalyse contemporaine : « A) En tant que corrélatif de la pulsion (...) ; B) En tant que corrélatif de l'amour (ou de la haine) (...) , C) (...) en tant que corrélatif du sujet percevant et connaissant ». Le troisième aspect nous intéresse moins car il s'ancre sur les théories de la philosophie et de la psychologie de la connaissance. Il est question ici de l'objectivité, c'est à dire ce qui s'offre avec des caractères fixes et permanents, indépendamment des désirs et des opinions des individus. Dans le premier aspect, l'objet est ce en quoi et par quoi la pulsion cherche à se voir satisfaite. La pulsion, au sens psychanalytique du terme, désigne un processus dynamique constitué d'une charge énergétique, d'un facteur de motricité, qui fait tendre l'organisme vers un but. Il s'agit donc d'une excitation à laquelle l'organisme est soumis et qu'il doit décharger, conformément au principe de constance. Principe redéfini par Laplanche J. et Pontalis J.B. (1967, p. 325) selon lequel l'appareil psychique tend à maintenir à un niveau aussi faible et constant que possible, la quantité d'excitation qu'il contient. Cette constance est obtenue par la décharge énergétique de cette quantité d'excitation déjà présente et par l'évitement de ce qui pourrait accroître la quantité d'excitation. Les auteurs poursuivent : « selon Freud, une pulsion a sa source dans une excitation corporelle (état de tension) ; son but est de supprimer l'état de tension qui règne à la source pulsionnelle ; c'est dans l'objet ou grâce à lui que la pulsion peut atteindre son but » (1965, p. 360). Donc, l'objet qui est corrélé à une pulsion renvoie au fait que celui-ci comporte des conditions nécessaires à la décharge énergétique d'une quantité importante d'excitation qu'il faisait jusqu'ici accroître chez l'Autre. Dans le second aspect, il s'agit de l'objet corrélé aux affects tant tendres (amour) qu'hostiles (haine). Laplanche J. et Pontalis J.B. (1967, p. 12) définissent l'affect comme suit : « l'affect est l'expression qualitative de la quantité d'énergie pulsionnelle et de ses variations ». L'objet corrélé à l'énergie libidinale, il amène le sujet à se charger en énergies positives et/ou négatives ; ce qui conditionne la tonalité affective et émotionnelle de la relation entre le sujet et son environnement.

2.3.2. PERTE D'OBJET ET SÉPARATION : APPROCHE PSYCHANALYTIQUE

2.3.2.1. Les liens précoces

Weil-Barais A. et Cupa D. (1999, p. 112) décrivent la manière dont se construit la capacité de solitude et de séparation comme suit : « c'est dans la qualité de l'accompagnement que se construit l'autonomie. La possibilité pour le petit enfant d'être séparé momentanément des personnes auxquelles il est attaché, sans qu'il éprouve un effondrement psychique, est le témoignage d'une « base de sécurité suffisante ». Les premières expériences de socialisation, notamment l'entrée à l'école maternelle, éprouvent la plasticité des liens établis entre l'enfant et ses objets d'attachement, en particulier la mère ou son substitut ». On comprend ainsi que la capacité d'appréhender la solitude et la séparation dépend des liens tissés avec l'objet d'amour maternel durant l'enfance. Winnicott D.W. (1958/1971) met en exergue l'importance des premières relations mère-bébé dans le bon développement psycho-affectif de l'enfant.

Pour comprendre ce que cet auteur entend par là, revenons à Freud S. (1905) qui expose le concept de relation d'objet partiel : l'enfant, durant tous premiers mois de son existence, vit dans le prolongement du corps maternel. L'expérience sensorielle entretenue avec le sein maternel possède une importance particulière : si le bébé s'agrippe à cet objet, c'est parce qu'il lui permet de trouver une certaine consistance, ou unité, à la fois physique et psychique. La mère apporterait à son enfant le sentiment d'exister et d'être. Or, Winnicott D.W. (1958) explique qu'une rupture de cette liaison sensorielle est vécue, par ce petit être encore peu mature, comme étant une véritable expérience de frustration et d'angoisse. Un décrochage du sein maternel trop frustre et réitéré dans le temps ou encore un ratage de maternage (« holding » ou encore « mothering ») seraient alors des situations véritablement anxiogènes et dépressiogènes dans la mesure où l'enfant se verrait arraché du seul objet lui permettant de subsister en tant qu'unité. Ceci provoquerait non seulement une déchirure interne mais également un véritable éparpillement psychique et physique. On parle ici d'angoisse de morcellement, ou plus précisément « les agonies primitives », pour parler comme Winnicott D.W. (1958), contre laquelle l'enfant cherchera à lutter par des stratégies d'adaptation aux exigences à Autrui. Winnicott D.W. (1958) parle de « contrat narcissique » ou encore de « Faux Self » : l'enfant adopte une conduite labile et suggestible en négligeant et en sacrifiant une partie de son Moi au service du lien à Autrui. On comprend bien, dès lors, combien les liens précoces tissés avec la mère sont importants. Winnicott D.W. (1958) présente le concept de « mère suffisamment bonne », c'est-à-dire d'un objet d'amour maternel capable de répondre aux besoins de son nourrisson et ce, dans un lapse de temps supportable pour lui. Le cas inverse, l'enfant se verra blessé narcissiquement et plongé dans une angoisse liée à cette perte et cette séparation brutales. Weil-Barais A. et Cupa D. (1999, p. 112) reprennent cette idée : «  « la bonne mère » que l'on garde en Soi « autorise la mise entre parenthèses, sans risque de la perdre, pour jouir de la solitude » (Winnicott, La capacité d'être seul) ».

Les liens précoces sont associés au concept d' « infantile ». Il est vrai que ceux-ci se tissent durant l'enfance. Ils sont d'ailleurs associés aux premières relations objectales. Cependant, il est indéniable qu'ils marquent d'une empreinte atemporelle et indélébile le psychisme de tout sujet. Weil-Barais A. et Cupa D. (1999, p. 113) d'une « intériorisation progressive d'une image maternelle suffisamment sécurisante. (...) Ceci suppose que l'enfant puisse être séparé physiquement de ses parents, c'est-à-dire qu'il ait une confiance de base en lui-même suffisante pour savoir qu'il peut faire cesser cette solitude lorsqu'elle devient lourde à supporter (...). Certains enfants, selon le mode de garde antérieur, notamment, éprouvent, lorsqu'ils arrivent à l'école, non pas un vécu de séparation, mais de perte ». Mais au-delà d'avoir une répercussion sur l'évolution durant l'enfance, cette qualité intériorisation d'une image maternelle sécurisante joue également à l'âge adulte. Pensons ici aux situations thérapeutiques où le patient rejoue avec son thérapeute ce qui lui reste de ces liens précoces aux objets d'amour primaires (situation transférentielle). Au long du chemin de vie, tout sujet est ainsi amené à rejouer, dans la relation à l'Autre, ce qu'il lui reste de son enfance. Les premières interactions mère-bébé sont donc d'autant plus importantes qu'elles déterminent et conditionnent les interactions sociales ultérieures.

2.3.2.2. L'activité symbolique

Weil-Barais A. et Cupa D. (1999, p. 113) affirment que « l'activité symbolique implique la possibilité de se représenter un objet absent (...). L'enfant ne peut y avoir accès que lorsqu'il a acquis une représentation claire de lui-même et de l'objet d'amour privilégié comme différent, séparé de lui, et existant même lorsqu'il ne le perçoit pas directement. Mais il faut aussi qu'il puisse supporter l'absence de cet objet d'amour sans que sa continuité narcissique soit mise en cause, sans qu'il se sente "détruit" par cette absence, vécue comme une perte ». Ainsi, pour que l'absence de l'objet aimé ne soit pas source d'angoisse, c'est-à-dire acceptable pour le Moi, il faut que l'enfant soit apte à se « représenter » celle-ci. Dans ce sens, la figuration, ou la symbolisation, est primordiale puisque cette activité particulière de l'acte de penser permet de « mettre en sens ».

Bion W.R. (années 1960) souligne à ce propos l'importance de l'adulte, notamment de la mère ou son substitut. L'enfant, peu mature au niveau de la capacité à penser à proprement parler, nécessite de la présence d'une tierce personne davantage douée de cette capacité de figuration. Il lui faut en effet pouvoir remettre à cette mère ce qui semble angoissant dans les explorations de l'environnement. La mère, si elle est « suffisamment bonne » au sens de Winnicott D.W. (1958/1971), sera en mesure d'identifier les éléments angoissants présents dans le vécu de son enfant. De ce fait, elle met en elle-même (introjecte) ces données et les met en pensée. Elle élabore un travail psychique, celui justement que son bébé ne parvient pas à réaliser encore de par sa maturité psychique : elle met en sens, elle symbolise, les éléments angoissants. Une fois traités et symbolisés, la mère retourne ceux-ci à son enfant (elle les projette en lui) sous une forme moins angoissante, puisque mis en sens. Ce processus de transformation des éléments angoissants (données â) en éléments plus acceptables (données á) via le mécanisme d'identification projective, c'est ce que Bion W.R. ( ) nomme « la capacité de rêverie de la mère ».

Dans ce sens, parvenir à se représenter l'absence d'un objet, sans la ressentir comme étant une perte, est une tâche que l'enfant ne parviendrait pas vraiment à réaliser seul : il lui faudrait une tierce personne. Bion W.R. parle de la mère, mais Weil-Barais A. et Cupa D. (1999, p. 113) parlent du corps enseignant : « il convient alors que l'équipe enseignante puisse les aider à élaborer ce sentiment de séparation, afin que l'école puisse être perçue comme un lieu d'investissement possible agréable, parce qu'intermédiaire ». Quelque soit cette tierce personne, il faut donc qu'elle soit en mesure de réaliser un travail que l'enfant ne peut apparemment pas faire de lui-même. Cependant, Winnicott D.W. (1971) montre que cette tierce personne n'est pas essentiellement un objet animé, une mère ou un intermédiaire. En effet, il parle « d'espace potentiel » ou encore « d'objet transitionnel » au sens large du terme. Citons Weil-Barais A. et Cupa D. (1999, p. 112) qui résument le point de vue de ce psychanalyste contemporain : « cette activité [symbolique] est facilitée par des phénomènes transitionnels. Winnicott remarque que (...) la tâche de l'enfant est facilitée lorsqu'il a à sa disposition quelque chose à propos de quoi ne se pose pas la question de savoir si elle fait partie de lui ou si elle appartient au monde extérieur. Il s'agit de « l'objet transitionnel » (...), objet auquel le petit enfant s'attache particulièrement (...). [Il] est à la fois "une partie presque inséparable de l'enfant", mais aussi « la première possession de quelque chose qui n'est pas à [lui] ». (...) Un début de symbolisation ».

Cette relation dyadique peut alors être mise en place autant avec un objet animé qu'avec un objet inanimé, mais le plus important reste la mise en place d'une relation à la fois interactionnelle et asymétrique : le tiers doit apporter ce qu'on ne possède pas encore. Ces tiers sont essentiels pour l'acquisition de la capacité à subsister correctement en l'absence de l'Autre et sans éprouver des sentiments relatifs à la menace ou encore à l'angoisse. Si cette capacité s'acquière au cours de l'enfance, nous montrions plus haut que ce qui s'installe durant l'enfance détermine et conditionne les expériences ultérieures. Ainsi, "la capacité de rêverie" ou encore « l'objet transitionnel » seront recherchés sans cesse tout au long du chemin de vie. Weil-Barais A. et Cupa D. (1999, p. 112) disent à ce propos : « ces activités transitionnelles (...) se poursuivront dans la vie adulte par le plaisir dans la poésie, musique ou toute activité culturelle se situant à mi-chemin entre la réalité interne et le monde extérieur ».

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