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Touristicité et urbanité. Pour une évaluation de la qualité des lieux.

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par Mathieu SOMBRET
Université Paris VII - Denis Diderot - Master Géographie " Tourisme, Espace, Société" 2007
  

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Cazes G. et Potier FR., 1996, Le tourisme urbain, PUF, Coll. Que sais-je ? n°3191, Paris, 127p.

Voici le premier ouvrage de synthèse sur le tourisme urbain en France, où les auteurs analysent la renaissance du tourisme urbain en cette fin de XXe siècle. Le tourisme est devenu un véritable enjeu économique et symbolique pour les villes.

La première partie signée Françoise Potier5(*) est une synthèse des différentes enquêtes sur le tourisme à l'échelle européenne et nationale. Le but de cette première partie est d'analyser les flux du tourisme urbain, leur composition, les motivations et les pratiques des touristes en ville. Après avoir définit les concepts « imprécis » que sont le tourisme6(*) et l'urbain, l'auteur expose les évolutions du tourisme, qui auraient contribué à l'affirmation du tourisme urbain : on « part plus souvent, moins longtemps et plus loin », la baisse des coûts de transport et une nouvelle attraction urbaine (politiques volontaristes pour rendre plus attrayant les centres-villes et renouveler leur image).

On retiendra surtout de cette première partie le dernier chapitre où l'auteur propose une typologie des motivations et des pratiques des touristes en ville. On notera une certaine confusion dans les motivations et pratiques touristiques, puisqu'on y met tout ce qui bouge (dont les « activités professionnelles »). Néanmoins, cette tentative de typologie a le mérite d'exister et permet une réflexion sur les pratiques touristiques.

Dans la deuxième partie intitulée « Les enjeux économiques », Georges Cazes expose les différents équipements réaliser dans le but d'attirer les touristes vers la ville et les apports économiques de l'activité touristique. Le tourisme est ainsi vu comme une alternative économique pour les villes. Il permet une reconversion économique par rapport aux industries traditionnelles (c'est une « industrie sans cheminées »), il renouvelle l'image et l'attractivité des villes (« ville-vitrine ») et utilisé comme un prétexte, le tourisme est un catalyseur pour les rénovations urbaines. En utilisant de nombreux exemples, l'auteur tente de faire une synthèse sur les équipements réaliser pour attirer les touristes : hébergement, palais des congrès, centres commerciaux, musées, parc d'attraction, etc. Le tourisme est à la fois le prétexte de ces réalisations et permet une diversification de clientèle pour rentabiliser ces équipements aux coûts très élevés. Ce que l'on remarque dans ces équipements, c'est la diversité des pratiquants : un palais des congrès a une polyfonctionnalité importante, et c'est ici l'une des difficultés pour analyser l'impact du tourisme. Le touriste utilise des espaces utilisés par d'autres personnes.

C'est pour cela que l'auteur écrit, en parlant des impacts économiques : « Apprécier réellement l'efficacité de cet investissement, en prenant en considération la totalité et la diversité de ses retombées directes et de ses effets dérivés, demeure extrêmement difficile, sans doute même actuellement impossible » (p.81). Pourtant l'auteur n'hésite pas à faire des estimations sur les retombées économiques du tourisme urbain. Les chiffres fournis donnent presque le vertige, tant les sommes sont énormes (en milliards de Fr pour les dépenses touristiques). De plus, dans un contexte de chômage urbain, le tourisme est aperçu comme un potentiel créateur d'emplois.

L'intérêt pour notre travail dans cette deuxième partie est que le tourisme est à la fois un enjeu spatiale (un palais des congrès, un centre commercial ou un parc d'attraction marque fortement l'espace) et économique pour les villes (en terme de retombées et pour rentabiliser les lourds investissements). Néanmoins l'auteur appel à travailler sur « la rentabilité de l'activité touristique, surtout par rapport aux autres opportunités économiques des villes. Limité à ce seul critère, le tourisme apparaîtrait sans doute comme un choix onéreux » (p.86), cela reste à prouver. Mais le tourisme urbain n'est pas qu'un apport économique, il met aussi en jeu l'image de marque, le décor urbain, la restauration du patrimoine et les équilibres spatiaux, ce que l'auteur analyse dans la troisième partie.

Cette dernière partie nous semble la plus intéressante pour notre travail, à la fois parce qu'elle discute des conséquences spatiales du tourisme sur l'espace urbain, mais aussi par son caractère polémique. Il souligne dès l'introduction que « les transformations profondes et spectaculaires qui affectent le décor et l'espace urbain, le contenu et le contenant de la ville, mais aussi son attractivité et sa signification, le tourisme joue un rôle croissant qu'il devient injustifiable de négliger » (p.87). Il revient aussi sur les difficultés d'identifier et d'estimer les retombées spatiales, car les actions s'adressent à la fois aux touristes potentiels qu'aux habitants permanents (une rénovation est-elle faite pour les visiteurs extérieurs ou pour la satisfaction des résidents ?). Cette dernière remarque est pertinente car elle montre combien le tourisme peut être un enjeu pour les acteurs locaux et soulèvent deux questions : est-ce la qualité urbaine d'une ville qui engendre du tourisme (on satisfait la demande des résidents et le tourisme suit) ou est-ce le tourisme qui engendre une certaine qualité urbaine ? Se pose aussi la question de l'acceptation du tourisme par les acteurs locaux, est-ce que le tourisme est une volonté politique ouvertement affichée ou cachée ?

L'auteur ne répond pas à ces questions (puisqu'il ne les pose pas) et c'est ici une carence sur cette question des conséquences spatiales du tourisme.

Cazes va d'abord analyser le lien entre la valorisation du patrimoine urbain et le tourisme. Il nous montre, grâce à de nombreux exemples, comment ce processus de patrimonialisation et de mise en tourisme des villes fonctionne (chap. I). Le tourisme récupère des éléments du patrimoine, qui risquaient de disparaître ou non, pour leur donner de nouveaux usages. Mais le tourisme n'est pas qu'un révélateur du patrimoine, il produit aussi de nouveaux espaces (chap. II). Par exemple la piétonisation des voies (devenue classique dans les rues des centres-villes), qui par une touristification « jugée abusive de ces voies - avec les risques de saturation et d'insécurité bien connus - [...] a conduit les riverains et les commerçants à recommander la « réinjection » automobile » (p.96), avec pour exemple la rue Saint-André des Arts à Paris. Certes c'est une remarque pertinente, mais il existe sûrement davantage de rue qui se piétonnise que de rue qui se « dépiétonnise ». D'autres exemples sont cités, comme les festival market place, les rénovations et opérations urbaines effectuées par Barcelone pour les JO de 1992, les développements urbains périphériques autour des grands parcs d'attraction à thème, etc.

C'est surtout le troisième chapitre qui est le plus polémique de cette partie et c'est réellement dans celle-ci que l'auteur analyse, à sa manière, les impacts du tourisme sur la ville. Intitulé « Le tourisme dans la ville : un territoire à partager, des flux à gérer », le titre pose d'embler un constat : touristes et résidents partagent un territoire commun, « limité et densément occupé » qu'est la ville. Selon l'auteur, les flux importants de touristes peuvent entraîner dans le tissu urbain des problèmes sérieux. Dans ce chapitre nous ne verrons que les impacts jugés comme négatifs du tourisme sur la ville. En effet, dans sa typologie des « effets classiques », l'auteur nous parle de muséification, d'artificialisation, de répétition mimétique, de déterritorialisation, du « trouble ressenti par les visiteurs face à ces clone cities » (p.109), en quelques mots, de la banalisation des villes par le tourisme. Mais alors pourquoi choisir ? Pourquoi choisir entre Venise, New-York, Paris, Prague si le tourisme « banalise les villes » ?

« Corollaire de la banalisation et de la muséification, le deuxième risque découle de la tendance à la monofonctionnalisation dans les secteurs urbains les plus fortement touristifiés. » (p.109). La monoculture touristique est souvent évoqué, mais il faut remarquer que cela ne concerne bien souvent qu'une portion de l'espace urbain. Néanmoins, cela ne semble convenir à l'auteur : « De façon générale, les coeurs de villes historiques avec leurs rues étroites et tortueuses, leurs plateaux piétonniers, leurs commerces de luxe, leurs hôtels et restaurants de caractère, leur patrimoine monumental mis en scène et en lumière, leurs parcours de visite-découverte avec haltes photographiques recommandées entrent dans cette logique de spécialisation fonctionnelle et de ségrégation spatiale » (p.110). On ne remettra pas pour l'instant en cause ce processus de monofonctionnalisation que le tourisme peut entraîner dans certains cas, ce qui peut être une prochaine recherche. Mais il faut le remettre dans son contexte et l'on sait que le tourisme évite parfois à des centres-villes de mourir dans leur léthargie (cf. Equipe MIT, Tourismes 2 pour Bruges). Ce n'est pas non plus la seule activité « monofonctionnalisante », puisque c'est un problème que l'on constate dans des quartiers sans grande fréquentation touristique7(*). Va plus loin en écrivant que « la consommation touristique, dans les villes comme dans les autres lieux où elle s'affiche, entraîne inévitablement dans son sillage des phénomènes de parasitisme, de prostitution, de délinquance de toute sorte » (p.111). On regrettera le manque d'exemple après cette accusation qui me semble un peu hâtive, ainsi que l'utilisation de l'adverbe « inévitablement ». Ne mettons pas si vite tous les maux de la ville sur le dos du tourisme.

Enfin de compte, ces quelques remarques sur les « effets classiques » semblent tenir davantage d'un avis personnel de l'auteur, même si celui-ci c'est déchargé de la responsabilité de ces termes au début de sa typologie : « Quelques termes sont classiquement employés par les observateurs pour désigner les processus » (p.108).

Nous serons encore plus sceptique pour la partie sur la « capacité de charge », où il est question de pression, de surcharge et de seuil-limite. Nous nous baserons sur les travaux de Florence Deprest, où elle démontre que la notion de « capacité de charge » est un transfert des concepts pertinents des sciences exactes aux sciences sociales. Mais cette notion reste floue dans son utilisation : « Il s'agit de définir, à partir de ce que les utilisateurs ou les gestionnaires considèrent comme acceptabe, un niveau maximum d'utilisation du lieu. [...] L'acceptable est une notion très relative. Elle est relative historiquement : ce qui était acceptable pour le commun des mortels au Moyen Age est sans relation avec ce qui est acceptable pour un être humain de cette fin du XXe siècle » (1997, p.51).

* 5 Directrice de recherche à l'Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité (INREST).

* 6 Difficulté (ou contradiction) à définir véritablement le tourisme (qui prendre ?). Il est définit comme « tous les déplacements comprenant une nuit minimum hors du domicile principal, effectués pour des motifs autres que le travail régulier » (p.10), mais sont inclus les voyages d'affaires.

* 7 Comme exemple nous pensons au XIe arrondissement de Paris, où des grossistes chinois rachètent les commerces. La municipalité voudrait y préserver la diversité commerciale. C'est donc un problème général des villes et non pas un problème du au tourisme.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera