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La bonne foi dans le rapport de travail

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par oumar ben Camara
Université Lumiére Lyon2 - Master 2 2007
  

Disponible en mode multipage

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    Mémoire

    LA BONNE FOI DANS LE RAPPORT DE TRAVAIL

    REMERCIEMENT S

    Je remercie très sincèrement Madame Delaunay et Madame Trochard pour leur soutien et leur disponibilité.

    Je remercie également Monsieur Jeammaud pour la confiance qu'il a témoignée à mon égard, sa disponibilité et ses précieux conseils. Merci de m'avoir donné une chance.

    Je remercie enfin les professeurs de l'I.E.T.L pour leurs enseignements qui m'ont permis de mener à bien ce travail.

    Principales abréviations

    Art. Article

    Bull. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, chambres civiles

    C. A. Cour d'Appel

    C. C. Conseil Constitutionnel

    C. E. Conseil d'Etat

    C. E. D. H. Cour Européenne des Droits de l'Homme

    Chr. Chronique

    Civ. Chambre Civile

    Crim. Cour de cassation, chambre criminelle

    C. S. B. P. Cahiers Sociaux du Barreau de Paris

    D. Recueil Dalloz

    Dr. Ouv. Droit Ouvrier

    Dr. Soc. Droit Social

    Gaz. Pal. Gazette du Palais

    I. R. Informations Rapides

    JCP Juris-Classeur Périodique (La semaine juridique)

    L. S Liaisons Sociales

    Préc. Précité

    RDT Revu de Droit du Travail

    Soc. Chambre sociale

    PLAN SOMMAIRE

    PLAN SOMMAIRE :

    REMERCIEMENTS 2

    INTRODUCTION 7
    PREMIERE PARTIE : La bonne foi, standard régulateur du rapport

    de travail 21

    CHAPITRE I : La bonne foi dans la formation du contrat de travail 23

    SECTION I : Bonne foi et phase précontractuelle 23

    SECTION II: Bonne foi et conclusion du contrat de travail 31

    CHAPITRE II : La bonne foi dans l'exécution et la rupture du contrat de travail 37

    SECTION I : La bonne foi, surcroît de sujétion pour le salarié 38

    SECTION II : La bonne foi, une limite générale au pouvoir de l'employeur 42

    DEUXIEME PARTIE: La bonne foi, source d'enrichissement du contenu du contrat de travail 49

    CHAPITRE I : La bonne foi, un instrument de sophistication du contenu obligationnel

    du contrat de travail 51

    SECTION I : La bonne foi, Tremplin d'élaboration de normes à la charge de l'employeur 51

    SECTION II : La découverte d'autres obligations implicites ou secondaires 55

    CHAPITRE II. La bonne foi, un outil de moralisation de l'espace de stipulation 59

    SECTION I : De la clause de non concurrence 61

    SECTION II : Des clauses relatives au lieu de travail 63

    CONCLUSION 67

    BIBLIOGRAPHIE 69

    INTRODUCTION

    INTRODUCTION

    S'interroger sur le rôle et la place de la bonne foi dans le rapport de travail est une tâche très stimulante sur le plan théorique mais fastidieuse en raison du flou qui entoure la notion. Pour éclaircir à grands traits cette interrogation, il semble opportun d'expliquer, à tout le moins, présenter la figure qui donne naissance au rapport de travail .C'est à travers le contrat « source du rapport de travail1 » que l'on pourra mesurer toute la portée et l'impact de la notion de bonne foi dans ce rapport. Pendant le 1 9ème siècle, ce type de rapport en France était resté régi par les seules règles du Code civil de 1804. Le législateur appréhendait le rapport de travail à travers une espèce de contrat parmi d'autres ; le louage de services. Il s'agissait donc d'appliquer à cette opération les règles générales applicables au contrat2. Le rapport était dès lors abandonné aux mécanismes de droit commun, le Code napoléonien soumettant le louage de services ou « louage des gens de travail » qui s'engage au service de quelqu'un à ces règles générales applicables au contrat. Aux termes de l'article 1708 du Code civil, on pouvait distinguer deux sortes de contrats de louage : celui des choses et celui d'ouvrages. Ces deux genres de louage se subdivisent encore en plusieurs espèces particulières parmi lesquelles ce que l'article 1711 nomme « loyer » le louage du travail ou du service. Le louage des gens de travail est donc présenté comme une variété de louage, d'ouvrage et d'industrie, et fait l'objet d'une petite section dans le chapitre consacré à ce contrat qui est composée de l'article 1780 et 1781 et intitulé louages des domestiques et ouvriers3. A l'origine, la distinction entre louage d'ouvrage et louage de services n'était pas clairement établie par le Code civil. Le louage de services ne faisait l'objet d'aucune réglementation particulière. Le Code autorisait sa libre conclusion, permettait la libre détermination de son contenu et lui donnait une force obligatoire. Le rapport de travail était donc conçu comme une simple opération d'échange de travail contre une rémunération. Un individu donnait à bail ses services et l'employeur locataire lui versait un loyer sous forme de salaire.

    1 J. Pelissier, A. Supiot , A. Jeammaud, Droit du travail, Dalloz, Paris, 22ème éd., 2004, n° 116 et s., p 173.

    2 J. Pelissier, A. Supiot , A. Jeammaud. préc., n° 116, p. 172.

    3 Art. 1780 du Code civil, « On ne peut engager ses services qu'à temps, ou pour une entreprise déterminée », et art. 1781, abrogé par la loi du 2 août 1868 : « le maître est cru sur son affirmation pour la quotité des gages, pour le paiement du salaire de l'année courante ».

    D'une « conception purement matérialiste4 » du rapport de travail qui confortait une soumission personnelle et une inégalité juridique, le législateur français est venu encadrer davantage le louage de services.

    Aujourd'hui, réserve faite des controverses doctrinales sur la place du « contrat » dans l'ordonnancement des relations de travail5, le rapport de travail n'est pas strictement contractuel. « La trame des relations de travail n'est pas façonnée par la convention ; ce sont les règles du droit du travail qui la modèlent6 ». Il faut noter que le travailleur se trouve soumis au pouvoir que l'ordre juridique reconnaît à l'employeur. Il acquiert en même temps des droits qui ne proviennent pas directement de son contrat de travail mais qui lui sont reconnus en sa qualité de travailleur. De même, l'employeur est débiteur d'obligations légales qui ne se rattachent pas directement au contrat auquel il est partie. Le rapport de travail est certes fondamentalement contractuel mais le contrat, source du rapport opère aussi la manière d'un acte condition pour certains aspects de ce rapport composant sa dimension que l'on dira « institutionnelle7 ».Cette double nature n'enlève en rien le fait qu'il s'agit d'un « authentique contrat » dont maintes solutions de droit positif attestent « l'épaisseur8 ». Le contrat de travail a un rôle normatif, il crée des droits et des obligations à la charge des contractants et que par lui les parties fixent dans une certaine mesure les conditions de leur relation. En dehors des obligations qu'il fait peser sur chaque partie contractante du fait de la qualification de contrat de travail, il est aussi synonyme d' « espace de stipulation »9, libre donc aux parties de singulariser leur rapport par des clauses, des garanties, des sujétions particulières dans le cadre « du maillage normatif relativement dense qui l'enserre10 ». Au demeurant, il s'agit d'une technique d'aménagement et d'agencement de l'emploi. C'est une figure qui a vocation à servir de référence pour évaluer, interpréter les situations et rapports concrets, de dire ce qu'ils sont et valent en droit notamment s'il survient un litige entre les acteurs.

    Cette double vocation instrumentale et heuristique atteste l'adhésion implicite mais certaine du droit français à « l'option contractuelle11 ». Ainsi, le contrat de travail détermine d'abord ces conditions à travers les obligations qu'il fait naître (contenu obligationnel) et les

    4 J. Pelissier, A. Supiot , A. Jeammaud,préc. n° 1 16, p. 173.

    5A. Jeammaud, « Les polyvalences du contrat de travail », Etudes offertes à G. Lyon-Caen, Dalloz, Paris, 1989, p. 299. Sur ces controverses doctrinales voir notamment la thèse de Mathilde Julien, Le contrat de travail, source d'obligation, sous la direction de A. Jeammaud, Univ. Lumière-Lyon 2, n° 6, p. 19 et s.

    6 G. Couturier, droit du travail « Les relations individuelles de travail » PUF, Tome I ,3é éd., 1996 n°43 p.89

    7 A. Jeammaud, « Les polyvalences du contrat de travail », préc. p. 301.

    8 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc. n° 134, p. 205.

    9 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc.

    10 Mathilde Julien, préc. n° 5, p. 19.

    11 A. Jeammaud préc.p308 et s.

    variables affectant ces obligations ou les modalités de leur exécution (champ contractuel). Si le salarié est débiteur d'une obligation complexe qui est d'abord de se tenir à la disposition de l'employeur puis de fournir une prestation de travail, l'employeur de son côté est débiteur de la fourniture d'un poste ou des tâches correspondant à la qualification professionnelle convenu et du paiement du salaire dès lors que la prestation de travail a été exécutée. Le Code du travail alors qu'il ne définit pas le contrat de travail en se référant formellement au droit commun permet aux règles du Code civil de conserver toute leur pertinence quand il s'agit d'approcher ou d'appréhender le rapport de travail.

    Si la définition de la catégorie « contrat de travail » retenue par la doctrine dans le sillage des décisions de la chambre sociale de la cour de cassation permet de régler les enjeux de la qualification de contrat de travail, il ne s'agit là que d'une définition « opératoire » qui ne prétend pas exprimer « l'essence du contrat de travail12 ». Au demeurant, l'opération de qualification, notamment le critère du lien juridique de subordination, marque plus ouvertement le registre institutionnel du rapport de travail que sa dimension contractuelle. En effet, sous réserve des obligations qui pèsent sur les contractants, l'employeur dispose de pouvoirs que l'ordre juridique lui reconnaît et le salarié d'un certain nombre de droits. Dès lors, comment concilier les obligations respectives des parties, le pouvoir conféré à l'un et les droits conférés à l'autre ? Il semble que le contrat soit la figure la mieux adaptée pour le traitement juridique du rapport d'emploi13.

    Selon l'article 1 10114 du Code civil, le contrat est un accord de volonté générateur d'obligations. Et l'article 1134 alinéa 1 du même Code de préciser que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Sachant que la lecture de l'article 1134 alinéa 1 n'est pas univoque, cette force obligatoire que la loi attache à la convention (espèce plus large que le contrat) a pendant longtemps été fondée par certains auteurs sur la théorie de l'autonomie de la volonté. En effet, pour ces derniers, le contrat n'est obligatoire que parce que les parties peuvent déterminer librement le contenu de leurs obligations. Cette conception classique très libérale du contrat, qui fait de la volonté des contractants « l'essence même du contrat », ne correspond plus à la réalité contractuelle. Aujourd'hui, l'idée d'autonomie demeure certes au coeur du contrat, mais n'est pas le seul fondement invocable à l'appui de la force obligatoire des contrats. Bon nombre d'auteurs

    12 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc. n°120, p.181

    13 A. Jeammaud préc

    14 Art 1101 du Code civil « le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose »

    s'accordent sur le fait que l'autonomie de la volonté doit être entourée de restrictions15 et que le contrat oblige parce que la loi en dispose ainsi.

    Le rapport de travail, nous l'avons déjà dit, demeure donc soumise aux règles du droit commun des contrats. De fait, s'il est possible de replacer le contrat de travail dans la « théorie autonomiste », il faut cependant noter qu'il a touj ours vu intervenir le droit étatique dans son domaine. D'ailleurs, un auteur a fait remarquer que « depuis un siècle, le législateur intervient sous le sceau de l'ordre public et principalement celui de l'ordre public de protection dans tous les types de contrats mais particulièrement en droit du travail16 ». Et d'un point de vue formel, le rapport de travail s'entend de l'ensemble des règles juridiques relatives au travail subordonné. Notons par ailleurs qu'à un certain type de travail subordonné s'appliquent des règles statutaires, réglementaires spéciales. Il s'agit pour une très large part du rapport de travail de droit public qui est régi dans son ensemble pour ne pas dire exclusivement par ces règles spécifiques. Ce type de rapport qui exclut tout aménagement conventionnel17 ne retiendra pas notre attention, sauf de façon marginale. Il s'y rajoute que le droit du travail branche appréhende la relation de travail de façon individuelle et de façon collective. L'incidence de la notion de bonne foi ne sera étudiée ici que sur le premier rapport. Aujourd'hui, les auteurs s'accordent pleinement à donner au contrat toute sa place dans le rapport de travail. En droit du travail plus qu'ailleurs, le contrat, avec la fonction heuristique que « les tenants da la conception dualiste » ont mis en évidence, loin de révéler l'âpreté de la relation qui peut exister entre employeur et salarié, permet de concilier l'antagonisme qui peut être relevé entre équilibre et soumission.

    Au demeurant dans la théorie des contrats, rien n'impose que les parties soient juridiquement, économiquement égales, ni même que l'on doive relever l'existence dans une libre discussion préalable. En revanche, si l'idée d'égalité de fait ou de droit ne s'impose pas d'emblée dans le contrat, on conçoit mal qu'un contractant fasse abstraction totale des intérêts de l'autre contractant et le cas échéant utilise tous les moyens pour parvenir à ce pourquoi il s'est obligé. Il semble qu'une certaine « éthique » des relations contractuelles soit exigée afin de trouver un équilibre entre des intérêts, de préoccupations souvent aux antipodes.

    Cette recherche d'équilibre peut passer par le développement de la législation. Cependant, le législateur n'est pas le seul intervenant possible dans le contrat du travail, il y a le juge aussi. Nous verrons que le rôle de ce dernier n'est pas des moindres dans le rapport de

    15 E.Dockés « valeurs de la démocratie »Dalloz 2005, p.131

    16G.Lyon-Caen, « Défense et illustration du contrat de travail », Archives de philosophie du droit, tome13, 1968, p.59et s.

    17 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc. n°119, p.177

    travail. L'objectif est similaire, législateur et juge tentent d'insuffler « de la justice, de la sécurité » à tout rapport contractuel prenant le soin de laisser aux parties la liberté de s'exprimer dans le cadre des règles et limites qu'ils fixent.

    Dès lors, on comprend que l'étude d'une notion « éthico- juridique » comme la bonne foi dans le rapport de travail puisse susciter autant d'intérêt. Aussi, le législateur, soucieux de la rigidité que peut générer l'alinéa 1er de l'article 1134 précité qui donne une force obligatoire au contrat, s'est empressé d'y rajouter des exigences d'ordre moral en précisant dans l'alinéa 3 de cet article que le conventions doivent être exécutées de bonne foi. De la sorte, il délègue une partie de son pouvoir normatif au juge, misant sur le pouvoir évocateur et la souplesse de la notion de bonne foi afin de permettre que le rapport contractuel soit à la hauteur de ce que les parties soient légitimement en droit d'attendre. L'exigence de bonne foi posée par l'alinéa 3 de l'article 1134 du Code civil pour l'exécution des conventions déborde le domaine du droit commun des contrats. Toutefois, le législateur dans le cadre de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a crée un nouvel article L.120-4 dans le Code du travail aux termes duquel « le contrat de travail est exécuté de bonne foi ». Cette intégration formelle de la notion de bonne foi dans le Code du travail à en juger par l'accueil assez indifférent que lui a réservé la doctrine n'est pas un apport majeur. D'ailleurs, l'utilité d'une telle disposition peut paraître contestable au regard du renvoi au droit commun des contrats. Cependant, il semble qu'une telle insertion à dimension symbolique certes, devrait conforter et amplifier la mobilisation judiciaire de l'exigence de bonne foi dans le régime de l'exécution du contrat de travail18 .

    Nul n'ignore l'hommage rendu par le Code civil à l'exigence de bonne foi. Le droit romain, qui inspire le législateur de 1804 accordait une grande importance à l'idée de bonne foi19. D'ailleurs, tous les systèmes juridiques se référent à la notion. Du droit interne au droit international, elle connaît une multitude d'applications et d'utilisations. Même si elle fait bonne figure dans l'univers juridique à travers le corps de règles qui la consacre et les constructions prétoriennes qui s'y appuient, force est de constater que la première difficulté à laquelle on se heurte tient au vocabulaire. Le mot, composé d'un substantif d'allure religieuse auquel est accolé un qualificatif d'appréciation morale ne rend pas réellement compte de la teneur du concept de bonne foi20. Il s'agit « d'une institution essentielle de toute vie

    18 C.Vigneau « L'impératif de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail »Dr., p.707

    19 Y. Picod, « Le devoir de loyauté dans l'exécution du contrat », L.G.D.J ; 1989, n°6, p.12 20 G. Lyon Caen, « De l'évolution de la notion de bonne foi », RTD civ. 1946, p.76

    sociale21 ». Tous les systèmes juridiques font une certaine place à la bonne foi et la doctrine nous livre plusieurs conceptions de la notion. Alors que certains auteurs ont pu considérer que la bonne foi était dépourvue de toute efficacité juridique, d'autres pensent au contraire qu'il s'agit d'une notion très prometteuse en droit positif22. De façon générale, en nous référant au dictionnaire de vocabulaire juridique23, la bonne foi est « l'attitude traduisant la conviction ou la volonté de se conformer au droit qui permet à l'intéressé d'échapper aux rigueurs de la loi ». Cette définition, même si elle permet de cerner les contours de la notion ne laisse que percevoir le caractère polysémique du concept de bonne foi. Pour le Doyen Ripert24, la bonne foi permettrait de faire pénétrer la règle morale dans le droit positif. « Elle représenterait un résidu d'équité que le droit ne peut éliminer » selon Gérard Lyon Caen25. La bonne foi serait l'expression de la pérennité de l'idéal de la justice dans le droit des obligations. Plus encore, elle aurait une portée particulière puisqu'elle constitue « une norme éthique de conduite à contenu indéterminé et à formulation générale26 ». Enfin, dans le rapport de travail subordonné, elle permettrait de restaurer l'inégalité de l'une des parties envers l'autre. Que de fonctions dévolues à la bonne foi et de définitions livrées qui ne rendent pas compte de manière systématique de ce qu'elle est réellement. S'agit il d'une notion rétive à tout effort de conceptualisation qui ne correspondrait pas à une qualification réductible à une logique d'ensemble ? Certains auteurs parlent de la notion de bonne foi comme porteuse « d'une irréductible incertitude et d'un incompressible subjectivisme27 ». En tout cas le substantif et le qualificatif posent plus de problèmes qu'ils n'en résolvent. En effet, la connotation religieuse et morale participe de la difficulté de cerner la notion. Toutefois, on peut noter que les conceptions, les utilisations, les illustrations de la notion de bonne foi dépendent de l'importance qui lui est accordée par les législateurs et juges. Même s'il est devenu fréquent que l'on souligne l'absence d'unité de la notion en droit français, il faut noter que le concept de bonne foi exprime une réalité juridique et a une portée reconnue dans le droit positif28. Audelà de cette portée, c'est à l'absence de définition unique de l'expression qu'il faut se

    21 D. Alland et S. Rials, Dictionnaire de la culture juridique, PUF. 2003

    22 Sur la portée juridique de la notion de bonne foi voir Ph. Stoffel-Munck, « L'abus dans le contrat », LGDJ, 2000, n°64 et s.

    23 Voir G. Cornu et Autres, vocabulaire juridique, PUF., V. bonne foi

    24 G. Ripert, « La règle morale dans les obligations civiles », LGDJ, 4é éd., 1949, p.157

    25 G. Lyon Caen, « De l'évolution de la notion de bonne foi », RTD civ, 1946

    26 C.Vigneau préc. p.707

    27 J. flour, J-L. Aubert, E. Savaux, « Droit civil.les obligations », vol. 1, l'acte juridique, 9è éd ; Armand Collin, 2000, p.279

    28 J. Ghestin, « La formation du contrat », Traité de droit civil, LGDJ, 3é éd., 1993 n°255

    résoudre. En effet, « renoncer à faire éclater la notion revient à la définir autrement que par de vagues sentiments et à lui donner un réel contenu29».

    L'appréhension de la notion par un juriste semble donc nécessairement impliquer une multiplicité de définitions. Deux acceptions majeurs30 se dégagent généralement de la notion de bonne foi : tantôt, elle correspond à l'ignorance non fautive d'un vice juridique et privilégie ici une attitude passive du sujet de droit ; tantôt elle est considérée comme une norme objective de comportement et donc privilégie une attitude active. Il s'agit là d'une conception durable que l'on retrouve dans tous les systèmes juridiques d'inspiration romano germanique31. La première acception si elle n'est pas sans portée en droit des contrats y reste d'une importance moindre. En revanche, la seconde a sans doute connu une évolution plus remarquable à l'époque contemporaine. En effet, la bonne foi saisie comme évoquant un comportement loyal, une attitude d'intégrité et d'honnêteté « domine de haut tout le droit des contrats32 ». C'est d'ailleurs celle là qui est visée par le Code civil quand il s'agit d'évaluer son impact sur le rapport contractuel. Pendant longtemps, le « potentiel dérégulateur33 »de l'alinéa 3 de l'article 1134 a conduit la doctrine à minorer la portée de ce texte. Toutefois, s'il y a bien un domaine où la notion de bonne foi n'a pas fini de développer ces effets, c'est bien dans celui de la sphère contractuelle. A ce titre, elle a fait l'objet d'une grande attention de la part des juristes et de nombreuses études lui ont été consacrées notamment en France. En droit français des contrats, le thème peut paraître battu et rebattu. Notons sans conteste que si c'est en droit civil des obligations et en droit commercial34 qu'elle a commencé à connaître ses manifestations les plus brillantes, le droit du travail branche aujourd'hui n'est pas en reste35. Nous l'avons déjà dit, si la bonne foi ne se prête pas à une définition univoque, il est d'autant plus délicat de la cerner qu'elle se démarque mal d'une notion voisine, l'équité. En effet, cette dernière est bien la notion qui évoque le plus spontanément l'idée de bonne foi. Même s'il s'agit bien de deux notions visées distinctement par le Code civil, chez certains auteurs et dans quelques décisions de justice, l'une n'allait pas sans l'autre. Il est vrai que bonne foi et équité remplis sent des fonctions voisines, notamment pour ce qui est de l'interprétation du contrat. La frontière entre les deux notions est donc très floue, et la doctrine n'est guère

    29 Y. Picod préc.n°6, p.12

    30 Voir par exemple Ph. Le Tourneau « bonne foi », Rep. Civ. Dalloz 95, n°3 1 31Voir M. Ph. Stoffel-Munck préc. n°57

    32 Ph. Le Tourneau préc. n°5

    33 Pour l'expression voir M. Ph. Stoffel-Munck préc. n°55

    34Voir Civ 5 nov 1913 Bull., n°190, p.365 sur la présomption de bonne foi 35 CA Paris, 30 mai 1961 D.1961 jur. 669 n. G. Lyon-Caen

    unanime sur les rapports qu'elles entretiennent. Pour certains, l'équité36 serait une conséquence de la bonne foi, alors que pour d'autres, la bonne foi serait un instrument d'application de l'équité. D'autres encore ne voient entre bonne foi et équité que l'ombre d'une différence. Enfin, certains auteurs entendent consacrer l'autonomie de la bonne foi au regard de l'équité. La confusion qui règne quant à la question du rapport entre bonne foi et équité ne facilite pas l'appréhension du concept de bonne foi.

    Au demeurant, le point commun le plus sûr entre les deux est certainement leur caractère « insaisissable ».

    Par ailleurs, les manifestations de la notion de bonne foi sont tellement variées qu'elle a des liens intrinsèques avec la notion de loyauté. En effet, il y a un grand flou qui règne en doctrine sur l'emploi de ces termes d'où l'intérêt de préciser nettement l'usage qui en sera fait. Chez nombre d'auteurs, les mots « bonne foi » et « loyauté » sont employés comme étant synonymes. Parfois, quelques auteurs tendent à privilégier l'emploi du terme loyauté l'estimant plus précis37. Toutefois, la distinction ne semble pas fondée que sur une exigence de précision et il est bien difficile d'établir un critère fiable permettant de tracer la frontière entre les deux notions. D'après Monsieur Aynès38, la loyauté n'a que de lointains rapports avec la première conception de la bonne foi c'est-à-dire celle qui renvoie en une croyance erronée. En revanche, il admet qu'elle entretient des liens beaucoup plus étroits avec la seconde acception. Ainsi, la seule différence entre cette bonne foi et la loyauté tiendrait au fait que le devoir de loyauté déborde selon lui largement les frontières de l'exécution du contrat. Cependant, il n'établit pas un critère net de distinction entre l'acception de la bonne foi qui nous intéresse et la loyauté, d'autant plus que l'exigence de bonne foi ne semble pas se limiter non plus au seul domaine de l'exécution du contrat.

    Pourtant, il paraît alors préférable de retenir une position assez généralement adaptée, selon laquelle la loyauté est perçue comme une conséquence de la bonne foi. Parallèlement à d'autres exigences découlant de l'obligation de bonne foi, cette dernière exigerait aussi la loyauté. Ainsi, il est généralement admis que dès le stade précontractuel, les négociateurs doivent être animés par une attitude loyale. Au moment de la conclusion du contrat, l'idée de bonne foi est présente et impose un consentement réel et éclairé qui ne doit pas être surpris par dol ou par erreur. De même, lors de l'exécution du contrat, l'exigence de bonne foi a permis au juge de découvrir une série d'obligations s'imposant aux parties. S'agissant du

    36 Art. 1135 du Code civil «Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature »

    37 Voir Y. Picod préc. .n°6 p.13

    38 L. Aynès « L'obligation de loyauté », Archives de philosophie du droit, 2000, n°44, p198

    contraire de la bonne foi, certains auteurs précisent que la bonne foi et la mauvaise foi ne procèdent pas d'un système binaire39. Ils considèrent en effet que le contraire de la bonne foi est l'absence de bonne foi et vice versa. Outre ces considérations, il faut noter que la mauvaise foi relaie essentiellement les effets négatifs du concept de loyauté, tantôt il s'agit d'une attitude dolosive ou frauduleuse de la part du contractant, tantôt c'est l'abus d'un des droits que l'une des parties tient du contrat qu'il convient de sanctionner. Le lien certain entre la bonne foi et ces notions apparaît n'être plus qu'une manifestation de la règle de civilité qui gouverne le comportement de l'honnête homme. Ainsi, « tromper, mentir, trahir, exploiter la détresse de celui dont on s'était dit le partenaire, y rester parfois simplement indifférent, se montrer « brutal », discourtois », toutes ces figures constituent le genre de déloyautés auxquelles renvoie l'article 1134 alinéa 3 du Code civil.

    Connaissant donc des illustrations extrêmement variées l'exigence de bonne foi apparaît ainsi diffuse et difficilement saisissable. Il est à redouter qu'elle perde toute unité dans ses applications et réponde à des idées infiniment diverses. En tout cas dans le cadre du rapport de travail, le juge n'hésite pas à servir de la notion pour découvrir de nouvelles obligations au contrat. Notons que ce « gonflement du contrat de travail40 » s'accentue encore avec l'analyse conceptuelle de la bonne foi. En effet, outre la fonction41 interprétative traditionnellement reconnue à la bonne foi, René Demogue lui aura rajouté une fonction complétive et un auteur soulignera également qu'elle a une fonction limitative. D'autres auteurs encore ont voulu raj outer à la bonne foi une fonction modificatrice ou adaptative. Sous réserve que la dernière fonction est loin d'être univoque en droit français, la bonne foi dans sa fonction interprétative permet au juge d'interpréter le contrat selon son esprit plutôt qu'à la lettre, à la condition notable qu'une ambiguïté entache celle-ci, c'est-à-dire en fonction du but que la bonne foi ne peut manquer de lui donner. Certains auteurs soulignent que cette fonction est largement redondante de l'article 1156 du Code civil42.

    Dans sa fonction complétive, la bonne foi permet au juge de rajouter au contrat des obligations comprises comme nécessaires à son accomplissement. C'est dans ce sens que l'article 1134 alinéa 3 se rapproche de l'article 1135 du Code civil.

    Enfin dans la fonction limitative c'est essentiellement à l'abus de droit qu'il est alors fait référence.

    39 Y. Picod préc n°13 p.25

    40 Expression empruntée à Mathilde Julien, préc. n° 54 p.75

    41 Pour les fonctions dévolues à la bonne foi voir M. Ph. Stoffel-Munck préc. n° 60 et n° 61voir aussi M. Julien préc.n°51 p.72

    42 Ph. Stoffel-Munck, préc. n° 83

    De même, et touj ours dans le cadre de la conceptualisation de la notion de bonne foi, Robert Vouin 43a envisagé de distinguer la bonne foi contractuelle et la bonne foi du contractant. D'après cet auteur, il est possible d'envisager « la bonne foi individuelle d'un contractant dans le but de lui accorder une faveur, comme aussi considérer, d'une manière abstraite, les limites et les exigences de la bonne foi pour prétendre en déduire, dans leur nature et leur étendue, les droits et les obligations de l'une et de l'autre des parties au contrat. On peut donc opposer, pour les étudier séparément, la bonne foi des contractants et la bonne foi contractuelle ». Il semble que cette distinction n'avait qu'une portée descriptive, mais elle conduit tout de même à s'interroger sur l'unité de la notion de bonne foi. S'agit il d'une notion unitaire ou dualiste ? La question est d'autant plus pertinente que cette distinction a été reprise par Monsieur Picod44. En effet, ce dernier se réfère à la loyauté contractuelle et la loyauté du contractant dans l'exécution du contrat. Dans le premier cas, il s'agirait de savoir à quoi les parties sont tenues alors que dans la loyauté du contractant, il s'agirait de savoir comment les parties exécutent ce dont elles sont tenues et comment elles se comportent dans l'exécution des droits qu'elles tirent du contrat? En effet, pour lui, le système juridique a une conception assez peu dynamique de la loyauté, il penche plus vers une appréciation « de façon négative » ou de façon « abstraite ». C'est donc plus l'absence de déloyauté qui produit des effets juridiques que la loyauté elle-même. Selon lui, « la loyauté du contractant » et la « loyauté contractuelle » sont deux aspects distincts. Le premier consiste à apprécier directement une attitude, dans une large part sanctionner la mauvaise foi du contractant. L'auteur souligne qu'il s'agit d'une notion non autonome car le droit français ne récompense pas la diligence du contractant. En revanche, le second est envisagé en tant que critère de détermination du contenu contractuel et semble avoir une autonomie propre du fait de son caractère neutre. « Elle n'est ni à l'intérieur, ni au dessus de la volonté des parties, mais elle est au-delà ». De ces deux conceptions, il ressort que les auteurs opposent la bonne foi ou loyauté définie comme norme d'interprétation et la création d'obligations dans le contrat et la bonne foi ou loyauté conçue comme une exigence de comportement.

    Un autre auteur a de nouveau établi la distinction en lui attribuant un caractère fondamental. En effet, pour Monsieur Stoffel-Munck45, cette distinction ne semble pas avoir qu'une portée descriptive. L'opposition entre la bonne foi définie comme norme d'interprétation et la bonne foi conçue comme une exigence d'humanité et de probité parait

    43 R. Vouin, « La bonne foi, notion et rôle actuels en droit privé français », thèse Bordeaux, Paris : LGDJ,1939 p.53

    44 Y. Picod préc n°12 et n°64

    45 Ph. Stoffel-Munck, préc. n° 81 p.8 1et s.

    fondamentale. La loyauté contractuelle serait absorbée dans l'article 1135 du Code Civil alors que seule la loyauté du contractant constituerait le sens propre de la bonne foi visée à l'article 1134 alinéa 3 du même Code. La loyauté contractuelle se présente pour cet auteur comme « une fidélité à l'opération que les parties ont entendu réaliser par leur convention. Dans cette optique, le critère opérant n'est pas la morale de la sociabilité mais plus « prosaïquement » le respect du but économique recherché. Il existerait donc une différence de nature manifeste entre la bonne foi contractuelle et la bonne foi du contractant. En réalité, ces approches confortent la dispersion et l'imprécision de la notion de bonne foi. Or une telle dispersion et imprécision peuvent s'avérer dangereuse. En effet, cela ne signifie-t-il pas que les manifestations de la bonne foi ne sont guères cohérentes ou en tout cas ne procèdent pas d'une logique parfaite ? Et que c'est finalement le juge, qui au gré des espèces, détermine le sens de la notion et lui fait produire les effets qui lui semblent répondre au mieux aux impératifs de justice et aux intérêts des contractants. L'importance accrue de la notion en droit positif n'est elle pas alarmante ? N'y a-t-il pas là un grand danger pour les impératifs de « sécurité juridique » dans le contrat ? D'ailleurs comment prévoir les effets de l'exigence de bonne foi dans le rapport de travail si elle n'est caractérisée par aucune unité et se perd dans ses applications ?

    Il semble en tout état de cause admis que la bonne foi ne peut être appréhendée de façon unitaire et qu'elle est une notion dont le sens et la portée sont fixés par le juge qui s'appuie sur les conceptions et les efforts de systématisation de la notion par la doctrine. Par ailleurs, même si certains auteurs entendent limiter l'exigence de bonne foi au seul domaine de l'exécution du contrat, la notion intervient aussi dans la phase de formation et de rupture du contrat46. Il faut noter que la bonne foi, synonyme « d'honnêteté et de correction » n'est pas une notion spécifiquement contractuelle quoi que les contractants ne puissent s'en affranchir. L'exigence de bonne foi irradie bien au-delà de la matière contractuelle.

    « Ne s'agit-il pas en fait de souligner que la bonne foi joue une fonction heuristique et une fonction instrumentale47 ? » car, si elle appréhende directement la dimension contractuelle du rapport de travail, celle dite « institutionnelle » n'est pas en reste.

    De sources diverses et variées, la bonne foi intervient dans la conclusion du rapport de travail, pendant son exécution et lors de sa rupture. Peu ou prou, s'appuyant sur la bonne foi, le juge s'inscrit de fait ou de droit dans une démarche de moralisation et de modération du contenu du contrat de travail afin de lui apporter un certain équilibre .

    46 Ph. Le Tourneau préc n° 1 8

    47 M. Julien préc.

    La bonne foi constitue une référence morale autorisant à juger de la qualité du comportement des contractants. A travers cette dualité de fonctions, le juge dispose aussi d'une notion malléable qui lui permet de moduler, modérer, voire découvrir les obligations auxquelles sont tenus les contractants48. De fait, la bonne foi semble plus abordable par la définition des buts qu'elle permet d'atteindre.

    Ainsi, elle devient un instrument mis à la disposition du juge afin d'assurer une certaine régulation des relations entre débiteur et créancier. Il faut noter que si le terme « principe » a souvent été utilisé pour désigner l'aspect normatif de la bonne foi, ce n'est plus en ce qu'elle permet de rendre compte d'éléments éparses ou d'une tendance remarquable du droit positif49. Si l'utilisation du terme « principe » n'est pas contestée, elle n'est pas pour autant consacrée unanimement par la doctrine. Définir la notion ne pouvant permettre de percevoir toutes les applications auxquelles elle peut renvoyer, il semble que la notion de bonne foi constitue un standard50 « consistant à juger d'un comportement moral donné dans des circonstances données par référence au modèle considéré comme normal par la société au par la fraction de la société apte à élaborer le terme de référence ». Conçue comme telle, le renvoi à la notion de normalité permet au juge de s'immiscer dans le contrat en utilisant à la fois les fonctions dévolues à la bonne foi et les liens intrinsèques et extrinsèques qui existent entre la bonne foi et d'autres notions.

    Le recours au standard de la bonne foi offre au juge dans sa lecture de la normalité, une parfaite adéquation entre son pouvoir et son souhait de moraliser le contrat et donc d'infléchir le déséquilibre favorable à la partie forte. Si ce standard doit permettre pour une large part d'apprécier les décisions que prend l'employeur à l'aune de la bonne foi, il constitue également un moyen d'appréhender l'attitude du salarié dans le cadre du rapport de travail. Ainsi, le rapport de travail, aussi bien dans sa conclusion, son exécution et sa rupture, se trouve soumis à l'exigence générale de bonne foi de façon intrinsèque ou extrinsèque. On comprend dès lors que la bonne foi puisse constituer un standard qui permet au juge de « réguler » ce rapport.

    Par ailleurs, le standard de la bonne foi, permet à la cour de cassation d'interpréter extensivement le contenu du contrat de travail, notamment à travers les obligations qu'il fait naître. Il faut souligner qu'au fil des années, un certain nombre d'obligations ont été

    48 N. Pourias-Rexand « Le rôle du juge dans le contrat de travail »La moralisation des obligations de l'employeur thése, ANRT 2000 p.25

    49 A. Jeammaud préc. Dr Soc 1982 p.618

    50 S. Rials, « Le juge administratif français et la technique du standard », Paris, LGDJ, 1980, n°72 p.61

    découvertes par la jurisprudence, alors que rien ne laissait présager leur présence dans le contrat de travail.

    Ne s'agit-il pas là pour le juge d'user de la fonction instrumentale de la notion de bonne foi ?

    De plus, la faculté dont disposent les parties à un contrat de travail, de singulariser leurs rapports, permet également au juge d'intervenir dans cet « espace de stipulation51 », notamment lors de la survenance d'un litige.

    Cette intervention, en tout cas, confirme la fonction heuristique que peut jouer le standard de la bonne foi.

    Au demeurant, si d'un côté, la bonne foi constitue un standard régulateur du rapport de travail (1 ère partie), c'est aussi une source d'enrichissement du contenu de ce contrat (2ème partie).

    51 A. Jeammaud, préc.

    PREMIERE PARTIE

    LA BONNE FOI, STANDARD REGULATEUR

    DU RAPPORT DE TRAVAIL

    PREMIERE PARTIE : La bonne foi, standard régulateur du rapport de travail

    Les standards utilisés pas le droit du travail sont non seulement nombreux mais en relation avec des catégories clés. Ils vont conditionner l'application de telle ou telle disposition mais aussi des pans entiers de la législation du travail52. Sous réserve de la précision que la notion cadre et le standard n'expriment pas la même chose, il est possible de la rapprocher au regard de leur finalité. En effet, certains auteurs préfèrent la notion cadre à celle de standard ; d'autres encore proposent la combinaison des deux53. Il semble en tous cas que la technique de la notion cadre s'apparente à celle du standard juridique. Pourtant, la souplesse et la variabilité de la bonne foi illustre de façon notable les possibilités offertes au juge par le législateur à travers ce standard. Perçu comme appréciation moyenne de la conduite qui doit être, selon les cas, loyale, consciencieuse, raisonnable, prudente ou diligente. Il s'oppose à la règle de droit, disposition rigide et fixe prescrivant une solution précise, en tous cas enfermant le juge dans un carcan.

    Le standard renvoie donc à la normalité devant conduire à un possible rééquilibrage du contrat sans pour autant que la notion d'équité n'intervienne. De ce fait, il conduit le juge dans sa recherche de solutions pratiques adaptées aux circonstances d'allier à la fois les critères de normalité, de moralité et de raisonnable pour non pas ce qui est de plus répandu mais ce qui est le plus fréquemment admis.

    Notons que Robert Vouin54 a pu écrire que « la règle de droit est l'élément de stabilité du droit alors que le standard souple et changeant en est l'élément de mobilité ». Le standard de la bonne foi dans le cadre du rapport d'emploi permet à la cour de cassation de moduler l'étendue et la portée des obligations de l'employeur et du salarié mais aussi de se saisir de leurs attitudes. De la sorte, à travers ce standard qui irradie la sphère contractuelle55, le juge assure une certaine régulation du rapport de travail aussi bien au stade de sa formation (chapitre 1) que dans son exécution et sa rupture (chapitre 2).

    52 S. Frossard, « Les qualifications juridiques en droit du travail », LGDJ, n°30, p.31 53Y. Picod préc n°7 1

    54 R. Vouin prec.n°55

    55 Ph. Stoffel-Munck préc.n°58 p.63

    CHAPITRE I

    LA BONNE FOI DANS LA FORMATION DU

    CONTRAT DE TRAVAIL

    CHAPITRE I : La bonne foi dans la formation du contrat de travail

    Il ne serait d'aucun intérêt de retracer la formation du contrat de travail en y incluant les conditions communes à tous les contrats56. Ce qui vaut pour tous les contrats est sous entendu57. On s'attachera ici plus à la portée et l'influence de la bonne foi dans le cadre de la formation du rapport de travail. S'il s'agit d'un standard qui permet d'assurer une meilleure adéquation du droit à la règle morale, son caractère polysémique rend inopérant toute tentative de dresser un catalogue de comportements qui relèverait ou non de la bonne foi. Toutefois, l'exigence de bonne foi doit régner dans les pourparlers précontractuels à travers la série de droits et d'obligations qu'elle met à la charge des futurs contractants. Par ailleurs, lors de la conclusion du contrat, l'obligation de négocier de bonne foi secrétée par la confiance née des relations précontractuelles est alors sanctionnée indépendamment de la conclusion et généralement en l'absence de conclusion du contrat projeté.

    SECTION I : Bonne foi et phase précontractuelle

    Cette période est placée sous le double signe de la liberté et de la bonne foi. L'exigence de bonne foi vise à maintenir dés les pourparlers (paragraphe 1) un certain équilibre entre les futurs contractants .Il reste légitime que chaque partie défende son propre intérêt mais avec avec un minimum d'honnêteté et de loyauté de part et d'autre .Cette exigence est somme toute confortée lors de la phase du recrutement (paragraphe 2)

    §I : L'Exigence de bonne foi dans le cadre des pourparlers

    Elle se traduit par le devoir général de loyauté qui pèse sur quiconque prétend vouloir s'obliger (A) mais aussi par un certains nombre d'informations que doivent s'échanger les futurs contractants (B).

    56 J. Ghestin, la formation du contrat, LGDJ ,1993 p.576 et s.

    57 Art.1108 du Code civil

    A. Du devoir général de loyauté

    Avant même de connaître des implications juridiques, le devoir de loyauté est indispensable à tous les rapports sociaux. C'est dire qu'il existe un devoir autonome de loyauté, à côté des règles proprement juridiques. Etymologiquement « loyal » « leial » qui provient du langage de la chevalerie traduisait la fidélité jusqu'à sa mort, le sens de la parole donnée, le respect de l'engagement58. Elle participe de l'honneur.

    Il faut cependant noter que « leial » est une déformation de « legalis » c'est-à-dire ce qui relatif aux lois, conforme à la loi. Le devoir de loyauté qui est la notion la plus imprégnée de morale est une exigence dans la procédure d'élaboration du contrat. Ainsi, dans le cadre des pourparlers pour la formation d'un contrat de travail, on attend des futurs contractants qu'ils fassent preuve d'honnêteté et de sincérité.

    Ainsi, apprécier la loyauté, c'est porter un jugement de valeur sur la conduite d'un individu, mais c'est aussi prendre parti de déterminer le contenu des engagements pris et la façon dont ils doivent être exécutés. L'idée de confiance trompée ou de déloyauté inspire davantage les solutions jurisprudentielles59 que la loyauté elle-même. D'une part, si le futur contractant dispose d'une liberté de rompre les pourparlers, il ne peut le faire de façon abusive sans engager sa responsabilité. D'autre part, son devoir étant de conduire loyalement cette phase, il doit donc s'abstenir de toute manoeuvre déloyale. Ce devoir général de loyauté saisi par l'ordre juridique permet d'appréhender les exigences de comportement dont la méconnaissance est sanctionnée. Il semble que fonder la sanction sur l'abus ne paraît guère utile.60L'abus sanctionne simplement le « comportement qui n'est pas conforme à celui d'un partenaire honnête, normalement soucieux d'observer la morale ».

    Pour monsieur Stoffel-Munck, abandonner l'idée de contracter relève plutôt d'un usage négatif de la liberté contractuelle « car ce n'est que d'usage de la liberté de ne pas s'engager qu'il s'agit61 ».

    Ainsi, est source de responsabilité délictuelle, le comportement de l'auteur de la rupture qui met fin dans des conditions dommageables, aux pourparlers, après avoir fait croire à son partenaire qu'ils allaient conclure le contrat. La loyauté exige donc de ne pas tromper, de ne pas mentir, mais surtout adopter une attitude cohérente, une unité de comportement qui permette au futur contractant de déterminer avec confiance sa propre conduite. De la sorte la

    58 L. Aynès « L'obligation de loyauté », Archives de philosophie, 2000, n°44, p. 196

    59 Soc., 1er juin 1972, Bull. civ. V, n° 398

    60 Ph. Stoffel-Munck préc.n°121 p.111

    61 Ph. Stoffel-Munck préc.

    duplicité, la légèreté blâmable, la rupture intempestive ou vexatoire des pourparlers62 relèvent d'un manquement à l'exigence de bonne foi. Il semble que la bonne foi, en l'absence même d'un lien contractuel préexistant prend le « statut d'un devoir social de comportement, dont la transgression relève en principe de l'ordre délictuel63 ». Au final, le devoir général de loyauté doit permettre aux futurs contractants de prendre la mesure de ce à quoi ils sont en droit d'attendre de leur relation64.

    S'agissant d'une relation à exécution successive, la formation du rapport de travail oblige les parties à travers une série d'obligations particulières notamment l'information du futur contractant.

    B. De l'obligation d'information

    Une relation conventionnelle implique inévitablement que dès la phase précontractuelle, les parties soient loyales l'une envers l'autre. Cette loyauté implique une clarification de la portée des obligations respectives des parties. L'obligation d'information doit permettre aux futurs contractants de mesurer la portée et la nature de leur engagement65. Si cette obligation s'avère plus exigeante vis-à-vis de l'employeur66, c'est surtout qu'il s'agit de prendre en considérations la situation du salarié dans son rapport de droit avec l'employeur.

    L'obligation d'information est au coeur du droit commun des contrats, elle n'a de portée réelle que si la spécificité du rapport contractuel est soulignée. Le juge civiliste prend en considération l'ignorance du « profane67 ». L'information doit offrir à ce dernier la possibilité de s'engager dans une relation contractuelle en connaissance de cause. Dans le rapport de travail, la démarche suivie par le juge semble aller plus loin, donnant une extension concrète à la loyauté contractuelle par le biais de l'obligation d'information, il applique extensivement la politique générale du droit civil en tentant d'amoindrir certaines disparités naturelles entre les parties et ce dans le but de tenir compte tant du caractère durable du contrat que de l'implication de la personne du salarié dans celui-ci.

    62 Soc. , 2 février, 1994, D. 1995, jur. 550

    63 Ph. Stoffel-Munck préc.

    64 Certains comportements intempérants peuvent marquer une déloyauté en l'absence de toute malignité.

    65 Information sur l'objet et les conditions d'exécution du contrat

    66 Soc. ,05 février 1975, Bull. civ .n° 49, p. 46

    67 Expression empruntée à M. Ph. Le Tourneau préc.

    L'obligation d'information invite donc le juge à s'appuyer sur la volonté implicite d'une relation loyale. Dans le cadre de la phase précontractuelle, on appréhende l'obligation d'information comme l'outil permettant au consentement de s'exprimer d'être donné en connaissance de cause. Ainsi, dans les contrats à exécution successive, notamment le contrat de travail, les parties doivent se communiquer les éléments pouvant faciliter l'exécution de leur engagement68. Il faut noter par ailleurs qu'en dehors des cas spécifiques où le législateur a imposé une obligation d'information ou de renseignement69 dans l'exécution du contrat, la jurisprudence a élaboré un véritable devoir d'information toutes les fois que l'intérêt du contractant l'exigeait. L'information peut être définie à partir de situations qui lui sont proches ou opposées .Elle peut aussi être approchée à travers la finalité qu'on lui assigne dans le contrat. L'information peut être appréhendée comme un savoir qui circule, elle est un ensemble de connaissances. « Elle peut être également définie par le rapport entre ce qui pourrait être dit et ce qui est effectivement dit. Elle devient dans ce cas la mesure du choix effectué entre les possibles 70». De ce fait, silence et information semble se rejoindre notamment par le biais de la sanction au manquement à l'obligation ou le devoir d'information.

    Au demeurant, nous verrons plus loin que dans le cadre du rapport de travail, le silence gardé par le candidat à l'embauche peut avoir une portée réduite71. De la sorte, l'obligation d'information autonome, certes, entretient aussi des relations étroites avec celle de renseignement72. Si ces concepts peuvent en effet sembler identiques, l'information est cependant plus restrictive que le renseignement. En effet, on peut retenir qu'ils peuvent s'opposer sur la spontanéité de la transmission des éléments communiqués. Alors que le renseignement est généralement donné à la suite d'une demande expresse, l'information semble découler naturellement du discours de l'une des parties. C'est au juge dans tous les cas qui vient extraire à travers la bonne foi ou la loyauté les suites à donner aux obligations expressément souscrites ou qui fait ressortir les attentes implicites des parties. En effet, la chambre sociale a largement suivi l'évolution jurisprudentielle et doctrinale civiliste en s'appuyant sur l'article 1134 alinéa 3 pour fonder l'obligation d'information.

    68 J. Ghestin, la formation du contrat, LGDJ ,1993 p.576 et s.

    69 Art. L121-6, L122-41, L122-14-1 du Code du travail

    70 N. Pourias-Rexand préc. p197

    71 Soc. 3 juillet 1990, D. 1991, p.507

    72 P.Jourdain, La bonne foi « Rapport français », travaux de l'association Henri Capitant, Tome XLIII, 1992, p.124 et s.

    En effet, si on assigne à l'information et au renseignement la même finalité, c'est-àdire permettre au contractant de se préparer à ce qu'il est en droit d'attendre, la particularité du rapport de travail a permis au juge à travers le standard de la bonne foi d'accroître ou de réduire la portée de l'obligation d'information. Ainsi, le candidat à l'embauche se doit d'informer le recruteur avec loyauté .Et le devoir de se renseigner semble plus concerner le recruteur73. En tout état de cause, durant cette phase précontractuelle, c'est le juge qui au gré des espèces tente de concilier les intérêts de celui qui recherche un collaborateur et celui qui veut mettre toutes les chances de son côté pour le poste à pourvoir et ce dans un esprit de loyauté.

    §II : L'Impératif de bonne foi et l'opération de recrutement

    Entre un chef d'entreprise qui cherche un collaborateur et une personne qui postule à un emploi, les intérêts sont à priori antagoniques. Alors que le premier a le pouvoir d'opérer un libre choix de la personne qui convient le mieux au besoin et intérêt de l'entreprise, le deuxième, pour mettre toutes les chances de son côté, peut être tenté de ne pas révéler certains faits qui seraient de nature à ne pas favoriser sa candidature.

    Le recrutement est une opération qui s'avère tellement complexe de par la dose de subjectivité qui s'en dégage que le législateur a entendu, par le biais de « l'idée et la technique de la bonne foi », imposer une certaine éthique aussi bien du côté de l'employeur (A) que du candidat à un emploi (B).

    A. Du côté de l'employeur ou du recruteur

    La finalité de l'opération de recrutement est de permettre au chef d'entreprise de rechercher des personnes susceptibles de tenir les emplois disponibles dans l'entreprise et à sélectionner celles qui semblent les plus aptes. Par cette opération, il faut entendre tout recrutement opéré par un intermédiaire choisi par un employeur afin de l'assister dans le choix d'une personne extérieure pour un poste à pourvoir ainsi que tout recrutement opéré directement par l'employeur74. Cette liberté, érigée en principe ayant valeur constitutionnelle75 ne saurait s'affranchir du respect de certaines règles. La liberté contractuelle de l'employeur est somme toute relative.

    73 Soc. 17 octobre 1973, JCP 1974, II ,17698

    74 G. Lyon-Caen, Rapport « Les libertés publiques et l'emploi », Doc. Fr., Paris 1992 75 Cons. Const. 20juillet 1988, Dr. Soc.1988, p.755

    En effet, face à la sophistication des techniques de recrutement, d'évaluation et de contrôle de l'activité des salariés, le législateur et le juge ont tenté de circonscrire le cadre d'exercice de cette liberté de l'employeur. Si la liberté de choisir le salarié ne peut être contestée à l'employeur, l'intuitus personae qui caractérise le contrat de travail renforçant cette prérogative. Ce dernier doit s'appuyer sur des éléments objectifs pour arrêter son choix. Ainsi, avant la loi du 31 décembre 1992 relative aux recrutements et aux libertés individuelles, en dehors de quelques dispositions éparses76 qui venaient assurer au candidat à un emploi une certaine protection, l'employeur disposait d'une grande liberté sur les méthodes de recrutement qu'il pouvait mettre en oeuvre.

    Suite au rapport Lyon Caen77, l'éthique qui s'imposait à l'employeur a été amplifiée notamment par l'introduction de nouvelles dispositions dans le Code du travail78. L'employeur, soucieux de l'intérêt de son entreprise doit sélectionner les candidats de bonne foi. De fait, le législateur, en donnant une portée réelle à l'obligation d'information qui pèse sur l'employeur, a entendu apporter de la transparence face à des pratiques pour le moins contestables. Par ailleurs, l'accès d'un candidat à un emploi ne peut être entravé par des considérations autres que celles tirées des aptitudes, de sa capacité à occuper le poste et des caractéristiques spécifiques du poste à pourvoir. Cette limitation du champ d'investigation de l'employeur est d'autant plus forte que l'article L.120-279 du Code du travail, article à formulation générale, pose une règle de proportionnalité qui est soutendue par l'idée de bonne foi. Au demeurant, même si la bonne foi de l'employeur qui cherche un collaborateur n'est pas visée expressément par un texte, la loi offre un paramétrage tout aussi pertinent et opérationnel dans l'objectif de protéger le salarié susceptible d'être confronté à l'usage de méthodes d'investigations sans rapport avec les informations nécessaires à un employeur potentiel pour procéder à un recrutement. Ainsi, dans la phase de recrutement, même si la technique de la bonne foi n'est pas mobilisée du côté de l'employeur, les limites qui lui sont imposées sont précisément définies au regard d'une finalité clairement énoncée par l'article précité. Par ailleurs, il semble qu'avec la recodification du Code du travail, la localisation de l'article L1 121-1 « risque de suggérer une inadmissible limitation de son domaine

    76 Art. 9 du Code civil, Loi informatique et libertés du 6 juin 1978 ,D. n°85-1203 du 15 novembre1985 portant publication de la convention du conseil de l'Europe du 28 janvier 1981

    77 G. Lyon-Caen, « Les libertés publiques et l'emploi », rapport pour le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, doc. Fr. 1992

    78 Notamment art L121-7 et L121-8 L122-45 du Code du travail

    79 Art.L120-2 ou L1 121-1 nouveau « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

    d'application80 ».Au surplus, on peut penser que le juge continuera à donner à cette règle toute sa portée normative.

    En revanche, l'employeur n'est pas oublié et la protection de ses intérêts est assurée par l'exigence imposée au candidat à un emploi. En effet, celui-ci doit répondre de bonne foi aux questions qui lui sont posées lorsque ces dernières correspondent aux impératifs de recrutement.

    B. De l'obligation de bonne foi du salarié

    Le candidat à l'embauche doit se comporter en homme honnête et consciencieux. Il est assujetti à une obligation de loyauté dès lors que l'employeur l'interroge sur ses capacités et aptitudes professionnelles81. En effet, la loi du 31 décembre 1992 soucieux d'éclairer l'employeur dans ses choix, précise que le candidat à un emploi est tenu de répondre de bonne foi aux questions posées dès lors qu'elles satisfont aux conditions légales de pertinence et de finalité .Il faut souligner que la bonne foi se décline différemment selon qu'il convient de considérer les obligations mises à la charge de l'employeur ou du candidat lors de l'embauche. Le candidat à un emploi a le « droit de ne pas révéler sur le questionnaire d'embauche son état de prêtre»82. Cette forme de dissimulation quant aux réponses, a été perçue par certains auteurs comme la consécration d'un « droit général de non révélation » voire « un droit au mensonge83 ». Si cette prétendue consécration est somme toute à relativiser, la chambre sociale de la cour de cassation avec une interprétation restrictive des obligations qui pèsent sur un candidat à l'embauche. Elle confirme en tous cas le fait que l'obligation de répondre de bonne foi qui incombe au candidat à un emploi n'a pas une portée absolue .Ainsi lors de l'embauche le salarié n'a pas l'obligation de faire mention de ses antécédents judiciaires la dissimulation d'une condamnation pénale n'a pas un caractère dolosif et le licenciement du salarié pour ce fait est dépourvu de cause réelle et sérieuse84. La bonne foi signifie en effet « qu'il réponde dans des conditions qui ne lui permettent pas de donner sur ses capacités professionnelles ou son expérience passée des informations manifestement exagérées au regard de ses capacités réelles85 ». En l'espèce, une candidate a

    80 A. Jeammaud, A. Lyon-Caen, « Le « nouveau Code du travail », une réussite ? », RDT juin 2007,p. 358

    81 Art. L 121-6 alinéa 2 « Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles. Le candidat à un emploi ou le salarié est tenu d'y répondre de bonne foi ».

    82 Soc. 17 octobre 1973, JCP, 1974, éd. G, II ,17698

    83 M. Hue « Le droit au mensonge du salarié », obs. sous Soc 30 mars 1999, CSPB 1999, A. 35

    84 Soc. 25 avril1990, Bull. civ, V n°186

    85 Soc. 16 février 1999, RJS4/1 999, n°468

    été embauchée alors qu'elle avait enjolivé son curriculum vitae et fait état d'une expérience d'assistante de responsable de formation, alors qu'elle n'avait en réalité suivi qu'un stage de quatre mois dans un service de formation linguistique.

    Pour la cour de cassation, la mention d'une expérience professionnelle imprécise et susceptible d'une interprétation erronée dans un curriculum vitae n'est pas constitutive d'une manoeuvre frauduleuse et ne permet donc pas à un employeur d'obtenir en application de l'article 1126 du Code civil la nullité du contrat de travail pour dol. Il semble que le curriculum vitae ne soit pas une réponse aux questions de l'employeur mais une indication spontanée susceptible de provoquer une question. L'employeur doit démontrer que le salarié a agi de façon frauduleuse et que sans ses manoeuvres frauduleuses il n'aurait pas contracté86. La cour de cassation, dans une autre affaire, est allée plus loin en précisant que le salarié peut ne pas révéler spontanément à son employeur certains faits qui pourraient lui être défavorables et seraient de nature à écarter sa candidature. « Il n'est pas débiteur d'une obligation d'information mais au contraire a le droit de se taire lorsque l'employeur ne prend pas l'initiative de se renseigner87 ».Il faut toutefois noter que la cour de cassation ne reconnaît au silence du candidat une certaine légitimité que dans la mesure où « aucune question précise ne lui a été posée à propos des éléments litigieux ».

    Quid du candidat qui tait la clause de non concurrence à laquelle il est tenu ? Il semble que la cour de cassation énonce clairement qu'il appartient au candidat, présumé libre de tout engagement, de révéler l'existence d'une clause de concurrence le liant à l'employeur précédent, l'omission plaçant la conclusion du contrat sous le signe de la déloyauté et constituerait une faute grave88.Hors les cas de fraude manifeste, curriculum vitae mensonger, faux certificats de travail portant la signature contrefaite d'un précédent employeur, se prévaloir faussement de diplômes afin d'obtenir un poste, la cour de Cassation a une interprétation restrictive de l'article L.121-6 in fine du Code du travail ce qui explique sans doute le rejet progressif du dol par réticence sans pour autant qu'un droit général au mensonge ne soit consacré. Au final, toutes les fois que l'employeur omettra de se renseigner objectivement sur les candidats retenus, il ne pourra s'en vouloir qu'à lui-même et ne pourra se fonder sur sa carence pour rompre le contrat conclu. Dès lors, un auteur 89a pu se demander si le droit à l'oubli pouvait poser les bases fiables d'un recrutement ?

    86 Versailles, 19 septembre 1990, RJS 1/ 91, n°5

    87 Soc .23 avril 1990 et 3 juillet 1990 D.1991 p. 507

    88Soc. 3 janvier 1964 Bull. civ. V n°5

    89 D. Corrignan-Carsin, « La loyauté en droit du travail »,in mélanges offerts à H. Blaise, Paris ,Economica ,p ;131

    SECTION II: Bonne foi et conclusion du contrat de travail

    Dans le cadre de la conclusion d'un contrat de travail, l'employeur après un recensement précis des besoins de l'entreprise le fait savoir à travers l'offre qu'il émet. Mieux certains postes requérant des connaissances spécifiques, des missions complètement de haute responsabilité, l'employeur peut faire à la personne préalablement sélectionnée une offre ou une promesse d'embauche (paragraphe 1) Par ailleurs il peut ainsi décider d'assortir le début de l'exécution du contrat de travail d'une clause d'essai (paragraphe 2).

    Cette volonté de l'employeur de s'entourer d'un maximum de garanties requises par l'intérêt de l'entreprise doit en tout cas se faire avec loyauté.

    §I : La bonne foi et la rupture de l'offre de contracter

    En principe, lorsque l'employeur s'engage par une promesse d'embauche il a dores et déjà pris la décision. Lui seul contracte des obligations. Alors que les pourparlers désignent la période exploratoire durant laquelle les futurs contractants échangent leur point de vue, formulent et discutent des les propositions qu'il se sont faits mutuellement afin de déterminer le contenu du contrat sans pour autant être assuré de la conclure, la promesse d'embauche est constituée dès lors que les taches sont décrites même globalement et que la rémunération est précisée90.De même au cours des pourparlers qui précédent la conclusion du contrat de travail, les négociateurs peuvent choisir de donner un peu plus de force à leurs discussions et de négocier un accord de principe. A la différence de la promesse d'embauche ou l'employeur seul s'engage, dans l'accord de principe aucune obligation d'embauche ne pèse sur l'employeur. L'accord permettant seulement de constater la volonté des intéressés sur la conclusion d'un contrat à venir, seule la mauvaise fois d'un des négociateurs pourra être sanctionner le biais des dommages- intérêts91. Ceux-ci seront alors à la charge de celui qui ne respecte pas loyalement son engagement de mener à bien les discussions pour aboutir à la conclusion du contrat92.

    90 Soc. 12 décembre 1983, Juri-social 1984,n°66 ,F 25

    91 Civ. Iere, 12 avril 1976, Bull. civ In° 122 ,p.98 92 Soc.24 mars 1958, JCP 1958, II ,10868

    Afin de cerner précisément l'objet et les engagements souscrits par les parties, les juges s'attaches à déterminer leur intention. Dans la promesse d'embauche l'employeur s'engage à fournir un emploi au candidat qui est libre de l'accepter ou non. Si la bonne foi précontractuelle fait obligation à l'employeur de maintenir sa promesse d'embauche jusqu'à ce que le candidat prenne sa décision, l'employeur n'est il pas libre de choisir un autre candidat sur le fondement l'intuitus personae, un candidat qui répondrait mieux aux intérêts de l'entreprise ?

    Il semble que la promesse d'embauche étant un avant contrat reste soumis aux droits communs des contrats et donc aux articles 1134 ,1 142 ,1 147 du Code civil qui permettent à celui qui justifie que cette promesse n'a pas été régulièrement exécuté, de réclamer des dommages et intérêts en réparation de son préjudice. En effet l'employeur est tenu d'exécuter cette convention de bonne foi à savoir conclure le contrat de travail si le candidat sectionné lève l'option. Ainsi les juges vont caractériser le comportement de l'employeur par rapport à ce que préconise le standard de la bonne foi c'est-à-dire un comportement honnête et conscient et apprécier les conséquences des agissements sur la situation du candidat sélectionné. Il semble alors que les juges se fondent sur une définition négative de la bonne foi pour ainsi sanctionner la légèreté blâmable de l'employeur93.Il faut noter toutefois que quelques arrêts de la cour de cassation se placent sur le terrain du licenciement pour accorder au bénéficiaire des dommages et intérêts considérant de fait la promesse d'embauche suivie d'une acceptation comme un véritable contrat de travail94.La rétractation de la promesse s'analyse alors en un licenciement95. Au demeurant s'il y a une hésitation quant au fondement de l'obligation d'indemnisation mis à la charge du promett ant. La difficulté est de déterminer si le fait générateur consiste dans la rupture de l'avant-contrat de promesse ou si au contraire c'est d'un licenciement dont il s'agit ce qui suppose la reconnaissance d'un contrat de travail définitivement formé. Il nous semble que la cour de cassation en se plaçant sur le terrain du licenciement ne permet pas de distinguer nettement le contrat définitivement formé de la promesse d'embauche96. La conséquence au regard de cette hésitation étant qu'entre les deux il n'y aurait de l'ombre d'une différence. Notons cependant que les juridictions du fond refusent d'accorder une quelconque indemnité de préavis au motif que le contrat de travail n'a

    93 CA. Paris 28 novembre 1991, RJS 3/92, n°381

    94 Soc.12 décembre 1983, D. 1984, IR 111, Soc 12 avril1995, CSPB n°71, p.203

    95 Soc. 3 mars 1965, Bull. civ. IV, n°184 ; Soc 12 janvier 1989 Bull. civ. V n°18

    96 Soc 2 février 1999, Bull. civ. V n°52

    pas encore commencé à être exécuté. La bonne foi précontractuelle ne peut être sanctionnée que par l'octroi de dommages et intérêts.

    §II : La bonne foi et la période probatoire du contrat de travail

    S 'il est sans conteste que le contrat de travail présente de grandes similitudes avec le contrat de droit commun en ce qui concerne sa conclusion, il s'en distingue néanmoins par l'existence d'une période d'essai qui est une entorse au principe selon lequel la convention est normalement conclue à titre définitif par le seul échange de consentement. Le contrat de travail présente la particularité de pouvoir prévoir dès l'origine une période dite probatoire se situant au commencement de l'exécution du contrat97. Cette période a pour finaliser de permettre à l'employeur de tester les aptitudes professionnelles du salarié et à ce dernier de voir si les conditions d'emploi lui conviennent. Pendant cette période dite d'essai les contractants peuvent se délier librement sans justifier d'un motif particulier à la condition de ne pas abuser de cette liberté de rompre. Cette période est placée sous le double signe de la liberté et la bonne foi qui saisissent l'essai aussi bien dans son existence, sa durée, son renouvellement et sa rupture. Ainsi un employeur ne peut se prévaloir de bonne foi, de l'existence d'une période d'essai qui n'est pas prévue dans le document attestant le contrat de travail et s'il n'a pas mis le salarié en mesure d'en prendre connaissance même si cette période d'essai figurait dans la convention collective. Si l'évolution jurisprudentielle montre nettement que la rupture peut intervenir à tout moment de la période d'essai qu'elle soit le fait de l'employeur ou du salarié, les juges vont étudier dans le cas de contestation de l'un ou de l'autre les circonstances dans lesquelles la rupture a été décidée afin d'apprécier le comportement des parties, de le sanctionner le cas échéant.

    Il a été jugé ainsi que l'employeur n'a pas conclu le contrat de travail de bonne foi si ayant recruté un salarié dont les compétences étaient avérées, le congédie pendant cette période au motif que l'essai n'est pas concluant98. De même la bonne foi commande l'impossibilité de mettre en concurrence deux candidats à une embauche définitive l'essai présentant un caractère individuel. L'employeur ne peut sans légèreté blâmable mettre fin à la période d'essai d'un salarié malade en raison du « dynamisme et de la qualité des prestations de son remplaçant ». Les parties au contrat doivent donc agir de bonne foi lorsqu'elles

    97 Soc. 19 février 1997, Bull. civ. . V, n°69 ; Soc 27 janvier 1997, Bull. civ. n°33

    98 Soc. 18juin 1996, JCP éd., G 98, II 22739

    décident de mettre fin à l'essai et par conséquent au contrat de travail, c'est-à-dire honnêtement et de manière consciencieuse.

    En outre, pour sanctionner le manquement des exigences de la période probatoire, la cour de cassation recourt plus à la notion d'abus de droit99 qu'au standard de la bonne foi luimême pour caractériser le manque de diligence en particulier de l'employeur ou sa précipitation légère ou encore sa légèreté blâmable. Toutefois détourner la période d'essai, de sa finalité, en somme tenter d'éluder les règles relatives à la rupture du contrat de travail relève d'un manquement à l'exigence de bonne foi. Par ailleurs il faut noter que la bonne foi de celui qui prend l'initiative de la rupture est présumée. Il appartient en effet au demandeur de rapporter la preuve que l'autre partie n'a pas conclut le contrat de bonne foi c'est-à-dire pour un motif étranger à sa finalité100. Ainsi dans le cas de détournement de la période d'essai la cour de cassation a décidé que le comportement de l'employeur devait être sanctionné par l'application de règles applicables en matière de licenciement. Il faut noter que la preuve de ce détournement de l'essai de sa finalité est souvent difficile à rapporter même si en cas de litige l'employeur est tenu de communiquer au juge tous les éléments de nature à justifier sa décision. Cette rupture de l'essai n'étant que l'exercice d'un droit subjectif, on comprend dés lors que l'abus soit plus visé que la bonne foi. Par ailleurs les clauses d'essai sont d'interprétation strictes, l'utilité et donc la finalité principale des clauses d'essai demeure l'évaluation du salarié. Alors que jusqu'ici la cour de cassation accordait des dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d'essai, requalifiant parfois la rupture en licenciement. Elle refusait sauf le cas de discrimination101 de se placer sur le terrain de la nullité et ce, même pour les femmes enceintes102.Depuis l'arrêt du 14 juin 2007103 une salariée prouvant que l'employeur a rompu son essai en raison de sa grossesse peut invoquer la nullité de cette rupture ce qui lui donne le droit d'exiger sa réintégration dans l'entreprise et de réclamer le paiement des salaires entre la date de la rupture et celle de la condamnation. En définitive si la liberté de rompre sans motif en cours de période d'essai reste acquise, c'est sous réserve de ne pas abuser de son droit. En effet un employeur doit se tenir prêt à donner

    99 Soc., 17 mars 1971, Bull civ.V, n°216

    100 Soc. ,5 octobre 1993 Bull. civ.V, n°223

    101 Soc. 16 février 2005, n° 02-43.402

    102 Soc. 8 novembre 1983,n°81-45.785 ;Soc.21 décembre 2006 ,n°05-44.806 ; L122-25-2 Code du travail ne s'applique pas pendant la période d'essai à la différence de L122-45 voir soc.,16 février 2005 ;n°02-43.402 103 Soc., 14 juin 2007 n°05-45.219

    les raisons objectives de sa décision au cas où le salarié l'accuserait d'avoir abusé de son droit. Désormais sa vigilance doit être plus forte quand il s'agit d'une femme enceinte104.

    104 Voir Loi n°2006-340 du 23 mars 2006 sur l'égalité salariale

    CHAPITRE II

    LA BONNE FOI DANS L'EXECUTION ET LA

    RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

    CHAPITRE II : La bonne foi dans l'exécution et la rupture du contrat de travail

    Le contrat de travail, contrat synallagmatique met à la charge des parties des obligations réciproques. A ce titre il est comme tous les contrats de droit commun, il génère des obligations auxquelles les parties sont tenues. Dans cette flopée d'obligations, certaines, « essentielles105 » sont qualifiées de caractéristiques106 ou encore d'irréductibles, car c'est à travers elles que l'espèce contractuelle est identifiable. De ce fait, dès la conclusion du contrat de travail, le salarié et l'employeur sont à la fois créanciers et débiteurs des engagements qu'ils ont pris à travers le contrat. De plus, du fait de la seule qualification de contrat de travail alors qu'aucun engagement n'est souscrit, le salarié a l'obligation de fournir une prestation de travail et l'employeur celle de lui confier des tâches et de payer le salaire.

    Pendant près d'un siècle faute d'interventionnisme législatif, le contrat de louage de service a constitué la source exclusive et la seule mesure des obligations assumées par l'employeur et déterminées donc par lui seul. Aujourd'hui l'évolution du droit du travail au cours du 1 9ème siècle, a permis de faire mieux apparaître la force obligatoire du contrat de travail vis à vis de l'employeur. Celle-ci s'attache à chacune des obligations contractuelles mais aussi au contrat pris dans son ensemble, en ce qu'il doit être exécuté de bonne foi. Si l'article L 120-4 du Code du travail précise que « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi » sans précision sur la charge de la preuve, les juridictions du travail n'ont pas attendu la loi sur la modernisation sociale pour s'emparer de la notion de bonne foi. Par ailleurs si la cour de cassation demeure très attachée au principe de la liberté contractuelle, il n'en demeure pas moins qu'elle cherche dans le contrat lui même par voie d'interprétation la nature et la portée des engagements des parties. Le standard de la bonne foi permet de justifier des obligations que la volonté des parties ne permet pas a priori de déceler. Le contrat de travail étant également un contrat à exécution successive, des règles spécifiques du droit du travail tendent à assurer la permanence du contrat en dépit des aléas ou évènements qui viennent affecter, voire perturber son exécution. Au demeurant si le principe est que le contrat de travail est conclu sans détermination de durée107 c'est sous réserve de la prohibition par la loi des engagements perpétuels mais aussi de la place qui est

    105 Soc. 28 novembre 2001, n° 99-45.423, soc. 15 octobre 2002, n°00-44.970

    106 M. Julien thèse préc. n°38

    107 Art. L122-4 ; L122-1 et L121-4 ; du Code du travail

    faite aux contrats à durée déterminée. Ainsi de l'exécution du contrat de travail jusqu'à sa rupture, il semble qu'on puisse rattacher au standard de la bonne foi des devoirs plus ou moins actifs. De plus tout au long de la vie du contrat la bonne foi statique et celle dite dynamique'°8 se conjuguent afin de permettre au juge saisi d'assurer un équilibre contractuel. Afin qu'une partie ne puisse s'enfermer dans la lettre du contrat pour en éluder l'esprit'°9, ce standard a permis au juge de dégager une série d'exigences, de comportements et d'obligations implicites à la charge des salariés comme des employeurs. Ainsi la bonne foi, même si elle n'est pas décisive dans l'exécution de la prestation de travail, permet en tout cas d'appréhender le comportement du salarié en dehors de cette exécution et entraîne dès lors entraîne un surcroît de sujétion pour le salarié (section I). De même l'employeur titulaire d'un pouvoir de direction, de contrôle et de gestion n'est pas en reste, car le standard de la bonne foi a permis au législateur et au juge de limiter du moins d'encadrer l'exercice de ses pouvoirs (section II) au point qu'on parle d'un « processus de bi latéralisation de la bonne foi''° ».

    SECTION I : La bonne foi, surcroît de sujétion pour le salarié

    Tout travailleur, partie à un contrat de travail, quelles que soient les prévisions contractuelles, a pour obligation principale de fournir une prestation de travail pour le compte d'un employeur sous la subordination duquel il se place. Pour de nombreux auteurs, le lien juridique de subordination''' donne la mesure des obligations du salarié. Le salarié est en effet subordonné à l'employeur dans l'exécution de sa tâche. Ce dernier peut donner des ordres et directives au salarié, il peut décider du changement de ses conditions de travail, sanctionner tout manquement du salarié dans le cadre de l'exécution de sa tâche. Compte tenu des pouvoirs très étendus''2 que l'ordre juridique reconnaît à l'employeur''3, est-il besoin de mobiliser la bonne foi ou encore la loyauté pour justifier d'éventuelles sanctions à l'encontre du salarié pour l'exécution stricto sensu de sa prestation de travail ? Il semble que la chambre sociale de la cour de cassation sanctionne avant tout une inexécution fautive indépendamment de toute référence à la bonne foi.

    108 Ph. Le Tourneau préc. N° 32 à 36

    109 J. Carbonnier, Droit Civil, Tome IV, Les obligations, n°1 13

    110 C. Vigneau préc.

    111 Voir Note sur Soc. 19 décembre 2000 Dr. Soc. 2001, p.227

    112 J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc. n°877

    113 A. Jeammaud, « Les droits du travail en changement. Essai de mesure », Dr. soc. 1998, p. 212

    Au surplus, la subordination du salarié suffit à imposer une certaine diligence dans l'exécution de la prestation de travail114. De la sorte, si l'utilité et la pertinence de la bonne foi nous paraissent loin d'être avérées dans le régime juridique de la prestation de travail du salarié, toute autre est sa portée quand il s'agit d'appréhender une série de comportements en dehors de celle-ci. (B)

    §I : L'incidence de la bonne foi, dans l'exécution et la prestation de travail

    Nous l'avons souligné antérieurement, il s'agit d'une incidence à la marge. Il n'empêche que l'idée de bonne foi ou encore de la mauvaise foi peut être perçue à travers les décisions rendues par la cour de cassation. Si de nombreux agissements du salarié sont déclarés fautifs et sanctionnés comme tels, il n'en demeure pas moins qu'ils évoquent aussi une exécution déloyale. Les négligences volontaires, les indélicatesses du salarié ne peuvent être sanctionnées par l'employeur dans le cadre de son pouvoir disciplinaire que parce qu'elles sont des comportements fautifs. La gradation des fautes ou l'échelle des sanctions du règlement intérieur prévues à cet effet disqualifie toute justification au regard de la bonne ou mauvaise foi du salarié. Ainsi donc l'inobservation d'une règle collective ou d'une instruction individuelle, une faute disciplinaire peuvent certes révéler la bonne ou mauvaise foi du salarié mais seules suffisent pour sanctionner le manquement du salarié. Au demeurant il semble que la chambre sociale de la cour de cassation ne mobilise pas le concept de bonne foi dans l'exécution de la prestation de travail que pour disqualifier un comportement ne pouvant l'être sur le fondement d'une autre disposition légale, d'une règle conventionnelle ou des termes du contrat. Notons que le refus par un salarié de terminer le déchargement d'un camion dans lequel restaient deux colis au motif qu'il était au terme de son horaire de travail a permis de sanctionner son attitude. Dans cet arrêt, même si la bonne foi n'est pas visée expressément, il semble que le comportement du salarié jugé incorrect et donc l'insubordination dont il fait preuve justifient son licenciement115. Il est donc possible de reprocher au salarié un acte d'insubordination sans toutefois pouvoir lui faire grief d'une mauvaise exécution de son obligation contractuelle. Il en est ainsi d'un salarié qui refuse de se rendre à une réunion décidée par l'employeur restant toutefois à disposition sans travailler du fait de l'arrêt des machines116.

    114 C. Vigneau préc. p.709

    115 Soc. 7 juillet 1982 bull. civ. V, n°466 116 Soc. 19 novembre 1997, Bull. V, n°381

    S 'il n'est pas possible d'exiger de lui un « altruisme absolu négateur de ses propres intérêts 117», il doit en tout cas être loyal et diligent de l'exécution de son travail. Un comportement loyal n'est-il pas tout simplement un comportement normal ?

    Il faut noter que l'intérêt de l'entreprise, même s'il ne conditionne pas exclusivement le salarié dans l'exécution de sa prestation de travail lui intime une certaine conduite appréciable à l'aune du modèle de référence. Dès lors ce qui peut être attendu du standard du bon père de famille peut aussi à certain égard l'être pour un salarié.

    §I I : La portée décisive de la bonne foi en dehors de la prestation de travail

    Fournir matériellement une prestation de travail n'est pas la seule obligation à laquelle le salarié est tenu. En effet, il y a place pour d'autres obligations que certains auteurs qualifient de secondaires118. Il faut noter que la découverte de ces obligations dans le contrat de travail est due pour une large part à la chambre sociale de la cour de cassation.

    Le contrat de travail s'inscrivant dans une certaine durée, le lien juridique de subordination ne pouvant développer pleinement ces effets pendant les périodes dites de suspension119, le standard de la bonne foi a inspiré une série de devoirs implicites dégagés par les tribunaux et destinés à protéger l'entreprise contre les initiatives et comportements du salarié étrangers à la prestation de travail. Alors que l'obligation d'exécuter matériellement la prestation de travail cesse pendant la période de suspension du contrat, certaines obligations dites continues pèsent sur le salarié comme partie à un contrat de travail. Pendant la suspension du contrat de travail, le salarié est fondé à refuser de fournir sa prestation de travail. Pour autant, il n'est pas libre de tout agissement. La jurisprudence a ainsi intégré au contrat de travail une série de devoirs et d'obligations de portée variable. En effet, leur étendue varie selon la nature de l'emploi, la fonction et le poste du salarié dans l'entreprise. Si la bonne foi manifeste une exigence de comportement dans les relations sociales indépendamment de leur caractère contractuel ou extracontractuel, la cour de cassation à partir de la bonne foi a dégagé un devoir général de loyauté du salarié qui transcende la suspension du contrat.

    117 Expression empruntée à M. J. Mestre, « Bonne foi et équité : même combat », RTDC 1990 p.652 118M. Julien préc. n°134

    119 J.-M. Béraud « La suspension du contrat de travail » éd. Sirey ,1980 ; J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc. n° 347 ; G. Couturier , droit du travail « Les relations individuelles de travail » PUF ,Tome I ,3é éd.,1996 n°203 et s.

    Ainsi, le salarié doit s'abstenir de toute activité, tout comportement constituant un acte de déloyauté à l'égard de l'entreprise pendant cette période120. Selon la cour de cassation, le contrat de travail fait naître « une obligation de loyauté » à laquelle le salarié est tenu envers son employeur. Par ailleurs il pèse pendant toute la durée du contrat une obligation de non concurrence sur le salarié. La bonne foi lui interdit notamment d'avoir des activités concurrentes pendant la durée du contrat de travail, soit à titre indépendant soit pour le compte d'un employeur. Dans cette mesure, tout contrat de travail prévoit ne serait-ce que façon implicite une obligation de non concurrence dite parfois de fidélité121. Notons que l'obligation de réserve et celle de discrétion dont seraient débiteur le salarié doivent leur consistance ou leur inconsistance à la place du salarié dans la hiérarchie de l'entreprise. Si ces obligations peuvent être d'une importance particulière pour certaines fonctions, la chambre sociale semble limiter leur portée quand il s'agit d'un simple salarié122. De même, elle adopte une approche à tout le moins restrictive des devoirs assignés au salarié au titre de la bonne foi contractuelle durant ces périodes de soustraction à l'autorité de l'employeur.

    Ainsi, il a été jugé que le salarié dont le contrat de travail se trouve suspendu était dispensé de toute collaboration avec l'entreprise123. En revanche, si l'intérêt et le bon fonctionnement de l'entreprise requièrent un minimum de collaboration, le salarié doit obtempérer sauf à manquer à son devoir de loyauté124. L'employeur peut touj ours faire grief au salarié de méconnaître la force obligatoire du contrat. C'est bien de l'appréciation du comportement du salarié au regard de l'intérêt de l'entreprise que les juges apprécient l'attitude déloyale ou non du salarié.

    De la sorte, dès lors que le salarié est saisi par l'obligation de loyauté, son comportement ne relève plus de sa vie personnelle mais de sa vie professionnelle et une sanction peut être le cas échéant envisagée. Autrement dit, un fait relevant a priori de la vie personnelle du salarié peut être qualifié de faute s'il constitue un acte de déloyauté. Il en est ainsi d'un agent de surveillance qui avait commis un vol dans un centre commercial client de son employeur en dehors de son temps de travail125. De même, manque à son obligation de loyauté le salarié qui va suivre une formation chez un employeur concurrent alors que son contrat de travail est suspendu126.

    120 Soc. 30 avril 1987 Bull. V n°237 ; Soc. 5 février 2001 Bull. V n°43

    121G. Couturier, préc. n°197 et s.

    122 Soc. 11 décembre 1991, Bull. civ. V,n°564

    123 Soc. 15 juin 1999 Bull. civ. V, n°279

    124 Soc. 6 février 2001 bull. civ. V, n°43 ; Soc. 25 juin 2003 RJS10/03 n°1 119

    125 Soc. 20 novembre 1991 Bull. civ. V, n°512 126 Soc. 21 juillet 1994 Bull. civ. V, n°250

    En définitive, il faut également préciser que le devoir de loyauté borne la liberté d'expression. Cette dernière peut s'exercer dans l'entreprise et en dehors sous réserve d'abus. La jurisprudence semble toutefois ne pas retenir la simple critique de l'entreprise de la part du salarié. Cependant, elle considère que le salarié commet un manquement au devoir de loyauté lorsqu'il profère des insultes aux dirigeants et personnel de l'entreprise127. En outre, l'employeur peut mettre en jeu la responsabilité du salarié si l'intention de nuire est avérée. A défaut de pouvoir retenir la qualification de faute lourde128 seule susceptible d'engager la responsabilité contractuelle du salarié. Il peut le cas échéant prendre une sanction disciplinaire.

    SECTION II : La bonne foi, une limite générale au pouvoir de l'employeur

    Il y a un lien indéfectible entre le pouvoir que le droit reconnaît à l'employeur et le lien juridique de subordination. Nul ne conteste que la subordination, permet à l'employeur de diriger le salarié, de faire évoluer sa tâche et qu'il conserve ainsi une certaine marge de manoeuvre129. Toutefois, il faut aussi reconnaître que le salarié ne s'engage pas à proprement parler à se subordonner. Certes, il consent par le contrat qu'il conclut à se soumettre à l'employeur dans l'exécution du travail, mais retrouve en dehors de sa tâche sous réserve du devoir général de loyauté qui pèse sur lui sa « liberté ». D'ailleurs, le salarié n'est il pas que le simple exécutant d'une obligation contractuelle ?

    En s'engageant dans cette relation qui opère à la manière d'un acte condition130, en acceptant donc la subordination inhérente au contrat de travail, le salarié met son corps et son esprit au service de l'employeur pendant le temps de l'exécution de son travail. Le contrat de travail n'étant pas un contrat intuitus rei, il nécessite l'engagement de la personne du salarié pour l'exécution de la prestation.

    Dès lors, comment assurer tant soit peu une intégrité morale à ce dernier dans ce rapport par essence inégalitaire ? Si c'est tout le rapport de travail tant dans sa dimension institutionnelle que sa dimension contractuelle qui est saisie par le pouvoir de l'employeur. Ce dernier doit aussi exécuter loyalement ces obligations contractuelles. La cour de cassation, à travers le standard de la bonne foi, tente d'imposer à l'employeur le respect de la personne du salarié (paragraphe 1).

    127 Soc. 25 juin 2002 Bull. civ. V, n°21 1

    128 Soc. 31 mai 1990, Bull. civ. V, n° 260

    129 E. Dockès « La détermination de l'objet des obligations nées du contrat de travail », Dr. Soc. 1997, p.141

    130 A. Jeammaud préc.

    Par ailleurs, étant titulaire d'un pouvoir qui lui permet de sanctionner les manquements du salarié dans le cadre des exigences posées par le législateur et le juge, ces sanctions au-delà du fait qu'elles doivent être justifiées, doivent répondre à une « certaine éthique » (paragraphe 2).

    §I : Le devoir de respecter la personne du salarié

    Le contrat de travail n'est plus conçu comme un simple contrat de louage de services. Conclu en considération de la personne, l'existence de particularités propres à chacun des contractants, même si elles ne trouvent pas à s'exprimer dans le cadre de l'exécution du contrat, prennent pleinement leur place en dehors des horaires et du lieu de travail. Dans le rapport d'emploi, c'est l'exécution correcte du travail convenu qui importe et le regard porté par l'employeur sur la façon dont le salarié effectue la tâche qui lui est confiée. De fait, la première obligation tant logiquement que chronologiquement de l'employeur est de fournir du travail au salarié. Tout manquement à cette obligation engage en principe sa responsabilité contractuelle.131En outre, il doit mettre le salarié dans des conditions telles, qu'il puisse exécuter normalement la prestation convenue. Il s'agit là du respect de l'exigence de bonne foi qui pèse sur le contrat de travail. Ainsi l'employeur doit se garder de toute décision, mettant le salarié dans l'impossibilité de faire son travail. De la sorte la chambre sociale de la cour de cassation a considéré que l'employeur en « cessant de faire bénéficier à une salarié d'un avantage lié à sa fonction, l'avait mise dans l'impossibilité de travailler, ce qui caractérisait un manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail132 »De même il ne peut refuser une demande de mutation fondée sur des raisons familiales, sans justifier les raisons objectives qui justifient ce refus133.En l'espèce la cour de cassation précise que le refus injustifié « portait atteinte de façon disproportionnée à la liberté de choix du domicile de la salarié et était exclusive de la bonne foi contractuelle ». S'il reste acquis, en principe que les contraintes familiales du salarié ne créent aucun devoir à l'employeur, ce dernier, d'après l'arrêt a « un devoir de réponse circonstanciée » face à une demande touchant à sa vie privée. . Il semble que la reconnaissance effective d'une vie privée attribuée au salarié construit l'opposition entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle. Alors que la vie professionnelle concerne le domaine strict de l'exécution du contrat et les obligations qui s'y rattachent, la vie personnelle quant à elle, est plus difficile à cerner.

    131 G. Couturier, préc. n°195

    132 Soc. 10 mai 2006, n° 05-42.2 10

    133 Soc. 24 janvier 2007, n° 05-40.639

    Plus extensive que la notion de vie privée, englobant également la vie publique du salarié, le concept de vie personnelle à la différence de celle de vie privée peut trouver sa place dans l'entreprise134 et dès lors être pris en compte par l'employeur. Nul ne conteste aujourd'hui que le rapport de travail soit fortement marqué par le respect des libertés individuelles. Que l'on se situe en amont ou en aval de la vie du contrat de travail, le législateur, le juge et la doctrine s'accordent sur le fait qu'une conciliation entre le pouvoir patronal et les libertés du salarié est nécessaire pour un certain équilibre contractuel dans le rapport de travail 135.S'il existe des dispositions opératoires pour cette conciliation, l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, présente un caractère continu.

    Au demeurant, la frontière entre la vie personnelle et la vie professionnelle étant difficile à tracer, c'est au regard des exigences de la bonne foi que le juge tente de concilier l'intérêt de l'entreprise et la protection du salarié. L'ingérence de l'employeur dans la vie personnelle du salarié doit pouvoir trouver une justification inhérente à l'entreprise et aux nécessités de celle-ci. Et la distinction entre vie professionnelle et vie extraprofessionnelle est alors délimitée par ce que l'employeur et le salarié sont en droit d'exiger du contrat. « Il faut donc admettre qu'il existe dans la vie professionnelle elle-même un aspect privé qui participe de la protection de la vie privée : la subordination juridique subie dans la relation de travail ne sèvre pas le salarié de vie privée dans l'entreprise.136 ».Ainsi, on comprend qu'à travers le standard de la bonne foi contractuelle que le juge tente d'imposer à l'employeur un comportement respectueux da la personne du salarié. De la sorte « si l'employeur a le droit de contrôler et surveiller l'activité des salariés pendant le temps de travail, tout enregistrement quels qu'en soient les motifs, d'images ou de paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite 137». Il en résulte qu'admettre l'existence de ce contrôle patronal ne permet pas de justifier une entrave à la vie personnelle du salarié. « La loyauté ne valide pas la dissimulation qui a pour but de trahir le salarié ou de permettre la révélation d'éléments qu'il taisait volontairement ou involontairement138 ». Dans le même sens, la chambre sociale de la cour de cassation a précisé que « la loyauté qui doit présider aux relations de travail interdit le recours à l'employeur à des artifices et stratagèmes pour placer le salarié dans une situation qui puisse ultérieurement lui être imputée à faute139 ». Quand bien même les faits se sont déroulés dans l'entreprise, il semble qu'un degré d'intimité soit accordé au salarié. La vie

    134 Ph. Waquet, « Vie personnelle et vie professionnelle du salarié », CSPB, 1994, n°64

    135 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc. n°877

    136 N. Pourias-Rexand préc. p286

    137 Soc. 20 novembre 1991, Bull. civ. V, n° 519

    138 N. Pourias-Rexand préc. p.304

    139 Soc. 16 janvier 1991 Bull. civ. V, n° 15

    privée du salarié semble bénéficier d'une protection particulière accrue. La chambre sociale de la cour de cassation dans l'arrêt Nikon140, alors même que des données relatives à la vie privée du salarié n'étaient pas en cause, affirme clairement que le principe du respect de celleci puisse justifier, à travers le secret de correspondances, l'interdiction faite à l'employeur de prendre connaissance de messages personnels émis par le salarié ou reçus par lui par courrier électronique. Il s'agit de garantir tant soit peu l'autonomie du salarié dans son rapport de subordination avec l'employeur et donc de donner une certaine immunité au contenu des correspondances. Au final, il semble qu'avec l'arrêt du 18 mai 2007, la cour régulatrice soit revenue à une conception plus rigoureuse de la vie privée car elle ne permet pas à l'employeur, de quelque manière de tirer une conséquence d'un fait relevant de la vie privée du salarié peu importe ses éventuelles répercussions dans l'entreprise. La chambre mixte précise que « l'employeur ne pouvait pas, sans méconnaître le respect dû à la vie privée du salarié, se fonder sur le contenu d'une correspondance privée pour sanctionner son destinataire141 ». Il en résulte qu'un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise ne doit plus permettre en lui-même, d'après cet arrêt de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de celui par lequel il est survenu. En conséquence, le trouble peut certes toujours justifier la rupture du contrat mais en dehors du terrain disciplinaire.

    §I I : La bonne foi dans l'exercice du pouvoir de sanctionner

    Pour justifier le prononcé d'une sanction encore faut-il qu'on puisse imputer au salarié une faute. Il peut s'agir notamment d'une mauvaise exécution de la tâche qui lui est confiée, du retard au travail, de la détérioration du matériel, d'actes de violence .Dés lors que la faute existe, il n'y a pas lieu donc d'exiger une justification du pouvoir de sanctionner. Sous réserve de la précision que la loi 142prévoit expressément plusieurs motifs qui ne sauraient fonder une décision ou une distinction entre les salariés. Le juge vérifie que la décision de l'employeur ne se fonde pas sur des motifs prohibés par la loi. Hormis ces cas, l'employeur ne fait qu'user de son pouvoir d'individualisation quand il opère une distinction entre les salariés. Partant, l'employeur peut-il être saisi par la bonne foi dans l'exercice de son pouvoir de sanctionner ? En d'autres termes est- ce que le juge peut recourir au standard de la bonne foi pour censurer le prononcé d'une sanction ? Si la bonne foi est une de ces notions volontairement indéfinies

    140 Soc. 2 octobre 2001 Bull. civ. V, n° 291

    141 Cass. Ch. mixte 18 mai 2007, n°05-40.803

    142 Art.L122-45 ; L122-46 et L122-49 du Code du travail

    dont le caractère vague est la garantie de leur utilité aux yeux du législateur,143 il semblait que le fondement du pouvoir disciplinaire exclut logiquement tout contrôle de proportionnalité à la faute. Et la chambre sociale dans un arrêt du 22 février 1979 rappelle que les « fautes les plus légères peuvent être sanctionnées et il n'appartient pas au juge d'imposer à l'employeur une quelconque modération dans l'exercice de son pouvoir144 ». De la sorte, toutes les fois que les juges du fond s'avisaient de relever l'existence d'un détournement de pouvoir, dans le cadre d'une action contestant la proportionnalité de la sanction à la faute, la cour de cassation cassait systématiquement la décision en rappelant que la disproportion ne constituait pas un détournement de pouvoir.145Ainsi en dehors de l'absence de faute ou du caractère discriminatoire de la sanction, « la jurisprudence de l'absence de détournement de pouvoir »146prévalait.

    Cette situation, délicate pour les salariés a conduit le législateur dans sa réforme de 1984 à procurer ces derniers, des garanties contre les abus de cette prérogative, d'une part en soumettant la décision de prononcer une sanction à un ensemble de règles de fond et de procédure, d'autre part en ouvrant la voie à un contrôle judiciaire approfondi de la sanction prononcé.147Avec la loi du 4 août 1982, un détachement s'opère entre le pouvoir d'individualisation et le pouvoir disciplinaire. Le détournement de pouvoir qui était jusqu'en 1982 synonyme de discrimination, devient une juste limite au pouvoir d'individualisation de l'employeur.

    Dans l'arrêt du 13 mai 1996148 la cour de cassation prend le soin de distinguer discrimination et détournement de pouvoir. Au demeurant si les juges peuvent prendre en considération les différences de traitement infligées à des salariés pour des faits identiques pour rechercher un éventuel détournement de pouvoir ou une discrimination, le pouvoir d'individualiser la sanction reste acquise pour l'employeur.149Toutefois quand il est question de l'exercice d'une liberté fondamentale en l'espèce le droit de grève, la chambre criminelle a pu considéré que chacun des participants à un mouvement collectif aurait dû encourir la même sanction.150

    143 Ph. Stoffel-Munck, préc. n° 350 p.296

    144 Soc. 22 février 1979 Bull. V, n° 165

    145 Soc. 3 mai 1979 Bull. V, n° 382

    146 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud préc. sous n° 890

    147 Art L122-43 du Code du travail

    148 Soc. 13 février 1996 Dr. Soc. 1996,p. 532

    149 Soc.14 mai 1998 Dr.soc.1998, p. 709 note A. Jeammaud

    150 Cass. Crim 7 février 1989. Dr soc.1989, p.509

    Cette même chambre a également reconnu aux juges du fond le pouvoir de rechercher si l'employeur a pu prononcé une mise à pied de bonne foi et au juste motif d'une faute grave151.

    Au final il faut souligner que les règles de fond et procédurales qui enserrent l'exercice du pouvoir de sanctionner de même que le contrôle de justification opéré par le juge, constituent des garanties suffisantes pour que la bonne foi n'intervienne qu'à la marge .Il incombe en tout état de cause à l'employeur de faire preuve de loyauté l'exercice dans l'exercice de ce pouvoir et ce d'autant plus que la qualification de la faute disciplinaire152 n'est pas aisée et que les juges du fond contrôlent désormais la proportionnalité de la sanction à la faute commise.

    151 Cass. Crim ,4 janvier 1991,Bull.crim. n° 10

    152 Art. L122-40 du Code du travail, Voir aussi J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud préc. n° 89 1et 893

    DEUXIEME PARTIE

    LA BONNE FOI, SOURCE

    D'ENRICHISSEMENT DU CONTENU DU

    CONTRAT DE TRAVAIL

    DEUXIEME PARTIE: La bonne foi, source d'enrichissement du contenu du contrat de travail

    Si la notion de bonne foi a une fonction normative c'est surtout parce qu'elle est enserrée dans des critères saisissables et généralisables. Sa puissance d'intervention à travers les concepts qu'elle véhicule dans le contrat de travail n'est plus discutée. Elle n'est pas qu'une directive d'interprétation du contrat, mais impose également aux parties de collaborer au mieux pour la bonne exécution l'opération contractuelle. Rappelons que, même si le rapport de travail et donc le contrat de travail qui lui donne naissance sont enserrés dans « un maillage normatif relativement dense153 », c'est l'intervention du juge qui fait ressortir de façon prégnante certaines obligations parfois dissimulées derrière d'autres plus apparentes. Un contrat, déséquilibré par la puissance de l'une des parties ne correspond effectivement pas, aux critères implicites de justice et de liberté que le droit des contrats véhicule. Aussi, dans cette conception, lorsque le juge consacre une obligation secondaire, il ne fait que révéler cette obligation qui est nécessaire à l'économie du contrat et qui répond à un objectif de protection d'un contractant.

    Dans la recherche d'un certain équilibre contractuel entre employeur et salarié, le juge s'inscrit dans une démarche de moralisation. Tenant compte de l'inégalité juridique découlant de ce rapport, le juge se sert du standard de la bonne foi afin de donner une certaine stabilité au lien contractuel. Cette recherche de stabilisation du rapport de travail l'amène à découvrir des obligations. De la sorte, la bonne foi devient un instrument de sophistication du contenu obligationnel du contrat de travail (chapitre 1). Par ailleurs, la fonction heuristique que joue le standard de la bonne foi permet au juge d'en faire un outil de moralisation de « l'espace de stipulation » (chapitre 2).

    153 M. Julien préc.

    CHAPITRE I

    LA BONNE FOI, UN INSTRUMENT DE

    SOPHISTICATION DU CONTENU

    OBLIGATIONNEL DU CONTRAT DE

    TRAVAIL

    CHAPITRE I : La bonne foi, un instrument de sophistication du contenu obligationnel du contrat de travail

    Nous l'avons déjà souligné, le rapport d'emploi présente une double dimension, l'une fondamentalement contractuelle et l'autre qualifiée d'institutionnelle154. Sous réserve de l'inévitable interférence des deux registres, ce que l'on découvre dans la dimension contractuelle circonscrit le « rôle effectif du contrat dans la conformation du rapport de travail 155». En effet, c'est l'aspect contractuel du rapport de travail qui permet de relever les obligations contractées par les parties de même que les modalités qui affectent la teneur de leur engagement. Ainsi « tout contrat de travail détermine en partie les conditions d'emploi et de travail du salarié à travers les obligations qu'il fait naître156 ».

    Ce contenu obligationnel du contrat de travail regroupe l'ensemble des obligations réciproques que ce contrat met à la charge des parties. L'objet du contrat est d'individualiser les normes patronales, générales et individuelles, applicables aux éléments caractéristiques de la situation d'emploi157. S'il y a des obligations rattachées au contrat de travail par le législateur, notamment celle de l'employeur de fournir du travail au salarié, d'autres en revanche ont été découvertes sur le tard par le juge.

    Usant du standard de la bonne foi, le juge s'inscrit dans une dynamique de sophistication du contenu obligationnel. D'un coté, la bonne foi devient un tremplin d'élaboration de normes à la charge de l'employeur (section 1), d'un autre, il permet également au juge de découvrir d'autres obligations (section 2).

    SECTION I : La bonne foi, Tremplin d'élaboration de normes à la charge de

    l' employeur

    Si pour certains auteurs l'employeur est débiteur d'une obligation ou d'un devoir contractuel de loyauté, il semble que la chambre sociale de la cour de cassation ne le dit pas expressément. Elle précise seulement que l'employeur est tenu d'exécuter ses obligations avec « loyauté » ou de « les exécuter loyalement ». Elle évoque également son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail.

    154 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud préc. n° 1 34

    155 A. Jeammaud, préc.

    156 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud préc.

    157 P. Ancel « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat », RTD civ. 1999 p.773

    De la sorte, l'employeur titulaire de pouvoir est saisi par la bonne foi plus par référence à la force obligatoire du contrat que par son comportement prétendument fautif158. Ainsi, avec le standard de la bonne foi, le juge se fondant sur l'article 1134 alinéa 3 découvre des obligations qui s'imposent aux parties contractantes. De plus, « le contrat ne vit pas détaché de tout contexte temporel ou spatial, isolé de la société civile, à l'abri des vents de l'économie et du poids des idées dominantes ; le contrat est tout imprégné de données économiques et sociales ; et sans forcer les choses, l'exécution de bonne foi de l'article 1134 reflète approximativement cette idée. Les obligations incluses dans le contrat de louage ne peuvent être strictement ce qu'elles étaient en 1804159 ».

    De fait, le recours à la bonne foi traduit à cet égard une conscience plus aiguë des juges de l'inégalité des parties mais aussi des intérêts en jeu dans le rapport d'emploi salarié. Aussi, le bonne foi permettrait- elle de dépasser le conflit des logiques pour mettre en évidence une union des intérêts en présence ? Il semble qu'il soit illusoire de prêter cette fonction à la bonne foi.

    En revanche, celle-ci peut apparaître comme un moyen offert par la loi au juge afin d'introduire une plus grande justice contractuelle. Dès lors, on peut comprendre l'instrumentalisation dont l'article 1134 alinéa 3 a fait l'objet et l'interprétation audacieuse qu'en fait la chambre sociale de la cour de cassation. Exécuter de bonne foi le contrat de travail commande de veiller à sa pérennité160. Il semble que la cour de cassation tente de concilier l'intérêt de l'entreprise et celui du salarié dans le sens de la stabilisation du lien salarial. Alors que le rapport de force entre employeur et salarié pourrait être défavorable à ce dernier au regard de la situation de l'emploi, le législateur et le juge interviennent en modifiant radicalement la relation par le biais des obligations à la charge de l'employeur. Les consécrations de l'obligation de reclassement et d'adaptation (I) et de l'obligation de sécurité (II) confortent en tout cas cette orientation.

    158M. Julien préc.

    159 G.Lyon-Caen, « Défense et illustration du contrat de travail »,Archives de philosophie du droit , 2000 p.109

    160 C. Vigneau préc. p.713

    §I : L'obligation de reclassement et d'adaptation

    La consécration de ces obligations traduit simplement la vitalité du contrat de travail qui se manifeste par un enrichissement de son contenu, non à travers une autonomie souvent revendiquée mais par référence aux règles du droit commun des contrats. Partant du fait que le contenu du contrat est déterminé par la notion objective de bonne foi, en 1992, le chambre sociale de la cour de cassation en se référant implicitement à l'article 1134 alinéa 3 du Code civil énonce clairement que « l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois 161». La même année, elle consacre au visa de l'article 1134 du Code civil une « obligation de reclassement 162» préalable à tout licenciement d'ordre économique. L'obligation de bonne foi justifie donc l'adaptation et le reclassement des salariés. L'originalité de la démarche du juge social est de l'exprimer et de la reconnaître à la charge de l'employeur163. Ainsi, l'employeur, comme tout contractant, doit agir conformément aux attentes légitimes que le contrat a fait naître auprès de son cocontractant. Le devoir d'adaptation qui lui est imposé doit permettre à l'employeur d'anticiper la gestion des emplois. Il le contraint à faire évoluer la qualification des salariés au besoin par la formation afin que ceux-ci puissent être à même de s'adapter à des nouvelles fonctions dans l'entreprise. Si adapter et reclasser sont deux concepts bien distincts puisque « reclasser c'est trouver un emploi, alors qu'assurer l'adaptation c'est prévoir les changements et offrir les moyens d'y faire face164 ». L'intérêt pour le juge de faire ressortir ces obligations en se fondant sur la bonne foi oblige tant soit peu l'employeur à rester dans les liens du contrat.

    Qu'il s'agisse de l'obligation légale de reclassement qui pèse sur l'employeur en cas d'inaptitude physique165 et des exigences de reclassement que la loi impose dans le plan de sauvegarde de l'emploi166 requis dans la procédure des grands licenciements économiques, l'objectif est similaire, il s'agit de maintenir l'emploi donc de stabiliser le lien salarial. L'obligation contractuelle de reclassement découverte par la cour de cassation ne présente pas de caractère collectif et découle directement du rapport d'emploi. Ainsi, « il n'est pas faux de dire que l'obligation de reclassement, devenue légale depuis la loi du 17 janvier 2002, est grâce à la jurisprudence, la contrepartie du droit reconnu à l'employeur de résilier un contrat à

    161 Soc. 25 février 1992, Bull. V, n° 122 note Défossez

    162Soc. 8 avril 1992, Bull. V, n° 258

    163 N. Pourias-Rexand préc.

    164 A. Lyon-Caen « Le droit et la gestion des compétences », Dr. Soc.1992, p. 579

    165 Art.L122-24-4, L122-32-5 et L241-10-1 du Code du travail

    166 Art.L321-1 alinéa 3, L321-4-1, L932-2

    durée indéterminée pour un motif étranger à la personne du salarié167 ». Il faut que l'employeur fasse la preuve de ses tentatives de reclassement, qu'il puisse justifier de façon plus large encore de l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

    Par ailleurs, l'obligation de reclassement se double d'une obligation particulière de formation au profit de salariés déterminés. Le devoir d'adaptation vient donc compléter l'obligation de reclassement sans se confondre avec elle. Le devoir d'adaptation consiste à fournir une formation au salarié afin de lui permettre de compléter les compétences qu'il a déjà acquises168. D'ailleurs, la cour de cassation a eu à préciser qu'il ne peut être imposé à l'employeur d'assurer la formation initiale qui fait défaut au salarié mais seulement une formation complémentaire requise en fonction de l'évolution de son emploi.169 Au final, notons que l'obligation de reclassement et son corollaire, le devoir d'adaptation gonflent le contenu obligationnel du contrat de travail pour faire de celui-ci « l'instrument privilégié du droit à l'emploi du salarié »170.

    §II : L'obligation de sécurité

    Déceler l'obligation de sécurité dans le contrat de travail n'est pas une idée nouvelle171. Le respect de l'intégrité physique de la personne n'est pas attaché uniquement à l'existence d'une relation contractuelle. Ce respect est souvent conçu à partir d'une obligation générale de prudence et de diligence qui ne semble procéder expressément d'aucun texte. L'obligation de sécurité prend une forme particulière dans le rapport d'emploi qui s'explique dans une certaine mesure par la situation du salarié envers l'employeur. L'obligation de sécurité peut avoir des sources très variées. De façon classique, cette obligation est presque exclusivement approchée sous son aspect légal172. Il semble également que le lien juridique de subordination modifie pour une part l'approche et la justification classiques de cette obligation contractuelle de sécurité. De la sorte, la valeur reconnue à l'individu mais aussi la loyauté dans le contrat et l'équilibre de la relation contractuelle conduisent à admettre l'existence d'une obligation contractuelle de sécurité dans le contrat de travail à la charge de l'employeur et ce indépendamment de l'existence de textes spécifiques régissent les règles d'hygiène et de sécurité dans le cadre large de la relation de travail. La consécration d'une

    167 Ph. Waquet, « Le droit du travail et l'économie à la cour de cassation. L'exemple du licenciement pour motif économique », in Le droit du travail confronté à l'économie, Dalloz, 2005, p.124

    168Soc. 14 octobre 1994, Bull. V, n° 729

    169 Soc. 3 avril 2001, Bull. V, n°114

    170 A. Lyon-Caen, préc.

    171 Soc. 11 octobre 1984, D. 1985 I.R. 442

    172 Art.L 23 0-2

    telle obligation paraît récente173. Toutefois, l'idée d'introduire l'obligation de sécurité dans le contrat a été imaginée déjà dans de nombreux contrats afin de mieux assurer la réparation du dommage corporel174. En effet, l'existence de cette obligation ressort bien évidemment du contrat lui-même et des suites que l'employeur doit apporter à l'exécution de ses obligations contractuelles. Ainsi, la bonne foi ou encore la loyauté justifie tant soit peu que le chef d'entreprise exécute le contrat en prenant soin de l'intégrité physique de l'autre partie au contrat. S'agissant de la nature de cette obligation, si elle a une portée décisive dans le cadre de la responsabilité civile, il semble que dans le rapport d'emploi elle ne soit pas capitale. Toutefois, selon la formule énoncée par la cour de cassation, l'obligation de sécurité engage l'employeur à garder le travailleur sain et sauf dans l'exécution de la prestation de travail. Il doit ainsi prévoir des dispositifs de protection efficaces. Il doit établir des signalisations. Il doit procéder à l'entretien des engins notamment en ce qui concerne les dispositifs de sécurité175.

    Au final, l'employeur doit prendre toutes les mesures qui s'imposent. Il faut souligner que la cour de cassation donne un objet plus large à l'obligation que la « simple sécurité ». Si la prévention et l'anticipation des risques s'impose à l'employeur, il ne s'agit là que d'une obligation de faire en sorte que le risque ne se réalisé pas. C'est assurément la fonction extensive de la bonne foi que la cour de cassation mobilise pour faire peser sur l'employeur une obligation contractuelle de sécurité. Pourtant, à côté de ces obligations expressément consacrées par la cour de cassation, certains auteurs recensent une kyrielle d'autres obligations secondaires176 qui seraient elles aussi dérivées de l'exigence de bonne foi. Notons toutefois que faute de consécration prétorienne, leur consistance ou leur inconsistance est discutée.

    SECTION II : La découverte d'autres obligations implicites ou secondaires

    En plus de connaître une « frappante prospérité législative177 », certains auteurs estiment aujourd'hui que le contrat de travail est obèse d'obligations secondaires. En effet, l'exigence légale d'exécuter le contrat de travail de bonne foi intime dans une certaine mesure une conciliation d'intérêts de l'employeur et du salarié.

    173 Soc. 28 février 2002, Dr. Soc.2002 p.445 note A. Lyon-Caen

    174 Soc. 11 octobre 1994, D.1995 p.440 Note C. Radé

    175 Soc. 11 avril 2002 Dr. Soc. 2002, p. 676, soc. 11 juillet 2002, Bull. V, n°261, soc. 23 mai 2002, Bull. civ. V, n° 117

    176 M. Julien, préc. n°172, p. 237

    177A. Jeammaud, « Les polyvalences du contrats de travail », préc. p.299

    L'étendue et la portée de leurs engagements sont pour une large part déterminé par l'ensemble des obligations qui pèsent sur l'une ou l'autre des parties.

    Si l'article 1134 alinéa 3 a été massivement utilisé pour multiplier les obligations tacites ou implicites pesant sur le salarié, une sorte de retournement s'est produite car des obligations implicites ont été également imposées à l'employeur. De la sorte « il n'est donc pas irrationnel de porter son dévolu sur le contrat de travail comme un exemple de bouillon de culture où prolifèrent les obligations implicites ou latentes178 » Au demeurant, certaines obligations même si elles ne sont pas catégoriquement affirmées inspirent des comportements convergents au service d'un intérêt contractuel commun. Les parties à un contrat doivent coopérer et collaborer en vue de réaliser ce pour quoi elles se sont obligées. Pour M. Picod, le devoir de coopération « tel qu'il existe dans le droit positif n'implique aucun sacrifice particulier. Il est l'expression d'un minimum de loyauté entre les parties consistant à prendre en considération l'intérêt de son contractant, à lui faciliter les choses179 ». De fait, si la coopération n'incite pas les parties à s'associer, il leur suggère au moins le sentiment d'un investissement supplémentaire. L'obligation de coopération pèse tant sur le créancier et le débiteur. Si le salarié doit dépasser le cadre d'une simple exécution de sa prestation, l'employeur doit à son tour exécuter utilement ses obligations.

    Dans le rapport de travail, il semble que l'on ne peut compter uniquement sur l'employeur pour sauvegarder l'intérêt des deux parties au contrat et du contrat lui-même. D'ailleurs, comment compter sur une des parties pour que celle-ci défende à la fois ses propres intérêts et ceux de l'autre qui lui sont antagonistes ? Il faut souligner comme M. Mestre180 que le « contrat est de moins en moins perçu comme un choc de volontés librement exprimées, comme un compromis entre des intérêts antagonistes âprement défendus. Il apparaît de plus en plus comme un point d'équilibre nécessaire, voire même comme la base d'une collaboration souhaitable entre contractants ». En effet, l'esprit de coopération et de collaboration par la mise en oeuvre d'un intérêt commun contribue certainement de rétablir l'équilibre du contrat. Et si le devoir de coopération contraint pour partie à la « transparence » dans la gestion de l'entreprise, la protection des intérêts de cette dernière impose un devoir de collaboration. Nous voyons bien que coopération et collaboration entretiennent un lien inextricable et revêtent un caractère de réciprocité. L'une n'est guère éloignée de l'autre. La collaboration signifie « que l'on aide autrui alors que soit- même on en

    178 G. Lyon-Caen « Défense et illustration du contrat de travail », Archives de philosophie du droit, 2000 p.110

    179 Y. Picod préc, n° 85

    180 J. Mestre, préc.

    retire un intérêt ». En effet il s'agit de considérer que le contrat est un instrument de solidarité permettant d'atteindre un but social. Au final si l'esprit de collaboration et de coopération doit animer les parties à un contrat de travail, il semble qu'on ne puisse pas les considérer comme ayant une réelle portée normative faute de consécration prétorienne .Au surplus ce qui est présenté comme objet d'obligation n'est souvent que l'exigence légale d'exécuter le contrat de bonne foi. Toutefois, appuyées sur le standard de la bonne foi ou de la loyauté, ces devoirs impliquent à la charge de l'employeur de satisfaire la confiance du salarié tout comme il est en droit de l'attendre de celui-ci.

    CHAPITRE II

    LA BONNE FOI, UN OUTIL DE

    MORALISATION DE L'ESPACE DE

    STIPULATION

    CHAPITRE II. La bonne foi, un outil de moralisation de l'espace de stipulation

    Tout contrat de travail fait naître des obligations. Et le contenu obligationnel de ce contrat est d'abord fixé par le droit étatique à la manière dont ce dernier procède pour d'autres contrats spéciaux. La «densité du maillage normatif181 » qui enserre le contrat de travail peut laisser penser qu'il y a peu de place, laissé à la volonté des parties dans la détermination de leurs obligations.

    Si certaines obligations relèvent du contenu obligationnel légal, d'autres peuvent être le fait des parties. En effet, à côté du contenu obligationnel, il y a place pour « un champ contractuel 182» qui signifie qu'un espace non négligeable demeure ouvert à la liberté de stipulation aussi bien pour créer des obligations accessoires véritablement autonomes que pour fixer les modalités ou aménager l'exécution des obligations principales liées à la qualification de contrat. De la sorte, le contrat de travail peut accueillir des clauses créant des obligations purement contractuelles à la charge de l'employeur ou du salarié. Et l'on comprend que ce renouveau du contrat de travail tient également aux vertus opératoires reconnues à l'élément contractuel.

    Aussi, ces clauses peuvent aménager, moduler les variables importantes du champ contractuel. Elles viennent ainsi créer des avantages ou accroître des sujétions pesant sur l'une ou l'autre partie. Elles s'intègrent au contrat lors de sa conclusion ou en cours d'exécution et leur interprétation peut affecter « la puissance du contrat 183». Qu'il s'agisse de stipulations avantageuses pour l'employeur ou clauses favorables au salarié, il semble aussi que « le renouveau du contrat de travail s'accompagne du développement d'une manière de police jurisprudentielle184 » de ces clauses, à travers une exigence de bonne foi dans leur innovation ou leur mise en oeuvre.

    L'intérêt de s'interroger sur la manière dont opère les clauses au regard du dualisme du rapport d'emploi peut montrer l'aptitude du contrat individuel de travail à élargir ou sophistiquer les sujétions inhérentes à la subordination.

    181 A. Jeammaud, « les polyvalences du contrat de travail » p.307

    182 A. Jeammaud, « Le contra de travail, une puissance moyenne » p.306

    183 A. Jeammaud, préc.p. 303

    184 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud préc. n° 135

    Ce contrat dans son rôle d'instrument de gestion, d'ajustement de la main d'oeuvre suggère à l'employeur de rechercher une certaine flexibilité à savoir renforcer son emprise sur la force de travail ou la situation du salarié.

    De fait, le contrat est ainsi sollicité dans « le modelage de la condition personnelle du travailleur185 ». Pour autant, l'insertion de clauses afin de singulariser davantage le rapport de travail permet-elle à l'employeur de se soustraire aux rigidités qu'il reproche au Code du travail ? Si la singularisation peut effectivement correspondre à des hypothèses dérogatoires d'un point de vue normatif, il serait réducteur de l'y enfermer186. Il semble que l'usage de l'espace de stipulation ne peut avoir pour effet d'infléchir l'impact des dispositions normatives. La singularisation serait de la sorte la mise en exergue de la dimension personnelle particulière de telle relation de travail.

    Face à la multiplication, à la sophistication des clauses, le standard de la bonne foi permet au juge de dresser une limite qui s'ajoute aux précisions existantes et, d'exercer un contrôle distinct de celui assuré par les normes formelles de validité. De même, la bonne foi est mobilisée là où les dispositions normatives explicites sont absentes pour cantonner dans des limites raisonnables l'invocation ou la mise en oeuvre de telle ou telle clause. Il semble que le juge utilise la bonne foi dans sa fonction heuristique, à travers elle, l'obligation contractuelle peut être modulée et les abus de son exécution peuvent être sanctionnés. Le contrôle de la bonne foi apparaît donc,d'une manière générale,comme un « instrument permettant aux juges de jouer un rôle correcteur par rapport à la sécheresse des clauses du contrat,en permettant tantôt d'ajouter à la lettre du contrat tantôt de venir la tempérer,de l'assouplir et de l'adapter187 ». Si en vertu de la force obligatoire du contrat, une partie peut exiger de l'autre l'exécution de l'obligation, le juge, par son intervention, se servant de la notion de bonne foi tente de moraliser l'usage de cet espace de stipulation. Le contrat ouvre, comme le révèle un auteur ouvre un « espace de stipulation » dans lequel les parties vont préciser les « modalités de l'agir contractuel »188. Que les clauses insérées au contrat de travail enrichissent le contenu obligationnel ou précisent les composantes du champ contractuel, il semble que l'initiative de leur insertion dans le contrat de travail est pour une

    185 A. Jeammaud, préc. p. 309

    186 A. Jeammaud, préc. Voir aussi S. Frossard, « Les incertitudes relatives au contrat » in Le singulier en droit du travail Dalloz 2006 p.32

    187 A. Benabent, La bonne foi « Rapport français », travaux de l'association Henri Capitant, Tome XLIII, 1992, p.300

    188A. jeammaud, préc. , « Le contra de travail, une puissance moyenne » p.313

    large part le fait de l'employeur. Il peut s'agir de clauses liées à l'exécution du contrat de travail ou de sa rupture.

    Aussi, dans cette flopée de clauses, l'exigence de paramètres objectifs ne devrait pas susciter de grands débats tant elle devient générale en droit du travail. Les clauses, n'étant pas appréciées selon les mêmes critères, il convient de souligner que quelle que soit la stipulation contractuelle elle ne saurait dépendre de la volonté unilatérale de l'employeur189.

    Par ailleurs est nulle toute clause contractuelle privant le salarié d'une garantie ou d'un avantage prévu par la loi, ou lui accordant moins que ne lui assure celle-ci .De même certaines clauses sont spécialement affectées par une disposition légale ou conventionnelle, qui compromet leur validité, la soumet à condition, limite leur portée ou leur usage. La stipulation de clauses d'exclusivité, de variabilité de rémunération, d'objectifs, de dédit formation entre autres clauses est admise par la cour de cassation. Notons cependant que la clause d'essai190, la clause de non concurrence (section I) la clause de mobilité (section II) demeurent les plus fréquentes et retiendront seules notre attention.

    SECTION I : De la clause de non concurrence

    Tout contrat de travail prévoit dans une certaine mesure, une obligation minimale et implicite de non concurrence , la bonne foi interdit au salarié d'avoir pendant la durée du contrat de travail, des activités concurrentes de celles de son employeur, soit à titre indépendant, soit pour le compte d'un autre employeur191 . On comprend dès lors que le principe fondamental de la liberté de travail et de la libre concurrence ne fassent pas complètement échec à l'insertion d'une clause de non-concurrence dans le contrat de travail. Cette clause a pour objet d'éviter la concurrence ou la déloyauté du salarié envers l'entreprise192.

    Sauf à porter gravement atteinte à la liberté du travail, c'est à dire les clauses qui par leur durée et la généralité de leur champ d'application géographique et professionnel, revenait à interdire « de façon absolue » à un salarié d'exercer une activité « conforme à sa formation et ses connaissances », l'introduction de clause de non concurrence dans le contrat de travail est en principe licite depuis l'arrêt Bedaux193.Alors que certains auteurs194 estimaient que

    189 Art. 1174 du Code civil

    190 Voir, la bonne foi et la période probatoire du contrat de travail, p. 32

    191 G. Couturier préc. n°197

    192 Soc. 21 juillet 1994 Bull. civ. V, n°250 ; Soc 21 mai 1996 RJS 7/96, n°782 193 Soc. 8 mai 1967 Bull. civ. IV n°373

    toute clause de non concurrence porte atteinte à la liberté de travail, suggérant l'admission de cette clause qu'à titre exceptionnel et donc une « illicéité de principe » de la clause. La cour de Cassation n'a pas été sensible à ces critiques. De fait les clauses de non-concurrence furent très largement admises en jurisprudence malgré les vives protestations doctrinales qu'elles pouvaient susciter.

    Toutefois, depuis 1992195, la chambre sociale a adopté une nouvelle approche de la question. Elle précise que « la clause de non concurrence n'est licite qu'autant qu'elle protège les intérêts légitimes de l'entreprise ». En effet, dans l'arrêt Godissart du 14 mai 1992, où la relation contractuelle et la prestation de travail ne pouvaient guère laisser de doute quant à l'absence de concurrence du salarié. La cour de cassation remet en cause la valeur et l'existence de la clause de non concurrence. Le salarié exerçait la profession de laveur de vitres et la clause de non concurrence lui interdisait d'exploiter directement ou indirectement une entreprise identique ou similaire à celle pour laquelle il travaillait pendant quatre ans et ce tant dans son département que dans les départements limitrophes et dans tous les autres départements où son employeur créerait et exploiterait une agence. La nouveauté qui caractérisait cet arrêt est la mise en exergue de l'intérêt de l'entreprise afin de justifier l'existence d'une clause de non concurrence. Ainsi, on ne peut imposer au salarié plus que ce qui s'avère utile pour la bonne exécution du contrat et pour l'intérêt de l'entreprise.

    Si cet arrêt ne fait pas référence à la notion de bonne foi dans l'exécution du contrat, il faut cependant revenir sur la démarche implicite du juge. Si la liberté contractuelle justifie la possibilité d'inscrire cette clause au contrat, elle ne peut être invoquée que de bonne foi. Il faut donc pouvoir constater un acte de déloyauté du salarié ou un risque potentiel d'atteinte aux intérêts légitimes de l'entreprise pour caractériser un manquement à l'obligation de non-concurrence. En tout état de cause les juges ne se bornent pas à relever l'accomplissement par le salarié d'une activité quelconque pour caractériser la faute reprochée par l'employeur196.

    Par ailleurs, dans le droit commun des contrats notamment des contrats synallagmatiques, l'obligation de chaque partie doit avoir une cause qui est la contre partie fournie par le contractant. La clause de non concurrence n'étant pas subordonnée à l'octroi au salarié d'une contre partie pécuniaire si celle- ci n'était pas prévue par une convention collective197 cette absence de contre partie pécuniaire a fait dire à certains auteurs que la cour

    194 J. Pélissier « Droit civil et contrat individuel de travail » Dr. Soc. 1988 p.389, voir aussi C. Pizzio - Delaporte, « la clause de non concurrence : Jurisprudence récente », Dr. soc. 1996, p.145

    195 Soc. 14 mai 1992 Bull. civ. V, n°309

    196 Soc.14 mai 1998 Dr. Soc. 1998, p 715, Note A. Jeammaud

    197 Soc. 11 octobre 1990, Bull, V,n° 459 , soc. 11 juillet 2001, n°99-43.6 27

    de cassation consacrait « la licéité d'une obligation sans cause 198». Aujourd'hui, il semble qu'au titre de la justice qui doit régner dans le contrat la cour a infléchi sa position opérant de la sorte un revirement. En effet, depuis les arrêts du 10 juillet 2002199 « Une clause de non concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contre partie financière, ces conditions étant cumulatives ».

    L'attrait de cette jurisprudence constante est de mettre notamment en évidence la volonté du juge d'équilibrer le rapport contractuel. Cette recherche d'équilibre étant du reste conforté par l'article L120-2 du Code du travail. Il semble que cet article combiné à l'article L120-4 du même Code serait de nature à rendre pleinement opérationnel la notion de bonne foi200. Ce contrôle de nécessité et de proportionnalité, qui donne de grands pouvoirs d'appréciation aux juges est d'une portée générale, l'article L120-2 s'applique à toute clause qui entend apporter une restriction aux droits et libertés fondamentaux du salarié.

    SECTION II : Des clauses relatives au lieu de travail

    Si l'indisponibilité201 de la qualification de contrat de travail rend moins discutable son existence, le contenu des éléments contractuels l'est beaucoup moins. La détermination de ce qui est un élément contractuel est en effet essentiel pour circonscrire les droits de l'employeur et du salarié. Selon une jurisprudence202 constante de la chambre sociale de la cour de cassation, la qualification professionnelle, la durée du contrat, la rémunération et le lieu de travail constituent la « socle contractuelle » du contrat de travail. Toute modification par l'employeur de ces éléments requiert l'assentiment du salarié. Le contrat de travail offre en principe au salarié une raison de résister à certaines évolutions du rapport d'emploi que l'employeur souhaite voir advenir. Il s'agit des données dont la modification constitueraient celles du contrat lui-même et non un simple changement des conditions de travail qui lui, relève du pouvoir de direction de l'employeur. Si la chambre sociale de la cour de cassation a pu, préciser que « la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information à moins qu'il ne soit stipulé pas une clause claire et précise que le salarié

    198 J. Pélissier préc.

    199 Soc. 10 juillet 2002, Bull., V, n° 239

    200 M. Plet, « Bonne foi et contrat de travail », Dr. Ouv. 2005, p.102

    201 Soc. 22 décembre 2000, Dr. Soc 2001, p.228

    202 Soc. 10 juillet 1996, RJS 8-9/96, n° 900, Bull. V, n° 278

    exécutera son travail exclusivement sans ce lieu203 ».C'est dans une certaine mesure pour limiter les contraintes que l'écrit contractuel peut faire peser sur l'employeur, les mentions en cause seraient-elles dues à son initiative204.

    Réserve faite de la distinction entre clause informative et clause contractuelle205, il semble que cette solution, contestable, ne change en rien le fait que le lieu de travail constitue un élément du contrat. Notons que ce lieu n'est pas celui mentionné par les parties mais le « secteur géographique » de l'exercice de l'activité. Or il s'agit d'une notion dont la configuration n'est pas déterminée par la cour. On comprend dés lors l'intérêt de stipulations contractuelles qui prévoient et organisent le déplacement du lieu de travail. Ainsi la clause de mobilité valable en principe206 fait entrer le lieu de travail dans le domaine du pouvoir unilatéral de direction de l'employeur elle opère d'une façon assez originale une disqualification en changement de ce qui serait à défaut de clause, une modification.

    En outre il ressort d'une jurisprudence bien établie de la chambre sociale de la cour de cassation que la mutation du salarié en application d'une clause de mobilité de son contrat de travail relève du pouvoir de direction de l'employeur et constitue à cet effet un changement des conditions de travail qui s'impose au salariè207. Toutefois l'exercice du pouvoir de direction étant soumis à l'exigence générale de bonne foi et ne pouvant par ailleurs contrevenir aux dispositions de l'article L120-2 du Code du travail,la validité de la clause n'exclut pas un contrôle de son usage par l'employeur. Selon la cour de cassation la clause doit être proportionnée au regard de l'intérêt de l'entreprise. Ainsi dans l'arrêt Spileers208 rendu au visa de l'article 8 de la CEDH, la cour de cassation énonce clairement que l'employeur ne peut en vertu d'une clause de mobilité porter atteinte au libre choix du domicile par le salarié,que la clause « n'est valable qu'à la condition d'être indispensable à la protection des intérêts légitimes de' l'entreprise et proportionnée ,compte tenu de l'emploi occupé et du travail demandé,au but recherché ».

    Au demeurant, si la chambre sociale affiche son attachement au respect,par de telles clauses,des droits fondamentaux de la personne du salarié,la clause de mobilité écarte toute localisation du lieu de travail du salarié et pose le principe d'une affectation possible en différents lieux. Ainsi elle a pu décidé « qu'une mutation géographique ne constitue pas en elle même une att einte à la liberté fondamentale du salarié quant au libre choix de son

    203 Soc. 3 juin 2003 RJS. 8-9/03 n° 980, soc. 21 janvier 2004 RJS.3/04 n°301

    204 A. Jeammaud, préc. , « Le contra de travail, une puissance moyenne » p.318

    205 J. Pélissier, « La détermination des éléments du contrat de travail », Dr. ouv. 2005, p. 92 et s. 206Soc. 14 octobre 1982, b Bull. civ. V n°554

    207 Soc. 30 juin 1997 Bull. civ. V, n° 289, soc 3 mai 2006 n°04-41.880

    208Soc. 12 janvier 1999, n° 96-40.755

    domicile que si elle peut priver de cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié qui la refuse lorsque l'employeur la met en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle, elle ne justifie pas la nullité du licenciement 209» .Il faut souligner par ailleurs que la mise en oeuvre de la clause de mobilité est facilitée par la présomption de bonne foi dont bénéficie l'employeur210.C'est donc au salarié de démontrer que la décision de mutation a été dictée par des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ou qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle. Dans un arrêt du 4 juin 2002 la cour de cassation précise que « l'engagement de la responsabilité contractuelle de l'employeur envers le salarié n'impose pas que l'employeur ait agi dans le but de nuire au salarié,il suffit qu'il ait manqué à l' obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail211 »Il semble que cet arrêt allége sensiblement la nature et le « degré d'intensité »de la preuve que le salarié doit rapporter .Ainsi il a été jugé qu'un employeur commet une faute en n'avertissant la salarié qu'un mois à l'avance alors la décision de mettre en oeuvre la clause de mobilité a été décidé depuis longtemps212.Aussi l'application d'une clause de mobilité ne saurait entraîner d'autre modification du contrat de travail .L'employeur ne peut revenir sur le télétravail convenu avec le salarié sans modifier son contrat, ce en dépit d'une clause de mobilité213.Il ne peut pas également imposer au salarié une mutation qui entraîne une réduction de sa rémunération214.

    La prohibition de principe de toute modification de la portée de la clause semble être acquise .Dans un arrêt récent confirmé, la cour de cassation met en exergue le caractère nécessairement précis de la zone géographique d'application de la clause de mobilité .Au visa de l'article 1134 du Code civil, l'arrêt du 7 juin 2006215 met en relief l'impossibilité pour un des contractants de modifier unilatéralement et ultérieurement à la conclusion du contrat un des éléments de celui-ci. Il n'apporte toutefois pas plus de précision sur l'étendue juridique d'une clause de mobilité. Au demeurant, l'appréciation du secteur géographique devant se faire de façon objective216 on peut penser que la notion de zone géographique d'application suivra le même chemin. Et il appartiendra au juge du fond dans son appréciation in concréto de préciser leur portée à l'aune de l'exigence de bonne foi et de l'article L120-2 du Code du travail.

    209 Soc. 28 mars 2006, n° 04-41.016

    210 Soc 23 février 2005, n° 04-45.463

    211 Soc. 4 juin 2002, Bull. V, n° 188

    212 Soc. 4 avril 2006, n°04-43506 213 Soc. 31 mai 2006, n°04-43.592 214Soc. 3 mai 2006, n°04-46.141 215 Soc. 7 juin 2006, n°04-45.846 216Soc. 25 janvier 2006, n° 04-41.763

    CONCLUSION

    CONCLUSION

    Au terme de cette étude, il est tout aussi difficile de discerner quel rôle exact peut jouer la bonne foi car le panorama est très contrasté. Toutefois, il nous est apparu que la notion de bonne foi répond toujours à une seule et même idée dans le rapport de travail. Le standard de la bonne foi apparaît comme un point d'équilibre entre des exigences plus complémentaires que véritablement contraires. Il s'agit d'une notion assurément bilatérale dont le juge se saisit pour apporter selon les circonstances, au gré des espèces un certain équilibre au rapport contractuel. S'il y a bien une notion, entre autres qui n'a pas fini de développer ses effets c'est bien celle de la bonne foi. Le droit du travail branche étant en évolution constante, l'ajustement du droit aux transformations des réalités du travail donnera certainement au juge des occasions de s'immiscer dans ce rapport par essence inégalitaire. L'arrêt du 24 janvier 2007 illustre parfaitement ce phénomène car il en ressort que la bonne foi implique la prise en compte des contraintes familiales, lorsque c'est possible.

    En définitive on peut affirmer que la notion de bonne foi est certes un concept à multiples formes, mais conserve somme toute, une portée réelle en droit positif Face à l'essor qu'a pris la bonne foi au cours des dernières décennies, aux controverses que son impact a suscité, nous avons ainsi jugé prudent et utile de tenter de rechercher ce à quoi elle correspondait notamment ses incidences sur le rapport de travail. La bonne foi nous semble à la fois inventive et évolutive .Comprendre son impact dans le rapport d'emploi, c'est ce à quoi nous espérons avoir contribué.

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    Ph. Waquet, « Vie personnelle et professionnelle du salarié », CSPB 1994.289.

    JURISPRUDENCE

    ...1950

    Civ 5 nov 1913 Bull., n°190, p.365 sur la présomption de bonne foi

    1950...

    Soc.24 mars 1958, JCP 1958, II ,10868

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    CA Paris, 30 mai 1961 D.1961 jur. 669, note G. Lyon-Caen Soc. 3 janvier 1964 Bull. civ. V n°5

    Soc. 3 mars 1965, Bull. civ. IV, n°184

    Soc. 8 mai 1967 Bull. civ. IV n°373

    1970...

    Soc., 17 mars 1971, Bull civ. V, n°216

    Soc., 1er juin 1972, Bull. civ. V, n° 398

    Soc. 17 octobre 1973, JCP, 1974, éd. G, II ,17698 Soc. 17 octobre 1973, JCP 1974, II ,17698 Soc. ,05 février 1975, Bull. civ. n° 49, p. 46 Civ. Iere, 12 avril 1976, Bull. civ. In°122, p.98 Soc. 22 février 1979 Bull. V, n° 165

    Soc. 3 mai 1979 Bull. V, n° 382

    1980...

    Soc. 7 juillet 1982 bull. civ. V, n°466

    Soc. 14 octobre 1982, b Bull. civ. V n°554 Soc 8 nov. 83 Soc 21 Dec 06 n° 0544. 806 Soc. 8 novembre 1983, n°81-45.785

    Soc. 12 décembre 1983, Juri-social 1984, n°66, F 25 Soc.12 décembre 1983, D. 1984, IR 111

    Soc. 11 octobre 1984, D. 1985 I.R. 442, note A. Lyon-Caen

    Soc. 30 avril 1987 Bull. V n°237

    Soc 12 janvier 1989 Bull. civ. V n°18

    1990...

    Soc .23 avril 1990 et 3 juillet 1990 D.1991 p. 507 Soc. 25 avril1990, Bull. civ, V n°186 Soc. 3 juillet 1990, D. 1991, p.507

    Soc. 11 octobre 1990, Bull, V, n° 459, soc.11 juillet 2001, n°99-43.6 27 Soc. 16 janvier 1991 Bull. civ. V, n° 15 Soc. 20 novembre 1991 Bull. civ. V, n°512 Soc. 20 novembre 1991, Bull. civ. V, n° 519 Soc. 11 décembre 1991, Bull. civ. V, n°564 Soc. 25 février 1992, Bull. V, n° 122 note Défossez

    Soc. 8 avril 1992, Bull. V, n° 258 Soc. 14 mai 1992 Bull. civ. V, n°309 Soc. 5 octobre 1993 Bull. civ.V, n°223 Soc. 2 février, 1994, D. 1995, jur. 550 Soc. 21 juillet 1994 Bull. civ. V, n°250

    Soc. 11 octobre 1994, D.1995 p.440 Note C. Radé

    Soc. 14 octobre 1994, Bull. V, n° 729 Soc 12 avril1995, CSPB n°71, p.203 Soc 21 mai 1996 RJS 7/96, n°782

    Soc. 18juin 1996, JCP éd., G 98, II 22739 Soc. 10 juillet 1996, RJS 8-9/96, n° 900 Soc 27 janvier 1997, Bull. civ. n°33 Soc. 19 février 1997, Bull. civ. V, n°69 Soc. 30 juin 1997 Bull. civ. V, n° 289 Soc. 19 novembre 1997, Bull. V, n°381 Soc.14 mai 1998 Dr.soc.1998, p. 709

    Soc.14 mai 1998 Dr. Soc. 1998, p 715 Note A. Jeammaud

    Soc. 12 janvier 1999, n° 96-40.755 Soc 2 février 1999, Bull. civ. V n°52 Soc. 16 février 1999, RJS4/1999, n°468 Soc. 15 juin 1999 Bull. civ. V, n°279

    2000...

    Soc. 22 décembre 2000, Dr. Soc 2001, p.228 Soc. 5 février 2001 Bull. V n°43 Soc. 6 février 2001 bull. civ. V, n°43 Soc. 3 avril 2001, Bull. V, n°114 Soc. 2 octobre 2001 Bull. civ. V, n° 291

    Soc. 28 février 2002, Dr. Soc.2002 p.445 note A. Lyon-Caen Soc. 11 avril 2002, Dr. Soc. 2002, p. 676 Soc. 23 mai 2002, Bull. civ. V, n°1 17 Soc. 11 juillet 2002, Bull. V, n°261 Soc. 4 juin 2002, Bull. V, n° 188 Soc. 25 juin 2002 Bull. civ. V, n°21 1 Soc. 10 juillet 2002, Bull., V, n° 239 Soc. 3 juin 2003, RJS. 8-9/03 n° 980 Soc. 25 juin 2003, RJS10/03 n°1119 Soc. 21 janvier 2004 RJS.3/04 n°301 Soc 23 février 2005, n° 04-45.463 Soc. 25 janvier 2006, n° 04-41.763 Soc. 28 mars 2006, n° 04-41.016 Soc. 4 avril 2006, n°04-43 506

    Soc 3 mai 2006 n°04-41 .880

    Soc. 3 mai 2006, n°04-46.141

    Soc. 10 mai 2006, n° 05-42.2 10 Soc. 31 mai 2006, n°04-43.592 Soc. 7 juin 2006, n°04-45.846

    Soc.21 décembre 2006, n°05-44. 806 Soc. 24 janvier 2007, n° 05-40.639 Soc., 14 juin 2007, n°05-45.219

    SOMMAIRE DETAILLE

    SOMMAIRE DETAILLE

    REMERCIEMENTS 2

    INTRODUCTION 7
    PREMIERE PARTIE : La bonne foi, standard régulateur du rapport

    de travail 21

    CHAPITRE I : La bonne foi dans la formation du contrat de travail 23

    SECTION I : Bonne foi et phase précontractuelle 23

    §I : L'Exigence de bonne foi dans le cadre des pourparlers 23

    A. Du devoir général de loyauté 24

    B. De l'obligation d'information 25

    §II : L'Impératif de bonne foi et l'opération de recrutement 27

    A. Du côté de l'employeur ou du recruteur 27

    B. De l'obligation de bonne foi du salarié 29

    SECTION II: Bonne foi et conclusion du contrat de travail 31

    §I : La bonne foi et la rupture de l'offre de contracter 31

    §II : La bonne foi et la période probatoire du contrat de travail 33

    CHAPITRE II : La bonne foi dans l'exécution et la rupture du contrat de travail 37

    SECTION I : La bonne foi, surcroît de sujétion pour le salarié 38

    §I : L'incidence de la bonne foi, dans l'exécution et la prestation de travail 39

    §I I : La portée décisive de la bonne foi en dehors de la prestation de travail 40

    SECTION II : La bonne foi, une limite générale au pouvoir de l'employeur 42

    §I : Le devoir de respecter la personne du salarié 43

    §I I : La bonne foi dans l'exercice du pouvoir de sanctionner 45

    DEUXIEME PARTIE: La bonne foi, source d'enrichissement du contenu du contrat de travail 49

    CHAPITRE I : La bonne foi, un instrument de sophistication du contenu obligationnel du contrat de travail 51
    SECTION I : La bonne foi, Tremplin d'élaboration de normes à la charge de l'employeur... 51

    §I : L'obligation de reclassement et d'adaptation 53

    §II : L'obligation de sécurité 54

    SECTION II : La découverte d'autres obligations implicites ou secondaires 55

    CHAPITRE II. La bonne foi, un outil de moralisation de l'espace de stipulation 59

    SECTION I : De la clause de non concurrence 61

    SECTION II : Des clauses relatives au lieu de travail 63

    CONCLUSION 67

    BIBLIOGRAPHIE 69






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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand