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La théorie du patrimoine à l'épreuve de la fiducie

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par Thomas Naudin
Université de Caen - Master 2 Recherche en Droit Privé 2007
  

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b. - La remise en cause des actes aggravant le passif fiduciaire

131. - Lorsque le fiduciaire agit pour le compte de la fiducie, il doit mentionner qu'il agit ès qualités. Lorsque c'est le cas, il n'est pas engagé personnellement. D'une manière comparable au mandataire qui agit dans le cadre de son mandat, les actes accomplis engagent directement la fiducie. Dénuée de personnalité juridique, l'engagement de la fiducie s'entend davantage au niveau patrimonial, via le droit de gage général dont se trouvent investis les créanciers de la fiducie. L'actif fiduciaire répond du passif fiduciaire. La notion d'obligation se trouve totalement objectivée, étant assimilée à la contrainte sur les biens du débiteur. L'existence cependant d'un droit de gage subsidiaire pesant sur les biens du fiduciant ou du fiduciaire (mais cette dernière hypothèse devrait être largement minoritaire) implique que tout acte engageant la fiducie va ipso facto avoir des répercussions sur le patrimoine subsidiaire. Le gage des créanciers personnels du fiduciant ou du fiduciaire va ainsi non pas décroitre, mais être mis en concurrence avec le droit subsidiaire des créanciers de la fiducie. Au-delà même des actes aggravant le passif de la fiducie, le problème des actes diminuant l'actif fiduciaire se pose dans des termes similaires.

132. - Les créanciers du fiduciant ou du fiduciaire peuvent avoir un intérêt important à remettre en cause tout acte de la fiducie aggravant leur situation personnelle de manière indirecte. La possibilité pour ces créanciers d'agir sur le fondement de l'action paulienne parait difficile. En effet, d'une part, l'article 1167 alinéa 1er du Code civil permet à un créancier d'agir seulement contre les actes accomplis par son débiteur. Selon les modalités du contrat de fiducie, les pouvoirs d'administrations voire de disposition vont pouvoir être exercés soit par le fiduciaire (lorsque celui-ci est le bénéficiaire de l'opération) soit par le fiduciant, soit même par un tiers (lorsque le contrat de fiducie prévoit un bénéficiaire qui n'est ni le fiduciant, ni le fiduciaire, et que cette convention octroie une part du jus utendi, voire du jus abutendi, à ce tiers). Les actes engageant la fiducie sont conclus ès qualités. Dès lors, on peut s'interroger sur le point de savoir si la personne juridique agissant ès qualités est assimilable à la personne stricto sensu, afin de définir si l'acte conclu ès qualités peut être regardé, vis-à-vis des créanciers personnels de cette personne, comme « faits par leur débiteur ». Selon nous la réponse à cette question doit être positive, du fait de l'unité de la personnalité juridique. Reconnaître qu'une personne agissant ès qualités au nom de la fiducie est la manifestation d'une personnalité distincte équivaut selon nous à reconnaître une personnalité juridique à la fiducie. Ainsi, un acte conclu par le fiduciaire ou le constituant au nom de la fiducie serait susceptible d'être reconnu inopposable aux créanciers personnels de la personne ayant agi, dès lors que les autres conditions de recevabilité de l'action paulienne seraient réunies, ce qui devrait être rare. De plus, la finalité d'une telle action serait de reconstituer l'actif fiduciaire rendu frauduleusement insuffisant au regard du passif, et ainsi de réduire le gage subsidiaire affectant directement les droits des créanciers personnels du fiduciaire ou du fiduciant. Dans le cas d'un acte accompli par un tiers en revanche, les recours de la part des créanciers du titulaire du patrimoine subsidiaire seraient irrecevables sur le fondement de l'action paulienne.

133. - Outre l'action paulienne, l'action oblique paraît plus certainement ouverte aux créanciers du fiduciant, et dans une moindre mesure à ceux du fiduciaire. L'action oblique est disposée par l'article 1166 du Code civil, et permet aux créanciers d' « exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui son exclusivement attachés à la personne ». L'action oblique constitue une sorte de droit d'ingérence du créancier dans les affaires de son débiteur lui permettant de combler la carence de ce dernier143(*). Appliquée dans le cadre de la fiducie, l'action oblique pourrait permettre aux créanciers du fiduciant d'agir, en cas de carence de celui-ci, dans le cas, par exemple, où le fiduciaire aurait accompli un acte outrepassant ses pouvoirs engageant ainsi sa responsabilité contractuelle. Les créanciers du fiduciaire ou du constituant peuvent ainsi être amenés à exercer tous les droits et toutes les actions de leur débiteur, dès lors où ces droits et actions ne sont pas exclusivement attachés à la personne. L'action serait ouverte dès lors que le créancier agissant justifierait d'un intérêt à agir constitué par l'atteinte portée à son droit de gage du fait de l'inaction de son débiteur144(*). Les créanciers du fiduciant, dès lors que le patrimoine de ce dernier répondrait subsidiairement du passif fiduciaire, seraient fondés, en cas d'inaction de leur débiteur, à exercer toutes les actions ouvertes au constituant contre les actes accomplis au nom et pour le compte de la fiducie et en aggravant le passif ou en diminuant l'actif. Sous la même réserve de l'inaction de leur débiteur ils pourraient agir en responsabilité contractuelle contre le fiduciaire, voire même demander judiciairement le remplacement du fiduciaire en application de l'article 2027 du Code civil.

134. - On le voit, le principe du patrimoine subsidiaire posé par l'article 2025 du Code civil représente à la fois une sécurité pour le droit de gage des créanciers de la fiducie et un danger pour ceux du titulaire de ce patrimoine subsidiaire, qui sera dans la plupart des cas le fiduciant. Les instruments juridiques assurant le respect du droit de gage des créanciers et existant déjà dans le droit français vont ainsi permettre, sous certaines conditions très strictes, de remettre en cause non plus la fiducie elle-même, mais bel et bien son fonctionnement propre. Ces actions représentent ainsi une menace pour la fiducie. Mais cette menace est légitime, car elle vient soit combler les lacunes d'un fiduciant négligeant, soit sanctionner les actes frauduleux.

* 143 L'exercice de l'action oblique suppose en effet l'inaction du débiteur. V. civ 2e, 30 avr. 1960 : Bull. civ. II, n° 272.

* 144 L'intérêt à agir peut être l'insolvabilité de son débiteur, v. civ 1re, 7 févr. 1966, Bull. civ. I, n° 88 ; il peut également s'agir d'une menace d'insolvabilité ou d'une mise en péril de sa créance, v. civ. 1re, 17 mai 1982, Bull. civ. I, n° 176 ; 14 juin 1984, Bull. civ. I, n° 197 ; civ. 1re, 2 déc. 1992, Bull. civ. I, n° 294..

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon