Conclusion
Dans ce premier chapitre, il a été question de
construire la grille d'analyse ouverte et interdisciplinaire des processus de
développement dans la longue durée. Pour ce faire, nous avons
emprunté aux réflexions de F. Braudel, I. Wallerstein et K.
Polanyi les axes d'analyses théoriques qui nous permettent de faire une
autre lecture des processus de développement, différente d'une
interprétation normative et fonctionnaliste du développement des
sociétés. Nous avons complété ces réflexions
avec les analyses faites par J. -Ph. Peemans sur les dynamiques de changement
social par rapport a la crise de la régulation capitaliste.
Des analyses de Braudel, nous empruntons une vision complexe
et originale du développement des sociétés. Il nous offre
une grille d'analyse interdisciplinaire des processus de développement
articulant les explications du type économique, social, politique et
culturel. Dans le fondement de ses analyses, il a montré que
démographie, sociologie, science politique, agronomie, etc.,
s'articulent dans la mise en évidence d'une autre vision de
développement plutôt que construire un modèle avec une
variante principale, l'économie, qui subordonne toutes les autres
dimensions de la société. C'est dire que la croissance
économique n'est pas suffisante pour traduire le développement
des sociétés. La vision de développement
développée par Wallerstein s'inspire de celle de Braudel. Pour
Wallerstein, analyser l'histoire de développement, c'est porter un
regard sur ce qui, dans l'histoire, est précurseur du "capitalisme". Son
angle d'observation est principalement celui des modes d'exploitation
capitalistes dans l'histoire et des acteurs qui les pratiquent. Wallerstein
apporte un élément supplémentaire a la lecture des
processus de développement. Il s'agit de placer les modes d'exploitation
et les relations conflictuelles des classes qui en résultent au c>ur
de la vie des populations. Il contribue donc a la formulation de la relation
problématique entre population et développement. La
spécificité de l'approche de ces deux auteurs consiste en la
prise en compte de l'histoire globale de la société dans la
longue durée pour comprendre les processus socio-économiques
contemporains.
L'apport anthropologique de Polanyi a consisté dans la
considération du rôle social de l'homme dans les processus de
développement comme acteur et non seulement comme variable
démographique, manipulable a souhait. Il a axé son analyse sur la
dynamique des sociétés appelées "traditionnelles". De ses
analyses, nous retenons que toutes les sociétés ont
créé des règles pour contrôler et réglementer
les marchés. C'est ce qu'il appelle le marché encastré
dans le lien social. Pour lui, ce qui explique les problèmes de
développement, c'est la création des marchés
nonencastrés dans le social. L'enjeu du développement, selon
Polanyi, c'est comment créer le lien social, comment le maintenir et
comment peut-on le recréer.
Pour la lecture de la dynamique sociale dans le contexte des
changements en cours, nous nous servons des analyses de J. -Ph. Peemans
notamment sur ses lectures des pratiques d'économie populaire. Nous
retenons de lui que les mouvements de résistances des masses populaires
expriment leurs réponses au processus insécurisant du
modèle de modernisation-accumulation. La spécificité de la
résistance des masses populaires est qu'elle légitime
l'économie populaire comme une démarche de reproduction
sociétale. L'économie populaire est donc actuellement au c>ur
du processus de développement des pays en développement. Dans les
lectures de J. -Ph. Peemans, il y a en outre lieu de retenir que la
sphère de l'économie populaire - qui du reste est
séculaire - s'est maintenue a travers des pratiques de contournement et
de détournement plus qu'à travers des pratiques d'affrontement de
la sphère de l'accumulation. C'est un phénomène durable
qui possède sa propre logique et qui ne doit pas être
considéré comme subordonné au secteur moderne ou en
attente d'incorporation a ce dernier. C'est ainsi qu'il préconise
d'aborder la réalité économique et sociale que
représente cette économie populaire, dans une perspective
historique et par une approche en termes d'acteurs sociaux.
La grille d'analyse que nous avons ainsi construite en nous
servant de ces différents axes d'analyse sera exploitée dans la
perspective historico-systémique et d'intégration des dimensions
population-environnement et développement conformément a la
thématique de notre DEA interuniversitaire. La démarche consiste
a reconnaItre la pluralité des temps qui peuvent contribuer a comprendre
le contexte temporel et spatial de la structuration de la société
katangaise. La prise en compte de la pluralité de temps nous permet en
plus de cerner dans la personnalité historique du Katanga, les tendances
a la déstructuration ou a la restructuration selon les articulations
nouvelles en intégrant les dimensions population-environnement et
développement. Pour cette fin, une perspective de lecture des processus
de développement en longue période est plus qu'indispensable.
L'intégration de la perspective de longue période dans la lecture
des processus de développement du Katanga nous permet de saisir la
logique collective de reproduction des masses ouvrières
marginalisées jusqu'alors dans le processus d'accumulation a la
Gécamines.
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