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Ménages Gécamines, précarité et économie populaire

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par Didier Kilondo Nguya
Université Catholique de Louvain - Diplôme d'Etudes Approfondies 2004
  

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2. Période de 1945 a 1960

Depuis la reprise économique des années 1940, l'accroissement de la demande des matières premières permit l'expansion de l'économie d'exportation du Congo-belge. La forte demande qui en résulta simultanément dans presque tous les secteurs de l'économie entraIna une forte concurrence entre employeurs pour mobiliser le surplus de travail. Le pouvoir d'achat des travailleurs africains connut ainsi un accroissement. J.-Ph. Peemans fait remarquer que la politique du relèvement du niveau de vie du prolétariat africain correspondait d'ailleurs bien a la phase de l'accumulation du capital att einte par les grands secteurs d'activité contrôlés par le capital financier. Ainsi, les dépenses de main-d'ceuvre ne représentaient plus qu'une fraction peu importante du coüt de production88. Cette analyse corrobore déjà celle portée par F. Bezy lorsqu'il écrivit: <<[...]comme les prix des produits coloniaux offrent une grande élasticité a la hausse sur les marchés mondiaux, le renchérissement de la main-d'ceuvre n'entraIne pas pour les entreprises

86 Dans la période de l'accumulation primitive, le salaire, c'est-à-dire la nourriture et le logement des ouvriers, représente presque exactement les frais de la reproduction de la force de travail, fixé en fonction du niveau de vie dans les villages. En réalité, le coüt réel de la main-d'ceuvre dépasse la valeur de la ration et de la case attribuée a l'ouvrier.

une augmentation du coüt relatif du travail. 89 Si l'on observa cette tendance pour les grandes entreprises, au contraire le renchérissement du coüt de la force de travail étouffa le petit et moyen capital a tel point ce dernier se résoudra d'adopter une technique de production qui épargne la main-d'>uvre, la mécanisation de processus de production.

Le tableau n° 3 suivant donne une illustration de la répartition de la production et du travail des secteurs productifs au cours de cette période d'expansion.

Tableau n° 3: REPARTITION DE LA PRODUCTION ET DU TRAVAIL DANS LES DIFFERENTS SECTEURS DIRECTEMENT PRODUCTIFS DE L'ECONOMIE CONGOLAISE EN 1950 ET EN 1958

(en % arrondis, au prix courants)

 

Valeur de la productio

Capital investi

Population au
travail et main-
d'>uvre
africaine

1950

1958

1950

1958

1950

1958

Agriculture, production africaine globale

dont production commercialisée

35

30

-

4 (1)

89 (2)

89 (2)

12

11

-

-

-

-

Production européenn

(plantation et traitement des produits)

15

15

13(3)

15(3)

4

5

Mines, industries, construction, transport

50

55

87 (3)

81(3)

7

6

Total

100

100

100

100

100

100

(1) = Investissements réalisés par l'Administration pour améliorer l'agriculture africaine dans le plan décennal.

(2) = Hommes et femmes vivant en milieu coutumier (enfants et hommes au travail salarié exclus). (3) = Immobilisé net aux prix courants.

Source: J.-Ph. PEEMANS et al. (éds), Diffusion du progrès et convergence des prix. Congo-Belgique 1900-1960. Etudes internationales, Vol. II, Ed. Nauwelaerts, Louvain/Paris, 1970, p. 385.

La hausse de productivité induite par les réactions vigoureuses des entreprises du secteur moderne dans le sens de l'épargne du travail entraIna un progrès certain dans la fonction de production de ce secteur, mais aggrava le dualisme des secteurs de production moderne et

traditionnelle90. Le secteur de <<mines, industries, constructions, transports>> tel que le révèle le tableau ci-dessus, passe de 50 a 55 % de la production totale entre 1950 et 1958, mais n'emploie plus que 6 au lieu de 7 % de la population active pour la méme période. L'amélioration de la productivité du capital se fait au prix du facteur travail.

L'intervention de l'Etat colonial, lors de l'essoufflement de l'expansion de l'économie coloniale en 1955, est apparue dès lors impérieuse pour fixer légalement les normes des rapports du travail et garantir la continuation de la réalisation des objectifs a long terme de la colonie. C'est dans le contexte des tensions sociales portant sur des menaces de grève et de soulèvement face a la crise agraire dans les campagnes - qui du reste propulsa l'exode rural - et a la crise d'urbanisation que l'Etat colonial prit ces précautions.

Pour le cas des cités ouvrières de l'U.M.H.K., sous l'effet de l'ordonnance législative n° 98/AIMO du 6 avril 1946, les conseils indigènes d'entreprises (C.I.E.) et les commissions du travail et de progrès social des indigènes sont créés91. Par des négociations avec l'employeur, ces conseils indigènes ont contribué tant soit peu a obtenir l'amélioration des conditions de travail et de vie des ménages dans les camps de l'U.M.H.K. En 1949, l'Union minière évaluait le coüt moyen d'une journée d'ouvrier a 76,84 francs dont 24,98 francs seulement en espèces. Le reste se composait de 31,41 francs pour les avantages en nature (ration et logement) et 9,82 francs, 2,98 et 7,65 francs pour respectivement les charges imposées par l'Etat (école, soins), les divers avantages indirects et l'entretien des camps. Depuis 1945, la ration en nature qui constitue la base du paternalisme, perd peu a peu du terrain. Cette évolution est due a la position prise par l'Etat colonial92 pour le paiement des salaires en espèces et aussi, a la profonde hostilité des ouvriers au paternalisme et a sa pièce essentielle, la ration alimentaire.

Les capitalistes exploitèrent malicieusement cette législation comme ne pouvait se l'imaginer un observateur non-averti de modes d'exploitation capitalistes: il a été constaté que la contre-valeur ne représentait méme plus la valeur de l'ancienne ration ou le loyer. Cet écart s'accroissait davantage au fur et a mesure de la hausse des prix alimentaires.

90 Jean-Philippe PEEMANS et al. (éds), Di[[usion du progrès et convergence des prix. Congo-Belgique 1900-1960. Etudes internationales, Vol. II, Ed. Nauwelaerts, Louvain/Paris, 1970, p. 389.

91 L'U.M.H.K. accorda la création en son sein des conseils indigènes d'entreprises en lieu et place des syndicats africains. Les membres desdits conseils étaient élus par les travailleurs eux-mêmes. Pour l'employeur, ils devaient jouer le role d'informateurs pour signaler au chef de cité ouvrière tout ce qui pouvait nuire a la bonne harmonie des camps. Cf. Bulletin Administratif du Congo-Belge, 1946, p. 913-940, cité par D. DIBWE dia MWEMBU, Histoire des conditions de vie des travailleurs de l 'Union Minière du Haut Katanga/Gécamines, op. cit., pp. 67-85.

92 Depuis 1949, une série de lois transposèrent au Congo, la législation sociale belge dans une version sommaire: réparation des accidents de travail et des maladies pulmonaires en 1949, inspection du travail en 1950, allocations familiales en 1952, pensions et assurance maladie en 1956 auxquels s'ajoutent des règlements plus anciens sur la sécurité, la ration, le logement, le salaire minimum.

Nous dégageons de cette analyse les caractéristiques ci-après des processus d'accumulation de l'Etat colonial. Le système de contrainte publique appliqué par le pouvoir colonial pour instrumentaliser la société congolaise, bien que rétrograde, fit accomplir en même temps un énorme bond historique au Congo. Néanmoins, les contradictions du processus d'accumulation a l'intérieur du système ont créé des problèmes structurels a la société colonisée au point oü les expansions économiques - d'ailleurs induites par les conditions extérieures - n'ont pas entraIné une amélioration durable des conditions de vie du salarié urbain et n'ont pas profité au paysan de campagne. La minorité d'acteurs dominants a subordonné la majorité, la masse populaire. De cette subordination, il en résulte la problématique du développement dans l'entendement de F. Braudel. L'appropriation de propriété des moyens de production puis, la marchandisation du travail et de la terre, en plus sous la contrainte, par le système dominant déstructura le style de vie de la société colonisée, comme démontré par I. Wallerstein et K. Polanyi pour les autres civilisations. Par contre, la restructuration de la société congolaise par le système colonial modela les rapports sociaux et économiques dans la configuration d'une division du travail qui aboutit a une crise agraire dans les campagnes et a une crise de l'urbanisation dans les villes. A la fin des années 1950, on observa une alliance, bien que fragile, entre la petite bourgeoisie africaine et les masses rurales et urbaines dans la lutte anti-coloniale. Il faut mentionner cependant le role important joué par l'Etat colonial pour prendre le relais des investissements dès que les conditions économiques et politiques ne furent plus favorables pour l'accumulation du capital étranger, local ou extérieur. C'est ce qui explique la débâcle des infrastructures de base dès que l'Etat post-colonial allait s'affaiblir comme nous le verrons dans la troisième section.

L'analyse des processus de développement du Katanga sous le régime colonial passe par l'articulation entre les objectifs globaux du financement de l'occupation du territoire et les stratégies locales d'exploitation minière. La naissance et l'essor de l'industrie minière dans cette partie du Congo ont astreint les populations autochtones a une grande mobilité et au souspeuplement des régions rurales au profit de foyers industriels. C'est bien là une structuration de l'espace et de la société dans la construction du territoire qui fait déjà perdre aux artisans et aux paysans leur statut d'acteurs sociaux "actifs" et qui les réduit au statut d'ouvriers, dépendant d'un salariat tributaire de la logique dominante de l'accumulation et de différenciation.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle