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Ménages Gécamines, précarité et économie populaire

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par Didier Kilondo Nguya
Université Catholique de Louvain - Diplôme d'Etudes Approfondies 2004
  

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2.3. LE KATANGA DE L'APRES INDEPENDANCE 1960-1989

Parmi l'héritage de la colonisation belge au Congo, il faut mentionner les infrastructures socio-économiques mais au prix des contradictions structurelles constituant des goulots d'étranglements au processus de développement et a l'accumulation du capital, nous venons de le voir. La nouvelle république indépendante se trouve être gérée par des nouveaux acteurs politiques modelés par la colonisation. Par conséquent, le paysage du développement et les

logiques et stratégies de ces acteurs en présence seront intimement liées a l'héritage de la pratique coloniale.

L'émergence de nouvelles classes politiques se heurtant a l'incohérence qui traduit la non-maItrise de gestion des bases institutionnelles et des infrastructures léguées par la colonisation, conduit le pays a une dislocation successive de ces différents construits. C'est dans ce contexte qu'il est compréhensible de cerner le conflit entre espace politique et espace économique qui surgit au Congo indépendant lors de la sécession de la province du Katanga93, privant ainsi le pouvoir central de tout contrôle des finances publiques. Les conséquences structurelles de cette désintégration de l'Etat sont la perpétuation des relations de pouvoir entre le capital étranger et la petite bourgeoisie bureaucratique, l'incapacité de l'Etat congolais d'assurer la maintenance du système de transport qui acheminait le surplus agricole vers les cités et la côte et qui liait les marchés ruraux aux industries urbaines et, enfin, l'incapacité de l'Etat de collecter normalement les impôts et de réduire, corollairement a cet amenuisement des ressources publiques, les dépenses publiques94. Le déséquilibre budgétaire qui en résulta alimente l'inflation qui empire la dégradation des conditions de vie des masses populaires.

Cette désintégration de l'Etat et la fragmentation structurelle qui s'en découle vont entraIner une <<gouvernance >> fondée sur la redistribution clientéliste entre les hommes proches du pouvoir au détriment de l'intérêt général. Par conséquent, des inégalités a l'intérieur d'un revenu national qui se contracte s'accroissent. Ces aspects sont déterminants dans la compréhension des processus historiques de développement du Congo.

2.3.1. Vers la nationalisation du capital étranger 1960-1974

La période 1960-65, émaillée de troubles politiques au lendemain de l'indépendance du Congo, constitue une période paradoxalement dynamique qui traduit une désarticulation et une restructuration de l'espace économique et social hérité de la colonisation. D'une part, la période est marquée par une modification du poids relatif des différents agents économiques et un changement dans leur participation aux circuits de production et d'échanges. D'autre part, ces changements économiques recouvrent de profondes tensions sociales. C'est enfin une période de remise en cause de l'équilibre du modèle socio-économique colonial.

93 Les ambitions démesurées de certains politiciens congolais et les convoitises internationales ont plongé le Congo dans un chaos indescriptible au lendemain de son indépendance. C'est dans ce contexte que MoIse TSHOMBE a instigué la création de l'Etat Indépendant du Katanga, le 11 juillet 1960. Cf. Romain YAKEMTCHOUK, Aux origines du séparatisme katangais, Académie Royale des Sciences d'Outre-mer, Mémoires in-8, Tome 50, fasc. 1, Bruxelles, 1988; J. GERARD-LIBOIS, Sécession au Katanga, Les études du C.R.I.S.P., C.R.I.S.P./ I.N.E.P., Bruxelles/Léopoldville, 1963.

94 Cette analyse est bien développée dans Jean-Marie WAUTELET, "Pouvoir d'Etat et formation du capital", in F. BEZY, J-Ph. PEEMANS et J-M. WAUTELET (éds), op. cit., pp. 52-57.

Par rapport a la période coloniale, la période 1960-65 est caractéristique d'un reclassement important des différents intéréts coloniaux: pendant que les grandes entreprises étrangères conservent largement leur ancienne position, le petit et moyen colonat européen voit sa place très diminuée. D'un autre côté, la capacité d'intervention directe de l'administration et du secteur public dans l'économie s'affaiblit. Il influence désormais l'économie a travers le financement monétaire de déficits budgétaires. Du coup, l'autonomie d'action de ces grandes sociétés étrangères augmente car l'Etat avec qui ils financaient l'économie s'est financièrement affaibli. Par ailleurs, une petite bourgeoisie congolaise commercante émerge et la paysannerie, dès lors libérée des contraintes monopolistiques coloniales, reconquiert son role actif.

Après 1965, la reconstruction et le renforcement de la structure étatique ont caractérisé le régime Mobutu a ses débuts. Le pouvoir est dès lors fortement centralisé et cette centralisation s'accompagne de la concentration du pouvoir économique et du revenu aux mains de la nouvelle bourgeoisie politique. Profitant des effets bénéfiques de la réforme monétaire de 1967 et de la hausse exceptionnelle des prix de cuivre, le pouvoir central s'est approprié de 1968 a 1971, la plus grande partie des revenus d'exportation du secteur minier en forte hausse. De méme, en 1970, l'Etat percut des taxes représentant les deux tiers de la valeur ajoutée de la Gécamines laquelle lui procurait 51 % de ses recettes fiscales. Au contraire de la période 1960-65, le régime a pratiqué depuis 1966 une politique systématique de participation dans le secteur productif. Dans certains cas, l'application de cette politique de l'Etat s'est matérialisée par une absorption complète des entreprises privées. La nationalisation de l'U.M.H.K. est a inscrire dans cette optique95. Dans d'autres cas, il s'est agi de la <<zaIrianisation>> des entreprises étrangères. La qualité des gestionnaires des affaires reprises jointe a la récession mondiale de 1973, l'absence des mesures d'encadrement accompagnant ces mesures de zaIrianisation et de radicalisation ainsi qu'aux écueils liés a la nature juridique de ces nouvelles entreprises créées sont autant de circonstances qui ont justifié les mesures de rétrocession ou de déradicalisation prises le 30 novembre 197596.

95 L'année 1967 marque un tournant décisif dans l'histoire de l'industrie minière au Katanga. L'Union minière du Haut-Katanga fut nationalisée et constituée en entreprise publique. Elle fut débaptisée et porta successivement les dénominations de Gécomin (Générale congolaise des minerais), puis de Gécomines (Générale congolaise des mines) et enfin, la Gécamines (Générale des carrières et des mines). Au niveau de la Gécamines, l'année 1967 marque le début d'une crise sur le plan organisationnel.

96 Voir a ce sujet KIKASSA Mwanalesa, "La stabilisation des entreprises zairianisées et radicalisées. Des mesures du 30 novembre 1973 et du 30 décembre 1974 a celles du 30 décembre 1975", Zaire-Afrique, n° 102, février 1976, pp. 89-98; RWANYINDO Ruziranwoga, "Mesures économiques du 30 novembre 1973 et les mesures du 30 décembre 1974: heureux aboutissement d'un long processus", in Etudes zairoises, Vol. 3, juillet-septembre 1975, p. 23 ; KAWATA Bwalum, "L'entreprise, le délégué général et la révolution", dans Horizons 80, Hebdomadaire zairois d'information économique, du 11 au 18 octobre 1975, p. 13.

Les objectifs assignés a toutes ces mesures consistent en l'utilisation de l'Etat comme base économique dans la logique de consolider le nouveau pouvoir et d'affirmer l'indépendance acquise. Les résultats obtenus contredisent cependant, l'idéologie véhiculée dans la philosophie politique.

Concernant la province du Katanga, il faut noter qu'à la compromission de l'unité politique et économique du Congo au lendemain de l'indépendance, de 1960 a 1962, le Katanga a émis sa propre monnaie, établi sa balance des paiements, organisé pour son propre compte le contrôle des changes. ~l avait, en effet, renoncé a toutes relations économiques avec les autres provinces du Congo. Pendant cette période de crise, l'évolution comparée de la production industrielle au Katanga et dans l'ouest du Congo est pleine d'enseignements pour la compréhension de la structure et du fonctionnement de deux poles de développement comme le montre la figure ci-dessous.

Figure 5. EVOLUTION DE LA PRODUCTION INDUSTRIELLE AU KATANGA ET DANS LE RESTE DU CONGO

Source: Jean-Louis LACROIX, Industrialisation au Congo, op. cit., p. 224.

La lecture qui transparaIt de cette figure montre que le pole de développement du Katanga a offert moins de résistance a la crise. Pour Lacroix, la crise des années 1960-1962 montre la fragilité d'un pole de développement animé par une unité motrice qui obéit surtout aux impulsions de la demande extérieure. Lacroix en tire les enseignements suivants: tandis que le Katanga présentait les apparences de l'ordre et de sécurité en face d'un Congo désorganisé, la production industrielle orientée vers le marché intérieur ne connaissait donc pas la progression observée dans le reste du Congo, et diminuait au contraire de 20 % entre 1958 et 1962. A Elisabethville l'excès de la demande sur l'offre a été résorbé par la consommation des réserves de change jadis transférées aux autres régions du pays. Dès lors, la production industrielle du Katanga n'a pas entièrement bénéficié de l'expansion de la demande, tout en continuant a subir la concurrence de l'importation. D'autre part, la rupture des communications avec le reste du Congo a privé le Sud-Katanga industriel des matières premières d'origine végétale consommées par l'industrie : huile de palme, coton, cacao, sucre, tabac, etc.97

Après la période de troubles politiques et l'unification politique et économique du Congo, un afflux des investissements dans le secteur minier incités par une conjoncture nationale favorable et l'optimisme international du début de la décennie 1970, était observable. C'est ainsi, par exemple, "de 1969 a 1978, les investissements miniers agréés dans le cadre du code des investissements de 1969 représentent 17 % du total des investissements agréés."98 Ces investissements sont directement gérés par l'Etat et financés par les grandes banques privées étrangères. Pour J. -M. Wautelet, la caractéristique de la programmation des investissements 1970- 1980 est la volonté d'augmenter la capacité de production de l'entreprise en cuivre et en cobalt, la priorité étant donnée a l'accroissement du volume exporté plus qu'à celui de la valeur ajoutée contenue dans le produit exporté.

Les caractéristiques des processus de développement durant la sous-période 1960- 1974 peuvent ainsi être dégagées. ~l s'observe que la nationalisation a été utilisée comme mode de récupération des centres de décisions économiques par les nationaux. Dès lors, les logiques des nouveaux acteurs dominants consistaient a résorber les contradictions entre structures économiques et structures politiques. ~l s'en est résulté une classe capitaliste nationale. De méme, émerge aussi une classe de nationaux s'occupant de commerce de détail et de gros. Tout comme s'observe l'apparition d'entreprises agricoles animées par des entrepreneurs nationaux. Cependant, l'absence des compétences de gestion a annihilé tous les espoirs escomptés99.

97 Jean-Louis LACROIX, Industrialisation au Congo, op. cit. , pp. 224-225.

98 Jean-Marie WAUTELET, "Pouvoir d'Etat et formation du capital", in F. BEZY, J-Ph. PEEMANS et J-M. WAUTELET (éds), op. cit., p. 85.

99 Ce qui est évidemment malheureux, c'est que beaucoup de cadres zairois n'ont pas été a la hauteur de leurs tâches parce que parachutés a des postes de commande importants sans qu'ils possèdent les instruments, les techniques, les aptitudes et les connaissances nécessaires a l'exercice de leurs

Sur le plan politique, cette sous-période est caractérisée par la mise en place d'un régime militaire autoritaire qui aboutit a une dictature. Ce pouvoir bénéficie plus d'une légitimation extérieure que d'une légitimité interne, dans le contexte de la géopolitique internationale de la <<guerre froide >>. Par conséquent, la politique économique du régime et les logiques d'acteurs dominants consistent a consolider le pouvoir d'Etat afin de s'en servir pour mobiliser les principales ressources disponibles. A cette fin, toutes les organisations sociales représentatives sont progressivement soumises au pouvoir politique qui, du reste, étend la suprématie de l'exécutif sur tous les autres pouvoirs.

Il paraIt utile de mentionner que le contrôle étatique renforcé sur le surplus économique tiré des exportations du cuivre induit donc une très forte concentration du revenu servant a financer l'extension de la base économique de l'accumulation centralisée et extravertie. Au détriment des producteurs ruraux et des travailleurs urbains, le régime favorise institutionnellement la redistribution du revenu en faveur des cercles proches du pouvoir qui maintiennent le consensus des différentes fractions de la petite bourgeoisie bureaucratique et commercante. La structuration d'un tel mode de gestion constitue les prémisses au déclenchement d'une crise généralisée qui hypothèque la continuation des processus de développement intentionnellement manifesté dans la phase de reconstruction et de consolidation du pouvoir.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote