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Ménages Gécamines, précarité et économie populaire

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par Didier Kilondo Nguya
Université Catholique de Louvain - Diplôme d'Etudes Approfondies 2004
  

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CHAPITRE 3: REGARD CRITIQUE SUR LA RELATION PROBLEMATIQUE ENTRE ACCUMULATION A LA GECAMINES ET DEVELOPPEMENT DU KATANGA

L'hypothèse de <<trickle down >> et celle de <<Kuznets>> qui ont justifié les enjeux de la croissance économique dans les années 1950 et 1960 ont expliqué, selon F. Lapeyre, la faible problématisation de la relation entre croissance et pauvreté chez les pionniers du développement. D'après l'hypothèse de <<trickle down >>, les retombées positives de la croissance assureront automatiquement l'amélioration des conditions de vie des populations. Dans cette perspective, la priorité c'est le développement économique a partir d'une politique d'industrialisation car c'est dans ce secteur que l'accumulation du capital est le plus rapide et donc les effets de <<trickle down>> les plus forts. Quant a l'hypothèse de <<Kuznets >>, elle stipule que les inégalités générées par la croissance économique tendent a augmenter dans les premières phases du développement du fait des changements dans la structure économique puis ces inégalités tendent a baisser par la suite106. Les réalités observées dans plusieurs pays en développement ont permis de remettre en cause la fonctionnalité de ces hypothèses sur la relation positive entre croissance économique et revenus des populations dans la distribution des fruits de la croissance.

Le renforcement des inégalités induites par les processus de l'accumulation capitaliste a conduit, dans les années 1970, une catégorie de spécialistes du développement a développer un nouveau courant de pensée autour de l'idée d'un "autre développement". Ils ont défendu l'idée d'un découplage plus grand entre sphère d'accumulation et sphère de développement. Avec la crise de l'endettement des pays du Sud au début des années 1980, les programmes d'ajustement structurel qui devaient créer un environnement favorable aux forces de marché ont engendré un coüt social très important du fait du déclin des revenus du travail, des politiques de récessions et de la réduction des dépenses publiques en matière sociale. Durant la décennie 1990, l'aggravation de la détérioration des conditions de vie des populations, particulièrement dans les pays en développement, a amené les institutions du système des Nations unies et la Banque mondiale a préconiser des programmes de lutte contre la pauvreté, de création d'emplois productifs et de renforcement des capacités.

Le paradoxe dans tout ce qui précède, c'est que la croissance économique ne s'est pas accompagnée du développement dans plusieurs pays dont le Congo démocratique. Plusieurs explications ont été fournies a cet égard en fonction du paradigme en vogue. Nous proposons de jeter un regard critique sur l'explication du blocage de développement au Congo, en particulier dans la province du Katanga, a travers l'accumulation qui s'est opérée a la Gécamines pour ainsi dégager la relation problématique entre les expansions économiques réalisées durant certaines

106 Frédéric LAPEYRE, <<Regard critique sur la relation entre libéralisation, croissance et pauvreté >>, Projet conjoint IUED, UNRISD et SES, dans le cadre du RUIG., sd.

périodes et la détérioration des conditions de vie des populations du Katanga, en particulier les ménages qui dépendent directement de l'exploitation minière de la Gécamines. La démarche consiste a faire une lecture en termes des stratégies d'acteurs impliqués dans le processus d'accumulation de la Gécamines pour essayer de comprendre l'effondrement de ce complexe industriel et les implications que cela engendre par rapport a son espace socio-économique environnant. Pour ce faire, dans la première section, nous présentons les problèmes de gestion des ressources naturelles en général pour les pays en développement107. La deuxième section est consacrée a la lecture de la problématique de la rente minière de la Gécamines. La troisième et dernière section de ce chapitre s'occupe a établir, forte de l'analyse faite dans les sections qui la précèdent, la détérioration des conditions de vie et d'existence de l'environnement de ce complexe industriel.

3.1. DE LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES

De manière générale, la mauvaise gouvernance des revenus des ressources naturelles est au c>ur des problèmes économiques et politiques d'un très grand nombre de pays. Par rapport aux aspects caractéristiques des pays qui dépendent des revenus des ressources naturelles, on observe que les revenus générés par l'exploitation et l'exportation de ces ressources entravent le bon fonctionnement de leurs économies et de leurs gouvernements, et incitent souvent a des conflits internes, des mouvements sécessionnistes108.

109

Pour M. Ross, toutes les études menées ces dernières années concluent que les

pays qui dépendent des ressources naturelles de leur sous-sol voient leur croissance économique réduite. Une étude récente de la Banque Mondiale, note-t-il, a déterminé que les pays tributaires des exportations de minerais ont tous enregistré de très mauvais résultats économiques au cours des années 90. Les pays les plus dépendants de ces exportations sont aussi ceux qui bénéficient de la plus faible croissance économique et oü la pauvreté est la plus marquée. Ces constatations traduisent aussi bien la situation observée en R.D.C. En effet, trois décennies durant, la Gécamines qui incarnait la puissance de l'économie congolaise par ses recettes d'exportations a servi de vache laitière aux acteurs dominants du système tandis que les populations congolaises, particulièrement la masse ouvrière qui dépend directement de cette exploitation minière, croupit dans la pauvreté.

En observant la corrélation qui se dégage entre les deux grandeurs macro-économiques congolaises illustrées dans la figure 7 ci-dessous, nous pouvons admettre que les tendances de l'évolution du P.11.B. et de la consommation des ménages commercialisée corroborent les constatations de M. Ross a propos des résultats enregistrés par les pays tributaires des exportations de minerais durant les années 1990.

Figure 6. PIB ET CONSOMMATION DES MENAGES COMMERCIALISEE 1965-99

(en milliards de francs congolais, prix de 1987)

Source: MATON Joseph et Henri-Bernard SOLIGNAC LECOMTE, "Congo 1965-1999, les espoirs décus du <<Brésil africain >>", OCDE, Centre de développement, Documents techniques n° 178, septembre 2001

La consommation commercialisée de l'économie congolaise, qui suit l'évolution du P11B commercialisé, commence a baisser définitivement a partir de 1990. Auparavant, dans la deuxième moitié de la décennie 1970, la consommation des ménages est en réelle baisse nonobstant une courte reprise dans la deuxième moitié de la décennie 1980. Des avis de J. Maton et S. Lecomte, cela est dü a la réalisation du Plan Quinquennal de la Gécamines durant cette deuxième moitié de la décennie 1980. C'est l'époque a laquelle les institutions internationales (Banque Mondiale et FM11) soutenaient le Congo dans le but de rétablir les équilibres macro-économiques, en particulier dans le secteur public110. A partir des années 1990, c'est la débâcle de toute la structure politique, économique et sociale du Congo comme nous le montrons au quatrième chapitre. De méme, le secteur minier qui soutenait le P11B, lui aussi a connu une descente aux enfers, pour emprunter l'expression de E. Kennes111. Pour maintenir les revenus en cette période de basse conjoncture

110 Joseph MATON et Henri-Bernard S. LECOMTE, "Congo 1965-1999, les espoirs décus du <<Brésil africain >>", OCDE, Centre de développement, Documents techniques n° 178, septembre 2001.

111 Erik KENNES, Secteur minier au Congo: <<Déconnexion>> et descente aux enfers, L 'Afrique des Grands Lacs, Annuaire 1999-2000, Paris, L'Harmattan, pp. 305-348.

comme l'avait si bien expliqué Vanhaeverbeke112 apropos des comportements rentiers des pays en développement, le gouvernement congolais pratiquait le financement monétaire du déficit budgétaire113. Avec l'inflation ainsi créée, le processus de précarisation des conditions de vie de la population était enclenché, comme nous l'avons montré au chapitre 2.

Quant au fonctionnement des gouvernements des pays qui dépendent de l'exportation de ressources naturelles, comme le signale M. Ross, ces pays en question éprouvent de très grandes difficultés a gérer de manière efficace et structurée cette contrepartie de leurs exportations, ce qui favorise le développement de la corruption. Par ailleurs, ces pays connaissent un affaiblissement de l'état de droit. Lorsqu'ils bénéficient de sommes importantes issues de la vente de ressources naturelles, ils ont tendance a s'en servir pour installer un système de népotisme.

A la période 1960-70, nous avons assisté a la nationalisation des sociétés minières dans la plupart de ces nouveaux Etats indépendants. Cependant, la gestion publique de ce secteur minier qui s'en est suivie a produit, pour la plupart, des résultats mitigés. Il est interpellant d'observer par les comptabilités nationales qu'à la période 1970, les économies de certains pays africains présentaient une évolution supérieure par rapport a celles des pays émergents d'Asie. Depuis l'évolution mouvementée des prix des produits de base dans les années 1970, ces amplitudes ont montré les difficultés de gestion pour ces pays africains.

Nous nous préoccupons de faire dans la section suivante l'analyse de la gestion de la rente minière générée par l'exploitation minière de la Gécamines en République Démocratique du Congo.

112 Pour la plupart de pays mono-exportateurs, note A. Vanhaeverbeke, "en haute conjoncture, lorsque les recettes d'exportations sont importantes, ces pays ont tendance a consommer beaucoup, et comme la production intérieure est rigide, les prix montent. En basse conjoncture, le gouvernement cherche a maintenir les revenus et a éviter une déflation, politiquement difficile, en pratiquant l'impasse budgétaire qui constitue également une inflation". Cf. André VANHAEVERBEKE, <(Problèmes économiques des pays en voie de développement >>, Ministère des affaires étrangères, du commerce extérieur et de la coopération au développement, A.G.C.D., avril 1977, p. 44.

113 YAV, K.Y., <(La réforme monétaire, une année après le lancement du franc congolais: des résultats mitigés>>, Notes de Conjoncture, n° 32, juillet 1999, p.17 ; F. KABUYA Kalala et TSHIUNZA Mbiyc, L'économie congolaise et la réforme monétaire de juin 1998, L'AFRIQUE DES GRANDS LACS, ANNUA1RE 1999-2000, L'Harmattan, Paris, 2000; Tom Dc HERDT, "Democracy & The Money Machine in ZaIre", Review of African Political Economy, No. 93/94, Vol. 29, September/December 2002, pp. 445-462.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius