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Ménages Gécamines, précarité et économie populaire

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par Didier Kilondo Nguya
Université Catholique de Louvain - Diplôme d'Etudes Approfondies 2004
  

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3.2. PROBLEMATIQUE DE LA RENTE MINIERE DE LA GECAMINES

Contrairement a d'autres pays qui sont parvenus a se développer a partir de leurs minerais, la République Démocratique du Congo n'a pas pu profiter des siens. Le role de l'industrie minière était demeuré et demeure encore celui de fournisseur de matières premières a l'industrie occidentale bien que le pouvoir public y ait dü bénéficier des infrastructures et des revenus non négligeables. Les expansions considérables du niveau des forces productives de l'industrie minière n'ont pas correspondu avec le développement du Congo. En plus, les rapports qui s'établissent dans le partage du surplus économique croissant entre les acteurs impliqués dans le processus de l'accumulation a la Gécamines déterminent la nature de gestion de la rente minière générée par les exportations de cette entreprise.

Pourtant, dans l'explication du blocage de la croissance et, par voie de conséquence, leur développement, les acteurs nationaux ont eu a évoquer l'instabilité des cours des matières premières. Par ce fait, ils se sont évertués a incriminer pour une large part les modes d'exploitation dont ils sont l'objet de la part de l'impérialisme a travers la division internationale du travail, l'échange inégal, donc a travers la dépendance et la domination. Pour le Congo, il nous semble - dans les limites qui nous sont imposées par nos connaissances et par la disponibilité des informations - que les acteurs nationaux soient plus responsables de l'échec de l'industrialisation minière que ne le paraisse le système impérialiste. Nous tentons d'établir cette controverse dans les sous-sections qui suivent.

3.2.1. Instabilité des recettes d'exportations

Quand on évoque l'instabilité des recettes d'exportations, on fait souvent allusion aux fluctuations des cours des produits de base par rapport aux prix des produits manufacturés. L'une des premières analyses complètes qui a été élaborée pour rendre compte des blocages du développement par l'échange international est connue sous le nom de la <<théorie de la dépendance et de la domination >>. Pour ses partisans tels S. Amin, C. Furtardo, A. Gunder Franck, etc. , les modalités de l'échange international qui échappent aux pays exportateurs, contribuent au renforcement de la division internationale du travail, a un accroissement des inégalités internationales et a la dépendance des pays en développement. Avec le commerce international, les pays du Tiers monde ne tirent pas d'avantages et ils s'appauvrissent avec la croissance puisqu'elle entraIne une baisse de leurs revenus réels percus a l'exportation. La théorie de la dépendance et de la domination a pour point de départ l'idée de la dégradation des termes de l'échange des pays du Tiers-Monde. Cette thèse, controversée d'ailleurs, stipule que "les pays du Tiers monde exportent des matières premières dont les cours ne cesseraient de se dégrader alors qu'ils importent des

produits manufacturés dont les prix ne cessent de monter."114 D'oü, la perte du pouvoir d'achat des recettes d'exportation de ces pays. C'est donc considérer, dans la logique des tenants de cette thèse, que si le développement n'a pas suivi la croissance dans les pays en développement, c'est a cause de l'exploitation et de la domination dont ces pays sont sujets de la part des pays développés. La tendance a la dégradation des termes de l'échange peut se lire a travers le tableau ci après:

Tableau n° 6 INDICE DES TERMES DE L'ECHANGE (1980 = 100)

 

1960

1965

1970

1975

1981

1986

1989

1995

2000

Pays développés

117

120

122

109

98

110

112

115

110

PED

45

40

38

73

109

71

74

70

74

PED exportateurs depétrole

21

19

18

59

118

53

55

48

80

PED exportateurs deproduits manufacturés

120

123

124

136

99

94

91

-

-

Pays les moinsavancés

115

104

107

100

94

92

83

-

-

Source: CNUCED, Manuel des statistiques du commerce international et de développement.

Il ressort de la lecture du tableau ci-dessus que pour les pays développés, les termes de l'échange sont relativement stables jusqu'au choc pétrolier de 1973 et ils ont repris leur stabilité avec le contre-choc pétrolier de 1985-1986, reconnaissent certains auteurs. Par contre, pour les pays en développement dans leur ensemble, la dégradation des termes de l'échange est visiblement observable. Néanmoins, il importe de noter que cette dégradation n'est réellement perceptible en termes clairs qu'à partir de la décennie 1980. Avec une pertinente analyse, on va bien se rendre compte que cette dégradation des termes de l'échange n'était pas déterminante avant 1980 pour que ça explique le blocage des pays en développement exportateurs des matières premières comme on en a fait mention. Par ailleurs, il faut distinguer dans leur bloc les pays exportateurs de pétrole, les exportateurs des produits manufacturés et des exportateurs des matières premières autres que le pétrole. Les situations dans ce bloc des pays en développement sont a distinguer en fonction de la nature de la matière qui est exportée. Les disparités en revanche sont très fortes entre les pays producteurs de pétrole et les autres pays non-pétroliers.

La these de la dégradation des termes de l'échange des produits primaires a été intégrée dans une analyse plus large de la dépendance structurelle extérieure. Plusieurs autres analyses reprirent sous une autre formulation les themes de l'inégalité des rapports de force sur le marché mondial liée a la spécialisation des partenaires commerciaux. En termes clairs, les argumentations de la these de la dépendance et de la domination, surtout en sa version de modèle centre-périphérie, est une lecture socio-politique des faits, qui ne se justifient toujours pas en termes d'une lecture économique. Plutôt que de mettre l'accent sur une baisse généralisée des cours des matières premieres, leur instabilité semble être la regle. Ces cours sont soumis a des fluctuations liées aux processus d'ajustement de l'offre et de la demande115. Signalons aussi que des effets pervers tels que l'apparition de nouveaux producteurs ou l'utilisation des produits de substitution par les pays acheteurs peuvent aussi faire fluctuer ces cours des matières premieres a la baisse.

Concernant l'évolution des prix du cuivre (Fig. 7), ces derniers sont en général restés en dessous de leur niveau de 1972-74 ( 9.683,80 US $/tonne en mars 1974). D'une manière générale, les recettes d'exportations de la Gécamines, et donc de l'Etat congolais, sont profondément affectées par ces chutes des cours eu égard a la structure économique du Congo. Lors de son discours d'ouverture a la Réunion du Groupe Consultatif sur le ZaIre, Sambwa P. déclarait: <<Le ZaIre a enregistré une dégradation des termes de l'échange de 24 % en 1986 [...] Cela correspond a une moins-value de ses recettes d'exportations estimée a 400 millions de dollars, une somme égale a la moitié des recettes de l'Etat >>1 16 . ~ l est bien clair que pour une économie basée sur les exportations des matières premieres telle que l'économie congolaise, une fluctuation en termes de baisse des cours est une conjoncture difficile a gérer 117 tant pour la gestion de l'entreprise exportatrice que pour les finances publiques.

115 Par l'offre, on explique la dégradation des termes de l'échange en fonction des valeurs ajoutées aux produits de base qui sont inférieures a celles des produits manufacturés. Par la demande, cette analyse se fonde sur la loi d'Engel, surtout pour les produits agricoles, qui veut qu'au fur et a mesure que les prix montent, on passe des produits moins élaborés a ceux bien élaborés. D'oü, la supériorité de la demande des produits manufacturés sur celle des produits de base. Par les rapports des pouvoirs au sein des marchés (là on fait allusion aux multinationales qui gèrent les parts des marchés), l'explication se base sur les rapports des forces entre les firmes productrices et les entreprises qui commercialisent.

116 Discours d'ouverture du Citoyen SAMBWA P1DA B. (Commissaire d'Etat au Plan), Groupe Consultatif sur le Zaire, paris, 2 1-22 mai 1987, p. 11.

117 A la premiere moitié de la décennie 1980, le Congo / Zaire tirait l'essentiel de ses revenus des exportations de cuivre, du pétrole brut, du diamant, du cobalt et du café. Ces cinq postes constituaient 91, 5 % des exportations en 1983 et le cuivre seul représentait 51,2 %. Cf. Zaire Economic Memorandum, R. no. 5417-ZR, p. 83.

Figure 7: COPPER AND ECONOMIC CYCLE 1971-2003

6 000

4 000

Real Copper Price (LHS)

10000

8 000

2 000

0

janv 71 juin 76 nov 81 avr 87 sept92 févr 98 juil 03
Source: London Metal Exchange (LME), The Metals Seminar, 2003.

Au regard de la 2igure ci-dessus, bien que la tendance décroissante des cours de cuivre en longue période soit démontrée, remarquons que les pointes de la courbe (2luctuations en termes de hausses des cours de cuivre) correspondent quelque peu avec des périodes oü la Gécamines a produit a sa capacité maximale. Soit le tableau 5 ci-dessous qui présente ces correspondances.

Tableau n° 5: COURS DE CUIVRE ET PRODUCTIONS DE LA GECAMINES

 

Cours de cuivre
(US $/t)

Productions de cuivre a la
Gécamines (en tonnes)

1974

9 683,80

499.699

1975

3 510,00

495.944

1980

5 715,40

425.700

1987

3 515,60

494.109

1989

4 097,60

440.848

Sources: London Metal Exchange (LME), 2003, The Metals Seminar et
pour les productions de la Gécamines, voir annexe 3.

Par conséquent, le cuivre représentant plus de la moitié des recettes d'exportations du pays, il se dégage logiquement une croissance des recettes d'exportations et, implicitement, des recettes budgétaires pour l'Etat congolais (2ig. 8). Cependant, comment s'est effectuée la redistribution des revenus supplémentaires lors de ce boum du cuivre? Comment les ressources ont-elles été utilisées? De telles préoccupations nécessitent une lecture inverse a celle de modèle de centrepériphérie oü tout dépendait de l'articulation internationale dans l'explication du blocage des pays

en développement, exportateurs des produits de base. C'est donc une lecture en termes des stratégies d'acteurs qui devient pertinente pour comprendre comment le problème de la redistribution des revenus engendre le problème du pouvoir, le problème du capital humain dans la majorité des pays en développement, rentiers des produits de base.

Figure 8. EXPORTATION DE MINERAIS 1965-95 (en milliers de dollars)

Source: MATON Joseph et Henri-Bernard SOLIGNAC LECOMTE, "Congo 1965-1999, les espoirs décus du <<Brésil africain >>", op. cit.

En référence aux distorsions observées au Congo par rapport aux périodes des hausses des cours du cuivre et des effets de cette rente sur les revenus des populations et sur l'infléchissement des autres secteurs de l'économie, pouvons-nous affirmer que le Congo démocratique ait souffert de ce qu'on a nommé le "syndrome hollandais"118 et qui du reste, aurait rendu la diversification plus difficile? A notre avis, nous pensons que non. Les études empiriques effectuées dans des pays africains se positionnant dans des conditions quelque peu identiques a celles du Congo ont démontré que ce mal n'est pas aussi répandu qu'on pourrait le penser119. J-Ph. Koutassila est arrivé a conclure que la non-articulation de l'économie des pays africains, le role stabilisateur de l'économie populaire, l'importance de l'autoconsommation sont autant d'éléments

118 Suite a un choc exogène positif, l'arrivée des devises entraIne par le jeu de <<l'effet dépense>> une appréciation du taux de change réel qui provoque a son tour une baisse du volume de la production et des exportations traditionnelles. Lorsque la phase d'expansion du secteur en boum se tasse ou disparaIt, e processus précédemment décrit s'inverse grace, là aussi, aux mouvements des prix relatifs.

qui évitent aux éconornies africaines de connaItre des hausses excessives et généralisées des prix intérieurs en cas de bourn du secteur d'exportation. D'oü, la difficulté de la transplantation du rnal hollandais dans la réalité des éconornies de la plupart de pays africains.

En rapport avec l'utilisation des revenus extérieurs consécutifs au bourn du secteur rninier d'exportation en R.D.C., il s'avère que le lien entre l'expansion de ce secteur rninier consécutive aux périodes de hausses de cours (1973-74, 1979-80 et 1987-89) et la régression de l'autre secteur d'exportation traditionnelle, a savoir le secteur agricole, n'est pas facile a établir. En plus, la régression du secteur agricole d'exportation est antérieure a ce bourn du secteur rninier. Déjà, entre 1960 et 1965, "l'affaiblissernent du pouvoir d'Etat avait entraIné dans les carnpagnes un vaste rnouvernent de retour a l'autosubsistance et d'abandon des cultures cornrnercialisées d'exportation et, parfois rnêrne, des produits vivriers"120. Par conséquent, la faible diffusion des effets d'entraInernent du secteur rninier d'exportation121 sur le reste de l'éconornie n'induit pas une appréciation durable des prix relatifs qui pourrait justifier les rnécanisrnes du "syndrome hollandais" au Congo dérnocratique.

Reconnaissons toutefois que l'introduction du Congo dans les circuits de l'échange international lui a fourni une série d'occasions de croissance et de décollage éconornique. Malheureusernent, les acteurs nationaux dorninants n'ont pas saisi l'opportunité qui leur avait été offerte par la conjoncture internationale lors des hausses des cours du cuivre pour diversifier la structure de la base productive ou pour transforrner ce surplus en un rnouvernent curnulatif. Quand bien rnêrne, l'accroissernent des recettes d'exportation en périodes de hausse des cours des rnatières prernières n'est pas susceptible d'induire une diversification de la base productive des pays du Tiers-Monde122, il convient d'adrnettre que les logiques et les stratégies des acteurs nationaux dans la gestion des revenus d'exportation aient une part de responsabilité considérable pour justifier les contre-perforrnances de la Gécarnines et le gaspillage de la rente rninière qu'elle a générée.

D'oü l'opportunité, toujours dans la quête de l'explication de la relation problérnatique entre accurnulation et développernent au Katanga, de faire une autre lecture. Il s'agit d'une approche en terrnes des stratégies d'acteurs irnpliqués dans le processus d'accurnulation a la Gécarnines.

120 J~an-Ma~i~ WAUTELET, "L'agriculture, un enjeu oublié", in F. IBEZY, J-Ph. PEEMANS et J-M. WAUTELET (éds), op. cit., p. 115.

121 Ce type de croissance a donné naissance a la théorie d'éconornie d'enclave. Toutefois, cette notion est a nuancer dans le cadre de l'industrie rninière au Katanga. Cf. NYEMIBO Shabani, op. cit., pp. 126-132.

122 Pour les partisans de la théorie de la dépendance, la richesse, par le jeu de l'échange, s'accurnule donc au centre, rnêrne si elle est produite a la périphérie. Dans ce contexte, l'accroissernent des recettes d'exportation en périodes de hausse des cours des rnatières prernières est cornrne une situation conj oncturelle qui n'est pas susceptible d'induire une diversification de la base productive des pays du Tiers-Monde.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault