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Ménages Gécamines, précarité et économie populaire

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par Didier Kilondo Nguya
Université Catholique de Louvain - Diplôme d'Etudes Approfondies 2004
  

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3.2.2. Logiques et stratégies d'acteurs nationaux

L'objectif de cette sous section, c'est de mettre en lumière et d'analyser les logiques des acteurs nationaux, externes et internes a la Gécamines qui interviennent dans la gestion de cette rente minière ou dans la gestion et l'exploitation de cette industrie minière.

1. La gestion étatique de la rente minière de 1'U.M.H.K./ Gécamines

Au budget de l'Etat congolais, l'industrie cuprifère a notablement contribué (66 % en 1970) et a fourni aux pouvoirs publics un excédent utilisable pour le 2inancement de développement. Si nous prenons comme cadre de référence la période antérieure a la nationalisation de l'U.M.H.K., nous relevons le fait que dès l'origine, l'Etat colonial s'était réservé la moitié des béné2ices sur la base de sa contribution au capital de l'U.M.H.K. 123L'importance des 2lux monétaires de l'industrie du cuivre que l'Etat colonial gérait sous formes d'impôts, de taxes et de redevances peut se lire a travers le tableau ci-après :

Tableau n° 7: UTILISATION DES RECETTES DE L'U.M.H.K. (Recettes des années 1945 a 1952)

 

Répartition des recette

(en milliards de 2rancs belges

Parts relatives aux
recettes totales
(en %)

Chiffre d'a22aires

45

100

Frais de production

20

44

Impôts et redevances

10

23

Dividendes nets

6

13

Dépenses de premierétablissement

7

16

Participations et accroissement d'avoirs en Banque

2

4

Sources: NYEMIBO Shabani, op. cit.,p. 141.

Le tableau 7 témoigne de l'importance des 2lux monétaires que l'Etat colonial tirait de l'industrie du cuivre durant la période considérée, soit 23 % des recettes totales représentant les impôts et dividendes. ~l s'avère aussi, comme nous l'avons montré au chapitre 2, que l'Etat colonial était actionnaire de l'U.M.H.K. Par conséquent, il faut aussi considérer, outre les impôts, les dividendes percus en rémunération des concessions comme signalé en note.

D'après l'analyse de Nyembo S., l'Etat colonial occupait une place prépondérante parmi les différents actionnaires. C'est ainsi que la part du bénéfice qui lui revenait dépassait largement la moitié des dividendes que la société exploitante répartissait entre ses actionnaires privés. Dès lors, si le surplus économique distribué a ces derniers était régulièrement important, la part de l'Etat était de loin la plus élevée124.

Dès lors, l'injection des revenus procurés par l'exportation minière tant a l'intérieur de l'économie nationale que dans l'entreprise exploitante, retient notre attention dans le cadre de cette étude. Par rapport au tableau n° 7, les 44 % des frais de production comprenaient les dépenses afférentes a l'entretien du matériel, aux investissements sociaux tels les logements, l'éducation, la santé, etc., le paiement des fournisseurs et entrepreneurs locaux ainsi que la rémunération du personnel. Nonobstant le fait qu'une partie des revenus et dividendes est transférée a l'étranger, remarquons que méme avant la nationalisation de l'U.M.H.K., les flux monétaires diffusés dans les circuits intérieurs ne sont pas négligeables. Entre 1932 et 1946 par exemple, les flux monétaires que l'U.M.H.K. avait diffusés dans les circuits intérieurs sous la forme d'achat des biens et services locaux avaient augmenté de plus de douze fois, passant de 21 millions a 263 millions de francs congolais de l'époque125. De méme, sur les 19.350 millions de francs belges de recettes totales de l'U.M.H.K. dans les années 1951-52, la rémunération du capital travail représentait 2.193 millions (soit 11,3 %) contre 5.202 millions (26,8 %) des impôts, taxes et dividendes des actions émises en rémunération des concessions et la redevance au Comité Spécial du Katanga.

Fort de ces paramètres, Nyembo S. est arrivé dans ses analyses a considérer en son temps que la nationalisation des avoirs de l'U.M.H.K. aurait dü permettre au Trésor public d'augmenter considérablement le surplus économique qu'il retire de l'exploitation des mines du Katanga. C'est ce qui l'a conduit a conclure que l'industrie cuprifère congolaise constitue un pole de développement en considérant le role prépondérant de ses apports en tant que facteurs d'intégration économique et de transformation des structures. Ses analyses, c'était sans compter avec la gestion publique de la Gécamines de ces deux dernières décennies.

Au lendemain des indépendances, note L. Wells, l'industrie minière a été tributaire du sentiment de rejet envers l'ancienne métropole a la fin de la colonisation. Si certaines des sociétés minières nationalisées exploitant le cuivre ont connu une expansion de longue durée en l'occurrence la société nationale d'exploitation du cuivre en Indonésie, reconnaIt-il, par contre

124 Nyembo S. note que l'exercice 1956, qui est l'année la plus prospère de l'industrie du cuivre a l'époque coloniale, a permis de distribuer aux actionnaires privés un revenu net de 1.900 millions de francs belges tandis que le Trésor public devait encaisser une somme d'environ 4.500 millions, soit 2,3 fois la première. Cf. NYEMIBO S., op. Cit., pp. 141-142.

125 A. CHAPELIER, Elisabethville. Essai de géographie urbaine, Bruxelles, Académie royale des sciences coloniales, Classe des sciences naturelles et médicales, Tome VI, fasc. 5, 1957, p. 158, cité par NYEMIBO S., op. cit., p. 147.

d'autres ont connu des résultats négatifs, a l'instar des sociétés nationales de la Bolivie et du Chili126. Ce qui a de plus captivé notre attention dans sa réflexion, c'est la conclusion a laquelle Wells aboutit: <<Sans pour autant méconnaltre le role de l 'Etat, propriétaire des ressources naturelles, il est reconnu a l 'unanimité que l 'industrie minière est une activité compétitive et non

un monopole naturel >>127.

Le cas d'espèce de la Gécamines est illustratif de la caractéristique des sociétés minières, nationalisées, jouissant d'un monopole naturel et dans laquelle l'Etat s'est assuré le plus grand contrôle. Depuis les lendemains de l'indépendance en effet, les stratégies de l'Etat congolais consistaient en une politique systématique de participation dans l'économie, nous l'avons vu. La gestion publique de la Gécamines qui va suivre la nationalisation de l'U.M.H.K. présente une spécificité qui ne pouvait qu'entraIner une faillite de l'entreprise. Elle ne pouvait pas s'en sortir autrement dans la mesure oü elle a été incorporée dans un système de gestion, caractéristique de ce que l'on a nommé "le mal zairois". Pour expliquer le mécanisme du système de gestion publique congolaise, J. -M. Wautelet note que "la grande partie de la spécificité du système zaIrois réside dans une articulation particulière entre le pouvoir présidentiel, le parti unique, l'élite politique, le monde des affaires et le capital étranger, rythmée par les grands mouvements de la conjoncture économique extérieure."128 Pouvons-nous dès lors comprendre comment une entreprise minière, connaissant une tendance séculaire a la baisse et appelée a être compétitive, pouvait-elle évoluer dans un tel système clientéliste?

Le tableau n° 8 qui suit permet de montrer l'évolution de la capacité d'intervention de 'Etat congolais avant et après la nationalisation de l'U.M.H.K

Tableau n° 8: CAPACITE FINANCIERE D'INTERVENTION DE L'ETAT CONGOLAIS A DIFFERENTES EPOQUES DE L'HISTOIRE ECONOMIQUE DU PAYS (1)

 

1958/1959

1973/1974

1988/1989

1996et 1998

moyenne annuelle (en millions de dollars de 2000)

Recettes publiques a partir des ressources propres

1.200

2.050

1.200

330

Contribution de la Gécamines en %

20

50,2

39,5

0

Total de ressources publiques non- remboursables(2

1.230

2.380

1.500

non
disponibles

Dépenses publiques courantes

1.5 10

2.390

1.360

360

Total des dépenses publiques (3)

2.370

3.820

1.800

370

Recettes publiques propres par habitant en $ US

88

97

34

7

Dépenses publiques courantes par habitant

111

113

42

8

Dépenses publiques totales par habitant

174

18051

 

9

(1) Les chiffres présentés dans ce tableau sont des ordres de grandeurs

(2) Y compris les aides publiques étrangères sous formes de dons

(3) Comprend outre les dépenses courantes, les dépenses d'investissement financées par l'Etat et par les aides publiques extérieures qui ne passent pas directement par les comptes du Trésor

Source: Tableau 2, annexe 1, Rapport du groupe d'expertise congolaise de Belgique, op. cit., p. 54.

En effet, depuis la nationalisation de cette entreprise minière, sa contribution aux recettes publiques a plus que doublé en proportion a la décennie 1970 pour commencer a infléchir a partir de la décennie 1980. A la décennie 1990, elle est méme devenue insignifiante, si pas nulle. Tout aussi intéressant d'observer c'est le fait que les recettes publiques a partir des ressources propres ainsi que les dépenses publiques varient dans les mémes sens et quasi-proportionnellement a l'évolution de la contribution de la Gécamines dans le budget. La figure 9 ci-dessous qui met en évidence la part contributive de la Gécamines dans l'évolution de la capacité financière de l'Etat congolais depuis la décennie 1970 en donne un bon aperçu.

Figure 9. EVOLUTION DE LA CAPACITE FINANCIERE DU GOUVERNEMENT ZAIROIS, 1978-1998

Source: Tom De HERDT, "Democracy & The Money Machine in Zaire", Review of African Political Economy, No. 93/94, Vol. 29, September/December 2002, p. 448.

La préoccupation intéressante a ce niveau d'analyse est de chercher établir les usages que l'Etat congolais a faits de ces revenus miniers de la Gécamines depuis la nationalisation de l'U.M.H.K.

Des avis de différents analystes129, cette rente minière n'était pas réorientée dans le secteur minier comparativement a la période coloniale que nous venons d'analyser, pour entretenir les actifs, acquérir de nouvelles technologies et motiver le personnel, et enfin soutenir la croissance. Pour Nyembo S., les investissements que l'industrie du cuivre du ZaIre a effectués n'ont pas résolu le problème économique essentiel du pays130. Pourtant, "c'est a l'Etat

129 Banque Mondiale, "Zaire: Orientations stratégiques pour la reconstruction économique", Washington,

DC, novembre 1994 ; J-Ph. PEEMANS, Crise de modernisation etpratiques populaires au Zaire et en

Afrique, op. cit., p. 23; MULUMBA Lukoji, "La Gécamines: situation présente et perspectives", in

NOTESDE CONJONCTURE, n°24, Kinshasa, aoüt 1995, pp. 19-22.

130 Problème économique essentiel, c'est utiliser une partie des flux monétaires qu'apporte l'exportation cuprifère a la création d'entreprises industrielles qui pourront, en fin de compte, produire un courant de

qu'incombe, en premier chef, cette mission d'investir des capitaux dans les secteurs non miniers de l'économie nationale qui, au bout d'un certain temps, devront se substituer au secteur minier en tant que producteurs et répartiteurs des revenus."131 Pour J. -M. Wautelet, il faut ajouter a ce qui précède que ces revenus ont facilité également certaines dépenses somptuaires du régime Mobutu. Cette rente a été ainsi gaspillée au détriment de la formation interne du capital, du relèvement de la productivité moyenne du travail dans l'ensemble de l'économie, et de la diversification des secteurs d'activité.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote