WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Ménages Gécamines, précarité et économie populaire

( Télécharger le fichier original )
par Didier Kilondo Nguya
Université Catholique de Louvain - Diplôme d'Etudes Approfondies 2004
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

4.2. CONDITIONS SOCIO-ECONOMIQUES DES TRAVAILLEURS "GECAMINES"

Nous venons d'esquisser dans la section précédente le contexte général de la crise au Congo. La dynamique de l'effondrement de la Gécamines présentée au chapitre 3, est indissociable au contexte plus global de cette crise congolaise. La conséquence pour l'entreprise fut que les recettes de l'entreprise amenuisées ne permettaient plus a cette dernière de faire face aux coüts d'exploitation. C'est ainsi que le nombre des mois des salaires impayés augmentait de plus en plus, les prestations sociales étaient réduites au strict minimum. Devant la persistance des difficultés financières pour la gestion de l'entreprise, le gouvernement de salut public qui connaissait, par ailleurs, subséquemment a la crise de la Gécamines une détérioration considérable de ses recettes budgétaires (Cf. tableau n° 9), envisagea la restructuration de cette entreprise publique. La compression du personnel s'est avérée une nécessité impérieuse pour réduire considérablement les dépenses dues a l'enveloppe salariale des travailleurs, relancer la production et sauver ainsi la Gécamines de la faillite. Une mise en congé technique d'une fraction importante du personnel pour une durée indéterminée fut alors unilatéralement décidée par le comité de gestion avec l'appui du gouvernement de salut public. Initialement fixé a 12.000 individus151, le nombre des travailleurs mis en congé fut finalement de 7.7 10 travailleurs.

10.000 travailleurs.>> Cf. TSHIBAMBE Lubowa, Congo/R.D.C., dégraissage a la Gécamines, ANBBIA Supplément, issue-édition n° 376 du 15 octobre 1999, tiré sur http://ospiti.peacelink.it/anb.bia-html consultée en date du 20 mai 2004.

152 Le <<Phare >>, quotidien, Kinshasa, 3 mai 2002.

153 L'enquête du Bureau de coordination des affaires humanitaires signalait: <<Il est observé une perte de motivation des cadres de la Gécamines du fait des rémunérations salariales payées a tempérament et dont la moyenne de salaires est d'environ 3500 francs congolais par mois. Un tel niveau de salaire ne permet pas aux cadres de la Gécamines de faire face aux besoins vitaux de leurs dépendants. Les membres de la famille étendue se voient ainsi privés des avantages tirés jadis des effets redistributifs des revenus payés par la Gécamines.>> Cf. <<Impact humanitaire de l 'environnement socioéconomique >>, Synthèse 2 - Lubumbashi, Nations unies, Bureau de coordination des affaires humanitaires, OCHA, Kinshasa, avril 2000.

Une année après, en 2000, l'entreprise se mit a reprendre graduellement ses travailleurs "assainis" alors que son niveau d'activité ne s'était pas encore amélioré. Au cours de l'an 2002, l'Etat congolais, soucieux de relancer la Gécamines, sollicita auprès de la Banque Mondiale le financement du Programme d'assainissement de l'entreprise. Ce dernier consiste au paiement du décompte final aux travailleurs "sureffectifs" qui voudraient partir "volontairement" de la Gécamines et mettre en place des mesures d'accompagnement social.

Pendant toutes ces tentatives de négociations dans la recherche de solutions pour la Gécamines, les conditions de travail et de vie des travailleurs ne font qu'empirer. Nous analysons dans les sous-sections qui suivent cette détérioration des conditions d'existence des ménages Gécamines.

4.2.1. Problématique des salaires des travailleurs Gécamines

Le non-paiement des salaires a pris des proportions inquiétantes a la Gécamines. Le quotidien "Le phare" écrivait: <<le nouveau patron nommé a la Gécamines en 1999 paya une partie des arriérés de salaires mais ceux des salaires antérieurs, 1997 et 1998, ne purent être résorbés. Bien au contraire, ils furent alourdis par la suite par ceux de l'année 2001, soit a ce jour un total de près de dix-huit mois de salaires impayés >>152 . Depuis la fin des années 1990 en effet, quand les salaires sont payés, ils ne correspondent pas au mois de prestation et ils ne sont pas libérés intégralement153. L'ampleur que revêt ce phénomène a l'heure actuelle permet de cerner l'acuité des difficultés économiques et sociales auxquelles font face les ménages qui étaient longtemps marqués par une gestion paternaliste de l'employeur.

Pour montrer les conditions précaires dans lesquelles les ménages Gécamines sont réduits dans le contexte de cette crise de l'accumulation, nous exploitons les données quantitatives de l'enquête portant sur <<Les conditions socio-économiques des ménages Gécamines et ménages en zones d'influence de la Gécamines>> réalisée par l'Université de Lubumbashi au mois de mai

2003. L'enquête a été financée par la Banque Mondiale a travers le Bureau Central de Coordination/Kinshasa, en sigle B.C.CO. Elle avait pour objet l'analyse socio-économique des ménages Gécamines pour la mise en ceuvre du programme de départs volontaires de certains agents de l'entreprise. Elle a couvert les trois groupes d'exploitation de la Gécamines, a savoir les groupes Ouest, Centre et Sud. La population cible de l'étude est composée des ménages Gécamines partants et non-partants, des salariés des autres entreprises et des indépendants vivant dans la zone d'influence de la Gécamines (Voir les annexes 1 et 2).

Pour le besoin de notre analyse, nous considérons seulement les ménages Gécamines et nous les catégorisons en leur statut socioprofessionnel: main-d'ceuvre d'exécution (M.O.E.) et main-d'ceuvre cadre (M.O.C.).

Tableau n° 10: NIVEAU DES SALAIRES DES MENAGES GECAMINES

 

Ménages Gécammnes (1)

MOE

MOC

TOTAL

Momns de 20.000 Fc

32

0

32

De 20.000 a Momns de 45.000 Fc

341

0

341

De 45.000 a Momns de 80.000 Fc

44

2

46

De 80.000 a Momns de 100.000 Fc

0

18

18

Plus de 100.000 Fc

5

40

45

TOTAL

M

422

60

482

MOE = Main-d'ceuvre d'exécution et MOC = Main-d'ceuvre cadre

(1) = Ce sont les salaires nominaux tels qu'inscrits sur les fiches de paie. I ls représentent un pouvoir d'achat potentiel en cette période d'irrégularité de leurs paiements.

Il ressort des données de l'enquête de 2003 que les salaires de 373 ménages sur les 482 enquêtés se situent en deçà de 45.000 francs congolais, c'est-à-dire de plus ou moins 100 US $ (1 US $ = 445 Fc au moment de l'enquête). De ce groupe, 32 ménages MOE touchent un salaire inférieur a 20.000 Fc (plus ou moins 45 US $) et dans l'autre extrémité, 5 ménages MOE et 40 ménages MOC bénéficient des salaires supérieurs a 100.000 Fc, soit plus ou moins 225 US $.

Avant d'apprécier ces différents niveaux de salaires des ménages Gécamines, il nous semble indiqué de les confronter avec les dépenses que ces ménages ont a effectuer mensuellement.

Tableau n° 11: NIVEAU DES DEPENSES MENSUELLES DES MENAGES GECAMINES

 

Ménages Gécamines

MOE

MOC

TOTAL

Momns de 20.000 Fc

73

0

73

De 20.000 a Momns de 45.000 Fc

182

7

189

De 45.000 a Momns de 80.000 Fc

105

12

117

Plusde80.000Fc

36

34

70

TOTAL

396

53

449

N.B. : Certains ménages enquêtés ont eu des difficultés de présenter leurs situations des dépenses mensuelles et n'ont pas été comptabilisés dans cette sousrubrique. D'autres les ont innocemment, pensons-nous, sous-estimées par absence de culture d'élaboration de budget ni de planification des dépenses au foyer.

Sur 449 ménages ayant fourni les informations sur leurs dépenses mensuelles, 58 % dépensent moins de 45.000 Fc. Par contre, 15 % (70 ménages) dépensent au-delà de 80.000 Fc (180 US $). Il se constate que 73 ménages dépensent moins que 20.000 Fc alors qu'il n'y en a que 32 qui gagnent moins de cette somme. En effet, au moment oü se déroulaient les enquêtes, les travailleurs Gécamines traversaient la période de non-paiement de leurs salaires. Les fiches de paie leur étaient distribuées mensuellement mais le paiement effectif du mois correspondant ne s'effectue que quelques mois plus tard. Souvent, ce salaire, en plus d'être différé par rapport au mois correspondant, était libéré a tempérament. C'est ce qui explique l'infériorité des dépenses effectivement engagées par rapport au salaire nominal non disponible a la période considérée.

Qu'à cela ne tienne, des préoccupations méthodologiques sur la validité scientifique des résultats de ces enquêtes de l'Université de Lubumbashi en 2003 s'imposent. Il n'est pas aisé de percevoir a travers ces résultats la différence entre revenu et salaire des travailleurs de la Gécamines. En prenant le tableau n° 10, nous constatons que 5 ménages MOE bénéficient d'un salaire qui soit plus de 100.000 Fc (plus ou moins 225 US $). Cela dépasse largement la fourchette de salaire de cette catégorie socioprofessionnelle a la Gécamines qui oscille entre 40 et plus ou moins 130 US $, toute allocation comprise. Il apparaIt clairement que pour ces 5 ménages MOE dégageant cette tranche de salaires, l'on a considéré aussi les revenus. Une rigoureuse approche méthodologique des enquêtes aurait permis, pensons-nous, d'éviter l'intrusion de certains biais dans l'organisation et la réalisation efficiente desdites enquêtes.

Toutefois, ces enquêtes révèlent la problématique des salaires dans le contexte de la crise a La Gécamines. Les dépenses engagées par les ménages (Tableau n° 11) sont effectuées en l'absence de leurs salaires. C'est en réalité les revenus extra-salariaux qui ont permis la réalisation de ces dépenses. Ce qui est plus intéressant de voir, c'est qu'au moment des enquêtes ces ménages consomment en deçà de leur situation salariale, déjà insuffisante dans la conjoncture normale pour suffire au ménage. Nous pouvons ainsi admettre que les conditions de vie de ces ménages se sont dégradées et leur existence devient précaire.

N'ayant pas effectué une observation du terrain dans le sens de l'orientation du sujet de notre mémoire, nous ne nous référons a ces données que de manière formelle en nous basant sur les connaissances que nous avons du terrain.

Selon les enquêtes de l'Observatoire du Changement Urbain (O.C.U.) sur les ménages a Lubumbashi en 2000, les dépenses ordinaires mensuelles pour l'alimentation, le logement, l'instruction, la communication, la santé et les loisirs, etc., s 'évaluaient a 10.163 Fc (1US $ = 80 Fc au moment des enquêtes) tandis que les revenus ordinaires (salaires) moyens mensuels par ménage ne représentaient que 3.330 Fc. Le revenu mensuel était donc les 32,47 % des dépenses mensuelles. Cela signifie que rares sont encore les ménages qui peuvent prétendre survivre avec le salaire mensuel comme seule source de revenu. Des revenus extra-salariaux (67,23 %) sont indispensables pour nouer tant bien que mal les deux bouts du mois. En définitive, les enquêtes de l'OCU ont dégagé des dépenses moyennes mensuelles de 21.464 Fc (10.163 Fc des dépenses ordinaires et 11.301 Fc des dépenses extra-ordinaires) contre 10.5 16 Fc des revenus (8.523 Fc des revenus ordinaires et 1.993 Fc des revenus extra-ordinaires)154.

Pour les enquêtes de l'Université de Lubumbashi de 2003, l'encodage qui y a été effectué ne nous permet pas de dégager le salaire moyen, ni la dépense moyenne. Néanmoins, certains rapports peuvent en être dégagés. En référence aux revenus ordinaires moyens pour les ménages de Lubumbashi en 2000 qui est de 3.300 Fc (41,25 US $), il se dégage le constat selon lequel les agents Gécamines devraient mieux vivre que le Lushois moyen car il n'y a que 32 ménages MOE sur 422 qui gagnent un salaire inférieur a 20.000 Fc (45 US $ en mai 2003). La majorité des ménages Gécamines enquêtés gagnent plutôt du salaire variant entre 20.000 et moins de 80.000 Fc. Ce sont donc 385 ménages (soit 80 % de l'échantillon) qui gagnent un salaire audessus de la moyenne établie par les enquêtes de l'OCU. Par rapport a d'autres entreprises échantillonnées de Lubumbashi cependant, les salaires payés a la main-d'>uvre d'exécution s'écartent légèrement de leur moyenne. Les enquêtes de l'O.C.U. ont en outre établi a 6.329 Fc (79 US $) le niveau du revenu salarial octroyé a un travailleur du niveau de man>uvre par les

entreprises de Lubumbashi155. Si le niveau de vie des agents Gécamines était envié par le reste de la population, c'est parce que la Gécamines les protégeait de la conjoncture de crise avec des avantages sociaux qu'elle leur assurait notamment la ration alimentaire, les soins médicaux, le logement, la scolarité des enfants, etc. Dans le contexte de la suppression de ces avantages sociaux et de l'irrégularité de paiement des salaires, c'est la précarité qui caractérise les conditions d'existence de ces ménages.

L'impasse budgétaire qui se dégage entre les revenus gagnés par les ménages et les dépenses qu'ils réalisent dans le cadre des enquêtes de l'O.C.U. en 2000 ou encore les dépenses engagées par les ménages Gécamines a l'absence des salaires dans le cas des enquêtes de l'Université de Lubumbashi en 2003, dénote d'une lutte que désormais les ménages au Katanga sont appelés a mener pour la survie.

A l'instar des enquêtes de l'O.C.U., J. Houyoux réalisa dans les années 1970 des enquêtes sur les budgets ménagers avec Y. Lecoanet156 pour la ville de Lubumbashi et L. Lohletart157 pour la ville de Kolwezi. De leur étude a Lubumbashi, il ressort qu'en 1973 un ménage moyen de 6,5 personnes dépensait 41,82 Z (1 Z équivalait a 2 US $) et que les salariés en moyenne n'arrivaient a couvrir que 82 % de leurs dépenses de consommation. Pour la ville de Kolwezi, Houyoux et Lohletart ont déduit 34,98 Z des dépenses pour un ménage moyen de 5,9 personnes. Les salaires représentaient a Kolwezi 76,9 % des dépenses globales et 81,3 % des dépenses de consommation.

Par rapport a leurs résultats, il convient de noter que si en 1973 les revenus ordinaires des ménages de Lubumbashi couvraient 82 % de leurs dépenses de consommation, en 2000 ils ne couvrent plus que 32,47 % des dépenses mensuelles d'après les enquêtes de l'O.C.U. Si 22,6 % des ménages Gécamines enquêtés gagnent un salaire supérieur a 45.000 Fc (plus ou moins 100 US $) alors que 58 % dépensent a l'absence du salaire moins de cette somme, c'est que le minimum vital n'est plus garanti pour la plupart de ces ménages. Si auparavant les ménages Gécamines étaient longtemps protégés de la crise grace a la rente minière, dans le contexte actuel des irrégularités de paiements des salaires et, surtout de la suppression des avantages sociaux, il convient d'admettre que leurs conditions de vie se sont dégradées. La mise en place par les agents des diverses stratégies comme analysées par B. Rubbers158 trouve son opportunité.

155 L'O.C.U. a organisé en septembre 2000 une enquête auprès de onze grandes entreprises de la place sélectionnées par référence sectorielle. C2. Pierre PETIT (éd.), op. cit., 232-235.

156 Joseph HOUYOUX et Yann LECOANET, LUBUMBASHI. Démographie, budgets ménagers et étude du site, Bureau d'Etudes d'aménagements Urbains, Kinshasa, 1975.

157 Joseph HOUYOUX et Louis LOHLETART, KOLWEZI. La ville, sa population et les budgets ménagers, Bureau d'Etudes d'aménagements Urbains, Kinshasa, 1975.

158 Benjamin RUBBERS, "L 'effondrement de la Générale des carrières et des Mines, op. cit.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams