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Ethique déontologie et régulation de la presse écrite au Sénégal

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par Moussa MBOW
Université Bordeaux 3 - Sciences de l'Information et de la Communication 2004
  

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Pluralisme et démocratie

Le pluralisme suppose une diversification du secteur médiatique. Outre l'existence de plusieurs organes de presse il y a surtout la diversité des contenus qui soient à même de refléter les intérêts de toutes les franges de la population. Comme nous venons de le voir, au Sénégal, le pluralisme de la presse écrite est devenu une réalité grâce à « l'ouverture démocratique » sous Abdou DIOUF. A en croire Emmanuel KANT63(*), le pluralisme est le plus sûr élément pour évaluer la vitalité d'une démocratie. Nous allons voir comment cela se matérialise dans une démocratie comme le Sénégal en nous interrogeons d'abord sur les fonctions que peut accomplir la presse en démocratie. Ensuite nous tenterons d'analyser les défis que rencontre la presse indépendante en voulant jouer ce rôle. En dernier lieu, nous verrons que le travail de la presse dite people non plus n'est pas de toute aise parce que tiraillée entre la liberté d'informer et le devoir de réserve imposé par une société pudique et conservatrice.

I Rôle de la presse en démocratie

Dans la première partie nous avons montré que le Sénégal fut l'un des premiers pays africains à se préoccuper de l'évolution de la presse et de tous les attributs afférant au métier de journalisme. Souvent présentée comme une vitrine, un modèle dont pas mal de pays africains doivent suivre l'exemple, la presse sénégalaise présente les contours de celle d'une démocratie.

Selon Claude-Jean BERTRAND64(*), il existe quatre régimes de presse possibles. Deux despotiques (l'un autoritaire, l'autre communiste) et deux autres démocratiques (libéral et de responsabilité). Le régime libéral est né en Europe au siècle des lumières (18e). Il se caractérise évidemment par son libéralisme. C'est-à-dire par un désengagement de l'Etat qui laisse faire : « il suffit que tous les faits soient objectivement rapportés et que toutes les opinions soient mises sur le marché des idées »65(*). Le risque évidemment est d'assister à ce que les tenants de l'école de Francfort et les marxistes condamnent vigoureusement. Selon eux la libéralisation du secteur médiatique conduit au monopole d'une élite fort peu soucieuse des aspirations des masses populaires. Quant au régime dit de responsabilité sociale66(*), il n'est en fait que le prolongement du précédent en s'efforçant toutefois d'associer liberté et qualité des médias. Les médias doivent être indépendants, donc des entreprises commerciales à la recherche du profit, mais ils doivent aussi être responsables vis-à-vis des groupes de la société. Pour cela « il est préférable qu'ils s'amendent en fonction d'une déontologie qu'ils auront choisie eux-mêmes »67(*).

Le régime adopté par le Sénégal est une conjugaison des deux derniers : le régime libéral de responsabilité qui règne dans une démocratie. Déjà en 1947, l'application de la loi française du 29 juillet 1881 jusque là partielle, devenait effective. La constitution sénégalaise de 1963 en son article 8 garantit à chaque citoyen la liberté d'expression « chacun a le droit d'exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume et l'image ». Cette garantie est une source où s'abreuve la liberté de presse. Une loi, encore appelée code de la presse fut votée à l'assemblée le 11 avril 1979. Jugée incompatible avec l'évolution démocratique du Sénégal, elle fut abrogée en 1986 par une autre loi, celle du 16 juin 1986 qui, à son tour fut remplacée par la loi du 22 février 1996 actuellement en vigueur. Selon cette loi « tout organe de presse peut être publié sans autorisation préalable et sans dépôt de cautionnement »68(*). En outre, cette nouvelle loi donne plus de liberté aux journalistes contrairement à la précédente qui leur fixait plus de devoirs que de droits. Elle stipule que « le journaliste ou le technicien de la communication sociale a libre accès à toutes sources d'informations non confidentielles et a le droit d'enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique »69(*).

Selon Loïc HERVOUET70(*), trois libertés constituent le soubassement d'une liberté complète de l'information dans une démocratie. Il s'agit de la liberté d'expression reconnue dans la constitution sénégalaise, la liberté du média et celle du journaliste, également affirmées dans la loi du 22 février 1996. Ces trois libertés sont imbriquées et reconnues par les textes qui constituent le fondement de la déclaration universelle des droits de l'homme. En effet, la charte des Nations Unies, ratifiée par l'Etat sénégalais stipule que « la libre communication des idées et des opinions est un droit naturel inaliénable et sacré, l'un des plus précieux de l'homme ».

Les fonctions de la presse dans un régime libéral de responsabilité concourent à la consolidation de la démocratie. Aurélien LECLERC71(*) en a relevé six : selon cet auteur, la première fonction remplie par tout organe de presse est évidemment l'information. La presse doit nous tenir au courant des événements importants de notre environnement, elle permet ainsi au lecteur d'évaluer les demandes des groupes et les réactions des gouvernants. La deuxième fonction, c'est le renseignement que les médias remplissent en offrant à tout un chacun ce qu'il cherche ou tente de faire. La troisième concerne la prise de position que peut faire un journal sur des sujets de grand intérêt comme en témoignent les éditoriaux, les commentaires et autres papiers d'analyses. La quatrième renvoie au caractère distrayant que peut avoir la presse, notamment avec les rubriques sportives, mots-croisés, feuilletons, bandes dessinée...le seul acte de lire pouvant être considéré comme un loisir pour certains lecteurs. L'avant dernière est la fonction mobilisatrice parce que la presse développe un sentiment d'appartenance à une communauté, à une collectivité. La sixième et dernière fonction est instructive puisque la presse peut avoir un rôle éducatif. Elle prendrait le rôle de l'instituteur et des professeurs après l'école, chargé d'aider le citoyen de se faire son idée de manière autonome. Ainsi, elle participe à une mise à jour perpétuelle des connaissances acquises sur les bancs de l'école.

En nous référant aux travaux de Jean STOETZEL72(*), nous allons essayer de réduire ces six fonctions en trois, mise à part la fonction évidente et principale qui est l'information. Nous retiendrons :

- la fonction d'appartenance sociale ou mobilisatrice . Concernant la presse sénégalaise, la presque quasi-totalité des journaux se disent indépendants. Mais l'analyse du contenu rédactionnel d'un journal comme Le Soleil montre pourtant une évidence qui ne souffre d'aucune ambiguïté, à savoir son allégeance au pouvoir étatique. Des journaux comme Walf, Sud Quotidien... ont joué le rôle de « sentinelles de la démocratie » en accompagnant la victoire du Front pour l'alternance (FAL)73(*) lors de la présidentielle. En se faisant le relais des tensions populaires mais également en fustigeant l'action du défunt gouvernement, n'est-ce pas là une manière de mobiliser tous les insatisfaits d'un système ?

- la fonction récréative ou de divertissement : les journaux sénégalais assument aussi cette fonction comme en témoignent les rubriques Sports, Culture et les jeux qu'ils proposent aux lecteurs

- la fonction psychothérapeutique : elle semble proche de la précédente mais se différencie par son effet cathartique : elle se manifeste particulièrement dans les articles de faits-divers. Comment ne pas voir dans la manière qu'ont les journaux people de traiter les histoires de sexe, de sang et de mondanités « une satisfaction au moins imaginative et verbale, à notre violence, à nos revendications, à notre besoin de protester ? »74(*)

En définitive, il est évident qu'il ne peut y avoir de presse libre en dehors d'une démocratie comme il est aussi impossible de parler de démocratie sans presse libre. Débarrassée de toute contrainte, elle est à même d'assumer le rôle qui lui est dévolu. Qu'elle soit mobilisatrice, récréative ou psychothérapeutique, elle doit viser à servir toutes les franges de la société. Au Sénégal, cette expression des sensibilités plurielles fait passer la presse indépendante pour une presse d'opposition, anti-gouvernementale.

* 63 E. KANT, Qu'est-ce que les lumières ? Paris, GF, 1991

* 64C-J BERTRAND : Les fonctions des médias, régime acteurs rôle in Médias : Introduction à la presse, radio et télévision, Ellipses, Paris 1999

* 65 Idem

* 66 L'expression « de responsabilité sociale » est de R. M. HUTCHIN, recteur de l'Université de Chicago en 1942. Il pensait que les médias ne doivent être ni sous contrôle encore moins sous la responsabilité de l'Etat.

* 67 J. C BERTRAND, idem

* 68 Loi du 2 février 1996, loi n°92-16, chp 4, art 15

* 69Idem, art 26

* 70L. HERVOUET, Journalisme et citoyenneté : les jumeaux de la démocratie in le journaliste acteur de société, Cahier ESJ, Lille 1996

* 71 A. LECLERC, L'entreprise de presse et le journaliste, Presse universitaire de Québec, 1991, pp. 6-8

* 72 Cf. F. BALLE et J.-G . PADIOLEAU, Sociologie de l'information : textes fondamentaux, Larousse, Paris 1972, pp. 281-282

* 73 Nom donné à la coalition de l'opposition menée par Abdoulaye WADE lors de l'élection présidentielle de 2000

* 74 J. STOETZEL, Sociologie de l'information: textes fondamentaux, sous dir. de F. BALLE et J.G. PADIOLEAU, Librairie Larousse, Paris 1972, p. 282

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote