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Les rapports juridiques entre les droits interne et communautaire dans le contentieux des contrats de la commande publique


par Steeve BATOT
Université Robert Schuman Strasbourg 3 - Master 2 "droit public fondamental" 2008
  

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B. La forclusion

Traditionnellement employée en contentieux administratif, la forclusion pose une condition supplémentaire à la recevabilité des recours. Passé ce délai, la requête devient irrecevable. Si le droit communautaire permet aux Etats d'instaurer de tels procédés, le législateur n'a pas employé la faculté qui lui était ainsi reconnue (1). Cette position semble toutefois en contradiction avec l'attachement aux contraintes de temps dans l'exercice des recours que le juge du contrat a récemment affirmé dans un souci contemporain de sécurité juridique (2).

1. Une faculté inemployée

Ce n'est pas à la brièveté ni au laconisme des directives « recours » que l'on doit la reconnaissance explicite aux Etats de la faculté d'instituer des délais de forclusion afin de restreindre l'accès au juge. Celles-ci se contentent simplement de rappeler qu'ils disposent d'un principe d'autonomie procédurale dans la fixation des règles internes87(*). Face aux silences de ce texte, le législateur a, sans doute par prudence, refusé de soumettre la saisine du juge des référés précontractuels à un délai de forclusion. Il a ensuite été conforté dans sa position par la jurisprudence88(*). L'exigence de célérité des recours imposée par les directives aurait pourtant pu l'en persuader. En effet, un recours rapide au sens du droit communautaire a pour finalité de purifier une procédure de passation des irrégularités qui l'affectent avant que ces dernières ne soient difficilement corrigibles, l'acte en cause ayant produit des effets juridiques ou le contrat ayant été signé. L'établissement d'un délai de forclusion participe donc à cet objectif de rapidité en ce qu'il incite les requérants à la diligence et à saisir au plus tôt une instance chargée des recours.

Cependant, il est indéniable que l'irrecevabilité du recours précontractuel une fois le contrat conclu a un effet similaire au dépassement d'un délai de forclusion puisque dans les deux cas, le recours est irrecevable. Mais là où ce dernier reste fixe et prévisible, la signature du contrat est un fait qui dépend variablement de la volonté d'une personne publique. Surtout, certaines procédures de passation sont longues. Il en est ainsi, en pratique, des marchés passés selon la procédure de dialogue compétitif ou des contrats de partenariat. Or, ce dernier procédé contractuel sera sans doute davantage employé. Pour ces raisons, il serait judicieux de mettre en place un délai de forclusion de manière à ce que les irrégularités entachant les actes liminaires d'une procédure de passation ne puissent être soulevées peu avant la signature. Le droit communautaire encourage par ailleurs à l'emploi de telles règles contentieuses.

Ainsi, la Cour de Justice a précisé que la directive « recours » ne s'oppose pas à une réglementation nationale prévoyant que « tout recours contre une décision du pouvoir adjudicateur doit être formé dans un délai prévu à cet effet et que toute irrégularité de la procédure d'adjudication invoquée à l'appui de ce recours doit être soulevée dans le même délai, sous peine de forclusion, de sorte que, passé ce délai, il n'est plus possible de contester une telle décision ou de soulever une telle irrégularité, pour autant que le délai en question soit raisonnable »89(*). Le standard du raisonnable employé par la Cour n'a pas l'avantage de la précision. Il laissait d'ailleurs mal augurer la compatibilité de brefs délais de forclusion avec les exigences de la directive puisque la Cour préférait jusqu'ici appuyer son raisonnement sur une conception extensive du droit au recours effectif. Il n'en est rien : un délai de forclusion de deux semaines est jugé raisonnable et n'est pas, en tant que tel, contraire aux objectifs de la directive90(*). De plus, la nouvelle directive prévoit que lorsqu'un « recours contre une décision d'un pouvoir adjudicateur [...] doit être formé avant l'expiration d'un délai déterminé, ce délai est égal à dix jours calendaires au moins à compter du lendemain du jour où la décision du pouvoir adjudicateur est envoyée au soumissionnaire »91(*).

Les exigences communautaires étant précisées et la nécessité de sécurité juridique se faisant toujours plus grande, il est théoriquement concevable d'instituer un délai de forclusion en droit français. La pratique interne du contentieux contractuel pourrait néanmoins perturber l'application d'un tel mécanisme. En effet, la procédure de passation des contrats publics peut être qualifiée de procédure complexe de sorte que le requérant est recevable à contester tout acte s'y rapportant indépendamment des conditions de délai92(*). L'invocabilité par voie d'exception emporte un effet identique93(*). Mais le mécanisme de la forclusion conserve son plein intérêt dans la mesure où ces méthodes d'invocabilité visant à lui échapper restent d'application rarissime, sans doute en raison de leur obscurité théorique.

Si le droit français a manqué à l'occasion de saisir les potentialités du droit communautaire, cette lacune pourrait néanmoins évoluer en faveur d'une sécurité juridique accrue. En effet, le juge du contrat a récemment exprimé son attachement au principe de la forclusion.

* 87 Directive 89/665, art. 1 § 3 : « Les États membres assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer [...] ». 

* 88 Il a été jugé que le rejet par l'administration d'une demande préalable ne fait pas courir le délai de droit commun de deux mois au terme duquel le recours précontractuel serait irrecevable. Voir en ce sens CE : 30 juin 1999 : SMITOM Centre Ouest Seine et Marnais, n° 198147, in LPA, 28 juin 2000, n° 41, p. 10, note C. BOITEAU.

* 89 CJCE, 12 décembre 2002 : Universal Bau AG, aff. C-470/99, Rec. CJCE, p. I-11617, point 79, in RDI, 2003, p. 81, note J-D. DREYFUS.

* 90 CJCE, 12 décembre 2002 : Universal Bau AG, aff. C-470/99, préc.

* 91 Directives 89/665 et 92/13 modifiées, art. 2 quater.

* 92 Voir notamment TA, Strasbourg, 14 novembre 2000 : Daniel Delrez /c. Ville de Metz, n° 99-3999, in AJDA, 2001, p. 385, Concl. P. DEVILLERS. « Considérant que la délibération du 30 avril 1999, par laquelle le Conseil municipal de la ville de Metz à autoriser le maire à engager une procédure d'appel d'offres en vue de la passation d'un marché de conception-réalisation constitue, avec la délibération du 29 octobre 1999 décidant du choix des titulaires de ce marché, les éléments d'une même opération complexe : que dans ces conditions M. Delrez est recevable, pour obtenir l'annulation de la délibération contestée, à exciper de l'illégalité éventuelle de la première délibération [...] ».

* 93 Le juge de l'excès de pouvoir en limite parfois les effets par application de la théorie des droits acquis. Pour illustration, voir CAA, Bordeaux, 23 octobre 2003 : Département de la Réunion, n° 01XB02357, in Contrats et Marchés Publ., janvier 2004, n° 1, comm. 13, note Ph. DELELIS. « Considérant que [...] la décision de signer le contrat crée en effet au profit du co-contractant de l'administration un droit acquis, sur lequel il ne peut être revenu, passé le délai de recours contentieux ».

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon