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Les rapports juridiques entre les droits interne et communautaire dans le contentieux des contrats de la commande publique


par Steeve BATOT
Université Robert Schuman Strasbourg 3 - Master 2 "droit public fondamental" 2008
  

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2. Le juge du contrat au secours de la sécurité juridique

Dans son arrêt d'Assemblée Sté Tropic Travaux Signalisation94(*), le Conseil d'Etat a estimé que le nouveau recours des tiers évincés à l'encontre du contrat « doit être exercé [...] dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées ». Par cette formulation, la haute juridiction administrative affiche clairement sa volonté d'enserrer le recours dans un délai de forclusion. En effet, il appartient aux mesures de publicité appropriées de déclencher le délai au terme duquel le requérant est forclos. Or, l'accomplissement de ces mesures n'obéit apparemment pas à un formalisme démesuré puisqu'il est suggéré qu'un « avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi » peut suffire. Préconisant « un simple affichage »95(*) pour les contrats les plus modestes, les conclusions du Commissaire du Gouvernement CASAS attestent une nouvelle fois de cette volonté de déclencher le délai de sorte que les tiers évincés ne puissent attaquer indéfiniment le contrat. Pour l'heure, les mesures de publicité appropriées n'ont pas fait l'objet de précision de la part des juridictions administratives. Le droit communautaire peut néanmoins fournir quelques éléments de réflexion.

Le droit communautaire a expressément réitéré son attachement au principe de la forclusion. En effet, les Etats peuvent prévoir que l'introduction d'un recours à l'encontre du contrat intervienne avant l'expiration d'un délai minimal de trente jours à compter du lendemain du jour où l'entité adjudicatrice a publié l'avis d'attribution ou a informé le soumissionnaire de la conclusion du contrat96(*). Ils peuvent également prévoir que le recours soit exercé au plus tard six mois à partir du lendemain du jour où le contrat est conclu97(*). Mais comme à son habitude, la Cour de Justice préfère la plasticité à une définition claire et précise. Les solutions dégagées au sujet des recours à l'encontre des décisions du pouvoir adjudicateur en témoignent. Ces solutions méritent d'être relatées car elles seront certainement reprises s'agissant du recours à l'encontre du contrat. Ainsi, la Cour a considéré que la compatibilité avec le droit communautaire d'un délai de forclusion devait s'examiner en tenant compte notamment de sa place « dans l'ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités »98(*). Si un délai de forclusion n'est pas en soi contraire au principe d'effectivité, son application en fonction des circonstances particulières de l'espèce peut le devenir. Par application de cette règle, il a été jugé qu'un délai de forclusion méconnaît le principe d'effectivité dès lors que l'avis de marché ne comporte aucune information quant à la valeur du marché à attribuer et que le pouvoir adjudicateur répond de manière évasive et ambiguë à la requérante au principal de façon à dissiper ses interrogations99(*). Par conséquent, la Cour est attentive au comportement du pouvoir adjudicateur. Celui-ci occupe une place prépondérante dans son raisonnement et détermine la compatibilité du délai avec les exigences de la directive « recours ». De même, le comportement du soumissionnaire n'est pas occulté. Un opérateur doit être expérimenté, c'est à dire « raisonnablement informé et normalement diligent »100(*). S'il ne revêt pas cette qualité, la forclusion lui sera opposée avec d'autant plus de facilité. Son manque de diligence le prive alors d'un recours101(*).

Cette méthode logique, réaliste et pragmatique pourrait inspirer le juge interne dans l'interprétation des mesures de publicité appropriées dont il est question dans l'arrêt Sté Tropic Travaux Signalisation. Il serait souhaitable que le juge du contrat reconnaisse avec malléabilité et souplesse l'accomplissement de telles mesures de sorte à déclencher le délai sans pour autant retirer aux justiciables la garantie d'un recours effectif. Cette démarche invite nécessairement les candidats s'estimant lésés à la diligence et à la prudence, puisqu'à défaut, leurs requêtes sont irrecevables au terme du délai fixé. Elle n'est d'ailleurs pas méconnue du juge de l'excès de pouvoir dans le contentieux de l'acte détachable102(*) et guidera certainement le juge du contrat dans l'opposabilité du délai de forclusion, « l'obligation de due diligence »103(*) ayant vocation à gouverner l'ensemble de la décision Sté Tropic Travaux Signalisation.

Il est probable que le mécanisme de la forclusion attaché au recours contractuel sera sûrement d'une mise en oeuvre délicate et problématique. Il imprime néanmoins l'ensemble de ce contentieux de l'impérieuse nécessité d'assurer la sécurité juridique et rompt avec le choix initial d'un législateur allant au delà de ce qu'implique le droit communautaire. Pourvu d'un même état d'esprit, le juge interne dépasse également les exigences communautaires en procédant à une recherche active des irrégularités.

* 94 CE, Ass. 16 juillet 2007 : Société Tropic Travaux Signalisation, préc.

* 95 Conclusion D. CASAS sur CE, Ass. 16 juillet 2007 : Sté Tropic Travaux Signalisation, in RFDA, 2007, p. 696.

* 96 Directives 89/665 et 92/13 modifiées, art. 2 septies, 1. a).

* 97 Directives 89/665 et 92/13 modifiées, art. 2 septies, 1. b).

* 98 CJCE, 27 février 2003 : Santex SpA, aff. C-327/00, Rec. CJCE, p. I-1877, point 57, in Contrats et Marchés Publ., juin 2003, n° 6, p. 25 ; note F. LLORENS.

* 99 CJCE, 11 octobre 2007 : Lämmerzahl GmbH, aff. C-241/06, Rec. CJCE, p. I-8415, in Europe, décembre 2007, n° 12, comm. 340, E. MEISSE.

* 100 Concl. E. SHARPSTON, point 68, sur CJCE, 11 octobre 2007 : Lämmerzahl GmbH, aff. C-241/06, préc.

* 101 Pour un raisonnement analogue, voir CJCE, 12 février 2004: Grossmann Air Service, aff. C-230/02, préc. Dans cette affaire, la Cour se fonde sur le critère du degré de connaissance de l'irrégularité pour refuser l'accès au juge à la requérante qui a préféré attendre la décision d'attribution pour alléguer une irrégularité affectant l'appel d'offres et dont elle a immédiatement eu connaissance.

* 102 TA. Lyon, 23 mars 2006 : Sté Erba, Juris-Data n° 2006-298288, in Contrats et Marchés Publ., août 2006, n° 8, comm. 236, note F. OLIVIER. « Considérant que la publication d'un avis d'attribution au Bulletin officiel des annonces de marchés publiques fait courir, en raison de l'ampleur et des modalités de sa diffusion, le délai contentieux à l'égard des tiers [...] ». L'emploi des termes « en raison de l'ampleur et des modalités de sa diffusion » n'est pas anodin et implique une diligence accrue des soumissionnaires.

* 103 A-M. LEROY : « L'arrêt Tropic Travaux Signalisation et l'obligation de «due diligence» des candidats à un marché public », in BJCP, 2008, p. 79.

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