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maroc-Union européenne: vers un statut avancé

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par Karim BOUZALGHA
Université de Cergy pontoise - Master II droit des relations économiques internationales 2008
  

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Section II : Les enjeux d'un statut avancé dépassant l'Association

Le statut avancé bouleverse la nomenclature des accords externes de l'Union (I) et met le Maroc dans la situation des candidats à l'adhésion (II).

I/ Le bouleversement de la nomenclature des accords externes de l'Union

Le Maroc a modifié le fondement juridique du statut avancé (A), ce nouveau lie contractuel peut être vu comme un accord de 5e génération (B).

A) Le fondement juridique du statut avancé

Le Maroc a d'abord fondé sa demande de statut avancé sur le principe de différenciation de la politique européenne de voisinage. Le principe de différenciation permet aux pays qui le souhaitent de s'engager davantage vis-à-vis de l'Union dans le cadre de plans d'actions trisannuels. En application de ce principe, les relations bilatérales de l'Union avec ses partenaires du Sud de la Méditerranée ont des degrés variables. Or, dans le cadre de la PEV, le Maroc est un des principaux partenaires commerciaux de l'Union en Méditerranée. Selon Mme Benita Ferrero-Waldner, Commissaire européenne aux Relations Extérieures et à la Politique Européenne de Voisinage «  cette différenciation nous a permis d'ailleurs de mieux concentrer nos efforts et nos moyens sur le Maroc qui est un des partenaires les plus enthousiastes et les plus exemplaires de la politique de voisinage avec ces efforts de modernisation »90(*).

L'accord d'association est l'instrument juridique privilégié de la PEV (Article 310 TCE ex-238 TCE) fondé sur les trois volets du processus de Barcelone (Politique et sécurité, économique, social, culturel et humain). Ces accords d'association sont mis en oeuvre grâce à des plans d'action différenciés. Dans cette optique, le « nouveau lien contractuel » revendiqué par le Maroc sur le fondement de la différenciation pourrait se matérialiser par un nouveau plan d'action.

Mais Rabat considère cette hypothèse comme un « statut avancé à minima »91(*). Cependant, sur le plan juridique, la différenciation seule, ne peut constituer un fondement solide pour conclure un accord intermédiaire entre l'association et l'adhésion.

En effet, le traité de Rome donne compétence à la Communauté pour conclure des accords externes de coopération (article 133 TCE), d'association (article 310 TCE) ou bien d'adhésion (Article 49 TUE). Ainsi, le principe de différenciation ne constitue pas une base légale à la Communauté pour conclure un accord spécifique avec le Royaume chérifien.

Le statut avancé du Maroc trouve un nouvel élan le 13 décembre 2007, avec la signature du traité de Lisbonne92(*). En effet, il dispose à l'article 7-bis :

« 1. L'Union développe avec les pays de son voisinage des relations privilégiées, en vue d'établir un espace de prospérité et de bon voisinage, fondé sur les valeurs de l'Union et caractérisé par des relations étroites et pacifiques reposant sur la coopération.

2. Aux fins du paragraphe 1, l'Union peut conclure des accords spécifiques avec les pays concernés. Ces accords peuvent comporter des droits et obligations réciproques ainsi que la possibilité de conduire des actions en commun. Leur mise en oeuvre fait l'objet d'une concertation périodique ».

Aujourd'hui, l'article 7-bis constitue le fondement principal du statut avancé. Le Maroc serait alors le premier pays à conclure un accord sur la base de cet article. Pourtant, pour la Direction Générale des relations extérieures de la Commission, l'objectif des deux parties de renforcer les relations bilatérales pour atteindre un statut avancé n'implique pas nécessairement un changement de la base juridique des relations contractuelles. A cet égard, les exemples de l'EEE, du Chili et du Mexique démontrent que des Etats tiers peuvent participer au marché intérieur et aux politiques de l'Union tout en restant dans l'Association. De plus, les opérations communes telles qu'ALTHEA ou Galileo, ont été réalisées dans le cadre de l'accord d'association. Or, le Maroc n'explique pas en quoi une nouvelle base juridique est nécessaire pour reproduire des opérations similaires.

Mais le statut avancé du Maroc interpelle la Communauté sur sa classification des accords externes, et il apporte une réponse juridique aux Etats qui souhaitent renforcer leur relation avec l'UE au-delà de l'accord de 4e génération, sans être pour autant un candidat à l'adhésion. (Comme le Maroc, le Chili ou ceux de l'AELE-EEE). Ainsi, tous les Etats qui ont conclus un accord d'association de 4e génération ont vocation, s'ils le souhaitent, à atteindre un statut avancé dans leurs relations avec la Communauté. Ce statut avancé permet aux Etats de dépasser la finalité du marché intérieur pour s'engager dans un processus similaire à la phase de préadhésion. Pour Rabat, la limite de l'article 310 TCE (ex 2387) est le marché intérieur, par conséquent l'article 7-bis est le fondement juridique approprié du statut avancé.

B) Le statut avancé, un accord d'association de 5e génération ?

Les relations extérieures de l'Union avec les pays en développement se caractérisent par une approche « par pallier » qui utilise les différentes générations dans les accords d'association ou de coopération. Les accords de première génération sont conclus dans les années 1960. Ils mettent en place un système de préférence tarifaire asymétrique en faveur des pays en développement. Les accords de deuxième génération étendent la coopération économique à de nouveaux secteurs. Les accords de troisième génération comportent une zone de libre échange et une dimension politique, sociale et culturelle (droit de l'homme, lutte contre la pauvreté, environnement....). Enfin, il y a les accords de quatrième génération, qui ont pour finalité l'extension du marché intérieur.

Le statut avancé représente un pallier supplémentaire, car, il a pour finalité de mettre le Maroc dans une situation comparable à celle des Etats candidats à l'adhésion. De plus, il s'agit pour Rabat d'une reconnaissance juridique de sa volonté politique de renforcer ses relations bilatérales avec l'Union. Car, derrière de le régime juridique de l'association, il y a de grandes disparités.

D'ailleurs, l'association est utilisée par l'Union soit pour instaurer un partenariat privilégié avec les Etats tiers93(*), soit pour préparer certains Etats à une future adhésion. On peut distinguer trois groupes d'accord d'association. En premier lieu, les accords conclus avec la Grèce (1961), la Turquie (1963), Malte (1970) et Chypre (1972), dont l'objet était de créer une union douanière. Puis, il y a les pays membres de l'AELE, dont certains ont ensuite adhéré à l'Union Européenne. Et le troisième groupe concerne les pays de l'Europe centrale et orientale, notamment les accords de stabilisation de Balkans conclus avec la Croatie94(*) et la Macédoine95(*).

Le statut avancé du Maroc se situe entres ces deux fonctions de l'accord d'association, car il « n'a pas comme point de départ ni comme promesse une demande d'adhésion, mais il n'exclut pas non plus une adhésion éventuelle à long terme »96(*). Le partenariat renforcé euro-marocain, dès lors qu'il repose sur l'article 7-bis du traité de Lisbonne, ne peut être qualifié d'accord d'association de 5e génération, car l'association est fondée sur l'article 310 TCE.

II/ Le rapprochement du Maroc de la situation des Etats en phase de préadhésion

Devant l'impossible adhésion du Maroc à l'UE (A), se pose la question de l'avenir du concept de statut avancé (B).

A) Le statut avancé face à l'impossible adhésion du Maroc

La question de l'adhésion du Maroc à la Communauté Européenne a déjà été posée en 198497(*). Au sommet de Fontainebleau, le Roi Hassan II dépose une demande d'adhésion à la CEE. Onze ans plus tard, le 20 juillet 1995, le Souverain réitère sa demande à l'occasion de la visite du chef de l'Etat français à Rabat. La vision du Maroc est prospective : « J'ai vu loin et je ne me suis pas interdit de penser à l'avenir de tout le Maghreb »98(*). L'argument du Maroc est à la fois géographique et politique : « Géographiquement, notre pays est très près de l'Europe. C'est une position dont ne peuvent se prévaloir d'autres pays associés à la CEE »99(*). Cette demande s'inscrit dans un contexte où les pays du Sud craignaient l'élargissement à l'Est, et elle constituait pour le Maroc un instrument de pression à la veille de chaque négociation commerciale avec la Communauté.

Le caractère politique de cette demande d'adhésion du Maroc est illustré par le contournement de l'article 237 TCE qui précise que « tout Etat européen peut demander à devenir membre de la Communauté ». Or, le Maroc n'est pas un pays européen100(*). De plus, le même article exige que toute demande d'adhésion soit adressée au Conseil, lequel se prononce à l'unanimité après avis de la Commission et avis conforme du Parlement.

Pour Maurice FLORY, « le Maroc a conscience d'avoir accompli une démarche destinée à prendre date pour un objectif dont la réalisation ne pourra être que lente et progressive » et de conclure en s'interrogeant «  le Maroc arrivera-t-il à convaincre ses interlocuteurs que la définition de l'Europe relève de la volonté politique et que la géographie doit s'incliner devant une position si clairement exprimée101(*)? ».

A ce jour, l'adhésion du Maroc à l'UE est exclue en raison du critère géographique énoncé à l'article 49 TUE102(*). En effet, pour faire partie de l'UE, il faut être un État européen et se conformer aux principes de liberté, de démocratie, de respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'État de droit ( article 6 T'UE). Les conditions économiques et politiques ont été précisées en 1993 lors du Conseil européen de Copenhague (« les critères de Copenhague »). Selon ces critères, le pays candidat doit: Être une démocratie stable, respectueuse des droits de l'homme, de la règle de droit et de la protection des minorités; être doté d'une économie de marché effective; et adopter les règles, normes et politiques communes qui constituent le corps législatif de l'UE. Le statut avancé est donc un compromis  entre l'impossible adhésion du Maroc à l'UE, et la volonté politique partagée de renforcer les relations bilatérales. Il conduit le Maroc à se rapprocher progressivement des critères de Copenhague. A l'avenir, ce statut peut aussi intéresser la Turquie, en cas d'échec du processus d'adhésion.

B) L'avenir du concept de statut avancé

Aujourd'hui, le Maroc interpelle la Communauté pour le renforcement de leur relation au-delà de l'accord d'association actuel (accord de « 4e génération »), pour atteindre un statut avancé. Ce nouveau lien contractuel doit être négocié à l'automne 2008, lors du prochain Conseil d'association euro-marocain (sous la présidence française de l'Union). L'adoption du statut avancé est susceptible d'intéresser les autres pays de la rive Sud, car l'histoire de l'élargissement a démontré que le rapprochement avec l'UE est un formidable vecteur de décollage économique103(*).

Au premier rang de ces pays, il y a la Turquie (elle a introduit sa demande d'adhésion le 14 avril 1987). La Commission a estimé dans une communication du 6 octobre 2004104(*) que la Turquie répondait suffisamment aux critères politiques de Copenhague et suggère une ouverture des négociations d'adhésion sous conditions. Elle propose également, et c'est une première, d'encadrer les négociations de façon étroite en appliquant une stratégie reposant sur trois piliers : le premier pilier porte sur le soutien aux réformes politiques internes de la Turquie. Le second porte sur l'alignement sur l'acquis communautaire et le troisième pilier concerne l'aspect culturel (religion, migration, droit des minorités, terrorisme...)105(*).

Par ailleurs, à l'approche du sommet de Paris pour « l'Union pour la Méditerranée » (UPM), prévu le 13 juillet, il est nécessaire de rappeler que le statut avancé s'inscrit dans un processus régional. Le projet d'UPM lancé par le chef de l'Etat français suscite bien des réticences quant à son contenu réel et son articulation par rapport au processus de Barcelone106(*). En effet, le projet d'UPM était initialement limité aux pays riverains de la Méditerranée (ce qui excluait l'Allemagne, le Royaume Uni, les PECO et les pays scandinaves), puis il s'est élargi aux 27 Etats membres. De plus, l'UPM était conçue notamment comme une alternative à l'adhésion de la Turquie.

Les pays du Sud sont également septiques107(*). Le Maroc soutient le projet à condition que l'UPM n'entrave pas le statut avancé. Ainsi, l'approche bilatérale du statut avancé doit être complémentaire avec l'approche régionale.

En effet, l'UPM est présentée par Nicolas Sarkozy comme un espace de coopération pour «  développer des projets concrets dans des domaines où un accord est possible rapidement108(*) ». Il s'agit des sujets qui fâchent le moins, comme les transports, l'énergie, les nouvelles technologies, l'éducation, la santé, la culture....Or, le renforcement de la coopération sectorielle est un élément majeur du statut avancé. Les projets euro-marocains ne manquent pas dans ces domaines (port Tanger-Med, liaison du détroit de Gibraltar, programmes d'échange pour les étudiants,....). L'Union pour la Méditerranée permet, notamment, d'élargir le financement de ces projets et d'explorer de nouvelles opportunités au service du statut avancé.

Par ailleurs, l'UPM et le statut avancé intéressent directement la Turquie en cas d'échec du processus d'adhésion109(*). Dans cette optique, l'UPM aurait vocation à intégrer la Turquie dans un cadre régional, et le statut avancé maintiendrait la Turquie dans un partenariat privilégié bilatéral.

* 90 Allocution lors du colloque du 21 janvier 2008, http://www.maec.gov.ma/Brochure.pdf.

* 91 Allocution de SE Fathallah Sijilmassi, opus.cit. p .12.

* 92 JOCE, C. 306 du 17 décembre 2007.

* 93 Les « accords d'association sans adhésion » conclus dans le cadre de la PEV s'adressent aussi bien aux pays du Sud qu'aux pays de l'Est tels que la Russie, l'Ukraine, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Géorgie et la Biélorussie.

* 94 JOCE 2001, C. 320.

* 95 JOCE 2004, L. 84.

* 96 JAIDI (L), voir supra, p.43.

* 97 Lire la thèse d'El HOUDANI (R.), La politique étrangère sous le règne de Hassan II, L'Harmattan, 1999, pp. 128-130.

* 98 Le Matin, 09 janvier 1985.

* 99 Discours du 03 mars 1985, in Discours et interview de S.M Le Roi Hassan II, éd. du ministère de l'information, mars 1985 -mars 1986 ; pp. 5-19.

* 100 D'ailleurs, le Roi Hassan II l'admet implicitement lorsqu'il dit que le Maroc est « très près » de l'Europe. Ce qui signifie qu'il est à l'extérieur de l'Europe, mais très proche.

* 101 Voir FLORY (M.), « Note sur la demande d'adhésion du Maroc à la Communauté Economique Européenne », Centre de Recherches et d'Etudes sur les Sociétés Méditerranéennes (C.R.E.S.M.), Editions du CNRS, 1986, pp. 705-709.

* 102 Lire MARCHAT (P.), « Quelles frontières pour quelle Europe ? », R.M.C.U.E., n°486, mars 2005, pp. 141-148.

* 103 PETIT (Y.), « Quelques réflexions sur la capacité d'intégration de l'Union Européenne », R.M.C.U.E., n°506, mars 2007, pp. 153-162.

* 104 COM(2004) 656 final, du 6 octobre 2004, intitulée « Recommandation de la Commission européenne concernant les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion ».

* 105 Pour plus de détails sur l'état des négociations UE-Turquie, consulter le rapport de la Commission, COM(2006) 649 final, SEC (2006) 1390.

* 106 KADDOURI (H.), « Vers une nouvelle politique Euro-Méditerranée : Le projet d'Union Méditerranée comme piste de réflexion », R.M.C.U.E., n°514, janvier 2008, pp. 14-26.

* 107 Voir Le Monde, « Union pour la Méditerranée : Paris peine à convaincre tous les chefs d'Etat arabes », du 03 mai 2008.

* 108 Interview de Nicolas Sarkozy pour le quotidien tunisien As Sabah, le 10 juillet 2007.

* 109 Pour en savoir plus sur l'adhésion de la Turquie, consulter : SCHMID (D.), « La Turquie aux portes de l'Union : Vers une négociation politique ? », R.M.C.U.E., n°485, février 2005, pp. 73-78. Et YAKEMTCHOUK (R.), « La Turquie : L'adhésion à l'Union en question ? », R.M.C.U.E., n°508, mai 2007, pp. 294-301.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo