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L'utilité d'une coopération technique au sud du Sahara: Le cas des relations Cameroun-Unesco

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par Gérard Martial AMOUGOU
Université de Yaoundé II SOA - DEA en Science politique 2006
  

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UNIVERSITE DE YAOUNDE II - SOA

THE UNI VER SITY OF YA OUNDE II - SOA

FACULTÉ DES SCIENCES
JURIDIQUES ET POLITIQUES

ECOLE DOCTORALE
DISCIPLINAIRE DE SCIENCE
POLITIQUE, RELATIONS
INTERNATIONALES ET
COMMUNICATIONS

FACULTY OF LAW
AND POLITICAL SCIENCE

DISCIPLINARY POSTGRADUATE
SCHOOL OF POLITICAL SCIENCE
INTERNATIONAL RELATIONS AND
COMMUNICATIONS

L'UTILITÉ D'UNE COOPÉRATION TECHNIQUE
AU SUD DU SAHARA :
LE CAS DES RELATIONS CAMEROUN-UNESCO

Mémoire présenté et soutenu en vue de l'obtention du Diplôme d'Études Approfondies
(DEA) en Science politique
A dissertation submitted in fulfilment of the class requirements for the award of DEA in
political science
Par :
By :
Gérard Martial AMOUGOU
Sous la direction de :
Supervised by:

Fabien NKOT Ph.D.
Chargé de cours

Année Académique 2006-2007

INTRODUCTION GÉNÉRALE

I. CONSTRUCTION DE L'OBJET D'ÉTUDE

A. CONTEXTE ET JUSTIFICATION

L'idée d'une coopération intellectuelle à l'échelon mondial émerge lors de la première réunion de la Société des Nations (SDN) tenue en 1920, au cours de laquelle est reconnue la nécessité d'un organisme d'éducation en complément à l'activité politique des gouvernements. Le caractère permanent de cet organisme rattaché à la S.D.N. va s'affirmer à travers la création par l'Assemblée de cet organe, le 04 janvier 1922, d'une commission internationale de coopération intellectuelle appelée à se réunir au mois de juillet de chaque année, dont la présidence revient au philosophe français Henri BERGSON. C'est ainsi que, par la suite, un institut international de coopération intellectuelle va s'établir le 24 septembre 1924 à Paris, les autorités françaises se chargeant de le doter d'un budget. Une organisation technique de coopération intellectuelle est ainsi créée, sa forme actuelle étant l'oeuvre d'une résolution de la S.D.N datant du 24 septembre 1931.

Un fait remarquable à noter est que l'esprit de cette coopération intellectuelle réussit à transcender le drame provoqué par l'émergence de la deuxième guerre mondiale. Telle est la signification de la tenue d'une Conférence des Ministres Alliés de l'Education (CMAE) le 16 novembre 1942, dont l'objectif est « d'étudier les plans pour la création d'une organisation permanente qui pourrait être établie sur une base internationale, dans le but de promouvoir la coopération en matière d'éducation dans l'après guerre », ainsi que l'atteste la lettre écrite par la CMAE au gouvernement des États-unis d'Amérique. Ainsi de manière progressive, et sur proposition des délégations et personnalités intellectuelles, l'on est passé de l'organisation des Nations Unies pour la reconstruction en matière d'éducation et de culture (UNECREC) à l'Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture (UNESCO)1, en passant par l'Organisation des Nations Unies pour l'Education et la Culture (UNECO).

La reconnaissance officielle de l'UNESCO comme institution spécialisée des Nations Unies sera effective après le dépôt par la Grèce du vingtième instrument de ratification de l'Acte constitutif2. Bien plus, les États signataires de l'Acte se proposent dans le préambule « d'atteindre graduellement par la coopération des nations du monde dans les domaines de l'éducation, la science et de la culture, les buts de paix internationale et de prospérité commune de l'humanité en vue desquels l'Organisation des Nations Unies a été

1 United Nations for Education, Science and Cultural Organization

2 Conformément à l'article XV dudit Acte qui dispose que « la présente convention entrera en vigueur lorsqu'elle aura été acceptée par vingt de ses signataires ».

constituée... » Aussi, fut-il décidé à l'unanimité lors de la troisième session de la Conférence, que le siège de l'Organisation sera installé à Paris ; le 06 décembre 1946, le biologiste britannique, Julian HUXLEY devint le premier Directeur Général de l'UNESCO qui, à ses débuts, comprenait cinquante et un Etats membres.

Le Cameroun va adhérer à l'UNESCO le 11 novembre 1960, date marquant la signature de l'Acte constitutif par les autorités politiques camerounaises. Les deux parties vont dès lors entretenir des relations particulièrement étroites, se matérialisant par les réalisations de l'institution spécialisée au sein du territoire national camerounais, et par l'action du Cameroun à l'endroit de l'UNESCO, notamment à travers le placement en son sein de ressortissants camerounais.

Aussi, de nos jours, l'UNESCO reste l'une des institutions spécialisées des Nations unies prisées par les autorités Camerounaises. En effet, si l'on s'en tient aux cinq précédentes années, l'on observera que le Directeur Général de l'UNESCO, M. Koïchiro MATSUURA a foulé à deux reprises le sol camerounais, répondant ainsi aux invitations du chef de l'État Paul BIYA. En retour, celui-ci, sur invitation du même Directeur, a assisté à la 34ème Conférence générale de l'UNESCO tenue en 2007 en son siège à Paris. Ces types de rencontres dont l'importance diplomatique est fort considérable témoignent de l'estime réciproque présentée par les deux parties. Elles témoignent également des attentes mutuelles opérées par les deux parties concernées. Qui plus est, la pluralité de domaines d'activités de l'UNESCO met celle- ci en rapport avec la quasi-totalité des départements ministériels camerounais ; tandis que la consolidation des relations avec la société civile serait une recherche constante. Ainsi le Cameroun représenterait un pôle important de la projection de l'UNESCO en Afrique Centrale, le Bureau de l'UNESCO de Yaoundé couvrant également le Tchad et la République Centrafricaine. D'ailleurs la dotation récente (en 2008) par les autorités camerounaises d'un important édifice aux représentants de l'institution spécialisée des Nations unies, témoigne de l'intérêt et de l'importance accordés par celles-ci aux activités de cette institution technique au sein du territoire camerounais.

C'est que les relations Cameroun-UNESCO en tant que domaine des relations internationales sont tenues de réaliser un certain nombre d'objectifs à même de contribuer à la constitution de la paix dans l'esprit des hommes. Lesquels projets de développement permettraient de déterminer les types de visibilité qui en conditionnent simultanément la perception abstraite ainsi que l'appréhension concrète. Mieux, c'est par ces cadres pratiques ou symboliques qu'il est possible d'évaluer la pertinence ou l'efficience de la coopération. Exprimé autrement, la coopération instituée au sein des deux institutions passe également par

la réalisation d'un certain nombre de projets de développement ayant des « affinités électives »3 avec l'instauration et la consolidation de la paix au sein des populations. Dans le cadre de cette étude qui porte sur l'évaluation de l'utilité d'une organisation technique au sein d'un État membre particulier4, il convient au préalable, tout en déterminant l'intérêt et la délimitation, de rattacher l'objet de recherche à la littérature spécialisée, afin de pouvoir en déterminer les spécificités.

B. INTÉRET ET LIMITES DU SUJET.

1. INTÉRET HEURISTIQUE

Jusqu'ici, les travaux5 portant sur la coopération entre le Cameroun et l'UNESCO minorent, pour l'essentiel, l'impact que peut avoir cette coopération auprès des individus et partant, sur la société camerounaise dans son ensemble. Aussi, notre conviction est-elle que cette coopération serait plus efficace si les initiatives prises à partir du « haut » sont secondées et appliquées de manière concrète et permanente sur le terrain, de telle sorte qu'elles reflètent les aspirations profondes du peuple.

Par ailleurs, au moment où la nouvelle donne est caractérisée par le processus de compression du temps et de l'espace du fait des technologies de l'information et de la communication, de renforcement et d'intensification de l'interdépendance entre sociétés, où « il devient de plus en plus difficile de faire de l'État la composante exclusive et souveraine du système international » (Badie et Smouts, 1999 :12), la sécurité de celui-ci devient de plus en plus fonction de celle de l'individu. Mais parce que les « effets de vernacularisation et de `'domestication» » du processus de globalisation remettent en cause toute idée de village planétaire, les sociétés étant prompte à réinventer leur différence ; et si d'aucuns promettent un « bel avenir » au nationalisme (Jaffrelot et Dieckhoff), alors la nécessité d'un partenariat réel et efficace entre l'État et l'individu s'impose dans ce contexte « turbulent » marqué par « la mobilité de plus en plus aisée de l'individu », et où « le système international tend à lui concéder des ressources spécifiques qui en font peu à peu un acteur propre des relations internationales, face à une tutelle de l'État sans cesse plus relâchée et de moins en moins puissante » ( Badie et Smouts, ibidem). Et même s'il n'est pas aisé de déterminer avec exactitude la forme que prendra la société de demain, il demeure néanmoins vraisemblable

3 A considérer au sens weberien comme facteur prédisposant, par opposition au facteur mécanique

4 Parce que le Cameroun appartient à une catégorie precise des États dits Pays en développement (PED)

5 Nous avions analysé les plus importantes, parce que scientifiques, dans la partie réservée à l'état de la question.

qu'on aura toujours affaire à une « société des individus », d'où la coopération Cameroun- UNESCO, pour être pertinente est tenue d'accorder de manière effective, une place centrale à l'individu. Mais si l'on convient avec Bachelard que « le vrai sans fonction est un vrai mutilé », c'est aussi et surtout parce que la science (ou recherche de la vérité) doit se doubler de l'utilité. (Bachelard, 1986 : 94)

2. INTÉRET PRATIQUE.

L'objectif essentiel de l'UNESCO étant de construire la paix dans l'esprit des hommes, il va sans dire que le grand public est au centre de ces principes fondamentaux. Aussi, la réalisation des objectifs relatifs au partenariat Cameroun-UNESCO passe-elle par un véritable « contrat social » de coresponsabilité entre les autorités nationales et internationales, la société civile et le public cible. Ce qui améliorerait les performances de la diplomatie camerounaise.

Bien plus, ce travail se veut également d'être un outil didactique à la disposition des autorités publiques nationales ou internationales et du profane ou autre personne privée intéressée. Tant il ne fait aucun doute qu'une meilleure compréhension de l'UNESCO, ainsi que du type de rapport qu'elle entretient avec l'État, notamment subsaharien, permettrait à ce dernier d'appréhender ladite institution au mieux de ses « intérêts ».

3. LE CADRE SPATIO-TEMPOREL.

Terminus a quo : Notre travail s'étendra sur la période allant de 1960 à 2008, afin de mieux apprécier l'évolution de ladite coopération qui débute avec la naissance de l'État au Cameroun. Toutefois, un accent particulier sera accordé à la période allant de 1999 à 2008. En effet, 1999 marque l'entrée en lice de l'actuel Directeur général, le revirement de la politique de l'UNESCO en faveur de la décentralisation, ainsi que la redéfinition des programmes de l'UNESCO en faveur de l'Afrique. Cette date rappelle également la veille du forum de Dakar relatif à l'EPT, en conformité avec les Objectifs Millénaires du Développement (OMD), définis lors de l'Assemblée générale des Nation unies tenue en 2000.

Terminus ad quem : Nos recherches couvriront pour l'essentiel l'espace géographique de la province du centre. La descente sur le terrain pourrait nous amener auprès des radio communautaires de Sa'a et de mbalmayo ; mais également auprès du site de Ngoksa, localité abritant le Centre de Ressources Éducationnelles (CRE). L'objectif étant de

pouvoir en évaluer le fonctionnement et l'impact sur les populations. Toute autre information sur les espaces éloignés proviendra pour l'essentiel du bureau régional de l'UNESCO, de la Commission Nationale pour l'UNESCO, et des différents sites internet relatifs aux activités de l'UNESCO, ainsi qu'à sa coopération avec le Cameroun.

4. LIMITES DANS LE SUJET.

La coopération entre le Cameroun et l'UNESCO couvre une multiplicité, voire une `multiplexité' de domaines que nous ne pourrions épuiser dans le cadre limité de cette modeste contribution. Nous pensons toutefois que l'évaluation de la pertinence de cette coopération nous conduit à nous intéresser prioritairement aux projets « phares », principalement à l'impact de certains programmes de financement relatifs à l'éducation et à la communication. De manière plus précise et dans la mesure où les deux domaines susmentionnés sont concernés par une pluralité de secteurs d'activités chacun, nos recherches s'appesantiront sur le processus d'éducation pour tous issu du forum de Dakar, au niveau du Cameroun, et sur le fonctionnement des radios rurales pour ce qui est de la communication. A ce niveau encore, il nous sied pour une meilleure précision, de centrer notre analyse sur la Scolarisation Primaire Universelle (SPU) pour ce qui est de l'EPT, et de se concentrer sur les radios communautaires des localités de Sa'a et de Mbalmayo, afin d'en avoir une meilleure appréciation de l'impact au sein des populations riveraines. C'est dire que l'idéal de limitation reste prioritaire.

La priorité accordée à une telle limitation n'est pas uniquement le fait d'un besoin d'amélioration de l'intelligibilité de l'action de l'UNESCO au Cameroun. C'est aussi qu'en effet, toute connaissance manquant de précision, mieux « qui n'est pas donnée avec ses conditions de détermination précise n'est pas une connaissance scientifique ». Et pour l'auteur de la formation de l'esprit scientifique, « une connaissance générale est presque fatalement une connaissance vague. » (Bachelard, 1986 : 72) Nonobstant ces aménagements, il reste tout de même que l'on ne saurait faire table rase des autres secteurs concernés par la coopération, compte tenu des liens établis entre ceux-ci, ainsi que de leur transversalité associée à la mise en congruence des différents acteurs - agents engagés réciproquement dans un rapport fonctionnaliste et interactionniste.

Autant dire que les autres domaines ne seront pas pour autant délaissés. Car l'on ne saurait par exemple parler de la SPU sans faire le lien avec les autres niveaux d'éducation, qu'ils fussent formels ou informels. De même, le choix porté sur les localités de Sa'a et de

Mbalmayo n'interdit pas un intéressement sur les autres radios financées sous l'égide de l'UNESCO, et même sur l'environnement communicationnel camerounais dans son ensemble. Dans le même sillage, la science et la culture qui restent des thèmes classiques, ainsi que les nouveaux domaines qui concernent les questions liées aux droits de l'homme et au genre, seront mentionnés tout au long de notre recherche, soit dans le cadre de l'éducation qui reste un domaine transversal, ou encore au niveau du financement des projets. Enfin, l'opérationnalisation des différents projets nécessite une concertation permanente des fonctionnaires et spécialistes provenant d'horizons diverses.

C. CONCEPTS ET ÉTAT DE LA QUESTION

1. CLARIFICATION CONCEPTUELLE

1-1. COOPERATION TECHNIQUE.

La coopération est définie de manière laconique comme une action de participer à une oeuvre commune. Elle suppose donc la collaboration, si ce n'est la coresponsabilité. Aussi, serait-elle de plus en plus considérée dans le contexte international comme une politique par laquelle un pays (généralement du Nord) apporte son soutien au développement des nations moins avancées.

Encore appelée assistance technique, la coopération technique fournit en général des services indépendants en matière de formation et d'expertise. Elle ne nécessite pas d'autres apports ou d'autres types d'objectifs précis tels que ceux définis par des projets matériel, financier et humain, dans le domaine d'expertise de la partie donatrice en vue de soutenir celle bénéficiaire dans son aspiration au développement. Dans la perspective de Domergue, elle remplit une double fonction : « elle peut d'une part aider à combler l'écart entre le potentiel national de compétence technique et les besoins qui, dans ce domaine, découlent des programmes de développement, d'autre part, elle sert à renforcer et à compléter la capacité nationale de formation de personnel qualifié. » Aussi peut-on dire que la coopération technique renforce les effectifs en même temps qu'elle apporte en qualité. (EVINA, 1982 : 72)

La coopération technique, de ce fait concerne un domaine particulier, spécialisé, de l'activité ou de la connaissance qui consiste en des applications de la connaissance théorique,

dans le domaine de la production et de l'économie. On peut de ce fait citer, entre autres, les conseillers techniques, experts sur le terrain et les prestations matérielles.

Nonobstant ces indications, il importe de confesser un léger penchant pour la conception réaliste qui voudrait qu'à l'heure de la mondialisation, la coopération ne saurait se définir comme une faveur qu'un État ou groupe d'État accorde à un autre : elle sert les intérêts des différentes parties (Kissinger, 2003). Ceci d'autant plus qu' « une véritable coopération ne se limite pas à l'aide, c'est-à-dire à l'octroi de flux financiers ou de projets de développement du Nord vers le Sud », elle consiste plutôt en « l'aménagement des règles (...) en vue de permettre aux pays les plus faibles de trouver leur place dans des échanges internationaux en forte croissance » (Brunel, 1997 : 4).

1-2. DÉVELOPPEMENT

Le développement est un concept polysémique qui désigne sommairement « un accroissement dans le revenu moyen par tête diffusé largement parmi les groupes professionnels et sociaux qui dure au moins deux générations et devient cumulatif » (Higgins) Dans son aspect formel et plus ou moins complète, il se définit comme une configuration des mutations mentales et sociales rendant une population apte à accroître cumulativement et durablement son produit réel global. Mieux le développement désigne un « changement des structures mentales et des habitudes qui transforment les progrès particuliers en progrès tout social. Cette conception qui est sans rappeler la vision d'Adam Smith, et qui déborde assez la dimension économique, se retrouve confirmée sous la plume de Nga Ndongo (1998) pour qui le développement peut se concevoir comme un processus dynamique de changement de l'environnement, naturel ou sociétal, en vue de la transformation de l'humaine condition » (Mbida, 2006 : 23) Aussi, suivant la catégorisation du sociologue camerounais, trois dimensions principales se rattachent au développement : à savoir la dimension quantitative, plus visible et se traduit par l'acquisition et l'accumulation « d'une certaine qualité de biens ou par la réalisation d'un certain nombre de performances économiques ou sociales statistiquement mesurables » (idem) La dimension qualitative intègre la donne culturelle, voire spirituelle à la notion. Le développement compétitif enfin s'illustre de plus en plus dans le nouveau contexte mondial marqué par une compétitivité sans précédent, où la « survie » est fonction des capacités d'adaptation et d'amélioration constante des performances individuelles et/ou collectives. « Etre développé (ici), c'est être à l'abris d'une domination extérieure. Se développer, c'est agir pour sa libération et son émancipation » (idem : 24)

Certains facteurs restent indispensables à l'émergence du développement. Nga Ndongo en a répertorié trois principaux6 que sont la raison, la démocratie et la science ou technologie. Plus encore, Mc Clelland, dans une perspective psychologique va également desceller une sorte de « virus mental » baptisé Need for Achievement, déterminant dans l'expansion sociale, économique et culturelle des peuples. Il s'agit d'une posture, si ce n'est d'un état d'esprit à même de pousser continuellement les hommes dans leur devenir historique, à `bien' et à `mieux' faire qu'auparavant.

Plus fondamentalement, le concept de développement tel que nous l'appréhendons dans le cadre de la coopération instituée entre le Cameroun et l'UNESCO, devrait, tout en préservant les dimensions sus évoquées, focaliser davantage d'attention sur l'aptitude des acteurs sociaux (individuels ou collectifs) à l'appréhender dans une perspective inclusive. Vu sous un tel angle, le développement plutôt qu'une finalité devient un moyen par lequel l'individu se réalise en tant qu'être humain au plein sens du terme. Considéré ainsi comme un « acteur actif » et non plus seulement comme une « réalité passive » à l'égard de laquelle on imposerait des « plans de sauvetage », l'individu désormais placé au centre de tout processus de développement devient potentiellement un acteur à part entière de l'Histoire. Il s'agit en effet de la dimension anthropologique du développement qui postule que les avis et aspirations des populations riveraines soient pris en compte dans l'opérationnalisation des programmes de développement. C'est ce que Massimo Tommasoli appelle « Le développement participatif ».

Reconsidéré sous l'angle anthropologique, le concept de développement va ainsi désigner « l'ensemble des pratiques et des représentations sociales exprimées par des sujets qui participent à des interventions de changement planifié. » (Tommasoli, 2004 : 9) Cette définition semble être la plus adaptée à notre étude dans la mesure où « tous » les sujets impliqués à divers échelons de la coopération Cameroun-UNESCO, peuvent s'approprier des processus de transformation entraînés par elle. Le développement participatif vise ainsi à « corriger une contradiction de la coopération internationale selon laquelle le rôle principal au sein des processus de changement programmé serait confié à des planificateurs (hommes politiques, diplomates et techniciens) dépositaires d'un savoir expert et non pas aux protagonistes de ce changement » (idem : 10) Il s'agit au total d'un regain d'intérêt sur les dimensions sociales du développement et d'une réhabilitation du concept de participation populaire dans les rhétoriques des acteurs de la coopération internationale.

6 Qualifiés de « provincialistes » par Roger Patrick Mbida.

2. ÉTAT DE LA QUESTION

2-1. LA PORTÉE DES TRAVAUX MAJEURS7 PORTANT SUR LA COOPÉRATION CAMEROUN-UNESCO

Raymond EPOTE (1976) est le premier à s'être intéressé aux activités de coopération technique de l'UNESCO au Cameroun. Son étude porte sur trois projets spécifiques, à savoir : L'institut de pédagogie appliquée à vocation rurale (IPAR-Yaoundé) ; IPAR-Buéa ; institut national sur l'éducation (INE). Aussi, parvient-il à un bilan mitigé des projets du fait de l'absence de coordination au niveau de l'évaluation par les différentes parties (UNESCO, PNUD et Cameroun), des problèmes institutionnels et la carence d'une main d'oeuvre qualifiée. Surtout, l'auteur insiste sur le fait que ces limites viennent se greffer autour d'un problème central qui est celui de la difficulté des autorités camerounaises responsables de l'éducation à montrer comment la philosophie de la ruralisation de l'enseignement devra se traduire au sein des projets et quelles méthodes précises devront être utilisées pour rendre cette philosophie effective et opérationnelle. D'où les experts UNESCO détachés sur le terrain évolueront en dents de scie.

Jacqueline Toumba Kotto (1999) dans un rapport de stage de D.E.S.S8 effectué au bureau sous régional de l'UNESCO de Yaoundé, part d'une perspective historique et évolutive de la coopération pour relever progressivement les nouveaux enjeux et champs d'activités de cette coopération qui, globalement semble produire des « résultats encourageants ».

MENYE ONANA Perpétue Félicitée (2003) s'intéresse sur la préparation de la 32ème session ordinaire de la Conférence Générale de l'UNESCO par le Cameroun. Ici, l'auteur dans une perspective réaliste justifiera sa démarche par le fait que « l'objet de l'étude de la diplomatie et plus particulièrement l'étude de la théorie des relations internationales, pour les étudiants des pays en développement, est de chercher à changer l'environnement international en la faveur de leur États ». Et le plus souvent, cette entreprise se réalise par le biais de la « diplomatie multilatérale au sein des organisations internationales ». (MENYE ONANA, 2003 : 2). Plus précisément, il s'agit de voir comment le Cameroun prépare la Conférence Générale de l'UNESCO sous le prisme de son intérêt national, afin d'améliorer sa visibilité diplomatique.

7 Il s'agit pour l'essentiel des travaux universitaires, les revues et rapports provenant des instances concernées ayant été délibérément mis de côté, du fait de leur portée scientifique relative.

8 Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées

Au terme de son analyse, l'auteur tirera un avantage certain dans l'acquisition d'un savoir opérationnel en diplomatie multilatérale, même si elle relèvera une insuffisance des moyens de communication humains et matériels alloués à la commission nationale et à la Délégation Permanente, ainsi qu'une absence de collaboration étroite au niveau du Cameroun.

Globalement, les différents travaux sus-évoqués ont le mérite d'appréhender les relations Cameroun-UNESCO dans un aspect bien spécifique qui, de ce fait, en améliore l'intelligibilité.

Le mérite de Raymond Epote est d'avoir mené un travail de terrain, d'où la portée empirique est considérable. Toutefois, l'auteur semble moins s'intéresser aux dysfonctionnements existants au sein de l'UNESCO même, problèmes qui sont parfois communs à toutes les Organisations internationales. Ensuite, il ne met pas véritablement en relief les raisons profondes qui peuvent expliquer l'absence d'une plate-forme philosophique au sein des pouvoirs publics camerounais. Enfin, il reste assez muet sur la clarification de ce qu'il appelle « l'aspiration profonde des populations camerounaises ».

Jacqueline Toumba Kotto de son côté aborde les relations Cameroun-UNESCO à partir d'une approche « historiciste ». Ce faisant, l'auteur appréhende l'organisation de ses origines, afin de mieux évaluer son rôle dans un bureau hors siège. Mais il s'agit moins d'un travail scientifique, qu'une exposition empreinte de généralités, sans investigation profonde, des informations sur l'UNESCO et de sa coopération avec le Cameroun. Ce d'autant plus que « le résultat des différents travaux et études effectués pendant le stage, (doivent rester confidentiels) » !

Menye Onana Perpétue, enfin semble scruter l'action du Cameroun dans l'UNESCO sous le prisme de l'intérêt national camerounais. Ce faisant, elle s'inscrit dans la veine réaliste qui, à son avis, est plus que jamais nécessaire dans un contexte de coopération multilatérale. Cependant, elle semble parler de l' « intérêt national » sans spécifier la notion dans son contexte actuel. Car autant il est vrai que l'intérêt national nécessite une reconsidération dans la conjoncture actuelle, autant il n'a pas exactement la même signification au sein des « pays en développement », tant il est vrai que les études menées en politique comparée y relèvent des trajectoires spécifiques, et parfois contradictoires (Gazibo, Badie).

De façon globale, ces différents travaux semblent moins s'appesantir sur l'impact du contexte international dans l'appréhension des relations Cameroun-UNESCO. En plus, le rôle joué par l'individu est minoré lorsqu'il n'est pas simplement ignoré ; d'où notre objectif

d'appliquer la méthode de la sociologie des organisations à cette étude qui s'inscrit également dans la littérature spécialisée des organisations internationales.

2-2. LA COOPERATION CAMEROUN-UNESCO ET THEORIE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

L'intérêt porté aux Organisations internationales est sans cesse grandissant, au regard des attentes opérées à leur égard. On pourrait, sans prétention à l'exhaustivité, citer la gestion des problèmes de coordination dans la fourniture des biens publics mondiaux, la santé, l'environnement, la paix. Elles permettent de définir et stabiliser les droits de propriété des acteurs internationaux, opèrent un minimum de redistribution des ressources à l'échelle planétaire en dispensant une assistance technique, une aide financière (Smoots et al..., 2006 : 405) Des demandes analogues sont adressées à l'UNESCO dans le cadre de la protection du patrimoine culturel mondial, de l'éducation de la santé, de la communication, la science et les droits de l'Homme. C'est qu'une pluralité d'activités relevant de ces différents secteurs est opérationnalisée au sein des pays sous l'égide de l'UNESCO qui, de ce fait est perçue comme un rempart contre les aléas du système international issus de `l'anarchie hobbesienne'. C'est pratiquement tous les aspects de la vie humaine qui relèvent peu ou prou de sa compétence. D'où bon nombre de théories se sont penchées sur la dynamique des organisations internationales. Dans le cadre strict de notre objet d'étude, le fonctionnalisme de David Mitrany semble le plus apte à poser la grille d'analyse la plus convenable à l'étude de la coopération entre le Cameroun et l'UNESCO.

David Mitrany qui en 1943 va publier A Working Peace System, incarnera le fonctionnalisme, héritier de la tradition fonctionnaliste. Théorie empirique mise en oeuvre par des praticiens internationaux, elle se propose de renverser la tendance internationale où chaque État était considéré comme un « loup » par l'autre, afin d'atteindre le stade de la « paix perpétuelle » chère à Kant. Pour y parvenir, il était question de détourner l'attention portée sur les États pour atteindre l'Homme. Ce faisant, Mitrany substitua aux critères de la sécurité et de l'intérêt qui sont flous et font généralement l'objet des interprétations contradictoires, les critères de paix, de bien-être et de participation comme finalité par excellence de l'action internationale. Dès lors, des fonctions nouvelles et précises vont de ce fait être envisageables en vue de «développer le rôle et les attributions d'organisations internationales fonctionnelles, seuls acteurs en mesure de remplacer la confrontation par la

coopération ». Une telle approche très technicienne de la vie internationale brillait de par sa progressivité et son empirisme (ibidem : 96).

Toutefois, l'on observe que l'évolution de la coopération avec les organisations internationales en Afrique n'obéit véritablement pas au schéma tracé par les adeptes de la théorie fonctionnaliste. Parce que les Pays en développement (PED) sont des bénéficiaires de l'assistance technique internationale, parler de la coopération Cameroun-UNESCO, c'est également parler de l'assistance technique de l'UNESCO. Or le principal défaut de ce courant de pensée, à en croire Jean-Jacques Roche, c'est la prétention irréversible d'un tel processus qui préconise le primat de la « nécessité » sur la volonté politique, l'union politique devant nécessairement être la résultante automatique de l'union économique. (Roche, 2001 : 98) Pourtant, une lecture attentive des régimes politiques sub-saharienne semble indiquer que l'État n'est pas vraiment prêt à partager sa souveraineté, ciment par excellence de sa revendication du monopole de la contrainte. De même en Afrique tout comme ailleurs, « la dimension politique de la coopération et son autonomie apparaissent souvent comme des facteurs essentiels », certaines agences des Nations unies réputées plus `fonctionnelles' et les plus techniques comme l'Unesco et l'Organisation internationale du travail ont souvent été politisées » (Smoots et al..., op.cit : 238).

Mais tout de même, le mérite de cette double école qui se distingue du réalisme comme de la simple coopération intergouvernementale, ressortit du fait qu'elle se présente comme « des méthodes de découverte et d'apprentissage d'un vouloir vivre en commun des États » (Roche, op.cit : 99) C'est dire que l'émergence des institutions internationales obéit à une volonté de créer un cadre favorable à l'accession aux solutions « rationnelles » à travers un effort de « dépolitisation » de certains enjeux. Finalement, en dépit des critiques portées aux idées fonctionnalistes et néo-fonctionnalistes, force est de noter que Mitrany lui-même « a dû reconnaître en 1946 que l'Organisation des Nations unies ne correspondait pas autant qu'il le souhaitait à ses idées, sauf pour ce qui concernait les agences spécialisées » (Smouts et al, idem : 238), à l'instar de l'UNESCO ! L'exploration de la pertinence de la thèse de Mitrany dans un État sub-Saharien va ainsi constituer le socle de notre problématique.

D. DE LA PROBLÉMATIQUE

1. POSITION DU PROBLEME

Raymond Quivy affirme qu' « une recherche est par définition quelque chose qui se cherche. » (Quivy, 1995 :21) Une telle assertion pourrait se vérifier dans le cadre de notre

investigation sur les relations établies entre le Cameroun et l'UNESCO qui, nous confrontent à une réalité quelque peu ambiguë. C'est qu'aux yeux de ses principaux acteurs, (tant du Cameroun que de l'UNESCO) il ne fait aucun doute que le Cameroun et l'Institution spécialisée des Nations unies entretiennent une « coopération fructueuse ». Paradoxalement la population camerounaise semble « minorer », lorsqu'elle « n'ignore » pas simplement l'utilité de l'UNESCO au sein du territoire national. Autrement exprimé, cette coopération, de l'aveu des ses promoteurs, connaît « une faible visibilité », si ce n'est une vulgarisation assez limitée auprès des populations. Pour étayer leur argumentaires, les promoteurs notent le fait que le Gouvernement camerounais bénéficie d'un nombre assez important de projets financés sous l'égide de l'UNESCO au sein de son territoire, signe de la reconnaissance des « bons » rapports établis entre les deux institutions. (Voir supra) « Coopération exemplaire » également dans la mesure où le Cameroun contribue au fonctionnement quotidien de l'UNESCO à travers le payement de ses contributions, ainsi que par son action appréciable au sein des différents organes de l'institution spécialisée.

Ainsi, lors de son Discours d'ouverture à l'occasion de la quatrième Conférence des Commissions Nationales pour l'UNESCO de la région Afrique tenue à Yaoundé du 2 au 6 juin 2003, le Premier Ministre camerounais, Peter MAFANY MUSONGUE acclamait avec fierté la coopération avec « cette Organisation (...) concrétisée jusque-là par un grand nombre d'actions ». Sur invitation du Chef de l'État camerounais, Monsieur Koïchiro MATSUURA, Directeur Général de l'UNESCO en visite officielle au Cameroun du 15 au 17 janvier 2004, dans son discours d'ouverture ne manquera pas d'adresser ses remerciements pour la « coopération fructueuse que le Cameroun entretient de longue date avec l'UNESCO et pour son engagement personnel en faveur de la paix et d'une diplomatie de proximité ». A l'ouverture de la Conférence des Ministres de l'Éducation des États membres de la Communauté Économique et Monétaire d'Afrique Centrale (CEMAC), tenue à Yaoundé du 16 au 17 janvier 2004, le Pr. Joseph OWONA, Ministre de l'Éducation Nationale et président de la Commission Nationale de la République du Cameroun pour l'UNESCO, va à son tour dresser une ébauche de bilan de la coopération Cameroun-UNESCO : « Les relations que le Cameroun entretient avec l'UNESCO sont aussi vieilles que le Cameroun même en tant que nation indépendante. C'est en effet dès 1960 que le Cameroun a adhéré à l'UNESCO. Depuis lors, cette Organisation se tient à nos côtés, dans les domaines de sa compétence, pour aider notre pays à s'affirmer comme nation libre et responsable de son destin, mais aussi comme nation du savoir, de la science et de la paix ». Plus récemment le 23 octobre 2007 à Paris, le Chef de l'État camerounais dans son discours tenu devant la 34ème Conférence générale de

l'UNESCO, suite à « l'aimable invitation » à lui adressée par K. MATSUURA, va reconnaître que : « le Cameroun et l'UNESCO entretiennent une coopération fructueuse et exemplaire ». Autant d'exemples qui sont là pour nous révéler que des relations Cameroun-UNESCO seraient positives aux yeux de ses promoteurs institutionnels, ainsi qu'ils le mentionnent au fil des années, dans leurs discours respectifs9.

Le discours politique, bien que n'étant forcément pas « cet instrument docile et transparent grâce auquel la réalité des « choses » se laisserait percevoir. », tout au moins reste t-il producteur de sens en ceci qu'il « construit le monde social autant qu'il le reflète » (Le Bart, 1988 :3, 5). Et si « le monopole de la parole légitime, poursuit Le Bart, n'équivaut pas au droit de dire n'importe quoi », c'est parce qu'aux yeux de notre auteur, le discours signifie et fabrique une vision commune de la réalité (idem, 10 et 31). Or si l'on reste dans la perspective de la perception par le haut de la coopération Cameroun-UNESCO, il n'est pas rare d'observer des regrets provenant des mêmes personnalités qui se plaignent néanmoins de la faible appropriation de la coopération par les masses, sinon de leur insensibilité vis-à-vis de celle-ci. Aussi peut-on lire ici et là :

« Cette coopération, au-delà des structures traditionnelles de coopération, au-delà de la participation du Cameroun aux activités traditionnelles de l'Organisation a connu des faits marquants (qui)... ne sont malheureusement guère connus du grand public Camerounais », regrette le Secrétaire Général de la Commission Nationale de la République du Cameroun pour l'UNESCO, Barthélémy MVONDO NYINA. Ou encore : « Il ne reste plus qu'à sensibiliser le peuple camerounais qui n'est pas au courant de ces grandes réalisations... », renchérira cette autre autorité camerounaise habituée de la coopération internationale10. Aussi pouvons nous dire sans grand risque de se tromper que c'est fort de ce constat que les autorités camerounaises, de concert avec les partenaires financiers internationaux, vont organiser un séminaire portant entre autre sur le renforcement de la visibilité des relations Cameroun-UNESCO. Ce séminaire11, financé sous fond japonais pour l'essentiel, va s'étaler sur une semaine entière (septembre 2007) de sensibilisation du public de Yaoundé et de ses environs sur le bien fondé de cette coopération.

9 Cette vision ultra positive de cette coopération revient régulièrement dans les discours de l'actuelle ministre de l'Education de base et Présidente de la Commission camerounaise pour l'UNESCO, HAMAN ADAMA ; vision que partagent également les fonctionnaires internationaux travaillant au sein du Bureau régional de l'UNESCO, dont leur plus haut représentant Bernard HADJAD

10 Il s'agit de Henri Matip Ma Soundjok, Président du Conseil National de la Francophonie (CNF), dans une interview accordée au quotidien `Demain le Cameroun', N°009, novembre 2007, pp. 8-9.

11 Saluons à cet effet l'action discrète, mais essentielle du diplomate camerounais Charles Assamba, qui est à la base et à la mise en oeuvre de ce projet.

Ce qui précède nous laisserait légitimement penser qu'il existerait une sorte de hiatus entre les activités menées par l'UNESCO au Cameroun, et l'attitude du public qui représente la finalité, si ce n'est la raison d'être de cette coopération. Or, de l'avis du Directeur Général de l'UNESCO, « l'épreuve de vérité reste, bien entendu, ce que perçoivent concrètement les populations dans leur vie quotidienne et qui est, aujourd'hui, encore beaucoup en deçà des attentes ». Lesquelles attentes devraient être à la mesure de la mission confiée à l'Organisation dont l'action touche une panoplie de domaines dont les principaux sont relatifs à l'éducation, la communication, la science et la culture. Tandis que l'environnement et les droits de l'Homme relèvent progressivement du nouveau champ de l'UNESCO.

C'est que les pays africains n'ont pu investir suffisamment, et ce jusqu'à ce jour, dans la recherche-développement scientifique et technologique, ni dans les infrastructures humaines et institutionnelles en matière de science et de technologie12. Qui plus est, la vulgarisation de l'éducation dans tout l'étendu du territoire est une préoccupation constante des autorités camerounaises qui préexiste au forum de Dakar, et la sempiternelle question de son adéquation au contexte interne, lui même en interaction avec l'environnement international et/ou, à l'esprit du temps, garde entièrement sa pertinence.

Car l'actuelle configuration des relations internationales fait état d'une conjoncture dominée par une situation d'interdépendance complexe, où l'État, bien que demeurant un acteur primordial, doit désormais compter avec les autres acteurs non moins importants à l'instar des firmes multinationales, des Organisations Non Gouvernementales (ONG), des Organisations Internationales (OI), et même les individus. De même, il va sans dire que l'appréhension des notions telles que « l'intérêt national » et la « puissance » devrait tenir compte de cette nouvelle donne. Aussi, est-il permis d'observer cette complexité du système international dans le cadre des relations établies entre le Cameroun et l'UNESCO qui, bien que n'étant pas un bailleur de fonds et encore moins une institution opérationnelle doit « pourtant veiller à ce que l'éthique mondiale en matière de paix, de justice et de solidarité par le biais de la coopération internationale dans les domaines de l'éducation, de la science, de la culture et de la communication soit à la fois moralement observée et appliquée de manière tangible. »13 C'est dire que la coopération Cameroun-UNESCO est tenue d'atteindre les objectifs sus-mentionnés, le financement se devant de produire son impact auprès des populations cibles.

12 Ce constat est également fait par les membres de la Commission nationale camerounaise pour l'UNESCO, dans un document rédigé en 2005, portant sur les faits marquants et opportunités de cette coopération.

13 Tirée de l'allocution prononcée par K. MATSUURA lors de son investiture en 1999

Mais plus fondamentalement, au-delà de cette coopération dont le bilan semble être positif aux yeux des hauts responsables du Cameroun et de l'UNESCO, l'on parvient tout de même à s'interroger sur l'utilité de la coopération technique au sud du Sahara. Exprimé autrement, peut-on réellement concevoir que l'assistance technique proposée par l'UNESCO dans ses rapports institués avec « l'État au Cameroun », puisse véritablement contribuer au développement de la société camerounaise?

2. HYPOTHESES.

Deux propositions de réponse à la question centrale posée, participent de l'hypothèse matricielle, compte tenu de leur nature complémentaire.

C'est que les organisations internationales à caractère technique, dont l'UNESCO, demeurent des cadres propices à la satisfaction des besoins des populations. En cela, les thèses de Mitrany restent indispensables au regard des réalités propres aux sociétés africaines.

Cependant une observation attentive de la traduction concrète des programmes de développement au sein de l'État camerounais permet de déceler des difficultés d'atteinte des objectifs fixés dans le cadre du financement des projets de développement par les différents acteurs14.

II. CONSTRUCTION DE LA DÉMARCHE

A. APPROCHES THÉORIQUES

Les Relations internationales, dans la perspective de Dario Battistella, sont considérées comme étant une discipline pluraliste, au sein de laquelle coexistent une multitude de théories (Battistella, 2006 : 111). Mais seules celles ayant un lien direct avec notre objet d'étude, nous intéresseront ici. En cela, l'on notera avec Houchang que la permanence des théories classiques et leurs dérivés est un signe des temps. Et nonobstant l'affirmation de Dougherty et Pfalzgraff selon laquelle les théories des relations internationales sont en mutation constante,

14 Qui peuvent être de nationalité camerounaise ou non, fonctionnaires internationaux pour l'essentiel, mais aussi nationaux en ce sens que les logiques opérationnelle et transactionnelle des relations Cameroun-UNESCO autorisent que la résolution des problèmes concrets s'effectue dans la satisfaction des intérêts conjugués du Cameroun et de la communauté internationale.

poursuit-il, l'on « assiste à une remarquable continuité dans la référence aux paradigmes classiques comme cadre d'analyse dans la littérature sur les relations internationales »15

1. LA COOPÉRATION INTERNATIONALE SOUS LE PRISME DU RÉALISME.

Considéré par d'aucun comme le paradigme dominant des Relations internationales depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, le réalisme s'inscrit dans une tradition philosophique qui remonte à l'antiquité, et dont les principaux chefs de file sont Thucydide, Bodin, Machiavel, Hobbes, Weber, Morgenthau, Aron et Kenneth Waltz, pour ne citer que ceux-là. Pour ces auteurs, la quasi inexistence au sein des Relations internationales d'une puissance capable d'empêcher les conflits, explique l'état d'anarchie dans lequel se trouve la société internationale, synonyme d'état de guerre entre les principaux acteurs ou groupes de conflit que sont les États-nations incarnés dans le détenteur du pouvoir exécutif, qui cherche à maximiser l'intérêt national défini en terme de puissance. Au sein de cette école également, les différents auteurs semblent s'accorder sur la nécessité d'équilibrer les puissances, même s'il existe des divergences sur sa forme qui peut être bipolaire, unipolaire ou multipolaire.

Mais ce qui relève de la constance, c'est le fait que les adeptes de la théorie réaliste conçoivent les relations internationales sous le prisme de la puissance et de l'intérêt. Et pour ces derniers, l'État reste l'acteur principal des relations internationales où toute action entreprise au-delà des frontières nationales ne concourt qu'à affirmer sa politique de puissance, ainsi que la préservation de l'intérêt national (Morgenthau, Aron).

Il devient de ce fait plus aisé de comprendre que la lecture réaliste de la coopération institutionnelle au sein des organisations internationales « désigne la coopération entre États qui se développe par l'entremise d'institutions internationales spécialement créées à cet effet, à vocation permanente, ayant pour objet de les aider à entreprendre certains activités définies ». (Sur, 2000 : 277). L'approche réaliste de la coopération internationale minore considérablement l'autonomie des organisations internationales qui « ne peuvent faire que ce que les États leur permettent et que ceux à quoi ils concourent », car toute proportion gardée, « il s'agit beaucoup plus d'institutions interétatiques et même intergouvernementales que de la mise en oeuvre d'une dynamique autonome » (idem : 279). Qui plus est, la limitation de leur moyen d'action est le reflet de leur déficit d'autonomie, car les institutions internationales « tirent leurs compétences des États membres, qui sont les destinataires ordinaires des mesures qu'elles adoptent » (idem, 286).

15 In Revue Études internationales, Vol XXXIV, n°2, juin 2003

La vision réaliste, pour être pertinente n'en regorge pas moins des insuffisances dans la mesure où l'anarchie internationale en dépit d'absence de puissance régulatrice, ne signifie pas désordre et immaturité de la société internationale. En outre, le retrait au sein de l'UNESCO, des nations telles que les Etats-Unis, la Grande Bretagne et même l'Afrique du Sud, pour des raisons d'incompatibilités idéologiques et/ou politiques, participe, sinon la consolidation de l'autonomie de l'Organisation, du moins de sa recherche constante. Enfin, c'est pour aller à l'encontre du courant réaliste que les libéraux analysent la coopération internationale dans une toute autre perspective.

2. QUID DE LA THÉORIE LIBERALE

La théorie libérale, à l'opposée du réalisme, reflète de manière significative les idéaux de l'UNESCO qui se propose d'atteindre progressivement les buts de « paix perpétuelle » (Kant), par le biais de la coopération intellectuelle entre les pays membres. L'on pourrait même affirmer que l'héritage philosophique (Erasme, Grotius, Kant, etc..) duquel est issue la théorie libérale est à l'origine de l'émergence des Institutions internationales. En effet, la croyance en la possibilité de moraliser les relations entre États, renforcée par la pensée philosophique empreint de pacifisme, la croyance en l'analogie entre l'ordre interne et l'ordre international, et la transitivité entre comportement interne et comportement international, constituent leur leitmotiv.

Aussi des trois principaux courants libéraux, à savoir les libéralismes républicain, commercial et institutionnel, seul ce dernier s'inscrit véritablement dans le cadre de notre travail dans la mesure où le « pouvoir stabilisateur » des Institutions internationales renforce « en l'institutionnalisant, la coopération entre les Etats » (Amélie Blom et Frédéric Charillon, 2001 : 32). Et contrairement à la perception réaliste qui renie toute autonomie aux organisations interétatiques et aux entités non étatiques, sous le prétexte qu'ils n'agissent au mieux que par l'entremise des États, les libéraux affirment plutôt que la coopération institutionnelle à l'échelon international « permet à la fois de remettre en cause la centralité de l'Etat, tout en offrant une représentation du monde où la force n'est plus omniprésente » (Roche, 2001 : 87).

Toutefois, cette théorie, parce qu'elle demeure « stato-centrée » pour l'essentiel, minore relativement l'incursion des autres acteurs non étatiques dans le système international ; en même temps qu'elle surestime le poids des Organisations internationales

dans un contexte où l'intérêt national reste prédominant. C'est pourquoi elle sera quelque peu dépassée par des théories dites postmodernistes, à l'instar du transnationalisme.

3. L'APPROCHE TRANSNATIONALISTE.

D'inspiration sociologique, la vision transnationaliste en dépit des affinités qu'elle entretien avec le courant libéral est considérée par plusieurs théoriciens comme un courant à part entière des Relations internationales. En effet, l'appréhension du contexte social transnational comme une variable indépendante des relations internationales, et la conception des individus comme acteurs autonomes, constituent le leitmotiv de ce courant de pensée. Aussi, ses principaux adeptes que sont Kaiser, Kéohane, Nye, Smouts et Badie, vont mettre un accent particulier sur le concept d'interdépendance complexe qui le plus caractérise la nouvelle conjoncture internationale, et où l'approche stato-centrée doit céder la place au « paradigme de la politique mondiale » en changement, qui aux côtés de l'État reconnaît également le rôle non moins important des acteurs non étatiques et infra-étatiques. Qui plus est ledit paradigme « se propose comme objet d'étude à la fois les relations interétatiques, les relations transgouvernementales, et les relations transnationales »

Plus fondamentalement, et tout en restant dans la perspective de Battistella, la mondialisation ou globalisation constitue le contexte qui verra éclore la variante la plus récente du courant transnationaliste ; à savoir l'analyse proposée par Badie et celle de Rosenau connue sous le nom de « modèle de la turbulence » ou paradigme de la « politique post-internationale »16. Pour ces deux auteurs, il ne fait aucun doute que le déclin continu de la capacité de l'Etat à satisfaire les attentes des citoyens est tel que l'on ne peut plus appréhender la politique internationale à travers les lunettes kissingériennes. Car « de nos jours, l'impact de l'opinion des individus et l'intrusion des mouvements de masses sont trop importants pour être ignorés ».

L'intérêt de cette approche dans le cadre de cette étude est déterminant en ce sens que les relations Cameroun-UNESCO, pour une meilleure efficacité, devraient inclure ces nouveaux acteurs dans une perspective de développement participatif. On pourrait néanmoins lui dresser, entre autres, un petit reproche : c'est qu'elle ne démontre pas vraiment comment ces incursions des « nouveaux acteurs » sont jusque-là freinées et même combattues par l'État

16 Toutes ces citations se retrouvent dans « Théories des relations internationales de Battistella, pp1 96, 201, 204 et 210

au sud du Sahara. Sauf que la théorie fonctionnaliste reste l'approche de base adaptée à cette étude.

4. LE FONCTIONNALISME TECHNICISTE DE DAVID MITRANY COMME APPROCHE DE BASE

Dans la perspective de Pascal Vennesson, le fonctionnalisme dans les relations internationales est un effort pour mettre au jour la contribution singulière des organisations internationales à la paix. Tout en reconnaissant à la SDN le mérite d'avoir au moins permis l'instauration d'une coopération fonctionnelle dans certains domaines d'activités précis, ses promoteurs vont considérer les facteurs économiques, sociaux et culturels comme véritables ressorts de l'institutionnalisation des relations pacifiques. (Smouts et al, 2006 : 235) Théorie des besoins et des attentes fonctionnelles, le fonctionnalisme international rentre également dans le cadre des théories de la coopération et de l'intégration (Roche, 2001 :93). Ses théoriciens s'inspirent de la tradition contractualiste qui remonte à Grotius, pour qui la raison d'être de l'État est le fait d'un contrat originel mettant fin à l'état de nature qui jusqu'alors caractérisait la condition humaine. Aussi dans la perspective de Grotius, un droit volontaire et conventionnel va se développer à côté du droit naturel, et va s'imposer aux États qui reconnaîtront les « bienfaits » de ses normes dans leurs rapports quotidiens : les fondements de la coopération internationale étaient alors jetés. Ernst Haas et David Mitrany vont être les figures de prou de la théorie fonctionnaliste

Le fonctionnalisme en soi est une approche théorique qui prône la coopération technique, sectorielle entre les États pour la réalisation des objectifs qui leur sont communs. Partant de l'échec de la SDN dans sa tentative d'organisation d'un mécanisme international de sécurité collective portant atteinte à la souveraineté des États, un amer constat sera fait sur la non atteinte des objectifs fondamentaux fixés dans le cadre dudit mécanisme politique. La raison d'un tel échec étant due à la posture des États jaloux de leur souveraineté, d'où la défection de plusieurs nations qui s'en sont désolidarisées. Le fonctionnalisme va de ce fait tirer des leçons de cet échec et va penser une démarche ambitieuse et originale : plutôt que de commencer par la sphère politique, si sensible, il faudrait d'abord s'intéresser au domaine technique. Ainsi, la création de l'UNESCO obéit quelque peu à ce principe de promotion des secteurs de bien-être. Plutôt que les hommes politiques, ce sont des intellectuels et techniciens qui ici sont mis au premier plan, à savoir des hommes qui sont sensés se comprendre mutuellement, parce que parlant plus ou moins le même langage quelque soit leurs origines, la

réalité étudiée étant objective, ce qui explique les solutions techniques basées sur la science, et non politiques. Tout de même, la visée en dernier ressort ici est de réaliser la paix et la sécurité, ainsi que le montre le titre de l'ouvrage phare de David Mitrany.

Le schéma initial ici participe du truisme. Il s'agit de la réalisation de la paix et de la satisfaction au travers de la coopération technique. Et parce qu'il faut selon Mitrany passer « des enjeux politiques qui divisent aux enjeux sociaux qui rassemblent », le point de départ de l'action, comme de la réflexion doit être les « besoins », plutôt que la puissance. D'où il devient préférable « d'identifier des besoins fonctionnels fondamentaux et de créer des cadres de coopération répondant à ces besoins et adaptés à leurs transformations ». La quête sincère de tels besoins ne pouvant qu'amener les hommes à se tourner vers la tâche réelle de leur société qui, à en croire Mitrany, est de venir à bout de la pauvreté, de la maladie et de l'ignorance. De ce plan va naître une hypothèse de départ qui confine à un pari. D'abord il est plus facile de coopérer dans le domaine technique. Les États ne pouvant seuls faire face à ces problèmes, cette coopération s'avère être plus facile à réaliser, parce que plus consensuelle. Ensuite, dans chaque Convention technique, l'État va céder une parcelle de sa souveraineté qui à son tour favorisera une cession du politique, fut-t-elle infime. D'où la probable réalisation de la paix, état de maturité de l'organisation politique ainsi créée, l'État n'étant plus très jaloux de sa sécurité. Au total, l'idée selon laquelle certains mécanismes favorisent l'apprentissage qui fait émerger un consensus et permet la création d'institutions dans le processus de coopération fonctionnelle, le rôle d'unités fonctionnelles dans les relations internationales, et les connections entre ces unités qui donnent progressivement naissance à un système de gouvernement, constituent les trois facteurs essentiels qui requièrent l'attention du fonctionnalisme.

Le schéma de départ sus-évoqué a eu une certaine pertinence au niveau de l'Europe qui à en croire certains est entrain de réaliser l'union politique, après avoir parfait son intégration économique17. En plus pour les fonctionnalistes, la paix viendrait également du fait de l'intensification et de la densification des relations entre les États, en plus des organisations internationales techniques. Aujourd'hui, l'interdépendance a atteint une vitesse de croisière considérable, les relations étant si imbriquées, enchevêtrées et enchâssées, que la guerre devient impensable au sein de l'Union européenne. Par ailleurs, le droit d'ingérence intégré au sein des Nations unies participe également de cette maturation. La maturité de ce courant de pensée, ainsi que le démontre l'expérience européenne, sera l'oeuvre du néo-fonctionnalisme

17 Il reste cependant indiqué de noter que tout le monde ne partage pas cet avis. Notamment Henry Kissinger qui trouve « ridicule » que l'on puisse penser que l'Europe parvienne à l'intégration politique. (Lire à cet effet, La nouvelle puissance américaine, 2003)

qui, parce que plus préoccupé de l'imbrication entre le supranational et le niveau national, sera moins systématiquement opposé aux États. Tout comme son « confrère », le néofonctionnalisme considère l'intérêt partagé comme le ciment par excellence de la coopération internationale, l'intégration devant être menée fonction après fonction, au prorata des réalisations faites sur le terrain, le souhait étant que le processus soit par la suite élargi à d'autres domaines par le « spill-over effect» ou effet d'engrenage.

Or la grille d'analyse proposée par Mitrany, pour pertinente qu'elle soit, est quelque peu mise à mal face aux réalités profondes des sociétés africaines. L'endossement de cette étude avec la littérature sur les organisations internationales relève du fait que le propre de celles-ci est d'être en rapport avec les États. Mais parce que ceux-ci diffèrent dans leur nature et dans leur fonctionnement, il importe de recourir à une véritable sociologie de l'État au sud du Sahara pour comprendre les limites des approches fonctionnalistes. Si le succès de ce courant semble incontestable au regard de la construction européenne, s'il ne fait aucun doute que la multiplication des accords régionaux observée en Amérique Latine et en Afrique relève de l'inspiration suscitée par les approches de Mitrany et Haas, il n'est pas sûr que le schéma établi par ces pionniers reflète vraiment les réalités internes des sociétés africaines. La première limite s'observe au niveau des abandons de souveraineté consentis par les États au profit d'instances supranationales, et qui était considéré comme un processus linéaire et quasi irrésistible. En outre, l'ouverture à la société civile et autres acteurs privés se fait en `dents de scies», résultat d'une politisation et d'une « mystification » renforcée de la coopération internationale, toujours considérée ici comme un « domaine réservé ». D'où l'on observe également une autre tendance lourde : celle de la politisation des enjeux sociaux. En raison de cet inconfort, il convient de réhabiliter la place de « l'acteur » dans l'opérationnalisation des programmes de projets de développement.

Notre ambition serait alors d'appliquer les acquis de la sociologie des organisations au fonctionnement des organisations internationales, afin de mieux comprendre les contraintes pesant sur la décision collective et la nature de cette décision et, par là, de mieux savoir ce que l'on peut attendre en Afrique comme partout ailleurs, d'une organisation internationale et ce qu'il est vain d'espérer. Cette voie encore peu explorée (du point de vue de Smouts), est celle que nous tenterons de mettre en relief tout au long de ce procès d'investigation sur la nature des rapports existant entre le Cameroun et l'UNESCO.

C'est dire enfin que l'appréhension de la coopération Cameroun-UNESCO, en plus de son enchâssement sur la théorie fonctionnaliste, se fera dans la recherche d'un équilibre, fut-il

instable, entre les approches transnationaliste, libérale et réaliste. Car, note Battistella, « les paradigmes ne s'entre-tuent pas ; ils s'enrichissent ».

B. MÉTHODE ET TECHNIQUES DE RECHERCHE

1. MÉTHODOLOGIE

« Le propre de la méthode, dit A. Kaplan (1964), est d'aider à comprendre au sens le plus large, non les résultats de la recherche scientifique, mais le processus de recherche lui- même. » Considérée au sens philosophique comme une somme d'activités spirituelles permettant à un domaine particulier de la connaissance d'atteindre, de vérifier et de démontrer les vérités qu'elle recherche, la méthode surtout « dicte(...) des façons concrètes d'envisager ou d'organiser la recherche » ( Madeleine Grawitz, 2001, 351). Fort de cela, la vérification des hypothèses apportées au questionnement de notre travail nous conduira vers deux approches : l'analyse stratégique et la méthode historique. Parce que liée, selon Grawitz, à une tentative d'explication, le choix de l'approche historique se justifie également par le fait qu'elle est empirique et implique de ce fait des observations concrètes. A côté de celle-ci, sera associée l'analyse du système d'action et de relation chère au fonctionnalisme stratégique de Crozier. Cette dernière nous permettra, tout en restant dans la perspective historique, d'examiner la place de l'acteur/agent dans le système des relations établis entre les deux parties.

Dans la perspective stratégique en effet, les relations Cameroun-UNESCO sont productrices d'un ensemble de pratiques mobilisées par des acteurs aux rationalités différentes. Celles-ci sont productrices de méthodes et d'institutions irréductibles à la somme de ces actions, ainsi qu'aux aspirations des individualités. Exprimé autrement, la coopération Cameroun-UNESCO est fédératrice d'un « système », qui lui-même rentre en rapport avec les acteurs dont l'existence ne peut se concevoir en dehors de ce système qui en retour, définit la liberté et la rationalité mobilisées par ceux-ci dans leur action. Mais également, le système de relations établies entre les deux parties n'existe que grâce à ces acteurs qui seuls peuvent le façonner en même temps qu'ils lui procurent un sens. C'est fort de cela que Crozier et Friedberg notent que « c'est de la juxtaposition de ces deux logiques que naissent ces contraintes de l'action organisée ». (Crozier et Friedberg, 1977 : 9) Il s'agit en effet d'une construction sociale de la réalité au sein de laquelle les acteurs relativement autonomes sont engagés dans une « configuration » en vue de résoudre le plus fondamental des problèmes posés dans leur mode d'action collective : celui « de leur coopération en vue de

l'accomplissement d'objectifs communs, malgré leurs orientations différentes » (Crozier et Friedberg, 1977 :13) Dans notre cas d'espèce, il est question de la coopération en vue de la promotion des idéaux de paix par le biais d'un certain nombre de programmes de développement.

C'est dire aussi que l'examen des relations Cameroun-UNESCO en tant que lien permet ainsi d'observer le « pouvoir » comme fondement de l'action organisée. Car du point de vue de l'acteur, le pouvoir, en tant qu'action de groupes ou d'individus sur d'autres groupes ou individus, s'entend en termes de relation, qui peut être instrumentale (quand les acteurs sont motivés par un but), non transitive (car une hiérarchie reste indispensable pour obtenir des actions), et enfin réciproque (mais déséquilibrée afin d'obtenir des forces de pouvoir). Cette approche par le système d'action et des relations permet également d'appréhender le « jeu » comme instrument de l'action organisée ». (ibidem, 79)

L'analyse stratégique adoptée par nos auteurs conçoit l'organisation comme un ensemble de « jeux structurés » les uns aux autres, c'est-à-dire, ensemble de stratégies possibles. Ici, le jeu (ou stratégies) est ce « mécanisme concret grâce auquel les hommes structurent leurs relations de pouvoir et les régularisent tout en leur laissant en se laissant- leur liberté », de façon à profiter des écarts pour créer de nouvelles opportunités et réaliser des transformations de l'ensemble du jeu. C'est pourquoi nos auteurs considèrent le jeu comme un instrument de l'action organisée. Cette approche qui restitue la place de l'acteur au sein de toute organisation ne minore pas pour autant le rôle du groupe dans la mesure où cette entreprise organisée s'inscrit prioritairement dans l' « action collective ». En cela, elle se complète avec l'approche historique qui elle, est réellement holistique.

La méthode historique ici sera appréhendée dans la perspective synchronique et diachronique. Diachronique dans la mesure où elle nous permet d'appréhender la coopération Cameroun-UNESCO depuis ses origines (1961), afin d'en remonter les faits marquants qui aujourd'hui, permettent l'intelligibilité. Aussi peut-on difficilement concevoir une explication qui ne soit à la fois génétique et historique. (Grawitz, op. cit, 422)

Bien entendu, il nous sied de mettre à la marge de notre démarche, « l'idole chronologique » qui conçoit l'histoire comme un rouleau ininterrompu. Aussi cette dernière qui généralement amène à considérer toutes les époques comme également importantes, et de ce fait considère tous les faits et tous les moments comme indifféremment dignes d'études, comme susceptible d'une même étude, ne s'aperçoit pas que certaines périodes sont plus caractéristiques et importantes que d'autres. C'est pourquoi nous convenons avec Lacombe que la constitution de « l'histoire science » est un ouvrage qui s'impose à notre temps. Ainsi,

plutôt que de dérouler mécaniquement et indéfiniment le tissu de la chronologie pure et simple des relations Cameroun-UNESCO, il nous faudrait plutôt rechercher des périodes et groupements explicatifs, d'une cohérence objective, afin de déterminer les vrais rapports.

Ce qui est possible avec la perspective synchronique, qui à travers la sélection et l'observation de l'ensemble de pratiques résultants de certains faits probants tels que les OMD, l'EPT, le programme de financement des radios communautaires et autres projets, constitue une option essentielle de notre travail. Et parce que le matérialisme historique applique les principes du matérialisme dialectique aux phénomènes de la vie sociale, à l'étude la société, et à l'étude de l'histoire de la société, cette méthode veut que les phénomènes soient considérés non seulement du point de vue de leur relation et de leur conditionnement réciproque, mais aussi du point de vue de leur mouvement, changement, développement, apparition et disparition. (Marx et Engel) En cela, nous comprendrions peut-être mieux pourquoi certains projets réussissent tandis que d'autres n'ont qu'une courte durée d'existence. Il s'agit en effet d'une méthode considérablement ancrée sur les faits et la réalité, fut-elle en mouvement, le fait social étant à la fois unique et historique. (ibidem : 393)

En effet, parce que notre étude porte sur l'impact de ladite coopération au sein de la société camerounaise pour l'essentiel, il importe de garder à l'esprit que « l'existence de l'homme en tant qu'être individuelle est indissociable de son existence en tant qu'être social » (Elias, 1987 :241). Mais si la méthode constitue « une conception intellectuelle coordonnant un ensemble d'opérations », très souvent est-elle associée à des procédés opératoires assez rigoureux et biens définis, et qui de surcroît, permettent d'appréhender les problèmes lorsque ceux-ci sont clarifiés. Il s'agit en un mot des techniques.

2. TECHNIQUES DE RECHERCHE

Les techniques documentaires telles l'étude des journaux et revues de l'UNESCO, et les techniques vivantes telles que les sondages et les questionnaires sur le terrain, nous servirons de techniques de collecte des données. Aussi, les entretiens auprès des différents acteurs (promoteurs et bénéficiaires) devraient nous amener à déterminer les enjeux réels de cette coopération. C'est dire en fait que ces enquêtes seront menées pour l'essentiel auprès des responsables nationaux et internationaux, concernés par les relations entre le Cameroun et l'UNESCO, ainsi qu'auprès des populations riveraines concernées par certains programmes de financement.

C. ANNONCE DU PLAN

Au total, l'appréhension sociohistorique des relations Cameroun-UNESCO nous conduira à la mise en exergue de la relative utilité de cette coopération, due aux difficultés fonctionnelles observées dans la mise en oeuvre des programmes de développement (Partie II). Ceci en dépit d'une crédibilité proclamée au sein des différents cadres symboliques en charge d'assurer l'exposition de la coopération (Partie I). De manière précise il s'agira d'abord de présenter le cadre juridique et politique sous-tendant cette coopération, ceci à travers une logique institutionnelle et organisationnelle bien déterminée (Chapitre I). Un tel cadre participe également de la crédibilité de cette coopération, ainsi qu'on le verra à travers la dynamique transactionnelle mise en exergue par le jeu des différents acteurs (Chapitre II). Il s'agira ensuite de démontrer, à travers le processus d'EPT au Cameroun (Chapitre III), ainsi que par le financement de certains projets de développement (Chapitre IV), que l'utilité des relations Cameroun-UNESCO reste quelque peu sapée par des dysfonctionnements opérationnelles et fonctionnelles considérables.

PARTIE I :
LES RELATIONS CAMEROUN-UNESCO : UNE CRÉDIBILITÉ
PROCLAMEÉ

CHAPITRE I :

LA LOGIQUE INSTITUTIONNELLE ET ORGANISATIONNELLE DES
RELATIONS CAMEROUN-UNESCO :

LE CADRE JURIDIQUE ET POLITIQUE

L'élévation des défenses de paix participe de la mission suprême de l'UNESCO au sein des États membres. Un tel projet présuppose que la mise en oeuvre des programmes et/ou projets de développement, fasse l'objet d'une préparation et d'une programmation concertée mobilisant les différents membres. Cela suppose également au départ qu'une étude de leur faisabilité fasse l'objet d'une concertation entre les principaux acteurs. Laquelle concertation ne serait possible qu'au sein des cadres organisationnels et institutionnels qui confèrent à ces projets, une dose significative de légitimité et de légalité, si ce n'est de crédibilité. Aussi, si l'élaboration d'un cadre juridique est un préalable essentiel à toute entreprise humaine, c'est parce qu'elle crée un environnement favorable à un minimum de structuration des rapports entre divers acteurs (étatiques, organisationnels, individuels). Et si les relations Cameroun- UNESCO sont structurées par des principes directeurs qui s'appuient sur des cadres organisationnels et institutionnels précis, c'est parce que de tels cadres sont eux-mêmes rendus légitimes par le fait des conventions liant l'État camerounais à l'institution spécialisée des Nations unies.

SECTION PREMIERE : LE CADRE JURIDICO-INSTITUTIONNEL

L'institutionnalisation des relations Cameroun-UNESCO est le fait des organes et organisations qui, à divers échelons, assurent au quotidien, l'effectivité et la visibilité des programmes et activités relatives aux idéaux de promotion d'une paix durable. Ce faisant, la maîtrise du cadre institutionnelle de coopération de l'UNESCO s'avère nécessaire dans un contexte où la coopération dans les PED, très souvent prend le virage d'une assistance technique apportée à ces derniers. Mieux, la connaissance des différentes conventions de l'UNESCO ratifiées par l'État camerounais, ainsi que l'Acte constitutif, est essentielle à l'imprégnation de l'environnement juridique de cette coopération.

PARAGRAPHE I : LE CADRE JURIDIQUE.

Parler du cadre juridique de la coopération Cameroun-UNESCO, c'est certes faire une énonciation des Conventions importantes reliant le Cameroun à l'institution spécialisée des Nations unies ; mais aussi et surtout c'est s'intéresser à l'Acte constitutif dont la ratification fait de l'État signataire un membre à part entière de l'UNESCO.

A. L'ACTE CONSTITUTIF DE L'UNESCO.

Adopté à Londres le 16 novembre 1946 et modifié par seize sessions de la Conférence générale au minimum, l'Acte constitutif de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture est une convention de quinze articles qui contient les engagements de la communauté internationale à atteindre les objectifs précis. Dans son esprit, les gouvernements des États se proposent au nom de leurs peuples d'élever les défenses de paix qui doivent être établies sur le fondement de la coopération intellectuelle et morale de l'humanité, conformément à la charte des Nations unies. Partant de ces buts, l'Organisation a pour fonction principale de « favoriser la connaissance et la compréhension mutuelle des nations en prêtant son concours aux organes d'information des masses », et ceci dans le respect des souverainetés internes de ses différents États membres.

Conformément à l'article II, les États membres de l'ONU font partir ipso facto de l'UNESCO, tandis que les États non membres de l'ONU peuvent être admis au sein de l'institution spécialisée par la Conférence générale votant à la majorité des deux tiers. Y sont également admis, mais sous la responsabilité d'une autorité régulant leurs relations extérieures, les Membres associés qui sont des territoires ou groupes de territoires ne pouvant pas assumer certaines responsabilités diplomatiques. Naturellement, la suspension ou l'exclusion au sein des Nations unies, affecte la qualité de membre de l'UNESCO, et le retrait y est également prévu par l'alinéa 6 dudit article.

Les articles III à VI traitent des différents organes que sont le Secrétariat, le Conseil exécutif, et la Conférence générale. Organe plénier de l'Organisation, cette dernière est composée des États membres dont les gouvernements respectifs nomment cinq représentants au maximum. Elle a pour principale fonction de déterminer « l'orientation et la ligne de conduite générale de l'Organisation », en même temps qu'elle se « prononce sur les programmes soumis par le Conseil exécutif. » (Alinéa 2 amendé à la septième session de la Conférence générale de 1952) Et suivant une procédure propre aux deux organisations, elle conseille l'ONU sur les aspects relevant de ses domaines de compétences. Les décisions sont prises à la majorité simple, chaque État disposant d'une voix à la Conférence générale qui, généralement se réunit tous les deux ans en session ordinaire.

Organe restreint, le Conseil exécutif est composé de cinquante et un États membres dont chacun désigne un représentant et, très souvent des suppléants. Élus par la Conférence générale qui tient compte de la diversité des cultures et d'une répartition géographique équitable, les membres du Conseil exécutif ont pour principales fonctions de préparer l'ordre

du jour des sessions de la Conférence générale dont l'action reste sous l'autorité et la responsabilité pour ce qui est de l'exécution du programme. Et sous réserve des décisions de celle-ci, l'alinéa 8 de la présente Convention permet au Conseil exécutif d'établir son Règlement intérieur et d'élire son bureau parmi ses membres. Plus fondamentalement, le Conseil exécutif « étudie le programme de travail de l'Organisation ainsi que les prévisions budgétaires correspondantes que lui soumet le Directeur générale. »

Nommé par la Conférence générale pour une période de six ans renouvelable une fois, le Directeur général qui est le plus haut fonctionnaire de l'Organisation, compose le Secrétariat avec un personnel recruté sur une base géographique aussi large que possible, et dont le caractère international ne devrait souffrir d'aucune contestation.

L'article VII relève la nécessité des commissions nationales ou organismes nationaux de coopération qui jouent le rôle d'organe de liaison pour toutes les questions intéressant l'Organisation. Conformément à l'article IX, « la Conférence générale approuve définitivement le budget et fixe la participation financière de chacun des États membres... », tandis que les relations avec l'ONU et d'autres organisations et institutions spécialisées sont également prévues par les articles X et XI. « Les dispositions des articles 104 et 105 de la Charte de l'Organisation des Nations Unies relatives au statut juridique de cette Organisation, à ses privilèges et immunités s'appliquent également à la présente Organisation » (article VII) et « le texte des projets d'amendements sera communiqué aux États membres par le Directeur général six mois au moins avant d'être soumis à l'examen de la Conférence générale » qui, selon l'alinéa 1 de l'article XIII, devra se prononcer à la majorité des deux tiers. Enfin, l'article XIV relatif à l'interprétation stipule en son alinéa 1 que « les textes anglais et français de la présente Convention font également foi » ; et l'article XV de préciser que « la présente Convention entrera en vigueur lorsqu'elle aura été acceptée par vingt de ses signataires. Les acceptations ultérieures prendront effet immédiatement. » (Alinéa 3)

Conformément à l'article précité, la Grèce constituera le vingtième État alors que le Cameroun n'en deviendra membre que seize années plus tard. Mais plus encore, il faudra attendre jusqu'en 1985 pour voir la signature de l'Aide mémoire qui constitue le document de base de la coopération Cameroun-UNESCO, même si par la suite, plusieurs autres Conventions liant les deux institutions vont connaître le jour.

B. LE CAMEROUN ET LES CONVENTIONS DE L'UNESCO.

A côté de l'Acte constitutif qui interpelle la totalité des États membres de l'UNESCO, l'organisation dispose également d'une panoplie de Conventions dont l'adhésion ou la

ratification relève de la souveraineté de chaque pays. Dans cette veine, le Cameroun est lié par un certain nombre de conventions de l'UNESCO, soit par simple adhésion, ou encore par ratification, entendue comme un acte délibéré traduisant son consentement à être lié.

C'est ainsi que le Cameroun va ratifier le 24 mai 1972, la convention signée à Paris le 14 novembre 1970, concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriétés illicites des biens culturels. Il en est de même de la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, signée à Paris le 16 novembre 1972, et dont la ratification par les autorités camerounaises se fera le 7 décembre 1982.

Plus nombreuses sont conventions de l'UNESCO auxquelles le Cameroun a simplement adhéré. Les toutes premières sont les deux conventions de la Haye du 14 mai 1954, ratifiées le 12 octobre 1961 : il s'agit de la convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, avec règlement d'exécution, ainsi que du protocole à la convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et résolutions de la Conférence. Trois ans plus tard, c'est-à-dire le 15 mai 1964, le Cameroun adhérait à l'Accord signé en Florence le 17 juin 1950, pour l'importation d'objet de caractère éducatif, scientifique ou culturel, avec annexes A, B, C, D et E, et protocole annexé.

Le 1er février 1973, le Cameroun adhère également à deux conventions universelles : celle de Genève sur le droit d'auteur avec Déclaration annexe relative à l'article XVII et Résolution concernant l'article XI, du 6 septembre 1952 ; et celle de Paris du 24 juillet 1971, relative au droit d'auteur. Plus récemment en 2006, le Cameroun va adhérer le 2 février, à la convention de Ramsar (Iran) relative aux zones humides d'importance internationale, particulièrement comme habitats de la sauvagine. Enfin le 22 novembre de la même année, ce sera au tour de la convention signée à Paris le 20 octobre 2005, sur la protection de la diversité des expressions culturelles, de connaître l'adhésion des autorités camerounaises.

De ce qui précède, il est autorisé de mentionner que le Cameroun n'est pas insensible à l'action normative de l'UNESCO, ce d'autant plus qu'il a toujours adhéré aux idéaux de l'organisation qui, et c'est un rappel, reflète parfaitement les aspiration profonde du peuple camerounais. Mais parce que la ratification suppose une implication étroite, sinon plus poussée, nos autorités semblent prendre assez de temps pour mieux étudier les conventions dont la ratification pourrait leur procurer un avantage certain. C'est dans ce sillage que nous pouvons considérer l'inscription de la réserve forestière et de la faune du Dja comme patrimoine mondiale de l'humanité, ainsi que les subventions accordées à l'école de la faune

de Garoua, comme avantages découlant de la ratification de la convention sur la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel.

Il reste tout de même que le Cameroun gagnerait à ratifier un peu plus de conventions, à l'instar de celles relatives au conflits, ou encore à la promotion de la diversité culturelle, qui, bien que ne nécessitant pas une urgence apparente, pourraient s'avérer utiles à long terme, tant il est vrai que `nul ne sait ce qu'un jour peut enfanter'. Mais ceci présuppose une concertation permanente au sein d'un cadre institutionnel on ne peut plus approprié.

PARAGRAPHE II : LE CADRE INSTITUTIONNEL.

Il s'agit ici des grands principes de coopération, aussi bien du Cameroun que de l'UNESCO, ainsi que des organes chargés de la mise en oeuvre des relations Cameroun- UNESCO.

A. LES ORGANES CHARGÉS DE LA COOPÉRATION CAMEROUN-UNESCO

1. LES ORGANES CAMEROUNAIS DE COOPERATION.

1-1. LA COMMISSION NATIONALE POUR L'UNESCO.

1-1-1. COMPOSITION ET FONCTIONNEMENT.

Créée par le Décret N° 91/098 du 31 janvier 1991, portant réorganisation de la Commission Nationale, la Commission Nationale camerounaise pour l'UNESCO est une institution de consultation, de liaison, d'exécution et d'information, qui travaille en interaction aussi bien avec le Gouvernement camerounais qu'avec l'UNESCO, les spécialistes et même le public. En effet, il est constitué de trois organes que sont le Secrétariat Général, le Comité Exécutif et l'Assemblée Générale.

Organe suprême de la Commission, l'Assemblée générale comprend les membres exofficio dont le président est l'actuel Ministre chargé de l'Éducation de base, Mme Haman ADAMA. Cet organe compte également neuf Vice-président que sont le Ministre chargé des Relations Extérieures, M. Henri EYEBE AYISSI ; le Ministre de la Communication, M. Jean Pierre BIYITI BI ESSAM ; le Ministre de la Culture, Mme AMA TUTU MUNA ; le Ministre des Enseignements secondaires, M. Louis BAPES BAPES ; le Ministre de l'Enseignement

supérieur, M. Jacques FAME NDONGO ; le Ministre de la Recherche scientifique et Innovation, Mme Madeleine TCHUENTE ; le Ministre de la jeunesse, M. ADOUM GAROUA ; le Ministre des Affaires sociales, Mme Catherine BAKAN MBOK ; et enfin, le Ministre de la Promotion de la Femme et de la Famille, Mme Suzanne BOMBACK. Comme simple membres, nous pouvons citer entre autres les Ministres chargés : de la Planification, de la Programmation du développement et de l'Aménagement du territoire ; du Tourisme ; des Finances. A leurs côtés, nous pouvons ajouter le Délégué permanent du Cameroun auprès de l'UNESCO et les Représentants de : la Présidence de la République ; l'Assemblée nationale et du Conseil économique et social. Enfin au titre d'experts de la Commission Nationale pour l'UNESCO, le Décret mentionne une deuxième catégorie de membre que sont les Experts constitués de dix personnalités du Monde de l'éducation, de la science, de la culture et de la communication, choisies en raison de leur compétence ; et de dix personnalités choisies parmi les membres des organisations publiques, confessionnelles privées et des associations professionnelles et culturelles les plus représentatives, y compris les anciens membres camerounais du Conseil exécutif de l'UNESCO. Les experts sont nommés à titre personnel, pour une période de quatre années renouvelable par arrêté présidentiel, sur proposition du président de l'Assemblée générale.

Cette dernière, qui en principe se réunit en session ordinaire avant l'Assemblée générale de l'UNESCO, c'est-à-dire deux fois par an, se doit de proposer « à l'approbation du Gouvernement la politique de coopération entre la République du Cameroun et l'UNESCO et la mise en oeuvre de ce programme dans le pays et par l'adoption des requêtes nationales à proposer à l'assistance de l'UNESCO. » (Article 6 du décret) Aussi, se doit-elle d'être répartie en quatre Sous-Commissions spécialisées que sont les Sous-Commissions de l'Education formelle, non formelle, informelle et spéciale ; des Sciences Exactes et Naturelles ; des Sciences Humaines et Sociales ; enfin de la Culture et de la Communication. Pour être large et représentative des différents secteurs de coopération de l'UNESCO, l'Assemblée générale n'en n'est pas pour autant opérationnelle, d'où la nécessité d'un organe restreint.

Plus restreint, le Comité exécutif comporte dix membres dont les Ministres chargés de l'Éducation de base et des Relations Extérieures assurent respectivement la présidence et la vice-présidence. De manière plus précise, ce comité suit les activités de la Commission Nationale pour l'UNESCO entre deux sessions de l'Assemblée générale. De ce fait, il délibère et décide des problèmes concernant : la préparation de l'ordre du jour provisoire de l'Assemblée générale ; le suivi de l'exécution des résolutions adoptées par cette dernière,

ainsi que des problèmes qu'elle lui assigne spécifiquement. C'est pourquoi sept autres membres élus par l'Assemblée complètent sa composition, tandis que son Rapporteur n'est autre que le Secrétaire générale de la Commission Nationale pour l'UNESCO.

Le Secrétariat général est l'organe exécutif et permanent de la Commission Nationale pour l'UNESCO, dont les personnels sont choisis en raison de leurs aptitudes, et placés sous l'autorité d'un Secrétaire général ayant rang et prérogatives de Directeur de l'Administration Centrale, et qui est chargé de la coordination des activités, et est assisté d'un Secrétaire général adjoint ayant rang et prérogatives de Directeur-Adjoint de l'administration centrale. Le Secrétariat général comprend quatre secteurs conformément aux domaines de compétence de l'UNESCO, et de deux Bureaux. Et l'article 14 du décret de préciser que chaque « secteur est placé sous l'autorité d'un Chargé d'étude ayant rang et prérogatives de Sous-directeur de l'Administration Centrale, éventuellement assisté de deux Chargés d'Études-Assistants, ayant rang et prérogatives de Chef de Service de l'Administration Centrale. » Et le « Bureau est placé sous l'autorité d'un Chef de Bureau ayant rang et prérogatives de Chef de Bureau de l'Administration Centrale. »

Enfin, les ressources financières de la Commission Nationale pour l'UNESCO Nationale proviennent du budget de l'État par l'entremise du président de la Commission qui en est l'ordonnateur principal, même s'il peut déléguer ses pouvoirs au Secrétaire général. En réalité, et conformément à l'article 18 du décret de 1991, les fonctions de Membres de la Commission Nationale Camerounaise pour l'UNESCO relèvent du bénévolat, même s'il est vrai qu'ils peuvent prétendre, « sur présentation des pièces justificatives, au remboursement des frais de transport ainsi qu'à une indemnité de session dont le montant sera fixé par l'Assemblée Générale sur proposition du Comité Exécutif ».

1-1-2. RAISON D'ETRE DES COMMISSIONS NATIONALES18.

Selon les termes de l'article VII de l'Acte constitutif, « chaque État membre prendra les dispositions appropriées à sa situation particulière pour associer aux travaux de l'Organisation les principaux groupes nationaux qui s'intéressent aux problèmes d'éducation, de recherche scientifique et de culture, de préférence en constituant une commission nationale où seront représentés le gouvernement et ses différents groupes ». La commission nationale ainsi définie est un organe en quelque sorte mixte qui, en effet, n'est pas une simple agence

18 Notes tirées pour l'essentiel du Manuel des commissions nationales, 2007. Il importe de considérer ce qui suit comme relevant de l'idéal, la réalité étant tout à fait différente.

d'ordre technique ; elle a une mission beaucoup plus large et vise sur le plan mondial, à « stimuler la coopération intellectuelle internationale ». Pour avoir résulté d'un compromis assez profond, et à la base de la création de l'UNESCO, les commissions nationales ne constituent pas uniquement des organisations intergouvernementales, dans la mesure où elles nécessitent également l'adhésion des communautés éducatives, culturelles et scientifiques de chaque État.

De fait, l'UNESCO est bel et bien une organisation intergouvernementale. L'existence des commissions nationales permet néanmoins d'associer aux différents processus de décision des personnalités et des groupes représentatifs de la communauté intellectuelle de chaque pays, et de les faire participer activement à ses programmes.

Et parce qu'il n'existe pas de modèle unique de commission nationale, il est indiqué de préciser que la commission nationale camerounaise rentre dans la liste majoritaire des commissions de caractère gouvernemental. Son Secrétariat, comme nous l'avons constaté, fonctionne comme un service à l'intérieur du ministère de l'éducation de base, et son président, nommé ex-officio, en est le ministre en exercice dudit ministère.

Mais ce qui relève de la constance, c'est la réalité selon laquelle toutes les commissions nationales sont « solidement enracinées dans leur culture nationale et dans ses valeurs et peuvent donc apporter à l'Organisation les compétences et l'expertise locale dont celle-ci a absolument besoin ». Inversement, elles tirent leur raison d'être et leur légitimité de l'UNESCO et elles ont le « devoir d'en promouvoir les activités, les programmes et les valeurs au bénéfice de leur pays ». C'est dire qu'à partir de ce double mouvement, elles sont un organe indispensable de liaison entre leur pays et l'UNESCO. Ce qui nous amène à scruter de plus près leur rôle.

1-1-3. ROLE ET UTILITÉ.

De ce qui précède, nous observons que les commissions nationales concourent à assurer une participation active de la communauté intellectuelle de chaque pays à la vie de l'Organisation. Ce faisant, leur utilité se trouve à travers le rôle qu'elles sont censées jouer, aussi bien au sein du système des Nations unies que dans leur propre pays.

Moyen d'influence au service des États membres au sein desquels elles assurent la présence de l'UNESCO, les commissions nationales jouent un rôle de consultation, de liaison, d'information du public et d'exécution des activités de l'Organisation. Agent par excellence de visibilité des activités et des domaines de compétence de l'Organisation, elles cherchent à

toucher les différents publics concernés par l'action de l'UNESCO à travers des actions de sensibilisation. Aussi, des partenariats sont-ils forgés auprès des différents acteurs du secteur associatifs et privé à l'instar des ONG nationales, ainsi qu'avec de nombreuses collectivités locales. En réalité, la participation à la mise en oeuvre du programme de l'UNESCO constitue la tâche primordiale des commissions, dont la capacité opérationnelle est renforcée par l'apport des différents ministères spécialisés. La coordination interministérielle est essentielle dans la mesure où les actions des commissions nationales sont multiformes et correspondent à la diversité des domaines d'activités de l'UNESCO.

Réseau dynamique au service de la coopération internationale, les commissions nationales constituent également un vaste réseau, à tous égards unique dans le système des Nations unies. De façon assez régulière, conduisent-elles souvent des activités aux échelons sous-régionaux (Conférence des Ministres de l'éducation de la CEMAC), régional et international. D'autre part, le réseau des commissions nationales se nourrit d'échanges réguliers. Qui plus est dans le cadre de la nouvelle politique de décentralisation de l'UNESCO, elles constituent à l'échelon national, un interlocuteur privilégié pour les bureaux multi pays, et partant à l'atteinte des objectifs fixés dans le cadre des OMD.

Car l'ONU qui aujourd'hui compte 192 États membres, a six organes principaux. Cependant le système onusien beaucoup plus large comprend de nombreux programmes, fonds et agences, et quinze institutions parmi lesquelles se trouve l'UNESCO. Aussi les commissions nationales dans le sillage des objectifs du Millénaire doivent être bien informées du suivi de ces objectifs par l'UNESCO et par d'autres organisations dans leurs domaines de compétence respectifs, afin de contribuer à la réalisation de ces objectifs au niveau local selon les besoins de chaque pays dans les domaines de l'éducation, de la science, de la culture et de la communication, ainsi que des droits de l'homme et même l'environnement.

1-2. LA DÉLÉGATION PERMANENTE DU CAMEROUN AUPRES DE L'UNESCO (DPCU).

L'institution des délégations permanentes est une initiative du Conseil exécutif de l'UNESCO qui dès 1947 va reconnaître leur utilité, compte tenu des spécificités propres à l'Organisation. La DPCU fait partie intégrante de la mission diplomatique camerounaise de Paris d'où l'Ambassadeur du Cameroun en France est également le Délégué permanent du

Cameroun auprès de l'UNESCO19. Les fonctions de la Délégation relèvent de la diplomatie multilatérale et ne sont pas nécessairement identique vis-à-vis du gouvernement camerounais, de l'UNESCO et des autres délégations.

A l'égard du Cameroun, le Délégué permanent représente son gouvernement d'envoi aux assises et manifestations initiées ou organisées par l'Organisation. De ce fait, il veille à ce que les décisions et projets issus des réunions concourent au mieux des intérêts de son État, l'objectif étant « de tirer avantage de toutes les opportunités issues des activités de l'Organisation. » (MENYE, 2003 : 12) De ce fait, il joue un rôle de liaison entre les deux institutions, en transmettant des informations utiles dans l'optique de réaliser une meilleure appropriation camerounaise de l'UNESCO, en même temps qu'il améliore la visibilité diplomatique du Cameroun au sein de l'Organisation. C'est dire qu'à l'attention de son gouvernement d'envoi, la DPCU a un rôle essentiellement diplomatique à savoir la représentation, la protection des intérêts de son État, l'information et la transmission, la suggestion et même la négociation sur les interrogations relatives aux rapports entre le Cameroun et les autres Délégations ou avec les autorités de l'UNESCO.

Envers l'UNESCO, le Délégué permanent peut négocier avec le Directeur Général afin que celui-ci appui des projets qui relèvent des Commissions Nationales. Aussi, les délégués permanents ont un rôle plus qu'essentiel dans la préparation des Conférences générales, en même temps qu'ils aident les membres du Conseil Exécutif à préparer les réunions.

A l'égard des autres délégations permanentes enfin, la DPCU « doit entretenir des rapports avec les autres délégations des États-membres afin de connaître leur position et éventuellement d'adopter des attitudes communes en fonction des affinités idéologiques, politique ou géographiques. » (Idem : 14)

1-3 LA FÉDÉRATION CAMEROUNAISE DES ASSOCIATIONS, CENTRE ET CLUBS DE L'UNESCO (FCACU).

La fédération camerounaise des clubs de l'Unesco est une ONG à caractère national. Apolitique, son caractère national se vérifie par sa structure, ainsi que par la présence des clubs dans les dix provinces du Cameroun. Les clubs de l'UNESCO sont des personnes, volontaires et bénévoles motivés, sans distinction d'âge, de sexe, de religion de tout horizon

19lors d'un entretient que nous accordait le Pr MBOUI, ce dernier regrettait cet état des choses, car pense-t-il, il s'agit d'un poste assez délicat qui suppose une personnalité plus libre, l'AMBACAM étant déjà assez pris par sa mission diplomatique

socioprofessionnel, qui se sont mis ensemble et s'engagent à agir pour la paix et le développement humain durable en organisant des activités directement inspirées de celle de l'Organisation.

1-3-1. GENESE ET EVOLUTION DU MOUVEMENT.

La naissance du mouvement UNESCO au Cameroun a précédé l'adhésion du Cameroun au sein de ladite organisation, naissance matérialisée par la création du tout premier club UNESCO à Oveng-yemevong en 1961, localité rurale située aux environs de Sangmelima, dans le Sud Cameroun. Ce mouvement sera suivi en 1969 de la création de la Fédération Camerounaise des Clubs et Amis de l'UNESCO (FCCAU), « structure qui viendra donner une impulsion dynamique à ce mouvement des hommes et des femmes de bonne volonté partageant les nobles idéaux de l'Organisation », ainsi que l'atteste l'exposé présenté par son actuel président Désiré AROGA, lors du Séminaire tenu à l'hôtel Hilton de Yaoundé du 18 au 21 septembre 2007. C'est ainsi qu'en 1980, le Cameroun va compter 75 clubs, 200 en 1992, 400 en 1999. Et pour finir en 2007, on notera la présence de 600 clubs20 sur toute l'étendue du territoire national, tandis que les « Juniors Unesco Clubs » vont être en expérimentation dans les écoles primaires.

1-3-2. OBJECTIFS ET NATURE DES CLUBS UNESCO.

Promouvoir les idéaux de l'UNESCO auprès des différentes couches des populations reste et demeure l'objectif prioritaire de la FCCAU. Ce faisant, elle contribue à l'implantation d'une paix et d'une sécurité durables, par la promotion de la collaboration entre les nations à travers l'éducation, la science et la culture. Pour y parvenir, elle coordonne les actions des clubs, centres et associations Unesco et organise des activités directement inspirées de celles de l'UNESCO. La FCCAU promeut également une culture de la paix en se fondant sur le respect de l'autre, de la justice sociale, la lutte contre toutes les formes d'exploitation et d'exclusion, lutte sous-tendue par des actions d'information et de communication par tous les moyens disponibles.

Au Cameroun, on dénombre trois types de clubs parmi lesquels les clubs scolaires, présentes au sein des lycées et collèges. Ils sont mis en place par les élèves et sont supervisés

20 Selon les affirmations même du président de la fédération. Encore que la simple adhésion ne pourrait à elle seule justifier les intentions réelles des adhérents.

par les enseignants et autres encadreurs tous membres du club. Ces clubs qui peuvent bénéficier des services des Activités post et péri scolaires, représentent 90% des clubs. Présentes dans les six universités d'État à l'exception de celle de Buéa, les clubs universitaires représentent 7% des clubs et bénéficient de l'encadrement de la Division des Activités Sportives et Associatives. Enfin, les clubs civils, présents dans les lieux de travail, dans les quartiers et villages, représentent environ 3% des clubs et sont constitués des travailleurs, des habitants des quartiers et des villages. Ils interviennent dans des domaines spécifiques que sont entre autres, l'environnement, la science, l'art plastique, l'emploi des jeunes, etc....

Constitués aujourd'hui de plus de 600 clubs, la FCCAU avec ses 24000 personnes militantes enregistre une moyenne de 40 adhérents par club. Ainsi, 15 membres forment le bureau national, tandis que 50 sont au niveau des 10 coordinations provinciales. 200 membres des délégations départementales et 700 encadreurs et animateurs complètent l'organigramme qui porte le total des responsables de la FCCAU à 965.

1-3-3. ORGANISATION, FONCTIONNEMENT ET PRINCIPALES ACTIVITÉS.

ONG et apolitique, la FCCAU est l'une des organisations nationales les mieux structurées du Cameroun, parce que présente dans la plupart des établissements scolaires et universitaires, mais également parce qu'elle évolue aussi bien en milieu scolaire et universitaire, qu'en milieu civil et professionnel. Ses ressources proviennent pour l'essentiel des cotisations et de la vente des cartes de membres, même si elle reçoit des appuis provenant de la Commission Nationale pour l'UNESCO, du Bureau Sous Régional, de l'UNESCO siège et des autres partenaires au développement.

Le Secrétariat de la FCCAU quant à lui est constitué de jeunes bénévoles qui y travaillent à temps plein et sans salaire en principe. Selon ses statuts, il est composé de 5 organes que sont le Congrès qui tous les quatre ans réunit les différents membres et dont l'application des recommandations est assurée par le Conseil permanent. Fondamentalement le Bureau Exécutif coordonne les activités du club et représente la Fédération au quotidien. Elle est appuyée dans cette tâche par 10 coordinations provinciales qui représentent le Bureau National dans les provinces et par 45 Délégations Départementales, représentant à leur tour le Bureau National au sein de la province, en même temps qu'elles l'aident à la coordination des différentes actions menées sur le terrain.

Les principales activités de la Fédération englobent tous les domaines de l'UNESCO. Nous pouvons mentionner entre autres les droits de l'homme et de l'enfant, la prévention et

l'abus des drogues, l'humanitaire, l'environnement, l'éducation préventive au VIH et sida, le dialogue interculturel, le patrimoine culturel, la gestion des conflits, la culture de la paix et les TIC. Il faut également noter la célébration chaque année de la journée des Clubs Unesco, le 19 juillet. Tout en tenant compte de son environnement et de sa situation, chaque club est libre d'organiser les activités qu'il juge utiles, pourvu que ces dernières soient à but non lucratif, et inspirées des actions et programmes de l'UNESCO.

1-3-4. RELATIONS AVEC LES AUTRES STRUCTURES.

En ce qui concerne la collaboration avec d'autres structures enfin, il est indiqué de noter que la Commission Nationale pour l'UNESCO appui la Fédération dans l'organisation de nombreuses activités et pour la participation de ses délégués aux rencontres internationales. Avec le gouvernement camerounais, la Fédération est associée dans les réflexions concernant les questions de jeunes ou l'un des domaines d'activités qui la concerne. De même, elle participe aux activités organisées par les ministères membres de la CNU. La fédération entretien également de bonnes relations avec toutes les fédérations africaines et celles des autres continents, même si elles sont un peu plus poussées dans la sous région.

Le Bureau Sous Régional de Yaoundé quant à lui appui matériellement et financièrement la Fédération dans l'organisation de ses activités, tant elle est associée aux activités dudit Bureau.

La Fédération est membre de nombreux réseaux d'ONG ou d'associations au Cameroun, réseaux qui pour la plupart évoluent dans son champ d'action. Bien plus, elle est membre créateur de la Confédération Africaine des Associations, Membres et Clubs Unesco (CACU), ainsi que de la Fédération Mondiale des Associations, Membres et Clubs Unesco (FMACU). Enfin, il importe de mentionner que le président de la Fédération, Mr Désiré AROGA est le président en exercice de la CACU, et que lors du dernier congrès ordinaire de la FMACU tenu à Athènes en juillet 2007, il a été élu Vice président de la FMACU/Région Afrique.

2. LES ORGANES DE COOPERATION DE L'UNESCO.

2-1. LA CONFÉRENCE GÉNÉRALE : ORGANE PLÉNIER ET SOUVERAIN.

Organe plénier de l'Organisation, la Conférence générale réunit les représentants des États membres tous les deux ans. Elle tient normalement ses sessions au Siège de l'UNESCO, à l'exception des cas rares d'acceptation de l'invitation d'un État membre à tenir une session sur son sol. C'est ainsi que Mexico en 1947, Florence en 1950 et Sofia en 1985, comptent parmi les rares villes à avoir abrité une session hors de Paris. Un « Guide de la Conférence générale », publié avant chaque session par l'UNESCO, permet aux différentes délégations d'être à la pointe des informations détaillées sur certains éléments clés.

Car la Conférence générale pour l'essentiel a pour fonctions de déterminer l'orientation générale de l'Organisation, en même temps qu'elle exerce une fonction consultative auprès de l'ONU. (Article IV, 5 de l'Acte) Elle adopte de ce fait le programme et le budget de l'UNESCO pour les deux années à venir et la stratégie à moyen terme de l'Organisation (tous les six ans). Elle adopte également des projets de recommandations aux États membres, et des conventions internationales à ratifier par ces derniers. La Conférence générale par ailleurs élit les membres du Conseil exécutif et de certains comités, commissions et autres groupes intergouvernementaux ; et c'est elle qui sur présentation du Conseil exécutif, nomme le Directeur général pour une période de cinq années, ce dernier étant rééligible une fois.

La structure révèle une Organisation de la Plénière, des Commissions pour les programmes sectoriels, les questions administratives et financières, et trois Comités statutaires à savoir : le Comité des candidatures, le Comité de vérification des pouvoirs et le Comité juridique. A noter également le Bureau qui conduit le travail de la Conférence dont les procédures pour la prise de parole, les projets de résolution, les votes et les élections, sont détaillées dans le « Guide ».

Mais d'autres procédures particulières sont prévues pour les trois premières séances plénières telles que l'élection du Président, le rapport du Conseil exécutif, et les trois derniers jours de la session telles que l'adoption des rapports des Commissions et l'adoption des résolutions. Les Événements spéciaux quant à eux peuvent comprendre des tables rondes ministérielles sur des questions importantes du Programme et des réunions avec des partenaires spécifiques. Une exposition thématique principale est un élément traditionnel de chaque Conférence générale. Des réunions des groupes électoraux, des réunions d'information organisées par les Secteurs du Programme et des réunions régionales pour les commissions nationales facilitées par le Secrétariat ainsi que des visites guidées de Paris

organisées par la délégation française, font partir des autres activités qui peuvent également voir le jour.

Enfin les principaux documents de la Conférence générale sont le C/1 qui représente l'ordre du jour, le C/2 ou l'organisation des travaux et le C/3 qui contient le rapport du Directeur général sur les activités de l'Organisation pendant l'exercice biennal précédent, avec une introduction sur l'exercice d'évaluation. Les C/4 et C/5 représentent respectivement la stratégie à moyen terme et le projet de programme et de budget. Le C/6 en dernier ressort, les Recommandations du Conseil exécutif sur le Projet de programme et de budget, recommandations basées sur les propositions d'un groupe de rédaction.

2-2. LE CONSEIL EXÉCUTIF : ORGANE DU CONTRÔLE DE L'EXÉCUTION DU PROGRAMME.

Le Conseil exécutif à ses débuts comprenait dix-huit membres élus intuitu personae pour leurs compétences par la Conférence générale sur présentation des candidatures par les États membres. Depuis le nombre de ses membres est passé de vingt en 1952 à cinquante et un en 1980, pour atteindre cinquante-huit en 1995. Aussi pouvons-nous observer quatre grandes réformes du Conseil au cours de la même période, dont celle de 1954 lors de la Conférence générale de Montevideo qui confère à chaque élu du Conseil la qualité de représentant du gouvernement de l'État dont il est ressortissant. (cf. résolution 8 C/Rés.,II- 1.1) Il faudra attendre jusqu'en 1968 (15 C/Rés.,1 1.1) pour voir le mandat des membres passer de quatre à six ans, ainsi que l'introduction d'un nouveau mode d'élection des membres répartis en cinq groupes, même si quatre ans plus tard, la durée du mandat sera ramenée à quatre années. Plus important est la réforme adoptée en 1991 lors de la 26e session de la Conférence générale qui rompt avec l'élection intuitu personae au profit des États eux-mêmes qui, à leur tour vont désigner leurs représentants, ainsi que les suppléants de ces derniers.

La situation actuelle du Conseil exécutif révèle un organe émanant de la Conférence, exerçant les pouvoirs qu'elle délègue pendant l'intersession et traitant des questions spécifiques qu'elle lui confie à chaque session. L'article V de l'Acte constitutif porte l'essentiel des fonctions et responsabilités du Conseil. Mais d'autres directives découlent des règlements, directives et certaines résolutions établis par la Conférence générale. D'autres attributions découlent également d'accords conclus entre l'UNESCO et l'ONU, les institutions spécialisées des Nations Unies et d'autres organisations intergouvernementales. C'est dire que le Conseil entre autres prépare l'ordre du jour des sessions de la Conférence,

étudie les prévisions budgétaires que lui soumet le Directeur général ainsi que le programme de travail de l'Organisation. Il fait des recommandations à la Conférence pour l'admission de nouveaux États non membres de l'ONU, auprès de qui il peut exercer des fonctions consultatives.

Observateur privilégié de la vie de l'UNESCO dont il suit de près le fonctionnement, le Conseil exécutif est amené à prendre des décisions sur des questions dont la solution ne peut attendre la prochaine session de la Conférence, et à donner des avis sur un grand nombre de sujets. Il faut noter qu'un comité spécial chargé d'examiner les méthodes de travail et les relations entre les trois organes de l'UNESCO veille à rationaliser régulièrement le fonctionnement du Conseil exécutif afin de le rendre toujours plus efficient.

Le conseil exécutif élit à l'ouverture de la session ordinaire et pour un mandat de deux ans, un président qui peut si nécessaire réunir un Bureau composé des Vices-Présidents du Conseil et des Présidents des commissions permanentes, du Comité spécial, du Comité sur les conventions et recommandations et du Comité sur les Organisations internationales non gouvernementales. Réuni en session ordinaire au moins quatre fois au cours de l'exercice biennal, le Conseil étudie le « livre bleu » qui constitue le projet du programme biennal et tire au sort le nom de l'État membre dont la délégation à la Conférence sera placée à gauche dans toutes les salles de réunion. La session extraordinaire peut également se réunir à la demande écrite de six membres du Conseil ou sur convocation du président. Il peut également se réunir en séance privée pour examiner des questions relatives au personnel qui travaille généralement en six langues. A savoir l'anglais, l'arabe, le chinois, l'espagnol, le français et le russe.

Comme organes subsidiaires enfin, le Conseil exécutif est constitué de deux Commissions (financière et administrative, programme et relations extérieures) et trois comités (spécial, conventions et recommandations, OING). Ces organes nécessaires à l'accomplissement de son mandat ont un caractère permanent.

2-3. LE SECRÉTARIAT : UNE ADMINISTRATION AU SERVICE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE ?

Le Secrétariat est composé des fonctionnaires internationaux dont l'exercice des fonctions nécessite une certaine dose de loyauté, de discrétion et de conscience, qualités essentielles pour la préservation des intérêts de l'Organisation. Plus haut fonctionnaire de l'UNESCO, le Directeur général détient le pouvoir de nommer le personnel du Secrétariat.

Excepté dans les cas de reclassements de postes qui se font par appel et mise à concurrence de candidatures, pour les besoins d'efficacité et d'efficience. En effet, chaque État membre a droit à un « quota » dont la Conférence générale détermine la proportion21. Et même si certains postes à l'instar de ceux financés par des ressources extrabudgétaires et les postes dits « linguistiques » échappent à la répartition géographique, il reste que l'UNESCO en vue de l'amélioration de cette dernière, a mis un programme dit « des jeunes professionnels », destiné aux pays sous-représentés et qui permet de former de jeunes et nouveaux fonctionnaires.

Aussi est-il possible d'être employé par l'UNESCO aux postes des Directeurs, des Professionnels ou cadres organiques, des Service généraux et des Assistants temporaires. Il est également possible d'y travailler dans le cadre des programmes des jeunes professionnels et experts associés. Il est à noter qu'il existe un recrutement interne et un recrutement externe, tous les postes vacants étant mis en ligne sur le site de l'UNESCO et faisant l'objet d'une description de poste.

Ainsi en 2007, le personnel cadres ou non cadres du Secrétariat était estimé à 2068 fonctionnaires internationaux, les 2/3 travaillant au Siège de l'UNESCO. Toujours au cours de la même année, il comprenait 55% de femmes et 45% d'hommes. Et à en croire le dernier Manuel des Commissions nationales élaborées dans la même période, cette parité est l'une des plus « équilibrées du système des Nations Unies. »

C'est dire en fait que la structure (flexible et mouvante) du Secrétariat au Siège depuis la Réforme de 2000, comprend trois grandes composantes que sont les secteurs de programmes qui portent sur les domaines de compétence de l'Organisation et sont chacun dirigés par un sous-directeur général. Sous l'autorité d'un sous-directeur général, les secteurs de soutien sont de deux types à savoir : le Secteur des relations extérieures et de la coopération (ERC), chargé comme son nom l'indique des relations avec les États membres et avec les Commissions nationales, et le Secteur de l'administration (ADM). Les services centraux enfin chargés pour l'essentiel d'élaborer des politiques et stratégies, assurent des fonctions de contrôle, de suivi et de coordination, en même temps qu'ils fournissent des services à la Direction générale dans l'optique d'un meilleur rendement du système. Il s'agit entre autre du Bureau de la planification stratégique (BSP), du Bureau d'information du public (BPI) qui se veut de susciter une prise de conscience des problèmes dont traite l'Organisation, et le Département Afrique (AFR) qui assure le suivi et la coordination des

21 Celle-ci est continuellement et systématiquement réajustée par le Conseil exécutif qui indique le nombre de postes accessibles aux nationaux des Etats membres

activités concernant l'Afrique, la mobilisation des ressources en faveur dudit continent, ainsi que des relations avec ses États membres.

C'est dire également que cette structure du Secrétariat est flexible et mouvante, parce que fonction de la réforme mise en place depuis 2000, réforme conforme aux OMD des Nations unies, et que l'on observe principalement au travers de la nouvelle politique de décentralisation, politique se matérialisant par la mise en place des bureaux hors siège.

2-4. LE BUREAU REGIONAL.

Encore appelé « cluster » ou bureau multi pays, le bureau régional de l'UNESCO qui est l'organe de coopération de l'institution spécialisée au sein de la sous région, est situé au quartier Bastos de la ville de Yaoundé. En effet, cette « imposante bâtisse » située proche de la Compagnie de sécurisation des diplomates, comporte plus d'une trentaine de bureaux. Il couvre en plus du Cameroun, le Tchad et la République centrafricaine.

De manière générale, les bureaux UNESCO Hors siège « ont pour mandat de traduire concrètement en programmes et projets au niveau des Pays, les orientations et choix stratégiques des instances décisionnelles de l'UNESCO. »22 Ce bureau qui depuis Paris reçoit des ressources humaines, financières ou matérielles pour une rentabilité adéquate, se veut également d'impliquer les États dans la définition des axes d'action prioritaires de l'Organisation, l'objectif étant de mieux cibler les projets et de bâtir une vision commune de l'action de l'UNESCO dans l'Afrique Centrale.

C'est dire que le rôle du cluster de Yaoundé est analogue aux responsabilités incombant à tout bureau régional. Il s'agit de : représenter le Directeur général de l'organisation dans les pays du groupement ; participer aux réunions et exercices de coopération en tout genre impliquant le système des Nations Unies et/ou les pays de son ressort ; coopérer étroitement avec chacun des États membres de son ressort, notamment avec les commissions nationales, pour leur action dans le domaine de compétence de l'UNESCO ; animer la coopération internationale au sein de son ressort ; animer l'action souvent très dynamique des partenaires divers, qu'ils appartiennent ou non au cercle rapproché de l'UNESCO (clubs, écoles associées, ONG, donateurs, etc.). Sauf qu'une bonne compréhension des relations Cameroun-UNESCO passe également par la maîtrise du cadre

22 Ainsi que le rappelait le Représentant de l'UNESCO au Cameroun Bernard HADJADJ, dans une allocution prononcée au cours d'un séminaire organisé en septembre 2007 à l'hôtel Hilton de Yaoundé

institutionnel de coopération de cette Organisation dont l'assistance technique auprès des États membres semble considérable.

B. LE CADRE INSTITUTIONNEL DE COOPERATION DE L'UNESCO.

En tant qu'institution spécialisée, l'UNESCO est appelée à réaliser au sein des pays membres, quelques uns des objectifs prévus au chapitre IX de la charte des Nations unies, au titre de coopération technique. Ce faisant, l'orientation de la coopération technique de l'UNESCO s'inscrit dans le cadre général de la conception onusienne de l'aide au développement humain et durable, telle que résolue dans le cadre des Objectifs Millénaires pour le Développement (OMD) en 2000. D'où le mécanisme de coordination est assuré par le Conseil Economique et Social (ECOSOC), suivant les accords de coopération établis entre les Nations unies et les institutions spécialisées, conformément aux articles 63 et 64 de la charte.

Dans un cadre plus élargi, l'UNESCO entretient des rapports avec les autres organismes internationaux à l'instar des organismes de financement de l'ONU tels que l'Office de Secours et de Travaux des Nations unies pour les Réfugiés de la Palestine dans le Proche Orient (UNRWA), le Fonds des Nations unies pour l'Enfance (UNICEF), le Programme Alimentaire Mondial (PAM), et la Banque Internationale pour le Reconstruction et le Développement (BIRD). Elle est également en relation avec les ONG et les autres institutions spécialisées telles l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l'Organisation Internationale pour le Travail (OIT) et le Fond des Nations unies pour l'Agriculture (FAO).

Plus fondamentalement doivent être prises en compte les relations qu'entretient l'UNESCO avec l'organe de coordination de l'ONU qu'est le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD). Car l'UNESCO n'étant pas un bailleur de fonds, les rapports entretenus avec le PNUD se situent dans la logique du cycle de coopération des Nations unies élaboré par le PNUD, consistant à financer les institutions spécialisées sur la base des priorités nationales de développement. Aussi, cette dépendance financière des institutions spécialisées vis-à-vis du PNUD a fait dire à Michel Virally que « sur le plan de la coopération technique, le système des Nations unies se conforme beaucoup plus nettement que sur tout autre plan à l'image du système solaire, dont le centre est ici occupé par le PNUD »23

Enfin, les activités entreprises par l'UNESCO se scindent en deux catégories que sont le budget ordinaire dont les activités relèvent directement des contributions des États

23 Cité par Raymon Epote, op.cit : 23

membres de l'Organisation, et les activités entreprises à titre extrabudgétaire dans le cadre de la mise en oeuvre des projets de développement, et qui de ce fait interpellent les organes de financement (PNUD, BIRD...), l'UNESCO ne devenant que simple chef de file ou agence d'exécution.

Calqué sur le modèle de l'ONU, le budget ordinaire est alimenté par les États membres dont les contributions sont fonctions de leurs ressources, superficie et nombre d'habitant. A titre d'exemple pour l'exercice financier 2006-2007, le montant du budget du programme ordinaire s'est élevé à 610 000 000 de dollars des US. Fonds couvrant les frais de personnel et de fonctionnement ainsi que le financement des activités concernant la coopération intellectuelle internationale. Ils peuvent également être utilisés pour l'identification et la définition de projets de coopération pour le développement et l'élaboration de stratégies. Reste qu'il est à regretter qu'un nombre important d'États membres ne puisse pas remplir leurs obligations financières. Non moins importants sont les sommes versées à l'UNESCO en dehors des contributions obligatoires.

Souvent qualifiés de contributions volontaires, les fonds extrabudgétaires relèvent de trois modalités principales dont deux ne nécessitent pas de rapport narratif ou financier au donateur : il s'agit des montants portés au crédit du budget ordinaire, destinés à renforcer un article budgétaire existant, et des comptes spéciaux, créés pour financer un institut de l'UNESCO ou un programme de grande envergure. La troisième catégorie des fonds extrabudgétaires concerne les accords de fonds-en-dépôt, relatifs à un projet ou un programme spécifique identifié par la source de financement en coopération avec l'UNESCO. Bien évidemment, des rapports détaillés, narratifs ou financiers ici sont soumis au donateur.

Dans la situation actuelle, on remarque que les principales sources de financement au titre de la coopération pour le développement proviennent des gouvernements, du système des Nations Unies (le PNUD étant son plus ancien collaborateur), de la commission européenne, du secteur privé, et des banques multilatérales de développement ainsi que des fonds de développement. Enfin dans le cadre de la Stratégie à moyen terme (2002-2007), il était prévu que les fonds extrabudgétaires, constituant une composante essentielle des ressources de l'UNESCO, soient pleinement intégrés dans la programmation de l'Organisation. Il est à noter que ces aménagements institutionnels sont essentiels pour l'appréhension de la politique de coopération de l'UNESCO avec les États membres.

SECTION II : LE CADRE POLITIQUE DE COOPÉRATION CAMEROUN-UNESCO

Il s'agit dans un premier temps d'évoquer la politique de coopération de l'UNESCO qui, recèle des points de convergence certains avec le système des Nations unies. Ensuite d'énoncer les principes directeurs du système camerounais de coopération internationale qui, bien qu'en étant en phase avec les idéaux universels promus au sein de l'UNESCO, nécessite tout de même quelques réaménagements en vue d'une meilleure concorde avec l' « esprit du temps ».

PARAGRAPHE I : LA POLITIQUE DE COOPERATION DE L'UNESCO.

Bien qu'il n'existe, à proprement parler, pas de filiation directe entre l'UNESCO et l'ONU (si l'on s'en tient à leurs origines), il reste cependant difficile d'appréhender la politique de coopération de celle-ci en marge de celle du système onusien. Ce qui ne l'empêche guère de préserver certaines spécificités qui, très souvent, en font un organisme difficilement saisissable aux yeux de certains experts.

A. L'UNESCO DANS LE SILLAGE DES NATIONS UNIES.

« Comme il est évident que la liberté est fragile sans garanties sociales et économiques, rappelle Jean-Baptiste Duroselle, les Nations unies sont résolues `à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande». Pour y parvenir, poursuit notre historien des relations internationales, le meilleur moyen est la coopération internationale qui permettra de résoudre les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire » (Duroselle, 1998 : 9). Le parallèle avec l'UNESCO est effectif dans le sens où l'action de l'UNESCO au sein des États membres s'effectue par le biais de la coopération intellectuelle internationale en vue de renforcer les conditions matérielles et spirituelles d'existence et de coexistence entre les hommes, et ceci dans le strict respect des droits et libertés des peuples. De manière plus précise, la politique de coopération de l'UNESCO, à l'instar de son cadre institutionnel, s'arrime aux objectifs des Nations unies exprimés dans la charte (article 1 paragraphe 3 ; article 13 et 17, et Chapitre IX et X), et récemment, à ceux exprimés dans le cadre des OMD.

Il s'agit d'une politique respectueuse de la souveraineté interne des États et qui se limite pour l'essentiel sur l'aspect technique, conformément aux priorités nationales. Et dans la perspective de la Résolution 200 (III) de l'Assemblée générale des Nations unies de 1948, l'assistance technique fournie qui n'est donnée qu'aux gouvernements ou par leur

intermédiaire devra répondre aux priorités du pays intéressé, et ne constituera pas un prétexte d'ingérence économique ou politique. C'est dire que la primauté ici est accordée à l'intérêt national et à la sauvegarde de la souveraineté de l'État bénéficiaire de l'assistance technique. Dans la même veine, la formule utilisée dans le cadre du Programme Elargi d'Assistance Technique (PEAT) fondée en 1949 « consistera à envoyer des experts dans les pays afin de conseiller les gouvernement sur leurs programmes de développement, à former à l'étranger les experts issus des pays en voie de développement, à former les techniciens sur place... » (Epote, op.cit : 44) Sauf que le nouveau contexte international, sans nécessairement remettre en cause ces données classiques, autorise à reconnaître que les mutations en cours ont créé un « lien entre un régionalisme, qui ne se définissait jusqu'alors que par rapport à des enjeux nationaux, et un régionalisme défini par rapport à un ordre mondial » (Karoline Postel-Vinay, in Marie-Claude Smoots, 1998 : 117). C'est fort de cela que l'on assiste à l'avènement des problèmes dits « globaux » qui interpellent la communauté internationale dans son ensemble. C'est aussi pourquoi l'on assiste de plus en plus à l'émergence des fora internationaux regroupant des acteurs étatiques et privés autour des thèmes tels que l'EPT ou encore les OMD.

Au sein de l'UNESCO, la mise en application des OMD obéit à deux types d'actions à caractères opérationnels et incitatrices. L'action incitatrice se traduit à travers les conférences organisée aux niveaux sous régional, régional et international, tandis que l'action opérationnelle se traduit par le recrutement d'experts et l'envoi des missions d'évaluation au sein des pays concernés. Ces actions, ainsi que nous l'avons déjà souligné, sont soutenues par les ressources de son budget ordinaire et des ressources extrabudgétaires et reposent pour l'essentiel sur la coopération technique.

Aussi nous est-il permis de noter que l'orientation générale de la coopération de l'UNESCO s'appui prioritairement sur le renforcement du secteur éducatif, ainsi que le révèle le forum de Dakar sur l'EPT, et ceci avec le concours du BIRD, du PNUD et de l'UNICEF. Et bien avant ledit forum, le programme d'assistance de l'UNESCO évoluait progressivement dans la perspective de renforcement de ce secteur, l'objectif étant de subvenir aux besoins des pays les moins avancés, pour qui l'éducation apparaissait comme la priorité des priorités. Est- ce à dire que les autres secteurs sont pour autant dépourvus d'intérêt ? La réponse va nécessairement à la négative dans la mesure où la science, la culture, la communication et même les droits de l'homme sont pris en compte, en fonction des besoins de chaque pays. Mais également parce qu'ils constituent un palliatif significatif à l'éducation qui, il faut le dire, est un secteur transversal. A côté de ces données de bases qui relèvent de la constance, il

nous sied de mentionner la priorité accordée au continent africain et la politique de décentralisation instaurée dans le sillage des OMD, comme critères essentiels de la « nouvelle » politique de coopération de l'UNESCO.

B. LA DÉCENTRALISATION ET L'AFRIQUE COMME PRIORITÉS DE LA NOUVELLE POLITIQUE DE L'UNESCO ?

Les principes d'une décentralisation de l'UNESCO sont pour la première fois de manière officielle fixés dans la résolution 30 C/83, de 1999. Réforme qui sera relayée par un plan d'action approuvé par le Conseil dès sa 159e session tenue en avril 2000. Il s'agit prioritairement de la création de bureaux hors siège chargés de desservir un groupe de pays. Au coeur de cette réforme se trouve l'instauration des bureaux multipays qui vont porter le nom de cluster office, institués pour être la nouvelle charpente du programme de décentralisation. Car au-delà de la pure compression, ces bureaux plutôt que de simples délégations lointaines du Siège, assurent une représentation effective constituant le lieu même de la présence de l'UNESCO, le véritable nouveau centre du dispositif. Centre pluriel, le cluster « amène également la notion de réseau et d'interaction au coeur de la conception nouvelle du fonctionnement de l'UNESCO. »

Il est tout de même indiqué d'observer que certains bureaux homologues aux cluster ne couvrent qu'un seul pays, soit que ce dernier soit en situation de post-conflit ou en transition, soit encore du fait de son immensité comme c'est le cas des E-9 (neuf pays à fortes population) : il s'agit du Bangladesh, du brésil, de la Chine, l'Inde, l'Indonésie, le Mexique, le Pakistan et enfin l'Egypte et le Nigeria pour ce qui est de l'Afrique. En outre, il existe dix bureaux régionaux analogues aux instituts qui appuient les bureaux multi pays sur des programmes bien définis. Il s'agit des clusters de Dakar, Nairobi, Beyrouth, Bangkok et La Havane, pour ne citer que ces exemples. Enfin, deux bureaux de liaison auprès des Nations unies situés à New York et à Genève complètent notre réseau décentralisé.

Au total, l'on peut dire que partant d'un déploiement de 74 bureaux hors siège, cette réforme a mise en place un système plus ramassé organisé autour de 52 bureaux. A savoir 27 bureaux multipays, 21 bureaux nationaux, 2 bureaux de liaison avec l'ONU, et enfin les bureaux régionaux de Venise et de Santiago du Chili, non dénombrés parmi les multipays.

Il va sans dire que l'utilité de cette politique de décentralisation serait davantage significative en ceci que la mise en place de ce dispositif pallie aux éventuelles possibilités de fermeture de bureau, tout pays se trouvant inclus dans un cadre favorable à l'instauration

d'une coopération accrue entre pays du même groupe. En plus, un effort considérable a permis une nette amélioration des effectifs des unités hors siège qui sont passées de 226 professionnels à 271 au cours des trois derniers biennia.

Qui plus est depuis le Sommet mondial de 2005, l'UNESCO a avancé l'examen de sa propre Stratégie de décentralisation initialement prévue pour 2008-2009. Dans la perspective de la réforme de l'ONU, l'UNESCO en effet adhère à la nécessité d'une harmonisation plus poussée entre les Organes des Nations unies, d'un alignement plus étroit sur les processus de développement conduits dans les pays et d'une transparence et d'une responsabilisation accrue. Il s'agit pour l'Organisation d'affiner l'actuel système de décentralisation en s'inspirant du cadre de décentralisation récemment mis en place pour la réforme du Secteur de l'éducation, notamment pour renforcer sa capacité à réaliser tout particulièrement l'EPT et accroître l'impact de son action. Il s'agit également pour notre institution de faire le point sur la Stratégie de décentralisation (176 EX/6) et d'améliorer la communication sur la réforme au sein du réseau hors siège.

L'analogie existante entre l'UNESCO et l'ONU reste également perceptible au niveau de l'Afrique en ceci que le développement et la coopération restent un enjeu permanent de l'action de ces organisations dans un contexte où la paix et la sécurité demeurent des défis majeurs. De l'avis de Jean-Emmanuel PONDI, « si pour certaines populations et certains dirigeants du monde l'ONU n'est qu'un `'machin», un `'moulin à parole» et `'une bureaucratie budgétivore et largement inefficace», telle n'est pas, dans une très large mesure, l'appréciation que les populations et les dirigeants africains font de son action sur leur continent où elle est indispensable au quotidien.... » (Pondi, sous la direction de, 2005 : 9)

Aussi suffit-il de considérer les grands programmes de l'UNESCO pour se rendre compte de la priorité réservée au continent africain. Qu'il s'agisse de la Scolarisation Primaire Universelle (SPU), du Plan de mise en oeuvre de Johannesburg adopté au Sommet mondial pour le développement durable (2002), de la Décennie internationale d'action, « l'eau, source de vie » (2005-2015), et du Programme international pour le développement de la communication (PIDC), il est très aisé de constater que l'Afrique à priori occupe une place de choix.

Il faut enfin de compte dire au niveau du Cameroun que l'impact de ces nouvelles orientations a été très significatif au cours de cette dernière décennie, comparée aux précédentes où le bureau de l'UNESCO ne fonctionnait que par intermittence, où « ouvertures » et « fermetures » se succédaient assez souvent. Toutefois, il reste que des efforts restent encore à faire par les deux parties afin d'améliorer la visibilité de cette

coopération qui reste assez mal connue au sein des populations. Mais ceci passe également par une meilleure connaissance de cette organisation dont la maîtrise des rouages déterminants de son action ne relève pas toujours de l'évidence.

C. LA POLITIQUE DE COOPÉRATION DE L'UNESCO EN BUTE À DES DIFFICULTÉS FONCTIONNELLES

Frédéric Ramel souligne fort bien que l'oeuvre de Grotius24 consiste à doter la société internationale d'un « ordre fondé sur des principes juridiques » (Ramel, 2002 : 99). Il convient tout de même de noter que l'effort inlassable engagé par l'UNESCO pour « construire la paix dans l'esprit des hommes » nécessite une implication quotidienne des principes moraux universels comme complément à cet ordre juridique. Et si ses promoteurs réfutent toute posture visant à reconstruire la société mondiale sur des postulats politiques dotés des bases scientifiques solides à même de réaliser empiriquement le cadre politique de la société des individus, c'est parce qu'une telle attitude se fonde sur l' « inquiétude maladive » hobbesienne à l'égard d'autrui (ibidem : 118). Tout au plus, s'accordent-ils avec la perception de Pufendorf pour qui la nature humaine est par essence sociable. Sauf que c'est à ce niveau que constitue la principale difficulté : traduire cette sociabilité dans le fonctionnement quotidien de l'organisation.

Déjà Victor Yves Ghebali ressassait trois grandes préoccupations auprès des pères fondateurs de l'UNESCO, lesquelles préoccupations sapaient les fondements du projet qui dans son essence devenait « hybride », et dans sa formulation, « ambigu ». Il s'agissait de « prévenir le retour d'une `'grande et terrible» guerre, combattre les germes de fanatisme dans la mentalité des peuples et enfin, fonder la paix nouvelle sur le respect des droits de l'homme » (cité par Pondi). De la difficile conciliation de ces facteurs, poursuit-il, résultera « un projet nimbé d'une obscure clarté ». Peut-être, ceci pourrait entre autres expliquer le fait que sa gestion quotidienne soit confrontée à de sérieuses difficultés de fonctionnement.

De l'avis d'Emmanuel PONDI, le fonctionnement quotidien de l'UNESCO est difficilement réalisable du fait d'un Conseil exécutif quelque peu dominé par la Conférence ; associé à cela la prolifération des Commission nationales et ONG qui affublent nos deux principaux organes, ce qui entame la gestion quotidienne de l'UNESCO. C'est dire que pour ce spécialiste des relations internationales, il ne fait aucun doute que la nature intrinsèques des problèmes relatifs aux différents secteurs d'activités, lesquels impliquent nécessairement des

24 Dont l'influence des idées auprès des Pères fondateurs de l'UNESCO est conventionnellement reconnue

choix importants de société, « prédisposait l'UNESCO et son chef à être entraînés dans des controverses de nature politique » (Pondi, ibidem : 30). Où l'on voit ainsi se profiler toute la problématique de « l'acteur et du système ».

Dans la perspective de Crozier et Friedberg, l'acteur est régulièrement en quête de contrôle d'éventuelles « zones d'incertitudes » qui lui accorderaient des coudées franches lui permettant d'échapper en partie à l'emprise du système, si ce n'est d'améliorer sa marge de manoeuvre vis-à-vis de celui-ci. Il se tisse alors un ensemble de relations complexes entre les individus où « jeu » et « pouvoir » sont mobilisés par l'ensemble des acteurs, créant ainsi une configuration dont le processus n'obéit guère à leurs subjectivités respectives. Une telle complexité s'observe également au sein de notre organisation intergouvernemental qui n'est rien d'autre qu'une organisation d'États ; d'où « le principe et la finalité de tout son pouvoir et de son efficacité résident dans ces États » et dans leur capacité d'agir de concert avec la société civile, les peuples et partant, les individus. Pour ne s'en tenir qu'à l'acteur principal qu'est l'État, on s'en rend bien compte que ses velléités particularistes et de puissance, très souvent l'opposent aux principes universels et universalistes nécessaires à la réalisation de la coopération intellectuelle souhaitée au sein de l'UNESCO. C'est ainsi qu'au cours de son évolution, l'UNESCO et ses principaux dirigeants (l'exemple du Sénégalais MATAR M'BOW est révélateur à ce propos), ont régulièrement été confrontés à des difficultés minant son fonctionnement quotidien. De même, les sanctions opérées à l'encontre du régime de Tel Aviv en 1970, la mise en quarantaine du régime sud africain d' « apartheid », ou encore le retrait des USA et de la Grande-Bretagne, sont des exemples patents des difficultés rencontrées par l'UNESCO dans son effort quotidien d'élévation des défenses paix dans l'esprit des hommes25. Il s'avère donc important qu'un État comme le Cameroun puisse maîtriser ces couacs internes propres à l'UNESCO, et les nouveaux enjeux liés à la mondialisation, afin de mieux appréhender sa politique de coopération avec l'Organisation mondiale au mieux de ses intérêts qui ne sont nécessairement pas opposés à ceux de la communauté internationale.

PARAGRAPHE II : LA POLITIQUE CAMEROUNAISE DE COOPÉRATION INTERNATIONALE

Depuis son accession au statut juridique international, lequel statut lui confère des privilèges certains à l'instar de l'adhésion au concert des nations souveraines, le Cameroun

25 Ajouté à cela des déficits budgétaires, causés tantôt par la « mauvaise foi » de certains Etats qui n'honore pas toujours convenablement à leurs contributions, tantôt aux « retraits » de certains pour des raisons idéologiques ou politiques

s'est doté d'une politique étrangère qui structure et rend compte de son action internationale. L'on observe en effet que les principes directeurs régissant la stratégie camerounaise de coopération internationale restent intangibles, non seulement dans les domaines bilatérale et multilatérale, mais aussi au sein des relations sud-sud et sud-nord. Si l'on peut féliciter le fait que la diplomatie camerounaise soit restée fidèle à ses principes, il reste que celle-ci devrait, tout en préservant certains acquis, se réajuster à la nouvelle conjoncture internationale, afin de gagner en efficacité.

A. ÉNONCIATION ET JUSTIFICATION DES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA COOPÉRATION AU CAMEROUN.

1. INDÉPENDANCE NATIONALE, COOPÉRATION INTERNATIONALE ET UNITÉ AFRICAINE COMME FACTEURS STRUCTURANT LA PROJECTION EXTÉRIEURE DU CAMEROUN

Depuis son accession à l'indépendance le 1er janvier 1960, la coopération internationale et l'indépendance nationale ont longtemps constitué le leitmotiv de l'action du Cameroun au niveau international. Et comme le rappelait l'ex-président AHIDJO en 1976, « nos prises de positions dans les affaires internationales se sont toujours placées dans l'optique de la plus totale fidélité à ces deux principes d'indépendance nationale et de coopération internationale » (Evina, 70, 1982). Dans le même sillage, l'actuel chef de l'État, M. Paul Biya, alors qu'il s'apprêtait à présider aux destinées de la nation camerounaise, rappelait le 6 novembre 1982 que les options sur le plan international sont la coopération, la paix entre les nations et le non-alignement (MOUELLE KOMBI, 1996 : 46).

Longtemps confondu avec le non-alignement, l'indépendance nationale permet au Cameroun de préserver sa souveraineté et sa spécificité à l'échelon international. Ce dernier pouvait à cet effet définir ses priorités propres, à l'instar de la lutte contre la pauvreté. Il allait de soit que le non alignement, comme ce fut des autres nations représentant le tiers-monde, ne pouvait aboutir qu'à la coopération internationale, qui est toujours apparue comme l'une des principales manifestations de la solidarité internationale. Aussi la coopération multilatérale en exercice au sein du système des Nations Unies, et dont la recherche de la paix en constitue le principal objectif, a toujours offert une plus grande ouverture.

Partant de l'idée selon laquelle « le comportement d'un acteur étatique sur la scène internationale peut être déterminé par diverses finalités » Mouelle Kombi dans son effort de

mise en relief d'une politique étrangère camerounaise, ajoutera l'unité africaine comme autre principe fondamental structurant l'action internationale du Cameroun. Pour lui une telle unité devrait passer par la libération totale du continent, ceci dans le respect des frontières héritées de la colonisation. Il relève néanmoins que cette aspiration au panafricanisme reste encore une nébuleuse.

2. JUSTIFICATION DES CHOIX DE POLITIQUE EXTÉRIEURE DU CAMEROUN

Pour tout observateur attentif des relations internationales africaines post- indépendances et post-guerre froide, le discours sur le développement reste la rhétorique la mieux partagée au sein des différentes élites. Pour ce qui est du Cameroun (qui ne fait guère exception ici), cette « recherche du développement (voir infra sur notre étayage de ce concept) est l'un des vecteurs majeurs de la cohérence et de la rationalité » de sa politique étrangère (M. Kombi, 1996, 75). Il s'agit en fait d'une stratégie réaliste dans la mesure où la raison d'être de la diplomatie dans les pays en voie de développement reste la recherche de changement de l'environnement international au mieux des intérêts desdits États. « Et très souvent cela se fait à travers la diplomatie multilatérale au sein des organisations internationales » (Menye, 2003 : 2) De surcroît, le rendement des institutions spécialisées de l'ONU, à l'instar de l'UNESCO « est d'une importance et d'une utilité telles que le gouvernement camerounais l'intègre dans sa stratégie de développement » (M. Kombi, idem : 180)

Il n'est de ce fait pas très surprenant de constater à partir de ces principes directeurs que le Cameroun puisse voter à plus de 90% en faveur des résolutions des Nations Unies et partant de l'UNESCO, compte tenu de sa sensibilité à l'éthique pacifiste et à la morale internationale. « Cette sensibilité à l'éthique et à la morale internationale, est un indice offert à la compréhension de ce que le Cameroun attend de l'organisation mondiale et du rôle qu'il aimerait voir jouer par celle-ci ». Il n'est non plus très surprenant que Yaoundé soit surreprésenté au sein de l'institution spécialisée des Nations Unies qu'est l'UNESCO, par rapport au quota normal de représentation, même si l'on parvient encore à s'interroger sur l'existence réelle d'une politique camerounaise de placement des nationaux dans la fonction publique internationale.

Car si l'apport de l'UNESCO est d'une importance et d'une utilité telle que les autorités camerounaises l'intègrent dans la stratégie de développement, il reste que cette dernière, pour plus d'efficacité, devrait accorder une place significative à la coopération

internationale. Dans la mesure où le Cameroun par le biais de celle-ci « peut devenir allocataire des ressources financières, technologiques, scientifiques, naturelles, et même humaines dont il ne dispose pas et qui, pourtant, lui sont nécessaires pour prétendre au progrès... » (Idem : 225) Mieux, si les instruments multilatéraux permettent au Cameroun d'apporter sa touche spéciale à la structuration organique et normative du village planétaire, il est indiqué de rappeler que l'unité nationale devrait être au centre d'une telle politique étrangère. Bien plus, si tant est que le peuple doit être le bénéficiaire des dividendes tirées de l'action internationale du Cameroun, alors chaque individu doit « se sentir davantage impliqué dans ce processus, de manière soit immédiate soit médiate » (idem : 228).

Car, à l'heure où l' « externe » et l' « interne » sont en interaction permanente, au moment où la traduction, sinon la mise en oeuvre des objectifs visés nécessite des programmes d'action qui tiennent également compte de l'environnement interne, l'on peut s'interroger avec quelque raison sur l'existence d'une politique cohérente et bien coordonnée de coopération internationale.

B. LA POLITIQUE CAMEROUNAISE DE COOPÉRATION FACE AUX NOUVELLES MUTATIONS INTERNATIONALES : NÉCESSITÉ D'UNE STRATÉGIE COHÉRENTE ET EFFICACE

1. LES NOUVEAUX `MIRAGES' DE LA POLITIQUE ÉTRANGERE

Les mutations dont connaît la société internationale ne nécessitent uniquement pas un « effort de recomposition du savoir », où les nouveaux paradigmes viennent se confronter aux classiques. Non plus, elles ne feraient seulement appel à une (ré) appréhension des principes, à l'heure où la responsabilité est de plus en plus opposée à l'intérêt et à la sécurité internationale. Les transformations et détériorations de l'environnement international font également appel à un effort de recomposition des pratiques, notamment depuis l'avènement des nouvelles formes d'intégration qui transcendent les actions diplomatiques traditionnelles. (Badie et Smouts, 1999 :19) En effet, si tout le monde s'accorde avec James Rosenau que l'État sur la scène internationale poursuit essentiellement trois objectifs que sont la recherche d'opportunités, la préservation situations qui lui sont favorables et, la modification de celles qui lui sont défavorables ; il reste que la politique étrangère qui jusqu'aujourd'hui demeure la matière par excellence des relations internationales, n'est plus seulement une affaire des relations entre gouvernements. (Battistella, 2006 :323 ; Charillon, 2002 : 13)

C'est que dans la perspective du retournement du monde, « les interactions incessantes entre les dynamiques issues du monde des États et celles provenant du monde `'multicentré» tendent à recomposer profondément le jeu international et, en même temps, à complexifier et à fragiliser l'action diplomatique traditionnelle » (Badie et Smouts, op.cit : 71) C'est par ailleurs que la politique étrangère qui désormais se fait au quotidien, n'est plus un « domaine réservé » des seuls diplomates, n'obéit plus véritablement à un centre unique d'impulsion, et ne se déroule plus dans un contexte d'obscurité, de mystification et de la rétention de l'information, compte tenu de la révolution du communicationnel. Elle se fait désormais au quotidien et implique également les individus. Cette prolifération d'interlocuteurs est liée à la multiplication des paramètres à gérer. C'est également qu'avec l'apparition des thèmes nouveaux, renforcés par le processus en cours de compression de temps et de l'espace du fait des technologies de l'information et de la communication, de renforcement et d'intensification de l'interdépendance entre les sociétés, il arrive que des acteurs privés soient plus compétents et mieux aguerris que les administrations d'États. (Charillon, op.cit :18)

C'est qu'en fin de compte la politique étrangère se « technicise pour devenir de plus en plus une politique étrangère de `proximité», jugée sur ses capacités à régler sur le terrain des problèmes concrets, et tirant donc sa légitimité de cette efficacité éventuelle » (idem : 23) Tout en restant dans la même perspective, mais dans le contexte spécifiquement africain, il est autorisé à penser que la pertinence de la politique de coopération internationale ici sera fonction de l'impact des réalisations opérées sur le terrain. Ceci se justifie d'autant plus que nombre de politiques étrangères de ce continent rendent absurde le postulat classique d'une différenciation entre l'externe et l'interne. (Dietrich Jung, in Charillon : 102) L'enjeu ici est d'autant plus considérable que ces États qui tiennent beaucoup aux Organisations internationales et aux garanties que celles-ci leurs apportent (Ben Tonra : 341 ; Pondi), mais dont « la pratique de la politique étrangère est indissociablement liée, (...) à un processus de formation de l'État en cours, n'ont toujours pas réussi à lever le soupçon qui leur présente sur la scène internationale comme des régimes autoritaires persistant du fait d'une inimitié congénitale et persistante existant entre l'État et la société. (Mécanismes des rentes politique et économique y obligent) (Jung : 104 ; Owona Nguini, 1999) Peut-être est-ce la raison pour laquelle l'effectivité de la politique camerounaise de coopération internationale connaît des dysfonctionnements inquiétants.

2. POUR UNE NOUVELLE POLITIQUE CAMEROUNAISE DE COOPÉRATION

Le Cameroun, s'il est doté de personnalités dont la compétence et la mobilisation au sein des structures internationales et à l'international, lesquelles performances renforcent quotidiennement son rayonnement diplomatique, connaît néanmoins des dysfonctionnements internes importantes qui, à long terme pourraient saper sa crédibilité internationale. De tels couacs internes qui s'observent régulièrement au sein des principales institutions ont également des répercussions au niveau du déploiement sur le terrain.

Cela fait un peu plus d'une décennie en effet, Kombi Mouelle notait une « carence fonctionnelle regrettable » au sein de la coordination interministérielle de l'action internationale camerounaise. (op.cit : 39) Or, le Comité interministériel de coordination des Relations internationales créé en octobre 1973, et régi par le décret n° 78/026 du 16 janvier 1978, était chargé dans le cadre des orientations définies par le chef de l'État de « déterminer les objectifs de la République du Cameroun dans le domaine international, de coordonner les actions des divers département ministériels en vue d'atteindre ces objectifs et de procéder périodiquement à l'évaluation des relations extérieures ». Et l'actuel Directeur de l'IRIC de regretter le fait que ledit Comité n'ait eu qu'une existence « fantomatique », en dépit de son institutionnalisation formelle (idem : 40) Force est de noter que cette carence fonctionnelle interministérielle persiste encore aujourd'hui. En effet, alors que nos investigations sur l'action normative de la coopération Cameroun-UNESCO nous conduisaient légitimement auprès du Ministère de la Planification, de la Programmation du Développement et de l'Aménagement du Territoire (MINPAT), le Chef de la cellule des conventions, nous renvoyait en toute `politesse' auprès du MINEDUB, parce que ne disposant, à ce moment d'aucune Convention signé entre le Cameroun et l'UNESCO. Les responsables de ce département ministériel à leur tour nous renvoyaient auprès de la Commission nationale, qui également nous priait de nous adresser auprès du Bureau régional. Après cette série de va-et- vient somme toute improductive, nous nous présentions pour la seconde fois devant le responsable du MINPAT qui se résolu à nous présenter la situation avec un minimum de clarté : « le Ministère du Plan est sensé être impliqué dans l'application des différentes Conventions. Or c'est à peine s'il reçoit les Copie Certifiées Conformes desdits textes. C'est dire que le MINEDUB à l'instar des autres ministères, ne l'associe véritablement, ni dans l'élaboration, ni dans la conclusion de ces questions qui dans la pratique deviennent leur domaine réservé. Pis encore, je dois courir auprès des ministères concernés pour requérir quelques conventions... »

Le fait est que la carence interministérielle susmentionnée cache un autre phénomène on ne peut plus déplorable au Sud du Sahara : celui de la difficile traduction des projets de

financement au sein des localités, sapant ainsi toute perspective de développement endogène. Mieux, cette léthargie interne annule toute cohérence et partant, toute efficacité lors des négociations et de l'opérationnalisation des projets. La difficile conciliation des « intérêts » entre les pouvoirs publics et la société civile compliquerait davantage cette situation. Très souvent, c'est l'intérêt national qui est sacrifié sur l'autel des gains particularistes des différents acteurs. Qui plus est, la difficile traduction d'une « plate-forme de philosophie globale » sous-tendant la politique camerounaise de coopération, creuse un hiatus entre les projets de développement et « l'aspiration profonde des populations » (Epote) Cette réalité est à regretter au moment où la politique étrangère « se technicise pour devenir de plus en plus une `politique étrangère de proximité», jugée sur ses capacités à régler sur le terrain des problèmes concrets, et tirant donc sa légitimité de cette efficacité éventuelle » (Charillon, 23) Elle l'est d'autant plus qu'il est communément admis qu' « une société frappée d'anomie à l'intérieur, c'est-à-dire incapable d'assurer les rapports de coopération entre les différents rôles sociaux, est une société frappée de marginalisation à l'extérieur » (Badie et Smoots, 116)

Plusieurs auteurs s'accordent aujourd'hui sur le fait que la politique étrangère au plan international, à plusieurs égards constitue le prolongement de la politique intérieure des États. De l'avis de l'internationaliste Moudourou, il sera fort peu évident aux promoteurs de la politique internationale camerounaise de `saisir» les enjeux et de s'adapter au système international actuel, sans une définition claire et une coordination harmonieuse de tous « les maillons de la chaîne diplomatique camerounaise ». Pour cet internationaliste, le Cameroun, pour une amélioration de sa position sur l'échiquier internationale, est tenu de transcender les difficultés internes et externes « qui risquent de le faire percevoir comme une vitrine de l'Afrique des divisions ». D'où « l'urgence de l'élaboration d'une doctrine camerounaise de politique étrangère pertinente cohérente et audacieuse ». Une telle doctrine, dans le cadre de la coopération internationale passerait également par la formation systématique des fonctionnaires internationaux à même de servir la cause universelle bien sur, mais aussi celle de l'Afrique au sein des structures internationales. C'est dire à la suite de Emmanuel Pondi de toute « l'urgence de former des diplomates africains pour assurer une relève empreinte de sensibilité africaine » (op.cit : 37 et 38)

La politique étrangère du Cameroun, en dépit de la pertinence et de la légitimité de ses principes directeurs qui en font un modèle pacifiste aux yeux de la communauté internationale, a besoin, pour une meilleure efficacité, de se réinventer, et de réinventer avec

elle les relations entre l'État et son environnement sociopolitique, voire académique26. Car liée aux circonstances, la politique étrangère est, suivant l'expression consacrée de Bismark, « l'art du possible », « la science du relatif ». C'est pourquoi cet ancien diplomate et universitaire chevronné, (Kissinger dont l'admiration porté sur l'ancien « sage » empereur allemand ne fait aucun doute) pense qu'elle doit se nourrir du passé pour rechercher le plus grand progrès possible, plutôt que d'en être prisonnière. Enfin, de l'avis de Mathias Éric Owona Nguini, les sociétés et États du Sud du Sahara, parce que confrontés à la domination stratégique et systémique du `temps mondial», sont plus que jamais « tenus de produire une intelligence organisationnelle et institutionnelle capable de s'y adapter ». Et la coopération internationale, si elle est appréhendée au mieux de l'intérêt de la nation, peut jouer à ce niveau un rôle plus que déterminant. La pertinence d'un tel intérêt serait alors fonction de la place accordée à chaque individu, quand bien même cette coopération paraîtrait crédible aux yeux de ses principaux promoteurs.

26 Il s'agit en effet d'un plaidoyer pour une sociologie de la politique étrangère camerounaise, elle-même en interaction avec la sociologie de la scène mondiale et la sociologie de l'État, afin que la recomposition des savoirs puisse suivre celle des pratiques. (Charillon : 26)

CHAPITRE II:

LA COMPOSANTE TRANSACTIONNELLE DES RELATIONS
CAMEROUN-UNESCO : UNE DYNAMIQUE DES ÉCHANGES
CRÉDIBILISÉE PAR LE HAUT

Le système de rapports établis entre le Cameroun et l'UNESCO fait montre d'un flux de relations dont la dynamique des échanges ressortit de sa composante transactionnelle. En effet, cette coopération participe également des relations d'intérêts et des attentes mutuelles entre les deux parties. Cette coopération est aussi une mise en exergue des relations de pouvoir, de jeux et différentes actions menées par les acteurs en vue d'une meilleure appréhension de la coopération aux mieux de leurs intérêts respectifs, et qui ne constituent forcément pas un obstacle à la promotion des idéaux universellement et conventionnellement

admis. Dans ce chapitre, il s'agit de voir comment le concept de « crédibilisation » est mobilisé et appréhendé par les deux parties afin de justifier leurs actions réciproques à l'endroit de cette coopération qui à leurs yeux reste « fructueuse ». En un mot, il s'agit de percevoir comment la coopération Cameroun-UNESCO est crédibilisée par ses principaux promoteurs.

SECTION PREMIERE : L'ACTION DU CAMEROUN A L'UNESCO COMME SIGNE DE CREDIBILITÉ DIPLOMATIQUE

La crédibilisation de la coopération par les autorités camerounaises est d'abord le fait des autorités politiques, conscientes de l'impact des activités de l'UNESCO qui mobilisent la quasi-totalité des départements ministériels du Cameroun. Cette démarche semble parfaitement relayée par les fonctionnaires internationaux camerounais en service aux différentes instances de l'UNESCO, et dont l'action quotidienne contribue significativement au renforcement de la coopération. Plus fondamentalement, l'action du Cameroun comme signe de crédibilité diplomatique se matérialise aussi bien au sein des instances de l'UNESCO que dans le territoire camerounais.

PARAGRAPHE I: LE TERRITOIRE CAMEROUNAIS COMME TERRE D'ACCUEIL DES GRANDES RENCONTRES AVEC L'UNESCO

Le territoire camerounais se présente de plus en plus comme un lieu de grands rendez- vous avec l'UNESCO. Pour s'en tenir à la période marquant le début de ce millénaire, période marquée également par le début des réformes et des grands programmes au sein de l'UNESCO, l'on remarque que le Directeur Général de l'UNESCO a foulé à deux reprises les pieds sur le sol camerounais. Lequel sol a également été témoin des rencontres déterminantes en vue d'une meilleure opérationnalisation des objectifs de l'UNESCO dans la région Afrique A. LA RÉCEPTION DE LA CONFÉRENCE AFRICAINE DES COMMISSIONS NATIONALES POUR L'UNESCO

A l'invitation de la Commission Nationale de la République du Cameroun, la dixième Conférence quadriennale et statutaire des Commissions Nationales d'Afrique s'est tenue entre le 2 et le 6 juin 2003 à Yaoundé. A cet effet, quarante-deux des 53 Commissions Nationales de l'UNESCO pour la région Afrique seront présentes à cette Conférence qui connaîtra un

peu plus d'une cinquantaine de participants. De nombreuses personnalités vont feront part à cette rencontre. Il s'agit entre autres, du Président du Comité sur les organisations non gouvernementales du Conseil exécutif, M. Michael Abiola Omolewa, du Secrétaire général de la Commission française, M. Jean-Pierre Boyen, ainsi que les représentants de plusieurs ONG. Douze membres du Secrétariat de l'UNESCO, conduits par MM. Ahmed Sayyad, Sous-Directeur général aux relations extérieures et à la coopération et Représentant du Directeur Général de l'UNESCO, et M. Noureini Tidjani-Serpos, Sous-Directeur général pour l'Afrique, seront également présents. Ils étaient notamment accompagnés par le Secrétaire de la Conférence générale, les Directrices de la Division de la Coopération avec les Commissions Nationales et les nouveaux partenariats, ainsi que par les chefs et directeurs de treize bureaux de l'UNESCO en Afrique.

En effet, ce type de rencontres, en plus de constituer des opportunités certaines d'échanges de points de vue sur les principales difficultés relatives au fonctionnement de l'UNESCO, sont sensées faciliter la traduction des priorités de l'UNESCO sous forme de plans d'action régionaux. Ils permettent également la formulation des stratégies de suivi pour les grandes conférences internationales, ainsi que la promotion de la coopération régionale et sous-régionale. Le Cameroun, en accueillant cette conférence se pose et s'impose comme un acteur essentiel de la promotion des idéaux de l'UNESCO, en même temps qu'il renforce sa crédibilité dans ses rapports avec l'Organisation. De telles initiatives requièrent aussi une portée diplomatique considérable ; car en cette occasion, le Cameroun se crée une opportunité d'amélioration de sa visibilité internationale, et espère en retour être un pôle d'excellence de projection de l'institution spécialisée des Nations unies dans la région. De telles opportunités permettent aussi aux autorités camerounaises de présenter leurs souhaits, surtouts les plus pressants aux dirigeants de l'UNESCO.

A cet effet, dans son allocution lors de l'ouverture de cette dixième conférence quadriennale, le Premier Ministre camerounais, M. Peter Mafany Musongue va, non sans avoir laissé percevoir la fierté de cette coopération, saisir l'occasion pour présenter le souhait de son Gouvernement de voir « rapidement comblé » la vacance créée à la tête du Bureau UNESCO de Yaoundé, par la nomination de Cheick Tidiane Sy au Bureau UNESCO de Dar- Es-Salaam. La nomination de M. Bernard Hadjaad à la tête du cluster de Yaoundé, quelques mois après, peut ainsi être interprétée comme un symbole de crédibilité, de confiance et d'estime réciproques existant au sein des responsables des deux parties. Laquelle estime se renforcera davantage avec la multiplication des évènements similaires en territoire camerounais.

B. LA RÉCEPTION PAR LE CAMEROUN DE LA CONFÉRENCE DES MINISTRES DE L'ÉDUCATION DES ÉTATS MEMBRES DE LA CEMAC

Du 16 au 17 janvier 2004 à Yaoundé, va se tenir une Conférence regroupant les Ministres de la CEMAC en charge de l'éducation. Des personnalités importantes vont répondre présents à cette rencontre. Nous pouvons à cet effet noter la présence, entre autres, des membres du gouvernement camerounais, des membres du corps diplomatique et représentants des Organisations Internationales, ainsi que la présence du Pr. Mboui, membre du Conseil Exécutif de l'UNESCO. Bien entendu, le fait marquant de cette rencontre sera la présence de Koïchiro Matsuura, Directeur Général de l'UNESCO, qui est à ranger dans le cadre de l'efficacité et de la crédibilité de l'action diplomatique des autorités politiques du Cameroun. La Conférence qui sera dirigée par le Ministre camerounais en charge de l'éducation, Joseph Owona, aura pour objectif principal de stimuler et d'encourager les responsables de la formation de la jeunesse dans la sous-région, à s'impliquer davantage dans la voie de l'intégration par les programmes scolaires.

C'est qu'en effet, et comme le précisera le Pr. Joseph Owona dans son allocution d'ouverture de la conférence, l'initiative majeure de l'UNESCO à la fin du 20ème siècle qu'est le forum de Dakar s'est engagé de parvenir à l'échéance 2015, à l'universalisation de l'éducation. Au lendemain de ce forum, les Ministres de l'Éducation des États Membres d'Afrique (MINEDDAF VIII), bénéficiant du soutien prioritaire de l'UNESCO, vont se réunir en décembre 2002 à Dar-es-Salaam ; réunions au sein de laquelle les participants souligneront la nécessité `de disposer de ressources... en qualité et en quantité' en vue d'une décisive contribution au développement de l'Afrique du siècle débutant. C'est ainsi que suite à deux rencontres préliminaires ayant réunies les Ministre de l'éducation de la zone CEMAC à Dar- es-Salaam d'abord, ensuite au cours de la 32ème Session de la Conférence Générale de l'UNESCO tenue à Paris, le Gouvernement camerounais par l'entremise de son Ministre de l'éducation, va se proposer d'abriter cette rencontre dans l'optique de « passer des engagements à l'action ».

Les travaux de cette rencontre déroulée en séances plénières et en panels regroupant tous les participants, ont été précédés d'une préparation des dossiers de programmes d'appui à ceux des nationaux, par des Experts. Cette réunion préliminaire portait pour l'essentiel sur la formation des enseignants, la lutte contre le VIH/SIDA, l'éducation à la citoyenneté, le

développement intégré de la petite enfance et, l'intégration des technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement secondaire et supérieur.

Bien plus, pour les pays hôtes, comme le Cameroun ici, ces types de rencontres constituent des moments uniques de renforcement de la crédibilité des relations établies avec l'Organisation internationale, de s'affirmer comme le pôle d'attraction diplomatique dans la sous-région. Cette conférence se présente également comme une opportunité de présentation des attentes de l'État camerounais dans des secteurs qui nécessitent encore une attention particulière de l'UNESCO : « Nous osons espérer, pour un avenir proche, la mise en oeuvre d'une semblable action pour le magnifique joyau qu'est le Palais de Rey Bouba, survivance grandiose de l'Histoire de la savane et des peuples du septentrion de notre pays », glissera subtilement Joseph Owona, non sans avoir notifier les faits majeures de cette coopération « fructueuse ». La signature, à la veille de cette conférence, d'une convention avec l'UNESCO ouvrant davantage le centre d'excellence des micro-sciences de Yaoundé à toute l'Afrique Centrale, participe également des avantages tirés de ce type d'initiatives.

Pas significatif dans l'appropriation des mécanismes de coopération sous-régionale nécessaire dans la mise en oeuvre du processus d'Éducation Pour Tous, la conférence des Ministres de la CEMAC participe également de la réflexion collective aux modalités d'échange et d'appui mutuels à même de servir la cause de l'EPT. L'échelle sous-régionale, parce que constituée d'entités socioculturelles cohérentes, faciliterait la réflexion sur les problèmes locaux tout en permettant la mise en commun des ressources intellectuelles, financières et humaines des différents États membres. Pour le Directeur Général de l'UNESCO en effet, il devient de « de plus en plus clair qu'une meilleure synergie doit être trouvée entre, d'une part, le niveau de mobilisation et de coordination global en faveur de l'Éducation Pour Tous, et, d'autre part, les institutions et processus au niveau régional et sous- régional ». Pour M. Matsuura également, cette conférence constitue une courroie de transmission essentielle entre le global et le local, et mérite de ce fait d'être renforcée et encouragée ; d'où sa présence en territoire camerounaise. Sauf que le mérite de cette visite du Directeur général revient au doigté de la diplomatie multilatérale des autorités camerounaises.

Selon toute vraisemblance, l'un des faits les plus marquants dès l'arrivée du Directeur Général aura été la signature d'une convention au Centre d'excellence sur la micro-science par l'UNESCO et le Cameroun. A travers celle-ci, l'UNESCO s'engage à apporter une contribution financière de 226. 000 dollars des Etats-Unis sur fonds en dépôt du Japon, en vue du développement du projet dont le but est d'introduire et vulgariser l'expérimentation dans les filières scientifiques par la formation des enseignants, d'améliorer la qualité de

l'enseignement scientifique dans les établissements publics, enfin, de susciter des vocations chez les élèves pour les vocations scientifiques. La contre partie du Gouvernement camerounais évaluée à 240. 718 dollars des Etats-Unis, sera essentielle à l'entretien des locaux ainsi qu'aux frais de fonctionnement du Centre, à la prise en charge des salaires du personnel et, au renforcement du personnel d'appui par le recrutement de plantons et gardiens. Par ailleurs, le décernement à l'Université de Yaoundé II, du titre de Doctor Honoris causa en Science Politique, Option relations internationales, à M. Koïchiro Matsuura aura été l'autre évènement majeur de cette journée. Ce geste symbolique et honorifique trouve son importance dans l'attachement particulier de l'UNESCO et de son Directeur, au sein des relations internationales, aux valeurs du dialogue entre les civilisations. Ce dialogue qui, de l'avis du premier fonctionnaire de l'UNESCO, « apparaît aujourd'hui plus nécessaire que jamais, à l'heure où certains sont tentés d'interpréter diverses tensions internationales à l'aune de tensions de civilisations ou de cultures antagonistes ». Aussi, va-t-il poursuivre lors de la cérémonie de remise par l'Institut des relations internationales du Cameroun : « Je suis convaincu qu'il n'en n'est rien, et que le dialogue véritable, celui qui permet de comprendre et de respecter l'Autre, permettrait bien souvent de lever des malentendus, des ambiguïtés, et de résoudre avant même qu'ils n'éclatent nombres de conflits potentiels ». Toutefois, l'action du Cameroun est également « rayonnante » au sein des instances de l'UNESCO.

PARAGRAPHE II : LES INSTANCES DE L'UNESCO COMME LIEUX DE DÉPLOIEMENT DIPLOMATIQUE DU CAMEROUN

A. L'ACTION DU CAMEROUN DANS LA CONFÉRENCE GÉNÉRALE DE L'UNESCO : LE CAS DE LA 32ème SESSION

Nous avons eu à noter, dans le chapitre précédent, que la Conférence Générale, organe plénier et souverain de l'UNESCO, a pour principale fonction de déterminer l'orientation générale de l'Organisation. Et qu'à l'exception de quelques cas rares, elle tient habituellement ses sessions au siège de l'UNESCO, à Paris. En effet, les travaux de la Conférence sont généralement consacrés au débat de politique générale, ainsi qu'aux travaux en Commissions. Très souvent, il s'agit des Commissions portant sur les questions générales et le soutien du programme, sur les sciences exactes, naturelles et les sciences sociales ; d'autres débattant de l'éducation, chargées de la culture ou de la communication, ou encore sur des questions administratives et financières. Les Comités des candidatures, juridique et de vérification des

pouvoirs viennent enfin compléter la liste des Commissions dont le nombre porte généralement à neuf. Pour le Cameroun donc, cette conférence représente une opportunité déterminante de renforcement de sa visibilité diplomatique au sein des États-membres.

C'est ainsi que lors de la 32ème Session de la Conférence Générale de l'UNESCO tenue à Paris, le 29 septembre 2003, le Cameroun s'est constitué d'une importante Délégation d'un peu plus d'une dizaine de personne, et entourée autour de son chef qui n'était autre que le Pr. Joseph Owona, alors Ministre camerounais en charge de l'éducation et Président de la Commission nationale camerounaise pour l'UNESCO. Ainsi, l'on peut citer comme faisant partis de la délégation les membres tels que M. Barthélémy Mvondo Nyina, Secrétaire de la Commission nationale, les Honorables Joseph Mboui et Boulou, ainsi que des représentants des Ministères spécialisés en coopération avec l'UNESCO. Réunis avant la Session par son Chef au sein des Bureaux de la Délégation Permanente du Cameroun auprès de l'UNESCO, les Membres de la Délégation camerounaise seront assignés des tâches précises pour permettre une présence du Cameroun dans toutes les Commissions. C'est que le Chef de Délégation, sur instruction du chef de l'État camerounais, va inviter ses membres à participer activement à la promotion de la candidature du Pr. Mboui au Conseil Exécutif. Aussi, va-t-il « recommander un maximum de sérieux et de ponctualité à ses concitoyens, pour une meilleure image possible du Cameroun ».

Ainsi, dans son intervention, le 1er octobre 2003 au débat de politique générale, le chef de la Délégation camerounaise, après avoir exprimé son soutien aux préoccupations majeures de l'Organisation, va suggérer que certains thèmes transversaux tels que « l'élimination de l'extrême pauvreté » et « la contribution des technologies de l'information et de la communication au développement de l'éducation, de la science de la culture et à la construction d'une société de savoir », rentrent pleinement dans tous les programmes de l'UNESCO. Tout en exprimant sa reconnaissance au sujet des excellentes relations que le Cameroun entretient avec l'Organisation, il souhaitera néanmoins qu'une action soit renforcée en direction de l'Afrique à travers le NEPAD.

Mais compte tenu de la durée limitée des interventions accordées aux chefs de Délégations au débat portant sur la politique Générale27, l'audience avec le Directeur général de l'UNESCO constitue souvent un moment unique où sont évoquées les questions étroites concernant l'Organisation et les États-membres. A cet effet, l'audience accordée à la Délégation camerounaise aura permis que soient abordées des questions relatives aux

27 Interventions dont la durée, en principe, ne devrait pas excédée huit minutes

réformes en cours de l'UNESCO28, la visite «prochaine» du Directeur général de l'Organisation au Cameroun, et la situation des ressortissants camerounais à l'UNESCO. Par ailleurs, la Délégation du Cameroun va participer à d'autres activités telles que la table-ronde ministérielle sur la qualité de l'éducation tenue les 3 et 4 octobre, ainsi qu'à la réunion des Ministre de l'éducation des États membres de la CEMAC. Le chef de la Délégation camerounaise sera même reçu au Ministère français de la coopération et au Club 89 où il présentera les réalisations et les attentes du système éducatif camerounais. Quant aux autres membres de la délégation, ils participeront à une kyrielle d'activités en marge de la Conférence, et qui relevaient de leurs domaines respectifs. Il s'agit des représentants des Ministères de la culture, de la communication, et du représentant de l'Assemblée nationale camerounaise, l'Honorable Boulou.

Plus déterminante encore, sera le crédit engrangé par le Cameroun à l'issue des élections aux Conseils et Comités. En effet, à chaque Session de la Conférence, la désignation des États membres appelés à siéger au sein des différents conseils et comités, à même de jouer un rôle déterminant et diversifié dans la vie de l'UNESCO, se fait toujours par le biais des élections. Celles-ci sont une opportunité unique d'affirmation des États, en même temps qu'elles constituent une occasion de jugement de leur image. C'est pourquoi une campagne intéressante sera menée sous forme de contacts personnels et de réceptions offertes, mobilisant tous les membres de la Délégation camerounaise. Le Cameroun va ainsi se retrouver élu dans les Conseils et Comités suivantes :

Le Conseil intergouvernemental du programme international pour le développement de la communication (PIDC) ; le Conseil Intergouvernemental du Programme Information Pour Tous (IPT) ; Conseil Intergouvernemental du Programme «Gestion des Transformations Sociales» (MOST). Toutefois, l'événement majeur aura été l'élection au Conseil Exécutif du Pr. Mboui, choisi « personnellement » par le Président Paul Biya pour représenter le Cameroun. Mieux, les performances du Cameroun au sein de l'UNESCO semblent relever de la constance.

B. LA TRACE DES RESSORTISSANTS CAMEROUNAIS AU SEIN DES INSTANCES DE L'UNESCO

28 Lesquelles réformes, bien qu'ayant provoqué la fermeture de certains bureaux hors-siège en vue d'une meilleure efficacité, ont maintenu le maintien du Bureau de Yaoundé.

Une observation attentive de l'historique des relations Cameroun-UNESCO nous amène à relever que le Cameroun n'a pas attendu les réformes de 1999 pour marquer son empreinte au sein de l'Institution spécialisée des Nations unies. En effet Cameroun a contribué de façon efficace au fonctionnement des différents organes de l'UNESCO. Il a ainsi présidé en 1968, à travers M. William ETEKI MBOUMOUA, la Conférence Générale de l'UNESCO et a été sept fois membre de son bureau. En outre, plusieurs personnalités camerounaises ont été membres du Conseil Exécutif. Il s'agit de M. William ETEKI MBOUMOUA (1962-1968) ; M. Félix LOUNG (1980-1985) ; Dr Adamou NDAM NJOYA (1985-1989) ; Pr Ebénézer NJOH MOUELLE (1995-1999) ; Pr Joseph MBOUI, Vice-Présent pour l'Afrique (2001-2007).

Le Cameroun a également été membre de nombreux organes subsidiaires de l'UNESCO tels que le Bureau International de l'Education (2001-2005), le Comité Juridique (2001-2005), le Conseil Intergouvernemental pour l'Education Physique et le Sport (depuis 2005), et le Conseil Intergouvernemental du Développement de la Communication (PIDC). Le Cameroun apporte enfin tout son soutien à la politique de décentralisation, de restructuration du Secrétariat et des méthodes de gestion de l'Organisation menée par l'actuel Directeur Général, KOÎCHIRRO MATSUURA.

Dans le cadre du placement de ses compatriotes au sein de l'Organisation, l'effectif des Camerounais à l'UNESCO s'élevait à 20 personnes réparties ainsi qu'il suit : deux de rang de Directeur (Grade D1), trois de rang de Cadre Supérieur (Grade P4-P5), quatre de rang de Cadre moyen (Grade P2, P3), onze de rang de Secrétaire ou d'agent. Les Camerounais les plus gradés à savoir Mme Elisabeth MOUNDO, Directeur du Bureau et Représentante de l'UNESCO à Accra (Ghana), M. Peter NGU, Directeur de l'Institut de l'UNESCO à Addis Abéba (Ethiopie) et M. Emmanuel NAAH, Spécialiste Supérieur de programmes à Nairobi (Kenya) occupent des postes hors siège.

Il ressort de ce qui précède que le Cameroun est surreprésenté par rapport aux quotas de répartition géographique du personnel au sein de l'Organisation, même s'il s'avère indispensable pour son rayonnement international, que notre pays place de hauts cadres au sein des instances de l'UNESCO.

En définitive, ces différents succès diplomatiques, en plus de participer au renforcement de sa visibilité internationale, ont pour principale conséquence de placer le Cameroun au centre des grands programmes de l'UNESCO.

SECTION II : LE CAMEROUN ET LES PROGRAMMES D'ACTIVITÉS DE L'UNESCO AU SEIN DES ÉTATS-MEMBRES : UNE CRÉDIBILITÉ HISTORIQUE ?

L'UNESCO, à n'en point douter est une organisation crédible au sein de la société internationale. En effet, la situation conflictuelle de l'histoire de l'humanité a hissé des institutions de promotion de la coopération telles que l'UNESCO à un piédestal aussi élevé que cette organisation est aujourd'hui communément admis comme étant la « conscience du monde ». Cette crédibilité est renforcée par l'agenda de l'UNESCO où l'on retrouve une panoplie de programmes couvrant la quasi-totalité des grandes problématiques universelles de l'heure. En cela, le Cameroun, de par sa « diplomatie de proximité » se présente comme un bénéficiaire essentiel des programmes d'activités de l'UNESCO au sein des États-membres.

PARAGRAPHE I : UNE ORGANISATION CRÉDIBLE AU SEIN DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

A. L'UNESCO ET LA COOPÉRATION INSTITUTIONNELLE INTERNATIONALE

1. CONTEXTE ET ÉVOLUTION HISTORIQUES

La société internationale que nous connaissons aujourd'hui remonte au seuil du Moyen Age en 476, « lorsque l'Empire romain d'occident s'effondre sous la pression des barbares » (Simone Dreyfus, 1981 : 4). Ainsi, le monde civilisé du Moyen Age va se diviser entre la chrétienté et l'islam, et se caractérisera par le régime féodal où le pouvoir est parsemé entre les autorités politiques subordonnées les unes aux autres par des liens personnels. L'État moderne va de ce fait émerger à travers une conquête de l'unité du pouvoir et de la souveraineté (Bodin, Hobbes), même si par la suite, « les liens personnels des sujets envers le roi vont se transformer en liens abstraits des citoyens envers l'État ». Et comme le note Charpentier (2002), « ce sont les révolutions américaine et française qui dissocieront les intérêts de l'États de ceux du prince et rendront la nation titulaire de la souveraineté ».

La conquête de l'Etat va se réaliser à la faveur de deux événements : à savoir la fin du pouvoir politique du pape qui s'amenuise devant la puissance croissante des princes. Cette suprématie temporelle va d'autant plus s'anéantir par la Réforme qui va consacrer la rupture de l'unité de la chrétienté, d'où les frontières religieuses vont coïncider avec les frontières

étatiques avec la Paix d'Augsbourg de 1555. Le second moment qui consacrera l'indépendance de l'État coïncide avec la fin de la tutelle de l'empereur, consacrée par les traités de Westphalie de 1648, d'où le Saint-Empire romain germanique va s'éclater en quelques 350 États ou principautés indépendants. (Charpentier, 2002 : 6).

Dès lors, le développement des relations internationales va se structurer à travers les relations politiques et les techniques juridiques. D'abord les relations politiques entre princes chrétiens par le biais des principes d'équilibre de puissance et de la liberté de la mer ; l'alliance et la guerre constituant de véritables moyens d'action. Ensuite entre princes chrétiens et païens, à travers les traités de capitulation qui permettent aux étrangers d'être soumis à leur propre droit. Le développement des relations internationales va également se structurer autour des relations politiques des princes chrétiens avec les « peuples non civilisés », relations qui vont se matérialiser par la colonisation, dans un but de commerce et d' « évangélisation ». Aussi, « la théorie de l'occupation des territoires sans maîtres et le problème de l'esclavage en découlent ».

Le développement des relations internationales enfin se structure dans les cadres de techniques juridiques que sont les Ambassades et consulats, les traités considérés comme source principale des obligations internationales, et enfin des groupements d'États.

Les doctrines quant à elles seront sous la double influence chrétienne et romaine, d'où les auteurs vont longtemps confondre le droit international public au droit naturel, c'est-à-dire « un droit idéal dicté par la raison et de portée universelle », même si l'étude du droit positif va émerger progressivement (idem : 7). Vitoria, Suarez, Grotius et Vattel sont, à en croire Charpentier, les doctrinaires les plus importants.

C'est dire que l'émergence du droit international se développera à la lisière des relations internationales, et va s'étendre de la Révolution française à la Première Guerre Mondiale, en passant par l'institution de la Sainte-Alliance et du concert européen. C'est dire également sur le plan juridique que « l'un des acquis importants du 1 9ème siècle est la mise au point progressive de cet instrument nouveau des relations internationales que sont les Conférences diplomatiques, devancières des Organisations internationales que nous connaissons aujourd'hui ». (Idem : 30) C'est dire enfin que l'interdépendance accrue des États, associée au progrès technique va rendre nécessaire la coopération internationale multilatérale. Cette coopération qui se développe dans les domaines techniques est à l'origine du succès des organisations techniques, à l'instar de l'Union Télégraphique Internationale créée en 1865 et l'Union Postale Universelle (1874). Organisations techniques qui sont des ancêtres des institutions spécialisées, et donc de l'UNESCO dont les origines remontent au 24

septembre 1924, au moment où le « gouvernement français proposait en effet, l'établissement à Paris d'un institut international de coopération intellectuelle » (Toumba Kotto, 1999 : 4).

Ainsi, les Institutions spécialisées qui vont succéder aux anciennes unions administratives internationales exercent leurs activités dans des domaines très variés. Elles sont dotées d'une personnalité distincte de celle de l'ONU, même si elles sont reliées à l'organisation de New York. C'est ainsi que l'UNESCO s'inscrit dans le cadre des institutions spécialisées exerçant une activité culturelle et scientifique. D'où le système des relations UNESCO-Cameroun s'inscrit dans le cadre global du champ d'observation de la coopération institutionnelle internationale. Mais ceci nécessite d'autres précisions.

2. L'UNESCO COMME PROMOTRICE DE LA COOPÉRATION INSTITUTIONNELLE INTERNATIONALE

Précisons qu'il existe une différence entre les institutions internationales et les organisations internationales. Car dans la perspective de Jean Charpentier, ces dernières sont d'abord des « centres de coopération permanentes entre États » et à ce titre « acquièrent une personnalité propre qui fait d'elles des sujets dérivés du droit international ». Il s'agit en effet d'une « association d'États souverains poursuivant un but d'intérêt commun au moyen d'organes qui lui sont propres » (Charpentier, 2002 : 56). Les institutions internationales, dans un cadre plus large sont constituées d'États et organisations internationales qui composent la société internationale, ainsi que des règles de droit qui régissent leurs rapports. Elles ont donc pour rôle de stabiliser les rapports de force en consolidant les équilibres entre intérêts divergents à travers les traités, en même temps qu'elles constituent « le cadre dans lequel se développent les relations internationales », par la fixation des principes et la détermination des mécanismes (idem : 2). C'est dire que les institutions internationales relèvent des relations internationales comme les institutions internes ressortissent des sociétés nationales, mais avec moins d'efficacité dans la mesure où Charpentier oppose la perfection des institutions internes à l'imperfection des institutions internationales, au sein desquelles l'application des règles uniformes n'est pas aisée, tant il est vrai que chaque État peut résister aux sanctions.

La coopération institutionnelle internationale, telle qu'instituée au sein de l'UNESCO, constitue un enjeu majeur des relations internationales. Ses promoteurs s'inscrivent en faux contre les analystes et praticiens d'inspiration réalistes pour qui « les perspectives de coopération sont peu nombreuses et fragiles et que le droit et les institutions internationales ne peuvent guère favoriser », l'anarchie internationale et le « dilemme de la sécurité » rendant

souvent difficile la coopération au sein de la société internationale. (Smouts et al, 2006 : 79) Pourtant, les pères fondateurs de l'UNESCO étaient convaincus que la convergence des intérêts communs, le nombre d'acteurs et leur influence sur le jeu, et les « mécanismes institutionnelles », peuvent influencer la propension des uns et des autres à coopérer. Et même si la convergence des intérêts particuliers vers un intérêt commun propice à la coopération ne relève guère de l'évidence, il reste que, dans une perspective constructiviste, « un sentiment d'appartenance commune, un respect mutuel, une identité similaire contribuent à la coopération et à son institutionnalisation » (idem, 84). Il s'agit en effet d'une oeuvre commune en vue du rapprochement et de la compréhension mutuelle des différentes cultures, si essentiel au développement et à la pacification de la société internationale des individus.

Ainsi l'UNESCO, au travers de la coopération institutionnelle internationale, strict sensu, vise la stabilisation des enjeux et la favorisation de la transparence par le biais des institutions qui, de ce fait, rendent le futur plus prévisible. Aussi en facilitant un système communicationnel permanent et clarifiant les différentes intentions grâce à des procédures de consultation, l'UNESCO, à travers la coopération institutionnelle internationale permet aux différents acteurs (États, ONG, société civile, individus etc....) de participer à une oeuvre commune dans un cadre où « les incertitudes dans l'évaluation des préférences et des choix politiques des partenaires potentiels » sont véritablement diminuées. C'est du reste ce que laisse percevoir les adeptes de l'institutionnalisme néo-libéral.

B. UN CADRE PROPICE DE CONCEPTION DES GRANDS PROGRAMMES : QUELLE PLACE POUR L'AFRIQUE ?

1. LES DIFFÉRENTS DOMAINES DE COMPÉTENCE DANS LA STRATÉGIE DE L'UNESCO

Au regard de la stratégie à moyen terme (2002-2007) de l'UNESCO pour l'Afrique, laquelle stratégie « vise à contribuer à la paix et au développement humain à l'ère de la mondialisation par l'éducation, les sciences, la culture et la communication », la nouvelle politique de décentralisation mise en oeuvre par l'UNESCO constitue un axe programmatique essentiel. Concrètement, l'objectif essentiel ici est d'adapter les stratégies globales de l'UNESCO aux caractéristiques, conditions et initiatives locales, de soutenir et renforcer la nouvelle politique de décentralisation, qui a pour but de rapprocher les différents pays de l'UNESCO, en même temps que la stratégie constitue un instrument d'information et de coopération, aussi bien chez les États membres que pour l'ensemble des partenaires. En effet,

les défis de la paix et du développement à l'heure de la mondialisation participent des questions délicates pour l'Afrique subsaharienne ; surtout en cette période contemporaine qui forge, à grande vitesse, un système global mondial qui « exploite et marginalise les plus faibles ».

Pour répondre aux besoins de l'Afrique, l'UNESCO entend promouvoir le développement et le renforcement des capacités humaines dans les États membres de la région. Au niveau sous-régional, l'Organisation se propose de favoriser les initiatives à même de faciliter la coordination des programmes dans le domaine de l'éducation de base pour tous. Il s'agira par la suite à l'échelon national, d'aider les différents pays à élaborer des plans d'action nationaux d'éducation, et à mettre en place une stratégie de prévention de lutte contre certaines épidémies, notamment le SIDA. Il s'agira également de mobiliser, sinon de catalyser la coopération internationale à travers la promotion de la participation active de « tous »29 les acteurs à la conception et à la mise en oeuvre des programmes de développement, ainsi que leur implication dans la prise de décision aux plans national et local. Il faut enfin noter qu'une attention particulière devra être accordée aux pays les moins avancés, notamment auprès des groupes les plus défavorisés, à la promotion de l'égalité entre les sexes, à l'utilisation de la science et de la technique pour l'amélioration des conditions matérielles d'existence et, à la responsabilisation des jeunes afin qu'ils participent activement en tant que partenaires de plein droit à « l'élaboration de la société de savoir ».

Plus fondamentalement, l'on note qu'à chaque domaine de compétence de l'UNESCO correspondent des objectifs stratégiques précis et ciblés.

C'est ainsi qu'en ce qui concerne l'éducation, la contribution de l'UNESCO s'inscrit d'abord dans le cadre d'un appui aux objectifs du NEPAD dans ledit secteur. En effet, l'éducation, qui est un préalable, à la croissance économique et à l'élimination de la pauvreté, reste un puissant instrument pour la promotion du bien-être, du progrès civique et social, de la démocratie et du respect des droits de l'homme. Élément indispensable à l'édification de la paix, l'éducation est aussi un facteur prédisposant à un environnement propice à la prospérité du pluralisme et de la diversité culturelle.

A cet effet, le premier objectif stratégique sera de promouvoir l'éducation en tant que droit fondamental conformément à la Déclaration universelle des droits de l'homme. Plus spécifiquement, il s'agira d'assurer la coordination du suivi de l'EPT au niveau régional, sous-régional et national, ceci en étroite coopération avec l'ensemble des partenaires et des

29 Etats membres, OUA, Organisations sous-régionales africaines, le système des Nations unies, la BIRD, la BAD, populations et représentants de la société civile

mécanismes de suivi existant au niveau global. Dans le même sillage, les deuxième et troisième objectifs se proposent d'améliorer la qualité de l'éducation par la diversification des contenus et des méthodes et la promotion des valeurs universellement partagées ; ainsi que de promouvoir l'expérimentation, l'innovation, la diffusion et le partage de l'information et des meilleures pratiques, ainsi que le dialogue sur les principes d'action dans le domaine de l'éducation. Bien entendu, l'UNESCO entend développer et élargir le dialogue dans la mise en oeuvre des différentes politiques éducatives.

Les objectifs stratégiques n°4, 5 et 6, relatifs au domaine scientifique visent respectivement à : promouvoir des principes et des normes éthiques pour guider le progrès de la science, le développement technologique et les transformations sociales ; améliorer la sécurité humaine par une meilleure gestion de l'environnement et du changement social ; et renforcer les capacités scientifiques, techniques et humaines de participation aux nouvelles sociétés du savoir. Convaincus que « la science crée les technologies, qui à leur tour peuvent générer les richesses », les principaux promoteurs voudraient ainsi parvenir à l'allègement de la pauvreté, à l'amélioration de la gestion des ressources et à la lutte contre la dégradation de l'environnement. Pour ce qui est des sciences sociales et humaines, deux défis majeurs restent à relever ici : à savoir l'instauration de la paix et de la démocratie qui implique la fin des guerres et des conflits, et la consolidation des sociétés sur la base de principes de justice sociale et d'attitudes de tolérance. L'autre grand défi est celui de l'éradication de la pauvreté y compris par la lutte contre le VIH/Sida et ses conséquences, et en terme de ressources, par l'allègement de la dette.

Si promouvoir l'élaboration et l'application d'instruments normatifs dans le domaine culturel constituent un défi stratégique spécifique, c'est parce qu'il est essentiel à cet autre objectif qui vise à protéger la diversité culturelle et à encourager le dialogue entre les cultures et les civilisations. C'est également pour mieux s'endosser au neuvième objectif qui promeut le renforcement des liens entre la culture et le développement à travers la consolidation des capacités et le partage des connaissances.

Enfin, la communication et l'information sont nécessaires à une participation effective des communautés et des citoyens à la vie démocratique des sociétés. Or dans le continent africain, les infrastructures en matière de télécommunication et de diffusion de masse restent peu ou pas développées, la formation à l'utilisation des TIC étant inadéquate lorsqu'elle n'est pas simplement absente dans un environnement où l'analphabétisme persiste, et où « les coûts d'accès à Internet... sont 5 à 10 fois plus élevés que dans les pays du Nord »30. C'est en tenant

30 Tirée de la revue publiée par la Commission nationale camerounaise pour l'UNESCO : 2005 :103

compte de ces réalités que l'objectif stratégique n°10 se propose d'encourager la libre circulation des idées et l'accès universel à l'information. Il s'agira ensuite de promouvoir l'expression du pluralisme et de la diversité culturelle dans les médias et les réseaux d'information mondiaux (n°11), et ceci en tenant compte des besoins propres aux différents publics cibles, notamment les femmes et les enfants ; l'objectif final étant d'assurer l'accès pour tous aux technologies de l'information et de la communication. En cela, l'on espère atteindre des zones rurales et régions défavorisées, afin d'accroître la participation sociale des populations concernées. Mais parce que le système des Nations unies s'est imposé des défis majeurs pour le nouveau millénaire, il convient de s'y attarder quelque peu, afin de pouvoir relever la responsabilité de l'UNESCO.

2. LE ROLE MAJEUR DE L'UNESCO A L'ÉGARD DES RÉCENTS ENGAGEMENTS DES NATIONS UNIES

L'UNESCO a certainement un grand rôle à jouer dans le cadre des objectifs majeurs des Nations unies en ce début de millénaire, au sein de la société internationale. Aussi, convient-il d'abord de préciser lesdits objectifs, avant d'explorer le rôle attendu à l'égard de l'UNESCO, principalement à travers l'EPT.

2-1. LES OBJECTIFS MILLENAIRES POUR LE DÉVELOPPEMENT (OMD)

Devenue l'expression du système des Nations Unies la mieux partagée, le concept des `'Objectifs Millénaires pour le Développement» (OMD) remonte au Sommet Millénaire réunissant en septembre 2000 les dirigeants politiques du monde entier. De ce Sommet naîtra un ensemble d'objectifs mesurables qui vont être placés au centre du programme d'action mondial, et assortis d'un délai (2015) pour lutter contre la pauvreté, la faim, la maladie, l'analphabétisme, la dégradation de l'environnement et la discrimination à l'égard des femmes. A côté de ces objectifs majeurs, la Déclaration du Millénaire prévoit également une vaste gamme d'engagements dans les domaines comme les droits de l'homme, la bonne gouvernance et la démocratie.

Il faut dire après huit ans que le monde évolue dans le sillage des OMD, même si les progrès réalisés sont inégaux lorsqu'ils ne sont pas trop lents. C'est que les OMD restent un cadre dans lequel le système des Nations unies tout entier collabore de façon étroite pour réaliser ces objectifs communs. Et c'est pourquoi le Groupe des Nations Unies pour le

développement (GNUD) s'emploi à ce que lesdits objectifs soient au coeur des efforts. Qui plus est, l'ex Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, au lendemain du Sommet, avait confié la coordination de la campagne et des activités de suivi menées au niveau des pays en vue d'atteindre les OMD, au président du GNUD, Mark Malloch Brown. Cette tâche pour l'essentiel portait sur l'assistance concrète à l'appui des priorités nationales ; le suivi au niveau des pays à travers des rapports produit de la collaboration entre le gouvernement d'un pays, le secteur privé et la société civile ; la direction de la recherche par le conseiller spécial de Koffi Annan pour les OMD, le professeur Jeffrey Sachs ; le suivi au niveau mondial ; et enfin les activités de sensibilisation, fondées sur les stratégies et les besoins nationaux.

De manière plus détaillée, huit objectifs sont à atteindre à 2015 :

- Réduire de moitié l'extrême pauvreté et la faim, 1, 2 milliard de personnes vivant encore avec moins d'un dollar par jour.

- Réduire de trois quarte la mortalité maternelle, le risque de mourir en couche étant de 1 sur 8 dans les pays en développement.

- Assurer l'éducation primaire pour tous31, car treize millions d'enfants ne vont pas à l'école. Combattre les maladies, en particulier le VIH/sida et le paludisme, maladies meurtrières ayant eu à annuler les progrès de développement.

- Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, deux tiers des analphabètes dans le monde étant des femmes, et 80% des réfugiés étant des femmes et des enfants.

Assurer un environnement durable, à travers un accès à l'eau potable qui fait encore défaut à plus d'un milliard de personnes.

- Réduire de deux tiers la mortalité des enfants de moins de 5 ans, car onze millions de jeunes enfants meurent chaque année.

- Mettre en place un partenariat mondial pour le développement, en fixant des objectifs relatifs à l'aide, aux échanges commerciaux et à l'atténuation de la dette. Car trop de pays en développement dépensent davantage pour les services sociaux.

Enfin à travers ses activités, l'UNESCO oeuvre principalement en faveur de quatre OMD des Nations Unies : A savoir ceux qui visent à réduire de moitié la proportion de la population vivant dans l'extrême pauvreté ; à aider les pays à inverser la tendance à la déperdition des ressources environnementales ; à éliminer les disparités entre les sexes dans l'éducation primaire et secondaire ; enfin à assurer l'éducation primaire universelle dans tous les pays. Aussi, convient-il de repréciser ce concept d'éducation pour tous.

31 C'est nous qui soulignons

2-2. ÉDUCATION POUR TOUS (EPT)

L'idée d' « Éducation pour tous » remonte au premier forum mondial sur l'éducation tenu en mars 1990 à Jomtien en Thaïlande. Lors de cette Conférence en effet, toute la communauté internationale s'était engagée à offrir à toute personne « enfant, adolescent ou adulte », une formation conçue pour répondre à ses besoins éducatifs fondamentaux, et ceci à l'échéance 2000. Dix ans après, l'évaluation de la mise en oeuvre de cet engagement, en dépit de quelques progrès en registrés dans certains pays, montrera que 121 millions d'enfants dont 65 millions de filles dans le monde ne vont pas encore à l'école. Le concept va de ce fait être redéfini lors du deuxième forum mondial sur l'éducation tenu à Dakar du 26 au 28 avril 2000. Il traduira désormais l'engagement collectif de la communauté internationale à assurer à l'horizon 2015, les objectifs suivants :

- Développer et améliorer sous tous leurs aspects la protection et l'éducation de la petite enfance, et notamment des enfants les plus vulnérables et défavorisés ;

- Faire en sorte que d'ici à 2015 tous les enfants, notamment les filles, les enfants en difficulté et ceux appartenant à des minorités ethniques, aient la possibilité d'accéder à un enseignement primaire obligatoire et gratuit de qualité et de le suivre jusqu'à son terme ;

- Répondre aux besoins éducatifs de tous les jeunes et de tous les adultes et de tous les adultes en assurant un accès équitable à des programmes adéquats ayant pour objet l'acquisition de connaissances ainsi que de compétences nécessaires dans la vie courante ;

- Améliorer de 50% les niveaux d'alphabétisation des adultes, et notamment des femmes, d'ici à 2005 et instaurer l'égalité dans ce domaine en 2015 en veillant notamment à assurer aux filles un accès équitable et sans restriction à une éducation de base de qualité avec les mêmes chances de réussite ;

- Améliorer sous tous ses aspects la qualité de l'éducation dans un souci d'excellence de façon à obtenir pour tous des résultats d'apprentissage reconnus et quantifiables - notamment en ce qui concerne la lecture, l'écriture et le calcul et les compétences indispensables dans la vie courante32.

En tant que chef de file de ce vaste programme, l'UNESCO qui orchestre les efforts consentis par la communauté internationale dans l'optique d'atteindre ces objectifs, s'attache à mobiliser les volontés politiques et à coordonner les efforts de toutes les parties prenantes

32 Source : Cadre d'action de Dakar, l'Education pour tous : tenir nos engagements collectifs, adopté par le forum mondial sur l'éducation (Dakar, Sénégal, 26-28 avril 2000), Paris, UNESCO, 2000, par.7.)

parmi lesquelles les partenaires de développement, gouvernements, ONG et la société civile. Exprimé autrement, l'éducation pour tous est au coeur des grandes actions de l'UNESCO pour :

- assister les pays dans la formulation de leurs politiques éducatives ;

- développer et diffuser des matériels - bonnes pratiques, manuels scolaires, kits de formation des enseignants - conçus pour couvrir un large éventail de questions, du développement durable à l'éducation pour la paix ;

- établir de nouvelles normes et standards, par exemple pour l'enseignement professionnel et technique et en matière de reconnaissance des diplômes de l'enseignement supérieur ;

- identifier les tendances actuelles et les stratégies appropriées pour répondre aux nouveaux problèmes affectant l'éducation, comme le sida ;

- porter une attention particulière à l'Afrique, aux pays les moins avancés et aux neuf pays les plus peuplés qui abritent plus de 70% des analphabètes adultes du monde et près de la moitié des enfants non scolarisés ;

- développer de nouvelles méthodes pour fournir un enseignement aux personnes aux personnes ayant des besoins spéciaux, vivant dans la rue, dans des zones de conflits ou d'urgence ;

- faciliter des partenariats entre les acteurs publics, privés et non gouvernementaux pour assurer une meilleure coordination des efforts et entretenir l'engagement politique33.

Toujours dans le cadre de l'EPT, l'objectif de l'égalité entre les sexes, présent à travers toutes ces actions, est aussi l'objet d'une série de projets sur le terrain, qui vont des programmes d'éducation à distance et des systèmes de micro crédit dans les zones rurales à des services de conseil aux femmes et aux filles en Afrique. En outre de nouvelles approches éducatives pour les droits de l'homme et le développement durable, ainsi que la réforme des programmes et la révision des manuels scolaires pour refléter les besoins socioculturels et promouvoir une culture de paix, vont rentrer dans les plans de l'UNESCO pour permettre une vie harmonieuse au sein des sociétés.

Il faut dire pour ce qui est des mécanismes de coordination de l'EPT, que l'élément principal de la stratégie pour atteindre les six objectifs de Dakar consiste à « susciter au niveau national et international, un puissant engagement politique en faveur de l'éducation pour tous, définir des plans d'action nationaux et augmenter sensiblement l'investissement dans l'éducation de base ». Et parce qu'une telle tâche exige le développement de mécanismes appropriés de dialogue, de participation et de mobilisation, le cadre d'action de Dakar va

33Confère site www.unesco.org/education/efa

suggérer la mise en place de forum (nationaux, sous-régionaux et internationaux) ayant pour but d'organiser un Cadre d'Action fondé sur un partenariat efficace entre les Partenaires Techniques Financiers (PTF), la société civile et les gouvernements.

C'est dire que les objectifs de l'EPT contribuent aussi à la réalisation mondiale des huit OMD, précisément l'objectif N°2 relatif à l'enseignement primaire universel et l'objectif N°3 qui concerne l'égalité des sexes à l'horizon 2015. Agence spécialisée des Nations Unies, le rôle de coordination de l'EPT revient de « jure » et de « facto » à l'UNESCO dans la mesure où les questions internationales relatives à l'éducation relèvent prioritairement de sa compétence. Suivons à cet effet l'allocution du représentant de l'UNESCO à l'occasion de la cérémonie de lancement officiel de la Semaine Mondiale de l'EPT au Cameroun, le 23 avril 2008 : « En tant qu'institution chef de file pour l'éducation, l'UNESCO a reçu pour mandat de coordonner les efforts internationaux visant à la réalisation des objectifs de l'Education pour tous. A cet égard, sa mission est de promouvoir l'éducation en tant que droit fondamental, d'améliorer la qualité de l'éducation et de stimuler l'expérimentation, l'innovation et le dialogue sur les politiques.

Dans son rôle de coordination de l'EPT, l'UNESCO aide, de concert avec les coparrains de ce mouvement que sont le PNUD, l'UNFPA, l'UNICEF et la Banque mondiale, à établir et à maintenir des partenariats aux niveaux national et international, plus précisément, faciliter le dialogue entre les partenaires de l'EPT, assurer des liens effectifs entre différents forums d' EPT et de suivi des OMD, et recenser les contributions actuelles et futures de chaque partenaire à la réalisation des objectifs de l'EPT.

En tant qu'agence spécialisée des Nations Unies, entre autres, dans le domaine de l'éducation, l'UNESCO contribue au quotidien au renforcement des capacités nationales, crucial pour atteindre les objectifs de l'EPT, par la mise à disposition de l'expertise adéquate auprès des pays qui en expriment la demande comme c'est le cas du secteur de l'éducation camerounais. »

De ce qui précède, il appert que la contribution de l'UNESCO est essentielle pour le progrès de l'éducation au sein des États membres. Sauf que la réussite du projet est aussi fonction de choix politiques qui, il faut le noter, ne sont pas aisés à déterminer du fait de la non convergence des intérêts ou priorités des parties prenantes à l'éducation. D'où la nécessité des dialogues et concertations en nombre important afin d'harmoniser les points de vue. D'où également la mise en place des mécanismes de coordination et d'appui à l'EPT. Mais aussi et surtout, les progrès de l'éducation dépendent de la prise en compte des aspirations profondes des populations cibles, aspirations dont la traduction au sein des grandes

rencontres internationales et nationales relève prioritairement du devoir de l'État, garant ultime de l'intérêt national.

Au total, trois valeurs fondamentales forgent la philosophie et la spécificité du programme EPT réaffirmé à Dakar. Il s'agit d'abord d'une vision globale fondée sur des objectifs larges, transversaux et complémentaires : l'éducation pour tous tout au long de la vie est un droit des peuples, non pas une variables économique destinée à être ajustée selon les besoins du marché ou les ressources disponibles. Ensuite, s'agit-il d'une stratégie axée sur un partenariat actif et équilibré regroupant l'ensemble des acteurs autour d'un plan national crédible conduit sous l'autorité du gouvernement. Enfin, la participation active de la société civile à tous les stades d'élaboration, de mise en oeuvre et de suivi des programmes EPT, au travers de mécanismes institutionnalisant la participation de ses structures représentatives. Au total, force est de relever que le Cameroun occupe une place essentielle dans la mise en oeuvre de ce vaste et alléchant programme, signe de la crédibilité des rapports que ce pays entretient avec l'agence spécialisée des Nations unies.

PARAGRAPHE II : LE CAMEROUN COMME PARTENAIRE DE CHOIX DES ACTIVITÉS DE L'UNESCO EN AFRIQUE

Les activités de l'UNESCO au Cameroun couvrent tous les domaines de compétence de l'organisation que sont l'éducation, la science, la culture et la communication. L'action de l'UNESCO couvre en outre des domaines nouveaux que sont les droits de l'Homme et l'environnement, qui généralement sont intégrés au sein des domaines classiques. Mais encore, des domaines « transdisciplinaires » à l'instar de celui relatif à la lutte contre le Sida y sont également intégrés.

A. LA CONTRIBUTION DE L'UNESCO A LA MISE EN PLACE DU CENTRE INTERNATIONAL DE REFERENCE CHANTAL BIYA (CIRCB)

Le Centre International de Référence « Chantal Biya » pour la recherche sur la prévention et la prise en charge du VIH/SIDA (CIRCB) est situé à Yaoundé dans l'enceinte du Centre Hospitalier Universitaire (CHU). Pour une meilleure appréciation de la contribution de l'UNESCO à son fonctionnement, il convient de mener une investigation du projet depuis ses origines

1. ORIGINES DU PROJET

Le professeur Montagnier, codécouvreur du virus VIH, préside la Fédération Mondiale Recherche et Prévention SIDA, dont la mise au point d'un vaccin pédiatrique éliminant la transmission du VIH de la mère à l'enfant, constitue l'objectif à terme. Ce faisant, ledit objectif rentre dans le cadre du projet Family First Africa lancé par l'UNESCO en 2002. Projet d'envergure international, il va connaître un engagement des différents acteurs internationaux tels les États, les institutions internationales, les ONG, pour ne citer que ceux- là. A titre illustratif, l'Italie a contribué pour 2 millions de dollars américain au lancement du projet, auquel l'Institut de Virologie humaine à Baltimore de l'Université de Maryland, se sont associées dans la mise en oeuvre.

En effet, il existe déjà des mesures thérapeutiques pour réduire la transmission mère- enfant, mais « un traitement qui supprime totalement la transmission n'existe pas toujours ». Qui plus est, les spécialistes se sont aperçus il y a quelque temps que l'allaitement réinfectait le nourrisson et que le taux d'infection au bout d'un an est le même que si l'enfant était resté sans aucun traitement. Fort de ce constat, le projet du vaccin pédiatrique se focalise sur les enfants infectés par l'allaitement. Le vaccin devant protéger l'enfant tout au long de l'allaitement, soit une période de deux années.

Il est indiqué de noter que les chercheurs venant de tous horizons travaillent en symbiose en vue de l'obtention des résultats efficients. Ce qui est primordial pour l'identification des variations des gènes de réponse au virus, qui sont fonction des populations respectives. Au niveau de l'Afrique également l'on dispose des Centres de recherche qui dispensent des thérapies aux patients et, en parallèle, participent activement à la recherche clinique dont celle d'un vaccin pédiatrique. Nous pouvons citer le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire et le Cameroun parmi les pays disposant d'un Centre en Afrique.

C'est dire en effet que sous un même toit, se trouvent regroupés la prévention, le traitement et la recherche. Ceci, selon le Professeur Montagnier, s'explique par la volonté des concepteurs du projet d' « associer les sciences aux activités éducatives pour que les populations et les formateurs soient bien informés ». « Ainsi, va-t-il poursuivre, est prévu dans chaque Centre une salle multimédia consacrée à la formation ». Toutefois, au moins pour ce qui est de l'Afrique, ces Centres sont butés à un certain nombre de difficultés inhérentes aussi bien à leur existence, qu'à l'environnement.

L'on comprend alors par là que la réussite d'un tel projet nécessite la mobilisation de « toute » la communauté internationale qui doit travailler ensemble en vue de réduire, sinon d'éradiquer cette pandémie du XXe siècle que l'on pourrait bien assimiler à une arme de

destruction massive. Une telle mobilisation suppose à son tour la participation de « tous » les acteurs du système international, qu'ils soient étatiques ou non, individuels ou collectifs, ou encore qu'ils relèvent des Organisations supra étatiques. Les professeurs Montagnier, Gallo et Vittorio, représentent parfaitement ces individus-acteurs-internationaux, issus des nationalités différentes, mais unis pour une oeuvre commune. Non moins importante constitue la participation de l'UNESCO à travers le projet Family First Africa (voir supra). Peut-être, le CIRCB rentre également dans la volonté d'un pays qui veut désormais inscrire son nom dans la construction processuelle de la « paix perpétuelle » internationale, paix qui passe également par la lutte contre les grandes pandémies, causes par excellence du sous-développement durable. Volonté elle-même s'inscrivant dans la perspective d'un continent qui, plus que jamais, se refuse d'être l'éternel objet des relations internationales.

2. NAISSANCE DU CIRCB : UNE INITIATIVE DU GOUVERNEMENT CAMEROUNAIS CERTES...

2-1. RAISON D'ETRE

Le Centre International de Référence Chantal Biya (CIRCB) pourrait à bien des égards être considéré comme étant le produit de la Fondation Mondiale de Recherche et Prévention du VIH/SIDA (FMRP), et du projet Family First Africa (FFA). Créé par Arrêté du Ministère de la Santé Publique en date du 17 Février 2006, le Centre est considéré par ses promoteurs comme l'aboutissement des efforts de la Première Dame du Cameroun, dont il porte d'ailleurs le nom. Inauguré le 23 février de la même année, il constitue également le résultat d'un énorme plaidoyer initié par les Premières Dames d'Afrique à travers un certain nombre de partenaires, ceci par le biais de l'ONG Synergies Africaines. De manière plus claire, le CIRCB a été créé par le Gouvernement camerounais avec la coopération de l'UNESCO, de la FMRP et du Gouvernement italien.

Stricto sensu, le Centre entend participer à l'élan global de la communauté internationale pour accélérer les connaissances et la qualité des soins et services destinés aux personnes infectées et affectées par la pandémie. Organisation à vocation régionale, le CIRCB aspire à devenir un membre actif du réseau africain de Centre et d'Institution de recherche scientifique africaine en vue d'intégrer et de développer la recherche clinique vaccinale et thérapeutique dans le domaine des grandes endémies en Afrique, dont les plus importantes sont notamment le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme.

Pour ce faire, le Centre s'est entouré des partenaires crédibles aux niveaux international et national. Comme partenaires nationaux du Centre, nous avons en premier ressort le Ministère de la Santé Publique, responsable institutionnel qui représente également l'État camerounais. Le Ministère de la Recherche Scientifique et de l'Innovation, le Centre Hospitalier Universitaire de Yaoundé, et la Faculté de Médecine de Yaoundé, complètent la liste des partenaires nationaux. Plus important est le nombre constituant la liste des partenaires internationaux. Aussi pourrions nous mentionner la FMRP du professeur Montagnier à Paris en France ; l'UNESCO ; l'Institut Supérieur de Santé et Université Tor Vergata de Rome en Italie ; l'Institut de Virologie Humaine de Baltimore aux USA ; le Centre Intégré de Recherche Bioclinique à Abidjan en Côte d'Ivoire ; le Centre de Recherche Sainte Camille à Ouagadougou au Burkina Faso ; les Synergies Africaines contre le SIDA et les souffrances à Yaoundé au Cameroun ; la Fondation CLINTON à New York, et la Fondation Bill et Melinda GATES aux USA.

2-2. ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT

L'Administration du CIRCB est constituée de quatre (4) responsables chargés de veiller à sa gestion quotidienne. Les Docteurs Pierre Joseph FOUDA et Odile OUWE MISSI OUKEM occupent respectivement les charges d'Administrateur et d'Administrateur Adjoint. Font également partis de l'administration, le Chef Section des Affaires Générales, le Dr Faustin MVOGO, et le Chef Section Technique, Dr Giula CAPPELLI.

Le Comité de Gestion est l'organe chargé d'examiner toutes les questions relatives à l'organisation et au fonctionnement du Centre. Monsieur Jean Stéphane BIATCHA assure sa présidence, tandis que la Vice-présidence n'est assurée par tout autre que : le Pr. Luc MONTAGNIER. Y font également partis, des Membres dits statutaires que sont : les Services du Premier ministre ; les Ministères de la Santé Publique ; de la Recherche Scientifique et de l'Innovation ; de l'Économie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire ; et de l'Éducation de base. L'UNESCO, les Synergies Africaines contre le SIDA et les Souffrances, le Directeur Général du CHU, et l'Ambassadeur d'Italie au Cameroun, enfin viennent compléter la liste des Membres statutaires du Comité de gestion du CIRCB.

La Section Technique, quant à elle, est composée de deux unités et de quatre secteurs. Le Secteur d'immunologie où l'on retrouve le dépistage et confirmation des infections, numération lymphocytaire, activation et production des cytokines, identification des épitropes immunogènes et typage HLA etc. ; le Secteur de Biochimie et Hématologie : bilan biologique

pour le suivi des Personnes Vivant avec le VIH/SIDA (PVVS) et pour la recherche clinique et vaccinale ; le Secteur d'épidémiologie et bio-informatique: analyse des données de séquences et sous-types viraux, du polymorphisme immunitaire, de la progression technique de la maladie et des déterminants sociaux plus relevant ; le Secteur de virologie : détermination de la charge virale, étude des résistances génétiques aux antirétroviraux, séquençage des souches virales. A côté de ces différents Secteurs se trouvent les Unités de recherche clinique pour les essais vaccinaux ; et de maintenance pour les appareils biomédicaux : « le Centre entend devenir une institution de référence pour la formation dans une bonne utilisation et la maintenance des appareils de cytométrie en flux ».

A noter aussi l'Agence de prévention qui est une activité en développement, dirigée vers les communautés telles que les établissements scolaires et universitaires, les entreprises et les communautés rurales. Une Section médicale s'occupe également des patients qui sollicitent les services du Centre, notamment pour les différents examens biologiques des PVVD. Un Centre de Documentation et d'Information sur le VIH/SIDA (CDI), doté d'un espace numérique avec connexion Internet, est ouvert gratuitement à tout public. Centre référentiel en la matière, il compte proposer à l'avenir, des formations en présentiel et à distance.

Le Conseil Scientifique est l'organe consultatif chargé d'approuver les programmes de recherche du Centre, de valider les protocoles de recherche sur le plan méthodologique, et d'évaluer ses activités de recherche. Les professeurs Luc MONTAGNIER et Peter NDUMBE assurent respectivement la présidence et la vice-présidence. Parmi les membres se trouvent les professeurs Emmanuel EBEN MOUSSI, Rose LEKE, Victor ANOMAH NGU, Vittorio COLIZZI, David PAUZA, Jacques THEZE, et le Docteur Saladin OSMANOV.

Non moins important est l'autre organe consultatif qu'est le Comité d'Éthique dont l'une des missions est de vérifier que les droits fondamentaux de la personne humaine sont pris en compte dans les travaux de recherche. Il est composé des professeurs Rose LEKE, WALAINJOM MUNA, Godfrey TANGWA ; des dames Thérèse MALONGUE épse ATANGANA, Lucie ZAMBOU ; des sieurs Isaac TITA, LIMAN MALOUM ; et des autorités religieuses, le Pasteur Emile BAKONG MBOMA, et l'Abbé Jacques Philippe TSALA TSALA.

De ce qui précède, nous remarquons que la vocation internationale du CIRCB est plus qu'illustrative en ce sens que toutes les catégories d'acteurs y sont représentées, venant de tous les coins du globe. Une telle initiative qui suppose la mobilisation d'une pluralité d'acteurs participatifs porterait en en point douter les germes d'une coopération dite

« fructueuse »34. Dans la moindre des hypothèses, elles entretiennent des « affinités électives », au sens où l'entendait Max Weber. Ce que nous voulons démontrer ici, c'est non pas que la mobilisation des acteurs venant d'horizons différents est en soi une garantie de la réussite d'un projet, dans le sens de rendement efficient. Il s'agit encore moins de prétendre qu'une coopération fructueuse est celle qui mobilise une panoplie d'acteur. Ce que nous voulons affirmer, c'est qu'un projet fondé au départ sur la participation effective de « tous » les acteurs concernés et qui peuvent y apporter un plus pour sa réalisation, constitue à n'en point douter un facteur prédisposant à l'atteinte des objectifs escomptés (surtout si son utilité n'est guère remise en cause). Facteur prédisposant, avions-nous dit, qui n'est pas à confondre avec le facteur mécanique dans la mesure où nous tenons compte de la complexité du fait social, avec ses aléas et imprévus, mais aussi avec ses « effets pervers ». Exprimé autrement, il s'agit de l'humus ou de l'engrais qui permet au grain semé de trouve un terrain favorable à sa croissance, parce que fertile. Sauf que la garantie d'une bonne récolte suppose également que l'on puisse contourner les caprices du temps ou de la saison, ainsi que la sécurisation du fruit contre les bêtes sauvages et/ou domestiques.

Quoi qu'il en soit, l'on observera que les autorités camerounaises se sont entourées des meilleurs partenaires indiqués pour ce type de projet. Conscient que la réussite d'une telle initiative est fonction de sa propre détermination, et que la meilleure posture d'attente de la mobilisation internationale est de pouvoir présenter au préalable sa propre contribution, l'État camerounais n'a ménagé aucun effort pour la mise en place du centre. Ainsi, l'Arrêté de création est d'abord un Arrêté camerounais, la construction du bâtiment relevant aussi de son oeuvre. Et il n'est pas exagéré de dire que la visibilité de cet édifice a permis l'accélération du projet, ainsi que son installation. A noter enfin les subventions accordées chaque année par l'État camerounais, à travers le MINSUP. Un tel engagement permet de mieux appréhender la contribution des autres partenaires internationaux, à l'instar de l'UNESCO.

3. ...LA « TOUCHE » DE L'UNESCO RESTE CEPENDANT DÉTERMINANTE

La contribution de l'UNESCO au fonctionnement du CIRCB est matériellement appréciable. Mais en amont, elle reste très considérable à travers le projet Family First Africa (FFA).

34 Mais à condition que les différents acteurs parlent véritablement le même langage, participent à l'amélioration de « l'humaine condition »

3-1. LE PROJET « FAMILY FIRST AFRICA » COMME PRÉALABLE AU CIRCB

Dans le Programme et Budget UNESCO pour le biennal 2002-2003, l'UNESCO s'engage à aider « les pays les plus touchés par la pandémie à avoir un meilleur accès au savoir scientifique sur le VIH/SIDA, afin d'étayer les efforts nationaux visant à donner à tous la possibilité d'accéder aux traitements et d'encourager la mise au point de vaccins par la recherche scientifique ». Chemin faisant, la période 2003 -2006 va être le témoin du lancement d'un projet novateur intitulé « FFA », visant à briser le cercle vicieux de la relation établie entre l'infection par le VIH et la désintégration des cellules familiales africaines.

Projet UNESCO, FFA a été rendu possible grâce au financement du Gouvernement italien. Il est mené de concert avec la FMRP, l'Institut de Virologie humaine et l'Université « Tor Vergata », pour soutenir les programmes de lutte contre le VIH/SIDA en Côte d'Ivoire, Burkina Faso et au Cameroun. Trois objectifs essentiels sous-tendent le projet :

- Militer en faveur des programmes de lutte contre le sida axés sur la famille, notamment ceux qui visent les nouvelles initiatives destinées à la limitation de la transmission du virus de la mère à l'enfant.

- Mettre en place une communauté internationale associant l'Afrique et les pays avancés, dans le but de limiter la propagation du VIH au moyen de l'éducation préventive et la mise en place de plates-formes novatrices pour la protection des nouveaux-nés ; et

- Enseigner les compétences scientifiques et médicales de base nécessaires à une stratégie de prévention locale et de programme de recherche chez des partenaires de pays africains, au travers de la formation, d'échanges internationaux d'étudiants et de coopération à long terme.

Ce que l'on espère ici, c'est d'améliorer la technologie sanitaire dans les pays partenaires, qui contribueront à lutter contre d'autres maladies émergentes et réémergentes, et de tisser un lien visant à améliorer la santé publique et l'enseignement scientifique. Et ceci grâce au renforcement des capacités locales d'animation et des initiatives libres pour lutter contre le SIDA. Pour y parvenir, le projet « FFA » se propose de :

Nouer des partenariats dans le domaine scientifique et de l'éducation entre les PED et pays avancés ; garantir une formation et l'accès à des programmes d'enseignements supérieurs destinés aux médias africains ; mettre au point des compétences innovantes adaptées, axées sur la recherche scientifique en vue de l'éducation préventive, notamment en ce qui concerne la transmission mère-enfant ; mettre en place une plate-forme novatrice « tuberculose et vaccination néonatale contre le SIDA » par le développement de la recherche

en Afrique ; créer et promouvoir des centres spécifiques en Afrique associant recherche, formation et éducation préventive.

3-2. LA CONTRIBUTION DIRECTE DE L'UNESCO AU SEIN DU CIRCB

L'État camerounais a rédigé un grand projet que l'UNESCO s'est chargé de ventiler auprès des bailleurs de fonds. D'où le projet « FFA » a permis l'équipement du centre de documentation. Plus précisément, la contribution matérielle de l'UNESCO pourrait s'énoncée ainsi qu'il suit :

- un équipement en réactif du laboratoire, à hauteur de 40 millions ;

- une cinquantaine de livre pour la bibliothèque ;

- un centre multimédia, doté d'une dizaine d'ordinateurs écrans plats, avec accès gratuit sur internet, pour tout le monde, usagers comme étudiants et chercheurs, pour le moment !

Il faut dire que l'UNESCO s'est certes engagée à atténuer l'impact de la pandémie, à travers une contribution interdisciplinaire. Et parce que les initiatives visant à lutter contre le SIDA proviennent de la découverte du virus et de la recherche et des connaissances scientifiques de ceci, l'Organisation a donc un rôle capital à jouer dans la promotion et le soutien de la diffusion de l'information scientifique sur :

- la biologie des organismes infectés en général, et plus particulièrement par le VIH ; - la prévention de l'infection ;

-le traitement et le soin des personnes contaminées, y compris l'information scientifique sur les médicaments disponibles pour la thérapie ;

- la recherche fondamentale dans le domaine du VIH et du SIDA et son rôle dans la lutte contre la pandémie.

La contribution de l'UNESCO n'est pas uniquement matérielle. Bien plus important reste le travail effectué en amont. Suivons à cet effet les propos recueillis auprès du Chef Section des Affaires Générales, le Dr Faustin MVOGO : « l'UNESCO nous a beaucoup aidé lorsqu'il a fallu plaidoyer pour la création du Centre. L'appui de l'UNESCO est indispensable pour la mise sur pied d'une maison internationale. Le plaidoyer international a été fait par la Fondation de Montagnier, des Synergies Africaines, du MINSANTE et de l'UNESCO », tous ensemble ! Faut-il enfin ajouter que dans le fonctionnement quotidien du CIRCB, l'UNESCO apporte sa contribution comme membre du Comité de gestion, et participe à la prise des décisions. Enfin, la contribution de l'UNESCO à la mise en place du CIRCB semble à plusieurs égards, refléter son action dans le cadre de ses différents domaines de compétence.

B. LES ACTIVITÉS DE L'UNESCO AU CAMEROUN

1. UNE ACTION QUI COUVRE TOUS LES DOMAINES DE COMPÉTENCE DE L'UNESCO...

Les activités de l'UNESCO au sein du territoire camerounais sont aussi vieilles que l'existence même du Cameroun en tant que nation souveraine. Elles couvrent pratiquement tous les domaines de compétence de cette institution. Aussi, il sied de relever succinctement les actions majeures de l'UNESCO au Cameroun.

Dans le domaine de la culture, par exemple, l'UNESCO apporte son soutien au recensement du patrimoine immatériel camerounais, à la restauration des sites historiques, à la valorisation des traditions orales et du patrimoine culturel. La promotion du livre et des festivals culturels, ainsi que des droits d'auteurs, ont également bénéficié du soutien de ladite institution. Ce secteur se présente avec la science comme `les parents pauvres' de la coopération de l'UNESCO au sud du Sahara, comparativement aux autres. Pour ce qui est de la coopération scientifique en effet, l'UNESCO appuie la recherche scientifique ainsi que la protection et la valorisation du patrimoine forestier, faunique et environnemental camerounais. On peut à ce titre citer l'appui de l'UNESCO en faveur du suivi au Cameroun du programme sur l'Homme et la Biosphère (MAB), l'appui à la réserve forestière et de la faune du Dja35, les subventions accordées à l'école de Faune de Garoua et à l'évaluation du potentiel scientifique national. On peut dans la même logique citer le financement de séminaires organisés au Cameroun sur l'environnement, les réserves de biosphère et les énergies renouvelables.

L'action de l'UNESCO au Cameroun, en plus de la science et de la culture, est beaucoup plus considérable dans le domaine de l'éducation et de la communication. En cela, l'institution spécialisée apporte son appui à l'Ecole Supérieure des Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication basée à Yaoundé (ESSTIC), au perfectionnement des spécialistes de la communication et à l'implantation de plus de quinze radios rurales et des centres multimédia destinés aux populations rurales. D'ailleurs, l'étude du fonctionnement des radios rurales de Mbalmayo et de Sa'a, villes se trouvant à la périphérie de Yaoundé, ne

35 Située en plein coeur de la forêt équatoriale, dans la région sud-est du pays, précisément dans le département du Dja et Lobo

sera pas oubliée dans ce travail de recherche, compte tenu de leur impact auprès des zones périphériques, mais aussi de leur contribution à la vulgarisation de l'éducation des masses.

Dans le domaine de l'éducation, l'action de l'UNESCO au Cameroun s'inscrit prioritairement dans la promotion de l' « éducation pour tous ». Ce programme, qui constitue un socle tangible de notre objet d'étude, est issu du Forum mondial sur l'éducation tenu à Dakar en 2000, Forum au sein duquel la communauté internationale s'est engagée à améliorer, entre autres, l'accès à l'école et atteindre la scolarité gratuite et de qualité pour tous les enfants en âge d'être scolarisés dans le primaire. Aussi, l'enseignement primaire et secondaire au Cameroun bénéficient des financements de l'UNESCO dans le cadre de la formation des formateurs, de l'acquisition du matériel didactique, de la réflexion thématique des séminaires sur le système éducatif et de l'amélioration de l'encadrement pédagogique. Le système universitaire camerounais quant à lui bénéficie du soutien de l'octroi des bourses, du soutien à la participation au programme de l'institution et de la création des chaires UNESCO dans les universités de Dschang, Buéa et à l'Université Catholique d'Afrique Centrale (UCAC). L'éducation qui est un préalable au développement durable porte ici l'empreinte de l'UNESCO. Et à en croire l'actuel chef de l'Etat Paul BIYA, l'une des actions de l'UNESCO au Cameroun « qui a fait date reste l'appui qu'elle a apporté à la création de l'Ecole Normale Supérieure de Yaoundé en 1961 ». Ce discours tenu à la Conférence générale de l'UNESCO tenue à Paris le 23 octobre 2007 est également une reconnaissance de 27ans de coopération « intensifiée ». L'éducation, justement, parce qu'il relève du domaine « phare » des activités de l'UNESCO, mérite qu'on y jette un regard plus ou moins détaillé.

2...EN DÉPIT DE LA PRIORITÉ ACCORDÉE A L'ÉDUCATION

Les fruits de la coopération entre l'UNESCO et l'État au Cameroun, entre 1960 et 200036, concernent la participation du Cameroun aux activités de l'UNESCO, ainsi que l'action de l'institution spécialisée des Nations Unies au Cameroun. Ainsi parler des réalisations de l'UNESCO au Cameroun, c'est s'intéresser aux projets ayant été mis en oeuvre entièrement par l'UNESCO, soit avec sa contribution dans divers domaines. Dans le cadre de l'éducation, les réalisations de l'UNESCO couvrent une pluralité de domaines :

2-1. DANS LE DOMAINE DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ET SECONDAIRE.

Dans le cadre de la création des écoles et instituts :

36 C'est à dessein que nous n'allons pas au-delà de l'année 2000, un chapitre entier étant réservé à l'EPT

- La création des Instituts de Pédagogie Appliquée à vocation Rurale (IPAR) de Yaoundé en 1967, et de celui de Buéa en 1973.

- La création de l'École Normale des Instituteurs de Yaoundé.

- La mise sur pied de l'Institut Nationale d'Éducation (INE) en 1973, devenu le Centre National de l'Éducation en 1976.

- La création en 1975 des Écoles Normales des Instituteurs de l'Enseignement Technique.

- La création d'un centre d'alphabétisation fonctionnelle et d'éducation continue en milieu rural.

Dans le cadre de formation et de l'information, plusieurs séminaires de formation et d'information ont été organisés avec le concours de l'UNESCO. Entre autres, nous pouvons citer :

- Un séminaire sur la réforme de l'enseignement primaire au Cameroun organisé à Yaoundé du 26 au 29 mars 1973, séminaire visant l'évaluation pédagogique, la stratégie opérationnelle et la planification de l'éducation.

- Un séminaire audio-visuel de sensibilisation en techniques modernes de gestion ayant recours à l'information a été organisé à l'intention des gestionnaires du Ministère de l'Éducation Nationale.

En outre, plusieurs tables rondes ont été organisées en janvier 1991 et 1995 sur l'Éducation pour tous (EPT). Le Cameroun ayant même bénéficié à la table ronde de 1991 d'un concours prioritaire, le principe de faire de lui un des pays tests pour la réalisation des exhortations de la Conférence de Jomtien pour l'EPT, ayant été retenu. Et c'est dans le même esprit que l'on assistera en mai 1995 à l'organisation des États Généraux de l'Éducation camerounaise.

Enfin, plusieurs experts et consultants ont été mis à la disposition du Cameroun par l'institution spécialisée des Nations Unies, dans le cadre de la réforme de l'enseignement primaire. Et en novembre 1999, l'UNESCO appuyait un séminaire de formation des enseignantes d'écoles maternelles.

2-2. DANS LE DOMAINE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR.

L'un des fruits les plus anciens, et qui pourtant fait encore date, de la coopération entre le Cameroun et l'UNESCO reste la création de l'École Normale Supérieure de Yaoundé en 1961, bien sûr en association avec le PNUD et d'autres partenaires bilatéraux. A noter également la contribution de l'UNESCO à la création de l'École Normale Supérieure de

l'Enseignement Technique. Aussi après la création de l'ENSET, l'UNESCO lui offrait un « lot important de matériel en vue de permette un bon démarrage ». Il s'agit de :

- 04 cartons de stencils,

- 01 machine à photocopie,

- 04 meubles à classeur,

- 20 machine à écrire,

- 01 machine à relier,

- 01 perforatrice,

- 01 machine offset,

- 20 tables à dessin,

- 02 table-bureaux,

- 01 stock à papier duplicateur (4000 rames)

- 01 lot de livres d'un montant de 600.000 F CFA

Ce n'est pas tout. L'École Nationale Polytechnique camerounaise a bénéficié de la mise en place d'un laboratoire de micro informatique, « et de bien d'autres aides » ! L'ES STIC a vu son Centre de Documentation informatisé par « les bons soins de l'UNESCO » ! Enfin l'UNESCO alloue des bourses d'études aux jeunes camerounais, dans le cadre des formations en tout genre de domaines de son ressort. « Entre 1960 et 1985, la moyenne annuelle était de 07 bourses ».

De ce qui précède, nous pouvons dire que l'action de l'UNESCO dans le système éducatif camerounais couvre une panoplie de programmes allant des matériels et ressources à l'offre de services et de bourses, en passant par les séminaires de formation et d'information, sans oublier la création des écoles et instituts.

* *

*

Faire une énonciation plus ou moins exhaustive des projets qui ont été mis en oeuvre au Cameroun soit entièrement, soit avec la contribution de l'UNESCO est une chose ; mais qualifier une coopération de fructueuse en est une autre. Cela requiert une certaine « rupture épistémologique » qui permet d'appréhender les faits de manière objective, avec la prise en compte sinon de tous les paramètres (contexte, enjeux, acteurs, motivations, rapports de force, etc.), du moins des éléments déterminants. Pour paraphraser DURKHEIM, il s'agit de considérer les activités de l'UNESCO au Cameroun comme des choses, dans une perspective socio-historique.

En effet, les activités de l'UNESCO au sein des États membres se scindent en deux catégories, elles-mêmes relevant de ses deux principales sources de financement. S'agissant pour le Cameroun, il nous sied de noter que le programme de participation découlant du budget ordinaire de l'UNESCO porte essentiellement sur l'octroi de subventions pour l'organisation des séminaires et colloques, conférences, études de recherches et tables rondes ; mais également le financement des activités de la Commission nationale et des clubs des amis de l'UNESCO, ainsi que l'octroi de bourses d'études et de stages.

Les activités découlant des ressources extrabudgétaires participent du titre de la coopération technique de l'UNESCO au Cameroun, et s'inscrivent dans le cadre global du programme de coopération technique du PNUD, avec la contribution des autres partenaires financiers. Il s'agit pour l'essentiel de la mise en oeuvre de projets de développement, dont l'UNESCO reste le chef de file.

Aussi, s'il n'est pas aisé d'évaluer les activités relevant du budget ordinaire, tant il est que l'impact des colloques et conférences n'est pas facilement mesurable, l'on parvient tout de même à s'interroger sur l'utilité de la publication des revues. En effet, qu'il s'agisse de la Commission Nationale ou du Bureau Régional, il n'existe aucune politique de distribution des revues et bulletins d'information au sein des populations cibles. Les populations de ce fait ne sont pas assez imprégnées des idéaux de l'UNESCO qui, à notre sens participent également de la consolidation de l'État de droit au Cameroun. L'octroi des bourses d'études et de stages quant à lui a connu une certaine régularité, avant de connaître une baisse considérable dans la décennie précédente le forum de Dakar. Depuis lors, la distribution desdites bourses se fait dans une discrétion alarmante qui renfloue la méritocratie aux calendes grecques, le clientélisme ayant repris le témoin ! Enfin le soutien accordé à la FECACU a toujours eu un impact sur la population au point où ladite fédération reste parmi les mieux structurée au sein du territoire national.

L'évaluation des activités extrabudgétaires présente un tableau assez sombre. Car si l'on peut dans une certaine limite reconnaitre que la contribution à la mise en place de l'ENSET et de l'ENS ait été déterminante, il en va autrement pour ce qui des autres projets. C'est le cas de trois projets spécifiques : IPAR de Yaoundé ; IPAR de Buéa ; INE.

L'INE était chargé entre autres de l'étude des interactions entre le milieu social et les divers milieux d'éducation scolaires et extrascolaires en vue de leur rénovation, en rapport avec le développement économique, culturel et social du pays, tandis que les deux IPAR avaient pour mission de faire de l'école primaire camerounaise, un instrument efficace du développement social et économique du pays.

En effet, ces trois projets participaient d'un même ensemble, à savoir le système éducatif camerounais, et l'oeuvre de coopération devait consister à les « insérer dans cet ensemble, et à faire en sorte que le processus enclenché puisse normalement suivre son cours sans que le gouvernement camerounais ait plus tard à faire appel à quelque aide internationale que ce soit » (EPOTE, op.cit : 104). Aussi, le Cameroun, l'UNESCO et le PNUD étaient les principaux acteurs chargés de la mise en exécution de ces projets. Après une étude attentive de la mise en oeuvre de ces trois projets, Raymond EPOTE observait en 1976 que :

- Au niveau du projet IPAR-Yaoundé, les travaux avaient débuté depuis 1969. En principe, la réforme devait être généralisée en juillet 1975 dans toutes les classes de première année du cycle primaire. Il n'en fut rien. En février 1976, on en était encore à la réorientation des objectifs assignés à l'Institut.

-Pour l'IPAR-Buéa, des bases structurelles et méthodologiques adéquates ont été certes fixées. Cependant les travaux de réforme hésitent à s'amorcer du fait de l'absence d'une plate- forme philosophique globale.

- Quant au projet INE il demeure miné par le problème institutionnel et par la carence d'une main d'oeuvre hautement qualifié.

Or ces trois projets constituant une trilogie dans le processus de réforme de l'éducation camerounaise à cette période, la coopération technique aura été, du moins dans le cadre du chiffre indicatif de Planification (CIP) 1972-1976, un échec manifeste. Et de l'avis de notre auteur, cet échec est imputable aux trois parties qui formaient le triangle de coopération : « Du côté de l'assistance PNUD/UNESCO nous soulignerons tout d'abord les lenteurs administratives qui très souvent ont occasionné des retards s'étendant sur plusieurs années ». A cela s'ajoutait la fragilité de la coordination au niveau de l'évaluation des projets. Les fautes imputables au gouvernement camerounais relevaient des domaines financier (engagements non honorés), de l'administration de l'assistance technique (manque de formule adéquate pour l'insertion de la composante bilatérale au sein des travaux), mais aussi et surtout l'absence de définition et de traduction même de la philosophie qui sous-tend les objectifs assignés aux trois institutions.

C'est dire enfin selon notre auteur que si la coopération de l'UNESCO dans le cadre de la réforme du système éducatif camerounais présente plutôt un bilan négatif, « c'est parce que justement il existait comme un hiatus entre les aspirations profondes du peuple camerounais et les modèles que lui proposait la coopération internationale » (idem : 187).

Mais peut-on dire que les acteurs nationaux et internationaux aient tirés les leçons de ces échecs passés ? Nous ne pourrions vraiment répondre à cette question qu'au terme d'une

évaluation des engagements pris par ceux-ci lors du forum de Dakar en 2000, sur la scolarisation primaire universelle. Ce qui reste certain, c'est que suite au bilan mitigé de la Conférence de Jomtien, le forum de Dakar, renforcé par l'accord sur les OMD, a réellement renforcé la cause de l'éducation au Cameroun tout comme en Afrique. En même temps que les autres domaines ont eu un regain considérable à travers le financement de nombreux projets. Il en a résulté des changements institutionnels et opérationnels appréciables.

Sauf que c'est notamment dans la mise en oeuvre de ces « grands programmes » que la coopération Cameroun-UNESCO présente de nombreuses failles ; aussi bien au niveau du financement des projets de développement, que dans l'opérationnalisation de l'EPT.

PARTIE II:

L'UTILITÉ DES RELATIONS CAMEROUN-UNESCO : UNE
FONCTIONNALITÉ DISCUTABLE

CHAPITRE III :

LA DYNAMIQUE OPÉRATIONNELLE DE L'ÉDUCATION
POUR TOUS (EPT) AU CAMEROUN : UNE ÉVALUATION
DU PROCESSUS DE SCOLARISATION PRIMAIRE
UNIVERSELLE (SPU)

Le forum de Dakar sur l'Éducation pour tous (EPT) constitue, en n'en point douter, une opportunité essentielle pour les pays en développement, de remodeler leurs systèmes éducatifs, afin de les remettre sur les standards internationaux, sur les rouages du temps mondial, pour une meilleure insertion de ceux-ci dans la donne internationale dont le tableau ne cesse de présenter une Afrique continuellement à la marge dudit processus. C'est que dans un contexte international et/ou transnational de valorisation stratégique des nouvelles technologies de l'information et de la communication, les formations sociales étatiques au sud du Sahara sont également tenues de régenter leurs capitaux humains dans des stratégies de développement inclusif, endogène et participatif, le tout greffer « aux politiques de renforcement de leurs dotations dans la géopolitique globale de la formation » (Owona Nguini) En effet, l'éducation reste la clé de développement de toute nation et constitue de ce fait un enjeu important en ceci que l'ouverture et la formation des esprits s'effectue par elle.

Si la dynamique opérationnelle du processus d'EPT au Cameroun facilite un regard prospectif pour l'horizon 2015, ceci à travers une meilleure appréciation des contours et réalités actuelles, il n'en demeure pas moins qu'une autre logique toute aussi essentielle nous permet d'appréhender l'environnement éducationnel du Cameroun dans une perspective historique. Plus précisément, il nous sied de présenter la dynamique historique et processuelle de l'environnement éducatif camerounais dans son ensemble. Il conviendra par la suite de considérer le processus de Scolarisation Primaire Universelle comme analyseur principal de l'opérationnalisation de l'EPT au Cameroun.

SECTION PREMIERE : LA LOGIQUE SITUATIONNELLE DES RELATIONS CAMEROUN-UNESCO : VERS L'ÉDUCATION POUR TOUS

«DAKAR» représente sûrement un tournant décisif de renforcement et d'intensification des rapports entre le Cameroun et l'institution spécialisée des Nations unies, chargée principalement de la promotion de l'éducation. Il reste tout de même que ce secteur essentiel de la coopération est une priorité constante des relations Cameroun-UNESCO qui préexiste au forum. Mieux l'éducation est une donnée constante des sociétés africaines qui fait sens bien avant leur rentrée dans le concert des souverainetés internationales.

PARAGRAPHE I : HISTORIQUE DE L'ÉDUCATION AU CAMEROUN37 : QUEL BILAN AVANT LES PROGRAMMES D'EPT ?

Le renseignement sur l'environnement éducationnel ambiant au sein de la société camerounaise avant le forum de Dakar commande une approche diachronique distinguée en deux temporalités, qui elles-mêmes sont synchronisées par une date charnière : 1960

A. L'ÉDUCATION CAMEROUNAISE AVANT LA FORMATION DE L'ÉTAT

Depuis son accession à l'indépendance le premier janvier 1960 jusqu'à nos jours en passant par le Renouveau38, l'éducation a toujours été une préoccupation gouvernementale significative au Cameroun. Si l'éducation reste une activité essentiellement perfectible, l'on

37 Plusieurs notes rédigées dans ce titre sont tirées du Rapport portant sur les états généraux de l'éducation camerounaise en 1995.

38 Période datant de 1982 jusqu'à nos jours, et qui désigne le (s) mandat (s) de Paul Biya à la magistrature suprême de l'État camerounais.

remarque que les différentes réformes amorcées au sein des pouvoirs publics (IPAR, création d'établissements, bilinguisme, office du Bac etc.), bien que louables sont tout de même demeurées d'une adaptation parcellaire pour l'essentiel. C'est dire qu'une dynamique s'est toujours avérer indispensable, « compte tenu du déphasage de plus en plus décrié du système éducatif par rapport à la société », ainsi que le remarque les rédacteurs des états généraux de l'éducation camerounaise, en 1995.

1. L'ÉDUCATION TRADITIONNELLE DE L'ÉPOQUE PRÉCOLONIALE.

De manière générale, l'éducation traditionnelle africaine à l'époque précoloniale était essentiellement pragmatique et utilitaire. Définie par la littérature sur l'histoire de l'éducation en Afrique comme le processus de transmission des connaissances, aptitudes et valeurs culturelles de la société traditionnelle, d'une génération plus âgée à une autre plus jeune, l'éducation en effet assure une préparation à la vie adulte de l'enfant, par le biais d'une insertion sociale progressive.

Cellule de base et lieu par excellence de socialisation, la famille est toujours restée le point de départ de l'éducation traditionnelle, même si par la suite elle devait se poursuivre par des classes d'âge, avant de se terminer par des rites spécifiques en fonctions des groupes ethniques.

Ce système éducationnel qui va être perturbé par l'imposition d'un système scolaire autrement structuré du fait de la colonisation, subsistera tout de même à l'organisation scolaire hérité des différentes occupations étrangères vécues par le Cameroun. Ainsi en est-il de la culture de l'oralité qui continue à influencer l'environnement éducationnel camerounais à travers une utilisation enrichissante de la mémoire.

Et aujourd'hui encore, compte tenu des difficultés que rencontre le système scolaire camerounais, certaines voix militent en faveur d'une refonte de l'école primaire avec l'introduction de certaines langues locales en qualités de « langues de démarrage »39

Malheureusement pour un certain nombre d'auteurs, l'éducation séculaire africaine comporte des aspects négatifs qui en freinent l'efficacité, car disent-ils, du type de société rurale, hiérarchisée et immuable, subsiste profondément dans la culture scolaire cette

39 Tout un dossier est réservé à l'éducation en Afrique Centrale dans la Revue `Enjeux' publiée par la Fondation Ango Ela

philosophie de l'imitation, de la reproduction, de la conservation, qui inhibe l'initiative, la mobilité, l'invention40.

Pour pertinente que puisse être une telle assertion, une évaluation sincère du bilan de l'éducation coloniale laisse percevoir un tableau sombre des systèmes ayant connu « l'assimilation », comparativement à ceux qui pratiquaient l'indirect rule. Ce constat est d'autant plus vrai dans le cas du Cameroun où le système éducatif anglophone, en dépit de certains dysfonctionnements, se porte relativement mieux que celui de la partie du territoire ayant subi la colonisation française. Qui plus est, l'on note également qu'à l'époque précoloniale, l'Éducation Pour Tous était bel et bien une réalité en Afrique, compte tenu de la grande emprise de la société sur les individus. Cette donne va changer avec la pénétration coloniale.

2. L'ÉDUCATION CAMEROUNAISE DE L'ÉPOQUE COLONIALE.

En dépit des techniques propres liées aux pesanteurs socioculturelles de chaque nation, les importations des systèmes étrangers41 vont de manière identique imposer deux types d'éducation au Cameroun : l'éducation des administrateurs métropolitains et celle des missionnaires chrétiens.

Bien que l'objectif d'évangélisation ait été prioritaire, le bilan des écoles chrétiennes au Cameroun nous révèle qu'une bonne partie des élèves formés en leur enceinte se retrouve dans les différents secteurs de l'activité nationale, du bas en haut de l'échelle sociale, dans le secteur privé comme dans le secteur public. Aussi dans le système scolaire en particulier, on note au milieu des années 1990 que 40% des élèves camerounais fréquentaient les établissements confessionnels.

Les administrateurs métropolitains ont quant à eux apporté des différences énormes avec ce qui existait chez eux depuis le dernier quart du XIXème siècle. En effet, il n'y avait pas une politique visant à universaliser l'enseignement primaire au Cameroun avant 1960. Bien plus, l'enseignement secondaire qui depuis fort longtemps en occident débouche sur des secteurs privés autant que publics de l'économie, si ce n'est sur l'université nationale, n'était destiné en Afrique qu'à une faible élite de la population. De fait, il était orienté sur des

40 L'allocution du Président de la République française, Nicolas Sarkozy, prononcée devant l'estrade de l'Université Cheik Anta Diop au Sénégal en 2007, est révélatrice de l'opinion publique occidentale à cet égard. Ce discours où l'auteur affirme que `l'Afrique n'est pas encore rentré dans l'Histoire' a d'ailleurs été violemment critiqué par certains chefs d'Etats africains, à l'instar de Thabo Mbeki.

41 Colonisation allemande, `Tutelle' et `Mandat' des systèmes française et britannique, et l'éducation confessionnelle

créneaux précis et étroits du marché du travail, celui des postes subalternes de l'administration. D'où le fait que, pendant la colonisation, l'université ne pouvait être accessible qu'à des individus plus ou moins assimilés, et en métropole uniquement.

S'il ne fait aucun doute que les colonisations française et britannique s'étaient attelées à effacer toute trace allemande, il reste tout de même évident que les deux systèmes éducatifs visaient prioritairement la satisfaction des intérêts de la colonisation en fournissant des auxiliaires de l'administration et des agents d'exploitation économique à la métropole. Ce qui précède est « normal » lorsque l'on sait depuis Georges Washington qu « aucune nation ne doit être crue au-delà de ses intérêts ». « Normal » également que l'enseignement dispensé à cette époque, pragmatique en zone britannique et surtout théorique en zone française, ne prenne nullement en compte les problèmes et les besoins nationaux, et favorise davantage le mimétisme poussé face aux valeurs occidentales, le déracinement total et l'assimilation. « Normal » enfin que l'enseignement technique ait été négligé par les deux systèmes. Ces différentes conséquences vont, en dépit de l'indépendance, peser lourdement sur le système éducatif du nouvel État.

B. L'ÉDUCATION CAMEROUNAISE ENTRE L'INDÉPENDANCE ET LE FORUM DE DAKAR

1. L'ÉDUCATION CAMEROUNAISE AU LENDEMAIN DE L'INDÉPENDANCE.

Jean-François Bayart pour qui il ne fait l'ombre d'aucun doute que l'État fait sens au Cameroun, avance l'hypothèse selon laquelle « la pénétration du mode de production capitaliste, la construction nationale acquièrent leur signification première par rapport au devenir des systèmes d'inégalité et de domination autochtones, et leurs enjeux sont avant tout africains » (Bayart, 1985 :14). C'est dire pour l'auteur de L'État au Cameroun que la colonisation n'a pas réussi à effacer les systèmes d'inégalité et de domination qui lui étaient antérieurs (idem). L'impact d'un tel constat, dans la mesure où il est validé, au niveau de l'éducation camerounaise à la période post-coloniale n'est pas aisé à déterminer.

Ce qui reste certain après 1960, c'est le fait que malgré une nette démultiplication des chiffres de fréquentation du fait de l'éveil aux « bienfaits » de l'école moderne des indigènes persuadés qu'ils allaient enfin remplacer leurs anciens maîtres, la tendance élitiste du système éducatif camerounais ne s'est pour autant pas stoppée. Nous voulons prendre pour exemple le fait que l'entrée au lycée, en plus d'être l'unique voie de sortie du primaire, soit restée conditionnée par un concours dont la sélectivité éliminait d'office bon nombre de candidats.

Une telle procédure, qui ne tenait compte ni de tout enfant tel qu'il se présente, ni de son milieu et encore moins sur l'orientation de chaque individu, mais qui beaucoup plus était centrée sur ses aptitudes à continuer, était la cause du très faible rendement interne, ainsi que de nombreuses déperditions : pour 1000 enfants/élèves, 522 atteignent le Cours Moyen deuxième année (CM2), 190 entre dans le secondaire, 52 la fin du cycle, 23 obtiennent le Baccalauréat et 11 seulement entrent à l'université, dans l'enseignement francophone !

Il s'établissait alors une relation clientéliste entre le système dans son ensemble et le lycée qui devenait son principal pourvoyeur en emploi. Clientélisme incarné au sein de l'appareil administratif du fait de l'émergence de la fonction publique comme force sociale. Dans un tel environnement où le « néo-patrimonialisme » se chargeait « de personnaliser les relations politiques et de transformer les ressources politiques en ressources économiques », la bureaucratie s'érigeait en véritable « classe dominante » dans la mesure où elle exploite pour son compte propre, et du fait de la tutelle exercée sur la société (Médard, in Bayart, 1985 : 304). Dans un pareil contexte également, le système éducatif ne pouvait qu'en être touché, d'autant plus que les contenus des programmes sont demeurés à faible teneur pratique et fort peu orientés vers le secteur de production de l'économie : « il aura fallu attendre l'avènement de la crise économique pour que le secteur public, grand pourvoyeur d'emplois d'hier, cède progressivement la place à l'entreprise privée de circonstance » (Etats généraux de l'éducation, 1995 : 10).

Pourtant, l'EPT taraudait déjà l'esprit des dirigeants africains de la « post-colonie » dans la mesure où la tenue de la Conférence des Ministres de l'Éducation d'Afrique à Addis- Abeba en 1961 institutionnalisait la scolarisation primaire universelle (SPU). Cette conférence qui s'était achevée sur la Déclaration de la politique de démocratisation de l'enseignement primaire, devait dans les faits se traduire par la multiplication des écoles et le recrutement massif d'enseignants. Malheureusement, un certain nombre de facteurs internes (démographie galopante, patrimonialisme, ingérence et manque de volonté politique réelle) et externes (crise économique, dévaluation, mondialisation) vont progressivement provoquer les déficits énormes en ce qui concerne les ressources éducationnelles : effectifs pléthorique, pratique des classes à mi-temps, insuffisance du personnel enseignant etc.) En dépit de quelques velléités de réformes somme toute infructueuses, cette situation va s'aggraver du fait des programmes et méthodes qui n'ont toujours pas suffisamment tenu compte des réalités de la société camerounaise. D'où l'environnement éducationnel camerounais présentera un tableau assez sombre à la veille du forum de Dakar.

2) L'ÉTAT DE L'ÉDUCATION CAMEROUNAISE A LA VEILLE DE « DAKAR ».

2-1. DE L'ACTIVITÉ PÉDAGODIQUE

L'enseignement secondaire régi par la loi fédérale n° 63/13 du 19 juin 1963 portant organisation de l'enseignement public secondaire et technique prévoyait un cycle d'observation et un cycle moyen d'une durée globale de cinq ans et sanctionné par un diplôme et un cycle terminal d'une durée de deux ans également sanctionné par un diplôme de fin d'études secondaires donnant accès à des études supérieures. Or il y a lieu de noter la non application des dispositions de cette loi dans la partie francophone qui a maintenu le système hérité de la colonisation française42.

Théoriquement fixée à neuf mois, la durée de l'année scolaire, dont le découpage des périodes d'interruption de classes est hérité de la colonisation, est de manière concrète limitée entre 24 et 27 semaines d'activités pédagogiques effectives.

De façon générale, surtout dans l'enseignement secondaire, l'on note un assez important nombre de redoublement, les renvois ou exclusions ne respectant pas toujours les dispositions réglementaires en vigueur, d'où les déperditions importantes observées. Situation aggravée par l'absence d'autres perspectives offertes aux élèves exclus. Et même si les conditions d'âge et de promotion, de redoublement et de renvoi, dans la pratique, étaient plus souples dans les zones rurales et sous-scolarisées, il reste qu'au cours des années 1990, « il n'existe pas encore d'études claires ni d'amorce de solution » véritables pour ces différents déficits.

En dépit de quelques tentatives de reformulation tout au long de la période suivant son indépendance, les autorités constatent dans la fin des années 1990 que les programmes d'enseignement primaire et normal restent « dépassés », que les programmes d'enseignement secondaire général sont denses par rapport à l'année scolaire en certains disciplines, la plupart n'étant pas définis en terme de « volume horaire », enfin que « la philosophie générale qui sous-tend les programmes n'est ni apparente ni sensible ». Or un peu plus de deux décennies auparavant, un ancien étudiant de l'IRIC parvenait déjà à la même conclusion43. C'est croire que sa voix avait eu moins d'échos que celle du fameux prophète criant dans le désert.

42 Remarque faite par les rédacteurs des états généraux de l'éducation camerounaise en 1995

43 Raymond Epote, op.cit

S'agissant des méthodes d'enseignement, l'on note la difficile péréquation entre les normes prescrites et l'application concrète, compte tenu des mauvaises conditions de travail associées aux effectifs pléthoriques. Y a-t-il enfin lieu de déplorer l'absence d'évaluation des programmes, des méthodes et des activités de l'éducation en général, tandis que le matériel didactique continue à présenter un tableau assez sombre44.

L'insuffisance des moyens matériels et logistiques dans l'enseignement secondaire et technique constituait une entrave sérieuse à l'action pédagogique, les conditions de travail ne permettant très souvent pas une évaluation efficace des élèves. Le fait est que le nombre de ces derniers croit disproportionnellement à celui des enseignants qui, de façon progressive ont vu leur situation se dégrader :

Dès 1988, l'enseignement primaire et maternel verra la suspension du recrutement des auxiliaires et contractuels. L'effet direct de cet arrêt des recrutements, conjugué à la suspension de la formation des personnels depuis 1991, et le départ en retraite de 3680 enseignants pour la seule année de 1994, sont autant de causes ayant provoqué la baisse des effectifs des personnels éducatifs du niveau primaire. Et lorsqu'on ajoute à cela de nombreuses disparités entre les villes et les zones rurales, le déficit dans le système primaire des années 1990 tournait autours de 10 000 maîtres. Or techniquement, le ratio élèves/maîtres est de 27 à la maternelle, 52 dans le primaire.

Le même ratio dans le secondaire général est de 30, et il est de 16 dans le secondaire technique. Pourtant la réalité sur le terrain présente un tableau plutôt sombre, quand bien même les formations à l'École Normale Supérieure (ENS) et à l'École Supérieure de l'Enseignement Technique (ENSET) suivent leur cours. A titre d'exemple, les besoins de l'enseignement technique pour 1994-1995 se chiffraient à près de 600 professeurs. Ce déficit, il faut le reconnaître, était également dû à la suspension de la formation dans les ENIAETENIET.45

Enfin, du point de vue de la qualité, la formation civique et morale, la formation à la démocratie, aux idéaux de paix, de la tolérance et la formation artistique sont autant de domaines importants de formation négligés. Bien plus, les écoles de formation pour la maternelle sont quasi inexistantes, et les recrutements dans l'enseignement secondaire général et technique ne tiennent pas toujours compte des besoins du Ministère utilisateur, surtout dans les filières scientifiques.

44 Le fait est que seul 28,6% de manuels d'élèves francophones du cycle primaire sont publiés par les camerounais. Le système anglophone présentera néanmoins un tableau plutôt satisfaisant, soit 71% de manuels ici sont le produit d'auteurs camerounais

45 Désignent les écoles de formation des instituteurs.

Pour 3901 élèves au cours de l'année scolaire 1993-1994, il existait un conseiller. Nous avons de bonnes raisons de croire que cette situation n'a pas beaucoup évolué en l'an 2000. Car en effet, l'on note toujours l'absence d'un statut et d'un plan de carrière pour les cadres de planification et d'orientation. Aussi, la persistance des structures d'orientations qualitativement et quantitativement insuffisantes, l'absence de centres d'application et la mise à l'écart des professionnels sont autant de faits qui font montre d'une formation plus théorique que pratique. Qui plus est les principales structures de recherches existantes, (IPAR de Yaoundé et de Buéa, INE et les IGP), présentent un diagnostique très limité au niveau de la diffusion et de la publication des résultats.

Il va sans dire qu'un tel état de choses influe inexorablement sur le rendement externe et interne du système éducatif camerounais. Ainsi l'on enregistre de nombreuses déperditions, matérialisées par la démultiplication de redoublements et d'abandons. Comme causes principales, nous pouvons mentionner les obstacles linguistiques, l'inadaptation des méthodes et programmes, l'inadéquation des infrastructures et équipements, et les effectifs pléthoriques. Le rendement externe quant à lui est obstrué du fait de l'inexistence d'aucune donnée permettant d'appréhender l'accès des diplômes dans le circuit de production économique.

2-2. BILAN DE LA GESTION DES RESSOURCES ADMINISTRATIVES ET HUMAINES.

Le bilan du système éducatif camerounais des années 1990 présente un excès de centralisation dans la quasi-totalité des domaines, en particulier ceux relatifs à la création et à l'extension des établissements, la gestion du personnel et la gestion du temps scolaire. Dans les faits, cela se traduit par une absence relative de délégation des pouvoirs et attributions, l'amorce timide d'une décentralisation effective en ce qui concerne certains examens à l'instar du CEPE, et une velléité de déconcentration administrative non accompagnée d'une déconcentration conséquente des pouvoirs de décision, notamment au niveau des Délégations et Inspections.

En ce qui concerne l'administration des services d'aides aux élèves, l'on note l'inadéquation des services de santé scolaires et une nette rareté du service des bourses. Dans le même sillage, le service des activités post et périscolaires est insuffisamment étoffé sur le plan structurel et en personnel. Ce qui est assez curieux lorsque l'on sait qu'il couvre une pluralité de domaines allant de l'assurance, la co-opérative scolaire, le travail manuel et sport, aux Associations des Parents d'Élèves (APE), colonies et camps de vacances, en passant par la cantine et l'animation culturelle, pour ne citer que ceux-là. C'est qu'en réalité, il existe une

forte immixtion des autorités administratives dans la gestion de ces activités. C'est le cas des APE qui souffrent jusqu'aujourd'hui d'un dysfonctionnement dû au non respect de la réglementation en vigueur en matière d'association. Le travail manuel quant à lui n'est ni suffisamment diversifié, ni valorisé, ni orienté vers les activités de production.

L'administration des ressources scolaires fait état d'une absence de code de déontologie des personnes éducatives considérée aussi comme outil de l'administration. De fait, il s'agit de : l'absence d'un statut suffisamment attrayant et départ précoce en retraite ; l'absence de suivi médical des personnels éducatifs atteints de maladies professionnelles graves ; mauvaise politique de recrutement qui ne tient pas toujours compte des besoins du Ministère de l'éducation ; absence de véritable liste d'aptitude à certaines fonctions et de préparation des responsables d'établissements ; excès de centralisation en matière de gestion d'affectation, de mutation et de nomination.

La gestion des infrastructures et des équipements scolaires par ailleurs fait montre d'un gisement de conflits de compétence entre les services de construction relevant du Ministère de l'éducation et implantés dans les délégations provinciales et ceux relevant du MINUH, du Ministère des Travaux Publics et de la Délégation Générale des Grands Travaux. Autant de conflits qui génèrent une panoplie de dysfonctionnements dont l'impact négatif va bien au-delà de l'imagination profane. Aussi pourrions-nous citer entre autres : les chevauchements et doubles emplois ; les retards dans le montage des dossiers financiers ; l'abandon des chantiers et le non respect des normes de construction des infrastructures et des équipements du fait de l'absence et/ou l'insuffisance de contrôle par les autorités compétentes pendant les constructions ; manque d'aire de jeux dans beaucoup d'établissements et absence d'études sur l'environnement préalable à l'implantation des infrastructures ; intervention anarchique des partenaires de l'éducation dans la réalisation des infrastructures et l'acquisition des équipements.

La planification de l'éducation est l'application d'une analyse systématique et rationnelle au processus de développement de l'éducation. Son but est de mettre l'éducation à la disposition des élèves et de la société. Or jusqu'en 2000, les structures de planification au Cameroun sont restées peu opérationnelles et ne participaient pas à l'aide à la prise de décision dans les domaines de l'élaboration de la carte scolaire, des coûts, financements et élaboration des projets éducatifs, ainsi qu'au niveau des rendements internes et externes du système. Ce faisant, les données statistiques sont restées non actualisées à cause des difficultés d'ordre logistique, humaines, matériel (traitement manuel des données statistiques) et financier. L'on note également à cette période les absences : d'une structure de formation

pour les cadres de la planification, de la carte scolaire, et des études pilotes sur le coût et le financement de l'éducation.

L'évaluation qui est la vérification du degré de réalisation d'objectifs précis sur la base de critères bien définis et connus, reste le « parent pauvre » des politiques publiques camerounaises. Or en tant que phase finale du contrôle d'apprentissage, l'évaluation reste l'indicateur de l'état de santé du système éducatif. Dans la même optique mais dans un tout autre plan, l'on pourrait aller jusqu'à affirmer que son rôle est salutaire dans la gestion des coûts et financements de l'éducation au Cameroun.

2-3. COÛTS ET FINANCEMENT DE L'ÉDUCATION AU CAMEROUN.

Le secteur éducatif ayant progressivement perdu le caractère prioritaire à lui jadis accordé. Et « lorsqu'à cette baisse s'ajoute l'exécution partielle dudit budget à cause des tensions de trésorerie, cette situation paralyse pratiquement le fonctionnement du système éducatif » camerounais. C'est ainsi que lors de l'année budgétaire 1992/1993, le taux d'exécution du budget de l'éducation était de 60%. Alors que l'on pensait que les autorités compétentes devaient tirer des leçons de cet état de choses et prendre des mesures appropriées, il n'en fût rien. Car l'année suivante, le budget voté à 83,70 Milliards de francs CFA n'avait connu un taux de réalisation à l'ordre de 37%, soit 83,70 milliard de francs CFA, seulement ! C'est croire que l'intérêt de la société est sacrifié ici sur l'autel des calculs individuels et individualistes. C'est croire également que dans une atmosphère marquée par la dévaluation de la monnaie et les Plan d'Ajustement Structurel ou PAS (avec tout ce que cela comportait comme impact sur la société), la situation des « cadets sociaux » est restée le « cadet des soucis » d'un bon nombre d'élites camerounaises. Et l'on s'interroge enfin sur la définition et la place réservée à l'intérêt national ici.

Cette situation, c'est une lapalissade, oblige les familles à contribuer de manière significative au fonctionnement de l'enseignement public.

En outre, suivant certaines études menées sur « la Déclaration de politique nationale du secteur de l'éducation et de la formation au Cameroun », le budget de l'État alloué à l'éducation formelle en 1991/1992 était de l'ordre de 106 milliards : l'enseignement maternel et primaire qui compte 80% des effectifs du secteur public va recevoir 45% des ressources ; l'enseignement post-primaire, secondaire général et technique (18% des effectifs) recevra 25%, et l'enseignement supérieur avec ses 1% des effectifs va s'en sortir avec 30% du budget de l'éducation (bourses y compris). Cette mauvaise répartition du budget par niveau

d'enseignement constitue en soit un obstacle considérable à l'atteinte de l'objectif de la scolarisation primaire universelle, tel que projeté un an plus tôt à Jomtien. Car comme on peut le remarquer, les dépenses de l'éducation ici sont plus orientées vers l'enseignement secondaire et supérieur. Pourtant, l'éducation de base devrait préserver sa place de choix.

Tout en restant dans le financement mais dans un tout autre angle, il est indiqué de noter la conception irréaliste du budget, matérialisée par l'absence d'une politique de maintenance des équipements et des infrastructures : il s'agit d'un déséquilibre dans la structuration du budget de l'éducation. Car en gardant les chiffres susmentionnés, l'on relève également que 94% dudit budget était alloué aux dépenses de personnel, tandis que 3% restait prévu pour la maintenance, le remplacement du mobilier scolaire, l'achat du matériel didactique, des livres et la formation du personnel enseignant. Tout ceci fait montre de l'absence d'une politique confirmée de production de matériels didactiques locaux. Le matériel importé quant à lui étant généralement très élevé en coût.

Un mot sur l'enseignement privé. Il est financé en grande partie par les frais d'écolage payés par les parents d'élèves et les subventions de l'État qui, en fixe les taux sur proposition des fondateurs.46 Au cours des années 1990, l'on observe des accumulations d'impayées de la part de l'État. Ce dernier en 1994 devait encore la totalité (4 milliards) de la subvention accordée pour l'année 1994, tandis qu'il n'avait payé que 33% de celle de 1992/1993. De manière globale, l'environnement du système éducationnel camerounais, comme partout ailleurs au sud du Sahara, présente des dysfonctionnements considérables à la veille du forum de Dakar ; d'où ce dernier va susciter des réactions conséquentes.

PARAGRAPHE II : LA RÉACTION DES DIFFÉRENTS ACTEURS AU LENDEMAIN DU FORUM : DES MESURES INSTITUTIONNELLES CERTAINES.

Après le bilan mitigé de la Conférence de Jomtien en 1990, le forum de Dakar renforcé par l'accord sur les OMD, a fortement relancé la cause de la scolarisation dans le monde et initié de réels changements au plan institutionnel. Ces changements au niveau du Cameroun se situent tout d'abord dans la mise en place d'un ensemble de mécanismes de promotion et de suivi des objectifs de l'Éducation pour tous. Ils se trouvent ensuite dans l'insertion des objectifs EPT dans un cadre de développement global du secteur éducatif,

46 Confère loi N° 87/022 du 17/12/1 987, fixant les règles relatives aux activités scolaires et de formation privée au Cameroun

lequel est lui-même une composante d'une stratégie nationale de croissance et de lutte contre la pauvreté.

A. UN ENGAGEMENT SIGNIFICATIF DES PROMOTEUR DE L'EPT...

1. A L'ÉCHELON INTERNATIONAL

Tirant les leçons de l' « échec de Jomtien », le forum de Dakar a suscité une mobilisation internationale considérable, ainsi qu'un engagement politique certain en faveur de la scolarisation. Le cadre d'action de Dakar a ainsi instauré à l'échelon international, des mécanismes de suivi de l'EPT aux échelons politique avec le Groupe de haut niveau, technique avec le Groupe de travail sur l'EPT, analytique avec le Rapport mondial de suivi dudit processus, enfin avec la société civile dont le rôle de plaidoyer, de vigilance et de sensibilisation, est sans précédent. Si la Conférence de Jomtien n'a, à proprement parler, pas permis une mobilisation des partenaires financiers internationaux en faveur de l'éducation, il en va autrement du forum de Dakar. L'engagement financier a pris ici des proportions considérables, l'aide en faveur de l'éducation passant de 1,6 milliard de dollars en 2000, à 6,4 milliards de dollars en 2005. Qui plus est, la forte mobilisation financière des acteurs internationaux semble mettre l'Afrique au centre de ses priorités.

En effet, l'année 2000 est une césure quant à l'engagement financier de la communauté international vis-à-vis du tiers monde. « Après la morosité des années 1990, l'aide publique au développement (APD) a connu une forte expansion (+69% en 5 ans) passant de 63,3 à 107,3 milliards de dollars entre 2000 et 2005. » (Dakar +7, 2008 :7) Bénéficiaire principal de ces flux d'aide, l'Afrique subsaharienne va en capter le tiers jusqu'en 2005. Ainsi de 3% en 2000, la part du secteur de l'éducation bénéficiant de l'aide internationale va passer à 8% en 2005.

Au niveau national, des mécanismes spécifiques appelés `Forum nationaux» sont définis par le Cadre d'action de Dakar, l'objectif étant de concevoir des plans nationaux EPT.

2. ENGAGEMENT RELAYÉ AU SEIN DES ÉTATS : LE PLAN D'ACTION DU CAMEROUN POUR L'EPT.

Le Cadre d'action de Dakar a défini des mécanismes spécifiques que sont les Forum nationaux, afin que chaque pays puisse concevoir son plan national d'action d'éducation pour

tous. Le Cameroun sera l'un des premiers pays africains à concevoir le Plan. En effet, dans son discours à l'occasion de la célébration de la Semaine mondiale sur l'EPT au palais des Congrès de Yaoundé le 21 avril 2008, Madame le Ministre de l'éducation de base rappelait la série de mesures institutionnelles et réglementaires prises par le Cameroun au lendemain du forum de Dakar. Entre autres, il s'agit de :

- la gratuité de l'enseignement primaire public ;

- l'érection des zones sous scolarisées en zones d'éducations prioritaires ;

- la distribution des kits scolaires aux jeunes élèves fille ;

- la mise en place de cantines scolaires dans les zones d'éducation prioritaires ;

- l'octroi des bourses de formation professionnelle et d'apprentissage ;

- le recrutement massif d'enseignements au profit des écoles primaires et maternelles ;

- l'ouverture de plus de 2000 centres d'alphabétisation sur l'ensemble du territoire national et - l'alphabétisation de plus de 120 000 apprenants dans lesdits centres.

Toujours dans l'optique des OMD et du forum de Dakar, le Cameroun à la suite du Décret N°2004/320 du 8 décembre 2004 portant organisation du gouvernement, va assigner des tâches plus précises aux Départements ministériels en charge des problèmes de l'éducation, l'objectif à terme, ainsi que le rappelle HAMAN ADAMA « étant de d'assurer une meilleure prise en compte des besoins spécifiques de chaque catégorie d'apprenants ».

C'est ainsi que le volet formel va relever de la responsabilité des Ministères de l'enseignement supérieur, des enseignements secondaires et de l'éducation de base. Quant à l'éducation non formelle et informelle, son avenir sera remis entre les mains des Ministères de la jeunesse pour ce qui est du programme national d'alphabétisation ; des Affaires Sociales pour une intégration socio-économique des handicapés et enfants en difficulté ; enfin de la Promotion de la Femme et de la Famille, à travers l'encadrement de la famille et des centres de promotion de la femme.

En effet, toutes les actions menées par ces différents ministères coopèrent à la réalisation, par le gouvernement de la république, des objectifs de l'éducation pour tous. Aussi seront-elles repréciser dans le cadre de la stratégie sectorielle de l'éducation au Cameroun.

3. LA STRATEGIE SECTORIELLE DE L'EDUCATION AU CAMEROUN.

Il est intéressant de noter que le Cameroun figure parmi les premiers pays africains à s'être doté d'un plan d'action nationale éducation pour tous, et par la suite d'une stratégie

sectorielle en éducation, ayant permis son éligibilité à l'Initiative pour la mise en oeuvre accélérée de l'EPT (FTI). Le gouvernement camerounais à travers la stratégie globale du secteur définit ses priorités dans le combat contre la sous-scolarisation, l'analphabétisme et la pauvreté. Ainsi, élargir l'accès et la rétention à l'éducation tout en corrigeant les disparités, améliorer l'efficacité et la qualité du service éducatif, développer un partenariat efficace avec les différents membres du corps social, et améliorer la gestion et la gouvernance du Système Éducatif, en constituent les grands objectifs.

Dans cette perspective, l'Éducation en général et l'Éducation de base en particulier est considérée dans le DSRP comme un axe essentiel de réduction de la pauvreté. Il n'est de ce fait pas très surprenant qu'elle retienne l'attention du Gouvernement dans le Document de Stratégie sectorielle de l'Éducation. De manière plus concrète en juin 2006, les Partenaires Techniques et Financiers validaient la stratégie sectorielle de l'éducation proposée par l'État camerounais, stratégie née dans un contexte national caractérisé par l'atteinte du point d'achèvement de l'initiative PPTE. Parmi ses grandes options, figuraient entre autres :

L'atteinte de l'universalisation du cycle primaire pour réaliser en 2015 l'achèvement universel de six années de scolarisation, une amélioration de la qualité des services éducatifs offerts de manière à ne limiter l'accès à l'enseignement privé qu'à ceux des parents qui le souhaitent et en ont les possibilités financières. Et pour réaliser ces objectifs, il est envisagé quatre objectifs majeurs qui vont de la réduction significative de la fréquence des redoublements (le taux moyen de redoublement passerait alors des 30% actuels à 10% à l'horizon 2015), à l'augmentation significative des ressources pour les intrants pédagogiques et l'amélioration des différents aspects de la gestion et de la gouvernance du système. Font également partis de ces objectifs, le recrutement exclusif des enseignants qualifiés, sur la base d'une catégorie statutaire (Instituteurs contractuels) et rémunérés de façon raisonnable et pérenne par l'État ; et l'amélioration du rapport élèves/enseignants pour le porter graduellement de 59 pour 1 actuellement à 40 pour 1 en 2015.

La deuxième option est relative à l'extension de la couverture du préscolaire (enseignement maternel), notamment par le développement de l'expérience communautaire au bénéfice des populations rurales, en particulier les plus défavorisées.

Des formations qui, en qualité comme en qualité dans l'enseignement supérieur et l'enseignement secondaire technique, en référence aux réalités et besoins de la scolarité camerounaise, constituent également une autre option.

Ces efforts considérables du gouvernement camerounais, ainsi que le rappelle le représentant de l'UNESCO, marquent son adhésion à un certain nombre d'initiatives en

matière d'éducation, sont une expression concrète du respect de ses engagements au niveau international, à réaliser les objectifs de l'éducation pour tous au plus tard en 2015. Il reste tout de même que ce respect des engagements se vérifie également à travers des données observées sur le terrain. Et bien que nous ne soyons encore qu'à mi-chemin de l'échéance « Dakar », il n'est pour autant pas exclu que l'on dresse un bilan provisoire, afin de pouvoir anticiper sur 2015.

B. ... EN DÉPIT DES DIFFICULTÉS FONCTIONNELLES NOTABLES

1. LES INSUFFISANCES FONCTIONNELLES

Le plan d'action du Cameroun en vue de mener à terme les objectifs de Dakar, porte en soi des mesures intéressantes et encourageantes. Il n'en demeure pas moins qu'il recèle quelques imperfections pour l'essentiel fonctionnelles. C'est que « la fonctionnarisation extrême des processus publiques, enferme la logique de la décision commune dans ses considérations souvent étriquées, puisque non enrichies par l'humus intellectuel, par la sensibilité du corps social » (Mbassi, in Pondi, idem : 157) Certes, le Décret portant création du MINBASE traduit, à n'en point douter, une volonté réelle et sincère des autorités publiques camerounaises, de renforcer leur efficacité en vue de parvenir dans les délais prescrits, à la SPU. Or très souvent, la création des nouveaux départements ne fait qu'accentuer le phénomène de fonctionnarisation, sans véritablement résoudre les problèmes de fond. Mieux, « la création d'un ministère ne garantit nullement l'effectivité d'une politique. La multiplication des postes ministériels peut très bien servir à fixer une clientèle politique » (Abéga, op.cit :53) La fonctionnarisation au demeurant peut, à certain égards, constituer un frein à l'ouverture aux autres acteurs et partenaires de développement, à l'instar de la société civile et autres acteurs privés. Or ces derniers pourraient en plus de l'aide apportée, sensibiliser sur les dysfonctionnements observés sur le terrain.

Ces imperfections, bien qu'observables au niveau des grands centres urbains, sont encore plus criardes au sein des zones périphériques. Sans prétendre à toute exhaustivité, il convient d'en noter quelques unes :

La gratuité de l'enseignement primaire publique reste un mythe dans plusieurs établissements scolaires, si ce n'est la très grande majorité. En effet, la marge de manoeuvre des chefs d'établissements est si élevée qu'il existe toujours des voies de contournements. C'est que le Décret portant suppression des frais d'écolage est vecteur d' « effets pervers » à

l'instar du renchérissement des places au sein des établissements, qui désormais font l'objet de toute une cotation « à la bourse ». Alors que la Loi préconise le slogan selon lequel «entre à l'école publique qui veut », la réalité en a substitué un autre : « n'y rentre que celui qui peut ». Qui plus est, une fois la place acquise, les parents ne sont guère à l'abris des « arnaques quotidiennes » et même instituées comme le paiement des taux forfaitaires chaque années dans des zones reculées. Ces dernières restent toujours les parents pauvres du mouvement en faveur de l'EPT. Plusieurs dirigeants des zones reculées ne sont pas au courant des résolutions prises au niveau de Yaoundé, et très souvent ignorent l'existence d'une mobilisation internationale en faveur de la SPU. Pis encore, ces zones ne sont guère concernées par des réformes administratives relatives à leur secteur d'activité47. Toutes ces observations sont porteuses d'effets d'entraînements.

En plus de la non effectivité de la gratuité de l'enseignement primaire publique, nous remarquons également la faible mobilisation des actions en faveur de la mise en place de cantines scolaires dans les zones prioritaires, idem pour les kits scolaires chez les jeunes filles. Par ailleurs, le recrutement massif d'enseignants s'effectue sans véritables mesures d'accompagnement, surtout sans considération réelle des difficultés quotidiennes dont ils sont confrontés, aussi bien dans leur statut que dans le cadre de leur fonction. A noter également la prépondérance de ceux-ci dans des agglomérations pendant que dans les zones rurales, il existe une moyenne de trois enseignants par établissement. Last but not least, il est regrettable que les inspecteurs dans leurs différents déplacements, « évitent » des endroits enclavés pour ne s'arrêter qu'au niveau des zones urbaines et bitumées.

De ce qui précède, l'on remarque que le plan d'action proposé par les autorités camerounaises, pour pertinent qu'il soit, est confronté à deux principales difficultés liées à l'excès de fonctionnarisation et à la méconnaissance de la société profonde. D'où il préfigure en cela des difficultés d'opérationnalisation. Ces difficultés qui constituent un obstacle à l'atteinte des six objectifs de Dakar, sont analogues aux imperfections décelées dans la stratégie sectorielle.

2. LES LIMITES PROPRES À LA STRATEGIE SECTORIELLE

47 Nous prendrions pour exemple le fait qu'il existe encore des plaques où l'on voit inscrit MINEDUC, plutôt que MINBASE, dans ces zones, quand elles ne sont pas quasiment absentes. Ce qui est assez fréquent au sein des zones rurales enclavées comme ces deux écoles publiques d' `Élone' et de `Kouma', deux villages situés au Sud du pays, et que nous avons observé au cours d'un déplacement.

La principale limite que l'on pourrait décelée dans la stratégie sectorielle dans sa définition des priorités dans le combat contre la sous-scolarisation, l'analphabétisme et la pauvreté, est qu'elle reste muette sur la manière dont ces actions seront concrètement traduites sur le terrain. Car le territoire camerounais est si diversifiés que chaque région a ses spécificités, ses difficultés propres, et requiert de ce fait une approche originale et conséquente. Pis encore, elle n'informe pas sur la manière dont les actions atteindront les zones les plus reculées. Or ceci entraîne une autre difficulté : celle du développement d'un partenariat efficace avec les autres membres efficace du corps social. Ceci importe dans la mesure où ces indications permettraient à la société civile et autres partenaires privés de mieux apporter leur contribution. C'est toute la problématique de la difficile péréquation entre l'action de l'État et celle de la société civile qui est posées ici. Enfin l'injonction faite aux chefs des établissements en vue de réduire la fréquence des redoublements pourrait entraîner des « effets pervers » qui renforceraient l'écart entre le niveau réel des élèves et les résultats proposés par les rapports officiels.

L'approche sectorielle, parce qu'enracinée dans la logique de la planification du développement, tend généralement à rendre les institutions de la coopération insensibles à un enrichissement de leur connaissance. A cet égard, il est à craindre que la création d'un nouveau département ministériel en vue de la promotion de la SPU, puisse reproduire les mêmes lacunes que celles observées chez son prédécesseur, lacunes qui au demeurant restent transposables et observables au sein des institutions de même type. L'on observe généralement que ces institutions en charge de promouvoir la coopération et partant, le développement, en plus de l'absence d'un cadre de concertation permanent et cohérent entre elles, développent une carence commune qui se renforce au fil du temps : une faible inclination, si ce n'est un refus délibéré, à écouter les bénéficiaires du développement ; d'où cette insensibilité criarde à se confronter sans idées préconçues avec les réalités à transformer ; d'où également la persistance du hiatus existant entre les programmes et les aspirations profondes des populations. Et si l'on ajoute à cela, le fait que la plupart de ces institutions responsable de la coopération au développement du tiers monde se sont toujours montrées peu enclines à réajuster le tire après les échecs du passé (Tommasoli, op.cit : 212), il est à craindre que Jomtien et Dakar en fin de compte, ne deviennent comme tweedeldum and tweedeldee48.

En effet, pour cet avisé des programmes de développement en Afrique, la conception bureaucratisée de l'activité de la programmation renforce les effets négatifs de trois

48 C'est-à-dire comme bonnet blanc/blanc bonnet

principaux défauts que sont une mauvaise analyse, une gestion inefficace et l'absence de possibilité de dialogue. C'est pourquoi la « classification des projets/programmes, qui, au premier abord, peut sembler évidente, est toujours arbitraire, car elle néglige la nature non sectorielle de la réalité au sein de laquelle elle se propose d'intervenir. Et pourtant, la constitution des cloisons étanches entre les différents secteurs est désormais une tradition consolidée aussi bien au sein de la coopération internationale que dans les administrations des pays en développement ». (Idem : 213) Aussi, notre auteur de par l'expérience acquise ajoutera que « si les structures organisationnelles privilégient l'approche sectorielle de l'analyse des problèmes, on risque plus facilement de proposer des solutions pré-constituées que d'étudier, avant d'identifier les solutions possibles d'intervention, la nature des problèmes et des processus de changement en cours. (ibidem)

Toutefois, ces barrières pourraient être dépassées si l'on concevait l'action de développement comme un mécanisme d'apprentissage enchâssé dans un ensemble de processus décisionnels effectués par les différents acteurs sociaux engagés dans le déploiement d'un dispositif de développement. Dans cette perspective, il est essentiel de mettre en oeuvre, dans le cycle de projet, des processus de rétroaction qui permettent de rendre opérationnelle l'expérience acquise (op.cit : 214). Décider, ce n'est pas seulement choisir une possibilité mais cela inclut aussi la recherche d'informations et la capacité de corriger, sur la base de ces informations, les choix adoptés (idem : 217-218)

En tout état de cause, l'éducation camerounaise, sur divers échelons, a indéniablement connu un `nouveau souffle» avec le forum de Dakar. Au plan institutionnel d'abord, puisque la mobilisation de l'État et des bailleurs de fonds a apporté des changements manifestes dans la prise en charge commun de l'agenda relatif à l'éducation. Au plan des réalisations ensuite, dans la mesure où, comme nous allons le voir, de réels progrès relatifs à la réalisation des objectifs fixés ont été enregistrés. Il convient cependant de relever que le développement du système éducatif le confronte à de nouveaux défis plus complexes et spécifiques.

SECTION II : ÉVALUATION DU PROCESSUS D'EPT AU CAMEROUN : UNE DIFFICILE OPÉRATIONNALISATION

Considérée en général comme l'état quantitatif des populations humaines ou animales et de leurs variations, la démographie de manière plus stricte désigne l'étude statistique des collectivités humaines. Aussi s'agit-il pour nous ici de comparer la population en âge scolaire, avec celle effectivement satisfaite par le système scolaire au niveau du préscolaire et du

primaire, à la lumière des statistiques démographiques et scolaires disponibles. A l'instar des rapporteurs d'analyse des données de la carte scolaire camerounaise portant pour l'année 2006/2007, la principale source de données démographiques utilisées dans ce rapport sera constituée des estimations de la Banque mondiale/Nations Unies (UNFPA) effectuées dans le cadre de l'analyse-pays RESEN (2002) et celle fournie par le Bureau Central des Recherches et Études sur la Population (BUCREP) du Cameroun. Ceci dit, il est tout de même à regretter que le dernier recensement publié en 2005 n'ait pas encore publié ses résultats !

PARAGRAPHE I : CONTOURS ET REALITES DE L'OFFRE ET DE LA DEMANDE SCOLAIRE DANS L'EDUCATION DE BASE : BILAN DE LA SPU49

Dans la perspective des promoteurs du système éducatif camerounais, l'enseignement primaire sans aucun doute fait l'objet des attentions particulières des pouvoirs publics. Car en effet, il correspond à l'éducation de base formelle, c'est-à-dire au minimum de formation dont le citoyen a besoin au sens de la Déclaration Mondiale sur l'Éducation Pour Tous de Jomtien pour répondre à ses besoins essentiels.

A. DE LA DEMANDE EN ÉDUCATION DANS LE PRIMAIRE

1. ÉVOLUTION DES EFFECTIFS SCOLARISÉS

Tableau 1 : Évolution de la population âgée de 6-11 ans et des effectifs scolarisés par sexe et par arrondissement dans le primaire de 2005/2006 à 2006/2007.

Provinces

Population des enfants âgées de 4/5ans

Effectifs scolarisés (*)

2005

2006

2005/2006

2006/2007

Garçons

Filles

Total

Garçons

Filles

Total

Garçons

Filles

Total

Garçons

Filles

Total

Adamaoua

69881

70695

140576

76535

70903

147438

80369

59220

139589

85035

62974

148009

Centre

237468

231395

468863

280967

256722

537689

263845

254259

518104

279190

267251

546441

Est

74863

71961

146824

79859

73733

153592

78914

67956

146870

86849

74069

160918

ExtremeNord

264689

262113

526802

270251

254796

525047

288584

184296

472880

302990

198366

501356

Littoral

191817

192231

384048

234670

210999

445669

153071

148451

301522

160871

155429

316300

Nord

121164

115074

236238

147056

138502

285558

155644

96403

252047

172083

109776

281859

Nord-Ouest

177003

174261

351264

149213

148884

298097

185170

171290

356460

189164

174766

363930

Ouest

188640

191705

380345

157643

166696

324339

232199

217412

449611

236972

221111

458083

Sud

54665

51450

106115

56427

51120

107547

54840

50455

105295

59225

54705

113930

Sud-Ouest

117243

120663

237906

126511

113252

239763

109949

106808

216757

116354

113177

229531

49 Ce travail s'effectuera à partir des données de la carte scolaire de 2007.

Total 1497433 1481548 2978981 1579132 1485607 3064739 1602585 1356550 2959135 1688733 1431624 3120357

Source: Cellule de la planification-DPPC-MINEDUB/Recensement scolaire 2006-200(*) Données issues du recensement scolaire 2006

Le tableau ci-dessus présente l'évolution sur les deux dernières années tant des effectifs scolarisés que de la population scolarisable. Il révèle à cet effet un accroissement de près de 4% de la demande potentielle d'éducation au niveau du primaire en 2006/2007 par rapport à 2005/2006, soit environ 3 064 739 enfants contre 2 948 982. La population des filles qui représentant 4 8,5% de cette demande potentielle connaît une quasi-stagnation par rapport à l'année 2005/2006, où elle représentait 45,84%.

Tableau 2 : Répartition des effectifs scolarisés par province et par ordre d'enseignement dans le primaire en 2006/2007

Provinces

Public

Privé

Communautaire

Garçons

Filles

Ensemble

Garçons

Filles

Ensemble

Garçons

Filles

Ensemble

Adamaoua

76181

55327

131508

5813

5500

11313

3041

2147

5188

Centre

206120

195426

401546

71818

70813

142631

1252

1012

2264

Est

76917

65394

142311

7816

7025

14841

2116

1650

3766

Extreme-Nord

275995

181025

457020

14998

10810

25808

11997

6531

18528

Littoral

77808

74443

152251

82935

80847

163782

128

139

267

Nord

160169

101272

261441

7144

5605

12749

4770

2899

7669

Nord-Ouest

129929

118257

248186

57499

54939

112438

1736

1570

3306

Ouest

190020

178058

368078

45066

41405

86471

1886

1648

3534

Sud

53221

49045

102266

5989

5645

11634

15

15

30

Sud-Ouest

84223

81190

165413

31669

31570

63239

462

417

879

Total

1330583

1099437

2430020

330747

314159

644906

27403

18028

45431

Source:Cellule de la planification-DPPC-MINEDUB/ Recensement scolaire 2006-2007

Le public du secteur primaire, en hausse de près de 10% par rapport à 2004 représente près de 4/5 des effectifs scolarisés. Or, la part du privé est en retrait de 21% contre 24% en 2005/2006. Le communautaire qui environne le 1% de la population scolarisée au niveau du primaire prend également de l'ampleur en 2007 avec un total de 45 431 inscrits. De l'avis des analystes de la carte scolaire 2006/2007, ces chiffres témoignent de la volonté des pouvoirs publics d'universaliser l'enseignement primaire, volonté traduite en des actions concrètes à l'instar de la suppression des frais d'écolage en 2000 et la distribution gratuite des manuels essentiels de base dans le public ( ?)

Par ailleurs en ce qui concerne la répartition des effectifs scolarisés par sous-système d'enseignement en 2006/2007, l'enseignement francophone encadre près de 80% des effectifs scolarisés du primaire, le sous-système anglophone ayant quant à lui connu une baisse substantielle passant de 645 015 en 2003/2004, à 615 924 en 2006/2007, soit une diminution de 4,5%.

2. DE LA COUVERTURE

L'évaluation de la couverture, qui désigne l'ampleur relative de la scolarisation dans le primaire, fait recourir généralement au calcul des taux brut de scolarisation (TBS), taux net de scolarisation (TNS) et taux brut d'admission (TBA).

Tableau 3 : Les principaux indicateurs de couverture au niveau primaire en 2006/2007

Provinces

Taux bruts de scolarisation

Taux nets de scolarisation

Taux d'admission

2003/2004

Indice de

parité F/G

2006/2007

Indice de

parité F/G

2006/2007

Indice de

parité F/G

2006/2007

Indice de

parité F/G

Garçons

Filles

Total

Garçons

Filles

Total

Garçons

Filles

Total

Garçons

Filles

Total

Adamaoua

113,83

80,87

97,35

0,71

111,11

88,82

100,39

0,8

83,46

68,93

76,47

0,83

116,92

95,86

106,67

0,82

Centre

114,48

112,24

113,36

0,98

112,59

117,88

115,12

1,05

87,33

92,15

89,63

1,06

105,02

107,87

106,4

1,03

Est

109,62

97,58

103,6

0,89

108,75

100,46

104,77

0,92

81,74

77,46

79,68

0,95

109,33

105,16

107,3

0,96

ExtremeNord

113,06

70,75

91,905

0,63

112,11

77,85

95,49

0,69

91,36

65,11

78,62

0,71

109,05

79,87

94,72

0,73

Littoral

93,37

89,18

91,275

0,96

78,6

85,87

82,01

1,07

61,64

67,86

64,56

1,08

70,26

74,61

72,32

1,04

Nord

117,28

74,94

96,11

0,64

117,02

79,26

98,7

0,68

80,53

66,23

73,59

0,82

104,26

80,01

92,36

0,77

Nord-
Ouest

96,27

90,54

93,405

0,94

105,55

97,9

101,63

0,93

79,61

74,64

77,13

0,94

71,84

65,88

68,84

0,91

Ouest

129,65

119,26

124,46

0,92

124,3

112,41

118,26

0,88

80,17

79,51

80,41

0,98

86,05

77,4

81,65

0,9

Sud

105,49

105,35

105,42

1

104,96

107,01

105,94

1,02

80,17

83,51

81,76

1,04

96,47

98,72

97,55

1,02

Sud-Ouest

85,17

79,22

82,195

0,93

91,97

99,93

95,73

1,09

75,22

81,87

78,36

1,09

79,16

85,45

82,16

1,08

Total

108,14

92,05

100,1

0,85

106,94

96,37

101,81

0,9

80,76

75,44

78,18

0,93

93,25

84,09

88,76

0,9

Le TBS supérieur à 100 confirmerait la volonté de la SPU en 2015 de la part du gouvernement. Mais le phénomène des redoublements qui tend à grossir automatiquement les effectifs scolarisés, révèle les imperfections des études qui s'arrêtent sur ce taux. Fort heureusement le TNS permet de contourner de telles lacunes dans la mesure où l'âge effectif des inscrits pour la classe donnée est pris en compte ici. Aussi pour l'année 2006/2007, le TNS se situe à 78% signifiant de manière concrète que 21,8% des enfants scolarisables ne le sont guère. C'est dire que du chemin reste encore à parcourir pour l'atteinte des objectifs de Dakar relatifs à la SPU.

Globalement, le phénomène de scolarisation dans l'enseignement primaire camerounais connaît une disparité régionale assez criarde, qui elle-même met en exergue celle existant entre zones urbaines et rurales. En effet, les provinces septentrionales enregistrent à elles seules 40% environ des effectifs scolarisés en zone rurale. A noter aussi le cas spécifique du Littoral qui connaît la baisse la plus substantielle pour se retrouver en dernière position en termes de scolarisation et d'accès.

B. RENDEMENT DU SYSTEME ÉDUCATIF CAMEROUNAIS.

1. EFFICACITE INTERNE DU SYSTEME

L'efficacité se réfère à l'accomplissement de la mission de formation pour le système éducatif. Aussi s'entend t-elle généralement comme la relation optimale entre les moyens (intrants/input) et les objectifs fixés (extrants/output). Au Cameroun, le taux de redoublement de l'enseignement primaire a toujours été très élevé.

Tableau 4 : Taux moyen de redoublement par sous-système et par classe dans le primaire en 2006/2007.

 

Sil/class 1

CP/class 2

CE1/class3

CE2/class4

CM1/class5

CM2/class6

Total

Sous-système Francophone

33,10%

22,20%

27,60%

22,00%

24,70%

24,30%

26,40%

sous-système Anglophone

21,60%

18,00%

18,10%

20,20%

27,20%

14,20%

19,40%

Le constat participe du truisme. Le sous-système francophone (dont le taux de redoublement s'est stabilisé autour de 25% depuis deux décennies) connaît des taux de redoublement très élevés par rapport au sous-système anglophone.

Dans la même optique, mais dans un tout autre angle, l'on observe que les élèves-filles en dépit d'une légère discrimination dans l'accès à la scolarisation primaire, enregistrent de bien meilleurs résultats que leurs collègues garçons, ce qui devrait militer pour une plus grande scolarisation des filles sur l'étendu du territoire national.

Si l'on reste dans le cadre de la comparaison des deux sous-systèmes, l'on observe qu'il existe une déperdition importante dans le sous-système francophone. Car sur 100 élèves débutant le cycle ici, seuls 78 demeureront dans le système jusqu'à la fin du cycle contre près de 87 s'ils avaient été inscrits dans le sous-système anglophone. Or l'objectif de SPU nécessite un achèvement du cycle primaire complet, seule garantie d'une alphabétisation durable. C'est donc dire que le taux d'achèvement représente l'un des indicateurs cruciaux pour le suivi de la réalisation de l'EPT au Cameroun. Pourtant, cet indicateur laisse encore transparaître un profil nettement meilleur pour le sous-système anglophone :

Tableau 5 : Taux d'achèvement par province et par sexe en 2006/2007.

Provinces

Garçons

Filles

Total

Indice de

parité

Adamaoua

73

46,91

59,88

0,64

Centre

84,34

86,21

85,27

1,02

Est

64,25

50,2

57,36

0,78

Extreme-Nord

58,08

26,7

42,47

0,46

Littoral

76,48

77,44

76,96

1,01

Nord

76,32

34,71

56,05

0,45

Nord-Ouest

114,65

114,06

114,36

0,99

Ouest

85,6

84,29

84,94

0,98

Sud

71,88

68,99

70,48

0,96

Sud-Ouest

97,55

90,27

93,86

0,93

Ensemble

80,83

69,68

75,28

0,86

Source: Cellule de la planification-DPPC-MINEDUB/ Recensement scolaire 2006-2007

La consommation d'années de scolarisation qui se révèlent improductives du fait des abandons et des redoublements constitue une perte de ressources par rapport à une situation idéale où il n'y aurait ni abandons, ni redoublements. Car la persistance du gaspillage de ressources dans le système francophone, du fait des redoublements et abandons, a un coût certain pour le système éducatif camerounais. Il en va également du taux de réussite aux différents examens nationaux.

2. LES RESULTATS AUX EXAMENS NATIONAUX.

L'évaluation des résultats au concours d'entrée en 6ème et Common Entrance, ainsi qu'au CEP et FSLC selon le sous-système, donne une idée du rendement interne du système en ce sens qu'on y évalue les sortants.

Tableau 6 : Evolution des résultats au CEP/FSLC de 2005 à 2006 par sexe et par province.

Provinces

Taux de réussite session de 2005

Taux de réussite session de 2006

Garçons

Filles

Total

Garçons

Filles

Total

Adamaoua

80,50%

77,80%

79,50%

76,20%

73,00%

75,00%

Centre

84,00%

83,70%

83,80%

76,30%

74,40%

75,40%

Extrème-Nord

74,50%

72,20%

73,50%

75,80%

72%

74,20%

Est

75,20%

65,90%

72,60%

74,10%

66,70%

71,90%

Littoral

85,40%

84,60%

85%

74,10%

74%

74,10%

Nord

76,80%

71,80%

75,30%

68,90%

62,90%

67,10%

Nord-Ouest

84,20%

84,80%

84,50%

71,80%

74,50%

73,20%

Ouest

77,60%

76,90%

77,30%

67,50%

67,50%

67,50%

Sud

88%

87,60%

87,80%

78,40%

79,20%

78,80%

Sud-Ouest

84,50%

86,10%

85,30%

81%

81,40%

81,20%

Ensemble

81,40%

81,10%

81,30%

73,60%

72,90%

73,30%

Source: Cellule de la planification-DPPC-MINEDUB/ Recensement scolaire 2006-2007

Le taux de réussite au CEP/FSLC à la session de Juin 2006 se situe au niveau national à 73,3% contre 8 1,3% en 2005, soit une baisse de 8 points. Ce qui n'est pas un bon signe dans un environnement marqué par la course à la SPU. D'autant plus que les résultats pareils sont également observés au niveau des concours dans la même période.

Tableau 7 : Evolution des résultats au Concours d'entrée en 6ème/Common entrance de 2005 à 2006 par sexe et par province

Provinces

Taux de réussite session de 2005

Taux de réussite session de 2006

Garçons

Filles

Total

Garçons

Filles

Total

Adamaoua

62,80%

58,20%

61,10%

61,10%

55,40%

59,00%

Centre

68,30%

66,40%

67,40%

66,00%

62,30%

64,20%

Extreme-Nord

56,80%

53,90%

55,50%

62,50%

58%

60,50%

Est

52,90%

44,30%

50,70%

50,20%

42,20%

48,30%

Littoral

56,00%

53,70%

55%

56,60%

56%

56,40%

Nord

47,00%

42,20%

45,60%

48,80%

41,40%

46,80%

Nord-Ouest

79,90%

80,30%

80,10%

65,80%

66,30%

66,00%

Ouest

58,30%

56,70%

57,50%

57,80%

55,20%

56,50%

Sud

76%

77,70%

76,90%

72,30%

68,70%

70,60%

Sud-Ouest

78,60%

77,00%

77,80%

77%

73,20%

75,00%

Ensemble

62,10%

61,80%

61,90%

59,80%

58,80%

59,40%

Source: Cellule de la planification-DPPC-MINEDUB/ Recensement scolaire 2006-2007

C. EXAMEN DE L'OFFRE D'EDUCATION DANS LE PRIMAIRE.

1. LES ENSEIGNANTS

78 827 instituteurs ont la charge d'encadrer 3 120 375 élèves inscrits sur l'ensemble du territoire national en 2006/2007. Parmi ceux, 42,2% sont des femmes, 69,6% relèvent du public, 28,9% du privé et 1,5% sont de l'ordre d'enseignement communautaire.

Tableau 8 : Répartition des enseignants dans des écoles primaires par sexe et par province en 2006/2007.

Provinces

2006/2007

Hommes

Femmes

Total

Adamaoua

1758

677

2435

Centre

7534

9095

16629

Est

2144

1211

3355

Extreme-Nord

6469

670

7139

Littoral

4717

4697

9414

Nord

3709

638

4347

Nord-Ouest

4962

4402

9364

Ouest

5604

4442

10046

Sud

2469

1763

4232

Sud-Ouest

2709

3157

5866

Total

42075

30752

72827

Source: Cellule de la planification-DPPC-MINEDUB/ Recensement scolaire 2006-2007

Les provinces les plus dotées sont le Centre avec 22,83% du total des enseignants, l'Ouest (13,8%), le Littoral et le Nord-Ouest qui enregistrent respectivement 12,93% et 12,86%. C'est dire par rapport à 2003/2004 que les provinces du Nord-Ouest (+1,61), du Nord (+1,2) et du Centre (1,1), ont vu leur proportion d'enseignants augmenter. A contrario, les provinces du Littoral et de l'Ouest voient leur part baisser substantiellement de (-2,1 points) et (-1,03 point) respectivement (71).

Tableau 9 : Ratio élève/enseignant au primaire par province en 2005/2006.

Provinces

Ratio

élèves/maître des

écoles publiques

Ratio élèves/

maîtres des

écoles privées

Ratio élèves/

maître

Adamaoua

67

35

61

Centre

37

26

33

Extreme-Nord

49

43

48

Est

74

45

70

Littoral

39

30

34

Nord

68

41

65

Nord-Ouest

45

30

39

Ouest

48

39

46

Sud

27

32

27

Sud-Ouest

44

31

39

Total

48

31

43

Source : Cellule de la planification-DPPC-MINEDUB/ Recensement scolaire 2006-2007

Le ratio moyen général qui est de 43 élèves pour un enseignant au niveau de l'encadrement, s'est nettement améliorer par rapport à 2003/2004 où il était de 52,6 élèves pour un enseignant. Nonobstant ces chiffres qui méritent des encouragements, il est tout de même indiqué de noter que ce ratio qui dans le public est de 48/1, demeure encore loin de l'objectif proposé par le cadre indicatif Fast Track (40/1) nécessaire à une meilleure transmission des connaissances.

Autre contraste : alors que le Sud du pays enregistre des taux d'encadrement en deçà de la moyenne nationale dans le public, les provinces septentrionales ont des ratios élèves/maître proche de 70 ; d'où une qualité médiocre des apprentissages.

Par ailleurs les cas des structures scolaires privées et communautaires qui comptent respectivement 2/5 et 1/10 enseignants disposant d'une véritable qualification pour enseigner, peuvent avoir des effets néfastes sur la qualité de l'enseignement. Fort heureusement dans le

public, la majorité des enseignants ont reçu une formation initiale, soit 87,5% (77% en 2003/2004).

2. Infrastructures d'accueil.

La cellule de planification du MINEDUB dénombre en 2006/2007 un total de 12 505 établissements scolaires contre 10 913 en 2003/2004, soit une hausse de 14,6%. Le public vient en tête avec 9000 établissement, suivi du privé (3026) et enfin le communautaire (479). Les provinces les plus dotées sont le Centre (2297), l'Extrême-Nord (1675), l'Ouest (1636) et le Nord-Ouest avec ses 1620 établissements scolaires. La particularité du Littoral est qu'il comporte plus d'établissements privés (644) que publics (632).

Le régime de mi-temps qui vient pallier à l'insuffisance d'infrastructures scolaires, fonctionne dans près de 7% des écoles publiques camerounaises. Ce faisant, les provinces du Littoral (15,5%), de l'Adamaoua (12,9%), du Nord (11,6%) et du Centre (10,9%) enregistrent les taux de pourcentage les plus élevés de régime de mi-temps. La palme d'or revient au Sud- Ouest dont le régime de fonctionnement est essentiellement de plein-temps (95%).

La cellule sus-mentionnée identifie également 64.500 salles de classes dans les 12.505 établissements scolaires primaires recensés au niveau national. La majorité des salles se trouvant dans le Centre (19,6%), l'Ouest (15%) et le Littoral (13,5%). Les provinces de l'Adamaoua (3,5%), de l'Est (4,6%), du Sud (5,1%), du Nord (5,5%) comptent très peu de salles de classe. Cette situation qui n'a guère changé depuis fort longtemps demeure également analogue à d'autres types de locaux tels que les bureaux, les salles de réunion et le logement de fonction et magasin.

De manière plus détaillée, les 12 505 établissements scolaires recensés fournissent 2 337 920 places assises pour 3 120 357 élèves. Le déficit ici (783 037) reste quand même en nette réduction par rapport à celui de 2003/2004 où il était de 1 099 026 places assises. A noter que le public offre 64,3% de ces places assises ; et que les meilleurs ratios élèves/place sont globalement enregistrés dans le Sud, tandis que le déficit reste énorme dans l'ExtrêmeNord dont le ratio moyen est proche de 3 élèves pour une place assise dans les écoles publiques.

Pour ce qui est de la qualité de l'environnement scolaire, près de 66,2% de salles de classe dénombrées sont en dur (dont 36% sont en bon état) ; 20,3% sont en sémi-dur et le reste en matériaux provisoire (allant parfois au-delà de 10 ans !). Le constat sur les commodités provisoire offre un tableau très peu reluisant.

Tableau 10 : Taux de disponibilité en commodités essentielles de l'environnement scolaire dans le primaire par province en 2006/2007.

Provinces

Electricité

Eau Potable

Latrines

Latrines Séparées Pour

Filles

Clôture

Bibliothèque

Infirmeri e

Boite à pharmacie

Cantine

Adamaoua

7/93

1/7

3/8

1/5

2/31

4/51

1/41

1/5

1/6

Centre

7/24

3/8

2/3

3/8

19/64

25/98

4/67

3/7

1/9

Est

5/87

1/6

1/2

1/4

7/69

9/98

1/33

1/4

1/52

Extreme- Nord

1/33

1/5

2/7

1/7

2/73

8/87

1/38

1/4

5/51

Littoral

31/77

1/2

7/9

3/7

41/92

17/72

3/44

2/3

1/8

Nord

3/74

1/6

2/5

1/6

2/35

6/37

1/40

3/8

1/7

Nord- Ouest

5/71

2/5

4/5

3/8

3/32

4/21

1/16

1 / 2

4/81

Ouest

7/72

1/4

2/3

1/4

7/60

7/44

1/40

1/3

2/71

Sud

1/7

1/5

1/2

2/9

9/94

7/39

1/32

1/3

1/38

Sud-Ouest

3/20

3/8

2/3

3/7

11/93

4/19

4/83

3/5

1/8

Ensemble

5/33

1/3

3/5

1/3

4/25

14/79

1/23

2/5

7/80

A la lumière de ce tableau l'on retient qu'au niveau national, seulement 15% écoles primaires disposent d'un branchement électrique, pour un tiers qui possèdent une alimentation en eau potable. 17,8% d'écoles disposent d'une bibliothèque mais très peu possèdent une cantine scolaire et 1/3 seulement ont des latrines fonctionnelles.

3. L'ENVIRONNEMENT PEDAGOGIQUE.

Tableau 11 : Taux de disponibilité en manuels essentiels à l'usage des élèves dans le primaire par province et par ordre d'enseignement en 2006/2007.

PROVINCE

Lecture

Mathématiques

Sciences

Anglais

Pu

Pr

Total

Pu

Pr

Total

Pu

Pr

Total

Pu

Pr

Total

Adamaoua

2/7

2/9

2/7

1/5

6/91

1/5

1/54

1/68

1/57

1/4

3/65

1/4

Centre

1/9

1/9

1/9

3/31

7/79

8/85

1/61

1/17

2/73

1/9

5/69

4/41

Est/East

2/7

1/5

1/4

1/6

2/11

1/6

1/83

1/17

1/62

2/9

2/23

1/5

Extrême

1/5

1/3

1/5

1/7

11/82

1/8

0,52%

2/41

0,73%

3/82

3/62

1/28

Littoral

1/7

3/88

5/59

1/8

1/38

4/57

1/98

1/70

1/81

1/7

1/46

7/45

Nord

1/5

10/99

1/5

1/5

7/89

1/5

1/96

1/38

1/92

1/6

1/51

1/7

Nord Ouest/

1/6

5/98

11/83

1/6

1/43

1/8

0,28%

0,75%

0,42%

1/7

1/59

1/9

Ouest/

1/9

1/25

1/31

5/69

2/69

3/47

0,26%

1/88

0,42%

1/15

1/73

4/71

Sud/South

1/6

1/12

11/64

7/72

3/44

8/85

0,90%

1/51

1/99

1/6

1/15

1/7

Sud-Ouest/

1/8

1/24

3/31

1/9

1/28

7/81

0,35%

1/87

0,57%

1/9

1/28

7/79

Ensemble

1/6

1/13

10/67

1/8

2/39

1/9

0,85%

1/40

1/85

1/9

3/83

7/71

Source : Cellule de la Planification-DDDPPC-MINDUB/Recensement scolaire 2006-2007

La disponibilité en manuels scolaires chez les élèves du primaire est globalement faible, avec 1 manuel de lecture pour 7 élèves, 1/9 pour ce qui est des manuels de mathématique et de science. La possession du manuel d'anglais étant quasiment nulle ! Si l'on part du fait que le livre est le support essentiel du processus d'apprentissage, alors convient-il de dire que cette situation préoccupante devrait mobiliser les autorités en charge du secteur de l'éducation, à prendre des mesures plus hardies et efficaces.

Car contrairement à la situation prévalent chez les élèves, les enseignants disposent en général des manuels au programme pour apprêter leurs leçons, ce qui constitue un minimum dans l'acte pédagogique, même comme la situation reste précaire pour ce qui est de la possession du guide du manuel d'enseignant.

4. QUID DE LA FORMATION DES FORMATEURS.

La scolarisation primaire universelle, telle que définie dans le cadre de Dakar est fonction de la volonté des pouvoirs publics à atteindre ces objectifs. Un analyseur de cette volonté constitue la nature et le degré de responsabilité et de pouvoir accordés par les gouvernements aux ministères en charge de l'éducation. Il nous est permis de penser que la

création du Ministère de l'Éducation de Base (MINEDUB) au Cameroun traduit cet engagement des autorités publiques à réaliser les objectifs de Dakar. Il nous l'est également permis dans la mesure où ce Ministère, en plus de la mise en oeuvre de la politique gouvernementale en matière de scolarisation de base, se charge aussi du suivi et de l'encadrement de la formation des formateurs à travers la gestion des ENIEG. Il reste tout de même à interroger la nature de ce pouvoir délégué. N'empêche, la volonté du Cameroun de parvenir aux objectifs de 2015 se matérialise enfin à travers l'évolution des effectifs inscrits dans ces écoles.

Tableau 12 : Evolution des effectifs des élèves-enseignants de 2003/2004 à 2006/2007.

Provinces

2003/2004

2005/2006

2006/2007

Garçons

Filles

Total

Garçons

Filles

Total

Garçons

Filles

Total

Adamaoua

136

108

244

99

89

188

168

297

465

Centre

301

769

1070

255

676

931

414

1044

1458

Est

247

346

593

175

274

449

198

486

684

ExtremeNord

532

154

686

842

201

1043

1713

429

2142

Littoral

60

329

389

43

153

196

69

231

300

Nord

302

145

447

260

106

366

513

270

783

Nord-Ouest

100

237

337

177

356

533

78

318

396

Ouest

112

591

703

73

356

429

129

665

794

Sud

101

234

335

88

177

265

48

81

129

Sud-Ouest

54

210

264

80

267

347

99

234

333

Total

1945

3123

5068

2092

2655

4747

3429

4056

7485

Source : Cellule de la Planification-DPPC-MINEDUB/Recensement scolaire 20006-2007

Comme l'indique le Tableau 9, nous pouvons constater avec les concepteurs de la carte scolaire camerounaise que les effectifs des élèves-enseignants ont progressé de + 36 points en 2006 avec une majorité de femmes (54%). Ces chiffres cachent toutefois d'énormes disparités dans la mesure où si les femmes dans la province de l'Ouest sont 5 fois plus représentées que les hommes, « ce n'est hélas pas le cas des provinces septentrionales où la féminisation de la carrière enseignante aurait pourtant servi de modèle dans cette région où se pose encore le problème de la scolarisation des jeunes filles. » (Cf. carte scolaire 2007, p33)

PARAGRAPHE II : INTERPRÉTATION DES DONNÉES ET PROSPECTIVE

A. LES DISPARITÉS COMME PREMIER OBSTACLE AU DÉVELEPPEMENT DU SYSTEME EDUCATIF CAMEROUNAIS

1. DISPARITÉS DANS LA REPARTITION DU PERSONNEL ENSEIGNANT DANS LES ECOLES PRIMAIRES ET PUBLIQUES.

« Dans l'analyse d'un système éducatif, les considérations d'équité sont importantes en tant qu'aspects descriptifs, mais aussi et surtout parce qu'on assigne à l'éducation des objectifs en matière d'égalité des chances. Il importe donc que soient offertes à tous les enfants des conditions de scolarisation aussi équitables que possibles, quel que soit le milieu géographique, le sexe de l'enfant et le niveau de revenu de ses parents ». Aussi dans la mesure où l'on vise à ce que les conditions d'enseignement soient homogènes sur le territoire d'un lieu à l'autre, poursuivent les rédacteurs de la carte scolaire, on devrait s'attendre à ce qu'il y ait une relation assez stricte entre les effectifs scolarisés dans une école et le volume de ressources (donc du personnel enseignant puisqu'il constitue la composante majeure du budget éducatif) dont l'école dispose (idem : 89-90)

Or dans une analyse porté sur 8710 écoles primaires publiques disposant des données complètes sur les effectifs d'élèves et du personnel enseignant au cours de l'année 2006/2007, la relation entre le nombre d'élèves et le nombre de maîtres indique un retrait de 3 points sur 4 ans du degré d'aléa par rapport à la valeur estimée (estimation du RESEN, Novembre 2003) en 2002/2003 (45%). Ceci montre que la politique menée pour résorber le problème de l'aléa ne donne pas encore toute la mesure de son potentiel.

De l'avis des spécialistes, la politique de contractualisation en cours doit être sous- tendue par les contraintes d'une planification locale, afin de réduire le taux d'aléa de manière significative. Plus concrètement, ces derniers pensent que l'affectation/répartition du personnel enseignant doit respecter les attributs des différents paliers décisionnels de la décentralisation/déconcentration, à savoir :

- les Services Centraux (DHR) dans la répartition équitable entres les provinces du pays ; les Délégations Provinciales dans le cas des départements ;

- les Délégations Départementales pour une répartition équitable au niveau des arrondissements et entre les écoles de la région.

2. DISPARITÉS DANS LA REPARTITION DES ENSEIGNANTS ENTRE LES PROVINCES DU PAYS.

Tableau 13 : Taille moyenne des écoles et nombre moyen par école par province.

Provinces

Effectif moyen des écoles

nombre moyen

d'enseignants

Adamaoua

246,4

3,66

Centre

257,31

6,87

Est

233,71

4,75

Extrême -Nord

333,03

4,44

Littoral

243,7

6,26

Nord

362,75

5,25

Nord-Ouest

270,33

5,87

Ouest

318,96

6,64

Sud

148,42

5,14

Sud-Ouest

227,18

5,08

NATION

273,68

5,38

Source : Cellule de la planification- DPPC-MINEDUB/ Données issues du recensement 2006- 2007

La province est représentée par la taille moyenne de ses écoles et par le nombre moyen d'enseignants par école. Or le tableau ci-dessus illustre le fait que certaines provinces bien qu'ayant une taille moyenne d'école plus élevée, ne sont pas celles les mieux dotées en personnel enseignant. Ceci traduit les disparités suivant le milieu géographique de scolarisation dans l'allocation des ressources en personnel50. « Ces disparités sont le fait d'une allocation d'emploi d'enseignants par le Ministère directement aux écoles nécessiteuses sans prise en compte des contraintes de la planification au niveau local. Cette intervention directe au niveau des écoles contribue à accentuer les disparités entre les provinces, voire entre les départements d'une même province et finalement entre les écoles du pays » (93).

En effet, le Rapport d'État du système Éducatif (RESEN de novembre 2003) indiquait déjà le Sud comme la province la mieux dotée en personnel enseignant tandis que les provinces de l'Adamaoua et du Nord l'étaient moins. En 2006/2007, le même constat demeure.

Au total, toutes ces données indiquent bel et bien que l'on est encore loin des objectifs fixés à Dakar. La grande question est celle de savoir s'il est scientifiquement possible d'anticiper sur 2015 ? Raymond Quivy nous apporte quelques éclaircissements à ce sujet :

« Un astronome peut prévoir longtemps à l'avance le passage d'une comète à proximité du système solaire parce
que sa trajectoire répond à des lois stables auxquelles elle n'a pas la capacité de se soustraire par elle-même. Il

50 Il s'agit ici du point de vue des analystes de la carte scolaire

n'en va pas de même en ce qui concerne les activités humaines dont les orientations ne peuvent jamais être prévues de manière certaine(...) Cela signifie-t-il que la recherche en sciences sociales n'ait rien à dire qui intéresse l'avenir ? Certainement pas, mais ce qu'elle a à dire relève d'un autre registre que celui de la prévision. En effet, une recherche bien menée permet de saisir les contraintes et les logiques qui déterminent une situation ou un problème, elle permet de discerner la marge de manoeuvre des `acteurs sociaux» et elle met au jour les enjeux de leurs décisions et leurs rapports sociaux. En cela, elle interpelle directement l'avenir et acquiert une

dimension prospective, mais il ne s'agit pas de prévision au sens stricte du terme. » (Quivy, op.cit : 32)

B. PROSPECTIVE POUR 2015.

Le premier constat à faire est le fait que le forum de Dakar est venu changer de manière considérable le système éducatif camerounais, au point où d'aucuns parlent « d'effet Dakar ». Ces changements relèvent des mesures institutionnelles certaines prises au lendemain dudit forum, ainsi que des actions concrètes menées sur le terrain. C'est ainsi que les chiffres nous révèlent une avancée significative de l'environnement éducationnel camerounais depuis 2000, par rapport à ce qu'il était dans les années 1990. Toutefois, les mêmes données nous interpellent sur l'étendu du chemin à parcourir pour atteindre les objectifs de l'EPT à l'horizon 2015, en particulier ceux relatifs à la Scolarisation Primaire Universelle.

Aussi plusieurs raisons nous amènent à avancer de manière prospective, l'hypothèse selon laquelle le Cameroun ne parviendra pas aux objectifs fixés pour l'horizon 2015.

1. DIFFICULTÉS LIÉES A L'ENVIRONNEMENT INTERNE.

Le système politique camerounais semble incapable de juguler certaines pesanteurs qui bloquent le processus de SPU. Sans prétention à l'exhaustivité, nous pouvons noter entre autres :

- Disparités et croissance démographique : l'urbanisation galopante de la société entraîne à son tour un accroissement sans précédent du nombre et de la diversité des élèves qui revendiquent presque à l'unanimité une éducation de qualité. Or, comme nous avons pu le voir, l'offre en éducation au Cameroun est continuellement inférieure à la demande sans cesse croissante. De son côté, le phénomène des disparités est une constance dans l'environnement éducationnel camerounais. Il semblerait que les autorités publiques ainsi que les partenaires internationaux ne le considèrent à sa juste mesure. En effet, une observation attentive de la

démarche des promoteurs de l'EPT ne présente pas clairement l'action adéquate pouvant permettre de remédier à ce phénomène. De manière spécifique, ni le Plan national d'EPT, ni la Stratégie sectorielle ne présentent véritablement une démarche cohérente et concrète à même de mobiliser l'ensemble des acteurs, surtout sur la manière dont ils devront se déployer sur le terrain. Cela explique pourquoi l'EPT, après huit années de promotion reste un mythe dans plusieurs de ces zones périphériques. Or, comme on le sait déjà, l'épreuve de vérité reste ce que perçoivent les acteurs sur le terrain. Et pour l'instant les espoirs restent encore en deçà des attentes.

- Amorce lente du processus de décentralisation : Mode d'aménagement du pouvoir au sein de l'État, la décentralisation qui désigne le mouvement inverse à la centralisation (Baguenard, 1996 : 6), informe également l'environnement éducatif camerounais. En effet, plusieurs raisons nous amènent à penser que l'avenir de la SPU au Cameroun est lié au développement du processus de décentralisation consacré par la Constitution du 18 janvier 1996. Or en dépit de la promulgation des Lois portant sur la Décentralisation et l'institution des Régions, force est de noter que le processus peine à se matérialiser convenablement sur le terrain. Le fait est que la centralisation pratiquée à l'excès s'accompagne d'une forte tutelle de l'État qui absorbe les autres forces vives à même de revitaliser tout en décongestionnant le processus de développement. La décentralisation qui favorise le développement local avec la libération des nouvelles énergies et des nouveaux acteurs aux stratégies diverses peut créer un cadre favorable pour l'EPT. En effet, la décentralisation du système politique et administratif entraînerait la décentralisation de la gestion du système éducatif qui à son tour pourrait apporter des solutions plus proches des besoins réels des populations riveraines. Ainsi, chaque région pourrait avoir une stratégie propre qui resterait toujours rattachée à la grande stratégie nationale.

C'est que la décentralisation, tout en respectant les principes de l'unité et de l'indivisibilité nationale constitutionnellement proclamée, devrait encourager en même temps, la diversité locale législativement organisée. (Idem) La décentralisation du système éducatif camerounais qui est fonction du processus de décentralisation du système politique ne serait effective que dans la mesure où les autorités locales auront le pouvoir d'élaborer des politiques locales d'éducation plus sensibles aux sensibilités des riverains, avec la liberté que leur attribue la législation, sans être soumises aux contraintes hégémonistes des autorités administratives d'État. La grande diversité du pays sur le plan physique et humain exige plusieurs approches dont l'opérationnalisation ne pourrait mieux s'effectuée que dans le cadre d'une décentralisation poussée. Ainsi, les trois provinces septentrionales connaissent des

difficultés au niveau de la scolarisation des filles ; l'Extrême-nord restant toujours la plus sous scolarisée des provinces du Cameroun. De même, la scolarisation est également fort modeste à l'Est, avec des difficultés d'accès des jeunes filles dans le secondaire. Les priorités étant changeantes en fonction des régions, toute politique devrait donc tenir compte de ces particularités, et « être précédée d'études permettant de préciser la manière d'aborder les problèmes et les populations » (Abéga, op.cit : 29) Alors que s'est produite une dangereuse et profonde césure entre la société civile et le personnel politique (idem : 123), la réussite de la décentralisation de l'éducation qui suppose une proximité certaine, pourrait en outre faciliter une nécessaire réconciliation, à même de réaliser un cadre prédisposant à la démocratie locale et partant, au bon déroulement des programmes d'action en faveur de l'opérationnalisation de l'EPT.

- Absence d'un cadre favorable au développement participatif : le développement participatif suppose que tous les acteurs, y compris les riverains puissent apporter leur contribution à la mise en oeuvre des projets pour le bien de tous. Pourtant, en dépit des grandes campagnes de sensibilisation notifiant l'importance de la contribution de « tous », l'on observe toujours une tendance à la marginalisation, logique de rente y oblige, des acteurs capable d'y apporter une contribution significative. Or « quel que soit le chemin le plus adapté pour y parvenir, l'objectif final demeure un mécanisme englobant rassemblant, sous l'autorité du gouvernement, l'ensemble des acteurs qu'ils viennent du gouvernement, de la société civile, des bailleurs, des agences bi et multilatérales, ou du secteur privé. » (Dakar +7, 2007 : 72)

Le cas de la CEDEAO présente une volonté politique manifeste, mais avec des réalisations concrètes qui se font attendre. Cette situation, en dépit de la concrétisation par la SADC du protocole sur l'éducation et la formation par les programmes communs, n'est que le reflet au sein de l'UA d'une nouvelle décennie de l'éducation handicapée d'un mécanisme de suivi sans moyen. En réalité, il manque un système fiable et permanent d'information et de transmission des rapports entre les Bureaux UNESCO en Afrique. D'où les perspectives sous- régionales et régionales présenteraient un bilan global plutôt décevant. D'où également la nécessité d'un véritable agenda régional d'action. Enfin, parce qu'une considération essentielle pour l'ensemble des mécanismes aux niveaux régional, sous-régional et national, réside dans leur étroite liaison et leur complémentarité, une rénovation des mécanismes nationaux de coordination de l'EPT s'impose, avec l'aide d'un agenda régional de suivi.

- Faible mobilisation de la société civile : la société civile, dans la perspective de Fatton, désigne « la sphère privée constituée d'activités économiques, culturelles et politiques

résistant aux incursions de l'État ». Elle doit faire face au sud du Sahara à la puissance coercitive de l'État dont la structuration prédominante correspond à un « gouvernement prédateur » (Owona Nguini) Partenaire pourtant indispensable de développement, son impact sur l'opérationnalisation de l'EPT reste faible, du fait de l'opportunisme de certains d'une part, d'autre part de la difficile convivialité `historique' persistant entre elle et la société politique camerounaise. La société civile en effet, reste un potentiel assez inexploré. Nonobstant le fait qu'elle soit généralement invitée lors des différents fora et assises, la mise en oeuvre des projets révèle que très peu de mécanismes formels de participation de la société civile sont effectivement mis en place. Considérée comme un facteur déterminant quant à la sélectivité des projets et programmes EPT, les stratégies éducatives développées par la société civile, parce que mettant l'accent sur la réduction des inégalités, permettent d'intégrer les populations et zones les plus défavorisées, « qui seraient autrement écartées des systèmes éducatifs classiques ou des programmes d'aide sectoriels » (Dakar +7, op.cit : 63) Qui plus est, la capacité d'information et de mobilisation des populations constituent l'autre contribution majeure des ONG et associations de la société civile. Pourtant, les évaluateurs des mécanismes de coordination de l'EPT en Afrique Subsaharienne ont reconnu un grand potentiel de la société civile africaine, notamment dans sa riche tradition communautaires et de politiques éducatives originales.

De l'avis de la présidente de la société civile « Cameroon Education for All Network » (CEFAN), le droit à l'éducation, en dépit des « nobles » engagements en faveur de l'EPT, reste encore pour beaucoup un rêve en ceci qu'il tarde toujours à se traduire dans la réalité. Dans son allocution prononcée à Yaoundé, lors de la Cérémonie de lancement officiel de la Semaine de l'EPT en 2008, elle décrit les multiples résistances à la décentralisation de l'éducation, la faible implication de la société civile et des parents d'élèves, comme obstacles essentiels à l'atteinte de la SPU de qualité à l'horizon 2015. Celle-ci dépend désormais de la capacité de l'État à négocier, communiquer et coordonner. Si elle reste convaincu que celui-ci ne peut plus se contenter d' « organiser et de contrôler » seul la mission d'éducation, si son appel consiste à la rupture avec la vision classique « qui voudrait que l'État soit en amont et en aval de toutes les actions éducatives », ce n'est pas seulement parce que l'école n'est plus seulement l'affaire des autorités scolaires et des enseignants, mais de toute la communauté. C'est aussi parce que l'éducation constitue un enjeu capital pour l'ensemble des acteurs du champ social. Il s'agit donc d'un appel à la culture et à l'extension des « complicités » et des « solidarités », afin d'accroître les capacités de négociation sociale et de communication à même de réaliser les consensus et les compromis dynamiques qui fondent l'esprit partenarial.

- Absence d'une stratégie cohérente de coopération avec l'UNESCO (Voir également limites de la stratégie sectorielle et du plan d'action national) : De l'avis des évaluateurs du processus de Dakar51, le devenir des instances de l'EPT est intimement lié aux orientations sociétales visées par l'action internationale et aux choix stratégiques adoptés pour les atteindre. La situation actuelle est d'autant plus préoccupante que c'est à l'échelon national que les mécanismes spécifiques apparaissent les plus précaires. Depuis Dakar et sur l'ensemble des pays africains, les Forums, Secrétariats et Coordinations Nationales souffrent de dysfonctionnements plus ou moins prononcés, qui poussent certains à remettre en cause les fondements même de leur légitimité et utilité. Toute réflexion prospective sur les mécanismes d'évaluation, de coordination et de suivi de l'EPT doit inévitablement s'insérer dans le contexte d'une harmonisation sur le plan national de l'action de l'ensemble des partenaires du développement. Parallèlement à l'action déterminante des gouvernements, les agences des Nations Unies et PTF doivent impérativement investir les espaces de dialogue, là où ils existent et sont opérationnels, pour en faire les véritables catalyseurs du partenariat tripartite que Dakar appelait de ses voeux.

2. INSUFFISANCES LIEES A L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL

- Relâchement des partenaires techniques et financiers : Après une forte mobilisation financière international qui, en plus plaçait l'Afrique au centre de ses priorités, la part de ce continent dans l'APD connaît une nette régression depuis 2003. Alors que l'aide au développement représentait 44% au début des années 1990, 38% en 2003, 37% l'année suivante, en 2005, l'APD ne représentait plus que 33%. Cette tendance qui ne s'est guère améliorée aujourd'hui soulève des inquiétudes en ceci qu'elle suggère une stagnation de l'effet mobilisateur du Forum de Dakar. Ces inquiétudes hantent également l'esprit des rédacteurs des rapporteurs du suivi de Dakar, pour qui le financement de l'EPT jusqu'en 2015 ne semble pas à l'heure actuelle assurée : « alors que les réallocations de l'aide en faveur de l'Afrique et de l'éducation n'ont pas été à la hauteur des engagements pris, l'estimation du besoin de financement extérieur de l'EPT à l'horizon 2015 a été revus à la hausse » (Dakar +7 :9) De l'avis de nos spécialistes, les versements d'aide extérieure jusque là ont été largement en dessous des besoins estimés pour l'atteinte de la SPU en 2015, d'où le rattrapage de ce retard accumulé nécessiterait le double des montants de l'aide observés en 2005.

51 Notamment dans le document paru en 2007 et intitulé Dakar +7

Dans un nombre significatif de pays dépendants de l'aide internationale, des difficultés relatives à la coordination des PTF intervenant sur l'EPT sont légions. C'est le cas du Gouvernement nigérian dont la conduite semble être dictée par les bailleurs intervenant avec la prétention de bénéficier « d'une meilleure compréhension de la façon dont le système éducatif devrait fonctionner en vue d'une efficacité maximale. » (Idem : 60) Il convient de noter également que ces difficultés de coordinations minant les rapports entre États et PTF ne constituent (entre autres) que le reflet d'une certaine hiérarchisation des positons au sein de la communauté internationale et nationale des PTF, où le potentiel de financement prédomine sur les capacités d'expertise et de répartition des rôles décidée à l'échelon international. Remarquons à cet effet que l'acronyme PTF, si réducteur soit-il, désigne des organismes complémentaires certes, mais différents aussi. Il s'agit des partenaires techniques d'un côté, d'autre part des partenaires financiers. D'où il en résulte au niveau national des difficultés de coordination et d'orientation générale des projets éducatifs. L'évaluation des experts penchés sur le cas du Cameroun est révélatrice à ce propos : « au total, la coordination au sein des partenaires techniques et financiers semble plus relever d'une déclaration d'intention que de la réalité. L'harmonisation des interventions des partenaires au développement en vue d'une meilleure complémentarité de leurs actions n'est pas effective au Cameroun. On peut même dire que les intérêts politiques divergents et les rapports de forces déséquilibrés au sein de ces acteurs ne permettent pas qu'on puisse véritablement parler de coordination. Les partenaires disposant de plus de moyens financiers pour le secteur de l'éducation au Cameroun (Banque Mondiale, France, Japon) sont les plus enclins à des démarches solitaires ou, au mieux, à l'alignement des autres partenaires sur leurs priorités. » (Idem : 61)

- les couacs internes propres à l'UNESCO : Institution spécialisée DE L'ONU, l'UNESCO, en plus de faire face à des difficultés internes et fonctionnelles, ne permet pas une bonne lisibilité de ses programmes. En effet, la mission de l'UNESCO qui est d'accompagner le processus d'EPT au sein des États est d'une importance sans précédent. Il n'est pas sûr qu'elle en dispose pour autant des moyens nécessaires et adéquats à même de lui permettre de mener à terme cette tâche `difficile'. A l'évidence, si la quasi-totalité des pays au sud du Sahara saluent l'action des bureaux régionaux dans la mise en place des cadres facilitant la coordination des ressources en faveur de l'EPT (aide logistique et soutien financier), il semble que l'UNESCO sur le terrain présente des signes majeurs d'essoufflements. En effet, sa place centrale de chef de file pour la coordination des mécanismes EPT est quelque fois contestée par nombre de pays (Cameroun, Gabon Nigeria, Congo, Namibie) qui critiquent le manque d'implication de l'UNESCO sur le terrain du soutien à l'EPT.

Ainsi, l'on peut s'interroger avec quelque raison sur la capacité de l'UNESCO à peser sur les stratégies éducatives en cours. Il s'agit là d'une problématique structurelle qui ne semble pas avoir véritablement été résolue par les réformes des nations unies sur le recouvrement de la plénitude des institutions spécialisées. C'est que la position de chef de file des bureaux hors-siège est « officiellement » entérinée par l'ensemble des « partenaires », surtout dans les domaines relevant de la finance. C'est le cas du bureau de Yaoundé où « les principaux `bailleurs de fonds» du secteur, que sont l'Agence Française de Développement et la Banque Mondiale, estiment (à demi mot) que, plus que les partenaires techniques, ce sont les partenaires financiers, qui apportent effectivement les financements dont le secteur a besoin ». Un autre constat est celui du relâchement de la stratégie volontariste de soutien politique, logistique et technique aux dispositifs EPT existants, les coordonnateurs et animateurs des plans EPT acceptant difficilement leur marginalisation par l'UNESCO et les autres partenaires.

3. L'ÉDUCATION CAMEROUNAISE SOUS L'ÉTAU DU SYSTEME POLITIQUE

Dans la perspective de Jean Leca, toute question relative aux enjeux sociaux est potentiellement politique. Il suffit à cet effet que les autorités publiques l'intègrent dans leur agenda. Interroger l'éducation camerounaise, c'est aussi interroger son système politique. Non seulement parce que l'éducation reste de façon sibylline considérée comme la clé de développement de toute nation, encore moins uniquement le fait de la saturation des diplômés qui désormais fait du chemin éducationnel une voie de moins en moins fiable vers l'emploi. Les problèmes que connaît l'éducation camerounaise sont consubstantiellement liés aux carences du système où la victoire de la « relationocratie » sur la « méritocratie » constitue une profonde entorse, non seulement sur l'extension d'une éducation de qualité, mais aussi à la péréquation éducation-emploi au Cameroun. (Tchenzette) Un tel tableau qui remet en cause la question égalitaire au sud du Sahara n'épargne pas l'environnement éducationnel où « la déception guette l'observateur averti de la mise en oeuvre du droit à l'éducation en Afrique centrale » (Mbeyap Kutnjem) Aussi, pense-t-on que la mise à terme des inégalités et disparités dans l'accès à l'éducation passe également par la consolidation de la démocratie et du développement, laquelle ne serait effective qu'au sein d'un État moins centralisateur ouvert à la participation de tous. Un cas observé à l'Extrême-Nord au Cameroun fait montre de la réalité selon laquelle le devenir de l'éducation est lié au Politique.

Région la plus défavorisée, l'Extrême-Nord connaît le taux de scolarisation le plus bas du Cameroun. En 1991, il était de 44,31%, dont 71,9 en zone urbaine, et 37,46% en zone rurale, alors que la moyenne nationale était supérieure à 76% (Abéga, op.cit :130) Officiellement, les causes de la sous-scolarisation étaient la résistance des parents, l'exode au Nigeria, l'utilisation des enfants comme main d'oeuvre agricole ou pastorale, enfin les mariages et grossesses précoces pour les filles. Pourtant, les trois années suivantes vont connaître une croissance progressive du nombre d'école, due aux initiatives des parents qui ont respectivement créé 36, 13 et 20 écoles dans les Mayo Tsanaga, Sava et Danay. A cet effet, une appréciation différente pourrait avec quelque raison, penser que ces établissements ouverts à l'initiative des comités locaux de développement, constituent le reflet du dynamisme insufflé dès 1990 par les lois ouvrant la voie à l'ère du libéralisme. Aussi, Séverin Cécile Abéga, tout en s'interrogeant sur la survie de ces initiatives prises dans un contexte de misère effrénée, a pu conclure que : « le problème fut aussi politique, celui des droits de l'homme et des libertés individuelles puisqu'on voit comment une population habituellement indexée pour sa résistance à la scolarisation et sa `mentalité» a pu à partir d'un changement politique, exprimer son dynamisme dans un secteur où elle était défavorisée » (ibidem : 132) Le fait que la situation n'est guère changée aujourd'hui52 est la preuve que l'école n'est pas encore perçue et vécue par la majorité des populations comme une réalité intégrée ou naturelle. D'une manière générale, les manifestations et causes de la crise des systèmes éducatifs sont à la fois internes à l'école, en même temps qu'elles s'expliquent par son environnement défaillant. C'est que « les choix éducatifs ont fondamentalement une dimension politique qui conduit à des arbitrages entre les intérêts et des finalités opposées » (Hugon) Et si l'on peut observer qu'en dépit des efforts croissants consacrés à la scolarisation, la formation du capital humain n'a guère conduit à une réelle croissance économique, c'est peut-être parce que les régimes « néo-patrimoniaux », obstacle à l'émergence d'un État de droit véritable, n'ont pas été véritablement gommés en Afrique.

De l'avis de Joël Bertrand, une meilleure compréhension de l'éducation en Afrique pourrait passer par la considération du mode de fonctionnement des sociétés dans lesquelles s'insèrent ces systèmes éducatifs. A cet effet, si l'on convient avec Médard que le néopatrimonialisme53 constitue la caractéristique essentielle des sociétés sub-Sahariennes, l'on

52 Magloire Kede Onana dans son ouvrage paru en 2007 aux éditions l'Harmattan présente un tableau identique du septentrion où les jeunes enfants scolarisables passent l'essentiel du temps derrière le bétail, où les parents continuent à résister d'envoyer leurs filles à l'école, et où l'on est parfois obligé en échange de leur distribuer des produits PAM (Projet Alimentaire Mondial) pour qu'ils acceptent

53 A comprendre l'effacement de la distinction entre sphères publique et privée, et un de ses corollaires qui est l'utilisation des positions dans l'appareil d'État comme canaux de redistribution de la ressource nationale

comprend le rôle majeur de l'État qui s'est institué comme l'acteur économique exclusif captant et organisant la distribution de la richesse du pays sur le mode clientéliste au profit de l'élite installée aux commandes. Instrumentalisée par la reproduction élargie du système, l'éducation l'est également du fait qu'elle sera mise au coeur de ce qui garantirait la paix sociale, à travers la légitimation du phénomène de différenciation entre élite privilégié et masse de la population. Un tel phénomène d'extensibilité continue de l'élite, qui s'appuyait sur l'absorption constante des nouveaux diplômés peu nombreux face aux besoins immenses des pays nouvellement indépendants, valait dans un contexte d'expansion économique continu. Mais lorsque la crise surgit, que la ressource se fait rare face à une implosion démographique croissante, les perspectives se renversent ; et ce qui est généralement considéré comme une crise de la baisse des ressources, peut aussi se présenter comme celle du système54. Et parce que la fonction de sélection sociale de l'éducation subordonne celle de formation des Hommes au plein sens du terme, « nombre de dysfonctionnement qui peuvent être observés tiennent moins au système éducatif lui-même qu'ils ne renvoient au social dans sa globalité. C'est-à-dire au politique, dans son sens le plus plein » (Bertrand)

4. L'EPT : MYTHE OU RÉALITÉ ?

L'engagement pris par la communauté internationale en faveur de la perfection de la société des savoirs est une initiative à saluer, en ce sens qu'elle est une preuve que les acteurs internationaux ne restent pas insensibles aux grands problèmes contemporains. Cet engagement traduit également la volonté des uns et des autres à mener une lutte sans merci aux fléaux dont fait face l'humanité. Or tout au long de son histoire, cette dernière nous a toujours démontré que rien ne peut vraiment stopper la détermination des hommes engagés ensemble dans la réalisation d'une oeuvre humaine. L'EPT ne restera un mythe que si les différents acteurs s'abstiennent de revisiter leurs systèmes de valeurs respectifs pour la réalisation du « bien commun », s'ils n'acceptent de sacrifier des logiques individualistes sur l'autel de l'intérêt supérieur de l'humanité. A l'inverse, elle sera une réalité à partir du moment où l'on parviendra à mettre la locomotive des projets sur les rails du développement participatif.

En effet, les difficultés sus-évoquées pourraient être transcendées dès lors que l'action de développement est conçue comme « un processus d'apprentissage inséré dans un ensemble

54 Et notre auteur de prendre l'exemple des familles rurales pour qui l'éducation des enfants est un investissement social, l'espoir d'une mobilité sociale par délégation. Or à partir du moment où cette voie semble bouchée, il devient difficile pour les parents essoufflés par la crise, de continuer à y investir

de processus décisionnels effectués par les différents sociaux engagés dans le déploiement d'un dispositif de développement » (Tommasoli, op.cit : 214) Ici, la mise en oeuvre au cours des programmes, des mécanismes de rétroaction à même de rendre opérationnelle l'expérience acquise, est indispensable.

Tout le débat lancé autour de la politique camerounaise de coopération est relancé ici dans la mesure où c'est au sein de son territoire qu'un certain nombre de projets relatifs à l'EPT est sensé s'appliquer. D'où tout l'intérêt de l'approche décisionnelle. Car la décision ne devrait uniquement pas s'arrêter sur le choix d'une option parmi les possibilités envisageables. Décider, c'est inclure également la recherche permanente des informations nouvelles capable de provoquer une correction progressive des choix adoptés sur la base de ces informations. La difficulté avec la planification, c'est qu'elle présuppose un décideur rationnel capable d'opérer des choix optimum à partir des données mises à sa disposition. Pourtant, la réalité à modifier est sans cesse fluctuante, mouvante et complexe qu'elle récuse toute rationalité linéaire.

Pour parvenir réellement à l'EPT, il n'est pas nécessaire de changer le cadre existant. Il s'avère juste essentiel d'y inclure le principe du développement participatif qui « met particulièrement l'accent sur le caractère procédural et flexible de la planification, sur la nécessité de se confronter continuellement avec les acteurs sociaux engagés, à différents titres, dans une intervention, et sur l'opportunité de définir des dispositifs de changements qui constituent, de façon consciente, des terrains de dialogue et de confrontation entre les différents savoirs » (op.cit : 223) A cet égard, il s'oppose aux schémas de planifications rigides observés au sein des institutions en charge de la promotion de la coopération. (Idem) L'intérêt d'une approche participative est essentiel dans la promotion de la coopération intellectuelle envisagée au sein de l'UNESCO en ceci qu'elle joue un rôle analogue à celui que Blaise Pascal et Maurice Kamto assignent à la pensée. A savoir être apte à percevoir derrière l'illusion, ramener constamment à l'essentiel dans l'ordre des sociétés humaines. La pensée tout comme le développement participatif fait la grandeur de l'homme. Et si elle nous semble indispensable pour le bon déroulement du processus d'EPT, c'est parce qu' « il faut que soit réduite à l'irréductible la place du hasard dans la gestion du destin des hommes » (Kamto, 1993 :114)

Pour toutes ces raisons nous pensons que le concept d'EPT n'est pas encore appréhendé à sa juste cause. Car comme le rappelle Jacques Maritain, « plus une idée est grande au regard de la faiblesse et des misères de la condition humaine, plus on doit être

prudent à la manier. (...) Et plus attentif on doit être à ne pas demander sa réalisation immédiate » (Ramel, 2OO2 :344)

L'ampleur des changements observés en huit années d'action en faveur de l'EPT, ainsi que l'imprévisibilité croissante des trajectoires du changement, imposent une reconsidération de la notion du temps, « d'un temps qui non seulement s'accélère, mais s'écarte des balises à partir desquelles on l'évaluait » (Laïdi, in Smouts, 1998) Dans la perspective que nous envisageons l'opérationnalisation de l'EPT, 2015 n'occupe plus une place primordiale et cesse d'être le point phare focalisant l'attention des acteurs55. Ce qui est essentiel ici, c'est de s'assurer de la mobilisation de tous les acteurs sociaux actifs quels qu'ils soient, dans la marche concertée et intégrée vers l'EPT. Il s'agit en d'autres termes d'avancer tout en se laissant guider par la voix des autres, surtout les plus marginalisés. Pour être plus clair, notre propos est d'avancer qu'il existe une « affinité élective » entre l'approche participative et l'atteinte des objectifs fixés au forum de Dakar.

Ainsi, reconnaître le caractère construit des modes d'organisation et d'actions collectives, c'est reconnaître le caractère construit des types de changement devant être impulsés par le processus d'EPT. (Crozier, 1977 : 29) Celui-ci ne saurait obéir à une logique d'imposition ou la traduction dans les faits d'un « modèle a priori conçu au départ par des sages quelconques et dont la rationalité devra être défendue contre les résistances irrationnelles des acteurs » (ibidem) Le changement dans la perspective de Crozier, « n'est ni le déroulement majestueux de l'histoire dont il suffirait de reconnaître les lois ni la conception et la mise en oeuvre d'un modèle plus `rationnel» d'organisation sociale. Il ne peut se comprendre que comme un processus de création collective à travers lequel les membres d'une collectivité donnée apprennent ensemble, c'est-à-dire inventent et fixent de nouvelles façons de jouer le jeu social de la coopération et du conflit, bref, une nouvelle praxis sociale, et acquièrent les capacités cognitives, relationnelles et organisationnelles correspondantes. C'est un processus d'apprentissage collectif permettant d'instituer de nouveaux construits d'action collective qui créent et expriment à la fois une nouvelle structuration du ou des champs ». (Idem : 30) Enfin, « ce n'est pas tant la rigueur des principes, la rationalité du modèle proposé ou la pureté des intentions qui commandent les résultats d'une action et d'une réforme, mais l'impact de celle-ci sur les mécanismes de jeux, les construits et les pratiques et comportement réels qu'ils recouvrent afin d'en comprendre le rôle et la signification dans

55 Rappelons nous que dans le cadre de Jomtien, l'année 2000 constituait l'échéance. Or plus on s'y rapprochait, plus les engagements pris étaient renvoyés aux `calendes grecques'

l'ensemble social et d'en mesurer la force de résistance et la capacité d'évolution » (Idem : 31)

Au bout du compte, l'Afrique ne pourrait traduire le mouvement international en faveur de l'EPT au mieux de ses intérêts qu'en « organisant ses capacités de gouvernement et de développement avec une forte consistance temporelle ». Ce qui passe nécessairement par la mise en oeuvre des Plans d'Actions Nationaux (PAN) récusant « le temps des rentes et les rentes de temps, favorisant l'émergence d'un temps propulsif et compétitif en phase avec le temps mondial et sortant de l'historicité autoritaire » (Owona Nguini) Le temps inerte et coagulé qui semble construire son lit au sein des mécanismes d'EPT, devrait céder la place au temps motorisé et autonomiser à même d'insuffler une nouvelle dynamique, non seulement aux engagements pris à Dakar, mais aussi à l'ensemble des programmes de développement opérationnalisés quotidiennement au sein des États membres. Dans le chapitre suivant, nous allons explorer quelques uns de ces programmes financés au sein du territoire camerounais.

CHAPITRE IV :

LES DIFFICULTÉS FONCTIONNELLES DES RELATIONS
CAMEROUN-UNESCO : ÉTUDE DE QUELQUES
PROGRAMMES DE FINANCEMENT

Tout problème matériel, affirme Crozier, comporte toujours une dose significative d'incertitude. (op.cit : 20) Une telle constatation nous met en éveil sur l'inexistence d'un système social entièrement réglé ou contrôlé, la transparence sociale étant quasiment impossible parce qu'il n'existe pas de champs neutre et non structuré. (Idem : 177 et 25) Le présent chapitre, qui se propose de poser un regard objectif sur un certains nombre de projets de financement réalisés par et/ou avec la participation de l'UNESCO, voudrait revisiter le rôle joué par les acteurs individuels ou collectifs composant le système social sensé opérationnaliser lesdits programmes. Aussi convient-il de commencer par des programmes qui participent du renforcement de l'éducation formelle, et poursuivre ensuite par ceux relatifs à un domaine particulier de la communication.

SECTION PREMIERE : LES PROGRAMMES DE FINANCEMENT COMPLEMENTAIRES A L'ÉDUCATION.

Nous étudierons tour à tour le Centre des Ressources Éducationnelle de Ngoksa et la vulgarisation des kits micro sciences au sein des établissements secondaires du Cameroun.

PARAGRAPHE I : UN PROJET RELATIF A L'ÉDUCATION INFORMELLE : LE RÉSEAU DU CENTRE DES RESSOURCES ÉDUCATIONNELLES (RECREE) DE NGOKSA

A. DE L'ORIGINE DES CREE EN AFRIQUE...

Avec l'appui des gouvernements de différents pays et la FMACU, la BREDA suite à la conférence de Jomtien va lancer une initiative consistant à favoriser l'essor de l'alphabétisation et de la post-alphabétisation dans les pays africains au sud du Sahara à travers les Centres de Ressource Educationnelles (CRE). Chemin faisant, les premiers CREE furent créés au Sénégal grâce à l'appui financier des partenaires internationaux, à l'instar du Centre UNESCO Nederland d'Amsterdam, de la Fédération japonaise des Clubs UNESCO, du Club UNESCO de Neuss en Allemagne et du Zonta Club de Maasttricht. Nés dans le cadre d'un mouvement intitulé « la Caravane de l'Alphabétisation », qui consistait à organiser des foires matérielles didactiques à travers toutes les régions du Sénégal, le besoin de laisser une « trace » dans chaque village d'étape où a eu lieu la foire s'est immédiatement fait ressentir : dix CRE furent ainsi implantés entre 1990 et 1995 dans les dix régions du Sénégal.

Force et de reconnaître que ce n'est qu'après 1995 que ce mouvement viendra susciter un certain intérêt dans d'autres pays, notamment le Burkina Faso, la Gambie, la Guinée, le Mali, la Mauritanie et bien évidemment, le Cameroun.

A l'exception de la Guinée et du Cameroun, tous les CRE sont construits selon le même modèle architectural, et quel que soit son lieu de localisation, la philosophie que sous- tend l'action des CREE est avant tout celle des Clubs UNESCO à savoir : « promouvoir les droits de l'homme et les idéaux de l'UNESCO par l'éducation, la science, la culture et la communication ». En effet, et comme l'indique ses promoteurs nationaux, l'action des CRE est guidée par la conviction profonde que la promotion des masses déshéritées et la lutte contre la pauvreté ont un impératif : l'investissement dans le capital humain par l'éducation, la promotion de la santé et l'appui à des activités génératrices des revenus.

Ce faisant, les objectifs et activités du CRE, en plus de la promotion des idéaux de l'UNESCO, se focalisent pour l'essentiel sur les activités d'alphabétisation et de post-

alphabétisation au profit des populations péri-urbaines et villageoises environnantes afin d'améliorer les conditions de vie de celles-ci. Aussi, une bibliothèque de référence vient-elle offrir la possibilité à ces derniers « d'exploiter les notions élémentaires de lecture acquises, de transformer leur savoir en savoir-faire et en savoir mieux vivre et, par conséquent, de s'autoformer tout au long de leur vie »56

Pour ce qui est des principes d'organisation, ces Centres gérés par les Clubs UNESCO sont censés être autonomes et organisés en réseau national (si plusieurs CRE existent dans un pays), même s'ils peuvent être appuyés par une structure ad hoc tripartite nationale, composée de représentants du Gouvernement et de l'intergouvernemental. Le développement des CREE est également soutenu par un partenariat aux niveaux local, national et même international.

B. ...AU CENTRE DE RESSOURCE EDUCATIONNELLE DU CAMEROUN

Situé en milieu rural à environ 100Km dans l'arrondissement de Ebebda, département de la Lékié57, le RECRE du Cameroun est une structure d'éducation non formelle, d'alphabétisation fonctionnelle et de post-alphabétisation rattachée à la Fédération Camerounaise des Clubs UNESCO (FECA-CLUBS). Inauguré en 1996, le Centre avait, entre autres, la mission d'impulser et de conduire à l'émergence des CRE au sein des autres régions nationales et sous régionales.

A l'instar des autres Réseaux, le CRE de Ngoksa s'est fixé pour principaux objectifs de promouvoir au sein des populations rurales, la participation aux actions d'alphabétisation et de développement ; de créer un cadre d'épanouissement pour ces activités et en rendre le matériel disponible ; de promouvoir une large participation et une concertation entre divers partenaires de l'éducation non formelle et de l'alphabétisation fonctionnelle ; et enfin de contribuer à la vulgarisation des idéaux des Nations Unies.

Pour y parvenir, il a été mis sur pied une stratégie développée par le RECRE, et qui reposait sur trois principes à savoir : la réalisation de CRE à travers les différentes régions du pays ; l'organisation de foires de matériels didactiques et de lecture et la célébration des journées internationales ; enfin, la mise en place d'un central documentaire en langues nationales et officielles. Une panoplie d'activités pédagogiques s'est ainsi vue développées autour des modules allant de l'alphabétisation, culture et loisir, à la construction et

56 Tirée de la revue de la Commission nationale camerounaise pour l'UNESCO, 2005 : 129.

57 Dans la province du Centre, à 1h30 min de route à partir de Yaoundé.

équipement, en passant par la santé, l'environnement, la famille et développement, travail et gestion, et même la presse rurale.

C. LE CRE DU CAMEROUN : QUEL BILAN AUJOURD'HUI ?

A notre arrivée sur le site, le Centre était fermé et semblait en panne d'activités depuis un bon moment. Ce qui nous a obligeait à changer de méthode d'investigation, en commençant par cueillir des informations auprès des riverains. Les informations recueillies sur place (à Ngoksa) auprès des populations cibles, ainsi que les éclaircissements des principaux protagonistes, nous ont permis d'évaluer les activités du CRE en deux périodicités :

La première étape que nous pouvons qualifier d' « euphorique » couvre la période allant de 1996 jusqu'en 2003. Elle se caractérise pour l'essentiel par une atteinte partielle, sinon parcimonieuse des objectifs fixés.

En effet à sa création en 1996, le CRE de Ngoksa dont la première a été posé par le Pr BIPOUM WOUM alors Ministre, a suscité beaucoup d'engouement et d'espoir aussi bien au sein des populations riveraines que dans l'esprit de ses promoteurs. Prévu comme Centre pilote rurale en Afrique centrale, il était perçu par les populations de la localité comme une « aubaine » qui vient « régénérer les emplois au niveau du village », en plus d'être un instrument de lutte contre l'analphabétisme dans un pays qui ne compte pas moins de 5 millions d'analphabètes.

Dès mai 1997, le réseau a organisé un séminaire sur l'alphabétisation, la santé et la technologie en milieu rural au CRE de Ngoksa, en même temps qu'il a édité le bulletin d'information « RECRE NEWS » (qui n'a pas vraiment vu le jour). A cet effet, le Centre s'est vu disposé des livres de tout genre, avec une pluralité de dons aussi bien en espèce qu'en nature, provenant des donateurs extérieurs et nationaux.

Financé et construit par l'UNESCO avec la participation des partenaires internationaux, la construction de l'édifice abritant le CRE du Cameroun a mobilisé les fonds allant aux alentours de 20 millions et demi, soit 18 pour la maison et 2,5 pour la plaque.

L'année 2002 constitue, à en croire les populations autochtones, celle du plus grand événement, ayant attiré la foule la plus importante. Il s'agissait du projet de sensibilisation de lutte contre le sida, financé par l'UNESCO Dakar au taux de 1 500 000 Fcfa, en présence de

« l'animateur58 ». Une douzaine de villages étaient représentés dans cette cérémonie qui s'était matérialisée par des « sketchs portant des messages, partage des préservatifs et brochures », ainsi que nous le relate un autochtone. Mais force est de constater qu'il en ira autrement après 2003.

Depuis lors, il n'y a plus eu d'événement, le CRE étant devenu comparable à un musée. Il s'agit en effet d'une période « morte ». Et pour avoir une idée des raisons d'un tel délabrement, écoutons plutôt les explications de l'actuel président qui également est resté l'unique membre du CRE, du moins ce qu'il en reste :

La dernière journée de manifestation ici est celle de l'alphabétisation tenue en 2003. Depuis lors, nous n'avons plus eu aucune trace de l'UNESCO (...) Depuis sa création, le CREE n'a eu qu'un seul animateur qui relevait du Ministère des Sports. Ce dernier est reparti sans avoir fait un an.

Le Japon avait donné une somme de 19 millions qui n'a pas été bien géré, tout ce que nous avons reçu de ce financement étant un vieux téléviseur, un vieux magnétoscope et une renéyo neuve. Lorsque le premier Secrétaire de l'Ambassade du Japon est venu vérifier si l'argent était utilisé à bon escient, l'ancien président de la CACU et mon prédécesseur ont tenté sans succès d'amener la population à donner des fausses informations. D'où notre diplomate est rentré « déçu ». Pire encore, d'autres dons offerts par les Pays-bas et la Chine avaient été détournés. Et pendant la journée mondiale de l'alphabétisme, les responsables avaient reçu 1000 dollars pour sa célébration au sein du CRE. Mais tout ce que l'on a bénéficié, ce sont les grands discours, avec un « représentant » de l'UNESCO et certaines autorités du village, des travaux de teinture, un match de football et.... Un petit cocktail pour tout le monde (trois fois depuis 1999)

L'animateur qui était à la base de toutes ces machinations avec ses « complices de Yaoundé » est allé à Dakar (à la place du Président qui est sensé former la population). Du retour, il a bloqué tout à Yaoundé, à savoir : un peu plus de 1 million, les livres pour le Centre (entre 80 et 90), et les balafons.

Ce long plaidoyer fait par ce personnage déçu caractérise bien ce qu'est devenu aujourd'hui ce Centre qui était censé être la locomotive ou tête de prou des autres Centre d'Afrique centrale : un édifice abandonné dans un état de délabrement criarde qui confine à la dérision. Et même si nous nous refusons de considérer ses propos comme étant des « paroles d'évangile », il reste tout de même que pour un bureau qui, au départ, comprenait une dizaine de personnes, nous n'avons trouvé sur place que ce président qui fait la propreté tout seul (pour la sécurité du matériel, nous a-t-il confié), tout en recevant des intrigues plus ou moins déplacées de ses « frères » dont certains vont jusqu'à dire qu' « il est seul parce qu'il veut « manger » seul ». Or, ce que nous avons trouvé sur place, c'est la déception d'un homme soucieux du développement de sa localité qui garde espoir même lorsqu'il n'y a plus grand- chose à espérer. Déception qu'il laisse percevoir lorsqu'il nous confie qu' « une radio rurale (bien avant celle de Mbalmayo) était prévue, ainsi qu'une auberge : autant de projets tombés

58 Agent de l'Etat envoyé par le Ministère de la Jeunesse pour animer le Centre, mais qui finalement se fera remarquer par des talents d'usurpateur, du moins de l'avis des populations locales.

dans l'eau ». Déception qu'il raconte nostalgiquement à travers ses déboires passés : « au Séminaire du CRADAT, le représentant togolais percevait une prime de 250 000, celui du Sénégal n'avait pas moins de 150 000. Ils ne m'auraient pas cru si je leur avais dis qu'en tant que représentant du Cameroun, pays hôte, je n'avais rien reçu ». Et notre « ami » de conclure que l'échec du CRE est imputable « aux gens de Yaoundé » !

L'espoir, il l'a gardé dans la mesure où il continue à « faire le ménage » tout en « s'occupant du matériel ». Aussi, va-t-il profiter de notre présence pour lancer un « appel de détresse » à Désiré AROGA : « un problème grave se pose. Les locaux risquent d'être cédés à la gendarmerie, les commandants de brigade de Ebebda, Sa'a et Monatelé sont venus prospecter les lieux et m'ont demandé d'évacuer les livres ». Cet appel a-t-il vraiment été reçu par les autorités de Yaoundé ?

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L'euphorie se caractérise généralement par une impression de bien être collectif qui se confond à un sentiment de satisfaction et d'optimisme. Mais très souvent, cette même euphorie qui suscite beaucoup d'espoir se solde généralement par des déceptions, du fait des acteurs véreux et opportunistes qui savent se jouer des conjonctures pour réaliser des gains personnelles, ceci au détriment de l'intérêt général. En effet, il s'agit des personnages issus, si ce n'est fabriqués par le « système » et qui savent se servir des passerelles ouvertes par ce système qu'ils maîtrisent en même temps qu'il les « maîtrise ». Avertis, ils savent que l'euphorie produit la passion qui à son tour créé un cadre favorable aux entreprises obscurantistes, couvertes elles-mêmes par ladite euphorie. Un tel cadre permet donc à nos « entrepreneurs » opportunistes de siphonner progressivement le fruit des efforts provenant des oeuvres de bonne volonté. Avisés également, ils se servent des imperfections spécifiques à chaque environnement pour réaliser leurs objectifs qui sont autres que ceux escomptées par les donateurs. Parmi ces limites nous pouvons citer entre autres : population désinformée et mal organisée, quasi inexistence de la société civile, méconnaissance par des acteurs des réalités locales etc.... En bref, c'est tout aspect effiloché, caractéristique du tissu social camerounais qui ici est mis à nu. La trame n'en étant pas « bien serrée parce que l'État ne s'est pas appliqué à faire naître la nation » (Abéga, op.cit : 193)

Le fait est que l'absence du citoyen qui caractérise le Cameroun est d'abord celle de la chose publique. En l'absence d'un système de contrôle efficace, soit par la base, soit par le système lui-même, l'individu multiplie des zones d'incertitudes afin d'engranger des bénéfices personnels au détriment de l'intérêt collectif. Ces pouvoirs informels ayant pris des proportions inquiétantes au sein de la machine administrative camerounaise, l'on « assiste ainsi à un grignotage progressif de l'État par les appétits individuels » (idem, 59) Si bon nombre d'auteur sont unanimes sur la faiblesse de l'État, certains identifient un besoin d'éducation et de formation du citoyen, tandis que d'autres pensent à l'urgence d'un mécanisme de contrôle impliquant la société civile, allié objectif de l'État dans la réalisation de l'intérêt du citoyen. Exprimé autrement, « l'État, pour sa propre survie, doit soutenir la société civile » (idem)

Le RECRE de Ngoksa, ainsi que nous le confiait Désiré AROGA, s'est écroulé avec le départ de ses promoteurs parce qu'il n'y a pas eu une véritable appropriation du projet par les populations, et du défaut de management. Autre raison évoquée par le Président de la FECACU est que le CRE ayant précédé le club, il s'en est suivi de sérieux problèmes de financement. Mais d'après toute vraisemblance, les difficultés de financement ne font que venir se greffer sur un phénomène plus révélateur constamment mis en relief par l'anthropologie de développement. C'est que la mise en place du CRE obéit à ces types de programmes imposés d'en haut, sans une consultation préalable des aspirations profondes de la société. Ce type de programme généralement se fonde sur une série de suppositions erronées quant aux caractéristiques socioculturelles et économiques des sociétés riveraines, sans études anthropologiques préalables. Or « pour être les auteurs de leur propre destin, les bénéficiaires devraient prendre conscience de leurs propres conditions de vie, non pas par des médiations politiques mais par une compréhension de leurs besoins de développement » (Tommasoli, op.cit : 110) Fort heureusement, l'environnement des relations Cameroun- UNESCO est également révélateur de projets suscitant de grandes espérances. Le financement des kits micro sciences en fait peut-être parti.

PARAGRAPHE II : LE CAS DES KITS MICRO SCIENCES : UN PROJET PORTEUR ?

Promouvoir une approche matérielle et pédagogique à faible coût constitue l'élément stimulateur des initiateurs du programme de vulgarisation des kits micro sciences au sein des lycées camerounais d'enseignement général. Par kit micro science, il faut entendre l'ensemble

des éléments constitutifs du matériel des laboratoires scientifiques et qui montés reflètent l'image desdits objets, mais en des unités extrêmement petites. Leur utilité est de permettre aux établissements dépourvus de véritables laboratoires scientifiques, d'offrir une passerelle de formation pratique complémentaire à l'enseignement théorique. Toutefois au Cameroun, ce programme connaît une évolution particulière.

A. HISTORIQUE.

Démarré de manière informelle en 1998 avec l'aide de l'Afrique du Sud à qui nous devrions en reconnaître la paternité, le projet des kits micro science sera par la suite apprécié par l'UNESCO qui décidera d'en assurer la promotion.

Au départ, il était question d'un centre de micro science en Chimie, centre dont la mise sur pied a été possible par décision du Ministère de l'éducation camerounaise en 2000. C'est ainsi qu'un Séminaire inaugural regroupant les Ministres de la CEMAC, sous le thème : « être ou ne pas être » va se tenir au Cameroun, point focal pour la promotion de la micro science dans la sous région. Chemin faisant, suite à une recommandation faite à l'UNESCO par la Conférence des Ministres de l'Éducation des pays de la CEMAC, à l'occasion de la visite officielle du Directeur général de l'UNESCO, le Bureau régional, ainsi que le reconnaîtra Bernard HADJAD, depuis lors va appuyer le projet de formation des enseignants des disciplines scientifiques. Ce projet qui ne vise autre chose que la vulgarisation de l'expérimentation scientifique à l'école, à l'aide des kits de micro science, est développé par le Centre d'excellence des expériences de micro science sis au lycée Leclerc de Yaoundé.

A cet effet, plusieurs Séminaires financés avec les fonds japonais ou de l'UNESCO vont se dérouler au Cameroun, Tchad et en Centrafrique. Pris en compte dans le budget de l'État, le centre camerounais assurera également l'expertise de formation des formateurs de la sous région (Gabon y compris).

B. SITUATION ACTUELLE

Centre de Catégorie II sous l'égide de l'UNESCO, son statut juridique connaît cependant des retards du fait de l'éclatement du Ministère de l'éducation nationale. Et comme nous le confiait le coordonnateur du programme, Mr TETOUOM, en septembre 2008, « l'on attend le décret présidentiel qui devrait sortir incessamment, afin que le dossier aille à la prochaine Conférence générale, pour être pris en compte dans la stratégie de 2009 ». De

manière précise, ce dossier qui doit être étudié dans le cadre du Conseil exécutif de l'UNESCO, devrait également mobiliser davantage les principaux acteurs de la diplomatie camerounaise, compte tenu des avancées, avantages et enjeux d'un tel programme.

Car en effet, les kits, aux dires du coordonnateur, sont présents dans près de 70% des lycées et collèges. La sensibilisation ayant été faite, poursuit-il, il reste que les chefs des différents établissements puissent se rapprocher du Centre, en vue d'en commander. Le matériel étant subventionné au niveau des fournisseurs Sud-africains et Anglais, qui de ce fait, participent également à l'expansion de la micro science. Et qui plus est sous le prix catalogue, la remise originelle est de 30%, avec l'exonération elle va de 40 à 50% au sein de la CEMAC.

Il faut dire que très peu de lycées au Cameroun disposent de laboratoires scientifiques. Et même pour les établissements qui en disposent, à l'instar des lycées Leclerc, d'Obala, Bilingue et de Nkol Éton, l'on rencontre d'énormes difficultés. Pour ce dernier par exemple, et comme nous l'explique ce Professeur des sciences physiques, la Volumétrie nécessite certains dosages au cours desquels on mesure des volumes. Il s'agit du dosage doxydoréduction et du dosage acydo-basique. Le matériel existe pour la réalisation des dosages à grande échelle. Or rien n'existe pour la micro chimie, les produits étant finis depuis quatre années. A cela il faut ajouter le fait qu'un seul laboratoire très souvent s'avère insuffisant dans un contexte où les effectifs sont sans cesse croissants.

C'est donc dire que les kits micro sciences sont indispensables aussi bien pour les établissements disposant des laboratoires que pour ceux qui n'en disposent pas. En général, lorsque les kits sont épuisés, il incombe aux chefs d'établissements d'en recommander au niveau du Centre d'excellence situé dans l'enceinte du lycée Leclerc. Bien entendu, ces derniers le font à partir des délibérations issues du Conseil d'enseignement qui permet aux enseignants d'exprimer leurs doléances.

C. POSITIONS DES PRINCIPAUX PROTAGONISTES59

Du point de vue du coordonnateur Mr TETOUOM, la volonté y est, mais les moyens ne suivent pas toujours. Aussi pour ce dernier, « le décret présidentiel est vivement attendu, afin qu'il y ait un changement significatif : cadre juridique approprié, institutionnalisation véritable pour que le Centre reste viable, même après le départ du coordonnateur ».

59 Nous regrettons le fait que faute de temps considérable, une étude systématique auprès des élèves des différents établissements n'ait été effectuée. En outre, les établissements privés et les zones rurales restent les parents pauvres du projet. Une impression générale se dégage tout de même au sein des élèves ayant eu l'opportunité d'expérimenter les kits micro sciences : celle d'une meilleure assimilation du cours, mais ceci à condition que l'enseignant en maîtrise la manipulation.

Professeur des Sciences Physiques en service au lycée de Nkol Éton depuis 2002, Mr TEDONGMEZA FOMEKON Alphonse pense qu'en dépit des subventions, les prix restent encore assez élevés, à l'instar du kit de micro chimie qui coûte 270 000 Fcfa. Et « au lieu que l'État laisse l'acquisition du petit matériel à la charge des chefs d'établissements, faudrait qu'il l'acquiert et en distribue dans tous les établissements, tout en rendant l'utilisation obligatoire (...) A l'examen, la manipulation des Travaux Pratiques, Sciences Vivantes de la Terre et Chimie doit être obligatoire »

Parmi les problèmes que pose l'utilisation des kits micro sciences, le recyclage des enseignants occupe un pôle position. Car plusieurs parmi ceux-ci, à l'instar des anciens, passent des années sans utiliser ce matériel. Et même si l'ENS aujourd'hui fait des efforts d'envoyer les futurs enseignants dans les Centres d'excellence, il n'en demeure pas moins que plusieurs n'y ont jamais été formés. Bien plus, après la formation, il faudrait trouver le matériel dans le lieu affecté, sinon on finit par oublier au fil du temps.

A côté du recyclage, le problème de la conservation des kits se pose également. Si le problème du recyclage est compensé partiellement par l'existence des « bassins pédagogiques » supervisés par un inspecteur, il en est autrement pour ce qui est de la conservation. Suivons à ce sujet les propos de cet enseignant du lycée de Biyem-assi : « les kits sont ici à leur troisième année d'utilisation. Mais le problème de conservation se pose gravement, pour faute de salle ». Aussi sont-ils souvent conservés au sein des armoires. Et lorsque l'on sait que ce matériel n'est généralement pas en quantité suffisante, « la conservation est un véritable problème ! On recommence à zéro chaque année, d'où le nombre ne parvient pas à croître ».

De manière générale, bon nombre d'enseignants réclament une prime d'expérimentation, car disent-ils, la préparation d'une manipulation (expérimentation) prend un temps considérable, comparée à la manipulation proprement dite. Aussi doivent-ils être dans l'enceinte des établissements avant le cours, afin d'y préparer. La conséquence directe ici est que plusieurs enseignants en sciences physique ne manipulent pas ! Aussi Mr EDJODJOMO, jeune enseignant suggère l'imposition des séances de manipulation surtout pour les encadreurs de classes scientifiques, car selon lui, il ne fait aucun doute que la manipulation est mieux que le cours théorique. Or plusieurs enseignants ne la maîtrisent pas véritablement (pratiquement 5 sur un total de 16), d'où parfois l'élève ne fait qu'imiter plutôt que de maîtriser.

C'est dire enfin que le succès du programme de financement des kits micro science dépend des efforts conjugués des pouvoirs publics et de l'UNESCO à favoriser la

vulgarisation du matériel dans « tous » les établissements nécessiteux. Il est également fonction de l'engagement des chefs d'établissements et de la capacité des enseignants à pouvoir s'en servir. Ainsi seulement, pourrait-on éviter la détérioration du matériel, comme ça été le cas il y a trois ans au lycée de Biyem-assi, pour manque d'enseignants qualifiés. Et l'on y revient souvent lors des Conseils d'enseignant toutes les quatre semaines. Finalement, il s'agit tout de même d'une initiative à saluer dans la mesure où elle participe à l'impulsion du développement de la sous-région, à l'instar du financement des radios rurales.

SECTION II : LES PROGRAMMES RELATIFS A UN SECTEUR PARTICULIER DE LA COMMUNICATION : CAS DU FINANCEMENT DES RADIOS COMMUNAUTAIRES

Au moment où la société internationale est de plus en plus poussée par une interdépendance complexe, alors que la révolution dont connaît le système international est d'abord celle de l'information, l'être humain plus que jamais a besoin de la communication pour devenir «Homme» au plein sens du terme. Déjà par nature, observe Norbert Élias, tout individu naît normalement avec un « appareil phonique » qu'il contrôle personnellement, lequel instrument lui permet également de s'exprimer. Par nature également, poursuit l'auteur de La société des individus, « l'homme a (...) non seulement la capacité de s'adapter à la communication avec ses semblables, mais aussi -et toujours par nature- le besoin ». (Élias, 1987 : 78) L'homme qui va focaliser l'attention des promoteurs des radios communautaires fait partir des plus marginalisés des sociétés sub-sahariennes. Ces programmes visent essentiellement les « cadets sociaux » énoncés par Bayart, surtout les populations vivant dans les zones reculées, celles là même chez qui existent un besoin pressant de communication.

Expérimentés en 1999 à Kothmale au Sri Lanka, les centres communautaires multimédias (CCM) qui combinent une radio communautaire avec un télécentre et des équipements en ligne, permettent d'offrir un modèle d'accès communautaire intégrateur et peu coûteux. Ce concept qui aujourd'hui est reconnu et adopté par nombre d'autres partenaires du développement, communautés et institutions, fait l'objet au Cameroun d'une coopération « particulière » entre ses promoteurs (UNESCO) et les autorités publiques. Le projet des radios rurales qui a permis jusque là une mise en place de seize radios communautaires au Cameroun se justifie par le rôle primordial reconnu au monde rural et à l'action communautaire dans le développement. Aussi convient-il ici de s'en tenir à deux cas,

lesquels nous permettrons de jeter un pan sur l'environnement national et même sous-régional du devenir des médias communautaires en Afrique centrale.

PARAGRAPHE I : LES RADIOS RURALES DE SA'A ET DE MBALMAYO

« Conçus pour encourager la participation d'un large échantillon représentatif de niveau socio-économique, d'organisation et de groupes minoritaires ou sous-cultures au sein d'une même communauté », le projet des médias ruraux et communautaires est le fruit de l'effort conjugué de l'UNESCO et des partenaires au développement, ainsi que des pouvoirs publics et de la société civile camerounaise. Facteurs de changement social à même de stimuler le développement endogène, les mass médias, comme cela est reconnu en milieu urbain, permettent le renforcement des capacités de communication et d'analyse des individus en zone rurale, en même temps qu'elles renforcent leur participation à la gouvernance démocratique. (BEPI POUT et BEND, 2005 : 238) Il convient de commencer par la toute première radio financée sous l'égide de l'UNESCO, avant de poursuivre par l'une des toutes dernières, qui est également l'un des produits de la radio mère de Mbalmayo.

A. LA RADIO DES FEMMES DE MBALMAYO

Produit de la coopération UNESCO-Cameroun avec la participation des partenaires financiers, l'apparition de la radio des femmes de Mbalmayo60 dans le paysage médiatique camerounais est également considérée comme une initiative de la société civile, du fait de l'implication de la Ligue pour l'Éducation de la Femme et de l'Enfant (LEFE). Il faut dire que cette radio qui émet depuis septembre 2000 a pour lourde tâche de constituer la matrice au sein de laquelle devra naître les médias de même type en Afrique centrale. Si la réussite du projet ne souffre d'aucune contestation aux yeux de la coordinatrice Sophie BEYALA, force reste tout de même que la réalité sur le terrain ne relève pas toujours de l'évidence.

1. UN PARI RÉUSSI AUX YEUX DES PROMOTEURS

60 Localité située à 50Km au sud de Yaoundé

Nous sommes le 05 août 2000, Olivia Marsaud, à la veille du fonctionnement effectif de la première radio communautaire financée sous l'égide de l'UNESCO, écrivait dans le journal Afrik-Com : « avec un accent mis sur la santé de la femme et de la jeune fille (...), une programmation à caractère social et largement tournée vers l'action citoyenne, (...) La radio sera dirigée par les femmes de la communauté. Elles ont demandé à intégrer 15% d'hommes dans leur effectif, et ont baptisé la radio «Femme-FM Mbalmayo» ». En effet, dès le mois de septembre 1999, 18 personnes responsables de la gestion de la radio ont été formées, avant d'être suivies en octobre et novembre par des animateurs se spécialisant aux techniques d'animation radiophonique en milieu rural. Pour finir en janvier 2000, dix techniciens parmi lesquels sept femmes et trois hommes, ont reçu la formation nécessaire pour entretenir la radio.

L'UNESCO n'étant pas un bailleur de fonds, il faut noter que ce projet a également vu le jour grâce à la contribution des partenaires financiers tels que le FNUAP, l'UNICEF et surtout le PNUD dont la politique pour accroître la contribution des femmes au développement consiste à aider les gouvernements, conformément aux priorités nationales et aux préoccupations mondiales. Une telle politique consiste à intégrer les femmes et leurs activités de développement et à promouvoir le rôle qu'elles peuvent jouer à cet égard.

L'UNESCO également va s'attacher la collaboration de l'ONG « la ligue pour l'éducation de la femme et de l'enfant ». Aussi prévoyait-elle de cogérer pendant deux années pendant lesquelles elle devait assurer la formation continue des membres, afin que ces derniers assurent la relève dans une totale et parfaite indépendance. « Les petites tracasseries émanant de certains fonctionnaires du Mincom, et qui ont quelque peu freiné le projet, n'ont en rien entamé la foi de Mme BEYALA », peut-on lire dans le journal `'Afrik-com».

Il faut dire que l'UNESCO dans le cadre du PIDC avait octroyé 40 000 dollars en mai 2000 à la création de cette radio dirigée par les femmes de la communauté, radio qui en principe devrait couvrir l'ensemble du département. Bien qu'émettant entre 15 et 18h à ses débuts, notre radio dont l'orientation va se pencher pour l'essentiel vers la femme et la santé de la reproduction, constitue un réel succès aux yeux de sa promotrice : « les femmes profitent de la radio pour dénoncer les choses qui leur paraissent injustes et qu'elles voudraient voir changer. Elles ont compris qu'elles avaient entre les mains un véritable outil de communication ». Et Sophie BEYALA de poursuivre : « c'est une telle réussite que nous avons de plus en plus de demandes d'installation de radio à travers le pays (...) c'est un sujet qui accroche ». Sept années se sont écoulées et les sentiments de notre promotrice

(fonctionnaire international en service au bureau régional de l'UNESCO) sont restés identiques. Bien plus, c'est avec beaucoup de satisfaction et d'optimisme qu'elle nous présentera le bilan parcouru jusqu'à ce jour, un bilan sanctionné par 16 radios dispatchées sur l'ensemble du territoire national (voir tableau en annexe). Mais peut-on véritablement affirmer que la réalité sur le terrain soit aussi accrochante ? Seule une descente sur place nous permettrait d'apporter quelques éléments de réponse à cette interrogation.

2. LA RADIO DE MBALMAYO VUE PAR LES RIVERAINS

2-1. UNE AVANCEE CERTAINE...

Notre décente sur le terrain nous a permis de recueillir les avis des différents acteurs sur le fonctionnement de la radio. La première impression retenue, et qui est d'ailleurs frappante, est que les responsables et animateurs de la radio, partagent les même sentiments que les populations, ce qui créé une atmosphère de solidarité assez solide pour être révélée. Ainsi, une impression générale que nous prenons le soin de regrouper en quelques articulations va se dégager:

- Une grande avancée pour les droits de l'homme, beaucoup de procès ayant eu lieu grâce à l'accès aux femmes à l'information. Une grande avancée également de la démocratie, avec les informations et la vulgarisation sur le calendrier et le processus électoral. Aujourd'hui, le mari ne détient plus le monopole de la prise des décisions relatives au vote, du moins pas comme dans le passé.

- Radio apolitique, l'éducation à la citoyenne requiert une place considérable avec la sensibilisation sur le vote, la possession des cartes d'identité, ainsi que la nécessité de déclarer les naissances des enfants.

- Beaucoup de programmes qui relevaient du « domaine réservé » du gouvernement sont développés ici, à l'instar du projet PPTE sur l'agriculture, où il existe des prix pour les jeunes planteurs, ainsi que sur « la plus belle plantation ».

- Non moins important constituent les décentes sur le terrain en vue de sensibiliser les populations sur la vaccination sur les épidémies telles que la poliomyélite et le sida. Et même si l'on décèle encore des cas de réticences, le changement des comportements étant un phénomène progressif, il faut noter ici que l'information se véhicule par tranche d'âge.

- Enfin dans le domaine de l'éducation, il existe une collaboration « fructueuse » avec le MINEBASE et le MINESEC, surtout dans le cadre de l'aspect genre. De même une émission est réservée aux élèves les mercredi, samedi et dimanche.

Dans l'ensemble, ainsi que nous rappelle cet animateur originaire du Nord-Cameroun, la radio rurale tire un bilan positif dans la mesure où elle reste l'unique radio de cette ville « cosmopolite ». Aussi, un effort est-il effectué en vue de refléter l'ensemble des couches ethniques, ce qui n'est pas rien dans un média où 70% des informations sont diffusées en langues locales. Les fulbé, bamiléké, bassa et autres s'y impliquent en vue d'une meilleure adhésion, ainsi que l'indique le cahier de charge sur la diffusion de l'information.

Ainsi serait-on tenté d'affirmer que la radio communautaire de Mbalmayo est une réelle réussite. A condition de faire abstraction de l'approche anthropologique qui fait du chercheur non un expert, mais celui qui apprend. L'expert dans ce contexte étant la population dont on tire les connaissances. Et de même que « les anthropologues ne peuvent que transmettre ce qu'ils ont appris de leurs maîtres, à savoir de ceux dont ils étudient la culture et les institutions. » (Baxter, cité par Massimo Tommasoli, 2001 :143), de même notre présence sur le terrain nous a permis de déceler quelques « points noirs » dont le développement, si l'on n'y prête guère attention, pourrait considérablement entacher et porter atteinte à l'éclat d'un projet aussi noble que celui de la vulgarisation sur l'étendu du territoire national, des radios communautaires.

2-2. ...EN DEPIT DE QUELQUES DIFFICULTÉS FONCTIONNELLES

En dépit de sa « vraie réussite », témoin de sa bonne santé apparente, la radio de Mbalmayo connaîtrait tout de même quelques difficultés relatives aussi bien à son fonctionnement qu'à son statut juridique.

Le gouvernement camerounais qui signe les conventions de coopération avec les Organisations Internationales, est tenu de créer un cadre juridique favorable au bon fonctionnement des projets et programmes réalisés à l'intérieur de ses frontières. Il en va également pour les radios communautaires dont le statut juridique est indispensable pour un fonctionnement légal, sinon légitime. Or, à en croire le chef de station Irène MBAZOA, l'Accord Cadre, convention de base de coopération relative aux radios communautaires est inexistant, aussi bien au MINCOM qu'au sein du bureau régional de l'UNESCO. Aussi pour cette dame, il est plus qu'indispensable que le « Gouvernement camerounais définisse d'abord le véritable statut des radios communautaires », qui à ses yeux ne sauraient être catégorisées dans le cadre des médias privés. Aussi va-t-elle ajouter : « Jusqu'aujourd'hui, nous n'avons

pas de licence, parce que c'est lourd financièrement, et nous fonctionnons avec des attestations ».

Au niveau du fonctionnement, le besoin d'antennes de relais semble être l'un des plus prégnants, chaque unité administrative nécessitant un minimum de deux. En outre, les responsables décrient l'attitude d'un ministère comme celui de la Promotion de la Femme et de la Famille qui ne collabore presque pas avec la radio.

Les conventions de collaboration et de partenariat, de production et de diffusion, constituent les principales sources de financement, à l'instar des thématiques à produire et à diffuser : « faire du social », c'est ainsi que les animateurs définissent le rôle de la radio qui va jusqu'à lire des communiqués gratuitement, lorsque la circonstance l'impose.

L'équilibre entre l'offre et la demande est un indicateur de la bonne santé économique, dans la perspective libérale. Transposé dans notre cas, un sondage auprès des populations indique un public insatisfait du temps de diffusion (12h-19h) qu'il aimerait bien voir prolongé. Malheureusement, les responsables avancent que les coûts financiers de l'électricité, maintenance du matériel, salaire du personnel (payée par la radio elle-même), ne permettent pas un ajout des heures supplémentaires. « Vu les salaires, nous explique l'animateur Ali Daoudou, on peut conclure que c'est une oeuvre sociale, du bénévolat !

Au départ, la surface d'émission était prévue à 75Km2, or nous en sommes encore à 25% environ, la plus grande surface du département n'étant toujours pas couvert.

Peut-être pourrait-on croire que ces propos sont emprunts d'une dose assez importante de subjectivité, mais comprenons nous bien :

Mbalmayo à été crée comme radio pilote par l'UNESCO. Encore appelée « radio mère », elle est censée être la matrice à partir de laquelle devraient naître les autres radios, aussi bien au Cameroun qu'en Afrique centrale. Et comme nous le savons, la naissance d'un enfant bien portant est fonction de l'état de santé des géniteurs. Or, il semblerait bien qu'il y ait eu des « mort-nés », faute d'un empressement sans véritables études de faisabilité. Bien plus parmi les seize présentées (voir annexe), toutes ne sont pas en parfaite santé, certaines étant même déjà dans un état critique. Ce sont les cas de Lolodorph et Ebolowa qui ont pratiquement fermé, de Esse qui fonctionne « épisodiquement », pour ne prendre que ces cas. Des craintes similaires sont également portées sur la radio de la ville de Sa'a.

B. LA RADIO RURALE DE SA'A : UN BILAN MITIGÉ ?

1. GENESE ET PRESENTATION

La radio communautaire de l'arrondissement de Sa'a qui est situé à une cinquante de kilomètres de Yaoundé, se présente comme la cadette du projet lancé sous l'égide de l'UNESCO. Baptisée « Radio M'MALLI », elle émet sur la fréquence FM 99.00 et couvre exclusivement la localité. Créée en 2003, la radio ne commencera à émettre véritablement que le 07 mars 2005, à la veille de la fête des femmes : la portée symbolique est assez significative ici dans la mesure où « le but premier d'une radio communautaire est de prendre en compte les problèmes des femmes et des enfants », ainsi que nous le précisait son actuel chef de station, Angèle NKOUSSOU. En d'autres termes, il s'agissait là d'un instrument de développement essentiellement voué à la cause des « cadets sociaux » de la société camerounaise. Bien évidemment entre la date de création et le premier jour d'émission, l'UNESCO assure la formation du personnel et la mise en place du matériel, ainsi que des séminaires complémentaires.

A l'instar des autres radios, la création de celle-ci est le fait d'une initiative de l'UNESCO qui, par la suite, va confier le projet à une association féminine ayant comme membre une personnalité influente de la localité. Dans le cas d'espèce, la radio a été confiée à la Women Association of Sa 'a Ebebda, communément connue sous l'appellation de la « WASSA d'Ebebda », la personnalité ressource ici n'étant autre que Jeannette OLANGUENA, épouse de l'ex ministre de la santé61, et qui est également la Présidente du Comité de gestion. La pratique faisant état de coutume, L'UNESCO, comme dans les autres cas, va accompagner le fonctionnement de la radio pendant deux années consécutives, à travers le paiement des salaires du personnel qu'il a lui-même pris le soin de former. A noter que toutes les formations ont eu lieu à Mbalmayo, siège de la « radio mère ». Durant les deux années, l'UNESCO s'occupe également de l'entretien et de la maintenance du matériel, ainsi que de l'approvisionnement en équipement.

2. RÉALITÉS DU FONCTIONNEMENT QUOTIDIEN

Après le départ de l'UNESCO, l'Association « promotrice » est sensée prendre la relève. Moins aguerrie que la « Femme-FM de Mbalmayo », la « WASSA d'Ebebda » va rentrer dans une phase de maturation difficile, ainsi que le reconnaîtront ses animateurs. Déjà, les programmes diffusés au sein de la radio n'intéressent pas directement la population, parce que plus absorbée dans ses activités et difficultés quotidiennes. Aussi perçoit-elle

61 Aujourd'hui incarcéré à la prison centrale de Yaoundé

difficilement le bien fondé de la radio. De même, l'association en charge de la promotion ne présente pas véritablement d'engouement vis-à-vis de ce projet qui lui a été quelque peu « imposé », d'où les animateurs leur mettent une pression quotidienne afin de « motiver ». Dans un tel environnement, il n'est guère possible de parler de salaire. « Bénévolat » semble être le concept le plus mobilisé au sein des différents personnels « restant » des radios communautaires. A Sa'a par exemple, il est fréquent que l'on trouve un seul animateur dans toute la «maison», qui en même temps joue le rôle de technicien (un certain Massa yo). Quand il le peut, un animateur vient juste pour présenter son émission, et ce de manière assez irrégulière. C'est qu'en réalité, la radio s'est spécialisée dans la reproduction, le manque de moyen et l'obsolescence progressive de la motivation ne permettant pas une réelle production qui nécessite des « cassettes ». Généralement, explique le chef de station, « quand bien même il y a un revenu, il vient des communiqués dont les rais de lecture s'élèvent en principe à 1000 FCFA, et des petits contrats qui généralement sont assortis des «conditionnalités» telles que la production d'une émission et le passage à l'antenne ». Dans la réalité, il est fréquent que les communiqués soient lus à 200 FCFA.

Et pourtant, ce n'est pas des programmes « captivants » qui manquent. Et l'on peut citer à titre illustratif « Hommage » qui comme son nom l'indique est une émission de témoignage et de respect envers des personnalités jugées dignes de respect et d'admiration de par leurs oeuvres. « Sur le chemin de l'école » réalisé avec la participation des élèves semble avoir bonne presse, tout comme « Dynamique santé » diffusée tous les lundis entre 18 et 19h, « Islam » entre 1 5et 16h les vendredis, et « Metum Menam » (culturama) qui se propose de sauvegarder la tradition à travers des récits sur l'historique et les habitudes des cultures passées. Mention spéciale est faite à cette émission sur les droits de l'homme, partie sur un projet avec les canadiens. Il s'agit de la production des magazines d'éducation et de sensibilisation sur les droits élémentaires et fondamentaux de la personne humaine. L'impact social de ce projet s'est directement manifesté à travers les interventions dans la radio qui, à en croire l'animatrice, ont apporté un changement significatif des comportements au sein des familles qui, sont longtemps restées soumis sous l'autorité patriarcale. « Vis-à-vis de leurs enfants et femmes, nous explique Angèle NKOUSSOU, beaucoup de chefs de famille ont changé de comportement », même s'il existe toujours des sceptiques qui ne regardent d'ailleurs pas notre animatrice d'un bon oeil. Malheureusement, de tels programmes relèvent beaucoup plus de l'exception, le quotidien étant celui des magazines en miniature et des micro programmes sans grande rentabilité.

Étonnant tout de même lorsque l'on sait qu'une structure généralement accompagne les radios communautaires. Ici l'Assemblée générale dont la Présidente est Odette NDZANA ZOGO, et qui siège à l'ouverture de la radio avec le Comité de gestion, représente la communauté au quotidien. Surprenant également lorsque quand on sait que ces radios bénéficient de l'appui de l'État à travers l'aide publique à la communication privée. Ahurissant enfin lorsque notre présence sur place à Sa'a nous a permis de réaliser qu'il y avait une autre radio privée qui bien que disposant d'un matériel moins perfectionné, semble pourtant avoir meilleure presse auprès des populations riveraines. Aussi une petite étude comparative nous a-t-elle semblé nécessaire.

3. M'MALLI FM EMET DANS UN CONTEXTE DE CONCURRENCE PARFAITE ?

Radio communautaire thématique à vocation sociale et culturelle, la « Radio Colombe » se présente comme une alternative pour les populations locales à notre radio communautaire. Relais privilégié de communication avec l'ensemble de la communauté, son principal objectif est d' « impliquer toutes les composantes sociales dans les stratégies et projets de développement, de susciter le dialogue et l'échange d'expériences dans la perspective du partage d'information et du savoir ». En un mot, la radio se présente comme un instrument de renforcement de la cohésion et de la solidarité sociale. Pour ce faire, elle se propose d'informer, de former et d'éduquer les populations sur les questions de développement qui les préoccupent ; de transmettre aux populations le savoir faire susceptible d'améliorer leur condition de vie quotidien ; et d'enrichir le temps de loisir auditeurs au moyen des émissions de divertissement. Bien plus, « Radio Colombe entend revaloriser les activités des populations par des projets générateurs de revenus dans la perspective de la lutte contre la pauvreté ». Avec un réseau de couverture qui s'étend d'une partie du Département de la Lékié aux Départements du Mbam et Kim et Mbam Inoubou, la radio diffuse ses émissions en langues locales (Eton et Manguissa) et en français, et émet tous les jours entre 5h30mn et 22h, soit un temps de diffusion de 16heures et demi par jour sans interruption du lundi au dimanche.

La Radio Colombe, bien qu'étant insuffisamment équipée, et avec un édifice qui, passez nous l'expression, laisserait quelque peu à désirer, est pourtant la plus écoutée de la localité. Sur un petit test fait de manière spontanée dans une zone publique, 7 personnes sur 10 semblent porter leur préférence sur cette dernière. La raison la plus évoquée étant qu'elle est plus animée et s'intéresse beaucoup plus aux préoccupations quotidiennes des riverains.

Financée pour l'essentiel par les membres de son association promotrice (SODI, solidarité pour le développement intégré et l'environnement), cette radio dont le personnel s'élève à douze, avec cinq permanents, travaille également avec les enseignants et fonctionnaires à titre de bénévolat. De l'aveu de son chef de station adjoint chargé de programmes, Lucien Claude ABOUGA, elle a eu par deux reprises (2005 et 2008) à recevoir de la part de l'État, une aide allouée à la communication.

Quelques faits, de l'avis des défenseurs de M'malli FM, expliqueraient la différence existante entre les deux radios : « Radio Colombe, c'est des touches à tout. Or notre radio plus circonscrite donne juste l'information concernant son public. Colombe est une radio privée, qui va au-delà des limites territoriales de la localité. En plus elle existe au moins dix ans avant M'MALLI FM, ce qui expliquerait sa relative popularité ». Ne nous y méprenons pas, la Radio Colombe est également confrontée à des mêmes difficultés que ses pairs.

De l'avis du chef de station pour qui le projet des radios communautaires est une initiative à saluer, la renaissance des radios sera fonction de la révision de la politique de l'UNESCO. Laissons à cet effet s'exprimer notre promotrice : « l'UNESCO est le père et la mère des radios. A Sa'a, elle a été confiée à une association qui n'y voit pas grand intérêt. L'UNESCO ne devrait pas laisser tomber le projet. Elle ne devrait pas s'arrêter à ces deux ans, il faut qu'elle continue à aider ». Aussi va-t-elle par exemple suggérer qu'une rubrique soit au moins prise régulièrement par l'institution spécialisée des Nations unies. En plus, une autre proposition de la part d'un responsable d'une autre radio sera lancée en l'endroit de l'UNESCO en vue de réviser sa politique de « dissémination » des radios qui entraînerait également une réduction de l' « enveloppe », pour se consacrer aux programmes rentables62. Mais pour bon nombre d'observateur, une bonne part de responsabilité revient au Gouvernement de camerounais ! C'est pourquoi il nous a paru nécessaire de remonter au niveau de Yaoundé63, afin de voir comment sont perçues les radios communautaires.

PARAGRAPHE II : LES RADIOS COMMUNAUTAIRES DANS LES STRATÉGIES RESPECTIVES DU CAMEROUN ET DE L'UNESCO : TENTATIVE D'EXPLICATION

62 Nous nous sommes juste proposés de reproduire les raisons et attitudes déployées par les différents acteurs. Cela permettrait, à notre avis, de rapprocher les analyses de la sociologie des organisations, notamment de Crozier, du contexte africain.

63 Principal centre d'impulsion de la coopération, car c'est en son sein que l'on retrouve les principales institutions en charge de la promotion du projet ; à savoir le MINCOM, le Bureau régional et la Commission nationale pour l'UNESCO.

A. LES RADIOS COMMUNAUTAIRES VUES DE YAOUNDÉ : UNE PLACE RÉSIDUELLE DANS LA STRATÉGIE COMMUNICATIONNELLE DU CAMEROUN

1. LES RADIOS COMMUNAUTAIRES DANS LA NOUVELLE VISION DU NEW DEAL COMMUNICATIONNEL CAMEROUNAIS : UNE STRATÉGIE QUASI INEXISTENTE

Deux axes stratégiques majeurs sous-tendent la nouvelle politique communicationnelle du Cameroun, à savoir : l'accroissement de l'offre d'information, et le renforcement des moyens de diffusion et de réception de l'information intra et extra muros. De ces principaux axes, ressortissent cinq objectifs stratégiques : renforcer et opérationnaliser les potentialités de la presse nationale afin que celle-ci informe totalement (n°1) ; renforcer l'encadrement qualitatif de la production médiatique (n°2) ; améliorer l'efficacité de l'Administration de la Communication (n°3) ; assurer la réception du signal Radio et TV de la CRTV (n°4) ; enfin, mieux encadrer techniquement l'audiovisuel (n°5).

En scrutant de près les actions opératoires relatives à ces objectifs, l'on se rend immédiatement compte qu'il n'existe aucune perspective de partenariat avec les secteurs privée et communautaire. Alors qu'il ne fait aucun doute que la réalisation de la « société du savoir » passe par une mobilisation concertée des actions des différents acteurs concernés, voilà que les autorités du Ministère en charge de la communication, dans une optique monopolistique, nous présentent l'avenir du secteur communicationnel dans une perspective solitaire. Alors qu'ils ont le devoir d'encadrer la presse privée, afin d'en faire des partenaires acquis pour une même cause qui ne peut qu'être bénéfique à la société toute entière, nos pouvoirs publics semblent plutôt leur regarder sous un oeil si non d'adversité, du moins d'inimitié. Seuls sont pris en compte ici l' « amélioration quantitative de l'offre d'informations du service public de la communication », ainsi qu'un renforcement de la coopération avec des structures étatiques telles : CAMTEL, MINEFI, ... Or, notre conviction est que tout en respectant cette stratégie, un renforcement des capacités de la presse privée améliorerait considérablement l'environnement communicationnel camerounais. L'heure est peut-être venue où les autorités devraient arrêter de regarder la presse privée en chien de faïence ! Il en va du devenir de notre société.

2. UNE IMPORTANCE RELATIVE AUX YEUX DES RESPONSABLES DE LA CAPITALE POLITIQUE DU CAMEROUN ?

La Commission nationale camerounaise pour l'Unesco en tant qu'organe de relais joue un rôle essentiel dans le système des relations établies entre le Cameroun et l'UNESCO. Elle constitue à cet effet la courroie par excellence de transmission qui relie l'institution spécialisée aux différents ministères concernés par l'action de l'UNESCO au Cameroun. En ce qui concerne le secteur de la communication, le gouvernement camerounais est représenté par le MINCOM. Qui plus est l'Accord Cadre, document de base renseignant sur le véritable statut juridique des radios communautaires, est signé entre l'UNESCO et le MINCOM. Mais à défaut de l'avoir, un entretien auprès de certains responsables dudit ministère va nous permettre sinon d'avoir des éléments d'informations, du moins de comprendre le statut des radios rurales vues d' « en haut ».

A la question de savoir le rôle joué par le MINCOM, représentant de l'État camerounais, dans le programme des radios communautaires, ce responsable de la Direction des technologies et de la communication nous interpelle d'emblée sur le fait que son ministère n'est qu'un « facilitateur », le promoteur de la radio et l'UNESCO s'occupant de l'essentiel. Le statut juridique, poursuit notre interlocuteur, est celui de la loi de 1990 sur la libéralisation de la communication, et son Décret d'application celui du 3 avril 2000, relatif à la création d'entreprise audio visuelle. Peut-on dans ces conditions considérer qu'il existe un réel statut juridique relatif aux radios rurales ?

Fort heureusement, cette équivoque va être levée par un autre responsable de la Direction de la communication privée qui nous explique que « les radios communautaires n'ont pas de statut juridique, mais relèvent du Décret de 2000. Ils appartiennent au secteur privé communautaire, et peuvent ainsi bénéficier du financement alloué à la presse privée ».

De manière plus précise, le financement des radios communautaires rentre dans le cadre des 250 millions de francs CFA, alloués à la presse écrite dans son ensemble, d'où une grande sélectivité. Or ceci nécessite le suivi de toute une procédure, la Direction des technologies et de la communication ne s'occupant que de la faisabilité technique : un comité technique interministériel étudie le dossier et donne son avis, avant qu'il ne soit transmis au Conseil national de la communication, via le premier ministère. Après l'avis du Conseil, le ministre de la communication en toute « souveraineté » décide de donner ou de refuser une licence.

En attendant, la radio de Mbalmayo continue à fonctionner avec des attestations, la communication privée supposant des taxes à la CNPS. Sans faire abstraction du fait que l'aide accordée par le MINCOM est assez minorée ici, il faut ajouter ce problème : la production des affiliations à la CNPS pour avoir accès à l'aide accordée à la presse privée ne relève pas ici de l'évidence. Surprenant tout de même lorsqu'on sait que l'information diffusée par ces radios est « utile et facilement utilisable », en même temps qu'elle permet de toucher les couches sociales les plus vulnérables. Inquiétant également lorsque l'on observe que Mbalmayo est l'unique radio ayant été accompagnée (sur les 21) par l'UNESCO pendant deux ans, dans un environnement où le « Gouvernement camerounais ne fait rien ». Étonnant enfin quand on apprend qu'en Afrique de l'Ouest, où l'esprit communautaire est très développé, le programme des radios rurales est une vraie réussite du fait de leur nombre sans cesse croissant, et parce qu'elles sont de plus en plus considérer comme des partenaires à part entière de développement. Or, au Cameroun où survit de manière anachronique des relents clientélistes, le programme des radios communautaires s'apparente plutôt à une « affaire de famille ».

De ce qui précède, tout semble porter à croire que le Gouvernement camerounais n'accorde pas un intérêt significatif à la promotion des radios communautaires. Absence d'intérêt qui est sans rappeler le rapport d'adversité qui lie la presse privée à la presse écrite, aversion qui elle-même est sans rappeler la difficile ascension de la société civile au sein d'un contexte monopolisé par la société politique. Ce n'est pas le fait d'un hasard que le chef de station de Mbalmayo porte désormais ses espoirs au processus de décentralisation qui de son avis amènerait peut-être le MINATD à obliger les communes à soutenir les radios communautaires, les deux devant travailler ensemble. Un regard attentif sur l'opérationnalisation du processus de décentralisation, surtout dans la place accordée à un véritable « développement participatif », autorise tout de même à être prudent. Une réalité reste par ailleurs certaine : le financement de ce projet n'aurait permis qu'une atteinte partielle des objectifs fixés ! La responsabilité de l'UNESCO ici est toute aussi certaine.

B. UN `PROJET PHARE' SANS PLAN D'ACTION COHÉRENT AUPRES DE L'UNESCO

Considéré comme un projet phare dans le cadre du 33C/5, les médias communautaires sont perçus par l'UNESCO comme un catalyseur du développement et du changement social. Il s'agit en effet d'un outil important qui répond aux besoins d'information et de

communication des communautés marginalisées et pauvres, tant rurales qu'urbaines, auxquelles ils permettent d'accéder à l'information et aux connaissances, y compris à des contenus locaux et du domaine public, qui peuvent améliorer leur participation à la prise des décisions locales.

Partant d'un amer constat selon lequel les infrastructures en matière de télécommunication et de diffusion de masse sont peu ou pas développées, l'analphabétisme persistant et la formation à l'utilisation des TIC inadéquate, quand elle n'est pas carrément absente, l'UNESCO s'est donnée pour mission « de promouvoir la libre circulation de l'information, des connaissances et des données, d'encourager la création de contenus diversifiés, de favoriser l'accès universel à l'information et aux moyens de partage des connaissances, tout en veillant au renforcement des capacités en matière de communication et d'information nécessaires à une participation effective des communautés et des citoyens à la vie démocratique des sociétés » (31 C/4). Aussi conformément aux objectifs définis dans la résolution du Conseil économique et social des Nations Unies de juillet 2000 et à ceux de la Déclaration de l'Assemblée du Millénaire, l'action de l'UNESCO contribuera à la création d'un partenariat stratégique international pour renforcer les moyens de communication, combler le fossé numérique et instaurer une société du savoir ouverte et sans exclusive.

Ce faisant, la Stratégie à moyen terme de l'UNESCO pour 2002-2007 pour la Région Afrique consistera à contribuer à la paix et au développement humain à l'ère de la mondialisation par l'éducation, les sciences, la culture et la communication. Pour y parvenir, l'Institution spécialisée des Nations unies va mettre une douzaine d'objectifs stratégiques en place, parmi lesquels la communication va occuper trois volets : encourager la libre circulation des idées et l'accès universel à l'information (objectif stratégique n°10), promouvoir l'expression du pluralisme et de la diversité culturelle dans les médias et les réseaux d'information mondiaux (objectif stratégique n°11), enfin, assurer pour tous l'accès aux technologies de l'information et de la communication, en particulier dans le domaine public (objectif stratégique n°12).

Mais force est de remarquer qu'en dépit d'un appel à une implication véritable de la société civile et des ONG, les médias communautaires ruraux ne bénéficient véritablement pas d'un statut particulier permettant un plan d'action lisible et efficient à leur égard. Certes, une lecture attentive des objectifs stratégiques sus-mentionnés laisse percevoir de manière parsemée des indications du genre : « en partenariat avec les organisations professionnelles, des politiques et des stratégies seront élaborées pour la production et la diffusion des programmes audiovisuels adaptés aux besoins des différents publics cibles (les femmes et les

jeunes notamment) et répondants aux préoccupations des groupes spécifiques », ou encore « on s'emploiera en outre à développer la communication et l'information dans les zones rurales et dans les régions défavorisées de manière à accroître la participation sociale des populations concernées, et à promouvoir la création des médias communautaires(...), notamment dans le cadre de programmes de développement ou de lutte contre la pauvreté ». En réalité, ces indications ne rentrent pas dans une stratégie spécifique précise, le plan de route n'étant pas précisé. Mieux encore, il demeure quasiment inexistant dans la nouvelle stratégie camerounaise de développement de la communication. Tout ceci élude en outre un autre handicap.

D'après certaines sources, l'UNESCO semble s'appuyer sur des élites politiques pour réaliser le projet des radios communautaires. Ce qui en soi poserait aucun problème si le statut juridique était bien clarifié, lequel statut parce que posant les bases d'un cadre légale et impersonnel favorable à la réalisation de l'État de droit, permettrait aux zones les plus nécessiteux de pouvoir s'en procurer, sans intermédiaire d'un quelconque « bras long ». Mieux, cet aménagement juridique favoriserait l'émergence des institutions qui transcenderaient les individus car, est-il fréquent de voir les faiblesses de ces entreprises qui s'écroulent avec le départ ou désistement de ces « personnalités ressources ». « Affaire de famille » en ce sens que derrière la radio de Mbalmayo, gît l'ombre du ministre délégué auprès des Assemblées, ministre dont l'épouse occupe le poste de Présidente de l'Assemblée générale. Il en va également de Mora avec TALBA MALA, de Sa'a avec le rôle joué par l'épouse de l'ancien ministre de la santé OLANGUENA, de Nanga Eboko avec BIDOUNG, également ancien ministre. Le fait est que l'implication de ces personnalités sape quelque peu l'esprit de participation pour faire place à un certain attentisme. Or l'objectif, à notre avis, est que les riverains prennent conscience de leurs responsabilités respectives en vue de la production d'une oeuvre commune et utile. La contribution des élites devrait s'aligner sur cet idéal, et ceci sans contre partie. Car, à l'analyse, l'on observe que beaucoup de radios connaissent des difficultés fonctionnelles importantes après le désistement des grandes élites. Enfin, un exemple à relever reste celui de la radio de Garoua, dirigée par une femme, et dont nous saluons l'implication de la communauté dans le fonctionnement, ainsi que les rôles respectivement joués par le Lamido et la SODECOTON.

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Du point de vue de Daniel Lerner, les techniques de communication de masse contribuent à accroître la « mobilité psychique » ou « l'empathie » qui constituent des attitudes psychiques essentielles à la modernisation. (Rocher, op.cit : 207) Seulement, une autre conception considère la révolution communicationnelle actuelle comme la forme contemporaine de domination la plus insidieuse et dangereuse pour les sociétés du tiers- monde. Ce point de vue énoncé par NTUDA EBODE dans un article intitulé De la décolonisation fictive à l'hypercolonisation, par du déferlement d'Internet, de la télévision par satellite et de la radio numérique, pour indiquer que « la colonisation sous sa forme contemporaine prend davantage la forme communicationnelle », d'où le concept d'hypercolonisation désigne « cette nouvelle forme de domination qui tient l'univers en tenaille ». C'est que de l'avis de notre auteur, ce nouveau visage de l'impérialisme intensifie insidieusement l'impérialisme culturel et social, d'où conditionne et perpétuent les formes politiques et économiques de domination dans nos sociétés.

L'espoir porté sur les radios rurales communautaires se focalise sur la conviction que situées en zones reculées, celles-ci parce que moins exposées aux déferlements communicationnelles sus cités peuvent constituer des facteurs de régénérescence culturelles et endogènes essentiels à la consolidation interne, laquelle est un préalable essentiel à leur insertion dans la mondialisation (NTUDA et NSIZOA) Ce consultant en Sciences sociales ne dit pas autre chose lorsqu'il affirme que « les États africains gagneront à se résoudre à cette vision d'essence et de finalité internes, préalable à toute forme de crédibilité internationale. » (MBASSI, in PONDI sous la direction de, 2005 :163) Il s'agit ici de la consécration de l'approche en termes de two level game en politique étrangère qui préconise une superposition entre les intérêts intérieurs et les négociations internationales. (Kessler, in Charillon sous la direction de, 2002 : 182) Enfin si l'ère de l'information pour beaucoup constitue le produit de l'une des plus grandes révolutions intellectuelles de l'histoire, le cours de l'histoire ou la conduite des relations internationales ne sera plus défini par le nombre de personnes ayant accès à l'information, « c'est, et ce point est capital, l'analyse qu'elles en font » (Kissinger)

Le développement des radios rurales et communautaires est une initiative d'une importance si considérable qu'elle nécessite la mobilisation de tous les acteurs dont ceux des zones au sein desquelles doivent s'appliquer lesdits programmes.64 Qui plus est le Cameroun de part sa position est tenu de jouer efficacement son rôle de principal centre d'impulsion et de stimulation de la coopération au sein de la sous région. Il convient de noter, dans le domaine qui nous concerne, quelques initiatives à encourager : Dans le cadre des activités de

64 Voir sur ce point notre analyse sur le développement participatif

mise en place de la radio communautaire du Pool au Congo-Brazzaville, un stage d'imprégnation organisé à Mbalmayo en Mai 2008 a accueilli cinq animateurs initiés à la gestion, à l'animation et à l'utilisation du matériel technique d'une radio communautaire. Enfin dans le but de renforcer les capacités des animateurs de radios communautaires rurales sur le changement de comportement dans la lutte contre le VIH/sida en langues locales, le Bureau de l'UNESCO a organisé un séminaire de recyclage à Mbalmayo, de trente animateurs travaillant dans quinze radios communautaires du Cameroun. (N°9 la lettre de l'UNESCO : 18) Au demeurant, cette contribution, en insistant sur les difficultés fonctionnelles du financement de certains projets de développement, consiste d'abord à saluer le mérite des promoteurs et acteurs de ces initiatives.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Au terme de cette recherche sur l'utilité d'une coopération technique au sud du Sahara, il ressort que les activités de l'UNESCO au Cameroun suggèrent deux observations : premièrement en tant que « conscience du monde », la place de l'UNESCO reste indéniable compte tenu du rôle sensibilisateur joué par ses différents organes auprès de la communauté internationale, sur les grandes questions humanitaires à l'heure de la mondialisation. Que ce soit au sein de la Conférence générale, du Conseil exécutif ou par l'entremise des Bureaux régionaux, l'UNESCO joue un rôle déterminant dans la sensibilisation, l'incitation et l'appui des efforts des gouvernements nationaux engagés dans la recherche de la paix par le développement. Aussi, dans un monde où l'ultra libéralisme, associé à la raréfaction des richesses, laisse percevoir une scène turbulente à l'interne comme à l'externe, et où les pratiques monopolistes confinent à l'hégémon culturel, si ce n'est individualiste, l'UNESCO reste l'instance par excellence de régulation des velléités des puissances étatiques à travers l'affirmation de la diversité culturelle comme modalité de régulation de la scène

internationale (Sindjoun, 2008) La mystique de l'égalité souveraine entre les États au sein du système international y est également entretenue. Les nations du Sud se sentant même parfois privilégiées par rapport à leurs homologues du Nord, ainsi que l'atteste la nouvelle politique de l'UNESCO en marche depuis près d'une décennie, où la priorité semble être accordée à la décentralisation et à l'Afrique65.

Au Cameroun, comme partout ailleurs en Afrique, la sensibilisation opérée autour des problèmes relatifs à l'éducation, à l'égalité des genres, aux droits de l'homme, à la recherche scientifique et technologique, à la sauvegarde du patrimoine culturel et enfin, à la vulgarisation des moyens de communication auprès des masses, constitue déjà un aspect significatif de l'importance de l'UNESCO au sud du Sahara. La mise sur agenda international de ces différentes questions qui permet également d'engranger des financements auprès des partenaires financiers, afin d'appuyer les efforts nationaux dans le but de venir à bout de ces problèmes, se présente aussi comme une victoire, fut-elle partielle, des thèses de David Mitrany relatives à la pacification du système international par le biais des organisations à vocation technique. C'est entre autres, l'une des raisons majeures qui fait dire aux acteurs nationaux et internationaux en charge de ces relations que le Cameroun et l'UNESCO entretiennent à n'en point douter, « une coopération fructueuse ».

Sauf que c'est dans la mise en pratique, c'est-à-dire au niveau de l'opérationnalisation de ces différents programmes de développement que le fonctionnalisme techniciste de Mitrany commence à présenter des signes d'essoufflement. Car si l'histoire « naturelle » de l'UNESCO nous présente le retrait de certaines nations à l'instar de l'Afrique du Sud comme le fait de l'inadéquation du système d'apartheid de l'époque aux idéaux de l'Organisation, tel n'est pas le cas avec les Etats-Unis et l'Angleterre, dont les retraits pour être le fait des raisons idéologiques et politiques, semblaient résulter de la mésentente sur la mise en oeuvre de certains programmes liés au domaine de la communication66. Dans le même sillage, mais dans un tout autre aspect, les difficultés de mise en oeuvre des projets sont fréquentes en Afrique ; ce qui nous conduit à l'autre observation essentielle.

La deuxième remarque que l'on fait à propos des relations Cameroun-UNESCO est que l'utilité de l'institution spécialisée des Nations unies en Afrique semble quelque peu sapée au niveau de l'opérationnalisation des programmes de développement savamment définis au sein des « grandes instances ». Ceci autorise à relativiser la pertinence du concept

65 Cela ne va pas de soi en pratique, peut-être. Il reste quand même que cet argument tient en théorie. Il tenait même davantage aux lendemains des assises sur l'EPT et les OMD. Voir également nos développements sur la politique de coopération de l'UNESCO.

66 Ces deux Etats ont rejoins l'organisation par la suite

de « coopération fructueuse » très souvent convoqués par les différents acteurs pour désigner la nature des liens existants au sein des deux organes. Il est vrai, et l'on ne le dira jamais assez, que l'UNESCO n'est pas un bailleurs de fonds, et ne pourrait par conséquent réellement assumer seule cette lourde tâche qui consiste à miser sur l'esprit des hommes pour construire la paix au travers des projets de développement relatifs à l'éducation, la science, la culture, la communication et même les droits de l'homme. Il est également vrai, et cela va de soi, qu'elle n'est pas une organisation opérationnelle à l'instar du PNUD qui dans le système onusien, dispose des coudées franches à même de réaliser des projets de développement, comparativement aux autres institutions. Il reste néanmoins, et cela s'est toujours révélé au cours de son histoire, que l'UNESCO en tant qu'instance par excellence de coopération intellectuelle à l'échelon international, et en tant que chef de file des programmes relatifs à ses domaines d'activités, s'est toujours montrée compétente dans la mobilisation des financements provenant des partenaires diversifiés67. Aussi, l'opérationnalité de l'UNESCO est reconnue par le fait qu'une panoplie de programmes est réalisée sous son égide.

La difficulté, en réalité réside dans la qualité des rapports de l'UNESCO avec les autres acteurs, principalement les États et la société civile. Mais aussi dans sa nature même en tant qu'institution intergouvernementale qui n'échappe pas aux couacs internes à ces organes. « Sorte d'idéologie en action, d'utopie en marche ou d'idéalisme pragmatique » (Sur, 2000 : 306), l'ambiguïté de l'UNESCO est fort significative dans sa réalité bureaucratique qui est une construction d'acteurs confrontés aux logiques de la structure. Une telle bureaucratie à certains égards peut dégrader l'efficacité de l'idéologie de « paix » en captivant l'organisation vers ses « propres problèmes internes, de survie et de fonctionnement » (idem) ; lesquels problèmes absorbent une part significative de l'énergie de l'UNESCO au détriment des objectifs définis et des engagements pris vis-à-vis de la communauté internationale. Qui plus est l'existence de l'UNESCO, comme tout autre organe intergouvernemental, témoigne simultanément de l'intensification des relations internationales et de la difficulté des États, surtout en Afrique, à surmonter les différents obstacles liés à leur propre développement. Or, la caractéristique centrale de l'UNESCO est sa « faiblesse d'ensemble », dont les compétences, pouvoirs et moyens ne peuvent supplanter les velléités des États eux-mêmes. Aussi, il arrive que d'autres acteurs exploitent, détournent et récupèrent à leur profit, les projets et idéaux de l'UNESCO dont le rôle souvent surestimé auprès de l'opinion publique.

67 La Banque mondiale, le FMI, l'Unicef, le PNUD et d'autres institutions des Nations unies ont à un moment où un autre été des partenaires financiers de l'UNESCO dans la mise en oeuvre des programmes. Les institutions régionales telles l'Union européenne ou la Banque Islamique de Développement, pour ne citer que celles-là le sont également. Les contributions des États membres, les différents dons des ONG internationales ou nationales et biens d'autres donateurs privés viennent compléter cette liste qui n'est pas exhaustive.

Ce qui, très souvent, conduit à de fréquents désenchantements. C'est que l'utilité de l'UNESCO est doublement sapée par les facteurs internes propres à l'organisation, associés en Afrique aux dysfonctions de l'État qui constitue son principal partenaire.

Acteur essentiel des relations internationales, et même s'il n'est plus le seul, la responsabilité de l'État est considérable dans la mise en oeuvre des programmes de développement. D'ailleurs si le fonctionnalisme techniciste de Mitrany part de l'incapacité des États pour promouvoir l'utilité des organisations internationales à caractère technique, force est de rappeler que le néofonctionnaliste Ernst Haas, tout en s'appuyant sur les thèses de Mitrany, réhabilite le politique là où celui-ci le supprime. Or, à l'analyse, l'État n'est pas seulement le premier partenaire de l'UNESCO dans le cadre de la mise en oeuvre des activités de développement au sein du territoire camerounais. Il constitue également, et ceci est d'une importance notoire, le frein par excellence à l'atteinte des buts visés, en complément aux obstacles propres à l'institution spécialisée. Mieux, les sociétés étatiques africaines, dans les domaines qui nous incombent, résistent encore (mais pour combien de temps ?) à la conception transnationaliste des «nouvelles relations internationales» et semblent plutôt s'agripper sur certaines conceptions réalistes68, elles-mêmes quelque peu essoufflées. Au Cameroun en effet, la politique étrangère demeure un « domaine réservé », l'individu (pas vraiment émancipé) et la société civile (dont l'émergence semble s'effectuée à la césarienne) ne s'étant pas encore vraiment hissés au rang de partenaire indiscutable et indiscuté de l'État sur des questions sociales69.

Les dysfonctionnements observés dans la mise en oeuvre de certains programmes au Cameroun ne sont pas seulement le fait des organisations internationales n'ayant pas encore réussies à transcender le stade d' « instruments intergouvernementaux sans véritable autonomie ». Ces difficultés ne sauraient se limiter uniquement à celles des ONG qui ici ne parviennent pas encore à peser d'un poids nouveau en matière de développement et de protection des individus. La relative utilité de l'UNESCO au sein de la société camerounaise résulte peut-être de la résistance des agents en charge des pouvoirs publics à intégrer l'idée que le changement le plus évident « concourt à faire de la scène mondiale contemporaine un ordre de la souveraineté continuellement entravée, et concurrencé par des individus de plus en plus émancipés » (Badie et Smouts, op.cit: 228) En vérité, l'échec est surtout celui du

68 Notamment celle qui remonte à Bodin sur la « souveraineté dans l'État », à ne pas confondre avec la propension à l'extérieur en vue de la définition de l'intérêt nationale en terme de puissance, telle qu'énoncée par Hans Morgenthau, et qui ici sont minorés pour l'essentiel.

69 Et même si d'aucuns parviennent à s'y hisser, cela est plus le fait de leurs compétences individuelles, qui sont d'ailleurs récupéré par l'État dans sa quête permanente de légitimité et de visibilité sociale et diplomatique, qu'il n'est le résultat d'un changement véritable de programme politique et diplomatique.

financement des projets sans prise en compte des sensibilités et besoins profonds des riverains. L'échec de l'EPT est d'abord celui de la conception et de la mise en oeuvre des PAN qui ignorent ou minorent la réalité selon laquelle la majorité (5 6%) des enfants de moins de 1 5ans est concentrée dans les zones reculées70. Cet échec, et bien que l'on ne soit pas encore en 2015, c'est celui de l'incapacité de l'UNESCO et de son allié prioritaire (à savoir l'État) à produire des plans d'action pertinents à même de juguler le phénomène de croissance démographique à outrance, où la population de moins de cinq ans (qui avoisine les 20%) présage de l'ampleur de la demande potentielle des services d'éducation, comme de santé et du travail, immédiate et à venir (Abéga, op.cit : 17) C'est dire aussi que la « défaite » de cette coopération peut être désignée comme celle des programmes de financement qui sacrifient le développement participatif et inclusif sur l'autel des pratiques individualistes et hégémonistes des principaux agents qui tirent et tissent les ficelles du couple UNESCO-Cameroun. Pourtant, la contribution des autres catégories d'acteurs dont l'importance n'est plus à démontrer, s'oppose à toute conclusion hâtive déduisant à une quelconque fatalité.

En effet, les activités de l'UNESCO au sein de la société camerounaise présentent aussi des signaux d'espoir qui laisse penser que la réussite des programmes repose en fin de compte sur la capacité des acteurs à concilier intérêt général et intérêt individuel, ainsi que sur la double maîtrise de l'environnement national et des opportunités concédées par le système international. C'est le cas de la « réussite du CIRCB » qui constitue le prototype même d'un projet dont le mérite revient à la conjugaison, ainsi qu'à la mise en congruence des acteurs dont la détermination et la « maturité » associées à la « bonne volonté » des pouvoirs publics ont permis la capture d'une opportunité (FFA) au mieux de l'intérêt national, et ceci pour le bien de la communauté entière71. C'est aussi le cas du programme des radios rurales qui suivent bon an mal an leurs activités (en dépit de la fermeture de certaines) grâce à la détermination de certains acteurs qui, en dépit des difficultés, continuent à lutter pour leur cause72. C'est donc dire que la crédibilité et la légitimité des relations Cameroun-UNESCO est aussi fonction de la capacité des acteurs dominants à admettre que le développement durable passe par l'inclusion du plus grand nombre et non l'inverse. Lequel développement durable à en croire Rattana Hetzel, « exige de croire que si l'on donne aux gens la possibilité d'agir, ils

70 Et l'on pourrait même affirmer sans grand risque de se tromper que certains dirigeants des zones rurales ne sont même pas au courant des programmes EPT et des réformes administratives y attachées. C'est le cas de nombreuses écoles publiques des villages au Sud Cameroun où l'on parvient encore à lire `MINEDUC' au lieu de `MINEBASE' sur les plaques d'identification.

71 Encore qu'il est encore un peu tôt pour conclure sur l'opportunité et l' « intentionnalité » véritables de cette initiative.

72 Nous pensons notamment à Angèle NKOUS SOU de la radio de Sa'a et Irène MBAZOA de Mbalmayo dont le combat est également celui de l'affirmation de la gent féminine au sein de la société camerounaise.

pourront et sauront trouver des solutions créatives et viables en faveur du développement de chaque individu et de la communauté au sens large. » Mais, poursuit notre consultante des Nations unies, « cela ne se fera que si les gens ont leur vie bien en main et luttent avec obstination contre une structure du pouvoir qui bénéficie d'une distribution inéquitable de ce même pouvoir et des ressources disponibles. »73

Car une coopération fructueuse, en notre sens, n'est forcement pas celle là où les objectifs escomptés sont atteints « à tout prix » ; car la réalisation de ceux-ci peut être fait au détriment de certaines couches sociales, très souvent les plus démunies. C'est le cas avec la réalisation du projet pipeline de Doba (Tchad) à Kribi (Cameroun) qui a eu de sérieux « effets pervers » auprès des populations riveraines74. Une coopération n'est pas forcement fructueuse parce que les médias et/ou les autorités publiques la considèrent comme telle. Le discours politique ne reflète que très rarement la réalité, tandis que les articles des médias brillent très souvent d'une absence criarde d'objectivité, sinon de scientificité. Très souvent ces productions médiatiques ne sont que le reflet d'une minorité qui y trouve son « compte ». Aussi, lorsque que l'on s'engage à une entreprise de « déchiffrage de l'actualité » à la François THUAL, l'on se rend bien souvent vite compte que l' « intentionnalité » des entrepreneurs ne reflète pas toujours les objectifs déclarés.

C'est donc dire qu'une coopération fructueuse, au sens où nous l'entendons, suppose la prise en compte au préalable des intérêts de tous les acteurs concernés, intérêts que l'on ne peut déterminer qu'après une étude menée auprès de ceux-ci, intérêts dont la somme constituera ce que Jean-Jacques Rousseau appelle « la volonté générale ». Une telle coopération s'inscrit dans la perspective du développement dit « participatif » qui intègre les populations cibles à la mise en oeuvre des programmes, afin que celles-ci soient des acteurs de leur propre changement et non des simple bénéficiaires, tant il est vrai que « vivre c'est participer ». Dans une telle coopération également, les notions comme l' « aide » sont dépourvues de sens dans la mesure où il s'agit d'une collaboration en vue de participer à une oeuvre commune. Une coopération fructueuse, en un mot, c'est celle qui aboutit à la réalisation de l'homme intégral.

En tout état de cause, l'État, même s'il y prétend encore, n'a plus le monopole de la socialisation des relations internationales qui, résultent progressivement de la conjugaison des relations individuelles. C'est qu'à l'épaisseur historique, le mouvement est enclenché. Et la turbulence ambiante au sein des dynamiques sociales à l'échelon international s'oppose à tout

73 Citée par Bertrand Badie et Marie-Claude Smouts, 1999.

74 Yanick Nkuili (2006) a rédigé un mémoire assez révélateur sur les répercussions sociales des effets pervers du pipeline au Cameroun

pronostique quant à la cartographie future du système mondial. Un fait semble pourtant certain. C'est que le devenir historique des activités de l'UNESCO au Cameroun, comme partout ailleurs en Afrique, sera fonction de la place accordée à chaque individu.

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- Sindjoun, L., Sociologie des relations internationales africaines, Paris, Karthala, 2002. - Sindjoun, L., L'État ailleurs. Entre noyau dur et case vide, Paris, Économica, 2002.

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II) ARTICLES

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- Deblé, I., « Différenciation ou uniformisation », Afrique contemporaine, N°172, numéro spécial sur la crise de l'éducation en Afrique, 1994.

- Houchang, H-Y., « une relecture des relations internationales de post-guerre froide », Revue Études internationales, Volume XXXIV, n°2, juin 2003.

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- Ntuda Ébodé, J-V, « Chronique diplomatique et rétrospective de l'action diplomatique du Cameroun en 2001 », Revue Africaine d'Études Politiques et Stratégiques, N°1, pp249-252, 2001.

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- Orivel, F., « Elément de diagnostique », Afrique contemporaine, N°172, Numéro spécial, 1994.

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- Tchenzette, M., « Le Cameroun et l'utilisation de ses savoir : la difficile péréquation entre éducation et emploi », Enjeux, Numéro 27, 2006.

- Tourneux, H., « Langues et éducation, langues d'enseignement, langues enseignées », Enjeux, N°27, 2006.

III) MÉMOIRES ET AUTRES TEXTES OU RAPPORTS

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- La lettre de l'Unesco (2ème Semestre 2007), Bulletin d'information.

- Menye Onana, P.F., Le Cameroun et la préparation de la 32e session ordinaire de la
Conférence générale de l'UNESCO
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vue de l'obtention du Diplôme de Maîtrise Professionnelle en Relations Internationales, Option Diplomatie, 2003.

- MINEDUC, Les états généraux de l'éducation au Cameroun, 1995.

- MINEDUC, Rapport d'analyse des données carte scolaire. Année scolaire 2006/2007., 2007.

- Mouniroun, M.A., Retrait de l'organisation internationale. Cas du retrait des Etats- Unis de l'UNESCO, Rapport de stage, 1984.

- Toumba Kotto, J., Historique rôle de l'UNESCO dans un bureau Hors siège, Rapport de mémoire de D.E.S.S., 1999.

- Unesco, Manuel des Commissions Nationales, 2008.

- Unesco, Projet de programme et de budget, Volume 4, 2007.

- Unesco, Évaluation des mécanismes de coordination de l'EPT en Afrique Subsaharienne : Évolution et perspective, EPT en Afrique 2007, 2007.

- Unesco, Rapport Mondial sur l'Education Pour Tous, 2008.

IV) SITE WEB CONSULTÉS

http://pages.infinit.net/sociojmt www.unesco.org

http: www.persee.fr

ANNEXES






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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci