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L'utilité d'une coopération technique au sud du Sahara: Le cas des relations Cameroun-Unesco

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par Gérard Martial AMOUGOU
Université de Yaoundé II SOA - DEA en Science politique 2006
  

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PARAGRAPHE II : INTERPRÉTATION DES DONNÉES ET PROSPECTIVE

A. LES DISPARITÉS COMME PREMIER OBSTACLE AU DÉVELEPPEMENT DU SYSTEME EDUCATIF CAMEROUNAIS

1. DISPARITÉS DANS LA REPARTITION DU PERSONNEL ENSEIGNANT DANS LES ECOLES PRIMAIRES ET PUBLIQUES.

« Dans l'analyse d'un système éducatif, les considérations d'équité sont importantes en tant qu'aspects descriptifs, mais aussi et surtout parce qu'on assigne à l'éducation des objectifs en matière d'égalité des chances. Il importe donc que soient offertes à tous les enfants des conditions de scolarisation aussi équitables que possibles, quel que soit le milieu géographique, le sexe de l'enfant et le niveau de revenu de ses parents ». Aussi dans la mesure où l'on vise à ce que les conditions d'enseignement soient homogènes sur le territoire d'un lieu à l'autre, poursuivent les rédacteurs de la carte scolaire, on devrait s'attendre à ce qu'il y ait une relation assez stricte entre les effectifs scolarisés dans une école et le volume de ressources (donc du personnel enseignant puisqu'il constitue la composante majeure du budget éducatif) dont l'école dispose (idem : 89-90)

Or dans une analyse porté sur 8710 écoles primaires publiques disposant des données complètes sur les effectifs d'élèves et du personnel enseignant au cours de l'année 2006/2007, la relation entre le nombre d'élèves et le nombre de maîtres indique un retrait de 3 points sur 4 ans du degré d'aléa par rapport à la valeur estimée (estimation du RESEN, Novembre 2003) en 2002/2003 (45%). Ceci montre que la politique menée pour résorber le problème de l'aléa ne donne pas encore toute la mesure de son potentiel.

De l'avis des spécialistes, la politique de contractualisation en cours doit être sous- tendue par les contraintes d'une planification locale, afin de réduire le taux d'aléa de manière significative. Plus concrètement, ces derniers pensent que l'affectation/répartition du personnel enseignant doit respecter les attributs des différents paliers décisionnels de la décentralisation/déconcentration, à savoir :

- les Services Centraux (DHR) dans la répartition équitable entres les provinces du pays ; les Délégations Provinciales dans le cas des départements ;

- les Délégations Départementales pour une répartition équitable au niveau des arrondissements et entre les écoles de la région.

2. DISPARITÉS DANS LA REPARTITION DES ENSEIGNANTS ENTRE LES PROVINCES DU PAYS.

Tableau 13 : Taille moyenne des écoles et nombre moyen par école par province.

Provinces

Effectif moyen des écoles

nombre moyen

d'enseignants

Adamaoua

246,4

3,66

Centre

257,31

6,87

Est

233,71

4,75

Extrême -Nord

333,03

4,44

Littoral

243,7

6,26

Nord

362,75

5,25

Nord-Ouest

270,33

5,87

Ouest

318,96

6,64

Sud

148,42

5,14

Sud-Ouest

227,18

5,08

NATION

273,68

5,38

Source : Cellule de la planification- DPPC-MINEDUB/ Données issues du recensement 2006- 2007

La province est représentée par la taille moyenne de ses écoles et par le nombre moyen d'enseignants par école. Or le tableau ci-dessus illustre le fait que certaines provinces bien qu'ayant une taille moyenne d'école plus élevée, ne sont pas celles les mieux dotées en personnel enseignant. Ceci traduit les disparités suivant le milieu géographique de scolarisation dans l'allocation des ressources en personnel50. « Ces disparités sont le fait d'une allocation d'emploi d'enseignants par le Ministère directement aux écoles nécessiteuses sans prise en compte des contraintes de la planification au niveau local. Cette intervention directe au niveau des écoles contribue à accentuer les disparités entre les provinces, voire entre les départements d'une même province et finalement entre les écoles du pays » (93).

En effet, le Rapport d'État du système Éducatif (RESEN de novembre 2003) indiquait déjà le Sud comme la province la mieux dotée en personnel enseignant tandis que les provinces de l'Adamaoua et du Nord l'étaient moins. En 2006/2007, le même constat demeure.

Au total, toutes ces données indiquent bel et bien que l'on est encore loin des objectifs fixés à Dakar. La grande question est celle de savoir s'il est scientifiquement possible d'anticiper sur 2015 ? Raymond Quivy nous apporte quelques éclaircissements à ce sujet :

« Un astronome peut prévoir longtemps à l'avance le passage d'une comète à proximité du système solaire parce
que sa trajectoire répond à des lois stables auxquelles elle n'a pas la capacité de se soustraire par elle-même. Il

50 Il s'agit ici du point de vue des analystes de la carte scolaire

n'en va pas de même en ce qui concerne les activités humaines dont les orientations ne peuvent jamais être prévues de manière certaine(...) Cela signifie-t-il que la recherche en sciences sociales n'ait rien à dire qui intéresse l'avenir ? Certainement pas, mais ce qu'elle a à dire relève d'un autre registre que celui de la prévision. En effet, une recherche bien menée permet de saisir les contraintes et les logiques qui déterminent une situation ou un problème, elle permet de discerner la marge de manoeuvre des `acteurs sociaux» et elle met au jour les enjeux de leurs décisions et leurs rapports sociaux. En cela, elle interpelle directement l'avenir et acquiert une

dimension prospective, mais il ne s'agit pas de prévision au sens stricte du terme. » (Quivy, op.cit : 32)

B. PROSPECTIVE POUR 2015.

Le premier constat à faire est le fait que le forum de Dakar est venu changer de manière considérable le système éducatif camerounais, au point où d'aucuns parlent « d'effet Dakar ». Ces changements relèvent des mesures institutionnelles certaines prises au lendemain dudit forum, ainsi que des actions concrètes menées sur le terrain. C'est ainsi que les chiffres nous révèlent une avancée significative de l'environnement éducationnel camerounais depuis 2000, par rapport à ce qu'il était dans les années 1990. Toutefois, les mêmes données nous interpellent sur l'étendu du chemin à parcourir pour atteindre les objectifs de l'EPT à l'horizon 2015, en particulier ceux relatifs à la Scolarisation Primaire Universelle.

Aussi plusieurs raisons nous amènent à avancer de manière prospective, l'hypothèse selon laquelle le Cameroun ne parviendra pas aux objectifs fixés pour l'horizon 2015.

1. DIFFICULTÉS LIÉES A L'ENVIRONNEMENT INTERNE.

Le système politique camerounais semble incapable de juguler certaines pesanteurs qui bloquent le processus de SPU. Sans prétention à l'exhaustivité, nous pouvons noter entre autres :

- Disparités et croissance démographique : l'urbanisation galopante de la société entraîne à son tour un accroissement sans précédent du nombre et de la diversité des élèves qui revendiquent presque à l'unanimité une éducation de qualité. Or, comme nous avons pu le voir, l'offre en éducation au Cameroun est continuellement inférieure à la demande sans cesse croissante. De son côté, le phénomène des disparités est une constance dans l'environnement éducationnel camerounais. Il semblerait que les autorités publiques ainsi que les partenaires internationaux ne le considèrent à sa juste mesure. En effet, une observation attentive de la

démarche des promoteurs de l'EPT ne présente pas clairement l'action adéquate pouvant permettre de remédier à ce phénomène. De manière spécifique, ni le Plan national d'EPT, ni la Stratégie sectorielle ne présentent véritablement une démarche cohérente et concrète à même de mobiliser l'ensemble des acteurs, surtout sur la manière dont ils devront se déployer sur le terrain. Cela explique pourquoi l'EPT, après huit années de promotion reste un mythe dans plusieurs de ces zones périphériques. Or, comme on le sait déjà, l'épreuve de vérité reste ce que perçoivent les acteurs sur le terrain. Et pour l'instant les espoirs restent encore en deçà des attentes.

- Amorce lente du processus de décentralisation : Mode d'aménagement du pouvoir au sein de l'État, la décentralisation qui désigne le mouvement inverse à la centralisation (Baguenard, 1996 : 6), informe également l'environnement éducatif camerounais. En effet, plusieurs raisons nous amènent à penser que l'avenir de la SPU au Cameroun est lié au développement du processus de décentralisation consacré par la Constitution du 18 janvier 1996. Or en dépit de la promulgation des Lois portant sur la Décentralisation et l'institution des Régions, force est de noter que le processus peine à se matérialiser convenablement sur le terrain. Le fait est que la centralisation pratiquée à l'excès s'accompagne d'une forte tutelle de l'État qui absorbe les autres forces vives à même de revitaliser tout en décongestionnant le processus de développement. La décentralisation qui favorise le développement local avec la libération des nouvelles énergies et des nouveaux acteurs aux stratégies diverses peut créer un cadre favorable pour l'EPT. En effet, la décentralisation du système politique et administratif entraînerait la décentralisation de la gestion du système éducatif qui à son tour pourrait apporter des solutions plus proches des besoins réels des populations riveraines. Ainsi, chaque région pourrait avoir une stratégie propre qui resterait toujours rattachée à la grande stratégie nationale.

C'est que la décentralisation, tout en respectant les principes de l'unité et de l'indivisibilité nationale constitutionnellement proclamée, devrait encourager en même temps, la diversité locale législativement organisée. (Idem) La décentralisation du système éducatif camerounais qui est fonction du processus de décentralisation du système politique ne serait effective que dans la mesure où les autorités locales auront le pouvoir d'élaborer des politiques locales d'éducation plus sensibles aux sensibilités des riverains, avec la liberté que leur attribue la législation, sans être soumises aux contraintes hégémonistes des autorités administratives d'État. La grande diversité du pays sur le plan physique et humain exige plusieurs approches dont l'opérationnalisation ne pourrait mieux s'effectuée que dans le cadre d'une décentralisation poussée. Ainsi, les trois provinces septentrionales connaissent des

difficultés au niveau de la scolarisation des filles ; l'Extrême-nord restant toujours la plus sous scolarisée des provinces du Cameroun. De même, la scolarisation est également fort modeste à l'Est, avec des difficultés d'accès des jeunes filles dans le secondaire. Les priorités étant changeantes en fonction des régions, toute politique devrait donc tenir compte de ces particularités, et « être précédée d'études permettant de préciser la manière d'aborder les problèmes et les populations » (Abéga, op.cit : 29) Alors que s'est produite une dangereuse et profonde césure entre la société civile et le personnel politique (idem : 123), la réussite de la décentralisation de l'éducation qui suppose une proximité certaine, pourrait en outre faciliter une nécessaire réconciliation, à même de réaliser un cadre prédisposant à la démocratie locale et partant, au bon déroulement des programmes d'action en faveur de l'opérationnalisation de l'EPT.

- Absence d'un cadre favorable au développement participatif : le développement participatif suppose que tous les acteurs, y compris les riverains puissent apporter leur contribution à la mise en oeuvre des projets pour le bien de tous. Pourtant, en dépit des grandes campagnes de sensibilisation notifiant l'importance de la contribution de « tous », l'on observe toujours une tendance à la marginalisation, logique de rente y oblige, des acteurs capable d'y apporter une contribution significative. Or « quel que soit le chemin le plus adapté pour y parvenir, l'objectif final demeure un mécanisme englobant rassemblant, sous l'autorité du gouvernement, l'ensemble des acteurs qu'ils viennent du gouvernement, de la société civile, des bailleurs, des agences bi et multilatérales, ou du secteur privé. » (Dakar +7, 2007 : 72)

Le cas de la CEDEAO présente une volonté politique manifeste, mais avec des réalisations concrètes qui se font attendre. Cette situation, en dépit de la concrétisation par la SADC du protocole sur l'éducation et la formation par les programmes communs, n'est que le reflet au sein de l'UA d'une nouvelle décennie de l'éducation handicapée d'un mécanisme de suivi sans moyen. En réalité, il manque un système fiable et permanent d'information et de transmission des rapports entre les Bureaux UNESCO en Afrique. D'où les perspectives sous- régionales et régionales présenteraient un bilan global plutôt décevant. D'où également la nécessité d'un véritable agenda régional d'action. Enfin, parce qu'une considération essentielle pour l'ensemble des mécanismes aux niveaux régional, sous-régional et national, réside dans leur étroite liaison et leur complémentarité, une rénovation des mécanismes nationaux de coordination de l'EPT s'impose, avec l'aide d'un agenda régional de suivi.

- Faible mobilisation de la société civile : la société civile, dans la perspective de Fatton, désigne « la sphère privée constituée d'activités économiques, culturelles et politiques

résistant aux incursions de l'État ». Elle doit faire face au sud du Sahara à la puissance coercitive de l'État dont la structuration prédominante correspond à un « gouvernement prédateur » (Owona Nguini) Partenaire pourtant indispensable de développement, son impact sur l'opérationnalisation de l'EPT reste faible, du fait de l'opportunisme de certains d'une part, d'autre part de la difficile convivialité `historique' persistant entre elle et la société politique camerounaise. La société civile en effet, reste un potentiel assez inexploré. Nonobstant le fait qu'elle soit généralement invitée lors des différents fora et assises, la mise en oeuvre des projets révèle que très peu de mécanismes formels de participation de la société civile sont effectivement mis en place. Considérée comme un facteur déterminant quant à la sélectivité des projets et programmes EPT, les stratégies éducatives développées par la société civile, parce que mettant l'accent sur la réduction des inégalités, permettent d'intégrer les populations et zones les plus défavorisées, « qui seraient autrement écartées des systèmes éducatifs classiques ou des programmes d'aide sectoriels » (Dakar +7, op.cit : 63) Qui plus est, la capacité d'information et de mobilisation des populations constituent l'autre contribution majeure des ONG et associations de la société civile. Pourtant, les évaluateurs des mécanismes de coordination de l'EPT en Afrique Subsaharienne ont reconnu un grand potentiel de la société civile africaine, notamment dans sa riche tradition communautaires et de politiques éducatives originales.

De l'avis de la présidente de la société civile « Cameroon Education for All Network » (CEFAN), le droit à l'éducation, en dépit des « nobles » engagements en faveur de l'EPT, reste encore pour beaucoup un rêve en ceci qu'il tarde toujours à se traduire dans la réalité. Dans son allocution prononcée à Yaoundé, lors de la Cérémonie de lancement officiel de la Semaine de l'EPT en 2008, elle décrit les multiples résistances à la décentralisation de l'éducation, la faible implication de la société civile et des parents d'élèves, comme obstacles essentiels à l'atteinte de la SPU de qualité à l'horizon 2015. Celle-ci dépend désormais de la capacité de l'État à négocier, communiquer et coordonner. Si elle reste convaincu que celui-ci ne peut plus se contenter d' « organiser et de contrôler » seul la mission d'éducation, si son appel consiste à la rupture avec la vision classique « qui voudrait que l'État soit en amont et en aval de toutes les actions éducatives », ce n'est pas seulement parce que l'école n'est plus seulement l'affaire des autorités scolaires et des enseignants, mais de toute la communauté. C'est aussi parce que l'éducation constitue un enjeu capital pour l'ensemble des acteurs du champ social. Il s'agit donc d'un appel à la culture et à l'extension des « complicités » et des « solidarités », afin d'accroître les capacités de négociation sociale et de communication à même de réaliser les consensus et les compromis dynamiques qui fondent l'esprit partenarial.

- Absence d'une stratégie cohérente de coopération avec l'UNESCO (Voir également limites de la stratégie sectorielle et du plan d'action national) : De l'avis des évaluateurs du processus de Dakar51, le devenir des instances de l'EPT est intimement lié aux orientations sociétales visées par l'action internationale et aux choix stratégiques adoptés pour les atteindre. La situation actuelle est d'autant plus préoccupante que c'est à l'échelon national que les mécanismes spécifiques apparaissent les plus précaires. Depuis Dakar et sur l'ensemble des pays africains, les Forums, Secrétariats et Coordinations Nationales souffrent de dysfonctionnements plus ou moins prononcés, qui poussent certains à remettre en cause les fondements même de leur légitimité et utilité. Toute réflexion prospective sur les mécanismes d'évaluation, de coordination et de suivi de l'EPT doit inévitablement s'insérer dans le contexte d'une harmonisation sur le plan national de l'action de l'ensemble des partenaires du développement. Parallèlement à l'action déterminante des gouvernements, les agences des Nations Unies et PTF doivent impérativement investir les espaces de dialogue, là où ils existent et sont opérationnels, pour en faire les véritables catalyseurs du partenariat tripartite que Dakar appelait de ses voeux.

2. INSUFFISANCES LIEES A L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL

- Relâchement des partenaires techniques et financiers : Après une forte mobilisation financière international qui, en plus plaçait l'Afrique au centre de ses priorités, la part de ce continent dans l'APD connaît une nette régression depuis 2003. Alors que l'aide au développement représentait 44% au début des années 1990, 38% en 2003, 37% l'année suivante, en 2005, l'APD ne représentait plus que 33%. Cette tendance qui ne s'est guère améliorée aujourd'hui soulève des inquiétudes en ceci qu'elle suggère une stagnation de l'effet mobilisateur du Forum de Dakar. Ces inquiétudes hantent également l'esprit des rédacteurs des rapporteurs du suivi de Dakar, pour qui le financement de l'EPT jusqu'en 2015 ne semble pas à l'heure actuelle assurée : « alors que les réallocations de l'aide en faveur de l'Afrique et de l'éducation n'ont pas été à la hauteur des engagements pris, l'estimation du besoin de financement extérieur de l'EPT à l'horizon 2015 a été revus à la hausse » (Dakar +7 :9) De l'avis de nos spécialistes, les versements d'aide extérieure jusque là ont été largement en dessous des besoins estimés pour l'atteinte de la SPU en 2015, d'où le rattrapage de ce retard accumulé nécessiterait le double des montants de l'aide observés en 2005.

51 Notamment dans le document paru en 2007 et intitulé Dakar +7

Dans un nombre significatif de pays dépendants de l'aide internationale, des difficultés relatives à la coordination des PTF intervenant sur l'EPT sont légions. C'est le cas du Gouvernement nigérian dont la conduite semble être dictée par les bailleurs intervenant avec la prétention de bénéficier « d'une meilleure compréhension de la façon dont le système éducatif devrait fonctionner en vue d'une efficacité maximale. » (Idem : 60) Il convient de noter également que ces difficultés de coordinations minant les rapports entre États et PTF ne constituent (entre autres) que le reflet d'une certaine hiérarchisation des positons au sein de la communauté internationale et nationale des PTF, où le potentiel de financement prédomine sur les capacités d'expertise et de répartition des rôles décidée à l'échelon international. Remarquons à cet effet que l'acronyme PTF, si réducteur soit-il, désigne des organismes complémentaires certes, mais différents aussi. Il s'agit des partenaires techniques d'un côté, d'autre part des partenaires financiers. D'où il en résulte au niveau national des difficultés de coordination et d'orientation générale des projets éducatifs. L'évaluation des experts penchés sur le cas du Cameroun est révélatrice à ce propos : « au total, la coordination au sein des partenaires techniques et financiers semble plus relever d'une déclaration d'intention que de la réalité. L'harmonisation des interventions des partenaires au développement en vue d'une meilleure complémentarité de leurs actions n'est pas effective au Cameroun. On peut même dire que les intérêts politiques divergents et les rapports de forces déséquilibrés au sein de ces acteurs ne permettent pas qu'on puisse véritablement parler de coordination. Les partenaires disposant de plus de moyens financiers pour le secteur de l'éducation au Cameroun (Banque Mondiale, France, Japon) sont les plus enclins à des démarches solitaires ou, au mieux, à l'alignement des autres partenaires sur leurs priorités. » (Idem : 61)

- les couacs internes propres à l'UNESCO : Institution spécialisée DE L'ONU, l'UNESCO, en plus de faire face à des difficultés internes et fonctionnelles, ne permet pas une bonne lisibilité de ses programmes. En effet, la mission de l'UNESCO qui est d'accompagner le processus d'EPT au sein des États est d'une importance sans précédent. Il n'est pas sûr qu'elle en dispose pour autant des moyens nécessaires et adéquats à même de lui permettre de mener à terme cette tâche `difficile'. A l'évidence, si la quasi-totalité des pays au sud du Sahara saluent l'action des bureaux régionaux dans la mise en place des cadres facilitant la coordination des ressources en faveur de l'EPT (aide logistique et soutien financier), il semble que l'UNESCO sur le terrain présente des signes majeurs d'essoufflements. En effet, sa place centrale de chef de file pour la coordination des mécanismes EPT est quelque fois contestée par nombre de pays (Cameroun, Gabon Nigeria, Congo, Namibie) qui critiquent le manque d'implication de l'UNESCO sur le terrain du soutien à l'EPT.

Ainsi, l'on peut s'interroger avec quelque raison sur la capacité de l'UNESCO à peser sur les stratégies éducatives en cours. Il s'agit là d'une problématique structurelle qui ne semble pas avoir véritablement été résolue par les réformes des nations unies sur le recouvrement de la plénitude des institutions spécialisées. C'est que la position de chef de file des bureaux hors-siège est « officiellement » entérinée par l'ensemble des « partenaires », surtout dans les domaines relevant de la finance. C'est le cas du bureau de Yaoundé où « les principaux `bailleurs de fonds» du secteur, que sont l'Agence Française de Développement et la Banque Mondiale, estiment (à demi mot) que, plus que les partenaires techniques, ce sont les partenaires financiers, qui apportent effectivement les financements dont le secteur a besoin ». Un autre constat est celui du relâchement de la stratégie volontariste de soutien politique, logistique et technique aux dispositifs EPT existants, les coordonnateurs et animateurs des plans EPT acceptant difficilement leur marginalisation par l'UNESCO et les autres partenaires.

3. L'ÉDUCATION CAMEROUNAISE SOUS L'ÉTAU DU SYSTEME POLITIQUE

Dans la perspective de Jean Leca, toute question relative aux enjeux sociaux est potentiellement politique. Il suffit à cet effet que les autorités publiques l'intègrent dans leur agenda. Interroger l'éducation camerounaise, c'est aussi interroger son système politique. Non seulement parce que l'éducation reste de façon sibylline considérée comme la clé de développement de toute nation, encore moins uniquement le fait de la saturation des diplômés qui désormais fait du chemin éducationnel une voie de moins en moins fiable vers l'emploi. Les problèmes que connaît l'éducation camerounaise sont consubstantiellement liés aux carences du système où la victoire de la « relationocratie » sur la « méritocratie » constitue une profonde entorse, non seulement sur l'extension d'une éducation de qualité, mais aussi à la péréquation éducation-emploi au Cameroun. (Tchenzette) Un tel tableau qui remet en cause la question égalitaire au sud du Sahara n'épargne pas l'environnement éducationnel où « la déception guette l'observateur averti de la mise en oeuvre du droit à l'éducation en Afrique centrale » (Mbeyap Kutnjem) Aussi, pense-t-on que la mise à terme des inégalités et disparités dans l'accès à l'éducation passe également par la consolidation de la démocratie et du développement, laquelle ne serait effective qu'au sein d'un État moins centralisateur ouvert à la participation de tous. Un cas observé à l'Extrême-Nord au Cameroun fait montre de la réalité selon laquelle le devenir de l'éducation est lié au Politique.

Région la plus défavorisée, l'Extrême-Nord connaît le taux de scolarisation le plus bas du Cameroun. En 1991, il était de 44,31%, dont 71,9 en zone urbaine, et 37,46% en zone rurale, alors que la moyenne nationale était supérieure à 76% (Abéga, op.cit :130) Officiellement, les causes de la sous-scolarisation étaient la résistance des parents, l'exode au Nigeria, l'utilisation des enfants comme main d'oeuvre agricole ou pastorale, enfin les mariages et grossesses précoces pour les filles. Pourtant, les trois années suivantes vont connaître une croissance progressive du nombre d'école, due aux initiatives des parents qui ont respectivement créé 36, 13 et 20 écoles dans les Mayo Tsanaga, Sava et Danay. A cet effet, une appréciation différente pourrait avec quelque raison, penser que ces établissements ouverts à l'initiative des comités locaux de développement, constituent le reflet du dynamisme insufflé dès 1990 par les lois ouvrant la voie à l'ère du libéralisme. Aussi, Séverin Cécile Abéga, tout en s'interrogeant sur la survie de ces initiatives prises dans un contexte de misère effrénée, a pu conclure que : « le problème fut aussi politique, celui des droits de l'homme et des libertés individuelles puisqu'on voit comment une population habituellement indexée pour sa résistance à la scolarisation et sa `mentalité» a pu à partir d'un changement politique, exprimer son dynamisme dans un secteur où elle était défavorisée » (ibidem : 132) Le fait que la situation n'est guère changée aujourd'hui52 est la preuve que l'école n'est pas encore perçue et vécue par la majorité des populations comme une réalité intégrée ou naturelle. D'une manière générale, les manifestations et causes de la crise des systèmes éducatifs sont à la fois internes à l'école, en même temps qu'elles s'expliquent par son environnement défaillant. C'est que « les choix éducatifs ont fondamentalement une dimension politique qui conduit à des arbitrages entre les intérêts et des finalités opposées » (Hugon) Et si l'on peut observer qu'en dépit des efforts croissants consacrés à la scolarisation, la formation du capital humain n'a guère conduit à une réelle croissance économique, c'est peut-être parce que les régimes « néo-patrimoniaux », obstacle à l'émergence d'un État de droit véritable, n'ont pas été véritablement gommés en Afrique.

De l'avis de Joël Bertrand, une meilleure compréhension de l'éducation en Afrique pourrait passer par la considération du mode de fonctionnement des sociétés dans lesquelles s'insèrent ces systèmes éducatifs. A cet effet, si l'on convient avec Médard que le néopatrimonialisme53 constitue la caractéristique essentielle des sociétés sub-Sahariennes, l'on

52 Magloire Kede Onana dans son ouvrage paru en 2007 aux éditions l'Harmattan présente un tableau identique du septentrion où les jeunes enfants scolarisables passent l'essentiel du temps derrière le bétail, où les parents continuent à résister d'envoyer leurs filles à l'école, et où l'on est parfois obligé en échange de leur distribuer des produits PAM (Projet Alimentaire Mondial) pour qu'ils acceptent

53 A comprendre l'effacement de la distinction entre sphères publique et privée, et un de ses corollaires qui est l'utilisation des positions dans l'appareil d'État comme canaux de redistribution de la ressource nationale

comprend le rôle majeur de l'État qui s'est institué comme l'acteur économique exclusif captant et organisant la distribution de la richesse du pays sur le mode clientéliste au profit de l'élite installée aux commandes. Instrumentalisée par la reproduction élargie du système, l'éducation l'est également du fait qu'elle sera mise au coeur de ce qui garantirait la paix sociale, à travers la légitimation du phénomène de différenciation entre élite privilégié et masse de la population. Un tel phénomène d'extensibilité continue de l'élite, qui s'appuyait sur l'absorption constante des nouveaux diplômés peu nombreux face aux besoins immenses des pays nouvellement indépendants, valait dans un contexte d'expansion économique continu. Mais lorsque la crise surgit, que la ressource se fait rare face à une implosion démographique croissante, les perspectives se renversent ; et ce qui est généralement considéré comme une crise de la baisse des ressources, peut aussi se présenter comme celle du système54. Et parce que la fonction de sélection sociale de l'éducation subordonne celle de formation des Hommes au plein sens du terme, « nombre de dysfonctionnement qui peuvent être observés tiennent moins au système éducatif lui-même qu'ils ne renvoient au social dans sa globalité. C'est-à-dire au politique, dans son sens le plus plein » (Bertrand)

4. L'EPT : MYTHE OU RÉALITÉ ?

L'engagement pris par la communauté internationale en faveur de la perfection de la société des savoirs est une initiative à saluer, en ce sens qu'elle est une preuve que les acteurs internationaux ne restent pas insensibles aux grands problèmes contemporains. Cet engagement traduit également la volonté des uns et des autres à mener une lutte sans merci aux fléaux dont fait face l'humanité. Or tout au long de son histoire, cette dernière nous a toujours démontré que rien ne peut vraiment stopper la détermination des hommes engagés ensemble dans la réalisation d'une oeuvre humaine. L'EPT ne restera un mythe que si les différents acteurs s'abstiennent de revisiter leurs systèmes de valeurs respectifs pour la réalisation du « bien commun », s'ils n'acceptent de sacrifier des logiques individualistes sur l'autel de l'intérêt supérieur de l'humanité. A l'inverse, elle sera une réalité à partir du moment où l'on parviendra à mettre la locomotive des projets sur les rails du développement participatif.

En effet, les difficultés sus-évoquées pourraient être transcendées dès lors que l'action de développement est conçue comme « un processus d'apprentissage inséré dans un ensemble

54 Et notre auteur de prendre l'exemple des familles rurales pour qui l'éducation des enfants est un investissement social, l'espoir d'une mobilité sociale par délégation. Or à partir du moment où cette voie semble bouchée, il devient difficile pour les parents essoufflés par la crise, de continuer à y investir

de processus décisionnels effectués par les différents sociaux engagés dans le déploiement d'un dispositif de développement » (Tommasoli, op.cit : 214) Ici, la mise en oeuvre au cours des programmes, des mécanismes de rétroaction à même de rendre opérationnelle l'expérience acquise, est indispensable.

Tout le débat lancé autour de la politique camerounaise de coopération est relancé ici dans la mesure où c'est au sein de son territoire qu'un certain nombre de projets relatifs à l'EPT est sensé s'appliquer. D'où tout l'intérêt de l'approche décisionnelle. Car la décision ne devrait uniquement pas s'arrêter sur le choix d'une option parmi les possibilités envisageables. Décider, c'est inclure également la recherche permanente des informations nouvelles capable de provoquer une correction progressive des choix adoptés sur la base de ces informations. La difficulté avec la planification, c'est qu'elle présuppose un décideur rationnel capable d'opérer des choix optimum à partir des données mises à sa disposition. Pourtant, la réalité à modifier est sans cesse fluctuante, mouvante et complexe qu'elle récuse toute rationalité linéaire.

Pour parvenir réellement à l'EPT, il n'est pas nécessaire de changer le cadre existant. Il s'avère juste essentiel d'y inclure le principe du développement participatif qui « met particulièrement l'accent sur le caractère procédural et flexible de la planification, sur la nécessité de se confronter continuellement avec les acteurs sociaux engagés, à différents titres, dans une intervention, et sur l'opportunité de définir des dispositifs de changements qui constituent, de façon consciente, des terrains de dialogue et de confrontation entre les différents savoirs » (op.cit : 223) A cet égard, il s'oppose aux schémas de planifications rigides observés au sein des institutions en charge de la promotion de la coopération. (Idem) L'intérêt d'une approche participative est essentiel dans la promotion de la coopération intellectuelle envisagée au sein de l'UNESCO en ceci qu'elle joue un rôle analogue à celui que Blaise Pascal et Maurice Kamto assignent à la pensée. A savoir être apte à percevoir derrière l'illusion, ramener constamment à l'essentiel dans l'ordre des sociétés humaines. La pensée tout comme le développement participatif fait la grandeur de l'homme. Et si elle nous semble indispensable pour le bon déroulement du processus d'EPT, c'est parce qu' « il faut que soit réduite à l'irréductible la place du hasard dans la gestion du destin des hommes » (Kamto, 1993 :114)

Pour toutes ces raisons nous pensons que le concept d'EPT n'est pas encore appréhendé à sa juste cause. Car comme le rappelle Jacques Maritain, « plus une idée est grande au regard de la faiblesse et des misères de la condition humaine, plus on doit être

prudent à la manier. (...) Et plus attentif on doit être à ne pas demander sa réalisation immédiate » (Ramel, 2OO2 :344)

L'ampleur des changements observés en huit années d'action en faveur de l'EPT, ainsi que l'imprévisibilité croissante des trajectoires du changement, imposent une reconsidération de la notion du temps, « d'un temps qui non seulement s'accélère, mais s'écarte des balises à partir desquelles on l'évaluait » (Laïdi, in Smouts, 1998) Dans la perspective que nous envisageons l'opérationnalisation de l'EPT, 2015 n'occupe plus une place primordiale et cesse d'être le point phare focalisant l'attention des acteurs55. Ce qui est essentiel ici, c'est de s'assurer de la mobilisation de tous les acteurs sociaux actifs quels qu'ils soient, dans la marche concertée et intégrée vers l'EPT. Il s'agit en d'autres termes d'avancer tout en se laissant guider par la voix des autres, surtout les plus marginalisés. Pour être plus clair, notre propos est d'avancer qu'il existe une « affinité élective » entre l'approche participative et l'atteinte des objectifs fixés au forum de Dakar.

Ainsi, reconnaître le caractère construit des modes d'organisation et d'actions collectives, c'est reconnaître le caractère construit des types de changement devant être impulsés par le processus d'EPT. (Crozier, 1977 : 29) Celui-ci ne saurait obéir à une logique d'imposition ou la traduction dans les faits d'un « modèle a priori conçu au départ par des sages quelconques et dont la rationalité devra être défendue contre les résistances irrationnelles des acteurs » (ibidem) Le changement dans la perspective de Crozier, « n'est ni le déroulement majestueux de l'histoire dont il suffirait de reconnaître les lois ni la conception et la mise en oeuvre d'un modèle plus `rationnel» d'organisation sociale. Il ne peut se comprendre que comme un processus de création collective à travers lequel les membres d'une collectivité donnée apprennent ensemble, c'est-à-dire inventent et fixent de nouvelles façons de jouer le jeu social de la coopération et du conflit, bref, une nouvelle praxis sociale, et acquièrent les capacités cognitives, relationnelles et organisationnelles correspondantes. C'est un processus d'apprentissage collectif permettant d'instituer de nouveaux construits d'action collective qui créent et expriment à la fois une nouvelle structuration du ou des champs ». (Idem : 30) Enfin, « ce n'est pas tant la rigueur des principes, la rationalité du modèle proposé ou la pureté des intentions qui commandent les résultats d'une action et d'une réforme, mais l'impact de celle-ci sur les mécanismes de jeux, les construits et les pratiques et comportement réels qu'ils recouvrent afin d'en comprendre le rôle et la signification dans

55 Rappelons nous que dans le cadre de Jomtien, l'année 2000 constituait l'échéance. Or plus on s'y rapprochait, plus les engagements pris étaient renvoyés aux `calendes grecques'

l'ensemble social et d'en mesurer la force de résistance et la capacité d'évolution » (Idem : 31)

Au bout du compte, l'Afrique ne pourrait traduire le mouvement international en faveur de l'EPT au mieux de ses intérêts qu'en « organisant ses capacités de gouvernement et de développement avec une forte consistance temporelle ». Ce qui passe nécessairement par la mise en oeuvre des Plans d'Actions Nationaux (PAN) récusant « le temps des rentes et les rentes de temps, favorisant l'émergence d'un temps propulsif et compétitif en phase avec le temps mondial et sortant de l'historicité autoritaire » (Owona Nguini) Le temps inerte et coagulé qui semble construire son lit au sein des mécanismes d'EPT, devrait céder la place au temps motorisé et autonomiser à même d'insuffler une nouvelle dynamique, non seulement aux engagements pris à Dakar, mais aussi à l'ensemble des programmes de développement opérationnalisés quotidiennement au sein des États membres. Dans le chapitre suivant, nous allons explorer quelques uns de ces programmes financés au sein du territoire camerounais.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry