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L'extraterritorialité du droit américain et la violation des droits de l'homme par les sociétés transnationales

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par Clémentine BACRI
Paris-1 Panthéon Sorbonne - M2 Droit anglais et nord-américain des affaires 2009
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ DE PARIS I - PANTHÉON SORBONNE
FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE

L'EXTRATERRITORIALITÉ DU DROIT AMÉRICAIN ET LA
VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME PAR LES SOCIÉTÉS
TRANSNATIONALES

Pour l'obtention du :
Diplôme de Master II Recherche « Droit anglais et nord-américain des affaires »
Présenté et soutenu publiquement par :
Mlle Clémentine BACRI
Sous la direction de :

Madame Horatia MUIR WATT
Directrice du Master 2 « Doit anglais et nord-américain des affaires »

UNIVERSITÉ DE PARIS I - PANTHÉON SORBONNE
FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE

L'EXTRATERRITORIALITÉ DU DROIT AMÉRICAIN ET LA
VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME PAR LES SOCIÉTÉS
TRANSNATIONALES

Pour l'obtention du :
Diplôme de Master II Recherche « Droit anglais et nord-américain des affaires »
Présenté et soutenu publiquement par :
Mlle Clémentine BACRI
Sous la direction de :

Madame Horatia MUIR WATT
Directrice du Master 2 « Doit anglais et nord-américain des affaires »

Année universitaire 2008-2009

REMERCIEMENTS

Madame Horatia MUIR WATT, pour sa compétence, sa gentillesse et son soutien sans faille

Monsieur William BOURDON, pour son enthousiasme et sa passion qu'il met au service des
droits de l'homme

Toute l'équipe des enseignants du Master II Droit Anglais et Nord-américain des affaires de
Paris 1, pour la qualité de leurs enseignements

TABLE DES ABRÉVIATIONS

Am. J. Int'l L. American Journal of International Law

ASPA American Service members' Protection Act

ATCA Alien Tort Claims Act

CIJ Cour Internationale de Justice

Colum. J. Trasn'l L. Columbia Journal of Transnational Law

Colum. L. Rev Columbia Law Review

Colum.Hum.Rts.L.Rev Columbia Human Rights Law Review

Cornell L. Q. Cornell Law Quaterly

CPI Cour Pénale Internationale

FCPA Foreign Corrupt Practice Act

FTCA Federal Tort Claims Act

Harv. HR. J Harvard Human Rights Journal

Harv. Int'l L. J. Harvard Journal of International Law

Harv. J. L. & Pub Pol'y Harvard Journal of Law and Public Policy

Ibid. Ibidem

Int'l & Comp. L. Q. International and Comparative Law Quaterly

OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économiques

OLAF Office Européen de Lutte Anti-Fraude

OMC Organisation Mondiale du Commerce

ONG Organisation Non Gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

Op. cit. Opere citato

OTAN Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

RICO Racketeer Influenced Corrupt Organizations Act

SEC Securities and Exchange Commission

Stan. J. Int'l L. Stanford Journal of International Law

Stan. L. Rev. Stanford Law Review

STN Société Transnationale

TVPA Torture Victim Protection Act

USC United States Code

v. Versus

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS 3

TABLE DES ABRÉVIATIONS 4

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION 7

TITRE PRÉLIMINAIRE : LE SYSTÈME JURIDIQUE AMÉRICAIN 9

A. LE SYSTÈME FÉDÉRAL 9

B. L'HISTOIRE DES DROITS DE L'HOMME AUX ÉTATS-UNIS 10

C. LE DROIT INTERNATIONAL DES DROITS DE L'HOMME AUX ÉTATS-UNIS 11

D. LES ENTREPRISES ACCUSÉES DE VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME 14

TITRE PREMIER : LES FONDEMENTS JURIDIQUES 16

A. LE DROIT PÉNAL 16

i. Foreign Corrupt Practice Act 16

ii. Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act 21

B. LE DROIT CIVIL 24

i. Alien Tort Claim Act 25

ii. Torture Victim Protection Act 32

C. LE DROIT PUBLIC 34

i. Federal Tort Claims Act 34

TITRE DEUXIÈME : LES LIMITES DE CETTE RESPONSABILITÉ 38

A. L'OBSTACLE DE FOND : LA DÉFÉRENCE DES JUGES AMÉRICAINS 38

i. La Doctrine de l'Acte du Gouvernement, ou la déférence des juges vis-à-vis des Gouvernements étrangers 38

ii. La Doctrine de la Question Politique, ou la déférence des juges vis-à-vis du Gouvernement américain 39

iii. La Doctrine du Forum Non Conveniens, ou la déférence des juges vis-à-vis d'autres juges étrangers 41

B. LES OBSTACLES JURIDICTIONNELS 43

i. La Définition Des Conditions D'application D'une Loi Américaine 44

ii. La Reconnaissance Des Jugements Américains À L'étranger 50

CONCLUSION 53

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 55

ANNEXE 65

INTRODUCTION

« Comme un papillon de nuit est attiré par la lumière, la partie demanderesse est attirée par les États- Unis »1 : cette citation souvent invoquée par Lord DENNING illustre l'attrait des États-Unis sur tous les plaideurs du monde entier, et s'avère particulièrement exacte concernant les affaires de violations des Droits de l'Homme, commises par les sociétés transnationales étrangères. En effet, alors que les sociétés commerciales investissent et implantent des filiales à l'étranger, leur influence et leur impact sur l'économie de ces États-hôtes s'étend très rapidement, au point de devenir parfois leur principale source de revenus. Mais dans le même temps, ces mêmes sociétés transnationales2 (STNs), en prônant les « valeurs occidentales » à l'étranger et en participant au développement économique de l'État-hôte, sont parfois responsables de graves violations des Droits de l'Homme auprès des populations locales, avec le soutien actif ou passif des Gouvernements de ces États-hôtes. Lorsque ces abus se produisent, les victimes locales se tournent vers un État dont le système judiciaire et légal dispose des garanties d'autonomie et d'indépendance, et qui sera susceptible de réparer leur préjudice dans leur pays d'origine. Les États-Unis sont sans doute un des États le plus sollicités par les victimes de violations des Droits de l'Homme commises à l'étranger.

Pourquoi les victimes se tournent-elles vers ce système juridique américain ? Comment des victimes de violations des Droits de l'Homme perpétrés à l'étranger par des STNs non américaines, peuvent-elles solliciter d'une cour américaine une quelconque réparation ? Quel serait l'intérêt pour ces cours à admettre de telles requêtes ?

Comme nous allons le voir, les réponses à ces questions tiennent au système juridique américain (1), ainsi qu'à la philosophie présente à travers chacune des lois américaines, ouvertes aux requérants étrangers pour des faits commis par des STNs (2). Pourtant, cette ouverture vers l'étranger souffre certaines limites (3), qui nuancent ainsi la description flatteuse du régime américain de protection des Droits de l'Homme décrite en première partie (conclusion).

***

1 «As a moth is drawn to the light, litigants are drawn to the United States" : citation de Lord DENNING dans Smith Kline and French Laboratories Ldt y. Bloch, [1983], 2 All Er 72, 74 (CA) 1983 S

2 Nous reprenons ici la définition donnée par la Commission des Droits de l'Homme du Conseil Économique et Social des Nations Unies, lors de ses « Normes sur la responsabilité en matière de Droits de l'Homme des STNs et autres entreprises » (2003), 7 p., article 20 « l'expression société transnationales désigné une entité économique opérant dans plus d'un pays ou un ensemble d'entités économiques opérant dans plus d'un pays - quelle que soit leur forme juridique, que ce soit le pays du siège ou le pays d'activité et que les entités en question soient considérées individuellement ou collectivement ». Accessible sur http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/0/fa319e648a7b3389c1256d5900459385?OpenDocument

« S'il convient de ne pas perdre de vue l'importance des particularismes nationaux et régionaux et la diversité historique, culturelle et religieuse, il est du devoir des États, quel qu'en soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les Droits de l'Homme et toutes les libertés fondamentales »

Conférence mondiale sur les Droits de l'Homme de Vienne en 1993.

TITRE PRÉLIMINAIRE : LE SYSTÈME JURIDIQUE AMÉRICAIN

A. Le système fédéral

A

fin d'appréhender les droits fondamentaux d'un État fédéral tels que les États-Unis, il faut se référer non seulement à la Constitution de l'État fédéral, mais également à celles des États fédérés. En effet, le système fédéral américain partage le pouvoir entre les niveaux

fédéraux, nationaux et municipaux. Le niveau international pourrait aussi jouer un rôle, mais en l'espèce les cours américaines ne s'inspirent pas du Droit International aussi fréquemment que les cours des autres États. Il a pu être noté par PM McFadden que «à travers des 200 dernières années, les États Unis ont développé une série de règles et pratiques qui ont minimisé le rôle du Droit International dans les contentieux nationaux 3».

Cela s'explique par la longue histoire et la pratique robuste de protection des Droits de l'Homme au niveau fédéral. En effet, bien que l'État fédéral soit incompétent pour traiter des droits fondamentaux garantis par la Constitution de États fédérés, le Droit Fédéral prime sur les droits nationaux ; c'est ainsi, par exemple, que lorsque le XIIIe amendement interdisant l'esclavage a été adopté à la suite de la Guerre de Sécession, les États fédérés ont dû « aligner » leurs législations nationales.

Toutefois, le Droit Fédéral ne suffit pas toujours à proclamer les Droits de l'Homme, et les droits nationaux (tels que les civil right, ou « droits civiques ») conservent donc un rôle pour compléter la Constitution (par exemple, les civil rights ont affirmé l'égalité des citoyens quelle que soit leur race ou leur couleur 4 ). Toutefois, nous n'étudierons ici que le Droit Fédéral, car l'étude de chaque droit national serait bien trop ardue.

Lorsque les Droits et libertés fondamentales mentionnés dans la Constitution ou une loi fédérale sont violés, il appartient à la Cour Suprême de déterminer les responsabilités encourues ; en effet, cette dernière est la gardienne de la Constitution et de tout ce qui est fédéral. Parmi les arrêts rendus par cette Cour, nous pouvons citer ceux relatifs à l'interdiction des discriminations suivant la couleur des intéressés

3 PM MACFASSEN, `Provincialism in United States Courts' (1995-96) 81 Cornell L Rev 4, 4.1478.

4 Le Civil Rights Act du 2 juillet 1964, qui vise plusieurs lois américaines, a déclaré illégale la discrimination reposant sur la race, la couleur, la religion, le sexe ou l'origine nationale. Le vote de ces lois a été suivi de plusieurs luttes radicalisant la lutte pour d'autres droits civiques.

dans la fréquentation des établissements publics d'enseignement, ou ceux relatifs à d'autres domaines capitaux, tels que la liberté d'opinion politique ou d'expression. Tous ces exemples illustrent l'importance de la garantie des Droits de l'Homme et des libertés que constitue aux États-Unis, le recours juridictionnel.

Les Droits de l'Homme sont donc très protégés au niveau juridictionnel. Mais cette protection serait vaine sans de solides textes sur lesquels le pouvoir judiciaire a pu s'appuyer ; et ces textes législatifs, protégeant les Droits de l'Homme, ont évolué au même rythme que l'État lui-même, et remontent presque aux origines de ce dernier.

B. L'Histoire des Droits de l'Homme aux États-Unis

Les États-Unis d'Amérique ont été les premiers à proclamer les Droits de l'Homme, tout d'abord à travers la Déclaration d`Indépendance de l'État de Virginie5, puis par la Constitution6 , véritable pacte fédéral, en vigueur depuis plus de 200 ans. La partie concernant les Droits de l'Homme fut ensuite complétée par plusieurs amendements célèbres. Cette primeur a favorisé la croyance selon laquelle les États-Unis seraient les leaders en termes de Droits de l'Homme et de démocratie.

Pourtant, leur position face aux Droits de l'Homme est très ambiguë, et sans doute unique au monde 7 : en effet, ils sont d'une part loués pour leur soutien aux droits de l'homme, autant dans leurs frontières qu'à l'étranger, et d'autre part critiqués pour leur rejet de certaines normes internationales de protection des droits de l'homme. Leur comportement vis-à-vis des Droits de l'Homme les place simultanément en position de « leaders » et de « outliers ».

Selon Stacey L. SOBEL 8 , Président du Harvard College, cette position de leader n'est qu'un mythe, et les États-Unis sont passés d'une politique isolationniste à un engagement de plus en plus important dans les relations internationales durant le 20e siècle. Comme nous allons le voir, cette évolution s'est traduite au niveau juridique.

5 Le 12 juin 1776, la Virginie se dote d'une Déclaration des droits. Puis, la Déclaration d'Indépendance est approuvée et signée le 4 juillet 1776 pour les treize colonies.

6 Acceptée le 17 septembre 1787 et en application depuis le 4 mars 1789.

7 Michael IGNATIEFF « American Excepionalism and Human Rights », Princeton NJ: Princeton University Press 2005 pp. 392. Harvard Human Rights Journal, spring 2006, Book Note.

8 Stacey L. SOBEL «The mythology of a human Rights Leader: How the USA has failed. Sexual Minorities at home and abroad. » Harvard Human Rights Journal, été 2008.

C. Le Droit International des Droits de l'Homme aux États-Unis

Plusieurs normes internationales dans le domaine des Droits de l'Homme seraient susceptibles d'être invoquées à l'encontre des multinationales aux États-Unis, même s'il faut reconnaitre que le Droit International et ses mécanismes de sanction sont incomplets.

A travers tout le mémoire, nous allons analyser l'arsenal juridique américain capable de promouvoir les Droits de l'Homme et/ou d'en sanctionner leur violation par les entreprises transnationales. Comme nous allons le voir, les États-Unis se placent dans ce domaine en position de leader. Mais avant de s'arrêter à l'objet de notre étude, il convient de souligner que cette position de leader se met en porte-à- faux avec leur rejet des traités internationaux de protection des Droits de l'Homme.

En effet, les États-Unis s'impliquent de manière paradoxale dans la création d'une justice pénale internationale. En effet, les États-Unis ont soutenu la création des tribunaux internationaux sur le Rwanda et sur l'ex-Yougoslavie. Ils ont notamment été de farouches partisans de l'inculpation de Slobodan MILOSEVIC, l'ancien président yougoslave. Ils étaient également en faveur de la tenue de procès contre les responsables de crimes commis par les Khmers rouges au Cambodge, sous POL POT, ou encore contre les rebelles de Sierra Leone.

Toutefois, la création d'un tribunal international permanent, devant lequel leurs ressortissants pourraient se retrouver accusés, est loin de susciter leur enthousiasme. Sous l'administration Clinton, les États-Unis ont participé activement aux négociations, mais ont cependant échoué à faire accepter les amendements qu'ils réclamaient. Le Président des États-Unis Bill Clinton avait signé le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (CPI) le 31 décembre 2000, le dernier jour avant la fermeture du délai pour signer et adhérer au Traité. Mais peu de temps après l'entrée en fonction du Gouvernement BUSH et juste avant l'entrée en vigueur du Statut (1er juillet 2002), le Président américain George W. BUSH avait, le 6 mai 2002, annulé la signature faite par M. CLINTON. Et depuis 2002, les États-Unis ont lancé une campagne à grande échelle contre la CPI, en affirmant qu'elle avait la prérogative de mettre en accusation des citoyens américains pour des raisons politiques. L'ONG « la Coalition pour la CPI9 » recense tous les moyens mis en oeuvre par les États-Unis pour affaiblir la CPI :

Tout d'abord, le Gouvernement de M. BUSH a cherché à conclure avec d'autres États des Accords Bilatéraux d'Immunité (ABI), prétendument fondés sur l'article 98 du Statut de Rome, en vue de soustraire les citoyens et le personnel militaire américains de la juridiction de la Cour. Ces Accords prohibent toute assignation devant la Cour d'un large éventail de personnes, incluant les membres de

9 Accessible sur Internet à www.iccnow.com. Voir en particulier leur fiche « les États unis et la CPI », non datée et non signée à http://www.iccnow.org/?mod=usaicc

l'actuel et des précédents Gouvernements, du personnel militaire, des fonctionnaires (y compris les sous- traitants), et des citoyens. Ils peuvent prendre trois formes :

La première forme est réciproque, et prévoit que les deux parties conviennent de ne pas livrer à la CPI sans avoir obtenu le consentement de l'autre partie toute une série de leurs ressortissants (ainsi que certains autres ressortissants qui leur sont liés), et pas seulement les personnes qui participent à une mission de maintien de la paix des Nations unies.

La deuxième forme est identique au premier hormis le fait qu'il n'interdit pas aux États-Unis de remettre des ressortissants de l'autre État (et certains autres ressortissants qui leur sont liés) à la CPI.

Le troisième type d'accord, destiné aux États qui n'ont ni signé ni ratifié le Statut de Rome - qui n'a été signé que par le Timor oriental, pays qui n'est pas encore membre des Nations unies - comprend un paragraphe demandant à ces États de ne pas coopérer avec des États tiers pour remettre des personnes à la CPI.

La liste de tous les États signataires10 est disponible sur le site de la CPI à http://www2.icccpi.int/Menus/ASP/states+parties/.

Beaucoup d'experts Gouvernementaux, judiciaires et non-Gouvernementaux sont parvenus à la conclusion que les accords bilatéraux recherchés par le Gouvernement des États-Unis sont contraires au Droit International et au Statut de Rome.

Un autre élément de la politique américaine contre la Cour est l'adoption de deux lois intitulées « Loi de protection des ressortissants américains » (American Service members' Protection Act ou ASPA) et « l'Amendement Nethercutt ».

La Loi de protection des ressortissants américains, adoptée par le Congrès en août 2002, contient des dispositions restreignant la coopération des États-Unis avec la CPI. Ainsi, le soutien des États-Unis aux missions de maintien de la paix est largement conditionné par l'octroi de l'impunité à tous les personnels de nationalité américaine. Une autre disposition autorise même le Président à user de « tous les moyens nécessaires et appropriés » pour faire libérer citoyens américains et alliés détenus par la CPI (d'où le surnom de « Hague Invasion Act »). Le Gouvernement de M. BUSH a utilisé ces clauses comme moyen de pression pour inciter les autres pays à conclure les ABI, la sanction d'un refus étant le retrait de l'assistance militaire américaine, indispensable pour certains d'entre eux.

10 Mise à jour du 29 juin 2009.

En juillet 2003, le Pentagone a ainsi suspendu son aide militaire à trente-cinq pays coupables de refuser l'ABI.

Le 15 juillet 2004, la Chambre des représentants américaine a joint un amendement anti-CPI au Projet de loi de crédits pour les opérations étrangères. Cet amendement, apporté par le représentant George Nethercutt, retire l'aide du Fonds Économique de Soutien à tous les pays ayant ratifié le Traité CPI sans avoir signé d'ABI avec les États-Unis. L'amendement par la suite connu comme l'Amendement Nethercutt a été adopté par le Sénat puis promulgué par le Président BUSH le 8 décembre 2004.

De plus, le Gouvernement des États-Unis a soutenu la Résolution du Conseil de sécurité n° 1422 (adoptée la première fois en juillet 2002 et modifiée en juin 2003 pour devenir la Résolution n° 1487). Cette Résolution garantissait l'immunité au personnel des parties non-étatiques signataires du traité de la CPI, et impliqués dans des opérations des Nations Unies en cours ou autorisées pour une période renouvelable de douze mois. Le but en était, pour les États-Unis, de garantir l'immunité pour les casques bleus américains. Mais en dépit des efforts américains, les États-Unis ont retiré la résolution en 2004 dès qu'ils n'ont plus été en mesure d'assurer suffisamment de votes au Conseil de sécurité.

Ainsi, les États-Unis ne sont pas toujours exemplaires au niveau international, et bien qu'ils soient très entreprenants dans les affaires de Droits de l'Homme des États tiers, ils ne sont pas favorables à ce que la justice internationale puisse avoir un droit de regard dans les affaires américaines, même quand cela concerne les Droits de l'Homme.

De manière plus globale, l'on peut remarquer que le Droit International ne joue pratiquement aucun rôle dans le système judiciaire, et est très rarement discuté lors des jugements. 11 Les États-Unis n'ont qu'une approche comparatiste embryonnaire, et le fait que le système américain soit dualiste, i.e. que le Droit International ne soit applicable qu'en vertu du droit national, renforce encore cette impression. Par conséquent, le Droit International des Droits de l'Homme ne s'applique pas directement devant les Cours américaines, il doit préalablement être transposé dans le droit national américain par le Congrès Fédéral, afin de pouvoir servir de base juridique à une action.

Cette carence a pu bénéficier à certaines STNs, qui ont ainsi pu se soustraire à certaines condamnations pour violation des Droits de l'Homme. Mais heureusement, le Droit Fédéral américain a pu pallier à cette carence, au moins partiellement, afin que les plus graves abus soient sanctionnés.

11 JC ANDERSON, `Respecting Human Rights: Multinational Corporations Strike Out' (1999-2000) 2 U Pennsylvania J of Labor & Employment Law 463, 467.

D. Les entreprises accusées de violation des Droits de l'Homme

Le fait qu'une partie du Droit International des Droits de l'Homme ne soit pas appliqué aux États-Unis est réellement problématique, au vu de l'importance du droit américain sur la régulation des activités des STNs, et au vu des violations des Droits de l'Homme imputées à ces dernières. Pour n'en citer que quelques-unes des STNs américaines, Chevron Texaco, Wal-Mart, Exxon Mobil, Shell Oil, Coca-Cola, Southern Peru Copper, Pfizer, Ford, Del Monte, Chiquita, Firestone, Unocal, Union Carbide, Gap, Nike, Citigroup, IBM, and General Motors ont toutes été poursuivies devant la justice américaine pour violation des Droits de l'Homme, tels que (pour ne citer que les actes prohibés par le Droit International Humanitaire) des actes de génocide, crime contre l'Humanité, ou crime de guerre12 .

En effet, ces STNs ont pu, par exemple, fabriquer des classes d'armes interdites (comme les armes biologiques) pour les utiliser contre la population civile ou militaire d'un autre État, ou imposer le travail forcé lorsque le pays était en guerre 13, ou encore vendre des services de sécurité privée afin de commettre des crimes de guerre aux cotés de l'armée officielle14. Les institutions financières privées, elles aussi, ont pu participer à des actes de pillage des ressources publiques ou privées15 .

Mais ces abus ne sont pas réservés aux STNs américaines, et les STNs étrangères ne sont pas en reste. Or, étant donné la vocation « universelle », ou du moins expansionniste de certaines lois américaines visant à réglementer ces abus, ces STNs non américaines sont aussi susceptibles de faire l'objet d'un procès intenté à leur encontre, par des victimes de violation des Droits de l'Homme, et ce même pour des faits commis sur le territoire d'un État autre que les États-Unis.

Il s'avère donc très intéressant d'étudier les instruments juridiques de protection des Droits de l'Homme en vigueur aux États-Unis, ainsi que les exceptions qui pourront être apportées par les STNs dont le comportement à l'étranger est mis en cause, afin de pouvoir en tirer des enseignements utiles autant du point de vue des futures parties à des procès en matière de Droits de l'Homme, que de celui des États étrangers dans une logique comparatiste.

12 La définition de ces actes est donnée aux articles 6 à 8 des Statuts de la Cour Pénale Internationale du 17 juillet 1998, U.N. Doc. A/CONF.183/9, 37 I.L.M. 999, 1004-099 accessible sur http://www.icccpi.int/menus/icc/legal%20texts%20and%20tools/official%20journal/rome%20statute?lan=fr-FR. Vu le 22 juillet 2009.

13 À tire d'exemple, on peut se référer à In re World War II Era Japanese Forced Labor Litig., 114 F. Supp. 2d 939, 942 (N.D. Cal. 2000) ou Iwanowa y. Ford Motor Co., 67 F. Supp. 2d 424, 433 (D.N.J. 1999).

14 L'auteur Juan Carlos ZARATE décrit ces phénomènes, où des STNs de sécurité s'ingèrent ds des conflits armés internationaux. « The Emergence of a New Dog of War : Private International Security Companies, International Law, and the New World Disorder », 34 Stan. J. Int'l L. 75 (1998)

15 Des arrêts ont ainsi mis en cause des banques françaises, allemandes et suisses pour le pillage de personnes privées ou publiques : Bodner y. Banque Paribas, 114 F. Supp. 2d 117 (E.D.N.Y. 2000); In re Holocaust Victim Assets Litig., 105 F. Supp. 2d 139 (E.D.N.Y. 2000); In re Austrian & German Bank Holocaust Litig., 80 F. Supp. 2d 164 (S.D.N.Y. 2000).

Nous verrons donc dans un premier temps le contenu du droit américain susceptible d'être invoqué à l'appui d'une demande introduite par une victime contre des agissements d'une STN étrangère (1), et dans un second temps les exceptions que pourra lui objecter la STN ainsi mise en accusation (2).

***

TITRE PREMIER : LES FONDEMENTS JURIDIQUES

A. Le Droit Pénal

i. FOREIGN CORRUPT PRACTICE ACT

En principe, le droit pénal d'un État s'applique uniquement pour sanctionner les actes commis entièrement ou au moins partiellement, sur le territoire et sous la juridiction de cet État. Ce principe est en vigueur dans tous les États, et donc aussi aux États-Unis 16 .

Pourtant, ces derniers ont fait une exception lorsque le Président Carter a fait voter la

17 Foreign

Corrupt Practice Act (FCPA) de 197718, loi américaine fédérale, à la suite du scandale Lockheed19. Alors que la corruption était à l'époque considérée comme un « mal nécessaire »20, et que plus de 400 firmes américaines avaient procédé à des paiements illégaux ou douteux dans les années 1 97021 , pour la première fois une loi incriminait la corruption d'agents publics étrangers par des entreprises américaines.

Pour les américains, la FCPA est une loi à vocation extraterritoriale. C'est ainsi qu'en 1988, la FCPA a permis au Président des États-Unis de sensibiliser les autres États contre le phénomène de la corruption. Le Président devait par exemple présenter un rapport sur :

- le progrès des négociations au niveau de l'OCDE

- les étapes que les pouvoirs exécutifs et législatifs américains devraient suivre si les négociations à l'OCDE échouaient

16 S JOSEPH, «Corporations and Transnational Human Rights Litigation» (Hart Publishing, Oxford 2004) 13.

17 Nous utiliserons le féminin pour cette loi, étant donné la définition fournie par Homer MOYER Jr., Président du Groupe de Travail anti Corruption de l'International Bar Association dans « Évolution de l'application du Foreign Corrupt Practice Act aux États-Unis », sur www.ethic-intelligence.com/.../Homer%20Moyer%20Jr.pdf : il a nommé la FCPA comme la « Loi sur les pratiques de corruption à l'étranger ».

18 5 U.S.C. §§ 78dd-1, et seq.

19 Rich, Ben R. et Leo JANOS. «Skunk Works: A Personal Memoir of My Years at Lockheed». New York: Little Brown & Co., 1994, p. 10. ISBN 0-75151-503-5

20 Daniel DOMME, président de Transparence International « La corruption internationale au tournant du Siècle ». ISBN 213051 82x, 220 p. p79 à 85, Revue Internationale et Stratégique. Dalloz, dossier n°43 200 1/3. Accessible sur http://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2001-3-page-79.htm. A jour du 14 juillet 2009.

21 Selon une étude de la Securities and Exchange Commission (SEC)

- les actions que l'Administration américaine pourrait entreprendre afin de lutter contre la corruption sur le plan international.

Pour les États-tiers, la FCPA fut (et est toujours) ressentie comme un des exemples de l'hégémonie américaine. Cependant, plusieurs États mirent en place il y eu mise en place des stratégies comparables afin de lutter contre la corruption dans un contexte international, à la suite de la FCPA. En effet, sur l'initiative des États-Unis, des instances internationales et régionales22 se saisirent de la question et proscrirent la corruption. Notons toutefois l'exception notable de l'Organisation Mondiale du Commerce23 et de quelques organismes financiers internationaux.

Revenons au régime de la FCPA. Cette loi confie aux Cours américaines une compétence extraterritoriale pour juger les citoyens et entreprises américains qui auraient corrompu ou tenté de corrompre des fonctionnaires Gouvernementaux étrangers, ou des candidats à des postes Gouvernementaux. Cette loi nous intéresse ici, en ce qu'elle rend compétentes les cours américaines pour juger des actes de corruption ou de violation des Droits de l'Homme, commis par des personnes physiques ou morales américaines.

Concernant la compétence rationae personae : la FCPA s'applique directement à trois types de ressortissants ou entreprises (et indirectement aux dirigeants, administrateurs, salariés, agents et actionnaires agissant pour le compte de la société transnationale ou STN) :

« Les émetteurs » 24 : les sociétés cotées qui ont enregistré des titres auprès de la SEC, doivent lui fournir des documents « dans l'intérêt du public, ou pour la protection des investisseurs, et pour une utilisation équitable des marchés (fair dealing in Security)25 ». Ces obligations ont pour finalité de fournir une image financière exacte des activités de ces émetteurs.

Les « entreprises nationales26 autre que les émetteurs27 » i.e. les citoyens américains et les personnes morales établies aux États-Unis ou organisées selon la loi des États-Unis28 .

personnes29 autres qu'un émetteur ou une entreprise nationale30

», i.e. toute personne physique

Les «

qui n'est ni citoyenne, ni ressortissante ni résidente des États-Unis. Cela vise toute entité industrielle ou

22 Telles que l'Organisation des États Américains, l'Union Européenne et l'Office Européen de Lutte Anti Fraude OLAF, le Conseil de l'Europe, l'Organisation de Commerce et de Développement Économiques OCDE,

23 ( Par la suite nous l'appellerons « OMC ») La question a été évoquée sous l'angle de la transparence des marchés publics, mais n'a pas dépassé le niveau d'un groupe de travail.

24 1484 FCPA (n 6) § 78dd-1(a).

25 Cf. 15 USC §§ 78m, 78o (d); A DAHMS, N MITCHELL, `Foreign Corrupt Practices Act' (2007) 44 Am Crim L Rev 605, fn 21 (n 9) fn 22.

26 FCPA (n 6) § 78dd-2(a).

27 Ibidem (ibid.) §78dd-2(a) (`...other than an issuer under section 78dd-1 ').

28 Ibid § 78dd-2(h) (1) (B).

29 Ibid § 78dd-3(a).

commerciale organisée selon la loi d'un État étranger et dont les titres ne sont pas négociés sur une bourse des États-Unis31.

L'on voit ainsi à quel point cette compétence est large, et peut sanctionner des américains et des non- américains. Cette vocation extraterritoriale et extra-personnelle de certaines lois américaines est mal acceptée et comprise à l'étranger, et est sujette à de vives critiques.

Concernant la compétence rationae materiae : la FCPA interdit « l'offre, le paiement, la promesse ou le don à un dirigeant étranger, un responsable politique étranger, un candidat à un poste politique étranger, ou un agent d'une de ces trois catégories de personnes, en vue d'obtenir, de conserver ou de diriger un marché donné 32 hors des États-Unis ». Cet acte peut avoir eu lieu sur le territoire américain ou à l'étranger33. Quatre actions sont interdites par la FCPA :

- Influencer l'acte ou la décision d'un agent public étranger (du Gouvernement ou d'un parti politique) - Inciter un agent public étranger à violer ses obligations légales34

- Recevoir un avantage indu de la part de l'agent public étranger35 .

- Inciter un agent public étranger à user de son influence auprès de l'autorité publique d'un autre État étranger 36 .

Pour ces quatre actions prohibées, l'intention de corrompre est exigée, de sorte qu'est interdit tout paiement effectué à un agent public étranger afin d'atteindre un but proscrit par la loi. En fait, l'intention de corrompre se confond avec le but illégal de l'acte effectué par l'agent qui a reçu le paiement.

De plus, ces actions interdites, faites dans l'intention de corrompre, doivent être effectuées dans le but d'obtenir ou conserver un marché ou autre avantage indu : cet avantage peut viser l'offre, le paiement, la promesse de paiement ou l'autorisation de paiement de toute somme d'argent ou d'une chose de valeur, cette dernière notion étant comprise au sens large.

Enfin, le corrupteur doit avoir conscience de la violation de la FCPA, une négligence ou une « bêtise » n'étant pas suffisante.37

30 Ibid § 78dd-3(a).

31 Ibid § 78dd-3(f) (1).

32 Ibid. §§ 78dd-1(a) (1) - (3) (pour les émetteurs), 78dd-2(a) (1) - (3) (pour les entreprises nationales), 78dd-3(a) (1) - (3) (pour toute personne).

33 Cf. Ibid §§ 78dd-1(g) (1)-(2), 78dd-2(i) (1)-(2). Il n'y a pas d'équivalent pour les sociétés immatriculées à l'étranger dans la section 78dd-3.

34 FCPA (n 6) §§ 78dd-1(b), 78dd-2(b), 78dd-3(b).

35 Ibid.

36 Ibid §§ 78dd-1(a)(1)(B), a(2)(B), a(3)(B), 78dd-2(a)(1)(B), a(2)(B), a(3)(B), 78dd-3(a)(1)(B), a(2)(B), a(3)(B).

Par ailleurs, puisque cette loi est fédérale, il convient de rattacher l'acte visé au commerce interétatique38 pour qu'il soit prohibé. En pratique, cela ne pose guère de difficultés puisque les activités d'une STN américaine à l'étranger39, et celles d'une STN étrangère aux États-Unis40 , remplissent cette condition.

Envisageons maintenant les défenses que le prétendu corrupteur peut invoquer 41 afin de s'exonérer de toute responsabilité. Ainsi, une entreprise ne sera pas condamnée si elle prouve que :

- Le paiement était licite en vertu des lois et règlements écrits de l'État de l'agent public étranger

- Le paiement était « une dépense raisonnable et de bonne foi, tels des frais de voyage et d'hébergement », encourue par l'agent public étranger ou pour son compte et étant « directement liée à la promotion, la démonstration ou la présentation de produits ou services » ou à la « conclusion ou l'exécution d'un contrat avec une autorité publique étrangère ou l'un de ces organismes »42 . A ce jour, aucun paiement ayant fait l'objet d'une enquête de la part des autorités américaines n'a relevé de cette exception.

Au niveau procédural, les poursuites en vertu de la FCPA ne peuvent être initiées à l'encontre des entreprises que par le Département de la Justice ou le SEC 43, et non par des personnes physiques individuelles44. Par conséquent, les victimes d'une violation de la FCPA ne peuvent pas invoquer directement la FCPA, mais peuvent à la place porter à l'attention des agences Gouvernementales les violations alléguées de la FCPA45.

Ces limites procédurales restreignent considérablement l'action qu'une personne victime d'une violation des Droits de l'Homme pourrait fonder sur la base de la FCPA, en invoquant une pratique corruptrice.

37 Cf. DAHMS et MITCHELL (n 9) 616-17.

38 Constitution des États-Unis, art. I section 8, 3e alinéa. Voir également le Xème amendement de la Constitution des États- Unis « les pouvoirs qui ne dont pas délégués aux États-Unis par la Constitution ni refusés par elle aux États sont réservés aux États ou au peuple ».

39 Selon le Département de la Justice des États-Unis : S. Rep.277, 105th Cong., 2nde Sess (1998). H. Rep. 802, 105th Cong, 2nde Sess (1998).

40 Selon les travaux préparatoires aux modifications de 1998

41 Le ministère public doit prouver que les éléments de l'infraction sont réunis ; mais c'est au défendeur de prouver le moyen de défense alternatif. Selon W. BLACKSTONE, « Commentaries 201 », la charge de la preuve concernant l'effet justificatif des excuses absolutoires ou atténuantes incombe au défendeur.

42 15 U.S.C. § § 78dd-1 (c) et 78dd-2(c) et 78dd-3(c). Mais s'il y a eu intention de corrompre, alors le paiement ne sera pas effectué de bonne foi et le moyen de défense ne pourra pas être valablement invoqué : H. Conf. Rep. 576, 100th Cong. 2nd Sess. 992 (1998).

43 Cf. Clayco Petroleum Corp v Occidental Petroleum Corp 712 F 2d 404 (9th Cir 1983) 409, cert denied 464 US 1040 (1984).

44 Lamb v Philip Morris, Inc 915 F 2d 1024 (6th Cir 1990) 1027-30, cert denied 498 US 1086 (1991).

45 Cf. Infra DAHMS and MITCHELL (n 9) 619-20.

Toutes ces affaires n'ont donné lieu à aucun jugement, puisqu'elles ont fait l'objet de transactions.

De quelles sanctions sont susceptibles de faire l'objet les entreprises qui violent la FCPA ? Tout d'abord, en vertu de la FCPA :

- Les STNs peuvent être condamnées à une amende allant jusqu'à 2 millions de $ 49 .

- Les dirigeants, administrateurs, salariés, agents et actionnaires agissant pour le compte de la STN peuvent être condamnés à une amende allant jusqu'à 100 000 $, et/ou un emprisonnement maximal de 5 ans.

Par ailleurs, selon le Code des États-Unis50 , des amendes alternatives sont possibles : si le délit occasionne un gain ou une perte pécuniaire, le Code autorise des amendes maximales alternatives égales au montant le plus élevé du double du gain brut ou du double de la perte brute.

Les personnes physiques peuvent être condamnées à une amende calculée de cette manière, ou bien à une amende maximale de 250 000 dollars, et/ou à une peine d'emprisonnement de 5 ans.

Les personnes morales peuvent être condamnées à une amende calculée comme précédemment ou à une amende maximale de 500 000 Dollars 51. En annexe (tableau 1), est repris un tableau récapitulatif52 qui compare les sanctions prévues dans la FCPA et dans le U.S.C.

Selon le Département de la Justice, les prévenus dans les affaires relevant de la FCPA ont souvent été condamnés à des amendes supérieures aux montants prévus dans la FCPA.

46 Cf. US Securities and Exchange Commission, `GE InVision, Inc. (connu sous le nom de InVision Technologies, Inc.): Lit. Rel. No. 19078 / 14 février 2005 accessible sur http://www.sec.gov/litigation/litreleases/lr19078.htm au 14 juin 2009.

47 Cf. US Securities and Exchange Commission, `ABB Ltd : Lit. Rel. No. 18775 / 6 juillet 2004 accessible sur http://www.sec.gov/litigation/litreleases/lr18775.htm au 14 juin 2009.

48 US Securities and Exchange Commission, `The Titan Corporation : Lit. Rel. No. 19107 \ 1er mars 2005 accessible sur http://www.sec.gov/litigation/litreleases/lr19107.htm au 14 juin 2009.

49 FCPA (n 9) §§ 78dd-2(g) (1) (A), 78dd-3 (g) (1) (A).

50 United State Code (U.S.C.), accessible par titre sur http://www.gpoaccess.gov/uscode/browse.html

51 18 U.S.C. § 3571.

52 Cf. sur www.oecd.org/dataoecd/16/29/2390476.pdf. Vu le 2 juillet 2009.

ii. RACKETEER INFLUENCED AND CORRUPT ORGANIZATIONS ACT

Le Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act53 (RICO)54 peut être utilisé comme une alternative à la FCPA, puisqu'il peut être invoqué par des requérants lorsque ces derniers ne peuvent pas invoquer la FCPA. Toutefois, le RICO fut à l'origine institué pour combattre le crime organisé au sein des États-Unis, afin de protéger l'économie américaine contre les effets néfastes de l'escroquerie.

Ce n'est donc pas à proprement parler un outil juridique dont le but est de protéger les Droits de l'Homme, mais ces derniers seront protégés indirectement lorsque l'action de la STN qui les aura violé, impactera l'économie américaine. Étant donné cette faculté offerte par le RICO de sanctionner les abus en matière de Droits de l'Homme, nous allons à présent en étudier son régime.

Concernant la compétence rationae personae : le RICO s'applique aux personnes physiques et morales capables de « détenir des biens » 55, et comprend donc les STNs56 . Nous ne nous intéresserons qu'au cas de ces dernières.

Concernant la compétence rationae materiae : constitue un crime - qui sera jugé par les cours fédérales 57 - le fait pour une personne d'appartenir ou d'être associé à une entreprise, dont l'activité affecte le commerce interétatique et qui est impliquée, directement ou indirectement, dans un « schéma de racket »58.

Pour que le schéma de racket soit établi, il faut que :

- Deux des crimes et/ou délits listés aient été perpétrés au cours d'une période de 10 ans (on y trouve entre autres l'usure, la contrefaçon, la fraude postale et électronique, la contrefaçon de papiers d'identité 59, le meurtre, l'enlèvement, le jeu, l'incendie criminel, le vol qualifié, la corruption, l'extorsion et le trafic de stupéfiants mais aussi l'esclavage, le travail forcé et le trafic d'êtres humains60, ou l'exploitation sexuelle de mineurs61 )

53 Traduite par la « Loi sur les organisations corrompues et influencées par les rackets » selon Joseph WHEATLEY « Contre le Crime organisé aux États-Unis : le RICO », Les Cahiers de la Sécurité Intérieure, 07, paru le 30/01/2009, 152-162 p. > Nous utiliserons, comme l'auteur, le masculin pour désigner cette loi.

54 18 USC § § 1961-1968. L'intégralité du texte est disponible ici : http://www4.law.cornell.edu/uscode/18/ch96.html

55 « any individual or entity capable of holding a legal or beneficial interest in property » Ibid § 1961(3)

56 Cf. RICO (n 41) § 1961(4). Cela inclut les groupes d'entreprises, les «partnerships» ou toute autre entité légale, de même que «toute union ou groupe d'individus associés en fait, et non en droit». Exemples : Fitzgerald v Chrysler Corp 116 F 3d 225 (7th Cir 1997) 226; Liquid Air Corp v Rogers 834 F 2d 1297 (7th Cir 1987) 1306.

57 RICO (n 41) § 1964(a).

58 « pattern of racketeering activity » Ibid § 1962(c).

59 RICO (n 41) § 1961(1).

60 Ibid. § 1961(1) (B). Cela inclut des infractions prévues au 18 USC §§1581-1592, qui pénalise, par exemple, l'obtention de travail par une personne contre sa volonté (18 USC § 1589) ou le trafic sexuel d'enfants (18 USC § 1591).

61 RICO (n 41) § 1961(1) (B). Et ce crime est pénalement sanctionné même s'il est commis hors des États-Unis : Cf. 18 USC § 2260.

- ces évènements soient connectés

- ces évènements représentent une « activité criminelle continue », présente, passée ou future.

En outre, le racket doit avoir causé un dommage sur la propriété d'une personne62 , américaine ou non. Par conséquent, l'acte sera sanctionné même s'il n'affecte que le commerce interétatique étranger, l'utilisation de cette loi a donc été étendue et permet ainsi de facilement atteindre l'activité d'une STN, quel que soit son État d'origine.

Quelles sont les sanctions encourues par les STNs dont les activités rentrent dans le champ d'application du RICO ? Les STNs peuvent être condamnées à une peine d'emprisonnement maximale de 20 ans63 et/ou une amende maximale de 25 000 dollars , ainsi que la confiscation de leurs biens. De plus, le RICO permet aux citoyens d'intenter des actions en justice pour les dommages causés à leurs biens. Ces derniers auront droit au triple des dommages subis, ajoutés aux frais de justice64 .

Le RICO apparait donc comme une arme efficace pour lutter contre les violations de certains Droits de l'Homme perpétrés par les STNs non américaines, même lorsqu'elles ont agi en dehors des États-Unis (avec la réserve précitée de l'affectation du commerce interétatique). Cependant, le RICO n'a pas d'application extraterritoriale en principe 65 ; son réel objectif étant, nous l'avons dit, de protéger l'économie américaine contre les effets du crime organisé.

C'est la raison pour laquelle l'application du RICO hors des frontières américaines est possible, mais dépendra du « test des effets » ou du « conduct test » 66 : dans l'arrêt Unocal III67, le requérant devait prouver que le comportement de la STN avait produit des « effets substantiels, directs et prévisibles sur le territoire américain68 », même si ces effets étaient commis à l'étranger. La charge de la preuve revient donc au requérant étranger, et cette dernière est relativement lourde69 .

62 RICO (n 41) § 1964(c).

63 RICO (n 41) § 1963 (a).

64 Ibid § 1964(c).

65 Il y a des divergences entre les cours américaines ; cf. notamment Jose v M/V Fir Grove 801 F Supp. 349 (DC Oregon 1991) 357 selon qui « la lettre et l'histoire du RICO ne sont pas parvenus à démontrer que le Congrès souhaitait voir cette loi appliquée hors des frontières »). A l'inverse, cf. Doe I v State of Israël 400 F Supp. 2d 86 (D DC 2005) 115 selon qui «Le Congrès souhaitait une application extraterritoriale du RICO». En fait, le RICO s'applique de manière extraterritoriale dans des cas très limités.

66 Selon Oxford Pro Bono Publico, « Obstacles to Justice and Redress for Victims of Corporate Human Rights Abuse : A comparative submission prepared for Professor John RUGGIE », 3 novembre 2008, Law Faculty of the University of Oxford, p. 317. Accessible sur http://www.reports-and-materials.org/Oxford-Pro-Bono-Publico-submission-to-Ruggie-3-Nov-08.pdf . Cet article cite, en se référant à ces tests, la jurisprudence Doe I v Unocal 395 F.3d 932 (9th Cir 2002) (Unocal III) 945 fn 15.

67 Doe I v Unocal 395 F.3d 932 (9th Cir 2002) (Unocal III) 945 fn 15,

68 Ibid Doe I v. Unocal : l'arrêt cite, au paragraphe 961, l'arrêt Consol Gold Fields PLC v Minorco, SA 871 F 2d 252 (2d Cir 1989) 261-62.

69 E Eguh UDOBONG, `Multinational Corporations facing the Long Arm of American Jurisdiction for Human Rights and Environmental Abuses: The Case of WIWA v Royal Dutch Petroleum, Co.' (2005) 14 Southeastern Envtl L J 89, 126.

Cette réelle difficulté d'application extraterritoriale explique probablement pourquoi l'usage du RICO pour remédier aux violations des Droits de l'Homme par des requérants étrangers n'a pas été concluant, malgré de multiples tentatives. Citons par exemple les cas de :

- Doe contre Israël70, concernant la requête de Palestiniens résidents sur la West Bank71 contre Israël et des financeurs américains, pour la politique de colonisation d'Israël dans la West Bank

- Unocal III , concernant la requête de Birmans contre une société française, pour des actes du Gouvernement Birman

- Jose72 , concernant une requête de Philippins contre les propriétaires japonais et philippins de navires, pour du travail forcé pratiqué dans les Philippines, au Japon et aux États-Unis.

Toutefois, il existe au moins un cas qui prouve le contraire : l'arrêt Wiwa contre Royal Dutch Petroleum Co73 , relatif au meurtre d'un activiste nigérian des Droits de l'Homme (défenseur actif des Droits de l'Homme, M. SARO-WIWA) an Nigeria. La requête fut déposée au nom de la famille du défunt contre deux STNs européennes (la Royal Dutch Petroleum Company, la Shell Transport and Trading Company), et la filiale nigériane (Shell Petroleum Development Company). Les sociétés étaient accusées d'avoir fourni au Gouvernement Nigérian des armes pour attaquer des villages nigérians, afin de stopper toute opposition aux activités des STNs dans cette région.

La District Court a jugé le 26 mai 2009 que les requérants avaient bien apporté la preuve que le test des effets était rempli, puisque le comportement des sociétés défenderesses avait entrainé une diminution des coûts d'extraction de pétrole, et ainsi affectait le marché américain du pétrole en donnant un avantage comparatif injuste à ces sociétés. Le 9 juin dernier (2009), la STN Shell a transigé avec les plaignants, pour un montant de 15,5 millions de dollars, mettant ainsi fin à l'instance en cours 74. L'association « Remember Saro-Wiwa » a déclaré qu' « aucune société qui aurait été innocente de toute association avec l'armée nigériane et innocente de toute violation des Droits de l'Homme, n'aurait transigé pour 15,5 millions de dollars. Cela prouve clairement que la société avait quelque chose à cacher »75 . Shell a

70 Ibid. (n 143) 95-96

71 Partie Est des territoires palestiniens, à l'Ouest du fleuve Jourdain.

72 Ibid. n143

73 2002 WL 319887 (SD NY 2002). Accessible par Westlaw International ou sur http://ccrjustice.org/ourcases/currentcases/wiwa-v.-royal-dutch-petroleum#files. Vu le 13 juillet 2009.

74 Source : NY Times, «Shell to Pay $15.5 Million to Settle Nigerian Case», 8 juin 2009, http://www.nytimes.com/2009/06/09/business/global/09shell.html?_r=1&ref=global et CNN World, « Saro-Wiwa's son : justice is always hard won», 9 juin 2009 http://edition.cnn.com/2009/WORLD/africa/06/09/saro-wiwa.transcript/. Contenu de la transaction : www.earthrights.org/.../Wiwa%20v%20Shell/Wiwa-v-Shell-agreements-and-orders.pdf

75 The Real News, «Did shell collaborate in Nigerian executions ?» 10 juin 2009.

http://therealnews.com/t/index.php?option=com_content&task=view&id=31&Itemid=74&jumival=3845&updaterx=2009-06- 10+01:43:12

quant à lui répondu que ce n'était qu'un geste de sympathie, niant ainsi toute culpabilité dans la mort de Saro-Wiwa et des autres Ogoni Nine76.

A travers cet exemple, nous voyons que le RICO a pu être utilisé comme fondement juridique par une victime de violation des droits fondamentaux, pour attaquer en justice une STN d'un État-tiers (tiers par rapport à la nationalité de la victime, et tiers par rapport à la législation américaine).

Au vu des sanctions civiles et pénales prévues par le RICO, cette loi était considérée comme mixte. Voyons à présent le contenu du droit américain purement civil, invocable à l'encontre d'une STN pour des faits de violations des Droits de l'Homme hors du territoire américain.

B. Le Droit Civil

Malgré les dispositions pénales permettant de poursuivre pénalement des entreprises transnationales opérant à l'étranger, les recours en droit civil offrent des « remèdes » plus accessibles aux requérants.

Comme nous l'avons vu infra, les États-Unis sont un État fédéral où les compétences fédérales, nationales et locales se superposent. Par conséquent, il n'y a pas de droit commun unifié pour les 50 États-Unis d'Amérique ; la doctrine Erie77 (nommée ainsi car elle fut énoncée par Justice BRANDEIS de la Cour Suprême lors de l'arrêt Erie Railroad Co contre Tompkins78) énonce en effet qu'il n'y a pas de Common Law fédérale qui soit générale79. Par conséquent, la Common Law fédérale «non générale» n'existe que dans les limites « nécessaires aux intérêts fédéraux80 ».

Selon la doctrine Erie, le « Tort Law » ne fait pas partie de cette Common Law fédérale 81 , puisque son évolution dépend principalement des autorités nationales. Étant donné qu'il n'est pas possible d'étudier les Tort Laws en vigueur dans chacun des 50 États américains, nous ne nous intéresserons qu'au Droit Fédéral.

Voyons donc le contenu du Droit Fédéral qui permet d'intenter une action civile contre les STNs. Nous pouvons en recenser trois : le Alien Tort Claims Act (ATCA) de 1789, le Torture Victime

76 Shell.com, « Shell settles Wiwa case with humanitarian gesture », 6 juin 2009.

http://www.shell.com/home/content/media/news and library/press releases/2009/shell settlement wiwa case 08062009.html

77 Cf. pour une étude détaillée en français : A. TUNC « L'application du droit des États-Unis par les juridictions fédérales des États-Unis (Erie Railroad Co v. Tompkins) », Revue Internationale de Droit Comparé, Année 1951, Volume 3, Numéro 1, p. 5-35. Pp. 25-26 et passim. Accessible sur http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035- 3337_1951_num_3_1_6310 à jour du 10 juillet 2009.

78 Erie Railroad Co. y. Tompkind (1938), 304 U.S. 64, 82L. ed. 1188, 58 S. Ct. 817, 114 ALR 1487.

79 « There is no federal general common Law».

80 Banco Nacional de Cuba y Sabbatino 376 US 398 (US SC 1964) 426. L'intérêt «uniquement fédéral» dans cet arrêt visait la conduite des relations internationales.

81 Cf. Erie (n 35) 78.

Prosecution Act (TVPA) de 1991 et le RICO de 1970 (ce dernier étant mixte, comme nous l'avons écrit infra. Nous n'étudierons donc que les deux premiers.)

i. ALIEN TORT CLAIM ACT

L'ATCA, ou Alien Tort Claim Act, est un outil juridique très original, qui a soulevé de très nombreuses polémiques en Droit International et en droit américain.

Elle fut adoptée le 24 septembre 1789 par le 1er Congrès américain, en tant que partie intégrante du 1er Federal Judiciary Act, et fut transposée et actualisée à la section 1350 de l'article 28 de l'U.S.C. Elle permet à des victimes de nationalité autre qu'américaine d'intenter une action civile devant les tribunaux fédéraux américains, pour des violations du Droit International commises sur un territoire étranger et par des étrangers. Elle dispose : « Les tribunaux de district auront la compétence en première instance de toute action au civil instituée par un étranger seulement pour les actes délictuels commis en violation du Droit des nations ou d'un traité auquel les États-Unis sont parties ».

Après avoir été quasi ignoré pendant près de deux siècles 82 , l'ATCA s'est développé à partir de l'arrêt Filartiga contre Peña Irala83 qui initia en 1980 l'usage de ce dernier comme instrument de protection des Droits de l'Homme. Depuis cet arrêt, les cours fédérales sont compétentes pour juger des actes de torture commis au nom de l'État ; en l'espèce, les cours ont eu à juger de la plainte portée par des paraguayens, pour des actes de torture commis par un inspecteur général de la police du Paraguay. En vertu de l'ATCA, 10,4 millions de dollars de dommages compensatoires et punitifs furent ordonnés.

Déterminons son régime, afin d'établir dans quelles conditions une STN pourrait se voir condamnée sur son fondement.

Tout d'abord, sa compétence ratione materiae : le but premier de l'ATCA 84 était double : éviter aux étrangers d'être victimes d'un déni de justice, et remédier à toute situation de tension voire de crise internationales85. Ainsi, l'ATCA n'était applicable qu'en cas de violation du Droit des Nations ou d'un Traité auquel les États-Unis sont parties. C'est pourquoi une STN qui aurait violé le Statut de Rome

ayant institué la CPI86 ou le Protocole de Kyoto87

ne pourrait pas être attaquée sur le fondement de

l'ATCA, car les États-Unis ne sont pas partie à ces conventions.

82 Le Juge KAUFMAN, dans l'arrêt Filartiga contre Peña-Irala, 630 F 2d 876 (2d Cir 1980), résume les précédents usages de l'ATCA.

83 630 F 2d 876 (2d Cir 1980).

84 Les motifs qui ont justifié l'adoption de l'ATCA demeurent obscurs. Cette question est discutée par le Juge SOUTER, Juge à la Cour Suprême des États-Unis, dans l'affaire Sosa contre Alvarez-Machain et al., 542 U.S. 692.

85 Les premières invocations de l'ATCA concernaient des actes d'actes de piraterie survenus en Haute mer.

86 Cf. supra, où nous avons vu que les États-Unis n'en sont pas partie.

La notion de « Droit des Nations » a été précisée lors de l'arrêt Sosa contre Alvarez-Machain du 29 juin 200488 : dans cette affaire, un médecin mexicain avait été arrêté et amené de force aux États-Unis par des policiers mexicains, en violation du traité d'extradition entre les États-Unis et le Mexique, afin d'y être jugé pour complicité d'actes de torture et de meurtre perpétré sur la personne d'un américain. Ce M. ALVAREZ-MACHAIN a intenté une action civile contre l'un des mexicains ayant participé à son « arrestation », Jose SOSA, en invoquant l'arrestation arbitraire et la détention dont il a été victime. Afin d'écarter ces violations du champ d'application de l'ATCA, le défendeur avait allégué que le « Droit des Nations » ne couvrait que le « jus cogens89 ».

Dans cet arrêt, la Cour Suprême a restreint le pouvoir discrétionnaire des Cours fédérales, pour que celles-ci n'étendent leur compétence qu'en fonction de certains « standards » 90 ; ainsi, pour qu'une violation du Droit des Nations entre dans le champ d'application de l'ATCA, il faut que le Droit International :

- réponde au paradigme historique défini en 1789 91

- et soit accepté par toutes les Nations civilisées92 .

En l'espèce, l'arrestation arbitraire et la détention ne répondaient pas à ces critères.

Ensuite, sa compétence ratione personae : l'ATCA n'est invocable qu'à l'encontre d'un défendeur présent dans le ressort d'une cour fédérale américaine, ce qui signifie que le défendeur doit :

- soit résider aux États-Unis

- soit être domicilié aux États-Unis

- soit être de passage aux États-Unis (selon la transient rule93 : « la simple remise d'une citation à comparaitre alors qu'il est présent sur le territoire [américain] suffit à conférer compétence au tribunal [américain]».

87 Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques du 11 décembre 1997, dont les États-Unis ne font pas partie.

88 03-339, United States Reports, vol. 542/2

89 Définition du jus cogens : « Une norme impérative du Droit International général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble, en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du Droit International général ayant le même caractère. » (Article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969)

90 Sosa v. Alvarez-Machain, Cour suprême des États-Unis, opinion rendue le 29 juin 2004, 03-339, United States Reports, vol. 542/2, p. 35-36, « there are good reasons for a restrained conception of the discretion a federal court should exercise in considering a new cause of action of this kind. »

91 Telle que la traite d'esclave ou la piraterie, par exemple.

92 Ibid. «Accordingly, we think courts should require any claim based on the present-day law of nations to rest on a norm of international character accepted by the civilized world and defined with specificity comparable to the features of the 1 8thcentury paradigms we have recognized.»

Par conséquent, dès qu'une personne physique ou morale est présente sur le territoire américain, elle pourra être attraite devant une cour fédérale américaine pour des faits relatifs à l'ATCA. Concernant les STNs, cela signifie qu'il suffit pour les attraire que :

- un établissement secondaire ou une filiale soit présent(e) sur le territoire américain - une activité continue et répétée substantielle soit pratiquée aux États-Unis94 .

Ces critères semblent très larges, mais d'autres théories ou d'autres Traités viennent en limiter les effets (supra). Pour conclure sur le sujet, nous pouvons considérer que le plaignant doit :

- Être un étranger : seuls les citoyens non américains peuvent initier des poursuites

- Avoir souffert d'un dommage causé par une violation d'un de ses droits, par la faute du défendeur

- Prouver que cet acte dommageable constitue une violation du Droit des Nations ou d'un traité ratifié par les États-Unis. Cette violation doit viser une norme du Droit international qui est « spécifique, obligatoire et universelle »95, et non du jus cogens. Et cette violation peut avoir eu lieu n'importe où dans le Monde96.

Comment ce texte peut-il s'appliquer aux STNs ? Étant donné que la plainte doit être fondée sur une violation du Droit International, i.e. du Droit interétatique, cela peut sembler problématique. A l'origine applicable exclusivement à l'encontre des agents de l'État ou à des individus agissant sous l'autorité étatique, son champ s'est étendu dans un deuxième temps aux acteurs privés :

Tout d'abord, dans Kadic contre Karadzic97, la Cour d'appel du Neuvième Circuit a reconnu qu'il y avait bel et bien eu violation du Droit International, alors même que Karadzic n'était pas un agent officiel d'un Gouvernement reconnu et qu'il avait agi à titre personnel98 .

93 Principe de la transient rule retranscrit dans l'affaire Kadic v. Karadzic, 70 F. 3d 232, 2d Cir. 1995: celui-ci a été assigné à comparaître alors qu'il était en visite officielle sur l'invitation de l'ONU (accessible sur http://www.uniset.ca/other/cs5/70F3d232.html)

94 Selon Ludovic HENNEBEL dans « l'affaire Total Unocal en Birmanie jugée en Europe et aux États-Unis », le juge américain peut connaître des plaintes fondées sur l'ATCA mettant en cause des entreprises étrangères dès lors qu'elles « do business in the forum », i.e. qu'elles exercent des activités commerciales substantielles sur le sol américain.

La plupart des entreprises ont au moins un bureau de représentation ou un agent les représentant aux États-Unis. Or, si ce bureau était sous le contrôle effectif et quotidien de la société mère, cela suffit à faire échec à une exception d'incompétence rationae personae.

95 Cf. Tel Oren v. Libyan Arab Republic, 726 F.2d 774 (n 49) 781, cité dans l'arrêt Sosa (n 43) 732.

96 Filártiga v. Peña-Irala, 630 F.2d 876 (2d Cir. 1980) p. 900 : « Among the rights universally proclaimed by all nations [...] is the right to be free of physical torture. Indeed, for the purposes of civil liability, the torturer has become - like the pirate and the slave trader before him - hostos humani generis, an enemy of all mankind »

97 En l'espèce, une action était intentée contre Radovan Karadzic pour génocide, crime de guerre et crime contre l'humanité, commis en Bosnie.

Par la suite, dans l'arrêt précité Sosa, la Cour suprême a étendu l'usage de l'ATCA aux acteurs non- étatiques, en précisant même explicitement la possibilité d'attraire des entreprises99 devant les cours fédérales américaines. Cette position fut par la suite confirmée, notamment dans Doe I contre Unocal Corp100.

De manière statistique, en 1999 cette affaire avait déjà été citée par d'autres cours américaines 797 fois 101, et en 2007 plus de 40 procès fondés sur l'ATCA furent intentés contre des STNs102 .

Plusieurs critères sont toutefois nécessaires pour que la responsabilité d'une STN puisse être retenue. En fait, certaines normes ne peuvent être violées que par des États, et d'autres peuvent l'être par des personnes privées (telles que des STN). Mais dans les deux cas, la STN peut avoir un rôle à jouer, et peut voir sa responsabilité engagée. Dans un souci de clarté, nous allons distinguer ces deux catégories, et déterminer les critères pour chacune 103 :

En premier lieu, les normes internationales ne pouvant être violées que par les États : dans ce cas, la STN ne sera jugée responsable que de complicité, sa responsabilité sera « indirecte ». Cette dernière doit avoir agi « sous le couvert de l'État », i.e. avec les représentants de l'État ou avec une aide de l'État 104 . Selon divers auteurs 105 , quatre tests peuvent être distingués en fonction de la jurisprudence des cours fédérales :

- Le test de la fonction publique, en vertu duquel la personne privée (la STN) est responsable au même titre que l'État, si ce dernier lui a délégué certaines fonctions étatiques. Ce fut le cas dans l'arrêt Terry contre Adams106.

98 Kadic v. Karadzic précité, Opinion du 13 octobre 1995, Juge NEWMAN, p. 239, « We do not agree, that the law of nations, as understood in modern era, confines its reach to state action. Instead, we hold that certain forms of conduct violate the law of nations whether undertaken by those acting under the auspices of states or only as private individuals »

99 (n° 43) 732 fn 20 : « ...international law extends the scope of liability for a violation of a given norm to the perpetrator being sued, if the defendant is a private actor such as a corporation or individual. »

100 Doe I v Unocal Corp. 963 F Suppl. 880 (CD Cal 1997) (Unocal I) 89 1-92 : La Cour fédérale s'est reconnue compétente pour traiter d'une plainte contre une société, concernant des faits de travail forcé, torture, violations sexuelles et autres violations des Droits de l'Homme commises en Birmanie.

101 George Norris STAVIS, « Collecting Judgments in Human Rights Tort Cases -Flexibility for Non-Profit Litigators? » (1999) 31 Colum.Hum.Rts.L.Rev. 209 aux pp. 211219

102 Selon le Haut Commissariat des Nations Unis pour les Réfugiés, `Business and Human Rights: Mapping International Standards of Responsibility and Accountability for Corporate Acts, Report of the Special Representative of the SecretaryGeneral (SRSG) on the issue of human rights and transnational corporations and other business enterprises' (2007) UN Doc A/HRC/4/035 accessible sur www.business-humanrights.org/Documents/SRSG-report-Human-Rights-Council-19-Feb-2007.pdf

103 Nous reprenons ici la distinction telle qu'elle fut proposée par Catherine DOBSON, Ernesto FELIZ, Emily MOK et James UPCHER dans « Obstacles To Justice And Redress For Victims Of Corporate Human Rights Abuse » accessible sur www.law.ox.ac.uk/.../Obstacles%20Executive%20summary.pdf

104 selon l'arrêt Kadic v Karadzic précité

105 Ibid « Obstacles to Justice and Redress for Victims of Corporate Human Rights Abuse »

106 345 US 461 (US SC 1953) 484 : cette affaire visait une plainte déposée par des citoyens noirs, qui étaient exclus du vote
pour l'élection annuelle des county offices par une Association. Cette association fut considérée par la Cour comme une

- Le nexus test, en vertu duquel la STN est responsable si son comportement est si proche de celui de l'État, qu'il semble commis par l'État lui-même. Dans ce cas, l'État doit être impliqué dans la violation du Droit International invoquée. Ce critère fut utilisé dans l'arrêt Gallagher contre Neil Young Freedom Concert107.

- Le test de la relation symbiotique, en vertu duquel l'État et la STN se sont engagés dans une relation d'interdépendance à long terme108, i.e. que « leurs comportements respectifs sont physiquement et économiquement complémentaires, et que l'un est indispensable à l'autre » selon l'arrêt Burton contre Wilmington Park Authority109.

- Le test de l'action jointe, en vertu duquel la STN a obtenu l'assistance de l'État dans la conduite du comportement reproché, i.e. que ces derniers se sont accordés ou ont coopéré pour perpétrer la violation. Ce fut le cas dans l'arrêt Lugar contre Edmondson Oil Co110 .

En second et dernier lieu, les normes internationales qui peuvent être directement violées par la STN : dans ce cas, l'État n'a pas besoin d'intervenir, la responsabilité de la STN sera directe. Cette hypothèse s'est posée notamment dans l'affaire de l'Apartheid II111, où les victimes sud-africaines avaient attrait une cinquantaine de STNs pour leur « collaboration active »112 , i.e. leur complicité avec le précédent Gouvernement d'Afrique du Sud, dans le maintien de l'apartheid. La Cour de New York rejeta la plainte, considérant que l'ATCA n'était pas applicable. La Cour d'Appel du 2nd Circuit se reconnut compétente et admit l'application de l'ATCA, mais ne parvint pas à s'accorder sur la question de la norme à appliquer, et du test qui en découlait : le Droit International coutumier ou le Droit Fédéral américain ?

Selon le juge KATZMANN 113 , la responsabilité directe d'une STN peut être engagée si son comportement a eu un « effet substantiel » sur la violation du Droit International, ou s'il a facilité la violation. Il retint en l'occurrence les standards du Droit International , et invoqua au soutien de sa position, les précédents des tribunaux militaires d'exception crées à la suite de la 2nde Guerre Mondiale.

organisation politique, qui ne pouvait donc pas exclure les voix des noirs pour les élections. Accessible sur http://supreme.justia.com/us/345/461/case.html

107 Gallagher v Neil Young Freedom Concert 49 F 3d 1442 (10th Cir 1995) 1448 : en l'espèce, la Cour d'Appel du 10e Circuit a jugé qu'une société privée engage pour assurer la sécurité lors d'un concert, n'avait pas une relation « symbiotique » avec l'État sur le territoire duquel le concert a eu lieu.

108 Ajout de l'arrêt Gallagher : le fait que l'interdépendance doit être à long terme.

109 Burton v Wilmington Park Authority 365 US 715 (US SC 1961) 725

110 Lugar v Edmondson Oil Co 457 US 922 (US SC 1982) 939 : le plaignant allègue que la violation de son droit constitutionnel de propriété par un particulier, a été commise conjointement avec l'État. En l'espèce, ce droit ne pouvait être violé que par un État, la victime devait donc prouver l'implication étatique. Dans cet arrêt, la Cour a synthétisé tous les tests en vigueur.

111 Khulumani v Barclay National Bank Ltd 504 F 3d 254 (2nd Cir 2007) (Apartheid II).

112 Ibid 258

113 Ibid 277

À l'inverse, le juge HALL114 retint les standards du Droit Fédéral américain - étant donné le silence de l'ATCA, et exigea que le requérant apporte la preuve que le défendeur :

- Avait assisté en connaissance de cause le principal auteur du délit

- Ou avait encouragé, conseillé, exigé ou sollicité la violation du Droit International par le principal auteur du délit, en sachant que ce dernier le ferait

- Ou avait fourni au principal auteur du délit les outils, instruments et services nécessaires à la violation du Droit International ; ce fut le cas lorsque des personnes ont fourni un gaz (le Zyklon B, dans l'affaire du même nom115 ) pour les camps de concentration et ont formé le personnel SS pour qu'il apprenne à l'utiliser, en sachant que le but final était l'extermination d'êtres humains.

Dans cette affaire, les conditions de la complicité (« aiding and abetting ») ne sont donc pas clarifiées 116 . A l'heure actuelle117 , le tribunal fédéral de New York a déclaré recevable l'action en justice intentée contre 5 STNs (IBM, Ford, General Motors, Daimler et Rheinmetall) pour complicité avec le régime sud-africain au moment de l'apartheid, du fait de leur soutien matériel. L'ancien Président sud- africain Thabo MBEKI critique cet « impérialisme judiciaire » des États-Unis et cette intrusion dans la souveraineté sud-africaine. Quant aux défendeurs, ils estiment qu'aucune norme du Droit International n'imposait aux STNs d'arrêter tout commerce avec l'Afrique du Sud, et que par conséquent le Droit des Nations n'avait pas été violé.

Le procès n'aura vraisemblablement pas lieu avant 2011, et, si la requête était acceptée, la décision ouvrirait encore un peu plus le large champ d'application de l'ATCA. Ce champ d'application peut il s'étendre à l'infini ? L'ATCA aurait il alors réellement vocation à pallier aux lacunes de l'Ordre Juridique International, en instaurant une compétence civile universelle ?

Pour l'instant, l'ATCA a été appliqué non seulement à des actes de torture, mais également à des détentions arbitraires, des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité, de crimes de guerre, des traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou encore à du travail forcé, assimilé à la forme moderne de l'esclavage. Mais cette liste n'est pas infinie ; en effet, cette loi n'établit ni ne reconnaît pas de droit d'action pour toutes les violations du Droit

114 Ibid 286-86

115 Ibid 291. Zyklon B, British military court, Hamburg, 1-18 mars 1946, Law-Reports of Trials of War Criminals, The United Nations War Crimes Commission, Volume I, London, HMSO,1947 Accessible http://www.ess.uwe.ac.uk/WCC/zyklonb.htm

116 Pour un commentaire, voir « federal statutes -- alien tort statute -- second Circuit holds that human rights plaintiffs may plead aiding and abetting theory of liability. -- Khulumani v. Barclay national bank ltd., 504 f.3d 254 (2d cir. 2007) (per curiam). », Harvard Law Review [Vol. 121:1953], p. 1954 et s.

117 Été 2009

International. A l'inverse, la Cour suprême américaine a affirmé dans Sosa contre Alvarez-Machain que cette loi s'appliquait seulement à un nombre limité d'atteintes :

« ...the district courts would recognize private causes of action for certain torts in violation of the law of nations.... courts should require any claim based on the present-day law of nations to rest on a norm of international character accepted by the civilized world and deemed with a specificity comparable to the features of the l8th-century paradigms we have recognize » 118 .

C'est ainsi que les juridictions fédérales américaines ont estimé que l'expropriation, la fraude, les détournements et abus de biens sociaux, la violation de la liberté d'expression, le « génocide culturel », ou encore les atteintes massives à l'environnement, ne constituaient pas des violations du Droit des Nations au sens de l'ATCA.

Voyons pour conclure les sanctions prévues en cas de violation de l'ATCA : étant donné le silence de la loi, les Cours américaines ont dû pallier à cette insuffisance. Et puisque l'ATCA s'inscrit dans un cadre civil, les réparations du préjudice ne peuvent être que civiles, selon l'avocat Général en 1795 : « il ne fait aucun doute que les victimes des comportements prohibés par l'ATCA, ont le droit à une réparation civile devant les cours américaines. Dans l'arrêt Filartiga, la Cour d'appel du 2nd Circuit a précisé que l'A TCA ne devait pas rechercher les fondements d'une telle réparation en Droit International, mais en droit interne de Common Law.119 »

Les dommages-et-intérêts, qu'ils soient compensatoires ou punitifs (ces derniers sont autorisés en droit américain, dans un objectif à la fois de punition et de dissuasion) furent la réparation civile la plus recherchée par les plaignants. Dans l'arrêt Filartiga qui a ouvert la voie, le jury a prononcé en faveur des requérants 10 millions de dollars de dommages-et-intérêts punitifs. Selon la Cour, des injonctions seraient aussi possibles, car elles assureraient le même but que les dommages-et-intérêts punitifs120 .

Enfin, une question que nous n'évoquerons que très partiellement ici : la reconnaissance du jugement à l'étranger. En effet, l'efficacité de la décision de justice américaine dépend des autorités judiciaires de l'État sur le territoire duquel son exécution est demandée. L'ATCA ne permettant pas l'exercice des effets juridiques en-dehors du territoire américain, la procédure d'exequatur des sentences rendues sera soumis au droit de l'État tiers concerné.

118 Les éléments soulignés l'ont été par nous-mêmes, et non par l'auteur de ce jugement.

119 Traduction libre de Op. Attorney General 57 (1795) 59

120 Ibid. 866 : « Punitive damages are designed not merely to teach a defendant not to repeat his conduct but to deter others from following his example ... To accomplish that purpose this court must make it clear the depth of the international revulsion against torture and measure the award in accordance with the enormity of the offense. Thereby the judgment may perhaps have some deterrent effect. In a similar vein, and by analogy, equitable remedies, such as injunctions, are also available. »

Bien que le fait, pour un État, « d'appréhender à travers son ordre juridique des situations extérieures à son territoire »121 ne soit pas contraire au Droit International, les différents systèmes juridiques ont des pratiques, des procédures et des règles disparates en la matière122 . Par conséquent, l'effet dissuasif sera souvent le plus important, à l'instar d'une réelle exécution des jugements américains à l'étranger. En effet, les STNs peuvent être affectées par un jugement fondé sur l'ATCA de deux manières :

- dans leurs avoirs situés dans l'État d'origine de la victime requérante (si la sentence est exécutée)

- dans leur image publique et dans leurs avoirs situés aux États-Unis (et ce quelles que soient les suites données à l'affaire).

Et quoi qu'il en soit, même non exécuté, le jugement affaiblit l'impression d'impunité que les STNs peuvent avoir. Jusqu'à maintenant, lorsque les demandeurs avaient de solides arguments, les STNs tentaient de résoudre ces litiges par des transactions, en l'occurrence des paiements ex gratia, se subrogeant aux éventuelles actions judiciaires.

ii. TORTURE VICTIM PROTECTION ACT

Alors que l'ATCA offre un recours aux étrangers exclusivement, la Loi de Protection des Personnes victimes d'actes de torture, ou Torture Victim Protection Act (TVPA) autorise tant les étrangers que les citoyens des États-Unis à poursuivre en dommages-intérêts tout individu qui se rend coupable d'acte de torture ou d'exécution extrajudiciaire123, au nom d'une autorité réelle ou apparente ou sous le couvert de la loi d'un État étranger124.

Toutefois, les actions fondées sur ce TVPA concernant les violations des Droits de l'Homme par des STNs à l'étranger sont plus rares, et ce pour plusieurs raisons : tout d'abord en raison de la controverse sur son champ d'application (cf infra), et ensuite en raison du champ d'application particulièrement large de l'ATCA qui permet d'« aspirer » les plaintes alléguant des faits de torture ou d'exécution extrajudiciaire.

En fait, les deux normes (à savoir l'ATCA et le TVPA) se complètent : Selon les termes de l'arrêt Karadzic, le TVPA fut institué afin de codifier la nouvelle voie d'action reconnue dans l'arrêt Filartiga (et

121 B. STERN, « Quelques observations sur les règles internationales relatives à l'application extraterritoriale du droit », AFDI, 1986, p. 10

122 Par exemple, en France, l'exequatur n'est accordé que si le jugement étranger n'est pas considéré comme contraire à l'ordre public international français (Cf. A. HUET « Les procédures de reconnaissance et d'exécution des jugements étrangers et des sentences arbitrales en Droit International privé français » JDI, 1988, p. 5 -35)

123 TVPA (n 40) s 3(a) : « ... a deliberated killing not authorized by a previous judgment pronounced by a regularly constituted court affording all the judicial guarantees which are recognized as indispensable by civilized peoples. Such term, however, does not include any such killing that, under international law, is lawfully carried out under the authority of a foreign nation »

124 Voir Filartiga c. Peña-Irala, 630 F.2d 774 (deuxième Circuit 1980)

qui était fondée sur l'ATCA), et d'étendre cette voie aux requérants américains. Ainsi, alors que le TVPA offre une voie d'action125 , la compétence était (et est) fournie par l'ATCA. Par conséquent, le requérant souhaitant fonder son action sur le TVPA devra respecter les conditions d'application (celles tenant au champ de compétence matérielle et personnelle) de l'ATCA.

Toutefois, le TVPA apporte deux éléments supplémentaires concernant la compétence des cours : d'un coté, il étend son application aux citoyens américains, et de l'autre, il restreint son application en imposant l'épuisement préalable des voies de recours internes en vertu de la lex loci delicti 126 .

Par ailleurs, il existe une controverse sur sa potentielle application aux STNs : selon la loi, un « individual » peut être accusé pour des actes de torture ou exécution extrajudiciaire. La question reste donc ouverte : cela vise t'il uniquement les personnes physiques, ou aussi les personnes morales ?

Dans l'arrêt Beanal contre Freeport-McMoran127, la Cour de district a jugé que le terme « individual » ne comprend ordinairement pas les entreprises128. A l'inverse, dans l'arrêt Sinaltrainal contre Coca

Cola129

, la Cour de District a jugé que ce terme visait autant les personnes physiques que morales. Ces

 
 

arrêts contradictoires, tous deux issus de Cours de District, nécessiteraient une position tranchée d'une Cour fédérale d'un niveau supérieur.

Pour l'instant, il ne semble pas possible d'attraire une STN sur le fondement du TVPA. Mais cela n'empêche pas un dirigeant ou employé d'une STN d'être attrait sur ce fondement.

Par ailleurs, étant donné que les actes incriminés (torture et exécution extrajudiciaire) visent des cas de responsabilité indirecte, il est nécessaire que l'État ait eu un rôle à jouer ; pour que cette condition soit respectée, il convient d'appliquer l'un des tests précités.

Enfin, concluons brièvement sur les sanctions prévues : à l'inverse de l'ATCA, le TVPA prévoit expressément le droit à une réparation civile pécuniaire pour le requérant victime de torture ou d'exécution extrajudiciaire commise sous le couvert de l'État. En vertu de la loi, le « individual » qui a commis l'un de ces actes sera jugé civilement responsable et condamné à verser des dommages-etintérêts à la victime ou à ses ayants-droits 130 . Bien que le TVPA ne précise pas le type de dommages-et-

125 Cf. TVPA (n 40) ss 2(a) (1), 2(a) (2) (`...shall, in a civil action').

126 TVPA (n 40) s 2(b).

127 Beanal v Freeport-McMoran, Inc 197 F 3d 161 (5th Cir 1999) 163 ff

128 Ibid. (n 65) 38 1-82.

129 256 F Supp 2d 1345 (SD Fla 2003) 1358.

130 TVPA (n 40) s 2(a) : «...shall, in a civil action, be liable for damages to the victim of torture or rightful claimants for the deceased victim of extrajudicial killings»

l'ATCA, être punitifs ou compensatoires.

De plus, comme nous l'avons dit supra, il faut que les voies de recours internes de l'État de la lex loci delicti 132 soient épuisées. Cette dernière condition est facilement atteinte, étant donné les lacunes dans les ordres juridiques internes aux plaignants - l'obstacle sera ici plus théorique que pratique. Par ailleurs, le Senate Committee Report de 1991133 a précisé que le respect de cette condition sera présumé prima facie : la preuve du non-respect incombera donc au défendeur. SI ce dernier y parvient, alors le requérant devra à son tour apporter la preuve qu'une réparation dans l'État du lieu de commission de l'infraction aurait été « inefficace, inaccessible, excessivement lente, inadéquate ou manifestement futile ».

Enfin, une dernière condition subsiste : les requérants doivent intenter leur action dans les 10 ans suivant la commission de l'infraction, après quoi l'action sera prescrite 134 .

Pour conclure, nous pouvons retenir que ce fondement juridique, bien que facilement invocable, ne permet pas clairement d'attaquer les violations des Droits de l'Homme perpétrées par une STN. Comme nous l'avons vu, la jurisprudence actuelle nécessite certains éclaircissements.

A la suite du droit privé, envisageons maintenant le droit public.

C. Le Droit Public

i. FEDERAL TORT CLAIMS ACT

Lorsqu'une STN qui viole les Droits de l'Homme agit en tant qu'instrument du Gouvernement américain, il est possible d'attraire le Gouvernement lui-même en vertu du Federal Tort Claims Act, ou FTCA135 de 1946. Selon cette loi, l'Administration Fédérale américaine renonce à son immunité générale dans le domaine de la responsabilité civile délictuelle - premier et seul exemple dans le Monde136 .

131 RF DRINIAN and TF KUO `Putting the World's Oppressors on Trial: The Torture Victim Protection Act' (1993) 15 Human Rights Quarterly 605, 612.

132 TVPA (n 40) s 2(b).

133 Senate Report No 102-249 (26 November 1991) 1991 WL 258662, 9-10.

134 TVPA (n 40) s 2(c).

135 28 USC §§ 1346(b), 1402(b), 2401(b), 2671-2680.

136 Selon George A. BERMANN « La responsabilité civile des fonctionnaires au niveau fédéral aux États-Unis : vers la solution d'une crise », Revue internationale de droit comparé, 1983, vol. 35, n° 2, pp. 319-351.accessible sur http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc 0035-3337 1983 num 35 2 4339 Consulté le 26 juillet 2009

Ce principe d'immunité signifie que le Gouvernement fédéral ne peut pas être attrait en justice, sauf avec le consentement du Congrès137 . Par conséquent, il n'y a pas de renonciation générale à cette immunité, mais seulement une renonciation partielle et expresse.

Le FCPA a d'ailleurs précisé qu'il excluait l'immunité du Gouvernement pour 13 « exceptions spécifiques ». Parmi celles-ci, citons « la perte, l'égarement ou la transmission non diligente de lettres ou de paquets postaux 138 », ou « les dommages causés par les opérations fiscales du Trésor ou par la réglementation du système monétaire139 », ou les réclamations « s'élevant à l'occasion des activités de guerre des forces militaires ou navales, ou des gardes-côtes, en temps de guerre140 ». Parmi les obstacles les plus insurmontables et les plus contestables de cette liste, citons l'exception pour les actes discrétionnaires de l'Administration, « que l'élément de discrétion en cause ait été abusif ou non » et que la loi ou le règlement sur laquelle se fonde cette action « soit valide ou non »141, ou l'exonération pour acte dommageable intentionnel142.

Outre ces exceptions, le Gouvernement fédéral américain sera jugé responsable des actes d'une STN si cette dernière « agit comme un instrument ou une agence des États-Unis 143», ce qui sera le cas si144 . :

- le Gouvernement fédéral contrôle l'activité quotidienne de la STN - est impliqué dans les finances de la STN

- la STN poursuit une mission de politique publique fédérale, etc.

Une autre limite essentielle à l'application du FTCA, consiste en l'exclusion des actes de l'Administration commis dans un État autre que les États-Unis145 . A priori, nous sortons ici des limites de notre étude, puisque l'action judiciaire administrative intentée contre une STN et le Gouvernement fédéral, pour des actes de violation des Droits de l'Homme commis hors du territoire américain, est exclue.

137 Ce principe est exprimé entre autres dans Ickes v Fox 300 US 82 (US SC 1937) 96 : «...no rule is better settled than that the United States cannot be sued except when Congress has so provided»

138 28 U.S.C. § 2680(b) (1981).

139 Ibid. § 2680 (i).

140 Ibid. § 2680 (j).

141 Ibid. § 2680(a).

142 Cela vise l'exclusion de l'indemnisation en cas de demandes fondées sur les délits suivants : tentative de voie de fait, voie de fait, détention arbitraire, arrestation abusive, poursuites abusives, abus de procédure, diffamation écrite et verbale, fausse déclaration, dol, immixtion d'autrui dans les droits contractuels. Toutefois cette dernière exception a été restreinte en 1974, à la suite des abus de la police au cours des perquisitions et des arrestations qu'elle a effectuée dans les années 60 et 70.

143 Ibid. § 2671.

144 Ibid. 1240 ff, et suivants.

145 FTCA (n 162) §2680(k).

Précisions toutefois cette exception, au regard de la jurisprudence Sosa146 : le requérant mexicain avait été arrêté et amené de force aux États-Unis par des policiers mexicains. Il a intenté une action civile contre l'un des mexicains ayant participé à son « arrestation », en alléguant l'arrestation arbitraire et la détention dont il a été victime. La Cour d'Appel avait jugé que même si les faits incriminés s'étaient déroulés à Mexico, ils furent planifiés en Californie par la States Drug Enforcement Agency. Par conséquent, la doctrine du « quartier général147 » était applicable, selon laquelle les actes qui se sont déroulés dans un État étranger, mais qui ont été planifiés aux États-Unis148, sont invocables sur le fondement du FTCA. En effet, l'on considère alors que les actes se sont déroulés aux États-Unis, mais ont produit leurs effets hors des frontières américaines149 .

Cette position de la Cour d'Appel fut rejetée par la Cour Suprême, sur trois moyens :

- En 1er lieu, même si l'enlèvement a été planifié aux États-Unis, l'acte lui-même a eu lieu à Mexico 150 .

- En 2nd lieu, les Cours américaines doivent dans un tel cas appliquer la lex loci delicti, pour déterminer les responsabilités encourues pour des actes commis à l'étranger

- En 3e lieu, le Congrès a expressément exclu une telle possibilité sous le FTCA151 .

La Cour a conclu que « l'exception de l'État étranger prévu par le FTCA exclu tout procès fondé sur un dommage causé dans un État étranger, indépendamment du lieu où l'acte / l'omission délictuelle a eu lieu152 ». Par conséquent, le FTCA n'est pas applicable pour les violations des Droits de l'Homme perpétrées par des STNs hors des États-Unis, et nous arrêterons donc ici son étude.

Pour conclure sur ce recensement du droit applicable aux STNs ayant violé les Droits de l'Homme hors des États-Unis, citons -sans la développer - la proposition faite par Ludovic HENNEBEL 153 : selon lui, il serait envisageable de fonder une action judiciaire sur le paragraphe 1331 du Titre 28 du U.S.C. , afin d'agir contre les STNs pour violation du Droit International coutumier. Cette base légale serait supplétive à l'ATCA, en ce qu'elle pourrait être utilisée « si le droit d'action fondé sur l'ATCA était remis en question par les autorités américaines ».

146 Cet arrêt précité était fondé à la fois sur l'ATCA, tel que nous l'avons vu, mais aussi sur le FTCA. Et lors de sa décision, la Cour a précisé la condition de « l'État étranger »

147 « headquarters doctrine »

148 Cf. Ibid 758 : «...proximately caused by acts in the United States»

149 Cf. Ibid 701-02.

150 Ibid 704.

151 Ibid 705-7 10.

152 Ibid 712.

153 Cf. supra, « l'affaire Total Unocal en Birmanie »

Ce paragraphe 1331 dispose : « The district courts shall have original jurisdiction of all civil actions arising under the Constitution, laws, or treaties of the United States ». Selon l'auteur, cette disposition inclut également le Droit International coutumier comme droit spécial de la Common Law. Il s'agit d'une proposition intéressante, qui va peut être se développer, mais pour l'instant uniquement spéculative, nous ne l'étudierons donc pas.

***

TITRE DEUXIÈME : LES LIMITES DE CETTE RESPONSABILITÉ

Il existe des obstacles de fond et de forme, qui peuvent s'opposer au succès des demandes des requérants non-américains, qui invoquent une violation des Droits de l'Homme par des STNs, sur le fondement d'une des bases légales étudiées précédemment. Nous allons les étudier séparément.

A. L'Obstacle De Fond : La Déférence Des Juges américains

Trois éléments, de nature politico-juridique, limitent l'impact des normes étudiées ; en effet, les cours américaines peuvent refuser de condamner une STN étrangère afin de préserver de bonnes relations diplomatiques avec le Gouvernement d'un État-tiers (1), ou avec son système judiciaire (3), ou encore afin de respecter une stricte séparation des pouvoirs (2). Cette déférence des juges s'exprimera alors vis- à-vis des Gouvernements étrangers, des cours étrangères et du Gouvernement américain.

i. LA DOCTRINE DE L'ACTE DU GOUVERNEMENT, OU LA DÉFÉRENCE DES JUGES VIS-À-VIS DES GOUVERNEMENTS ÉTRANGERS

Selon la théorie de l'Acte du Gouvernement (ou Act of State), une juridiction d'un pays A refusera de trancher un litige, si cela implique de juger partiellement ou totalement le comportement d'un État B, dans un souci de prudence et de respect de la souveraineté étrangère de ce dernier. En effet, l'arrêt Siderman de Blake contre Republic of Argentina154 énonce que cette doctrine :

« ...reflète la volonté de prudence que les cours, lorsqu'elles se retrouvent confrontées à une question concernant la validité d'actes souverains pris par des États-tiers, doivent respecter. Cette exigence vise à ne pas interférer dans la politique étrangère américaine du Gouvernement et du Congrès américains. »

Afin de respecter cette exigence de réserve, les cours américaines ne doivent pas « enquêter [ni se prononcer] 155 sur la validité des actes de puissance publique d'un État étranger », et ce quelle que soient la qualité des parties au procès, selon la définition traditionnelle donnée par l'arrêt Banco Nacional de Cuba contre Sabbatino156 . Si en cours de procès opposant des parties ne pouvant se prévaloir de cette immunité, la validité d'un acte étranger vient à être contestée, la cour saisie doit alors s'abstenir de se prononcer sur la validité de cet acte.

154 Siderman de Blake v Republic of Argentina 965 F 2d 699 (9th Cir 1992) 707.

155 Ajout personnel

156 Banco National de Cuba v. Sabbatino, 376 U.S. 398 (1964)

Toutefois, cette immunité très stricte nécessite la réunion de plusieurs conditions cumulatives, pour être invoquée. Ainsi, une cour doit s'abstenir de se prononcer sur un litige, si157 :

- Un représentant de l'État étranger est intervenu à titre officiel dans l'affaire jugée - Ce représentant est intervenu sur le territoire de son propre État

- Le requérant a fait une demande qui, si elle était accueillie, obligerait la Cour à invalider l'acte souverain étranger en question

En quoi cette doctrine pourrait-elle empêcher une STN de se faire déclarer responsable d'une violation des Droits de l'Homme hors des États-Unis ? En effet, cette immunité ne concerne que les actes des États, et non des personnes privées.

Pourtant, elle peut être invoquée autant par des États étrangers que par des personnes privées, dans la mesure où la légalité d'un acte d'un Gouvernement étranger est bien discutée. En effet, les juges de l'arrêt Kadic contre Karadzic158 ont expressément permis pour la première fois à cette doctrine d'être invoquée à l'encontre d'une personne privée, n'agissant pas sous le couvert de la loi de la puissance publique, mais de manière exceptionnelle159 (en effet, selon le juge O. NEWMAN : « Not every case «touching foreign relations» is non justiciable »).

A la suite de ce précédent, d'autres arrêts (tel que l'arrêt Sarei160 ) ont suivi, et depuis cet argument est régulièrement invoqué - et retenu par les cours - dans des affaires impliquant des STNs. Il constitue ainsi un sérieux obstacle à toute action en justice invoquée devant les juges américains, pour des faits illégaux (de violation des Droits de l'Homme ou autre) ayant eu lieu à l'étranger.

ii. LA DOCTRINE DE LA QUESTION POLITIQUE, OU LA DÉFÉRENCE DES JUGES VIS-À-VIS DU GOUVERNEMENT AMÉRICAIN

Dans le même arrêt Kadic contre Karadzic, le défendeur avait invoqué un autre argument intéressant : la « political question doctrine », ou la doctrine sur la « question politique161 », reprenant ainsi tel quel celui qui avait été pour la première fois invoqué lors de l'arrêt Baker contre Carr162 . En l'espèce, M. BAKER reprochait au Tennessee (par l'intermédiaire de son Secretary of State) de ne pas avoir respecté

157 Sarei v Rio Tinto Plc, 221 F Supp 2d 1116 (CD Cal 2002) 1184.

158 Précité, cf. supra

159 Kadic, 70F. 3d at 250

160 Sarei 2002 (n 182) 1193 rev'd in part Sarei 2007 (n 75) 1208 ff.

161 Traduction de Philippa STRUM dans son ouvrage « The Political Question Doctrine and the Supreme Court of the United States (De la Cour Suprême et de la doctrine sur la « question politique ») », dans la Revue Politique Américaine, n°11, été- automne 2008, p.33

162 Baker v. Carr, 369 U.S. at 217, 82 S.Ct. au §(710)

la loi et le 14e Amendement de la Constitution (sur l'égalité devant la Loi), qui imposait un recensement décennal afin de réévaluer la représentation parlementaire. Or, depuis 1901, date du dernier recensement, la population avait été multipliée par 10 dans certaines régions rurales par rapport aux villes, les « découpages électoraux » n'étant dès lors plus du tout représentatifs de la réalité de la répartition de la population. Selon le Tennessy, cette question de la répartition des sièges était purement politique, et ne devait pas être tranchée par des juges.

Cette doctrine, tout comme celle de l'Acte de Gouvernement, se réfère à ce qu'on pourrait appeler « la déférence des juges vis-à-vis du Gouvernement » (la différence étant que pour l'Acte de Gouvernement, la déférence s'exerce vis-à-vis du Gouvernement étranger, alors que pour la Question politique, elle s'exerce vis-à-vis du Gouvernement américain).

Les juges de l'arrêt Baker ont confirmé l'application de cette doctrine, et ont déterminé 6 critères alternatifs qui encadrent son régime. Ainsi, si l'un de ces critères (au moins) existe, alors les cours devront refuser de se prononcer sur la question, qui sera alors considérée comme relevant du pouvoir exécutif163 :

- La résolution du litige nécessite de trancher une question politique qui relève du domaine de compétence d'un département politique, de manière évidente et en vertu d'un texte

- Le manque de « standards judiciaires » qui soient « manageables » et « discoverables », et qui permettent de résoudre le litige

- L'impossibilité pour les juges de prononcer sur une question donnée, sans qu'il y ait eu au préalable une décision politique sur le sujet, la question ne pouvant être tranchée que politiquement, et non judiciairement

- l'impossibilité pour les juges de rendre une décision de manière autonome, sans empiéter sur les pouvoirs du Gouvernement ou d'une de ses branches

- l'impossibilité pour les juges de rendre une décision de manière autonome, sans adhérer et se conformer à la décision politique qui a déjà été prise

- Le risque que plusieurs départements politiques se saisissent de cette question, et y répondent de manière différente

Pour revenir sur l'arrêt Kadic , ce dernier avait ainsi invoqué cette doctrine, car selon lui sa présence sur le sol américain était directement liée à ses fonctions politiques de dirigeant de la République Srpska.

163 Ibid. 217

Cette défense ne fut pas retenue par la Cour, car cette question n'était pas politique, et la République Srpska n'était pas reconnue en tant qu'État par la Communauté Internationale.

En application de cette doctrine, une personne privée accusée devant une cour américaine, peut donc contester la légitimité d'une cour américaine de juger ses actes. Ainsi, une STN, américaine ou non, accusée de violation des Droits de l'Homme en vertu d'une loi américaine, pourrait invoquer cette doctrine devant les cours américaines, afin que ces dernières déclinent toute compétence pour juger du litige relevant du pouvoir exécutif.

Toutefois, la Cour du 2nd Circuit a précisé dans l'arrêt Kadic que « même si le litige intervient dans un contexte politique très prégnant, cela ne signifie pas qu'il est dans tous les cas non justiciable164 ». Comme on l'a vu, plusieurs conditions (alternatives) doivent être respectées.

C'est ainsi, par exemple, que dans l'arrêt Elsa Iwanowa contre Ford Motor Co. And Ford Werke AG de 1999165 , la Cour de New Jersey a rejeté l'objection concernant la question politique déposée par Ford Motor Co., filiale allemande d'une STN américaine, dans le cadre d'un procès intenté contre elle en vue d'obtenir réparation pour travail forcé en temps de guerre.

Ces arguments juridico-politiques constituent donc un frein réel aux actions en indemnité contre des STNs violant les Droits de l'Homme. Mais leur importance reste toutefois à relativiser, les juges américains faisant preuve d'un certain activisme pour se saisir de plus en plus de telles questions, dans le respect de la séparation des pouvoirs (un mouvement comparable existe en France, pour la théorie des Actes de Gouvernement 166 , qui s'est notamment réduite grâce à la théorie de la détachabilité167).

iii. LA DOCTRINE DU FORUM NON CONVENIENS, OU LA DÉFÉRENCE DES JUGES VIS-À-VIS D'AUTRES JUGES ÉTRANGERS

Même si les juges américains se sont déclarés compétents pour juger de la question posée par le litige, le défendeur peut toujours invoquer la théorie du Forum Non Conveniens 168 selon laquelle les cours américaines doivent se reconnaître incompétentes lorsque les circonstances de l'espèce démontrent qu'un juge étranger, également compétent et plus approprié, serait mieux à même de trancher le litige. Cela permet d'éliminer les requêtes jugées abusives liées à une pratique débridée du forum shopping ou encore

164 Kadic v. Karadzic précité (n 48) 250.

165 67 F Supp 2d 424 (DNJ 1999) 483-89.

166 Cf. notamment l'arrêt du CE, 1875, Prince Napoléon

167 Cf. notamment les arrêts du Conseil d'État : R.U. de 1993, Koné de 1996, Mégret de 1998, Président de l'Assemblée Nationale de 1999, Association Ornithologique et Mammologique de Saône-et-Loire de 1999. Tous sont présents dans le GAJA.

168 BLAIR, The doctrine of forum non Conveniens in Anglo-American Law, Columbia Law Review, 29 ; v. également J.-J. FAWCETT, General Report, in Declining Jurisdiction in Private International Law 10-26 (1995)

d'écarter les actions considérées comme inopportunes car contraires aux intérêts de la justice américaine169 .

La détermination du forum le plus adéquat - et donc la décision de décliner sa compétence - est laissée à l'appréciation du juge. Toutefois l'arrêt Piper Aircraft contre Reyno170 a déterminé un test en deux étapes (cumulatives) 171 :

- Tout d'abord, le juge vérifie qu'il existe un for alternatif accessible et adéquat pouvant connaître du litige. Pour cela, le défendeur doit prouver que la juridiction étrangère est bien compétente pour connaître de l'affaire en cause, et que les demandeurs pourraient obtenir réparation des préjudices allégués.

- Ensuite, le juge met en balance des intérêts privés172 et publics173 qui ont été identifiés par la Cour suprême des États-Unis dans son arrêt Gulf Oil Corp. contre Gilbert174 , afin de déterminer quelle juridiction est la plus appropriée pour connaître du litige.

Cet argument du Forum Non Conveniens est sans doute le plus invoqué devant les cours américaines - et le plus retenu -, lorsque le litige concerne des faits qui se sont déroulés à l'étranger. Toutefois, M. Philipp I. BLUMBERG175 avait déjà repéré en 2002 certains signes montrant une plus grande souplesse de la part des juges, notamment dans des litiges où les requérants ont invoqué l'ATCA ou le TVPA176 . Les activités des STN étrangères seraient donc de plus en plus encadrées, et les violations des Droits de l'Homme de plus en plus sanctionnées, au moins devant les cours américaines.

Prenons deux exemples de violations des Droits de l'Homme par des STNs, où l'obstacle du Forum Non Conveniens a été admis :

169 Selon Jean-François FLAUSS, Secrétaire général de l'Institut international des droits de l'homme, dans son intervention de juillet 2006 « La compétence civile universelle exercée par la justice américaine à travers l'ATCA », en juillet 2006. Résumé accessible sur le site RSE et PED info, http://www.rse-et-ped.info/-Legislation-des-pays-developpes.html?debut _articles=250#pagination _articles. Vu le 29 juillet 2009.

170 Piper Aircraft Co. c. Reyno, 454 U.S. 235 - 1981

171 Pour un commentaire de ce test par Messieurs Laurent MARTINET et Ozan AKYUREK, « la théorie du forum non conveniens dans les pays de Common Law », Les Petites affiches - 18 septembre 2006 - no 186, p. 6 et suivantes.

172 Les intérêts privés comprennent : la facilité d'accès aux sources de preuve, l'existence d'une procédure permettant la comparution forcée des témoins désireux de témoigner et le coût d'une telle procédure, la possibilité de se rendre sur le lieu de l'accident (si c'est nécessaire pour les besoins de la cause), ou les aspects pratiques pouvant rendre l'instruction de l'affaire facile, rapide et peu coûteuse, etc.

173 Et les intérêts publics comprennent : les problèmes administratifs liés à l'engorgement du tribunal, l'intérêt local à voir des litiges nationaux réglés sur place, l'intérêt à voir le procès tenu devant un tribunal qui connaît mieux le droit applicable, etc.

174 Gulf Oil Corp y. Gilbert, 330 US 501 (1947), p. 508-09

175 Philip I. BLUMBERG, `Asserting Human Rights against Multinational Corporations under United States Law: Conceptual and Procedural Problems' (2002) 50 American Journal of Comparative Law, p. 493 à 530, 496. Cette opinion est exprimée au n° 194, p. 503.

176 BLUMBERG (n 194) p. 503.

Tout d'abord, l'arrêt Sequihua contre Texaco177 : des citoyens équatoriens avaient accusé la STN Texaco pour ses actes en Équateur, sur le fondement de l'ATCA. La Cour d'Appel se déclara incompétente, en vertu de la théorie du Forum Non Conveniens, car le forum de l'Équateur lui parut plus approprié que celui du Texas. En effet, la Cour retint le prix du trajet entre l'Équateur et les États-Unis, l'impossibilité pour les juges américains de se rendre sur les lieux de l'infraction, l'impossible accès aux preuves et aux témoins, et l'incertitude sur l'exécution du jugement américain en Équateur.

Enfin, l'arrêt Wiwa contre Royal Dutch Petroleum Co178 : des citoyens nigérians avaient accusé des STNs d'avoir collaboré avec le Gouvernement Nigérian pour violer les Droits de l'Homme des membres de leur famille (décédés) et le Droit de l'environnement au Nigéria. La District Court avait jugé qu'elle était incompétente en vertu du Forum Non Conveniens179, et la Cour d'Appel du 2nd Circuit a renversé cette décision, en considérant que les États-Unis étaient le forum le plus approprié180. Pour ce faire, elle retint les intérêts de chacune des parties en présence (les parties, mais aussi les États-Unis la Grande- Bretagne et le Nigeria), et effectua une balance. Elle conclut sur le fait que deux des requérants résidaient aux États-Unis, et sur l'importance pour les États-Unis d'être un forum international pour les victimes de violations des Droits de l'Homme181.

Avant de conclure, citons sans le développer le Foreign Sovereign Immunities Act du 21 octobre 1976182, selon lequel les puissances étrangères bénéficient d'une immunité dans le cadre de leurs relations avec les États-Unis. Ainsi, les litiges non commerciaux résultant de ces relations internationales sont non justiciables, et ce dans l'intérêt national américain d'entretenir de bonnes relations internationales avec les États étrangers. Mais les activités commerciales183 des États ne relèvent pas de cette immunité, pas plus que les activités des STNs, et sont alors « justiciables » devant les cours fédérales. Par conséquent, cet obstacle ne s'applique pas pour les activités commerciales des STN, et ne sera pas plus développé ici.

Au delà de ces obstacles d'ordre politique, il en existe d'autres, liés à des carences juridiques. B. Les Obstacles Juridictionnels

Dans les textes que nous avons étudié dans la première partie, de nombreuses et grandes incertitudes demeurent, ce qui complique la mission des juges (et des avocats, dans la rédaction de leurs requêtes).

177 Sequihua v. Texaco, 847 F Supp 61 (1994) 63-65.

178 2002 WL 319887 (SD NY 2002). Accessible par Westlaw ou sur http://ccrjustice.org/ourcases/current-cases/wiwa-v.-royaldutch-petroleum#files. Vu le 13 juillet 2009. Cf. la Partie 1 sur l'application du RICO. Les faits y furent suffisamment détaillés, nous irons donc plus vite

179 Wiwa v Royal Dutch Petroleum Co No 96 Civ 8386, 1998 US Dist At 1 (S.D.N.Y., Sept 25 1998).

180 Wiwa v Royal Dutch Petroleum Co 226 F 3d 88 (2d Cir 2000) 106-08.

181 Ibid. aux § 100, 106.

182 Loi de 1976 sur les immunités des puissances souveraines étrangères (Rev. Crit. DIP 1978.396)

183 Codifies par le Congrès

i. LA DÉFINITION DES CONDITIONS D'APPLICATION D'UNE LOI AMÉRICAINE Le « Droit des Nations » dont la violation est sanctionnée sous l'ATCA

Comme nous l'avons vu, l'ATCA est une loi très originale, qui permet aux juridictions américaines à connaître de faits commis à l'étranger, par des auteurs étrangers, à l'égard de victimes étrangères. Elle permet plus précisément aux cours fédérales de sanctionner toutes les violations des Droits de l'Homme commises par des STNs, dans la mesure où ces violations visent « le Droit des Nations ».

Ce critère ne sera rempli que si le juge parvient à déterminer la norme de Droit International applicable, et ensuite s'il juge que cette norme a bien été violée. Quelles sont les normes de Droit International visés par l'ATCA ?

Le 1er arrêt en la matière provient de l'arrêt Paquete Habana de la Cour Suprême en 1900184 , dans lequel les juges avaient considéré que le Droit des Nations visait « les usages et coutumes qui existent dans une société civilisée », à l'exclusion des traités ou actes étatiques normatifs.

Plus précisément, l'arrêt Lopez contre Reederei Richard Schroder de 1963185 a précisé que le Droit des Nations visait « les règles définissant les droits et des devoirs des Nations, dans leurs relations entre elles », et qu'il comprenait les « standards, règles ou usages qui :

- Affectent les relations interétatiques, ou les relations entre un État et une personne privée étrangère - Et qui sont utilisés par les États dans l'intérêt commun ou dans l'intérêt des États en cause »

Puis, la notion a évolué avec L'arrêt Filartiga de 1980 (précité 186), selon lequel le Droit des Nations de l'ATCA vise la norme « universellement acceptée par le Droit International », et l'arrêt Forti contre Suarez-Mason de 1987187 ajoute que la norme doit être « intelligible, obligatoire et universelle ». Par conséquent, pour déterminer le contenu de cette norme, la Cour a recherché les règles internationales qui furent incorporées dans plusieurs États.

Mais de quelles normes s'agit-il, précisément ? Est ce le jus cogens, la coutume, les traités, la jurisprudence, la doctrine... ? Doivent-ils avoir une valeur régionale, universelle, ou autre ? Et quelle est la procédure à suivre par les juges, pour déterminer si une source fait partie du « Droit des Nations » au sens de l'ATCA ?

184 Paquete Habana, 175 U.S. 677 (1900). Accessible sur http://supreme.justia.com/us/175/677/case.html. Vu le 25 juillet 2009.

185 Lopez v. Reederei Richard Schroder, 225 F. Supp. 292,297 (E.D.Pa.1963)

186 Filartiga v. Peña-Irala, cf. supra.

187 Forti v. Suarez-Mason, 672 F. Supp. 1531 (ND Cal 1987)

Prenons l'exemple de l'arrêt Beneal contre Freeport Mc Moran, Inc de 1999188 : un indonésien accusait une STN américaine, pour les faits de sa filiale indonésienne qui avait commis plusieurs violations des Droits de l'Homme dont le « génocide culturel ». La Cour de District, puis la Circuit Court ont rejeté la requête (motion to dismiss), au motif que les requérants n'avaient pas démontré que le Droit International sanctionnait le « génocide culturel ». Afin de parvenir à cette conclusion, les juges avaient distingué trois critères cumulatifs :

- Des État doivent sanctionner la conduite alléguée

- Des critères stricts doivent permettre de qualifier l'infraction alléguée - La prohibition de la conduite soit être absolue (i.e. indérogeable)

En l'espèce, les juges se sont référés à diverses sources de droit :

- les conventions internationales, dont la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide189 , pour conclure que le crime de « génocide culturel » n'était pas reconnu en Droit International.

- la coutume internationale 190 : en effet, l'arrêt Filartiga avait déjà précisé qu'il convenait d'étudier les « coutumes et usages des nations civilisés ». Cette notion est définie par l'American Law Institute191 comme « la pratique générale et constante des États, qui l'applique car la considère comme étant le droit », ou de manière quasiment identique par les statuts de la Cour Internationale de Justice (C.I.J.)192. Or, le droit américain ne donne pas de précision supplémentaire sur cette source du droit, alors que la C.I.J apporte des précisions. Il nous parait par conséquent utile de les rappeler grossièrement, pour éclairer le droit américain. Ainsi, il ressort de la jurisprudence de la C.I.J que la partie qui invoquer une coutume doit prouver qu'elle s'est constituée de manière telle qu'elle est devenue obligatoire pour l'autre partie193 . Ainsi, « non seulement les actes considérés doivent représenter une pratique constante, mais en outre ils doivent témoigner, par leur nature ou la

188 Beanal v. Freeport McMoran, Inc.,197 F.3d 161 (5th Cir. 1999)

189 Accessible sur http://www2.ohchr.org/french/law/genocide.htm. Vu le 26 juillet 2009.

190 Pour une etude générale, voir Rosalyn HIGGINS, Problems and Process: International Law and How We Use It 18-19 (1994)

191 Dans son Restatement of Foreign Relations Law of The United States de 1987, § 101, accessible sur www.kentlaw.edu/.../IntlLawFall2007/.../RestatementSources.doc. Le texte dans sa version originale dispose «Customary international law results from a general and consistent practice of states followed by them from a sense of legal obligation»

192 Cette définition est quasi-identique à celle de l'article 38§1 du statut de la Cour Internationale de Justice, qui retiennent deux critères : la pratique constante des États, et l'opinio juris sive necessitatis

193 Affaire Aya De la Torre confirmée par Plateau Continental de la Mer du Nord. Citées dans l'ouvrage « Précis de jurisprudence de la Cour internationale de justice », Par Kanga Bertin KOUASSI, édité chez Publibook. Les deux arrêts Haya De la Torre, Arrêt du 13 juin 1951: C.I. J. Recueil 1951,p.71 et Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte) (C.Z.J. Recueil 1984, p. 12, par. 17 sont accessibles sur le site de la CIJ : http://www.icjcij.org/docket/index.php?p1=3&p2=3&PHPSESSID=fdba019713bcaf8a58b5d908f3aeb8d4.

manière dont ils sont accomplis, de la conviction que cette pratique est rendue obligatoire par l'existence d'une règle de droit »194 . Par conséquent, la coutume internationale sera reconnue si le requérant parvient à démontrer qu'il existe un consensus parmi les États.

Pour qu'une plainte fondée sur l'ATCA aboutisse, le requérant devra alors démontrer : - soit que la pratique constante des États reconnait la norme dont il invoque la violation

- soit que des conventions internationales la reconnaissent explicitement et de manière contraignante, - soit enfin qu'un Traité International incorporé par les États-Unis, la reconnaisse195 .

Cette première condition, même alternative, est la plupart du temps particulièrement difficile à démontrer, et constitue un obstacle majeur au succès des procès intentés sous le visa de l'ATCA.

Pourtant, la coutume constitue sans doute la source du droit la plus adaptable, et permet donc d'espérer que les Droits de l'Homme seront progressivement intégrés dans cette dernière, et qu'ainsi de plus en plus d'actions seront admises sous le fondement de l'ATCA.

Pour identifier les Droits de l'Homme consacrés par la coutume internationale, les juges se réfèrent au Restatement (Third) of the Foreign Relations Law of the US196 qui condamne le génocide, l'esclavage, le meurtre, la disparition, la torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, la détention arbitraire prolongée, et la discrimination raciale systématique. Les « graves violations d'autres droits internationalement reconnus » sont aussi sanctionnés, afin de permettre au requérant de convaincre un juge de son droit d'action fondé sur l'ATCA, même en dehors d'une violation de la coutume internationale reconnue.

La jurisprudence a, quant à elle, eu l'occasion de prendre en considération des actions fondées notamment sur 197 : la prohibition de la torture, les exécutions sommaires, le génocide, les crimes de guerre, les agressions sexuelles, le travail forcé, l'esclavage, les disparitions, les traitements cruels, inhumains ou dégradants (y compris les expériences médicales forcées), l'exil forcé, les déplacements forcés, la détention arbitraire, les crimes contre l'humanité, la discrimination raciale, le détournement d'avion, la pollution en violation de la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer, la liberté d'association, le droit à la vie et à la liberté et sécurité de la personne, la liberté d'opinion et d'expression ainsi que la liberté d'opinion politique.

194 Selon l'affaire du Plateau Continental de la Mer du Nord, CIJ.

195 Soit que, selon la condition alternative de l'ATCA, qu'un Traité international incorporé par les États-Unis a été violé.

196 § 702, précité

197 Liste proposée par S. JOSEPH, «Corporations and Transnational Human Rights Litigation», Hart Publishing, Oxford, 2004, p. 26 et s.

Par contre, ont été exclus : le droit à la vie, le droit à la santé, le développement durable, l'interdiction de discrimination per se, la liberté d'expression, le génocide culturel, les atteintes à l'environnement au sein d'un État, l'enlèvement international, les actes de fraude, de négligence, etc. Globalement, la jurisprudence américaine en la matière n'est pas uniforme198.

La personnalité juridique de l'entreprise

Bien que les STNs soient économiquement et même politiquement des acteurs fondamentaux des relations internationales, leur appréhension juridique reste imparfaite. En effet, les STNs ont un fort potentiel d'action dans le respect (ou la violation) des Droits de l'Homme, comme nous l'avons largement évoqué au cours des arrêts précités. Or au niveau international, le Droit traditionnel est incapable de réguler leurs activités (le Droit International traditionnel ne reconnait des droits et des devoirs qu'aux États 199) , même si depuis un demi-siècle la situation s'est quelque peu améliorée200 .

En droit interne, les États ne se sont pas accordés sur la position à adopter vis-à-vis des STNs, l'adoption de la Convention sur la C.I.J en 1998, en fut un bon exemple : le rapport que les États-parties devaient étudier lors de la Conférence de Rome, contenait une proposition française selon laquelle la compétence de la C.I.J serait étendue aux personnes privées 201 . Malgré trois semaines de discussion, les représentants des États ne sont parvenus à aucun accord sur une version du texte, et les Statuts de la C.I.J qui furent adoptés ne continrent donc aucune stipulation sur les personnes privées202 . Selon l'article 34 des statuts, seuls les États ont donc qualité pour se présenter devant la Cour.

L'on voit ainsi la réelle difficulté qu'éprouvent les États à s'emparer de la question de l'appréhension des groupes de sociétés, ou STNs. Comme nous l'avons brièvement dit à l'énoncé de l'étude, la STN est définie par les Nations Unies 203 comme « une entité économique opérant dans plus d'un pays ou un ensemble d'entités économiques opérant dans plus d'un pays - quelle que soit leur forme juridique, que

198 Cf. Supra S. JOSEPH «Corporations and Transnational Human Rights Litigation, Hart Publishing, Oxford, 2004, p. 33.

199 Cf. supra Rosalyn HIGGINS, Problems and Process: International Law and How We Use It 18-19 (1994) note 15 à 49.

200 Même si le Droit International est maintenant capable de reconnaitre aux personnes privées des droits, il ne lui impose pas encore de devoirs. A la place, le Droit International des Droits de l'Homme impose des obligations directes aux États, et leur délègue le soin d'empêcher les violations par les acteurs non-étatiques. Pour une analyse détaillée, voir Henry J. STEINER & Philip ALSTON, International Human Rights in Context: Law, Politics and Morals 180-84, 222 (2d ed. 2000).

201 La proposition stipulait : « The Court shall also have jurisdiction over legal persons, with the exception of States, when the crimes committed were committed on behalf of such legal persons or by their agencies or representatives. The criminal responsibility of legal persons shall not exclude the criminal responsibility of natural persons who are perpetrators or accomplices in the same crimes ». Draft Statute for the International Criminal Court, art. 23, PP5-6, U.N. Doc. A/CONF. 1 83/2/Add. 1 (1998).

202 Cf. Andrew CLAPHAM, «The Question of Jurisdiction Under International Criminal Law over Legal Persons: Lessons from the Rome Conference on an International Criminal Court», dans «Liability of Multinational Corporations Under International Law» 150 (Stud. & Materials on Settlement Int'l Disputes vol. 7, Menno T. Kamminga & Saman Zia-Zarifi eds., 2000)

203 Nous reprenons ici la définition donnée par la Commission des Droits de l'Homme du Conseil Économique et Social des Nations Unies, lors de ses « Normes sur la responsabilité en matière de Droits de l'Homme des STNs et autres entreprises » (2003). Accessible sur http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/0/fa319e648a7b3389c1256d5900459385?OpenDocument

ce soit le pays du siège ou le pays d'activité et que les entités en question soient considérées individuellement ou collectivement ». L'Institut du Droit International204 en 1977 l'a définit comme plusieurs « entreprises constituées d'un centre de décisions localisé dans un pays, et de centres d'activités, dotées ou non de personnalité juridique propre, situés dans un ou plusieurs autres pays ». L'on comprend ainsi que la stratégie de ces STNs est nécessairement et cumulativement trans-étatique et infra-étatique, et que ses diverses entités réparties dans différents États, sont liées par une communauté économique et financière.

Or, en tant que personne morale de droit privé, chacune de ses entités reste soumise au droit commun local, et est indépendante juridiquement des autres membres du groupe. Cette incohérence de fait permet de nombreux abus, tels que le forum shopping ou la violation des Droits de l'Homme, couverte par le « voile de la personnalité juridique 205 » ; en effet, puisque chaque entité du groupe est autonome juridiquement, une société-mère pourra se dissimuler derrière ce « voile » afin d'éviter la mise en cause de sa responsabilité pour des faits perpétrés par une de ses filiales dans un État tiers. Et comme la filiale est virtuellement insolvable et non assurée, le requérant, bien que sa plainte soit accueillie, ne percevra aucune indemnisation.

Cette réflexion doit toutefois être atténuée puisque dans certains domaines, le « voile de la personnalité juridique » a bien été percé :

Tout d'abord, plusieurs mécanismes multilatéraux et volontaires à l'attention des STNs, sont venus récemment pour tenter de réguler leurs activités 206 . Mais n'étant pas encore contraignants, nous ne les étudierons pas ici.

204 Institut du Droit International, Deuxième Commission, « Les entreprises multinationales », Rapporteur, M. Berthold GOLDMAN, Oslo, 7 septembre 1977

205 Traduction de "Piercing the corporate veil". En effet, chaque société sera traitée comme une personne morale distincte - Salomon v Salomon & Co Limited [1897] AC 22 - [Dans Myfanwy BADGE Transboundary Accountability for Transnational Corporations : Using Private Civil Claims, Royal Institute of International Affairs, Mars 2006, p.27. Accessible sur www.chathamhouse.org.uk/files/3320_ilp_tnc.pdf ].

206 Parmi les initiatives à l'attention des sociétés multinationales, on peut citer :

- Celles qui émanent des organisations internationales, tel que les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des

entreprises multinationales (1976), la Déclaration tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l'OIT (1977)

- le Global Compact, initié par Koffi Annan en 2000, ou Le Projet de normes sur la responsabilité en matière de Droits de l'Homme des sociétés transnationales et autres entreprises adopté en août 2003 par la Sous-commission des Droits de l'Homme de l'ONU.

- Des initiatives privées telles que le Clean clothes campaign (2000), principes élaborés par une ONG en vue d'une amélioration des conditions de travail ; Les Principes d'Équateur (2003) - Code de conduite élaboré par les banques privées ; Le label Forest Stewardship Council (FSC) (1994) - Label créé par des ONG environnementales et des entreprises du secteur bois.

- Le développement de certification est aussi devenu un moyen efficace de mieux contrôler les activités de certaines entreprises dans des secteurs particuliers: il s'agit de normes édictées par des organismes privés dont l'adhésion emporte des missions d'audit chargé d'apprécier le respect des engagements pris. Ex. Le Kimberley Process Certification Scheme (2000)- Secteur des diamants.

Par ailleurs, le droit américain positif a, à plusieurs reprises, admis d'imputer à une entité A des actes commis par une entité B dans un autre État. En effet, bien que l'entité B ait souvent des liens très ténus avec le système judiciaire américain (elle se situe souvent dans un État-tiers où l'État de Droit n'est pas respecté), les cours américaines peuvent se reconnaitre compétentes pour traiter des actes de B, en se fondant sur le lien existant entre A et B. Mais ce critère peut ne pas suffire207 , et alors la combinaison de tous ces obstacles aura pour conséquence de :

- restreindre la compétence des cours américaines contre les sociétés-mères étrangères, même si leurs filiales détenues à 100% sont incorporées aux États-Unis

- isoler la société-mère américaine et l'exonérer de toute responsabilité pour les actes de ses filiales à l'étranger, et ce même si les actes des filiales seraient normalement justiciables aux États-Unis.

Les cours américaines, faisant preuve d'activisme judiciaire, ont traité de cette question de compétence dans l'arrêt Doe contre Unocal Corp.208, où les Droits de l'Homme de citoyens birmans avaient été violés par une STN française en Birmanie, et où le seul lien de rattachement avec le for américain, était la présence de filiales sur le sol américain209. Dans ce genre de cas, il est toujours très difficile de prouver la participation de la société-mère dans les agissements de sa filiale, obligation imposée par la Federal Rule of Civil Procedure 12(b) (6)210. C'est la raison pour laquelle beaucoup de requêtes se voient refuser dès cette première étape (cette étape intervient avant le forum non conveniens)211. A l'inverse, l'affaire Doe contre Unocal, tout comme celle précitée Wiwa212 , ont triomphé de cette barrière. Une analyse complète de ces arrêts serait beaucoup trop longue, nous ne la développerons donc pas. Nous retiendrons juste que le droit américain permet quelque peu de combler le vide juridique laissé par les STNs, mais que cet obstacle est loin d'assurer une prévisibilité dans son application, ni même une sécurité dans son régime.

- Il convient de mentionner aussi la norme ISO 14001 en matière environnementale (1996) ; la norme SA 8000 sur le respect des droits sociaux (1997) ; le Global Reporting Initiative (1997).

207 Philip I. BLUMBERG, `Asserting Human Rights against Multinational Corporations under United States Law: Conceptual and Procedural Problems' (2002) 50 American Journal of Comparative Law, p. 493 à 530. Cette opinion est exprimée p. 496.

208 Doe v Unocal Corp 248 F 3d 915 (9th Cir 2001) 925 ff

209 Cf. supra BLUMBERG (n 194), p. 497.

210 Accessible sur www.uscourts.gov/rules/civil2007.pdf

211 Beanal v Freeport-McMoran, Inc 197 F 3d 161 (5th Cir 1999) 163 ff; Iwanowa (n 192) 446-69. But see Unocal I (n 56) 895-96, where the complaint was held sufficient under Rule 12(b) (6). Cf. supra. BLUMBERG (n 194) p. 500.

212 Wiwa III, 2002 U.S. LEXIS 3293, at court opinion 41

ii. LA RECONNAISSANCE DES JUGEMENTS AMÉRICAINS À L'ÉTRANGER

Si le requérant a réussi à contourner tous les obstacles procéduraux que le défendeur a pu lui opposer, et qu'il a rempli toutes les conditions de la requête, alors les juges américains auront sans doute rendu un jugement civil en sa faveur.

Pourtant, cela ne suffit pas ; en effet, il convient encore que le jugement américain soit appliqué par le défendeur étranger, i.e. le plus souvent par la filiale résidant dans un État-tiers où les règles de l'État de Droit font défaut.

Pour que le créancier, muni de son jugement américain, obtienne les réparations prévues par la cour américaine (et dues par le défendeur débiteur), il se doit d'obtenir l'exequatur. L'exequatur est une procédure visant à donner dans un État (celui où le défendeur est incorporé), force exécutoire à un jugement rendu à l'étranger.

En effet, un jugement rendu dans un État d'origine n'est pas forcément reconnu dans un autre État. Et quand bien même ce jugement serait reconnu, cette reconnaissance n'implique pas qu'il ait une force exécutoire.

En principe, un créancier devra se référer à une Convention ou un Traité International sur la reconnaissance et sur l'exécution, pour que le jugement soit exécuté dans l'État-tiers. En vertu de cette convention, les juges du pays tiers devront juste contrôler la forme (et non le fond) du jugement, qui sera alors automatiquement exécuté.

Mais à défaut d'un accord international et quand l'État étranger ne reconnaît pas le titre exécutoire étranger, le créancier est obligé de recommencer la procédure dans l'État en question pour y obtenir un titre exécutoire, entrainant alors une nouvelle procédure longue et coûteuse213 . Or aux États-Unis, il n'existe :

- aucun accord international sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale

- aucune législation fédérale214 sur le sujet. Par conséquent la législation peut différer dans les 50 États fédérés.

- Aucun accord bilatéral ou multilatéral entre les États-Unis et un autre État sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

213 Même si le jugement rendu par l'État d'origine pourra alors servir de preuve pour convaincre le tribunal de l'État du défendeur.

214 Il s'agit d'une matière fédérale.

Par conséquent, tout va dépendre de la loi interne à l'État tiers, où le défendeur réside (ou est incorporé). Nous resterons donc, dans cette analyse, sur des généralités applicables à tous les États.

En général215, lorsqu'une personne privée obtient un jugement américain en sa faveur, condamnant la STN étrangère pour ses violations des Droits de l'Homme à l'étranger, elle devient débitrice d'une compensation financière (des dommages-et-intérêts) ou d'une injonction de ne pas faire216 ; dans le premier cas la personne va tenter d'obtenir l'exequatur dans l'État où les ressources financières de la STN sont concentrées, alors que dans l'autre cas elle va viser l'État où la STN exerce principalement ses activités.

Dans les deux situations, le débiteur va tenter de se soustraire à l'exequatur du jugement américain, en invoquant divers arguments :

Ainsi, il peut convaincre la cour étrangère que le jugement américain est excessif dans sa condamnation financière ; en effet, les États-Unis sont réputés pour indemniser très largement les requérants, en octroyant notamment des réparations « punitives » ce qui n'est pas le cas dans la plupart des autres États. Dans ce cas, les cours étrangères pourront refuser d'exécuter ce jugement, pour des raisons de politique publique ; ce fit notamment le cas en Grande-Bretagne, qui a voté une Loi - Protection of Trading Interests Act en 1980217 - interdisant l'exequatur des jugements étrangers ayant octroyé des « multiple damages » 218 .

En outre, il peut invoquer un argument plus politique devant la cour étrangère : il peut la convaincre qu'elle doit refuser toute intrusion extraterritoriale et illégitime des cours américaines, qui tentent de dépasser les règles du Droit International Public (sur la compétence des États) et du Droit International Privé (sur l'application des jugements étrangers). En effet, les États sont plutôt réticents face à la « théorie américaine des effets », selon laquelle cette dernière se reconnait compétente pour juger de comportements ayant eu lieu hors de ses frontières, si ce comportement a eu un effet aux États-Unis 219 ; c'est encore une fois la Grande-Bretagne qui nous fournit un exemple de cette résistance, au travers de l'arrêt de la Cour d'Appel Adams contre Cape Industries Plc220 . Dans cet arrêt, les requérants avaient

215 SW WALLER, `Under Siege: United States Judgments in Foreign Courts' (1993) 28 Texas Int'l L J 427, 429.

216 L'injonction de ne pas faire (ou prohibitory injunction) est la plus courante, même si l'injonction de faire (mandatory injunction) reste théoriquement possible.

217 Accessible en ligne sur le site officiel de « UK Law Statute Database »

http://www.statutelaw.gov.uk/legResults.aspx?LegType=All+Legislation&title=Protection+of+Trading+Interests+Act&searchEnacte d=0&extentMatchOnly=0&confersPower=0&blanketAmendment=0&TYPE=QS&NavFrom=0&activeTextDocId=1 507945&PageN umber=1&SortAlpha=0. Vu le 28 juillet 2009.

218 Dans les sections 5(1), 5(2) (a), 5(3), le jugement pour «multiple damages» est celui « dont le montant de l'indemnité octroyée a doublé, triplé, ou plus, le montant du dommage réellement subi ».

219 S METZGER, `The "Effects" Doctrine of Jurisdiction', (1967) 61 Am J Int L 1015; V Lowe, `Jurisdiction' in M Evans (ed), International Law (2nd edn OUP, Oxford 2006) 335, 344.

220 Adams v Cape Industries plc [1990] Ch 433

introduit une class action contre la STN Cape Industries, devant la cour du Texas. La cour se déclara compétente, car la société était incorporée aux États-Unis, et admis la demande. Mais lors de son exequatur, la cour anglaise considéra que la cour texane n'aurait pas du se reconnaitre compétente, et par conséquent refusa de reconnaitre ce jugement221.

221 Ibid 443, 461 ff.

CONCLUSION

Les États-Unis ont donc institué des mécanismes juridiques permettant aux requérants étrangers de recevoir une indemnisation pour les violations des Droits de l'Homme commises par les STNs qu'ils ont subis. Au niveau fédéral, plusieurs Lois autorisent les personnes privées victimes de ces abus, d'intenter une action en indemnisation. Parmi elles, l'ATCA ou le TVPA s'intéressent spécifiquement aux violations des Droits de l'Homme, et permettent même d'invoquer une violation de la coutume internationale. A l'inverse, d'autres Lois ne permettent une indemnisation des violations des Droits de l'Homme que de manière indirecte, car leurs champs d'application ne visent pas explicitement ce domaine. Parmi elles, on peut citer la FCPA ou le RICO. Mais de nombreux obstacles retreignent le champ de ces lois, pour des raisons tenant autant au système fédéral, qu'au régime strict de la séparation des pouvoirs.

Pourtant, les États-Unis se positionnent comme des leaders en matière de protection des Droits de l'Homme. En effet, l'arrêt Wiwa contre Royal Dutch Petroleum Co222 avait mis en balance les intérêts de chacune des parties et des États qui pourraient avoir un intérêt à ce que leur for soit compétent, afin de juger de l'applicabilité du Forum Non Conveniens ; elle avait en l'espèce décidé que l'intérêt américain était de fournir aux étrangers un forum pour trancher les litiges concernant les violations des droits les plus fondamentaux de l'Homme.

Les États-Unis semblent donc très attachés au respect de la règle de Droit, au point même que cet intérêt prévaut au plan international. C'est d'ailleurs cette attitude américaine « Droits-de-l'hommiste » à vocation universelle, qui explique que les États-Unis sont taxés d'impérialisme juridique et judiciaire.

Mais le même temps, ces derniers adoptent une attitude plus ambiguë lorsqu'ils interviennent pour leur propre compte dans les affaires internationales. En effet, du point de vue du Droit International, l'ingérence des États-Unis dans les affaires iraquiennes, tout d'abord, constitue bien un acte illégal puisque pris en violation directe de la Résolution 1441 des Nations-Unies223 . Et même si cette guerre était officiellement motivée pour réinstaurer l'État de Droit, et donc le respect des Droits de l'Homme, il fut par la suite démontré que les motivations réelles étaient le désir américain de s'approvisionner à moindres frais en pétrole, en contrôlant la production.

222 2002 WL 319887 (SD NY 2002). Accessible par Westlaw International ou sur http://ccrjustice.org/ourcases/currentcases/wiwa-v.-royal-dutch-petroleum#files. Vu le 13 juillet 2009.

223 Cf. Klaus TIEDEMANN, « Rapport Général », dans « Criminal Liability of Corporations : XIVth International Congres s of Comparative Law 11, 12-13 » (Hans de Doelder & Klaus Tiedemann eds. 1996)

Ensuite, les États-Unis ont montré qu'ils violaient aussi les droits des personnes privées, protégés par le Droit International ; pour ne citer qu'un exemple, retenons le cas de Karl et Walter La Grand, deux frères allemands qui avaient été condamnés à la peine de mort aux États-Unis, pour un crime qu'ils avaient commis. Avant que la sentence soit rendue, la C.I.J, dans son arrêt Allemagne contre États-Unis d'Amérique du 27 juin 2001 avait exigé que les États-Unis suspendent le jugement, car le Texas avait violé la Convention de Vienne sur les Relations Consulaires de 1963224, en n'informant pas les prévenus de leurs droits, et en privant de ce fait l'Allemagne de la possibilité de leur fournir l'assistance prévue par la Convention. Pourtant le jugement n'a pas été suspendu, et le verdict de culpabilité n'a pas été révisé, malgré la décision de la C.I.J. Les frères La Grand ont donc été exécutés, en violation flagrante du Droit International.

Enfin, pour conclure sur les violations du Droit International par les États-Unis, rappelons-nous que ces derniers avaient signé ou ratifié certains traités internationaux (tels que celui instituant la C.I.J, ou le Protocole de Kyoto), qu'ils ont par la suite refusé d'appliquer ou de mettre en oeuvre.

Les États-Unis ont donc une comportement particulièrement ambigu, en ce qu'ils se positionnent à la fois comme des donneurs de leçons (avec leur volonté impérialiste de juger les violations des Droits de l'Homme perpétrés partout dans le Monde), et violent les Droits de l'Homme régulièrement, sans rendre de compte à qui que ce soit. Leur comportement vis-à-vis des Droits de l'Homme les place simultanément en position de « leaders » et de « outliers » 225 .

Mais cette position n'est possible qu'en raison des lacunes du Droit International, et les États-Unis prennent en fait la place vacante qui est laissée.

Pour revenir sur les STNs, le portrait que nous avons dressé du système juridique américain est finalement en demi-teinte.

En effet, malgré les potentialités conséquentes offertes par ces mécanismes, les obstacles décident souvent funestement de l'issue des affaires invoquées devant les cours. Le nombre toujours croissant d'implantation de STNs aux États-Unis, et le développement de la coutume internationale, vont entrainer une évolution (sinon un changement) dans l'attitude américaine vis-à-vis des STNs et des Droits de l'Homme, la question de leur interaction étant loin d'être résolue.

***

224 § 1 article 36

225 Cf. supra, dans l'introduction, Michael IGNATIEFF « American Excepionalism and Human Rights », Princeton NJ: Princeton University Press 2005 pp. 392. Harvard Human Rights Journal, spring 2006, Book Note.

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Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques du 11 décembre 1997 Déclaration des Droits de la Virginie du 4 juillet 1776

Déclaration tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l'OIT (1977) Federal Rule of Civil Procedure 12(b) (6), Accessible sur www.uscourts.gov/rules/civil2007.pdf Foreign Corrupt Practices Act, 5 U.S.C. §§ 78dd-1, et seq.

Foreign Sovereign Immunities Act, (Rev. Crit. DIP 1978.396)

Forest Stewardship Council (FSC) (1994), accessible sur http://www.fsc.org/

Global Compact accessible sur http://www.unglobalcompact.org/AboutTheGC/TheTenPrinciples/index.html

Global Reporting Initiative : Sustainability Reporting Guidelines (1997), accessible sur http://www.globalreporting.org/NR/rdonlyres/A1FB5501-B0DE-4B69-A900-

27DD8A4839/0/G3 GuidelinesENG.pdf

Kimberley Process Certification Scheme (2000), accessible sur

http://www.kimberleyprocess.com/home/index fr.html

Norme ISO 14001 Management environnemental - Exigences et lignes directrices pour son utilisation. Deuxième édition parue le 2004-11-15 (1996)

Norme SA 8000 sur le respect des droits sociaux (1997)

Normes sur la responsabilité en matière de Droits de l'Homme des STNs et autres entreprises, Commission des Droits de l'Homme du Conseil Économique et Social des Nations Unies, (2003), 7 p., Accessible sur http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/0/fa319e648a7b3389c1256d5900459385?OpenDocument

Principes d'Équateur (2003)

Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales (1976), accessibles sur http://www.oecd.org/document/28/0,2340,en_2649_34889_2397532_1_1_1_1,00.html

Protection of Trading Interests Act, 1980, Accessible sur le site de « UK Law Statute Database »

Racketeer-Influenced and Corrupt Organizations, partie du Organized Crime and Control Act of 1970, 18 USC §§1961-1968. Accessible sur : http://www4.law.cornell.edu/uscode/18/ch96.html

Sous-commission des Droits de l'Homme de l'ONU, « Projet de normes sur la responsabilité en matière de Droits de l'Homme des sociétés transnationales et autres entreprises », août 2003

Statut de la Cour Internationale de Justice, 26 juin 1945, 59 Stat. 1055, 1060 (1945

Statuts de la Cour Pénale Internationale du 17 juillet 1998, U.N. Doc. A/CONF.183/9, 37 I.L.M. 999, 1004-099 accessible sur http://www.icccpi.int/menus/icc/legal%20texts%20and%20tools/official%20journal/rome%20statute?lan=fr-FR.

United States Code accessible sur http://www.gpoaccess.gov/uscode/browse.html

G. JURISPRUDENCE

i. JURISPRUDENCE DES ÉTATS-UNIS De la Cour Suprême

Baker v. Carr, 369 U.S. at 217, 82 S.Ct. au §(710)

Banco Nacional de Cuba v Sabbatino 376 US 398 (US SC 1964) 426 Burton v Wilmington Park Authority 365 US 715 (US SC 1961) 725

Erie Railroad Co. v. Tompkind (1938), 304 U.S. 64, 82L. ed. 1188, 58 S. Ct. 817, 114 ALR 1487 Gulf Oil Corp v. Gilbert, 330 US 501 (1947), p. 508-09

Ickes v Fox 300 US 82 (US SC 1937) 96

Lugar v Edmondson Oil Co 457 US 922 (US SC 1982) 939

Paquete Habana, 175 U.S. 677 (1900)

Piper Aircraft Co. c. Reyno, 454 U.S. 235 - 1981

Sosa v. Alvarez-Machain et al., 542 U.S. 692. le 29 juin 2004, 03-339, United States Reports, vol. 542/2, p. 35-36

Terry v. Adams, 345 US 461 (US SC 1953) 484

Texas Industries, Inc v Radcliffe Materials 451 US 630 (US SC 1981) 640. De la Cour d'Appel

2nd Circuit

Consol Gold Fields PLC v Minorco, SA 871 F 2d 252 (2d Cir 1989) 261-62.

Filártiga v. Peña-Irala, 630 F.2d 876 (2d Cir. 1980) p. 900

Kadic v. Karadzic, 70 F. 3d 232, 2d Cir. 1995

Khulumani v Barclay National Bank Ltd 504 F 3d 254 (2nd Cir 2007) (Apartheid II)

5e Circuit

Beanal v Freeport-McMoran, Inc 197 F 3d 161 (5th Cir 1999) 163 ff

Doe I v State of Israël 400 F Supp. 2d 86 (D DC 2005) 115

6e Circuit

Lamb v Philip Morris, Inc 915 F 2d 1024 (6th Cir 1990) 1027-30

7e Circuit

Fitzgerald v Chrysler Corp 116 F 3d 225 (7th Cir 1997) 226

Liquid Air Corp v Rogers 834 F 2d 1297 (7th Cir 1987) 1306.

9e Circuit

Clayco Petroleum Corp v Occidental Petroleum Corp 712 F 2d 404 (9th Cir 1983) 409

Doe v Unocal Corp 248 F 3d 915 (9th Cir 2001) 925 ff

Doe I v Unocal 395 F.3d 932 (9th Cir 2002) (Unocal III) 945 fn 15 Sarei v Rio Tinto Plc, 221 F Supp 2d 1116 (CD Cal 2002) 1184.

Siderman de Blake v Republic of Argentina 965 F 2d 699 (9th Cir 1992) 707

10e Circuit

Gallagher v Neil Young Freedom Concert 49 F 3d 1442 (1 0th Cir 1995) 1448

Des Cours Nationales de District

Central district of California

Doe I v Unocal Corp. 963 F Suppl. 880 (CD Cal 1997) (Unocal I) 891-92

District of Columbia

Tel-Oren v. Libyan Arab Republic, 726 F. 2d 774 (D. C. Cir. 1984), 233 U.S.App.D.C. 384

Eastern District of New York

Bodner v. Banque Paribas, 114 F. Supp. 2d 117 (E.D.N.Y. 2000)

In re Holocaust Victim Assets Litig. 105 F. Supp. 2d 139 (E.D.N.Y. 2000)

Southern District of New York

Wiwa v Royal Dutch Petroleum Co No 96 Civ 8386, 1998 US Dist At 1 (S.D.N.Y., Sept 25 1998).

Wiwa contre Royal Dutch Petroleum Co 2002 WL 319887 (S.D.N.Y. 2002).

In re Austrian & German Bank Holocaust Litig. 80 F. Supp. 2d 164 (S.D.N.Y. 2000).

Northern District of California

In re World War II Era Japanese Forced Labor Litig. 114 F. Supp. 2d 939, 942 (N.D. Cal. 2000)

Forti v. Suarez-Mason, 672 F. Suppl. 1531 (ND Cal 1987)

Eastern District of Pennsylvania

Lopes v. Reederei Richard Schroder, 225 F. Supp. 292,297 (E.D.Pa. 1963)

District of New Jersey

Elsa Iwanowa v. Ford Motor Co. and Ford Werke AG, 67 F Supp 2d 424 (DNJ 1999) 483-89.

District of Oregon

Jose v M/V Fir Grove 801 F Supp. 349 (DC Oregon 1991) 357

Southern District of Texas

Sequihua v. Texaco, 847 F Supp 61 (1994) 63-65.

ii. JURISPRUDENCE DE LA U.S SECURITIES AND EXCHANGE COMMISSION ABB Ltd: Lit. Rel. No. 18775 \ 6 juillet 2004 http://www.sec.gov/litigation/litreleases/lr18775.htm

GE In Vision, Inc. (connu sous le nom de InVision Technologies, Inc.): Lit. Rel. No. 19078 / 14 février 2005 sur http://www.sec.gov/litigation/litreleases/lr19078.htm

The Titan Corporation : Lit. Rel. No. 19107\1er mars 2005 sur

http://www.sec.gov/litigation/litreleases/lr19107.htm

iii. JURISPRUDENCE DU ROYAUME-UNI

De la Chambre des Lords

Adams v Cape Industries plc [1990] Ch 433

Salomon v Salomon & Co Limited [1897] AC 22

De la Cour d'Appel

Smith Kline & French Laboratories Ltd v. Bloch, [1983], 2 All Er 72, 74 (CA) 1983 S De la Cour militaire anglaise

Zyklon B, British military court, Hamburg, 1-18 mars 1946, Law-Reports of Trials of War Criminals, The United Nations War Crimes Commission, Volume I, London, HMSO,1947 Accessible http://www.ess.uwe.ac.uk/WCC/zyklonb.htm

iv. JURISPRUDENCE DE LA FRANCE (CONSEIL D'ÉTAT)

Tous sont accessibles sur le site du Conseil à la section « Grands Arrêts » : http://www.conseiletat.fr/cde/fr/presentation-des-grands-arrets/

Prince Napoléon, 19 février 1875

R. U. de Grande Bretagne et gouverneur de la Colonie royale de Hong-Kong 15 octobre 1993 Koné, 3 juillet 1996

Mégret 25 septembre 1998

Président de l'Assemblée Nationale 5 mars 1999

Association Ornithologique et Mammologique de Saône-et-Loire 3 décembre 1999

V. JURISPRUDENCE DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Haya De la Torre, 13 juin 1951: C.I. J. Recueil 1951

Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte) (C.I.J. Recueil 1984, p. 12, par. 17)

ANNEXE

Tableau 1 : Comparaison des sanctions prévues dans la FCPA et dans l'USC en cas de corruption d'agents publics nationaux ou étrangers. Source : OCDE






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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault