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Le plafonnement de la taxe professionnelle

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par Sophie Deligiannis
Université de Strasbourg - Master 2 Recherche Droit public général 2009
  

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A. Le respect du principe du réalisme du droit fiscal

1. La « requalification » des inscriptions comptables opérée par le juge de l'impôt

Dans l'affaire Hyper Média, la société requérante avait régulièrement comptabilisé l'abandon de créance dont elle avait bénéficié dans un compte de produits exceptionnels, qui ne relevait pas d'une rubrique mentionnée à l'article 1647 B sexies du CGI. Pour l'inclure dans la valeur ajoutée, le Conseil d'Etat a donc requalifié cet abandon de créance en subvention d'exploitation, et écarté comme inopposable le mode de comptabilisation retenue par la société. Or en principe, les abandons de créance sont comptabilisés en produits exceptionnels. Cette rubrique n'est pas mentionnée par le CGI et, par conséquent, ne devrait pas être incluse dans la valeur ajoutée. Mais il est vrai qu'en l'espèce, les abandons de créances en cause auraient également pu être consentis sous la forme de subventions d'exploitation, à partir du moment où ils ne présentaient pas un caractère exceptionnel73. La « requalification »74, opérée par le juge, était indispensable pour traiter de manière identique des produits qui correspondent, en pratique, à une même réalité75.

Par ailleurs, quelle que soit la manière dont les sommes en cause ont pu être légitimement comptabilisées en virements internes (CE 8 juillet 1998, min c/ CCI de Laval et de La Mayenne), en subvention (CE 29 décembre 2000 min c/ SNCF), ou en produits exceptionnels (CE 30 décembre 2002, Sté Hyper Média), elles constituaient toutes des subventions d'exploitation et devaient donc être traitées de la même manière pour calculer le plafond de taxe professionnelle, sous peine de méconnaître le principe du réalisme du droit fiscal76.

Cette faculté que le juge fiscal s'est reconnu semble paradoxal au regard de la logique jurisprudentielle, selon laquelle l'article 1647 B sexies du CGI renvoie à des règles
comptables. Ainsi, un certain flou s'installe en ce qui concerne les contours de la valeur ajoutée fiscale.

73 Mémento comptable Lefebvre 2006 n° 648-3, dans Y. BENARD, « Taxe professionnelle : controverse autour de la valeur ajoutée », RJF 11/06, p. 962-969.

74 Notion qu'il ne faut pas confondre avec une rectification d'erreur comptable.

75 S. VERCLYTTE, « Quels sont les éléments à prendre en compte pour le calcul de la valeur ajoutée, au sens des dispositions relatives au plafonnement de la taxe professionnelle ? », BDCF 11/06, n° 135, p. 46-57.

76 Ibid.

2. L'intrusion du juge fiscal dans le choix comptable opéré par les redevables

Dans la décision SA Colas Sud-Ouest de 2006, le Conseil d'Etat écarte une écriture comptable pourtant conforme au plan comptable général afin d'éviter une double déduction, des mêmes charges, chez la société mère et chez la filiale77. En effet, il a estimé que les juges du fond n'avaient pas commis d'erreur de droit en retenant, parmi plusieurs qualifications comptables possibles, la plus conforme au réalisme du droit fiscal. De telles refacturations intra-groupe sont, en principe, imposables même si elles sont effectuées à prix coûtant, sauf si elles entrent dans l'exonération prévue aux articles 261 B et 261 A du CGI en faveur de certains services rendus à prix coûtant, et dont le prix doit correspondre à un prix de pleine concurrence, à moins qu'il s'agisse d'un acte anormal de gestion78. Ainsi, elles devraient être fiscalement traitées comme des produits ordinaires79. Une telle requalification est opportune, puisqu'elle est la seule à limiter, en tout cas partiellement, la recherche d'optimisation fiscale qui guide très souvent le choix d'inscrire de tels produits en transferts de charges. En effet, une opération telle que celle en cause permet à la société mère de déduire de sa valeur ajoutée les achats de matériaux effectués pour le compte de ses filiales. De plus, elle permet à ces filiales de déduire de leur valeur ajoutée les mêmes achats, qui leur ont été refacturés, mais également les sommes correspondant au personnel mis à leur disposition. En revanche, si elles avaient employé directement le personnel en cause, elles n'auraient pas pu déduire les charges correspondantes. Cette « création de charges » se traduit donc par une réduction globale de la valeur ajoutée, retenue pour le calcul du plafonnement, en faveur de la société mère et de ses filiales.

Par conséquent, abonder la valeur ajoutée de la société mère du montant des sommes refacturées semble être la seule manière d'éviter cette modification artificielle (ou la volatilisation) de valeur ajoutée, en partie du moins. Cet abondement permet de maintenir le volume global de cette valeur ajoutée mais n'empêche pas une modification de la répartition de cette valeur ajoutée. Ainsi, le montant de la valeur ajoutée peut être réduit

77 A. BONNET, « Plafonnement : définition de la valeur ajoutée selon les dispositions du plan comptable général », RDF, 18 octobre 2007, n° 42, p. 32-34.

78 L'acte anormal de gestion est celui qui met une dépense ou une perte à la charge de l'entreprise ou qui la prive d'une recette sans être justifiée par les intérêts de l'exploitation commerciale. Il revient à l'administration de prouver qu'un acte n'a pas été accompli dans l'intérêt de l'entreprise.

79 S. VERCLYTTE, « Quels sont les éléments à prendre en compte pour le calcul de la valeur ajoutée, au sens des dispositions relatives au plafonnement de la taxe professionnelle ? », BDCF 11/06, n° 135, p. 46-57.

chez les filiales, et augmenté chez la société mère, ce qui n'est pas neutre puisque le taux de taxe professionnelle applicable à cette dernière peut être inférieur à celui applicable aux filiales.

La correction effectuée par le juge fiscal aboutit donc à rétablir en volume global la valeur ajoutée initiale, ce qui paraît conforme au principe de réalisme du droit fiscal.

3. La possibilité d'écarter des règles comptables : une faculté ouverte par le juge

Le juge de l'impôt a ouvert une possibilité de s'écarter des règles comptables dans une hypothèse où le redevable aurait la possibilité de comptabiliser les sommes en cause dans deux rubriques, dont seulement une serait mentionnée dans le CGI. Or, en principe, lorsque le droit comptable offre une option entre deux modes de comptabilisation dont un seul entre dans l'énumération de l'article 1647 B sexies du CGI, les sommes en cause doivent être prises en compte dans le calcul de la valeur ajoutée, quel que soit le mode de comptabilisation choisi par l'entreprise (CE 30 décembre 2002 n° 238030, Sté Hyper-Média, CE 4 août 2006, n° 270961 à 270965, SA Colas Sud-Ouest) 80. Cette règle ne va pas de soi au regard du caractère en principe opposable des décisions de gestion, et donc du choix de tel mode de comptabilisation régulier plutôt que de tel autre. Mais le Conseil d'Etat semble la justifier par le souci de ne pas trop s'éloigner de la volonté du législateur, et par la préoccupation d'éviter l'artificielle volatilisation de valeur ajoutée81.

Le rattachement d'un élément, composant la valeur ajoutée produite par l'entreprise, au plan comptable en vigueur et sa conformité est donc nécessaire mais pas suffisant. Lorsque plusieurs qualifications comptables sont envisageables, il est possible de retenir au nom du réalisme fiscal, celle qui va permettre de respecter au mieux la logique économique et comptable.

A l'inverse, lorsque le droit comptable impose un seul mode de comptabilisation dans une rubrique qui ne correspond à aucune de celles énumérées par l'article 1647 B sexies du CGI, les sommes en cause ne doivent pas, en principe, être prises en compte pour le calcul de la valeur ajoutée82. Si tel était le cas, cela aboutirait à une solution contraire au réalisme fiscal.

80 L. CHATEL, « Plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée : comment délimiter les catégories énumérées par l'article 1647 B sexies du CGI ? », BGFE 6/06, p. 23-27.

81 Ibid.

82 Ibid.

En effet, le juge de l'impôt cherche à garantir la cohérence entre le traitement fiscal et la logique économique et comptable. Il semble ainsi être introduit une exigence purement fiscale qui peut être source de difficultés pour le contribuable.

B. La suppression d'une écriture comptable régulière et fondée au nom du principe d'autonomie fiscale

Le principe d'autonomie fiscale permet de déroger à la règle selon laquelle les entreprises doivent se conformer aux normes comptables lorsque celles-ci sont incompatibles avec la loi fiscale. Or tel est le cas de l'utilisation du compte « transfert de charges » lorsqu'elle aboutit à déduire deux fois certaines charges, ou à retrancher des salaires de la valeur ajoutée fiscale alors que le législateur avait entendu les y inclure. En effet, le maniement du principe d'autonomie du droit fiscal n'est pas des plus simples dans le cas de l'article 1647 B sexies du CGI, dès lors qu'il oblige à faire le tri entre les règles comptables supposées compatibles avec cet article et celles qui ne le sont pas. Si l'on combine ce principe avec l'idée que les rubriques énumérées à l'article précité s'interprètent à la lumière de la réglementation comptable, il en découle que les sommes qui n'ont pas été comptabilisées dans un compte rattachable à l'une de ces rubriques doivent être prises en compte dans la valeur ajoutée, lorsqu'elles auraient pu être comptabilisées dans un tel compte (ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision Hyper-Média, confirmée par la décision Société Colas Sud-Ouest). Dans le cas contraire, elles doivent être exclues de cette valeur ajoutée (ainsi que l'a exposé S. VERCLYTTE dans ses conclusions sur la décision du 3 novembre 2006, Caisse fédérale du Crédit Mutuel Océan83).

83 « Nous n'avons aucune hésitation à admettre que, lorsque le droit comptable en vigueur autorise une option entre deux modes de comptabilisation, et quelles que soient d'ailleurs les éventuelles recommandations en faveur de telle ou telle branche de l'option, le juge de l'impôt doit retenir la qualification comptable qui satisfait le mieux l'exigence de réalisme fiscal. En revanche, si le droit comptable impose formellement la comptabilisation dans une rubrique qui ne correspond à aucune de celles énumérées par le CGI, il nous semblerait dangereux d'admettre que le juge fiscal, même au nom du réalisme fiscal, puisse néanmoins rattacher les sommes en cause à l'une des rubriques du CGI », S. VERCLYTTE, « Les sommes refacturées par les Caisses fédérales de Crédit Mutuel aux caisses locales entrent-elles dans la valeur ajoutée telle que définie par l'article 1647 B sexies du CGI ? », BDCF 1/07, n°6, p. 25.

Section 3 : L'avenir de la jurisprudence dégagée par le Conseil d'Etat, à propos de la valeur ajoutée.

La ligne jurisprudentielle dégagée par le Conseil d'Etat permet d'assurer une convergence entra la valeur ajoutée fiscale et la valeur ajoutée comptable, ce qui a permis de résoudre un certain nombre de difficultés récurrentes.

L'intervention du législateur en 2006, n'ayant pas modifié les définitions de la valeur ajoutée applicables aux banques et aux assurances, ne met pas fin aux interrogations. En effet, les normes comptables continueront à évoluer. Des hypothèses subsistent ou vont apparaître dans lesquelles la grille de lecture dégagée par la jurisprudence étudiée précédemment est susceptible d'introduire des incohérences : soit de nouvelles notions ont fait leur apparition dans les plans comptables ultérieurs à celui de 1957, comme celle de transferts de charges en cause dans l'affaire Sté Colas Sud-Ouest, soit des notions anciennes ont vu leur définition comptable évoluer, comme dans le litige opposant l'administration à la Caisse fédérale du Crédit Mutuel Océan. Dans ces hypothèses, le juge de l'impôt est confronté à un dilemme. Soit il fait une application mécanique de la grille d'analyse issue de sa décision min c/ Sté foncière Ariane, et fait prévaloir l'impératif de sécurité juridique, au risque de laisser subsister des possibilités d'optimisation fiscale. Soit, au contraire, il adopte une démarche purement casuistique, et corrige au cas par cas les incohérences provoquées par l'obsolescence de l'article 1647 B sexies du CGI, mais il prend alors le risque d'augmenter le flou entourant la notion de valeur ajoutée fiscale et de contribuer à la multiplication des litiges. Par ses décisions Sté Colas Sud-Ouest et Caisse fédérale du Crédit Mutuel Océan, le Conseil d'Etat est parvenu à se conformer à la première possibilité tout en évitant les risques correspondants mais aux prix de raisonnements périlleux84.

Dans l'affaire Sté Colas Sud-Ouest85, la solution n'était pas évidente. Les mises à disposition de personnel facturées par la société à ses filiales avaient été comptabilisées dans un compte de transferts de charges qui n'était rattachable à aucune des rubriques de l'article 1647 B sexies du CGI. Sans contester la conformité de cette écriture au PCG 1982, le Conseil d'Etat a néanmoins jugé que les produits constituaient des ventes et prestations de services

84 Y. BENARD, « Taxe professionnelle : controverse autour de la valeur ajoutée », RJF 11/06, p. 962-969.

85 Cf. Annexe 2.

entrant dans la valeur ajoutée « et auraient, d'ailleurs, pu être comptabilisées comme telles ». Cette motivation soulève deux difficultés.

D'une part, l'emploi des termes « d'ailleurs » signifie que la possibilité de comptabiliser les mises à disposition de personnel comme des ventes et prestations (compte 70 du PCG) n'a pas été regardée comme déterminante. Si tel était réellement le cas, la présente décision devrait être interprétée comme retenant une définition purement fiscale de la valeur ajoutée, sans lien avec les normes comptables applicables, ce qui serait en contradiction directe avec la solution retenue dans la décision min c/ Sté foncière Ariane. Cependant, le commissaire du gouvernement S. VERCLYTTE considère que tel n'est pas ce qu'a entendu juger le Conseil d'Etat, et voit dans les mots « d'ailleurs » un simple signe d'hésitation. D'autre part, il reste difficile d'expliquer par quel moyen le juge de l'impôt, tout en considérant que l'article 1647 B sexies doit s'interpréter à la lumière des normes comptables en vigueur, peut néanmoins se reconnaître la faculté d'écarter une écriture comptable sans contester sa régularité ni sa pertinence, pour l'application de ce texte. Selon le commissaire du gouvernement, qui reprend la position de G. GOULARD dans l'affaire Sté Hyper Média, cette solution serait sous-tendue par le principe de réalisme du droit fiscal86.

La décision Caisse fédérale du Crédit Mutuel Océan précité lève l'ambiguïté de l'utilisation du terme « d'ailleurs » dans la décision SA Colas Sud-Ouest, en indiquant la référence sans réserve aux normes comptables pour l'application de la norme fiscale87.

86 Y. BENARD, « Taxe professionnelle : controverse autour de la valeur ajoutée », RJF 11/06, p. 962-969.

87 S. VERCLYTTE, « Les sommes refacturées par les Caisses fédérales de Crédit Mutuel aux caisses locales entrent-elles dans la valeur ajoutée telle que définie par l'article 1647 B sexies du CGI ? », BDCF 1/07, n° 6, p. 23-30.

Chapitre 2 : Les principaux problèmes spécifiques en matière de plafonnement de la taxe professionnelle

Les entreprises disposent, en principe, d'une liberté de choix dans l'écriture comptable qui représente une opération destinée à enregistrer un flux commercial, économique ou financier dans les différents comptes référencés dans un plan comptable. Elles sont toutefois tenues de respecter le principe de la comptabilité en partie double (c'est-à-dire que le débit et le crédit doivent s'équilibrer). Par conséquent, ses choix comptables ont une incidence directe sur le calcul de la valeur ajoutée, encadré par l'article 1647 B sexies du CGI.

Des difficultés sont ainsi apparues à propos de la définition même de subventions d'exploitation devant être comprises dans la valeur ajoutée (Section 1).

Aussi, un problème de qualification comptable s'est posé lorsque les postes comptables ont évolué postérieurement au plan comptable général de 195788. Tel est le cas, lorsque la définition du poste, dans lequel est comptabilisé la charge ou le produit en cause, n'existait pas dans le PCG 1957, ou lorsque le poste a été modifié, suite à l'adoption de plans comptables ultérieurement à celui de 1957. Ce problème s'est posé concernant les comptes de produits « transferts de charges » (Section 2), apparus avec le PCG 1982.

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