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Le pourvoi en cassation devant la cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA

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par Koudzo Igneza NAYO
Ecole Nationale d'Administration (ENA-TOGO) - Diplome, cycle III de l'ENA, Magistrature 2009
  

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Section I : Les difficultés liées au pourvoi en cassation devant la CCJA

Les difficultés générées par le pourvoi en cassation devant la CCJA découlent directement, du moins pour la plupart, du pouvoir d'évocation qui lui est accordé. Il s'agit notamment du caractère équivoque de son droit à contrôler (Paragraphe 1), et des problèmes liés à l'interprétation des Actes Uniformes (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le caractère équivoque du droit de contrôle de la CCJA

Par l'usage du droit d'évocation dans ses arrêts, la CCJA a élargi son contrôle de la légalité de la décision attaquée aux faits, étant entendu que, classiquement, une juridiction de cassation ne peut connaître des faits. Ce faisant, le principe du rejet des moyens mélangés de fait et de droit appliqué par toute juridiction de cassation devient incertain dans sa mise en oeuvre devant la CCJA (A). Il en est de même des sources formelles soumises à son examen (B).

A- Les incertitudes sur l'application du principe du rejet des moyens mélangés de fait et de droit devant la CCJA

Lorsqu'un justiciable se pourvoit en cassation devant la CCJA, il doit indiquer, dans sa requête, la règle de droit harmonisé dont l'application dans l'affaire justifie la saisine de la Cour. En d'autres termes, le moyen qu'il invoque à l'appui de son pourvoi doit se limiter à indiquer la règle de droit violée à l'issue des débats sur le fond du droit des affaires en première instance ou en appel. Le pourvoi ne saurait donc être soutenu par un moyen qui n'aurait été développé ni devant le Tribunal ni devant la Cour d'Appel, « la justification du moyen devant s'opérer sans qu'il soit besoin de mettre en oeuvre des faits autres que ceux établis dans le débat au fond »47(*). A défaut, le pourvoi est tout simplement rejeté : il s'agit de la mise en oeuvre du « principe du rejet du moyen mélangé de fait et de droit »48(*) appliqué devant toute juridiction de cassation pour la simple raison que l'instance en cassation n'est pas un troisième degré de juridiction.

Cependant, il convient de souligner que ce principe est inadapté à la CCJA. Cette dernière en effet, comme nous l'avons déjà vu, est une juridiction de cassation atypique car statuant aussi bien sur le droit que sur les faits en raison de son pouvoir d'évocation. Comme tel, on comprend mal le fait qu'elle ne puisse pas admettre les faits nouveaux invoqués par les plaideurs à l'appui de leurs pourvois. La CCJA, en principe, devait renvoyer les parties devant une juridiction de même degré que celle qui a rendu la décision attaquée, lorsqu'elle rend un arrêt de cassation, comme le ferait une cour de cassation classique. Ainsi, les parties devant la juridiction de renvoi, peuvent invoquer, à l'appui de leurs prétentions, de nouveaux moyens comme cela leur est d'ailleurs reconnu par la loi49(*). Mais par son évocation de l'arrêt, la CCJA se transforme en une juridiction de renvoi de ses propres arrêts de cassation et entreprend de juger définitivement l'arrêt en se saisissant des faits. C'est donc logiquement que les plaideurs devraient pouvoir eux aussi invoquer de nouveaux moyens (de pur droit ou mélangés de fait et de droit), et produire de nouvelles pièces propres à mieux justifier leurs conclusions50(*). En déniant cette possibilité aux plaideurs alors qu'elle évoque ses arrêts, la Haute juridiction communautaire instaure une procédure attentatoire à leurs droits, et rend, par la même occasion, malaisée et difficilement compréhensible, la distinction entre le fait et le droit dans ses instances de cassation.

B- L'ambiguïté des sources formelles contrôlées par la CCJA

Cette ambiguïté des sources formelles soumises au contrôle de la CCJA résulte des textes mêmes de l'OHADA. En effet, les articles 14 alinéa 3 du Traité et 28-1 alinéa 2 du Règlement donnent compétence à la Cour Commune pour connaître des affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes Uniformes et des Règlements prévus au Traité. Cependant, l'article 15 du même Traité relatif aux pourvois en cassation, ne fait référence qu'aux seuls Actes Uniformes. Face donc à cette situation, des interrogations demeurent : comment concilier ces dispositions rédigées en des termes aussi différents ? S'il est clair que les justiciables d'un contentieux judiciaire privé peuvent se pourvoir en cassation devant la CCJA relativement au droit substantiel porté par les Actes Uniformes, peuvent-ils en faire autant s'agissant des Règlements pris en application du Traité, lesquels ne règlent que les rapports, avons-nous déjà dit, entre les organes de l'OHADA et entre cette organisation et les Etats parties ? A priori, on peut penser qu'ils peuvent le faire dans la mesure où il existe des situations individuelles qui sont aussi régies par les Règlements. En guise d'exemple, nous citerons les Règlements relatifs au statut des fonctionnaires et au régime applicable au personnel de l'OHADA, en l'occurrence, le Règlement 1/98 du 30 janvier 1998 fixant le statut des fonctionnaires de l'OHADA. Ainsi, un fonctionnaire peut-il diriger un pourvoi contre un tel Règlement au cas où un éventuel litige aurait été réglé sur le fondement dudit Règlement. La CCJA, laquelle n'est pas une juridiction administrative, pourrait-elle connaître de ce pourvoi ?

Tout compte fait, il y a lieu de faire la part des choses nonobstant l'imperfection des textes de l'OHADA et de dire que la CCJA ne peut connaître en principe que des pourvois relatifs aux litiges entre particuliers soulevant des questions ayant trait à l'application des Actes Uniformes. S'agissant toutefois des Règlements, nous pensons qu'elle ne peut en connaître par le biais d'un recours en cassation, mais sûrement par le truchement d'un avis lorsque la question lui est posée par un Etat partie ou une juridiction de fond d'un Etat partie.

Une autre source formelle du droit des affaires peut aussi tomber sous le coup de la compétence de la CCJA. En effet, il est acquis, depuis l'avis n°1/01/EP du 30 avril 200151(*) de la CCJA rendu à la demande de la Côte d'Ivoire52(*), que si le droit uniforme se substitue au droit national, c'est uniquement pour les dispositions ayant le même objet si bien que les dispositions de droit interne n'ayant pas le même objet que le droit uniforme survivront et pourront s'appliquer. Si tel est le cas, la question de la compétence de la CCJA se pose encore à ce niveau lorsqu'elle est saisie d'un recours en cassation portant à la fois sur le droit uniformisé et le droit interne d'un Etat partie. Pourra t-elle connaître de tout le contentieux ?

Cette dernière interrogation préfigure en réalité d'autres difficultés du pourvoi en cassation devant la CCJA, notamment celles liées à l'interprétation des Actes Uniformes.

* 47 Bakary DIALLO, op. cit., p. 44.

* 48 Ce principe a été consacré par la CCJA dans son arrêt n° 32 du 4 novembre 2004, Affaire Société Eburnea c/ Cie d'assurances Les Tisserins Satca, note B. DIALLO, Penant n° 855-2006.

* 49 Dans ce sens, voir l'article 238 du Code de Procédure Civile Togolais qui reconnaît indirectement cette faculté aux parties lorsqu'elle affirme que : «.S'il y a lieu à renvoi (...). La cause est alors reprise devant la juridiction de renvoi conformément à la procédure applicable devant celle-ci (...) ». L'article 632 du NCPC français est quant à lui plus explicite à ce sujet lorsqu'elle dispose que devant la juridiction de renvoi, « les parties peuvent invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions ».

* 50 « En droit français, il est de jurisprudence constante que le droit d'évocation doit s'exercer dans le respect du principe du contradictoire. Il n'est pas possible à une cour d'évoquer sans que les parties aient conclu au fond ou aient été mises en demeure de le faire ». Voy.Civ.2ème, 8 juin 1979, Gazette du Palais, 1979, 2, 443, note Viatte.

* 51 CCJA, avis n° 1/2001/EP du 30 avril 2001, www. ohada.com, ohadata J-02-04

* 52 La demande d'avis consultatif de la Côte d'Ivoire ayant donné lieu à l'avis précité de la CCJA a été formulée par lettre n° 137/ MJ/CAB-3/KK/MB en date du 11 octobre 2000 du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, et enregistrée au Greffe de la CCJA le 19 octobre 2000 sous le n° 002/2000/EP.

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