WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les compétences statutaires des sociétés de classification

( Télécharger le fichier original )
par Pierre CHEVALIER
Université de Bretagne occidentale - Droit des espaces et des activités maritimes 2009
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

LES COMPETENCES STATUTAIRES DES

SOCIETES DE CLASSIFICATION

PIERRE CHEVALIER
Etudiant en master 1 de droit des espaces et des activités maritimes
Mention droit public / droit privé

Sous la direction de
Madame Cécile De Cet Bertin
Maître de conférence de droit privé

MEMOIRE

Université de Bretagne Occidentale
Année universitaire 2008-2009

Attention, ce mémoire a été réalisé au cours de l'année universitaire 2008-2009. et n'est pas à jour des textes adoptés le 11 mars 2009 dans le cadre du 3ème paquet sécurité maritime « Erika III » et publiés au Journal Officiel des Communautés Européennes le 28 mai 2009.

Remerciements

Mes remerciements vont tout d'abord à Madame De Cet Bertin qui a accepté de diriger cette étude et m'a aidé à orienter mes recherches. Je remercie également les Professeurs Kerrest et Le Morvan qui m'ont fourni de nombreux documents et dispensé de précieux conseils. Enfin je tiens à remercier plus particulièrement Monsieur Boisson, Directeur de la communication du Bureau Veritas, pour m'avoir consacré un temps important et répondu à mes nombreuses interrogations.

SOMMAIRE

INTRODUCTION

Première partie : des compétences déléguées de l'Etat du pavillon aux sociétés de classification

Chapitre 1. L'objet de la délégation : le contrôle de la conformité aux exigences conventionnelles

Section 1. La certification de la conformité aux conventions sur la sécurité maritime

Section 2. La conformité aux Conventions internationales sur la pollution en mer : la Convention MARPOL

Chapitre 2. La particularité du régime juridique de la délégation aux sociétés de classification

Section 1. La nécessaire reconnaissance préalable des sociétés de classification

Section 2. Une délégation originale du contrôle des navires aux sociétés de classification

Deuxième partie : la responsabilité du fait des fonctions statutaires ; la nécessité d'une adéquation avec leur rôle prépondérant dans la garantie de la sécurité maritime

Chapitre 1. La responsabilité administrative

Section 1. La responsabilité administrative prévue par le droit français

Section 2. Existence d'obstacles à l'engagement de la responsabilité des sociétés de classification

Chapitre 2. La responsabilité pénale

Section 1. Les infractions d'imprudence comme source de la responsabilité pénale des sociétés de classification

Section 2. La répression des infractions aux règles pénales de l'environnement comme nouveau

foyer de la responsabilité CONCLUSION GENERALE

Abréviations et sigles

A.B.S. American Bureau of Shipping

A.D.M.A. Annuaire de Droit maritime et Aérien

A.D.M.A. Annuaire de Droit maritime et Océanique

A.J.D.A. Actualité Juridique, Droit administratif

Ass. plén. Assemblée plénière

B.V. Bureau Veritas

C.E. Conseil d'Etat

C.E.D.H. Cour Européenne des Droits de l'Homme

Chron. Chroniques

Circ. Circonscription

Civ. Chambre civile de la Cour de cassation

Com. Chambre commerciale de la Cour de cassation

Concl. Conclusions

Crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation

D. Recueil Dalloz

D.M.F. Droit maritime français

D.N.V. Det Norske Veritas

E.M.S.A European Maritime Safety Agency

G.A.D.I.P. Grands Arrêts du Droit International Privé

G.A.J.A. Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative

GAZ. PAL. Gazettes du Palais

G.L. Germanisher Lloyd

I.A.C. S. International Association of Classification Society

I.I.D.M. Iberoamerican Institute of Maritime Law

I.S.M. International Safety Management

I.S.P.S. International Ships and Port Facility Security

J.C.P., Ed. Gen. La Semaine Juridique édition généralement

J.M.M. Journal de la Marine Marchande

J.O. Journal Officiel

J.O.C.E. Journal Officiel des Communautés Européennes

L.G.D.J. Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

L.R.S. Lloyds Register of Shipping

L.L.R. Lloyd's Law Report

MARPOL Marine Pollution (Convention O.M.I.)

Obs. Observations

O.M.I. Organisation Maritime Internationale

Préc. Précité

P.U.A.M Presses Universitaires d'Aix-Marseille

P.U.F. Presses Universitaires de France

R.D.P. Revue de Droit Publication

Rec. Recueil Lebon

R.C.D.I.P. Revue Critique de Droit International Privé

R.D.T. Revue de Droit des Transports

R.F.D.A. Revue Française de Droit Administratif

R.S.C. Revue de Sciences Criminelles

RINA Registro Italiano Navale

S.O.L.A.S Safety of Life at Sea (Convention O.M.I.)

T.C. Tribunal des Conflits

T.J.B. Tonneaux de Jauge Brute

U.S.C.G. United States Coast Guards

INTRODUCTION

« O combien de marins, combien de capitaines Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines Dans ce morne horizon se sont évanouis!

Combien ont disparu, dure et triste fortune! Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune, Dans l'aveugle océan à jamais enfouis! »

Victor Hugo, Oceano Nox, juillet 1836

Cette première strophe du poème de Victor Hugo illustre le paradoxe des rapports que l'Homme entretient avec la mer. Les Hommes ont de tout temps été attirés par la mer dont l'immensité est synonyme d'inconnu et donc de découvertes et qui leur offre ses nombreuses ressources. Mais les disparitions récurrentes de ceux qui l'exploitent ou la parcourent pour le commerce notamment nous rappellent sans cesse la dangerosité de la mer.

Section 1. L'apparition de règles préventives face à l'insécurité maritime

Les espaces maritimes, que ce soit près des côtes ou plus au large, connaissent une insécurité endémique. La mer est, de tout temps, restée synonyme de dangerosité pour les personnes qui s'y aventuraient. A la piraterie qui sévissait et qui sévit encore dans de nombreuses zones s'ajoutaient les mauvaises conditions climatiques. Cette idée d'insécurité apparaît particulièrement dans les notions intéressant la navigation maritime. Les notions de chance et de fatalité sont ainsi attachées à cette navigation. La fortune de mer par exemple désigne tout événement survenu au cours d'un voyage maritime et dû à des circonstances liées à l'état de la mer et du vent1. Du fait de cette dangerosité, le terme d'aventure maritime était utilisé pour qualifier la navigation maritime et les marins étaient des aventuriers.

1 A. LE BAYON, Dictionnaire de droit maritime, PUR, 2004.

Malgré ce risque, ce péril marin, inhérent et endémique à la navigation maritime, le transport par mer s'est développé depuis l'Antiquité. Le manque de connaissance du milieu mais également le manque de développement scientifique et technique expliquent la faiblesse des navires pour affronter le mauvais temps dans l'Antiquité. Pour éviter un péril imminent, les marins avaient recours notamment à la pratique du jet. La cargaison et même les vivres étaient jetées par dessus bord pour alléger l'embarcation. Cette pratique était prévue par la Lex Rhodia de Jactu. Cette loi, empruntée aux Rhodiens2 fut nommée Rhodia.

Au Moyen Age, les premières règles préventives se développèrent et furent insérées dans des textes. Ainsi, les autorités maritimes des grands ports de la Méditerranée édictèrent des directives sévères sur le franc-bord. Cette législation était destinée à lutter contre les abus des armateurs et capitaines qui surchargeaient leurs navires pour dégager le plus de profit possible et ce, malgré le risque de perdre le navire ainsi que la cargaison qu'il transportait. Une telle réglementation apparaît à Venise au cours du XIII ème siècle. Il était interdit de dépasser le tirant d'eau marqué pour chaque navire par une croix sur la coque. Ce tirant d'eau représente le volume d'eau que déplace un navire.

Les autorités gènoises avaient, quant à elles, des règles précises pour calculer le tirant d'eau maximal de certains navires, ainsi qu'une procédure de contrôle du chargement et des sanctions en cas d'abus. Des fonctionnaires avaient pour tâche de mesurer les navires pour calculer ce tirant d'eau et d'assister à la mise en place sur la coque de fers, ancêtres des lignes de charge3.

La fin du XVIIème siècle et le XIXème siècle virent se développer des législations nationales plus ambitieuses. Les Révolutions industrielles que connurent successivement le Royaume-Uni et la France notamment, apportèrent de nombreuses innovations techniques qui favorisèrent le développement des transports maritimes. Ainsi, l'invention de la machine à vapeur révolutionna le transport en soustrayant en partie le transport maritime aux aléas du vent qui limitaient la navigation à la voile.

La recherche d'une plus grande sécurité fut conduite tout d'abord dans un cadre purement privé. Les différents opérateurs du transport craignaient qu'une intervention étatique en ce domaine soit trop étendue et mal adaptée aux réalités du commerce maritime. « L'intérêt bien compris de l'armateur ayant engagé toute sa fortune dans l'acquisition de navires, représentait finalement la

2 D. GAURIER, La Lex Rhodia de Jactu, ADMO, tome XV, 1997, pp. 185-187.

3 F. ATTOMA-PEPE, Un aperçu du franc-bord des navires au Moyen-Age, BULLETIN TECHNIQUE DU BUREAU VERITAS, janvier 1976, pp. 10-14.

meilleure garantie de la sécurité de tous »4. Cette conception libérale de la sécurité maritime fut majoritaire pendant toute la première moitié du XIXème siècle.

Il fut à cette époque considéré que toutes les personnes ayant un intérêt au transport maritime devaient assumer leur part de responsabilité face aux périls de la mer. Ainsi se développa la copropriété des navires visant par exemple à amoindrir les aléas économiques en divisant les risques. C'est également à cette époque que se développèrent les premières sociétés d'assurance maritime. Ce mécanisme consiste à faire intervenir un tiers en la personne de l'assureur, qui prend la place de celui à qui le risque incombe. Le XIX siècle vit aussi la naissance des principales sociétés de classification.

Malgré cette conception très libérale de la sécurité maritime, certaines législations nationales plus ambitieuses se développèrent. Des réglementations préventives furent mises en place ainsi que des procédures de contrôle des navires, principalement en France et en Grande-Bretagne. L'Ordonnance sur la Marine de Colbert institua les fonctions d'huissiers-visiteurs. Par la suite une déclaration royale du 17 août 1779 mis en place une double visite du navire pour les expéditions maritimes, l'une à l'aller et l'autre au retour. Pendant la Révolution, le 9 août 1791, fut votée une Loi sur la police de la navigation. Cette Loi imposait aux capitaines des navires armés au long cours de provoquer eux-mêmes la visite du navire avant armement puis avant chargement. Les inspections étaient menées par des officiers-visiteurs ou experts-visiteurs nommés par le tribunal de commerce ou à défaut par le maire de la ville. Ces inspecteurs étaient d'anciens navigateurs, constructeurs ou charpentiers qui avaient des connaissances certaines sur la navigation en mer et sur la structure des navires aptes à effectuer une telle navigation5.

La promulgation du Code de commerce n'apporta pas de modifications importantes au système mis en place par cette Loi. Par la suite, les inspections annuelles furent progressivement étendues à d'autres navires. L'embarquement et le débarquement des marchandises dangereuses furent réglementés par un décret du 2 septembre 1874.

Le système des visites fut remanié par une Loi du 17 avril 1907 qui encadrait les conditions de construction du navire, son armement et ses équipements mais également ses conditions de chargement et d'exploitation6. Cette Loi créa également le corps des inspecteurs de la navigation

4 P. BOISSON, Politiques et Droits de la Sécurité Maritime, EDITIONS BUREAU VERITAS PARIS, 1998, p. 29.

5 D. DANJON, Traité de droit maritime, LGDJ, Paris, 1910, p.100.

6 P. BOISSON, op. cit., p. 30.

chargés d'effectuer des visites préalables à l'appareillage des navires. Elle constitue la base de la réglementation française moderne en matière de contrôle des navires et elle marque la mainmise définitive des règles étatiques sur la sécurité maritime.

Section 2. Le principe du contrôle par l'Etat du pavillon

« Libre de toute souveraineté territoriale, la mer ne peut pas être libre de toute souveraineté juridique »7. La haute mer ne peut pas être un espace de non-droit et le navire doit être soumis à une juridiction. Les règles coutumières du droit de la mer confient le contrôle des navires à l'Etat du pavillon. Cette compétence attribuée à l'Etat repose sur le principe de la territorialité selon lequel le navire doit être considéré comme un démembrement du territoire national lorsqu'il se trouve en haute mer. Ce rattachement des navires à un ordre juridique susceptible de les contrôler permet ainsi de prévenir et de sanctionner les abus auxquels les principes du libre usage de la haute mer et de la liberté de navigation pourraient donner lieu.

Cette compétence exclusive de l'Etat du pavillon est énoncée à l'article 6 alinéa 1 de la Convention internationale du 29 avril 1958 sur la haute mer : « Les navires naviguent sous le pavillon d'un seul Etat et se trouvent soumis [...] à sa juridiction exclusive en haute mer».

Ce principe de la souveraineté que l'Etat exerce sur ses navires est également source d'obligations pour l'Etat du pavillon. En effet, la Convention de Genève du 29 avril 1958 prévoit dans son article 5 alinéa 1 qu'il est de la responsabilité de l'Etat « d'exercer son contrôle dans les domaines techniques, administratifs et social sur les navires battant son pavillon » et que « chaque Etat délivre aux navires auxquels il a accordé le droit de battre son pavillon des documents à cet effet ».

La Convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer dite « convention de Montego Bay » met à la charge de l'Etat du pavillon l'application des règles et normes internationales en matière de prévention de la pollution du milieu marin : « Les Etats veillent à ce que les navires battant leur pavillon ou immatriculés par eux respectent les règles et normes applicables (...) et prennent les mesures nécessaires pour leur donner effet. L'Etat du pavillon veille à ce que ces règles, normes, lois et règlements soient effectivement appliqués, quel que soit le lieu

7 P. FAUCHILLE, Traité de droit international public, ROUSSEAU EDITIONS, 1925, p. 46.

de l'infraction »8 . Pour satisfaire à ces obligations, l'administration de l'Etat du pavillon doit procéder à des visites à bord des navires. L'autorité compétente doit vérifier que sont bien détenus à bord les certificats requis et vérifier l'état réel du navire.

Dans la pratique, ce sont le plus souvent les sociétés de classification qui vont, par délégation, procéder aux visites et à la délivrance des titres de conformité. Cette délégation de compétence est traditionnelle car les sociétés de classification sont les mieux à même d'effectuer ce contrôle9.

Section 3. Le développement de la délégation aux sociétés de classification

Les sociétés de classification sont les plus anciens organismes de contrôle technique10. Cette activité serait apparue à la fin du XVIIème siècle dans un « Coffee house » de la Tower Street à Londres. Ce bar, situé près des quais, était fréquenté par des armateurs, des assureurs, des courtiers, et des capitaines de navires. Le tenancier du bar, Edward Lloyd, recueillait et diffusait les informations relatives aux navires et au commerce maritime susceptibles d'intéresser les clients de son bar. Un journal fut créé et prit en 1726 le nom de « Lloyd's List ». Mais rapidement victime de son succès, cette publication ne pouvait pas contenir suffisamment de renseignements sur les navires. Les assureurs qui éditaient ce journal créèrent entre les années 1730 et 1760 un registre portant des renseignements plus précis et fiables intitulé «Lloyd's Register of Shipping»11. Il s'agit donc historiquement de la première des sociétés de classification.

Les révolutions industrielles du XIXème siècle ont permis un développement exponentiel des échanges commerciaux, de leur rapidité ainsi que de leur fréquence. C'est dans ce contexte libéral de forte croissance économique et d'intensification de la navigation maritime commerciale qu'apparurent les sociétés de classification, dans le sillage du Lloyd's Register of Shipping.

Alors que de grandes compagnies d'assurance installées à Paris venaient de faire faillite après une succession de catastrophes maritimes, deux assureurs et un courtier ambitionnant de mieux faire face à cette crise, s'allièrent en 1828 pour fonder le Bureau Veritas ouvert la même

8 Article 217 al. 1. de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982.

9 L. KHODJET EL KHIL, La pollution de la mer méditerranée du fait du transport maritime de marchandises, PUAM, 2003, p. 233.

10 M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, PUAM, 2004, p. 19.

11 G. BLAKE, Lloyd's Register of Shipping 1760-196O, Publication du Lloyd's Register of Shipping, 1960.

12 année à Anvers. Installé dès 1832 à Paris, le Bureau Veritas y a encore aujourd'hui son siège social.

L'American Bureau of Shipping fut fondé en 1862, le Det Norske Veritas en 1864... Au cours du XIXème siècle furent ainsi créées les principales sociétés de classification qui subsistent aujourd'hui.

La fonction originelle des sociétés de classification est d'arrêter des normes de qualité des navires à travers la publication de Règlements de classification qui fixent des normes techniques auxquelles doivent se conformer les navires pour être surs. Par l'intermédiaire de ces Règlements, les sociétés de classification déterminent la classe du navire et vont lui attribuer un certificat de classification. Certains auteurs les qualifient à ce sujet de véritables « législateurs techniques »12. Avec l'emploi de nombreux inspecteurs, les sociétés contrôlent, lors de la conception du navire, la conformité des plans au Règlement de la société. La construction du navire doit être réalisée conformément à ces indications pour qu'il puisse recevoir la classe exigée par l'armateur et qu'un certificat de classification soit délivré par la société de classification. Les assureurs se serviront de cette cotation pour déterminer les primes d'assurance que devra souscrire l'armateur.

Cette opération de classification est une opération purement privée dans la mesure où les normes de référence de qualité des navires sont édictées par les sociétés de classification, organismes de contrôle privés à l'égard de navires appartenant à des personnes privées13.

L'originalité des sociétés de classification réside dans le fait qu'elles exercent en même temps des fonctions dites « statutaires », cet épithète « statutaire » signifiant ici « conforme à une règle ». Ce mot « règle » renvoie aux conventions internationales et aux législations nationales sur la sécurité maritime et la prévention de la pollution.

Dans le cadre de ces prestations statutaires, les clients des sociétés de classification sont les Etats qui ont reconnu les sociétés comme organismes habilités à contrôler les navires sous leur pavillon et en leur nom. Initialement, les Etats qui ont ratifié les différentes conventions internationales sont responsables de l'application de ces règles sur les navires qui naviguent sous leurs pavillons. Ces mêmes instruments internationaux prévoient tous expressément le recours aux sociétés de classification. Ainsi, la Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie

12 A. BELLAYER-ROILLE, Le transport maritime et les politiques de sécurité de l'Union Européenne, EDITIONS APOGEE, 2000, p. 103.

13 M. FERRER, op. cit, p. 20.

humaine en mer (Convention SOLAS) indique que l'administration de l'Etat du pavillon peut confier l'inspection et la visite de ses navires à des organismes reconnus par elle14.

De nombreux Etats ont en effet pris conscience qu'ils ne disposaient pas des moyens suffisants pour assurer l'application de ces normes internationales et ont rapidement délégué cette compétence aux sociétés de classification.

Dès la fin du XIXème siècle, une législation sur le franc-bord est adoptée par les Anglais et permet de limiter le chargement excessif des navires. Le Lloyd's Register et le Bureau Veritas furent en 1890 les deux premiers organismes habilités pour déterminer les franc-bords aux navires britanniques15

Selon Monsieur Philippe Boisson16, 3 raisons justifient ces délégations de compétence aux sociétés de classification17.

Tout d'abord, les organismes de classification possèdent une compétence universellement reconnue18 ainsi qu'un réseau d'experts qui va faciliter une application homogène des exigences réglementaires. Pour illustration, le Bureau Veritas actuellement emploie plus de 1000 experts marine qui travaillent dans 420 centres d'inspections répartis dans 150 pays.

Par ailleurs, le coût des inspections a incité les Etats à avoir recours à des organismes privés et ce d'autant plus que ces derniers jouissent d'une confiance considérable19. Le coût des inspections est en effet directement supporté par l'armateur.

Enfin l'essor des pavillons dits de libre immatriculation ou de complaisance peut également expliquer ces délégations de compétence aux sociétés de classification. Ce pavillon de complaisance que l'on désigne aujourd'hui « avec pudeur »20 sous le vocable de pavillon de libre immatriculation est le « pavillon accordé par un Etat à un navire de commerce appartenant à des étrangers, ou contrôlé par des étrangers, dans des conditions très libérales qui excluent en pratique tout lien effectif entre l'Etat du pavillon et le navire »21. Pourtant, la Convention des Nations Unies

14 Convention SOLAS Règle 6 chapitre 1 a).

15 P. BOISSON, Etats du pavillon / société de classification, in. LE PAVILLON : actes écrits du colloque organisé les 2 et 3 mars 2007, PEDONE, 2008, p. 39

16 Les personnes citées dans cette étude sont Professeurs de droit, avocats ou experts du monde maritime. Monsieur Boisson est Conseiller juridique et Directeur de la communication du Bureau Veritas..

17 Ibid p. 40.

18 Cette compétence est unanimement reconnue en doctrine et même reconnue dans les grandes conventions internationales telles que SOLAS ou MARPOL.

19 J.-P. BEURIER, Droits maritimes, DALLOZ, 2009, p. 268.

20 S. ROBERT, L 'Erika : responsabilités pour un désastre écologique, PEDONE, 2003, p. 154.

21 J. SALMON (dir.), Dictionnaire de droit international public, BRUYLANT, 2001, p. 813.

sur les conditions d'immatriculation22 rappelle que les lois et règlements par lesquels l'Etat établit les conditions de sa nationalité doivent être suffisants pour permettre à l'Etat d'exercer effectivement sa juridiction et son contrôle sur les navires qui battent son pavillon23. En échange d'une rémunération, l'Etat du pavillon de complaisance offre une législation sociale peu contraignante, des avantages fiscaux et parfois même une certaine souplesse dans les contrôles de sécurité des navires.

Pour illustration, en 2008, le Panama, premier pavillon mondial, enregistrait une flotte de 174,07 millions de tonneaux de jauge brute24. A titre de comparaison, durant la même année, la flotte immatriculée en France était de 5,68 millions de tonneaux de jauge brute25. Ces Etats de libre immatriculation ont largement recours aux sociétés de classification pour faire appliquer les conventions internationales car leurs administrations nationales ne disposent généralement ni des fonds nécessaires, ni des compétences techniques pour assurer le contrôle sur ces navires. Il s'agit d'un cercle vicieux car l'Etat du pavillon complaisant, « [...] en offrant une palette très large de sociétés de classifications [...], et surtout s'il n'exerce aucun contrôle sur elles, favorise indirectement l'immatriculation des navires sous son registre en permettant que l'armateur fasse appel à des organismes de contrôle peu sérieux »26.

Madame Bellayer-Roille se demande s'il est « tout à fait normal que des sociétés privés suppléent les pouvoirs publics »27. Il est en effet de bon droit de se demander si de telles prérogatives régaliennes ne devraient pas être assumées par les services de l'Etat du pavillon. Cette question de la légitimité de l'exercice du contrôle des navires par les sociétés de classification ne peut être étudié qu'à travers le prisme juridique.

Face au développement des critiques, l'Organisation Maritime Internationale a pris des résolutions pour encadrer cette pratique de la délégation à des sociétés privées. Cette intervention est relayée par l'Union Européenne qui a pris conscience de la nécessité de donner un cadre juridique à cette pratique. Plusieurs intérêts s'entremêlent, la garantie de la sécurité maritime comme

22 Cette Convention a été adoptée sous l'égide de la Commission des Nations Unies sur le commerce et le développement le 7 février 1996.

23 Article 8 paragraphe 2 de la Convention des Nations Unies sur les conditions d'immatriculation des navires.

24 La jauge brute est une mesure de la capacité de transport d'un navire. Elle s'exprime en tonneaux de jauge brute, ou en mètres cubes. Un tonneau de jauge brute vaut 100 pieds cubes, soit environ 2,832 mètres cubes.

25 Le Marin, dossier spécial shipping 2008, vendredi 31 octobre 2008, p. 16.

26 V. L. KHODJET EL KHIL, La pollution de la mer méditerranée du fait du transport maritime de marchandises, P.U.A.M., 2003, p. 237. L'auteur considère que le recours systématique aux sociétés de classifications constitue la parade de certains Etats pour se décharger de leurs obligations de contrôle.

27 A. BELLAYER-ROILLE, Le transport maritime et les politiques de sécurité de l'Union européenne, EDITIONS APOGEE, 2000, p. 103.

intérêt supérieur, mais aussi le développement économique d'un Etat complaisant, ou les intérêts financiers d'une société de classification.

La cohabitation de tels antagonismes souligne l'intérêt d'une étude de ce travail statutaire effectué par les sociétés de classification. Il s'agit de se demander quelles sont les compétences qu'elles peuvent exercer au nom des Etats. Ce transfert de compétence est encadré par les législations nationales des Etats du pavillon et dans une moindre mesure par le droit international. Mais il n'y a pas de droit sans responsabilité et si les sociétés ont la faculté d'exercer au nom des Etats le contrôle des navires, elles doivent alors assumer leur part de responsabilité.

La première partie sera consacrée à l'étude des compétences que l'Etat du pavillon peut transférer aux sociétés de classification (Première partie) et la seconde aux différentes responsabilités qui peuvent être engagées du fait de l'exercice du contrôle des navires par les sociétés au nom et pour le compte des Etats (Deuxième partie).

16 Première partie : des compétences déléguées de l' Etat du pavillon aux sociétés de classification

Il convient dans un premier temps d'étudier l'objet de cette délégation. En raison de leurs compétences techniques et de leur réseau international d'experts, les sociétés de classification exercent une mission de service public28. Les plus importantes conventions internationales applicables dans le domaine des prestations statutaires des sociétés de classification portent sur la sécurité des personnes (SOLAS, LLI, code ISM), la sûreté (code ISPS) et la pollution (MARPOL). Les sociétés de classification sont chargées de vérifier que les navires répondent aux exigences des conventions internationales que l'Etat de leur pavillon a ratifiées (Chapitre 1). La société de classification d'origine allemande Germanischer Lloyd était à la fin de l'année 2008 titulaire de délégations de plus de 130 Etats Le Bureau Veritas est actuellement reconnu comme organisme officiel de certification par125 administrations nationales. Ce nombre très important de délégations, ainsi que le nombre de navires qui sont certifiés comme conformes aux exigences des conventions internationales, justifient que l'on parle de leur travail comme d'une « action structurelle sur la sécurité maritime »29.

C'est tout l'enjeu de l'exercice de ces compétences statutaires par les sociétés de classification qui explique la particularité du régime juridique de cette délégation (Chapitre 2).

Chapitre 1. L'objet de la délégation : le contrôle de la conformité aux exigences conventionnelles

Afin d'étudier l'objet de cette délégation, il faut rechercher quels sont les instruments internationaux à caractère technique et s'intéressant au transport maritime auxquelles les Etats peuvent adhérer.

Les Conventions internationales instaurant des normes techniques ont pour principal objet d'assurer la protection des équipages, des passagers, des marchandises et du navire. Il s'agit dans ce cas de Conventions relatives à la sécurité maritime (section 1). Mais les tiers peuvent eux aussi être victimes de ce transport maritime. Ils peuvent en effet subir des dommages sous la forme de pollution marine due principalement aux hydrocarbures. C'est pour cette raison qu'ont été élaborées

28 B. ANNE, Rôle, activités et reconnaissance des sociétés de classification, LA REVUE MARITIME, mars 2003, n°455, p. 28.

29 K. LE COUVIOUR, La responsabilité civile à l'épreuve des pollutions majeures résultant du transport maritime, PUAM, 2007, p. 499.

des conventions techniques sur la pollution (section 2).

Section 1. La certification de la conformité aux conventions sur la sécurité maritime

Aujourd'hui, les principales Conventions internationales dans le domaine de la sécurité maritime sont élaborées sous l'égide de l' Organisation maritime internationale (O.M.I.).

L'O.M.I. est une organisation internationale intergouvernementale qui a reçu de l'O.N.U. délégation pour traiter les problèmes spécifiques à la navigation maritime. Elle incite les Etats à se réunir dans une conférence diplomatique en vue d'adopter des règles uniformes dans ce domaine. Les conventions qui sont tenues sous son égide sont de nature à lier juridiquement les Etats qui les ratifient. L'entrée en vigueur de ces conventions est en général conditionnée par un certain nombre de ratifications et par le fait que les Etats signataires représentent une part significative du tonnage total de la flotte. Cette condition originale en droit international public permet de vérifier que la convention résulte bien d'un consensus des principaux Etats acteurs du transport maritime.

Il existe au sein de l'O.M.I. une pratique intéressante pour l'actualisation de certaines conventions sur la sécurité maritime : c'est la méthode de « l'amendement tacite ». Lorsque des amendements à une convention sont adoptés par une nouvelle conférence à la majorité des deux tiers, ces amendements sont notifiés par l'O.M.I. à tous les Etats contractants, qui sont censés les avoir acceptés faute de communication de leur désaccord au Secrétariat de l' O.M.I. à l'expiration d'un délai fixé30. Ces amendements sont ainsi réputés avoir été acceptés, sauf si plus d'un tiers des Parties ou certaines Parties seulement mais représentant ensemble plus de 50% du tonnage de la flotte mondiale s'y opposent. Cette méthode a permis de réduire de façon significative les délais de mise à jour de la réglementation par rapport aux évolutions de la technique. Néanmoins, l'effet constaté pourrait être inverse à celui qui était escompté au départ. Il est difficile, tant pour les administrations nationales, que pour les acteurs non-étatiques comme les sociétés de classification, de « digérer31 » l'évolution de la réglementation tant cette dernière est devenue rapide.

La Convention dite S.O.L.A.S.32 sur la sauvegarde de la vie humaine en mer qui a été initiée à Londres en 191433 à la suite du naufrage du Titanic et la Convention sur les lignes de charge dite

30 M. RIMABOSCHI, L'unification du droit maritime, contributions à la construction d'un ordre juridique maritime, PUAM, 2006, p. 458.

31 R. CUISIGNIEZ, La réglementation de sécurité à bord des navires marchands, INFOMER, 2004, p. 17.

32 SOLAS pour Safety of Life at Sea

33 Les Conventions S.O.L.A.S. ont été révisées de nombreuses fois et les dispositions aujourd'hui applicables sont celles de 1974.

LOAD LINES et édictée à Londres en 1966 sont les deux principaux instruments internationaux en matière de sécurité maritime. Elles mettent toutes deux en place une procédure pour la certification de la conformité des navires à leur disposition. Les règles de procédure sont relatives d'une part aux visites à effectuer sur les navires et d'autre part à la délivrance des certificats de conformité.

La tendance à la productivité et à la réduction des coûts a pour conséquence une gestion parfois plus laxiste des risques. Il en résulte des pratiques de concurrence déloyale comme le recours à des pavillons dits de complaisance. La constatation que la défaillance humaine est souvent la cause des accidents maritimes a incité l'O.M.I. à élargir son domaine d'activités pour couvrir non seulement les aspects techniques du navire mais également sa gestion. L'adoption des Codes

I. S.M.34 et I. S.P. S.35 illustre cette tendance et a pour conséquence une extension des missions confiées aux sociétés de classification.

§ 1. Les visites prévues par les instruments internationaux

L'Etat du pavillon peut déléguer ces visites aux sociétés de classification. En raison du nombre important d'inspecteurs mais aussi de l'existence de centres de sécurité dans le monde entier, les sociétés de classification ont une réelle capacité de contrôle des navires.


· Règles relatives aux visites des navires prévus par la Convention S.O.L.A.S. :

L'événement qui a amené le Royaume-Uni à convoquer la Conférence internationale S.O.L.A.S. de 1914 a été le naufrage du navire de ligne Titanic, de la compagnie White Star, lors de son premier voyage en avril 1912. Cette catastrophe, au cours de laquelle plus de 1 500 passagers et membres d'équipage trouvèrent la mort, souleva un si grand nombre de questions à propos des normes de sécurité qui étaient en vigueur à l'époque, que le Gouvernement du Royaume-Uni proposa de tenir une conférence afin d'élaborer une réglementation internationale. Des représentants de 13 pays participèrent à cette conférence qui aboutit à l'adoption de la Convention S.O.L.A.S., le 20 janvier 1914.

Depuis, quatre autres Conventions S.O.L.A.S. ont été élaborées : la deuxième a été adoptée

34 Il s'agit du Code international de gestion pour la sécurité de l'exploitation des navires et la prévention de la pollution, plus connu sous l'appellation Code I.S.M.. Il est adopté en novembre 1993 par l'O.M.I. et est entré en vigueur en 1998.

35 Il s'agit d'un Recueil international pour la sûreté des navires et des installations portuaires

en 1929 et est entrée en vigueur en 1933 ; la troisième a été adoptée en 1948 et est entrée en vigueur en 1952 ; la quatrième a été adoptée (sous les auspices de l'O.M.I.) en 1960 et est entrée en vigueur en 1965 ; quant à la présente version en cours, elle a été adoptée en 1974 et est entrée en vigueur en 1980. Les Conventions S.O.L.A.S. ont toutes couvert de nombreux aspects de la sécurité en mer. La version de 1914, par exemple, comprenait des chapitres sur la sécurité de la navigation, la construction, la radiotélégraphie, les engins de sauvetage et la prévention de l'incendie. Ces questions font encore l'objet de chapitres distincts de la version de 1974.

La règle 6 du chapitre I de la Convention est relative aux inspections et visites. Elle indique que celles-ci doivent être effectuées par des fonctionnaires de l'administration de l'Etat du pavillon. Elle ajoute que « toutefois » ces inspections et visites peuvent être confiées à des organismes reconnus par elle. Cette notion « d'organismes reconnus par elle » renvoie implicitement aux sociétés de classification. La Convention prévoit donc expressément le recours à ces organismes.

La règle 7 du chapitre I fixe trois catégories de visites pour les navires à passager et les navires de ligne de charge. Les dispositions sont le plus souvent très techniques et nous ne ferons donc qu'un bref descriptif des visites prévues. Ce sont ces visites que devront effectuer les inspecteurs des sociétés de classification.

- La visite initiale intervient avant que le navire ne soit mis en service pour veiller à ce que son état soit satisfaisant et qu'il puisse objectivement assurer le service auquel il est destiné. Elle doit comprendre une inspection complète de la structure du navire, de ses machines, de son armement ainsi que de ses chaudières. Le navire doit également être pourvu des feux, signaux sonores et signaux de détresse pour prévenir les abordages.

- La visite périodique est une inspection sensiblement similaire à la visite initiale et est effectuée à des intervalles réguliers spécifiés. Il s'agit de vérifier que les équipement du navire satisfont toujours aux exigences de la S.O.L.A.S..

- La visite de renouvellement est une visite périodique particulière en ce sens qu'elle conduit à la délivrance d'un nouveau certificat.

certificat visé. Elle est effectuée entre les visites périodiques à des intervalles spécifiés36.

- La visite annuelle comprend une inspection générale du matériel préalablement vérifié lors de la visite initiale. Il s'agit de vérifier que le navire est resté satisfaisant pour le service auquel il est destiné.

- La visite supplémentaire doit intervenir lorsque le navire a subi une réparation à la suite de défaillances remarquées lors de visites antérieures ou chaque fois qu'il a subi des réparations ou rénovations importantes.

- L'inspection inopinée intervient sans que le propriétaire ou le capitaine n'ait été prévenu et ceci pour confirmer que le navire et son matériel d'armement restent satisfaisants.


· Règles relatives aux visites prévues par la Convention LOAD LINES sur les lignes de charge

La première Convention internationale de 1930 concerne les lignes de charge37 . L' International Convention on Load Lines (I.C.L.L.), adoptée le 5 avril 1966 par l' O.M.I. et entrée en vigueur le 21 juillet 196838 fixe des principes et des règles relatives aux limites autorisées pour l'immersion des navires effectuant des voyages internationaux. Ces conventions s'attachent à déterminer les procédures aboutissant à la délivrance du certificat de franc-bord des navires.

Les règles énoncées tiennent compte des dangers d'origine géopolitique ou climatique. Toutes les lignes de charge doivent être marquées au milieu du navire de chaque côté de la coque, de même que la ligne de pont. Un franc-bord plus faible est assigné aux navires destinés au transport de bois en pontée39, technique qui offre une meilleure protection contre l'impact des vagues.

La Convention indique que les navires construits conformément aux règles d'une société de classification reconnue par l'administration peuvent être considérés comme ayant une solidité

36 P. BOISSON, Etats du pavillon / sociétés de classification, op.cit., p. 41.

37 La ligne de charge ou encore marque de franc-bord est un ensemble de symboles peints sur les flancs des navires indiquant la hauteur maximale de la ligne de flottaison, en fonction de la nature de la cargaison, des propriétés physiques de l'eau (salinité, température) et de la zone géographique dans laquelle il navigue.

38 Cette Convention a été ratifiée par la France le 30 novembre 1966.

39 La cargaison est entreposée et arrimée sur le pont du navire.

suffisante. Cela montre bien que la compétence des sociétés de classification est reconnue de façon quasi-unanime.

La Convention dans ses articles 14 et 15 décrit les visites qui doivent être effectuées. Ces visites sont très proches de celle prévues pour la délivrance des certificats S.O.L.A. S..

- Une visite initiale avant la mise en service du navire comportant l'inspection complète de sa structure et de ses équipements.

- Une visite périodique dont les intervalles sont définis par l'administration de l'Etat du pavillon mais qui ne peuvent pas dépasser cinq ans : il s'agit d'inspecter la structure, des équipements et des matériaux.

- Une visite annuelle, effectuée dans les trois mois qui suivent ou qui précèdent la date d'anniversaire de la délivrance du certificat initial. Cette visite est moins approfondie que les précédentes, il s'agit de vérifier que la coque ou la superstructure n'a pas subi de modifications de nature à influer sur les calculs servant à déterminer la position de la ligne de charge40.

L'exécution de ces visites techniques est déléguée aux sociétés de classification. Le navire est donc susceptible d'être visité à n'importe quel moment. Ce contrôle peut être réalisé dans de nombreux centres de sécurité présents dans tous les grands ports mondiaux. Le but de cette visite est la délivrance d'un certificat attestant que le navire est en conformité avec les exigences des conventions.

§ 2. La délivrance des certificats de conformité

Les Conventions internationales sur la sécurité maritime prévoient la délivrance de plusieurs documents attestant la conformité des navires à leurs dispositions.

La Convention Load Lines de 1966 prévoit dans son article 19 deux types de documents. Il s'agit tout d'abord du certificat international de franc-bord. Il atteste que les visites prévues par la Convention ont été effectuées et que le navire répond aux exigences. Ce certificat a une durée de

40 M. FERRER, op. cit., p. 315.

validité maximale de cinq ans. A l'issue de chaque visite de renouvellement, un nouveau certificat est délivré au navire. Ce certificat de franc-bord est annulé en cas de modification importante, si les installations sont en mauvais état ou encore si la résistance de la structure du navire a été affaiblie41. La Convention prévoit également un certificat d'exemption. Selon l'article 6 de la Convention, des navires qui effectuent uniquement des trafics internationaux particuliers peuvent être exemptés de certaines dispositions de la Convention, avec l'accord des administrations concernées.

Si, à la date de l'expiration d'un certificat, le navire ne se trouve pas dans un port dans lequel il doit recevoir une visite, l'administration peut proroger la validité de ce certificat dans certaines limites. Elle ne doit être accordée que pour permettre au navire d'achever son voyage vers le port dans lequel il doit être visité et ne peut excéder trois mois. Le navire qui bénéficie de cette prorogation ne peut pas repartir du port dans lequel il doit être visité sans avoir obtenu un nouveau certificat.

La Convention S.O.L.A.S. de 1974 prévoit également la délivrance de certificats42. Le certificat de sécurité pour navire à passagers43 sera délivré à la suite d'une visite initiale ou d'une visite de renouvellement. Le certificat de sécurité radioélectrique pour navire de charge, c'est à dire tout navire autre qu'un navire à passager, est délivré à l'issu des mêmes visites. Le certificat de sécurité de construction est nécessaire pour les navires de charge. Les navires de charge doivent également avoir un certificat de sécurité du matériel d'armement.

Ces trois certificats doivent être délivrés pour une période dont la durée est fixée par l'administration de l' Etat du pavillon mais cette durée ne peut pas excéder cinq ans. Comme pour la Convention Load Lines, si, à la date d'expiration du certificat, le navire ne se trouve pas dans un port où une visite peut être effectuée, une prorogation maximale de cinq mois peut être accordée.

Il existe également un certificat d'exemption qui est délivré lorsqu'une exemption est accordée à un navire. Ce certificat ne doit pas avoir une durée de validité supérieure à celle du certificat auquel il se réfère.

Avec la constatation que la défaillance humaine est souvent la cause des accidents maritimes, l'O.M.I. a souhaité élargir son domaine d'activités, pour couvrir non seulement les aspects techniques du navire mais également sa gestion.

41 Article 19 de la Convention Load Lines.

42 La délivrance des certificats est prévue par le règle 12 du Chapitre I de la Convention.

43 Le navire à passagers désigne un navire qui transporte plus de 12 passagers.

§ 3. Le contrôle de la conformité aux Codes I.S.M. et I.S.P.S., reflet de l'extension des missions confiées aux sociétés de classification

La certification de la conformité au code I.S.M. :

La résolution de l' O.M.I. A. 741, adoptée le 4 novembre 1993, a créé « l'International Safety Management Code » ou code I.S.M. Il a été intégré comme chapitre IX dans la Convention S.O.L.A.S.. Le non-respect du Code, détecté lors des contrôles effectués par les autorités portuaires, est sanctionné par l'interdiction de naviguer dans les eaux territoriales des pays signataires de la Convention SOLAS.

L'idée d'un tel code est « originale»44 car c'est l'élément humain qui est au centre de ce système de prévention et de maîtrise des risques. Le code I.S.M. couvre l'organisation et les dispositions prises par l'entreprise pour maîtriser la sécurité et prévenir les risques de pollution. Les armateurs doivent eux-mêmes organiser la gestion de la surveillance et du contrôle des équipements techniques des navires et de leurs équipages en renforçant la notion de contrôle interne.

Les éléments essentiels du transport maritime font l'objet d'une évaluation qui est susceptible de conduire à l'obtention d'un document de conformité pour l'entreprise et d'un certificat de gestion de la sécurité attribuable à chaque navire. Les directives du code s'adressent principalement à la « compagnie ». Il s'agit du propriétaire du navire, ou de tout autre organisme ou personne, telle que l'armateur gérant ou l'affréteur coque nue, auquel le propriétaire a confié la responsabilité de l'exploitation de son navire et qui, en assumant cette responsabilité, s'acquitte des tâches et obligations imposées par le Code I.S.M.45.

Le personnel à bord du navire et en premier lieu son capitaine doivent signaler à la compagnie les irrégularités, accidents et incidents potentiellement dangereux. L'article 9. 1 du code indique que la compagnie doit ouvrir une enquête et analyser ces incidents. Cette compagnie doit désigner une personne basée à terre pour assurer la liaison avec les navigants, surveiller les aspects de l'exploitation du navire liés à la prévention et à la sécurité et veiller à ce que des ressources suffisantes et un soutien adéquat à terre soient fournis.

44 A.-M. CHAUVEL, Sécurité en mer, Le Code ISM, EDITIONS PREVENTIQUES, 1996, p. 17.

45 A.-M. CHAUVEL, op. cit., p. 116.

Le point le plus original de ce code I.S.M. se trouve à l'article 12. Il précise que la compagnie doit effectuer des audits internes et donc faire une auto-évaluation du système de gestion de la sécurité qu'elle a préalablement mis en place. Un contrôle du système de la gestion de la sécurité de l'exploitation du navire est également effectué par un organisme extérieur à la Compagnie.

Ce contrôle est apprécié par l'administration de l'Etat du pavillon du navire ou une société de classification agréée46. La Grèce par exemple fait une délégation complète de compétence pour le contrôle de la conformité aux exigences du code I.S.M47. Cette délégation n'est pas systématique. En effet, certains Etats gardent des opérations directement sous leur contrôle. Ainsi, en France, les titres relevant de la gestion de la sécurité sont délivrés par l'administration48.

Des critiques très virulentes sur les conditions de délivrance des certificats I.S.M. par les sociétés de classification ont été formulées. Elles dénoncent des contrôles de qualité variable selon l'immatriculation des navires sous pavillon de complaisance ou non49.

L'Association Internationale des Sociétés de Classification (I.A.C.S)50 a mis en place une « white list » enregistrant les certifications de conformité au code I.S.M51 effectuées par les sociétés de classification membres. Cette liste comporte le nom et le numéro d'immatriculation I.M.O.52 des navires et est accessible sur le site internet de l'I.A.C. S.53 . Il s'agit là d'une aide considérable pour l'administration de l' Etat du port mais aussi pour les assureurs54.

Le développement des contrôles et de la certification au titre du code I.S.M. ne sont pas les seuls signes de l'extension des missions confiées par l'Etat du pavillon aux sociétés de classification. L'instauration d'un code pour la sûreté des navires et des installations portuaires a été l'occasion d'un

46 L'article 13 du Code I.S.M. prévoit que les sociétés de classification reconnues peuvent effectuer les contrôles et délivrer le Certificat de gestion de la sécurité.

47 L. J. ATHANASSIOU, Le rôle et la responsabilité des sociétés de classification du point de vue du droit grec, ADMO, 2006, p. 109.

48 P. BOISSON, Politiques et Droits de la Sécurité Maritime, op. cit., p. 370.

49 M.N., Navires sous-normes : ça risque de décoiffer, JMM, 20 juin 1997, n°4044, p. 1421

50 L'I.A.C.S. est une association regroupant les plus grandes sociétés de classification. Elle constitue un outil conséquent pour une application uniforme de la réglementation internationale.

51 P. ANDERSON, ISM Code, a practical guide to the legal insurance implications, LLP, 1998, p. 39.

52 Le numéro O.M.I. est obligatoire depuis l'entrée en vigueur le 1er janvier 1996 de la Règle n° 3 du chapitre IX de la Convention S.O.L.A.S.. Il est attribué à tous les navires à passager d'une jauge brute égale ou supérieure à 100 et à tous les navires de charge d'une jauge brute égale ou supérieure à 300. Il apparaît sur les différents certificats.

53 http://www.iacs.org.uk

54 Idem.

nouveau transfert de compétence en direction des sociétés.

La certification de la conformité au Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires :

Le Code International Ship and Port Security (I.S.P.S.) a été adopté à Londres le 12 décembre 2002 par la résolution 2 de la Conférence des Gouvernements contractants à la Convention S.O.L.A.S. et est entré en vigueur le 1er juillet 2004. Cette notion de sûreté se rapporte à la protection contre tous les actes de malveillance de toutes origines.

Ce Code s'applique aux navires qui effectuent des voyages internationaux, navires à passagers, navires de charge de 500 t.j.b. et plus, aux unités mobiles de forage et aux installations portuaires susceptibles d'accueillir ces navires. Il contient des normes fournissant un cadre international pour l'établissement des mesures de sûreté dans le domaine des opérations maritimes. Il impose notamment l'édification d'un plan de sûreté du navire destiné à garantir l'application des mesures pour protéger les personnes, la cargaison et le navire lui même.

Une évaluation globale des risques encourus par le navire et l'équipage doit être effectuée par un agent de sûreté de la compagnie55. Cette étude permet l'arrêt des mesures de prévention et de sûreté et l'établissement d'un plan de sûreté propre au navire.

Ce plan doit être approuvé par l'administration de l'Etat du pavillon qui délivrera un certificat international de sûreté. Mais l'Etat du pavillon peut aussi choisir d'autoriser un « organisme de sûreté reconnu » à effectuer l'approbation des plans de sûreté des navires, la vérification et certification des navires au Code ISPS ou l'évaluation de la sûreté des installations portuaires. Cet organisme de sûreté reconnu est spécialement habilité par l'Etat56 et possède des compétences appropriées en matière de sûreté ainsi qu'une connaissance suffisante des navires et des ports57.

L'I.A.C.S. a diffusé auprès de ses membres des règles procédurales et des directives pour

55 La définition de cette « compagnie » est similaire à celle que nous avions donnée à propos de la certification au Code I.S.M.

56 A titre d'illustration, le Bureau Veritas s'est vu reconnaître le statut d'organisme de sûreté reconnu par plus de 50 Etats du pavillon.

57 Convention SOLAS, chapitre XI-2, règle 1.1.16.

une interprétation unifiée des dispositions du Code I. S.P.S.58.

Mais l'application de ce Code I.S.P.S. soulève de nombreuses interrogations en doctrine59. Les doutes sont exprimés sur l'entité juridique habilitée à approuver les plans de sûreté. Selon le Code ISPS, il peut s'agir de l' Etat du pavillon et des organismes de sûreté reconnus.

En France, une commission consultative de reconnaissance a été instituée60. Elle assure le suivi de ces organismes et instruit leurs demandes de reconnaissance. C'est le Ministre de la mer qui a habilitation pour délivrer, suspendre ou modifier la reconnaissance de ces organismes. La reconnaissance est valable pour une durée de deux ans. L'approbation finale des plans de sûreté relève de la compétence exclusive de l' Etat français61.

La question se pose également de la valeur du certificat international de sûreté lorsqu'il est délivré par un organisme de certification « oeuvrant sur le territoire d'Etats dits de pavillon de complaisance »62. Il est en effet établi que ces Etats ne suivent pas toujours les recommandations des sociétés de classification auxquelles elles ont délégué le contrôle des navires. Ainsi, dans l'affaire de l'Erika, le contrôle du navire était effectué par la société de classification RINA sur délégation des autorités maritimes maltaises. Cette société avait recommandé aux autorités de suspendre le certificat de conformité I. S.M. qu'elle avait délivré au navire. Mais les autorités maltaises ont refusé de suivre cette recommandation63. Cette situation peut très bien se reproduire dans le cadre des indications relatives au plan de sûreté et les interrogations demeurent.

Section 2. La certification de la conformité aux Conventions Internationales sur la

pollution en mer : la Convention MARPOL

La volonté de protéger le milieu marin de la pollution résultant du transport maritime est récente. En 1954 est adoptée la première convention internationale relative à la pollution en mer. Il

58 P . BOISSON, La sûreté des navires et la prévention des actes de terrorisme dans le domaine maritime, D.M.F., 2003, p. 732.

59 P. POLERE, Sûreté maritime : Bilan et perspectives du Code ISPS, D.M.F., 2006, p. 282.

60 Arrêté du 25 juin 2004 relatif à la reconnaissance des organismes de sûreté maritime et portant création d'une commission consultative de reconnaissance, JO n° 179 du 4 août 2004.

61 Idem.

62 Ibid.

63 S. ROBERT, L'Erika : responsabilités pour un désastre écologique, PEDONE, 2003, p. 166.

s'agit de la Convention pour la prévention de la pollution des eaux de la mer par les hydrocarbures (dite OIL POL). Puis, les grandes catastrophes écologiques résultant du naufrage de nombreux navires ont conduit, dans un souci de protection de la mer, à des engagements nationaux et internationaux dans les années 1970 sous forme de déclarations et conventions. Ainsi, la protection de l'environnement marin est devenue une des « valeurs fondamentales »64 du droit maritime. Sous l'égide de l'O.M.I. est adoptée en 1973 la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires65. Cette convention a été modifiée par un Protocole de 1978, d'où son appellation courante de MARPOL (Maritime Pollution) 73/78. Il s'agit à l'heure actuelle d'un des régimes les plus « complets et précis »66 avec actuellement 6 annexes, toutes en vigueur, qui concernent :

- la pollution par les hydrocarbures (Annexe I)

- la pollution par les substances liquides nocives (Annexe II)

- la pollution par les substances nuisibles transportées en colis (Annexe III)

- la pollution par les eaux usées des navires (Annexe IV)

- la pollution par les ordures des navires (Annexe V)

- la pollution de l'atmosphère par les navires (Annexe VI)

§ 1. Les diverses visites prévues par la convention

L'alinéa 3c de la règle 4 du chapitre 5 indique que tout Etat du pavillon désignant des inspecteurs ou des organismes reconnus pour effectuer des visites et des inspections, doit les habiliter à pouvoir exiger qu'un navire subisse des réparations et à effectuer des visites et des inspections si les autorités de l' Etat du port le lui demandent.

La Convention MARPOL prévoit différentes visites préalables à la délivrance du certificat. Une visite initiale qui comprend une visite de la structure, des équipements et des installations, aménagements et matériaux. Une visite de renouvellement avec des vérifications semblables à celles qui sont prévues pour la visite initiale. Cette visite a lieu à des intervalles fixés par l'administration de l'Etat du pavillon et ne doit pas dépasser 5 ans. Une visite supplémentaire, générale ou partielle doit être effectuée, à la suite d'une réparation ayant fait suite à une directive d'une société de classification, ou à chaque fois que le navire subit des réparations ou rénovations

64 M. RIMABOSCHI, op. cit., p. 228.

65 La Convention MARPOL a été ratifiée par la France le 25 septembre 1981, J. O., 2 octobre 1981.

66 P. FATTAL, Pollutions des côtes par les hydrocarbures, PUR, 2008, p. 52.

importantes. Enfin une visite annuelle est effectuée 3 mois avant ou après chaque date d'anniversaire du certificat. Toutes ces visites sont très semblables à celles prévues par la Convention SOLAS.

Il existe également des visites renforcées pour certains navires. Ces visites à bord des vraquiers et des pétroliers sont plus complètes. Un programme de visite est élaboré sur la base de renseignements concernant le navire. Les inspecteurs de l'Etat du pavillon ou d'une société de classification travaillent avec des données relatives aux caractéristiques du navire, les plans généraux de sa structure et de ses citernes ainsi que leur utilisation, la nature du revêtement de protection de ces citernes67. Pour chaque visite statutaire, un nombre d'éléments supplémentaires à contrôler est ainsi ajouté.

§ 2. La délivrance des certificats de conformité

Comme pour les Conventions S.O.L.A.S. et I.C.L.L., la Convention MARPOL prévoit dans son annexe I, chapitre 5 à la règle 10 que le certificat est délivré , soit par l' Etat du pavillon, soit par un organisme dûment autorisé par elle.

Les règles de délivrance, de conditions de validité et de prorogation des certificats MARPOL sont similaires à celles prévues par la Convention S.O.L.A.S.. Il s'agit ici d'un certificat international de prévention de la pollution par les hydrocarbures délivré après une visite initiale ou une visite de renouvellement. La durée de validité de ce certificat est fixée par l'Etat du pavillon mais ne peut excéder cinq ans. Mais, si à la fin de la durée de validité du certificat, le navire ne se trouve pas dans un port de l'Etat du pavillon, le certificat peut être prorogé pour permettre au navire d'achever son voyage. Mais il faut que cette mesure apparaisse opportune et raisonnable (règle 8) et la prorogation ne peut pas excéder cinq mois. Une fois arrivé dans un port de l' Etat du pavillon, le navire ne peut pas quitter le port sans avoir obtenu un nouveau certificat.

La délivrance de ces certificats est assurée par les mêmes personnes qui effectuent les visites, soit un agent de l'administration de l'Etat du pavillon, soit un expert auprès d'une société de classification agrée.

67 M. FERRER, op. cit. p. 322.

Les sociétés de classification procèdent donc aux visites prévues par les différentes conventions et délivrent les certificats de conformité. Ce travail statutaire leur est confié car ces organismes disposent d'une reconnaissance historique, d'une compétence technique unanimement admise68 mais également d'un réseau de centres et d'experts situés dans tous les grands ports du monde.

Bien qu'associées au sein de l'I.A.C. S., les sociétés de classification n'en sont pas moins concurrentes et les certificats de conformité délivrés par le Bureau Veritas n'étaient pas reconnus par les autres sociétés et vice-versa. Un navire était donc visité par une seule société de classification et les certificats émanaient également d'une seule société. Les membres de l'I.A.C.S. estimaient que cela permettait une sorte d'unité du contentieux. En effet, en cas de contestation faisant suite à un naufrage par exemple, une seule société de classification avait certifié le navire et endossait donc seule la responsabilité en cas de condamnation.

Mais cette situation a changé avec l'adoption, le mardi 10 mars 2009, du paquet Erika 369. Les sociétés de classification devront désormais adopter le principe de reconnaissance mutuelle des certificats du navire.

Les sociétés de classification ont donc désormais l'obligation d'accepter et de couvrir par leur propre certificat des équipements certifiés par d'autres organismes sur lesquels elles n'ont aucune possibilité d'intervention ni aucun moyen de contrôle. L' Institut Français de la Mer70 (I.F.M.) considère71 que cette obligation « porte gravement atteinte à la cohérence du dispositif en place qui a fait ses preuves, même s'il est perfectible ». Cette disposition du Paquet Erika 3 aurait été introduite « à la hâte, sans concertation et sans étude d'impact » et elle constituerait une « menace sérieuse » pour la sécurité maritime. Cette obligation de reconnaissance mutuelle des certificats va entraîner une « dilution des responsabilités ». En effet, la société de classification n'aura plus une connaissance complète du navire et de ses équipements. L'I.F.M. considère que les sociétés de classification devront désormais travailler « en aveugle » et se contenter d'accepter des certificats émis par d'autres. Cette obligation de reconnaissance est « d'autant plus incompréhensible

68 LE MARIN, adaptation des sociétés de classification aux évolutions des navires, vendredi 17 octobre. 2008., p. 4.

69 LE MARIN, Le paquet Erika 3 enfin adopté, vendredi 13 mars 2009, p. 4.

70 L'Institut Français de la Mer (IFM) est une association de Loi 1901 qui a pour objectif de sensibiliser les Français au rôle fondamental de la mer dans tous les domaines et d'oeuvrer par tous moyens au développement des activités maritimes de la France.

71 V. Institut français de la mer, Communiqué de presse du 11 décembre 2007, La reconnaissance mutuelle des certificats de classification des équipements, une menace pour la sécurité maritime.

qu'elle est contraire à l'exigence constante et justifiée de la Commission Européenne que les sociétés de classification aient recours exclusivement à leur propre personnel pour effectuer toutes les inspections et vérifications entrant dans leur champ de responsabilité ».

Le Secrétaire Général de l'Organisation maritime internationale le reconnaît lui-même, toutes les réglementations du monde ne vont pas empêcher les accidents de se produire. Le système juridique a une grande part à jouer mais, dans une grande majorité des cas, c'est l'élément humain qui est la source de l'accident72. Mais les sociétés de classification ne sont pas qualifiées pour assumer un contrôle opérationnel. Ainsi, aucune société n'examine si les membres de l'équipage du navire ont une langue commune de communication ou s'ils sont capables de travailler en équipe. Or, comme nous l'indiquions précédemment, les statistiques montrent que l'erreur humaine est à l'origine d'environ 80% des sinistres enregistrés. Comme le remarque Monsieur Athanassiou, « les problèmes commencent là où cessent les compétences classiques des sociétés de classification, lesquelles s'avèrent, même contre leur gré, impuissantes à pourvoir l'aspect public de la sécurité maritime »73.

72 W. O'NEIL, Raising the world maritime standars, MARITIME POLICY ANS MANAGEMENT, 2004, n°1, p. 86.

73 G. ATHANASSIOU, Aspects juridiques de la concurrence maritime, PEDONE, 1996, p. 434.

31 Chapitre 2. La particularité du régime juridique de la délégation aux sociétés de classification

Cet exercice de l'obligation de contrôle des navires arborant le pavillon de l'Etat, basé sur la coopération étroite avec le secteur privé, permet ainsi aux autorités nationales de remplir leurs obligations internationales en suivant la meilleure pratique professionnelle et ce « sans bourse délier »74.

Pour éviter que cette action des sociétés de classification en faveur de la sécurité maritime ne soit une démarche simplement cosmétique, il a fallu de plus en plus s'assurer de la rigueur des contrôles qu'elles exercent.

Les techniques juridiques utilisées pour les premières délégations étaient assez rudimentaires : il s'agissait le plus souvent d'un simple acte administratif autorisant l'organisme habilité à effectuer les visites prévues par une convention et à délivrer les certificats de conformité correspondants. Puis dans le sillage du Liberia75, de nombreux Etats mirent en place des accords d'agrément pour régir les rapports juridiques avec les sociétés de classification délégataire, organiser un système de coopération et permettre l'échange des informations en matière de contrôle de la sécurité des navires76.

Un contrôle extérieur à l'Etat délégataire est peu à peu apparu. L'aptitude à exercer ces fonctions statutaires est régie par une procédure d'agrément qui reconnaît la capacité à agir au nom et pour le compte de l'Etat du pavillon. L'O.M.I. et l'Union Européenne ont fixé des directives encadrant cette délégation. Cette position des instances internationales n'est pas surprenante car les acteurs majeurs du transport maritime admettent que les sociétés de classification doivent être majoritairement reconnues. Cette exigence est d'autant plus nécessaire que plus de 50 sociétés de classification sont actuellement dénombrées dans le monde77. Pour pouvoir recevoir une délégation d'un Etat membre de l'Union européenne, une société de classification doit préalablement satisfaire aux exigences posées par le droit international et par le droit communautaire (section 1). L'Etat du pavillon ne pourra déléguer ses compétences qu'aux sociétés qui satisferont aux critères posés par le

74 G. ATHANASSIOU, op. cit., p. 432.

75 L'administration maritime du Liberia fut la première en 1978 à développer des accords d'agrément avec les grandes sociétés de classification.

76 P. BOISSON, Etats du pavillon / sociétés de classification, op. cit., p. 43.

77 A. BELLAYER-ROILLE, Le transport maritime et les politiques de sécurité de l'Union européenne, op. cit., p. 104.

droit international ou le cas échéant, par le droit communautaire. Cette nécessaire reconnaissance préalable est la première singularité du régime juridique de la délégation de compétence aux sociétés de classification.

Le régime juridique de cette délégation à des sociétés de classification « reconnues » est spécifique à chaque Etat délégant. Au regard du droit français, cette délégation est originale car les activités de contrôle de l'Etat sont rarement déléguées. Sont reconnus par la France le Bureau Veritas, le Det Norsk Veritas, le Germanischer Lloyd, le Lloyd Register, et l'American Bureau of Shipping. C'est l'armateur du navire sous pavillon français qui choisit parmi ces sociétés reconnues celle qui inspectera son navire. Cette procédure complexe renforce la singularité de la délégation de compétence aux sociétés de classification en droit français.(section 2)

Section 1. La nécessaire reconnaissance préalable des sociétés de classification

Sur délégation des Etats, les sociétés de classification effectuent les visites et délivrent au nom des Etats les titres attestant la conformité du navire aux règlements officiels. Cette activité de certification est encadrée à deux niveaux différents. A travers ses résolutions, l'O.M.I. a établi des directives destinées aux Etats désirant habiliter des « organismes reconnus ». Il s'agit principalement de règles de procédure pour la délégation et de règles minimales que les sociétés doivent respecter.

L'Union Européenne, instituée par le Traité de Maastricht du 7 février 1992, constitue un niveau de contrôle supplémentaire pour ce travail statutaire. L'accident du Braer78 a été traduit par la Commission Européenne en une importante communication intitulée « Pour une Politique commune de la sécurité maritime79 ». La procédure d'agrément européen mise en place par la directive 94/5 7 et adoptée le 22 décembre 1994 reflète une valeur ajoutée communautaire dans son action normative en matière de sécurité maritime. Ces deux niveaux de contrôle vont être étudiés successivement.

78 A la suite de l'échouement du pétrolier Braer le 5 janvier 1993 à la pointe sud des îles Shetland, une très importante pollution a touché les côtes anglaises.

79 Communication de la Commission, Pour une politique commune de la sécurité maritime, COM(93)66 final du 24 février 1993.

§ 1. Les apports du droit international sur le régime juridique de la délégation

Le protocole de 1978 à la convention S.O.L.A.S. donne des indications sur cette délégation dans la règle 6 paragraphes c et d. La société doit pouvoir exercer pleinement ses compétences et ce, sans entraves. Les sociétés délégataires doivent ainsi pouvoir exiger qu'un navire subisse des réparations. Par ailleurs, l'administration de l'État du pavillon doit notifier à l'O.M.I. l'objet de la délégation ainsi que les conditions d'exercice de cette nouvelle compétence.

Deux résolutions de l'O.M.I. sont incorporées dans la convention S.O.L.A.S. (règle I du chapitre XI) et favorisent l'adoption de procédures et de mécanismes uniformes en matière de délégation80.

La résolution A. 739, adoptée le 22 novembre 1993 a établi des directives à l'attention des Etats désirant « reconnaître des sociétés de classification ». La résolution A. 789 du 23 novembre 1995 traite des fonctions des organismes agissant au nom de l'administration en matière de visites et de délivrance des certificats.

. Ces directives de l'O.M.I. demandent aux Etats délégants de respecter plusieurs exigences81.

L'administration de l'État du pavillon doit vérifier que l'organisme dispose de moyens techniques, de gestion et de recherche suffisants pour s'exécuter de manière efficace dans la réalisation des tâches qui lui sont confiées.

L'État doit établir avec l'organisme un accord officiel relatif aux principaux aspects de la délégation. Cet accord doit être fait par écrit. Ces principaux aspects de la délégation sont détaillés dans un appendice de la résolution A. 739 qui fixe les éléments que doit comporter un accord officiel écrit entre l'administration délégant et l'organisme délégataire. Cet accord doit faire apparaître les compétences déléguées (visites, délivrance des certificats...), le fondement juridique de la délégation, la procédure de notification à l'administration des problèmes rencontrés sur les navires, la rémunération, les règles de confidentialité, le mode de règlement des différents et le contrôle de l'administration sur l'exercice de ces compétences par le délégataire.

80 P. BOISSON, Etats du pavillon / sociétés de classification, op. cit. p. 44.

81 Ces obligations de l'Etat du pavillon ont été recensées par Monsieur Boisson in. Etats du pavillon / société de classification, op. cit. p. 43

L'État doit donner à son partenaire des instructions précises concernant les mesures qu'il doit prendre lorsque le navire est considéré comme inapte à prendre la mer.

Le déléguant doit mettre à la disposition du délégataire tous les instruments de la législation nationale lui permettant d'accomplir sa mission.

A côté de ces obligations de coopération visant l'effectivité du travail statutaire des sociétés de classification, les deux résolutions traitent du contrôle que l' Etat doit exercer sur ces organismes. L'administration doit établir un schéma permettant de vérifier la qualité du travail effectué par la société de classification.

Des procédures de communication doivent être établies entre les deux partenaires. Cette communication est notamment nécessaire pour que la société de classification demande à l'administration de bloquer un navire à la suite d'une visite.

L'État du pavillon doit être en mesure d'effectuer de lui-même des visites supplémentaires du navire. Mais cette obligation se heurte sans aucun doute au manque de moyen ou peut-être même à la réticence des administrations nationales de certains États dit de complaisance.

Le système de qualité de la société doit être certifié par un corps d'auditeurs indépendant et accepté par l'État du pavillon. La société doit appliquer un système d'assurance qualité conforme aux normes ISO 9000.

. Les deux résolutions de l' OMI font également peser des obligations sur l'organisme

reconnu.

L'organisme reconnu par l'administration doit démontrer que sa taille, sa structure et son expérience sont en adéquation avec les fonctions qui peuvent lui être déléguées. Le premier appendice de la résolution A. 739 indique ainsi que l'organisme reconnu doit justifier d'une expérience étendue dans l'évaluation de la conception, de la construction et de l'équipement des navires.

L'organisme reconnu doit publier et tenir à jour des règlements de classification82.

Le délégataire doit respecter des principes de déontologie. L'I.A.C.S. a ainsi adopté un code d'éthique qui fixe les règles de bonne conduite que doivent respecter ses membres afin de préserver leur réputation d'intégrité et d'indépendance83.

La question se pose de la valeur à donner à ces résolutions de l'O.M.I.. Quelle est leur juridicité? L'O.M.I. n'est pas habilitée à imposer des sanctions aux États parties qui n'appliquent pas les exigences de la Convention ou n'obligent pas les navires qui battent leur pavillon à les respecter.

Le niveau d'action communautaire permet d'éviter un « abus de mou »84. En effet, les Etats membres de l'Union Européenne devront intégrer les directives dans leur ordre interne. Une directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en lui laissant la compétence quant à la forme et aux moyens.

§ 2. La procédure d'agrément européen, écho d'une régionalisation de la sécurité maritime

La généralisation de la délégation est source d'ambiguïté sur le statut des sociétés de classification. Ce transfert de compétence peut se révéler gênant car elles « se retrouvent fréquemment à la fois juge et partie »85. Elles sont rémunérées par les armateurs qui font appel à elles.

En déléguant le contrôle de ses navires à de multiples sociétés de classification, l'État du pavillon complaisant, « [...]surtout s'il n'exerce aucun contrôle sur elles, favorise indirectement l'immatriculation des navires sous son registre en permettant que l'armateur fasse appel à des organismes de contrôle peu sérieux »86.

Il est nécessaire de souligner, dans ce domaine de la délégation du contrôle des navires, une intervention salutaire du droit communautaire. A défaut de rétablir la « responsabilité pleine et entière du pavillon »87, les institutions communautaires encadrent cette pratique. Le Traité de

doivent se référer les navires pour être sûrs.

83 P. BOISSON, Politiques et Droit de la Sécurité Maritime, EDITIONS DU BUREAU VERITAS, 1998, p. 137.

84 M. REMOND-GOUILLOUD, Du droit de détruire, PUF, 1989, 1ère édition, p. 36 à propos du droit de l'environnement qui souffre de l'inflation de fausses sources comme les déclarations de principe, les chartes ou proclamations.

85 M. REMOND-GOUILLOUD, Droit maritime, PEDONE, 1988, p. 194

86 L. KHODJET EL KHIL, op. cit. p.237.

87 D. DA SILVA, op. cit. p. 261.

Maastricht du 7 février 1992, instituant l'Union européenne va consacrer la compétence de la Communauté en matière de sécurité maritime. L'article 75 c du Traité dispose que « ... le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l'article 189 C et après consultation du Comité économique et social, établit les mesures permettant d'améliorer la sécurité des transports ». Auparavant, les normes étaient impulsées au niveau international avant d'être reprises au niveau communautaire. Aujourd'hui, le mouvement n'est plus si déséquilibré et l'Union Européenne agit de sa propre initiative en matière de sécurité maritime qui est devenue « un des axes prioritaires de la politique européenne »88

Concernant la délégation aux sociétés de classification, il est raisonnable de parler d'une valeur ajoutée communautaire. Ce acteur ne reste pas inactif et il s'agit de jure comme de facto d'un niveau de contrôle supplémentaire et d'un formidable outil pour introduire des exigences harmonisées sur ce travail de certification des sociétés de classification. Le Conseil de l'Union européenne a adopté le 22 novembre 1994 la directive 94/5 7 « établissant des règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes »89 . Elle fixe les différents principes de la procédure d'agrément comme sa demande, sa suspension et sa suppression. Le naufrage du pétrolier Erika a souligné les insuffisances de cette procédure, aussi le Conseil européen de Nice des 4, 5 et 6 décembre 2000 a-t-il débouché sur la Directive 2001/1 0590 qui modifie la précédente et renforce les pouvoirs et le contrôle de la Commission sur les sociétés de classification.

Principe de l'agrément : l'article 3 de la directive 94/57/CE impose que « lorsqu'un État membre habilite un organisme à effectuer en tout ou partie des inspections et les visites afférentes aux certificats [...], il ne confie ces visites qu'à des organismes agréés ». Il apparaît clairement que la délégation par les États membres, du contrôle des navires et de leur certification, ne peut être faite qu'à des organismes agrées. D'autres part, l'article 14-1 indique que chaque État membre doit s'assurer que les navires battant son pavillon sont construits et entretenus selon les règlements de classification des sociétés agréées.

88 P. BOISSON, La politique européenne de la sécurité maritime, source d'efficacité?, in. L'Union Européenne et la mer, dir. A. CUDENNEC et G. GUEGUEN HALLOUET, PEDONE, 2007, p. 329.

89 Directive 94/57/CE, du Conseil établissant les règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes, J.O.C.E, L 3 19/20.

90 Directive 2001/105/CE, du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 2001 modifiant la directive 94/57/CE du Conseil établissant des règles et des normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes, J.O.C.E., L 19 du 22 janvier 2002.

Critères d'agrément : des critères minimaux sont établis par la directive afin de garantir la fiabilité du travail statutaire des sociétés de classification. La législation française distingue entre les critères généraux et les critères particuliers.

Les critères généraux doivent être remplis, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif.

Sur le plan quantitatif :

- Pour pouvoir être agréé comme « organisme reconnu », une société de classification doit classer au moins 1000 navires océaniques de plus de 100 tjb représentant au moins 5 millions de tjb au total.

- D'autre part, la société doit employer un nombre d'inspecteurs proportionnel au nombre des navires classés. Parmi ces inspecteurs, 100 au moins doivent travailler de manière exclusive pour la société.

Ces critères quantitatifs ont pour but de refuser l'agrément communautaire aux sociétés de classification de faible importance qui opèrent en Europe91.

Sur le plan qualitatif :

- L'organisme agréé doit avoir une expérience étendue dans le domaine de l'évaluation de la conception et de la construction des navires.

- Il doit publier et mettre à jour régulièrement ses règlements.

- Le registre des navires classés par la société doit être publié tous les ans. Par ailleurs, la proposition prévoit la réforme du système de sanctions à l'égard des sociétés défaillantes, avec l'introduction de sanctions financières. Le système actuel ne connaît que la suspension ou le retrait de l'agrément. Des sanctions plus graduelles seront plus efficaces.

- L'organisme ne doit pas être sous d'autres acteurs de l'industrie maritime. L'annexe de la directive relatif aux critères minimaux précise que les recettes de la société ne doivent pas dépendre de manière significative d'une seule entreprise commerciale. Il existe en effet un lien financier entre ces sociétés privées et leurs clients armateurs, lequel suscite des interrogations92 en terme de crédibilité et d'impartialité.

91 P. BOISSON, Etats du pavillon / société de classification, op. cit., p. 47.

92 Voir notamment ; A. BELLAYER-ROILLE, Une responsabilisation accrue des acteurs de la sécurité maritime européenne, in. PLANETE OCEANE, EDITIONS CHOISEUL, 2008, p. 176.

A côté de ces critères généraux sont établis des critères particuliers qui reprennent les normes minimales fixées par la résolution A. 739 de l' O.M.I..

- L'organisme doit disposer d'un personnel proportionné aux tâches à effectuer et aux navires

classés.

- Il doit être régi par un code de déontologie et garantir la confidentialité des informations fournies à l'administration.

- L'organisme doit suivre une politique élaborée sur « des objectifs et des indicateurs de performance en matière de sécurité et de prévention de la pollution »93

- Le système de qualité de l'organisme doit être certifié par un corps indépendant de vérificateurs reconnu par l'administration de l' État dans lequel il est établi.

Procédure d'agrément :

Cette procédure est précisée dans l'article 4 de la directive 94/57 qui oblige les États membres à ne reconnaître que les organismes répondant aux critères de l'agrément communautaire. C'est une procédure assez complexe de double agrément. L'organisme doit au préalable recevoir l'agrément de la Commission Européenne. Les États membres vont ensuite agréer eux-mêmes les organismes parmi ceux déjà reconnus au niveau communautaire. Ainsi, 13 sociétés sont actuellement agréées au niveau communautaire94. Il convient de rappeler que l'État français reconnaît 5 organismes parmi ces 13 sociétés dotées de l'agrément communautaire : le Bureau Veritas (BV), le Det Norsk Veritas (DNV), le Germanischer Lloyd (GL), le Lloyd Register (LR), et l'American Bureau of Shipping (ABS).

- L'organisme transmet toutes les informations relatives à ces critères à l'État dont il sollicite l'agrément. Les États membres qui veulent agréer pour la première fois un organisme soumettent à la Commission une demande d'agrément accompagnée d'informations complètes le concernant.

- Un Comité pour la sécurité maritime et la prévention de la pollution par les navires (C.O.S.S.)95 est chargé d'assister la Commission européenne dans son travail d'évaluation et de contrôle des organismes. Il est composé des représentants des États membres et présidé par le représentant de la Commission. Avec l'aide du C.O.S.S., la Commission procède à l'inspection des organismes faisant l'objet d'une demande afin de vérifier qu'ils répondent bien aux critères

93 P. BOISSON, op. cit. p. 48.

94 Liste des organismes reconnus sur la base de la Directive 94/57/CE, J.O.C.E, C 13 5/4 du 19 juin 2007.

95 Règlement 2099/2002 du Parlement européen et du Conseil du 5 novembre 2002 portant création du Comité pour la sécurité maritime et la prévention de la pollution par les navires, J.O.C.E. L 324 du 29 novembre 2002.

d'agrément.

- L'État doit communiquer aux autres États membres le nom de l'organisme qu'il agrée.

- L'article 5 de la directive dispose que les États membres ne peuvent pas, en principe, refuser d'habiliter un organisme agréé situé dans la Communauté à effectuer les contrôles. Mais cette contrainte est purement théorique car l'article poursuit en indiquant que les États ont néanmoins la faculté de restreindre le nombre d'organismes qu'ils habilitent en fonction de leurs besoins. Il suffit que cette limite soit justifiée par des motifs « transparents et objectifs ».

- Pour l'agrément des organismes situés dans des États tiers, une condition de réciprocité s'applique. Les États membres peuvent exiger de ces pays qu'ils agréent les organismes agréés situés dans la Communauté.

- La directive instaure également un contrôle direct de la Commission européenne sur les organismes déjà agréés pour éviter « toute habilitation complaisante ou automatique »96.

- Pour ces contrôles, la Commission a à sa disposition les fiches de performance de l'organisme en matière de sécurité et de prévention de la pollution. Ces fiches sont établies sur la base des statistiques produites dans le cadre du Memorandum of Understanding (M.O.U.) de Paris97 sur le contrôle de l'État du port. Ce Mémorandum a été « communautarisé »98 par la Directive 95/21/CE du Conseil du 19 juin 1995 appliquant aux navires en escale dans les ports communautaires des normes internationales sur la sécurité maritime, la prévention des pollutions et les conditions de vie à bord.99 La Commission utilise les analyses des accidents dans lesquels sont impliqués les navires classés ou certifiés par les sociétés agréées100.

A côté de ces fiches sur la performance des sociétés de classification existe un autre outil permettant une meilleure sélection des navires et donc une réduction de l'utilisation de navires sous normes. Il s'agit du système Equasis101 (European Quality Shipping Information System), base de données rassemblant des informations sur plus de 70000 navires marchands. Il croise les informations recueillies par de nombreux acteurs comme le M.O.U., les sociétés de classification ou

96 M. FERRER, op. cit. p. 326.

97 Le mémorandum d'entente sur le contrôle de l'Etat du port est signé le 26 janvier 1982 par les administrations des Etats membres de la CEE et riverains de la mer. Il a pour but de mettre en oeuvre le contrôle de l'Etat du port d'escale prévu à l'article 219 de la Convention de Montego-Bay. Il traduit la volonté de certains États de renforcer ensemble les conditions de contrôle des navires étrangers dans leur ports.

98 M. NDENDE et B. VENDE, La transposition par les États de la Directive portant communautarisation du Mémorandum de Paris, DMF, 2000, p. 308.

99 Directive 95/2 1/CE du Conseil du 19 juin 1995 appliquant aux navires en escale dans les ports communautaires des normes internationales sur la sécurité maritime, la prévention des pollutions et les conditions de vie à bord, J.O.C.E. L 157/1 du 7 juillet 1995.

100M. FERRER, op. cit. p. 328.

101 Un Mémorandum d'entente sur le système Equasis a été signé le 17 mai 2000 par 7 administrations maritimes : Japon, Singapour, Espagne, Gardes-côtes américaines, Royaume-Uni, France et Commission européenne.

les assureurs.

Les sociétés de classification agréées ont entre leurs mains un pouvoir considérable sur la chaîne de sécurité du transport maritime dans les eaux de l'Union Européenne qui doit satisfaire aux normes internationales en matière de prévention de la pollution. Mais elles sont étroitement surveillée pour s'assurer qu'elles agissent avec rigueur et en toute indépendance.

Un Règlement adopté définitivement par le Parlement européen et le Conseil le 27 juin 2002102 a créé l' Agence européenne de sécurité maritime. La sécurité des transports ne peut être assumée « ni par les administrations nationales, car il s'agit de la gestion d'intérêt commun, ni par la Commission car il faut y éviter l'asphyxie administrative »103. Cette agence est donc mise en place pour aider la Commission à assurer le suivi et la vérification de l'application « efficace et harmonieuse »104 des règles en vigueur au sein de l'Union. Il s'agit de renforcer le système global de sécurité maritime dans les eaux communautaires. Pour ce faire, l' Agence européenne de sécurité maritime agit comme le bras séculier de la Commission. Ses missions sont nombreuses : répondre aux questions des États membres sur l'application des normes communautaires ; aider les États candidats à mettre en oeuvre cette même législation relative à la sécurité maritime ; procéder aux évaluations des sociétés de classification par la réalisation d'audits de celles qui ont reçu l'agrément communautaire. Ces visites et contrôles sont menés aussi bien au siège de la Société que dans leurs centres de sécurité locaux ou encore sur les navires que les sociétés ont certifiés.

Obligations de l'organisme découlant de l'agrément :

L'article 15 de la directive 94/5 7 impose aux sociétés agréées plusieurs obligations qu'elles doivent observer sous peine de suspension ou de retrait de l'agrément.

- Les organismes accrédités doivent se consulter périodiquement en vue de maintenir l'équivalence de leurs normes techniques et de leur mise en oeuvre. Ils doivent également fournir à la Commission Européenne des rapports périodiques sur les grandes avancées techniques en matière de norme.

- Ils doivent communiquer les informations concernant les navires à l'État qui leur a accordé

102 Règlement du Parlement Européen et du Conseil, n° 1406/2002 du 27 juin 2002, J.O.C.E. L 208 du 5 août 2002.

103 L. GRARD, Sécurité et transport dans l'Union Européenne, le recours aux agences de régulation, EUROPE, octobre 2003, chr. p. 4.

104 P. BOISSON, La politique européenne de la sécurité maritime, source d'efficacité?, in. L'Union Européenne et la mer, op. cit. p. 332.

l'agrément, à la Commission européenne ainsi qu'au système SIRENAC105.

- Ils doivent coopérer avec les administrations chargées du contrôle par l'État du port lorsqu'un navire de leur classe est concerné. Cette coopération doit permettre de faciliter la correction des anomalies constatées.

- En cas de modification de la classe ou de déclassement d'un navire, les sociétés agréées doivent en informer l'administration de l'État du pavillon ainsi que la Commission. La directive parle de fournir à « l'administration ». Ce terme est utilisé comme un générique ; on peut penser que cette information doit être comprise comme la plus large possible.

- En cas de changement de classe et ce, pour des raisons de sécurité, l'État du pavillon doit être informé et la société cédante doit fournir à la société cessionnaire toutes les informations nécessaires. Il s'agit notamment des retards dans l'exécution des visites ou la mise en oeuvre des recommandations, des conditions d'exploitation ou des restrictions d'exploitation établies à l'encontre du navire. La nouvelle société ne pourra délivrer de certificats au navire qu'en application des recommandations de la société d'origine. Il s'agit d'éviter la pratique du « class shopping » qui consiste pour l'armateur à changer d'organisme certificateur ou classificateur lorsque ce dernier envisage une visite complète du navire106.

Le retrait et la suspension de l'agrément :

L'article 10 de la directive 94/57/CE dispose qu'un État membre peut suspendre l'agrément accordé lorsqu'il estime que l'organisme ne peut plus être habilité à accomplir en son nom les tâches déléguées. Lorsqu'un État membre suspend effectivement cet agrément, il doit en informer sans délai la Commission et les autres États membres et motiver cette décision. C'est la Commission qui va examiner si cette suspension est ou non justifiée du fait de raisons mettant gravement en danger la sécurité ou l'environnement. Le cas échéant elle invitera l'État membre à annuler la suspension.

L'article 9 traite du retrait de l'agrément. Il dispose que, si les organismes ne satisfont plus aux critères énoncés dans l'annexe de la Directive et ne répondent pas aux fiches de performance, l'agrément est retiré.

Le retrait récent par la Commission de l'agrément de l'Hellenic Register of Shipping illustre très bien cette procédure et le contrôle très stricte effectué sur ce travail statutaire des sociétés de

105 SIRENAC : Système d'information relatif aux navires contrôlés. Cette base de donnée, instituée à l'occasion du MOU de Paris, regroupe l'ensemble des informations issues des inspections.

106 A. BELLAYER-ROILLE, Une responsabilisation accrue des acteurs de la sécurité maritime européenne, op. cit. p. 375, l'auteur souligne que « L'Erika, construit en 1975, a changé 7 fois de nom, a battu pavillon du Liberia, du Japon et de Malte et a été soumis au contrôle de quatre sociétés de classification différentes. ».

classification.

Par la décision 200 1/ 890/CE107, la Commission a accordé un agrément limité à la société de classification Hellenic Register of Shipping conformément à l'article 3 paragraphe 4 de la directive 94/57 du Conseil. Cet agrément a été prorogé par la décision 2005/623/CE108 de la Commission et est accordé pour 3 ans.

Le 24 juillet 2008, la Commission décide de ne pas proroger l'agrément limité accordé à la société grecque109. A compter du 4 août 2008 le Hellenic Register ne peut effectuer son travail de certification que pour les navires immatriculés à Chypre, en Grèce et à Malte qui sont les seuls États membres à avoir délégué des compétences à cette société110. Cette société est reconnue par 35 États du pavillon à travers le monde111. Plusieurs audits menés par l'administration maritime grecque et par l'Agence européenne de sécurité maritime ont poussé la Commission à ne pas proroger cet agrément112. Pendant les mois qui ont suivi cette décision, la Commission aidée de l'Agence européenne de sécurité maritime (ou E.M.S.A pour European maritime safety agency) et de l'État grec a mené de nombreuses investigations dans les locaux de la société et contrôlé de nombreux navires préalablement certifiés par la société.

Puis, au début du mois de mars 2009, la Commission européenne a décidé d'accorder 17 mois à la société pour se conformer aux critères qualitatifs d'agrément et lui a interdit jusque là de classer de nouveaux navires113. En revanche, l'Hellenic Register va pouvoir continuer à délivrer les certificats à sa flotte actuelle. Cette atténuation permet d'éviter à la société de perdre toute sa flotte. Les inspecteurs de la société ne pourront cependant pas travailler hors de Grèce et devront se remettre à jour en Grèce. Les audits de l'administration grecque et de l'E.M.S.A. révèlent un entraînement inadéquat des inspecteurs ainsi que des inspections insuffisantes sur les ferrys très nombreux sous pavillon grec. L'I.A.C.S sera chargée de superviser cette formation des inspecteurs de la société.

107 Décision de la Commission du 13 décembre 2001 relative à l'agrément de l'Hellenic Register of Shipping, J.O.C.E, 2001, L 329, p. 72.

108 Décision de la Commission du 3 août 2005 relative à la prorogation de l'agrément limité de l'Hellenic Register of Shipping, J.O.C.E, 2005, L 219, p. 43.

109 Lloyd's List, jeudi 7 août 2008.

110 Fairplay International Shipping Weekly, jeudi 7 août 2008.

111 Lloyd's List, mardi 5 août 2008.

112 Tradewinds, vendredi 8 août 2008.

113 Lloyd's List, jeudi 5 mars 2008.

L'agrément communautaire est la première condition à l'exercice de compétences statutaires par les sociétés de classification. Celles-ci doivent ensuite recevoir celui de l'État du pavillon du navire. Cet agrément étatique ouvre la porte à une délégation du contrôle de la conformité des navires aux exigences des conventions ratifiées par l'État. La délégation d'activité publique peut être définie comme « l'ensemble des modalités par lesquelles l'administration publique confie à un tiers la gestion d'une activité dont elle a la charge, moyennant une contrepartie économique »114. Les modalités retenues pour la délégation du contrôle sont, comme nous allons le voir, originales.

Section 2. Une délégation originale du contrôle des navires aux sociétés de classification

La notion de service public tenant une place centrale en droit français, il faut au préalable s'interroger sur l'existence d'un service public de la sécurité maritime. Le contrôle des navires intègre la recherche de la sécurité maritime. Il conviendra ensuite de définir et d'identifier les éléments constitutifs d'une délégation de service public dans ce domaine. Ce travail de qualification juridique nous amènera à démontrer que, tant par l'intervention du droit communautaire en la matière que par le régime retenu, la délégation aux sociétés de classification est originale.

§ 1. Identification des éléments constitutifs d'une délégation de service public

La notion de service public a une valeur extrêmement forte en droit public français. Certains pays ne connaissent pas le service public tel qu'on l'évoque en France, il y a des « différences profondes de formulation en ce domaine de droit »115. Il existe plusieurs significations du service public et une distinction est généralement faite entre une conception organique et une conception matérielle. La conception organique définit le service public comme une institution ou un organisme constituant un ensemble de moyens matériels et humains chargé d'assumer une mission pour le compte de la personne publique à laquelle l'institution ou l'organisme est rattaché. La conception matérielle définit quant à elle le service public comme la prestation elle-même qui est fournie à la population afin de satisfaire l'intérêt général. Dans cette conception matérielle également dite fonctionnelle, la notion de service public ne désigne plus une institution mais le service rendu.

Au regard de ces deux conceptions, il faut déterminer s'il existe un service public de la

114 P. COSSALTER, Les délégations d'activités publiques dans l'Union Européenne, L.G.D.J., 2007, p. 12.

115 J.-M. PONTIER, Sur la conception française du service public, D. 1996, chron. p. 9.

sécurité maritime ou, de manière plus restreinte, un service public du contrôle des navires. Toute activité constitue un service public quand « [...]elle est assurée ou assumée par une personne publique en vue d'un intérêt public »116.

Nous allons tout d'abord tenter d'identifier le service public de contrôle des navires par un critère matériel. Selon la doctrine117, il faut que l'activité en question soit « de plus grand service » c'est-à-dire qu'elle tende à satisfaire, le mieux possible, l'intérêt de tiers par rapport à l'organisme qui les exerce. L'activité de contrôle de la conformité des navires aux exigences des Conventions internationales participe « pleinement »118 de la sécurité maritime. En effet, les sociétés de classification, dans le cadre de leurs fonctions statutaires, ne contrôlent pas la conformité des navires à leurs propres règlements mais aux normes conventionnelles dont l'Etat doit assurer le respect. Dans un arrêt du 23 mars 1983 relatif aux certificats de navigabilité aéronautique délivrés par le Bureau Veritas119, le Conseil d'Etat indique que la société doit être regardée comme participant à l'exercice du service public de la sécurité aérienne. La sécurité aérienne et la sécurité maritime sont deux exercices très similaires et il est donc raisonnable de penser qu'il existe un service public de la sécurité maritime. L'objet de la délégation aux sociétés, le contrôle et les visites de conformité des navires, tend à assurer le mieux possible la sécurité du commerce maritime, ce qui est manifestement une activité d'intérêt général. L'activité de contrôle des navires présente substantiellement, et de façon centrale, un caractère d'intérêt général. Les sociétés assurent ainsi la continuité du contrôle de la sécurité du commerce maritime en France.

L'identification d'une activité de service public de contrôle des navires par un critère matériel est donc accomplie. Aussi il s'agit désormais de l'identifier à travers un critère organique.

A lui seul le critère matériel ne suffit pas à l'identification d'un service public. Il faut qu'un lien adéquat existe entre cette activité de contrôle des navires et une personne publique120. Il est donc nécessaire que l'activité soit directement ou indirectement reliée à une personne publique.

Un arrêté du Ministère des transports et de l'équipement du 23 novembre 1987 délègue la capacité à certaines sociétés de classification de pouvoir visiter les navires dans le but de contrôler

116 R. CHAPUS, Droit administratif général, Tome 1, MONTCHRESTIEN, 2001, 15ème édition, p. 579.

117 R. CHAPUS, op. cit. p. 583. L'auteur distingue entre les activités du plus grand profit qui qui tendent à satisfaire l'intérêt financier de l'organisme qui les exerce, et les activités de plus grand service qui tendent à satisfaire l'intérêt du tiers par rapport à l'organisme qui les exerce.

118 M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit., p. 347.

119 C.E., 23 mars 1983, Ministre des transports c/ Société Anonyme Bureau Veritas, Rec. 1983, p. 133.

120 R. CHAPUS, Droit administratif général, op. cit. p. 580.

leur conformité avec les dispositions légales. Cette délégation est une habilitation à exercer le contrôle des navires au lieu et place des agents publics. L'activité est donc indirectement rattachée à l'administration traditionnellement dévouée au contrôle des navires, l'administration des affaires maritimes.

Mais est ce que le contrôle des navires, constitutif d'une activité de service public est susceptible d'être délégué? Certaines tâches ne peuvent en effet pas être déléguées. Ainsi en est-il des tâches de police, cela a été confirmé dans un arrêt Ville de Menton que le Conseil d'Etat a rendu en 1994121. Dans son acception générale, « la police administrative consiste à prévenir et empêcher les troubles de l'ordre public »122. L'activité de contrôle des navires ne relève pas de la police administrative qui a pour mission de veiller à la sûreté, à la tranquillité et à la salubrité publiques.

De plus, il faut savoir qu'il n'y a aucune activité de service public qui soit « pleinement délégable »123. La personne publique ne peut jamais se décharger totalement et doit conserver des pouvoirs de contrôle sur l'exercice de l'activité en question. L'administration française intervient directement dans l'activité de contrôle des navires. Cette activité n'est pas entièrement déléguée aux sociétés de classification. La délégation accordée par la France aux sociétés de classification est très limitée et concerne principalement la délivrance du certificat de franc-bord, en raison de la technicité de celui-ci, liée en particulier à la structure du navire. Les autres contrôles sont effectués par l'administration des affaires maritimes par l'intermédiaire des centres de sécurité des navires. La délégation porte sur des questions d'une particulière technicité ou sur les contrôles de certains navires qui focalisent moins l'attention des centres de sécurité des navires. Ainsi le contrôle de navires Ro-Ro124 est régulièrement délégué car ces navires ne sont pas accidentogènes.

Quant au contrôle exercé sur l'activité, l'administration des affaires maritimes procède à de nombreux audits des sociétés de classification et l'agrément qui leur est accordé par l' Etat français peut être retiré si des manquements sont constatés.

Le contrôle de la conformité des navires est donc une activité de service public. La gestion de ce service public peut être déléguée et ce d'autant plus que l'Etat français ne délègue qu'une

121 C.E., 1er avril 1994, Ville de Menton, R.D.P., 1994, p. 1825, note J.-B. AUBY.

122 M. AUBOIN, A. TEYSSIER, J. TULARD, Histoire et dictionnaire de la police du Moyen Âge à nos jours, BOUQUINS, 2005, p. 814.

123 J.-B. AUBY, C. MAUGUE, La notion et le régime de la délégation de service, quelques précisions du Conseil d'Etat, J.C.P., 1996, Ed. Gén., chron. 3941.

124 V. A. G. CLOUET, Dictionnaire technique maritime, LA MAISON DU DICTIONNAIRE, 2000, p. 455, qui les définit comme les navires avec des portes pour l'embarquement de véhicules roulant.

partie du contrôle. Mais la question se pose alors de savoir si l'activité de contrôle des navires peut être déléguée à une personne privée. Pendant longtemps la gestion des services publics administratifs125 relevait directement d'une personne publique. Il y avait, en principe, coïncidence entre l'élément organique et l'élément matériel du service public126. L'arrêt Caisse primaire « Aide et Protection »127 rendu le 13 mai 1938 par le Conseil d'Etat a remis en cause cette conception organique du service public. L'arrêt consacre, à côté de la gestion des services publics par une personne publique, l'existence de « services publics gérés, en dehors de la concession, par des personnes privées »128. La personne privée peut gérer directement un service public administratif indépendamment de toute technique contractuelle et sur la base d'une habilitation légale ou réglementaire. Une fois cette possibilité ouverte, il convient de rechercher des indices montrant qu'une personne privée est chargée d'une mission de service public.

L'arrêt Narcy129 rendu en 1963 par le Conseil d'Etat indique trois critères applicables en la matière. Le premier critère est satisfait lorsqu'une mission d'intérêt général est confiée à la personne privée. Ce critère est rempli car, comme nous l'avons démontré, un arrêté délègue une partie du contrôle des navires battant pavillon français aux sociétés de classification.

Le Conseil d'Etat indique ensuite que l'administration doit exercer un contrôle sur l'organisme. Les nombreux audits menés par l'administration des affaires maritimes ainsi que la possibilité d'une suspension ou d'un retrait d'agrément formalisent le contrôle qu'exerce l'administration française sur les sociétés de classification. Ce contrôle est nécessaire, non seulement pour vérifier l'effectivité du travail mais également pour vérifier l'impartialité ou l'indépendance du contrôle. L'exemple du Bureau Veritas illustre bien cette nécessité. Il s'agit d'une société anonyme cotée en bourse et l'exercice d'une mission de service public dans ce cadre appelle un contrôle rigoureux et régulier de la part des pouvoirs publics.

Le Conseil d'Etat indique que des prérogatives de puissance publique doivent être attribuées à l'organisme. Cette exigence est compréhensible car pour un exercice effectif du service public, l'administration délégante doit donner un certain pouvoir au délégataire. L'arrêté de 1987 donne aux sociétés agréées la capacité d'émettre les certificats de conformité aux conventions internationales.

125 Le contrôle des navires est une activité relevant d'un service public administratif car les prestations « [...]contribuent à la sécurité du commerce maritime et non à la gestion d'un service industriel et

commercial[...] ».V. M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit. note n° 1318.

126 V. J.-F. LACHAUME, Droit administratif général, P.U.F. DROIT, 13ème édition, p. 262.

127 C.E. Ass., 13 mai 1938, Caisse primaire « Aide et Protection », Rec. 1938, p. 417 ; G.A.J.A. N° 54.

128 J.-F. LACHAUME, op. cit., p. 262.

129 C.E. Sect. 28 juin 1963, Narcy, Rec. 1963, p. 401.

Les sociétés peuvent délivrer les certificats à la suite des différentes visites statutaires et elles ont également la capacité de les suspendre ou de les supprimer si le navire n'est pas en état de conformité130. Toutefois, les sociétés de classification ne disposent pas d'un pouvoir coercitif légal car le blocage d'un navire dans un port dépend uniquement de l'autorité administrative131. Elles possèdent des pouvoirs exorbitants du droit commun par lesquels elles peuvent invalider, au nom du Ministère des transports, un certificat d'un navire arborant le pavillon français132.

Les trois critères posés par la jurisprudence Narcy, critères permettant d'identifier une mission de service public dans l'activité des personnes privées, sont identifiés dans le travail statutaire des sociétés de classification. L'arrêt Société anonyme Bureau Veritas rendu par le Conseil

d' Etat en 1983 confirme cette analyse. Le juge administratif indique que la société de classification Bureau Veritas participe à l'exécution d'une mission de service public133. Cette situation de droit et de fait est analogue à celle existant en matière de contrôle des navires et le raisonnement utilisé par le juge dans l'arrêt de 1983 est transposable en la matière.

Les éléments constitutifs d'une délégation de service public étant identifiés, il convient désormais d'en étudier les particularités.

§ 2. Une délégation au régime juridique original

Par rapport aux conceptions plus « traditionnelles » de la délégation de service public, le transfert du contrôle des navires aux sociétés de classification est original. La gestion des services publics se présente en droit positif sous deux formes.

Tout d'abord le service public administratif ou industriel et commercial peut être directement géré en régie134 par une collectivité publique ou un établissement public. Les sociétés de classification étant des organismes de droit privé, cette hypothèse de la régie ne s'applique pas en matière de contrôle des navires. Le service public est parfois directement géré par une personne privée, mais toujours sous le contrôle d'une personne publique. La personne privée peut tout d'abord

130 V. M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit., p. 348.

131 Ibid.

132 Ibid.

133 J.-F. LACHAUME, Droit administratif, op. cit., p. 270.

134 Avec la régie directe, la gestion d'un service public est assurée directement par la personne publique dont dépend ce service avec son personnel et ses moyens matériels et financiers. La régie peut aussi être intéressée, la gestion sera alors assurée par un régisseur n'en supportant pas les risques, mais intéressé financièrement aux résultats de l'exploitation.

être investie de cette gestion sur la base d'un contrat dit de délégation de service public. La rémunération du délégataire est alors substantiellement assurée par les résultats de l'exploitation135. Mais, depuis l'arrêt Caisse primaire précité136, la personne privée peut gérer directement un service public administratif indépendamment de toute technique contractuelle et sur la base d'une habilitation légale ou réglementaire137. Dans l'arrêt Société anonyme Bureau Veritas de 1983, le Conseil d'Etat indique que la société a été agréée comme société chargée d'assurer le contrôle pour la délivrance et le maintien des certificats de navigabilité des aéronefs civils. Le juge ne fait à aucun moment référence à un contrat de délégation. Ainsi, comme en matière de délivrance des certificats de navigabilité des aéronefs, les sociétés de classification reçoivent une délégation globale à partir du moment où elles sont agréées. L'arrêté du ministère des Transports et de l'Equipement, du 23 novembre 1987, délègue des compétences en matière de contrôle des navires aux sociétés de classification qu'il agrée. Il n'y a donc pas d'acte de délégation particulier fait pour chaque certificat délivré par une société agréée à un navire sous pavillon français. La délégation aux organismes agréés est ainsi faite indépendamment de toute technique contractuelle et sur la base d'une habilitation réglementaire.

En Grèce la délégation n'est pas faite par une simple habilitation légale ou réglementaire. Cette délégation prend la forme d'un contrat administratif. La convention est conclue « [...] par écrit et sans discriminations entre le Ministre de la Marine Marchande et le représentant de l'organisme en question »138.

Les articles R 5 12-61 et suivants du Code de l'environnement nous montrent que ce procédé d'habilitation réglementaire n'est pas limité aux organismes ayant pour mission le contrôle des navires. Ils sont relatifs à la procédure d'agrément des organismes chargés du contrôle des installations classées. Les organismes doivent faire une demande d'agrément pour être habilités. Ils doivent préalablement être accrédités par le Comité français d'accréditation ou par un organisme membre de la coordination européenne des organismes d'accréditation. L'activité de ces organismes est contrôlée par l'administration et cette habilitation réglementaire peut être retirée. A l'exception de l'exigence d'un agrément communautaire, cette délégation du contrôle des installations classées est assez semblable à celle accordée en matière de contrôle des navires.

135 J.-F. LACHAUME, Droit administratif, op. cit., p. 264.

136 Arrêt prec. Note n° 101.

137 Ibid.

138 L. J. ATHANASSIOU, Le rôle et la responsabilité des sociétés de classification du point de vue du droit grec, op. cit., p. 107.

Cette délégation de la gestion d'un service public par habilitation réglementaire est également singulière au regard de la procédure de choix des délégataires. En France, historiquement, les premières délégations de contrôle étaient attribuées au Bureau Veritas. L'État du pavillon était seul maître du choix du délégataire. Dans les pays hébergeant une grande société de classification, comme le Bureau Veritas en France, la délégation n'était souvent accordée qu'à la seule société de classification ressortissante de l'État du pavillon.

L'article 51 du Traité instituant la Communauté européenne pose le principe de la libre prestation des services sur le territoire de la Communauté. Cette libre prestation de service est également applicable en matière de contrôle des navires et la directive 94/57/CE intègre bien cette exigence dans ses considérants introductifs. Elle indique dans son deuxième considérant que « [...] la sécurité maritime et la prévention de la pollution maritime peuvent être efficacement améliorées en appliquant strictement les Conventions, résolutions et codes internationaux, tout en favorisant l'objectif de la libre prestation de service ». Un considérant est ensuite spécifiquement consacré à cet objectif de la libre prestation de service. Les organismes qui ont reçu l'agrément communautaire « [...] ne peuvent se voir empêchés d'offrir leurs services à l'intérieur de la Communauté [...] ». Ce principe interdit donc à un État de déléguer les tâches réglementaires auxquelles il est tenu par la Loi à un seul organisme. C'est la raison pour laquelle plusieurs sociétés de classification sont habilitées en France. L'article 5 de la directive indique que l'État déléguant peut néanmoins restreindre le nombre d'organismes qu'il autorise en fonction « [...] de ses besoins définis de manière transparente et objective, sous réserve d'un contrôle exercé par la Commission[...] ». Pour les organismes qui sont situés dans des États extérieurs à la Communauté, et avant toute délégation, l'État membre peut exiger de cet État tiers qu'il agrée, sur la base de la réciprocité, les organismes situés dans la Communauté.

Cette délégation du contrôle des navires est également singulière du fait de la procédure prévue pour le retrait de cette habilitation réglementaire. La décision de suspendre ou retirer cette habilitation est prise par le Ministre chargé de la marine marchande lorsqu'une société ne répond plus aux critères communautaires de reconnaissance et/ou n'accomplit pas de manière satisfaisante les fonctions déléguées. Si le travail de la société met gravement en danger la santé ou l'environnement, l'habilitation peut également être suspendue139. L'administration doit au préalable demander des explications à la société. Puis elle doit notifier sa décision motivée. Elle informe alors la Commission européenne et les autres États membres de sa décision. La Commission examine si

139 M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit., p. 334.

la suspension est justifiée au regard des critères d'agrément communautaire ou du fait de raisons mettant gravement en danger la santé ou l'environnement. C'est donc la Commission qui a le dernier mot et indique à l'administration si la suspension est justifiée ou si elle doit annuler sa décision.

En France, la délégation aux sociétés ne porte en principe que sur la délivrance du certificat de franc-bord. L'administration maritime demeure un acteur fondamental de la sécurité maritime. Mais cette participation importante et active de l'État ne peut pas être constatée pour de nombreux États du pavillon. Certains auteurs prennent acte d'un désengagement des États dans la sécurité maritime. Pour Monsieur Khodjet El Khil, le recours systématique aux sociétés de classification constitue « [...] la parade de certains États pour se décharger de leur obligation de contrôle »140. Monsieur Baumler, quant à lui, fait un bilan à charge de l'exercice des compétences statutaires par ces sociétés141. Il constate d'abord que les sociétés s'imposent au même tire que les États comme régulateur de la sécurité maritime. Elles «[...] profitent de la crise des organisations intergouvernementales et du désengagement des États »142. La lutte commerciale que les sociétés mèneraient entre elles entraînerait à terme, « [...] l'émergence d'un accroissement de l'insécurité dont les prémisses ne sont qu'à peine visibles. L'abandon progressif des prérogatives des Etats du pavillon laisse aux seules sociétés de classification la maîtrise de la sécurité en nom et cause des États »143. Ces propos sont rarement tenus et il n'est pas nécessaire de se poser la question de leur pertinence pour dire qu'ils soulignent l'enjeu de la délégation du contrôle des navires aux sociétés de classification.

Si l'État du pavillon se désengage du contrôle des navires, la question de la responsabilité des sociétés de classification dans le cadre de leur fonction statutaire devient fondamentale. Sur l'aspect privé de leur travail, c'est à dire en matière de classification des navires, les actions contentieuses menées contre elles se sont développées144. Ce développement des actions contentieuses illustre l'idée de la « deep pocket »145 qui signifie que les plaignants cherchent l'argent là où il est, dans la « poche profonde » des sociétés de classification car leur solvabilité est assurée. Ces actions sont menées même si parfois cela revient à les faire payer pour les carences d'autres intervenants. Mais on ne constate pas un tel développement des actions contentieuses dans le cadre des compétences statutaires des sociétés. Le recours privilégié à l'arbitrage explique pour partie

140 L. KHODJET EL KHIL, La pollution de la mer méditerranée du fait du transport maritime de marchandises, op.

cit., p. 237.

141 R. BAUMLER, Nouvelles maîtrises de la sécurité industrielle, sur le site de l'association française des capitaines de navire, http://www.afcan.org/dossiers_sécurité/sécurité-industrie.html.

142 Ibid.

143 Ibid.

144 M. REMOND-GOUILLOUD, Droit maritime, PEDONE, 2ème édition, 1993, n°345.

145 V. « Le syndrome de la « deep pocket » », LES ECHOS, n° 17376 du 15 avril 1997, p. 51.

cette quasi inexistence de jurisprudence en la matière.

Il est donc d'autant plus nécessaire que cette responsabilité du fait des fonctions statutaires soit en adéquation avec leur rôle prépondérant dans la garantie de la sécurité maritime. En 2003, la Secrétaire Générale de l'Organisation Maritime Internationale, Monsieur William O'Neil posait la question de savoir si les inspecteurs des sociétés de classification devaient être blâmés du fait de la survenance des catastrophes maritimes. Il répondait lui même qu'aucun bouc-émissaire ne ressortait de ces catastrophes146. C'est donc à l'ensemble des acteurs du transport maritime d'assumer leurs responsabilités, au sens des tâches qu'ils ont à mener, mais aussi d'assumer leur responsabilité au sens des conséquences d'une mauvaise exécution de ces tâches.

146 W. O'NEIL, Raising world maritime standards, MARITIME POLICY AND MANAGEMENT, 2004, n°1, p. 84.

52 Deuxième partie : la responsabilité du fait des fonctions statutaires, la nécessité d'une adéquation avec leur rôle prépondérant dans la garantie de la sécurité maritime

Malgré une réelle action structurelle sur la sécurité maritime, il y a très peu de jurisprudence concernant leur responsabilité du fait des fonctions statutaires. Pourtant, leur solvabilité, le nombre important de délégations dont elles sont titulaires, ainsi que leur présence dans tous les grands ports mondiaux devraient entraîner un développement des actions contentieuses. Les mécanismes juridiques pour engager cette responsabilité existent. Il n'existe pas d'impunité « de jure » mais dans les faits cette responsabilité reste très rarement engagée. Il ne faut pas que la société de classification puisse agir en dehors de la légalité et échapper à toute mise en jeu de sa responsabilité. Mais, à l'opposé, il ne faut pas qu'elle soit le « bon responsable » et connaisse un développement considérable du contentieux. La solvabilité des sociétés de classification ne doit pas être l'unique justification à l'engagement de leur responsabilité.

En droit français, les juridictions administratives peuvent être compétentes pour apprécier le contentieux issu des prestations réglementées des organismes de contrôle147. Le cadre statutaire des prestations va pouvoir entraîner l'application d'un « certain droit administratif », apprécié par les juridictions administratives, ou judiciaires pour les systèmes de droit anglo-américains (Chapitre 1). Dans l'exercice de ces compétences statutaires, les sociétés peuvent aussi voir engager leur responsabilité pénale. Il existe ainsi une jurisprudence conséquente quant à cette responsabilité pénale (Chapitre 2).

Chapitre 1. La responsabilité administrative

Depuis l'arrêt Blanco148, il existe en France une responsabilité de principe des personnes publiques. Il s'agit d'une responsabilité dite administrative. L'exercice par les sociétés de classification des compétences déléguées relève de cette responsabilité (Section 1). L'organisme délégataire bénéficie parfois d'une forme d'immunité qui écarte la mise en jeu de cette responsabilité administrative lorsqu'il est habilité par des États complaisants. Ce phénomène soulève de nombreuses questions quant à la légalité des différentes immunités dont elles peuvent

147 M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit., p. 341.

148 T.C., 8 février 1873, Blanco, G.A.J.A., 14ème édition, n°1.

bénéficier (Section 2).

Section 1. La responsabilité administrative prévue par le droit français

Il convient tout d'abord d'étudier la compétence des juridictions administratives pour traiter de l'exercice du contrôle des navires par les sociétés de classification, avant d'examiner le régime de responsabilité qui est appliqué.

§ 1. La compétence juridictionnelle des tribunaux administratifs : une spécificité française

La dualité de juridictions résulte de la séparation du système juridictionnel français en deux ordres de juridiction, les juridictions judiciaires avec comme juridiction suprême la Cour de cassation et les juridictions administratives dont la juridiction suprême est le Conseil d'Etat. L'existence de ces deux ordres de juridictions distincts est le produit de l'histoire, fruit de la volonté d'empêcher le juge judiciaire de s'immiscer dans les questions de l'administration. Selon le Commissaire du Gouvernement Romieu, « tout ce qui concerne l'organisation et services publics généraux ou locaux constitue une opération administrative qui est par nature du domaine du juge administratif »149.

Avant les conclusions du Commissaire Romieu, le Commissaire du Gouvernement David indiquait que les tribunaux judiciaires « sont radicalement incompétents pour connaître de toutes les demandes formées contre l'administration à raison des services publics, quel que soit leur objet[...] »150. Le service public apparaît alors nettement comme le critère de la compétence des juridictions administratives.

Les sociétés de classification sont des organismes privés ce qui présume de la compétence des juridictions judiciaires. Nous avons vu précédemment qu'elles assumaient une mission de service public qui est celle du contrôle des navires. Mais lorsque la mission de service public est assurée par un organisme privé et dès lors que le critère organique joue un rôle important en droit administratif, le droit administratif va s'effacer au profit du droit privé. Mais cet effacement ne va pas être total car, bien que de nature privée, ces organismes gèrent, sous le contrôle de l'administration, en employant des prérogatives de puissance publique, une mission de service

149 V. concl. Romieu, C.E., 6 février 1903, Terrier, G.A.J.A., n°12.

150 V. concl. David, T.C., 8 février 1873, Blanco, G.A.J.A, n°1.

public. Ainsi, pour Monsieur Negrin, « il ne fait pas de doute que la compétence de la juridiction administrative pour connaître des actions en réparation des dommages causés par des opérations matérielles des services publics administratifs gérés par une personne publique s'étend également dans les mêmes conditions, aux services publics administratifs gérés par une personne privée »151. Les actes unilatéraux qui, « bien qu'émanant de personnes privées, sont relatifs à la gestion du service public administratif et révèlent la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique sont considérés comme administratifs et soumis à la censure du juge administratif [...] »152. L'émission des certificats des navires et le retrait de ceux ci correspondent à des prérogatives de puissance publique, le juge administratif devrait donc être compétent.

Le Conseil d'Etat fixe dans l'arrêt S.A. Bureau Veritas de 1983 les critères de compétence du juge administratif dans le cadre des personnes morales de droit privé qui gèrent un service public. Le juge affirme qu'il ne se reconnaîtra compétent pour connaître des actions en responsabilité intentées contre une personne privée que lorsque les dommages causés par ladite personne privée ont été causés « [...] dans l'exercice des prérogatives de puissance publique qui lui ont été conférées pour l'exécution de la mission de service public dont elle est investie ».

Le Conseil d'Etat confirme dans l'arrêt Société Textron153 du 17 février 1992 que la personne privée chargée d'une mission de service public doit exercer des prérogatives de puissance publique pour que la juridiction administrative soit compétente. Pour la Haute-Juridiction, l'association française de normalisation (A.F.NOR.) ne met pas en oeuvre une prérogative de puissance publique lorsqu'elle remplit la mission de service public qui lui est confiée par décret, car les normes qu'elle enregistre n'ont qu'un effet limité. En l'absence de prérogatives de puissance publique, le Conseil d'Etat doit donc déclarer la juridiction administrative incompétente.

Il y a donc deux conditions pour que le travail d'une société de classification relève de la compétence du juge judiciaire. Il faut qu'elle soit chargée d'une mission de service public et dispose à cette fin de prérogatives de puissance publique, et il faut également que le dommage dont il est demandé réparation au juge administratif résulte de l'exercice de ces prérogatives. Selon Monsieur Ferrer, les sociétés de classification qui reçoivent délégation pour le contrôle des navires et des aéronefs sont du ressort du juge administratif. Mais il ajoute que cette compétence s'exerce à la

151 J.-P. NEGRIN, L'intervention des personnes morales de droit privé dans l'action administrative, L.G.D.J., 1971, p. 295.

152 J.-F. LACHAUME, Droit administratif, op. cit., p. 273.

153 C.E., 17 février 1992, Société Textron, A.J.D.A, 1992, pp. 450-451.

seule condition que « [...] les prestations litigieuses soient liées à la certification et non à l'exercice du contrôle »154. Il en ressort que la compétence de la juridiction administrative s'exerce sur un domaine très réduit. Le contrôle négligent d'un navire serait de la compétence du juge judiciaire, tandis qu'une émission tardive d'un certificat donnerait la compétence au juge administratif. La sphère de compétence du juge administratif est donc extrêmement réduite.

Dans le système anglo-américain, il n'existe pas cette dualité de juridiction et la responsabilité des sociétés de classification du fait de leurs compétences statutaires est appréciée par les juridictions ordinaires155.

Lorsque la juridiction administrative est compétente, elle applique aux sociétés de classification le régime de la responsabilité pour faute. Cette responsabilité de droit public connaît certaines évolutions et tend aujourd'hui vers la suffisance d'une faute simple pour les prestations de contrôle des navires. Le droit communautaire a une fois encore une grande influence en matière de responsabilité des organismes agréés. Les Paquets Erika vont déterminer le régime de responsabilité qui est applicable.

§ 2. L'application d'une responsabilité de droit public aux sociétés de classification

Dans l'arrêt Société Anonyme Bureau Veritas de 1983, le juge affirme qu'il ne se reconnaît compétent pour connaître des actions en responsabilité intentées contre une personne privée que lorsque les dommages causés par la dite personne privée ont été causés « [...] dans l'exercice des prérogatives de puissance publique qui lui ont été conférées pour l'exécution de la mission de service public dont elle est investie ».

L'arrêt susmentionné est le seul rendu par le Conseil d'Etat sur l'engagement de la responsabilité des sociétés de classification dans le cadre de l'exercice de leurs compétences déléguées. A ce titre, il revêt un intérêt tout particulier. Il s'agit tout d'abord de déterminer qui, de l'État déléguant ou de la société délégataire engage sa responsabilité. Selon les juges, la responsabilité de droit public s'applique non à l'État qui habilite mais à la société de classification elle-même. Le Bureau Veritas est ainsi responsable de ses propres prestations car il a « [...] une personnalité juridique propre et une existence effective ». Quels que soient les liens qui l'unissent à

154 M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit., p. 352.

155 V. K. LE COUVIOUR, La responsabilité civile à l'épreuve des pollutions majeures résultant du transport maritime, op. cit., p. 512.

l'État, les fautes qu'elle commet dans l'exercice de sa mission de service public ne peuvent engager que sa propre responsabilité. Il peut y avoir substitution de responsabilité lorsque la personne privée s'avère insolvable. En l'espèce, la responsabilité de la personne publique est donc engagée à titre subsidiaire, une fois seulement l'insolvabilité de la personne privée effectivement constatée.

Les prestations de l'État en matière de contrôle ou de certification sont considérées comme des prestations techniques et complexes156. Dans le cadre de ces prestations, une faute est nécessaire pour que la responsabilité de l'intervenant soit engagée. Pour que la responsabilité de l'administration ou d'un organe substitué soit engagée, « la faute doit pouvoir être rattachée à l'administration ou rattachable à une activité administrative »157. Il s'agit de ce que l'on qualifie de faute de service. En 1877, le Commissaire du Gouvernement Laferrière opposait à la faute de service qui existe « [...] si l'acte dommageable est impersonnel, s'il révèle un administrateur plus ou moins sujet à l'erreur »158, la faute personnelle révélant « l'homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences ». Cette faute de service est constituée par la violation d'une obligation administrative préexistante.

Nous avons vu précédemment que l'exercice de prérogatives de puissance publique rendait applicable la responsabilité de droit public aux sociétés de classification. Pour que la responsabilité des sociétés agissant par délégation de l'État français soit retenue, il faut donc que les fautes relevées soient « [...] interprétées comme des fautes de service »159. Dans la décision du 23 mars 1983, le juge ne qualifie pas expressément les fautes commises par le Bureau Veritas de fautes de service. « Le retard apporté par le Bureau Veritas à la délivrance du certificat de navigabilité [...], a été motivé par l'absence au dossier de la dérogation pour enregistreur de vol, il n'entrait pas dans les attributions du Bureau Veritas d'effectuer ce contrôle ni, par voie de conséquence, de faire obstacle à la délivrance, pour ce motif, du certificat de navigabilité et que, dès lors, la société requérante a commis, dans l'exécution du service public, une faute de nature à engager sa responsabilité »160. Ainsi, dès que la société agit en dehors du cadre de ses prérogatives, et même si c'est pour être encore plus exigent, cet agissement va constituer une faute de service dès lors que la conséquence est un retard dommageable dans la délivrance du certificat.

156 V. J. MOREAU, Responsabilité du fait d'actes de tutelle et de contrôle, J.-CL., Administratif, fasc. 918, n° 123.

157 M. PAILLET, Faute de service, Notion, J.-CL, Administratif, fasc. 818, n°8 et n°33, cité par M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit., p. 368.

158 T.C., 5 mai 1877, Laumonnier-Carriol, Rec., 1877, p. 437, concl., E. Laferrière.

159 M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit. p. 369.

160 C.E., 23 mars 1983, déc. préc., note n°93.

Le droit administratif français distingue la faute lourde et la faute simple. La faute lourde intervient « [...] dans des domaines dont le fonctionnement et l'exécution présentent des difficultés et nécessitent par conséquence, la preuve d'une faute qualifiée »161. La faute simple va intervenir dans tous les autres domaines. A l'origine, l'exigence d'une faute lourde a permis de supprimer plus facilement les régimes d'irresponsabilité dont jouissait la puissance publique dans certains domaines162. Mais cette faute lourde était considérée comme exagérément favorable à l'administration, aussi depuis les années 1990 la jurisprudence réduit le champ d'application de la faute lourde au profit de la faute simple. Ainsi, l'exigence d'une faute lourde a été abandonnée dans le domaine médical depuis l'arrêt Epoux V163 rendu par le Conseil d'Etat le 10 avril 1992. Par cet arrêt a été abandonnée l'exigence d'une faute lourde pour engager la responsabilité du service public hospitalier en cas d'acte médical. Par la suite, dans l'affaire dite du sang contaminé, le Conseil d'Etat abandonne dans un arrêt du 9 avril 1993164 l'exigence de la faute lourde pour activités de tutelles et de contrôle sur les centres de transfusion sanguine. Il aurait été choquant de refuser l'indemnisation de ces victimes collatérales du VIH au seul motif qu'aucune faute assimilable à une faute lourde n'avait été commise.

Cet abandon de la faute lourde a été aussi consacré dans le domaine du contrôle des navires. Dans une décision du 13 mars 1998, le Conseil d'Etat supprime cette exigence pour les activités de contrôle des navires. Le 14 février 1979, le navire François Vielj eux , long de 170 mètres et fort de 16000 tonnes sombrait à 55 kilomètres au large du Vigo, port du littoral occidental de l'Espagne. Il n'y eut que 8 rescapés. Cinq ans après les ayant droits des 12 morts et des 11 disparus se sont adressés à l'État français pour lui demander réparation du préjudice matériel et moral qu'ils ont subi. Les demandeurs mettent en avant les problèmes rencontrés lors des opérations matérielles d'assistance et de sauvetage ainsi que les procédures de contrôle technique du navire. Les services chargés de la délivrance des certificats de sécurité (S.O.L.A. S.) n'ont pas relevé le caractère défectueux de l'aménagement des panneaux latéraux de cale et ont admis un abaissement des surbaux165 qui menaçait pourtant la sécurité du navire ainsi qu'une dérogation pour remplacer une porte métallique par une porte en bois.

161 P. GRECIANO, La responsabilité de l'Etat en droit aérien, l'exemple de la France et de l'Allemagne, http://www.rajf.org/spip.php?article2646.

162 V. L'arrêt Tomaso Grecco de 1905 n'invoque plus le principe de l'irresponsabilité de l'Etat en matière de police et est suivi d'une jurisprudence qui précise que seule une faute lourde peut engager la responsabilité de la puissance publique. C.E., 10 février 1905, Tomaso Grecco, Rec. 1905, p. 139.

163 C.E., 10 avril 1992, Epoux V., Rec., 1992, p. 171.

164 C.E., 9 avril 1993, Bianchi, Rec., 1993, p. 110.

165 Le surbau est un rebord vertical protecteur détournant un écoulement d'eau.

Le Conseil d'Etat rend un arrêt de rejet166 le 13 mars 1998 et ne retient pas la responsabilité de l'administration dans cette espèce car il considère que l'armateur avait l'obligation de solliciter une nouvelle inspection du navire. L'initiative du contrôle revient à l'armateur. La Haute-Juridiction établit ensuite : « [...] qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que le remplacement d'une porte en acier par une porte en bois ait joué un rôle quelconque dans le naufrage du François Vielj eux et que les requérants ne sauraient donc en tout état de cause, soutenir qu'en autorisant cette modification la commission de sécurité aurait commis une faute engageant la responsabilité de l'administration ». Dans cet attendu, le juge administratif fonde le rejet de la responsabilité de l'administration sur l'absence de faute. C'est une manière indirecte de juger que la responsabilité de l'administration n'est plus établie sur une faute lourde mais qu'une faute simple suffit.

Aujourd'hui, pour les activités de contrôle et de certification, la faute simple est donc suffisante pour engager la responsabilité de la puissance publique. Cette faute simple sera donc recherchée pour engager la responsabilité d'une société de classification agissant dans le cadre de ses fonctions statutaires. Il n'existe actuellement aucune jurisprudence illustrant cette application aux activités déléguées aux sociétés de classification.

Mais la directive 200 1/105/CE167 du Parlement européen et du Conseil, modifiant l'article 6 de la directive 94/57/CE change de manière très importante le régime de responsabilité des sociétés de classification agissant sur délégation des États membres.

Adoptée dans le cadre du Paquet Erika I, cette directive était inspirée par les travaux du groupe dit de Göteborg, qui rassemblait certaines des administrations du pavillon européennes et certains organismes agréés internationaux, dans le but de débattre et de rédiger des clauses standard en matière de responsabilité. Elle ne régit que la réparation que l'administration d'un Etat membre peut exiger d'un organisme agréé si le premier est tenu responsable à la suite de la faute du dernier, judiciairement ou lors d'un arbitrage. C'est donc l'inverse de la procédure retenue par le Conseil d'Etat dans l'arrêt Société Anonyme Bureau Veritas de 1983168. Avant cette directive, le Conseil d'Etat avait ainsi indiqué que les fautes commises par la société dans l'exercice de sa mission de service public ne pouvaient engager que sa propre responsabilité. Désormais, l'administration de tutelle ne pourra se retourner contre la société de classification qu'une fois qu'elle aura indemnisé les personnes lésées.

166 C.E., sect., 13 mars 1998, M. Améon et autres, A.J.D.A., 1998, p. 418, D.M.F., 1998, p. 790, obs. P. Chaumette.

167 J.O.C.E., L 324 du 29 novembre 2002, p. 53.

168 C.E., 23 mars 1983, déc. préc., note n°93.

La nouvelle directive rajoute trois alinéas à l'article 6 de la directive 94/57/CE. Le premier alinéa (i) traite de ce préalable à la responsabilité des sociétés de classification.

- Il dispose que « si l'administration est finalement déclarée responsable d'un incident de manière définitive par une cour ou un tribunal ou à la suite du règlement d'un litige par la voie d'un procédure d'arbitrage et doit indemniser les personnes lésées dans le cas d'un préjudice ou d'un dommage matériel, d'un dommage corporel ou d'un décès dont il est prouvé, devant cette juridiction, qu'il résulte d'un acte ou d'une omission volontaire ou d'une négligence grave de l'organisme agréé, de ses services, de son personnel, de ses agents ou autres agissant au nom de l'organisme agréé pour autant que ledit préjudice, dommage matériel, dommage corporel ou décès est dû, selon la décision de cette juridiction, à l'organisme agréé [...]. »

- L'alinéa (ii) pose un plancher pour la responsabilité des organismes pour les dommages corporels ou décès résultant d'un acte ou d'une omission par négligence ou imprudence. Ce plancher, fixé par l'État déléguant et l'organisme délégataire lors de l'élaboration de l'accord d'agrément, ne peut pas être inférieur à 4 millions d'euros.

- Le dernier alinéa (iii) indique qu'en cas de préjudice ou de dommage matériel résultant d'un acte ou d'une omission par négligence ou imprudence d'un organisme agréé, les États membres peuvent limiter le montant maximal à verser par l'organisme, mais ce plafond doit être au moins égal à 4 millions d'euros.

La responsabilité des sociétés de classification est donc une responsabilité indirecte. Il faut au préalable que l'administration de tutelle soit déclarée responsable169. Dans une étude d'impact170 concernant le régime de responsabilité prévu au nouvel article 6 de la directive 94/57/CE , la Commission indique qu'au jour de l'étude (février 2006), il n'existait aucune affaire jugée ou en cours dans le cadre de laquelle le recouvrement par l'État du pavillon à l'encontre d'un organisme a été ou pouvait être activé. Aucun organisme agréé n'a encore encouru de responsabilité envers une administration nationale en conséquence de tâches maritimes réglementaires exécutées pour cette administration. Il ressort de ces constatations que l'augmentation du contentieux souvent mentionnée en doctrine est certainement avancée par les organismes agréés eux-mêmes. Cette constatation d'un développement du contentieux, sans cesse réitérée, a un effet comminatoire et

169 Lorsque l'administration a été condamnée au versement de dommages et intérêts à raison d'une faute commise par un organisme délégataire, elle a la possibilité d'exercer une action récursoire contre ce dernier. Cette voie de recours a été admise pour la première fois par les arrêts Laruelle et Delville rendus par le Conseil d'Etat le 28 juillet 1951. V. C.E., Ass. 28 juillet 1951, Laruelle et Delville, Rec. 1951, p. 464.

170 Annexe du document de travail de la commission sur le contrôle par la Commission des organismes agrées et sur
l'impact du régime de responsabilité civile conformément à la directive 94/57/CE
, COM(2006) 588 final, p. 27.

permet ainsi aux organismes de demander que ne leur soit pas appliquée une responsabilité illimitée en matière de négligences simples. Les organismes agréés arguent qu'en raison de l'augmentation « potentielle » des litiges, il est devenu beaucoup plus difficile d'obtenir une couverture adéquate sur le marché de l'assurance et que les taux d'assurance augmentent sensiblement en raison de ce potentiel.

L'alinéa (i) stipule que, pour les cas de négligence grave, il devrait y avoir une responsabilité illimitée. Cette position est suivie par tous les États membres ayant mis en oeuvre la directive. Mais les États membres restent libres pour fixer les plafonds de responsabilité. La directive fixe dans les alinéas (i) et (ii) des peines planchers qui sont pour certains États devenues des peines plafond171. Cinq États membres172 dont la France ont adopté une responsabilité illimitée en matière de décès, dommages corporels ou dommages matériels résultant d'une négligence d'un organisme agréé.

La directive 2001/105/CE modifie le régime de responsabilité applicable aux organismes agréés, dans le cadre de l'exercice de leurs compétences statutaires . Cette modification permet d'encadrer cette pratique de la délégation, de l'agrément communautaire à l'engagement d'une responsabilité. La directive reconnaît ainsi le rôle majeur joué par les sociétés car elle n'impose pas de responsabilité illimitée pour les cas de négligence (alinéa (i) et (ii). Ce choix relève de la compétence de l'État et apparaîtra dans l'accord d'agrément passé entre l'État membre délégant et l'organisme agréé. Il s'agit d'une véritable négociation et l'organisme peut obtenir des contreparties en échange de cette responsabilité illimitée.

Il est alors légitime de se demander si la possibilité de négocier une responsabilité illimitée pour les cas de négligence peut servir d'outil pour restreindre l'accès à ce marché. En effet, certains organismes reconnus choisissent de ne pas intégrer un marché du fait de cette responsabilité illimitée173.

La place très importante tenue par l'arbitrage en matière maritime peut expliquer l'absence de jurisprudence. L'intérêt de cette solution est de mêler l'aspect contractuel et l'aspect juridictionnel. Il s'agit de confier le règlement du litige à un ou plusieurs tiers particuliers.

171 17 Etats membres ont introduit une responsabilité limitée pour les cas de négligence. Les planchers prévus par la directive ont été transformés en plafond, mais dans l'ensemble, les montants correspondent, V. Document de travail de la Commission, op. cit., p. 20.

172 Il s'agit de l'Allemagne, de l'Espagne, de la France, de l'Italie et du Luxembourg.

173 V. Annexe du document de travail de la commission sur le contrôle par la Commission des organismes agrées et sur l'impact du régime de responsabilité civile conformément à la directive 94/57/CE, COM(2006) 588 final, p. 26.

L'arbitrage permet ainsi d'exercer « une mission juridictionnelle mais en ayant recours à des règles dépendant partiellement de la volonté des parties au litige »174 . Ce mode de règlement est plus rapide et plus confidentiel. Les décisions d'arbitrage ne sont généralement pas publiées et la réputation de l'organisme reconnu, partie à l'arbitrage, reste donc intacte.

Au regard de toutes ces constatations, le volontarisme de l'État du pavillon peut-il être remis en question? L'État du pavillon délègue la totalité ou seulement une partie de ses compétences de contrôle aux sociétés de classification. Sa responsabilité n'a de facto jamais encore été engagée du fait de l'exercice des compétences statutaires par les organismes agréés. De plus, c'est l'armateur qui va supporter le coût des visites et l'État est donc désengagé financièrement du contrôle des navires lorsqu'il le délègue. Les États qui délèguent la totalité de ce contrôle comme Chypre ou Malte ne semblent donc pas assumer leur obligations internationales du contrôle des navires arborant leurs pavillons respectifs. Comme le dit Madame Isabelle Corbier, la sécurité maritime qui est l'une des principales préoccupations de notre temps, ne doit pas être le privilège exclusif des sociétés de classification. La sécurité maritime est avant tout de la responsabilité de tous175.

Ce désengagement de certains États est parfois accompagné de complaisance à l'égard des sociétés de classification. C'est le cas dans des États complaisants, tiers à l'Union européenne, qui attribuent dans leur droit national une immunité aux sociétés agissant par délégation. A côté de cette immunité légale dans l'application du droit du pavillon, une partie de la doctrine considère que les sociétés de classification ainsi que leurs agents, agissant par délégation d'un État, peuvent bénéficier du principe de droit international public dit d'immunité de juridiction qui s'oppose à ce que, en dehors de toute acceptation, un État, ses agents ou démembrements soient jugés devant une juridiction d'un État tiers.

Section 2. L'existence d'obstacles à l'engagement de la responsabilité des sociétés de classification

Deux situations juridiques différentes peuvent conduire à une immunité des sociétés de classification agissant par délégation d'un État. Se pose tout d'abord le problème d'une impunité lorsque, par les mécanismes du droit international privé, le droit du pavillon exonérant de toute

174 J.-P. BEURIER, Droits maritimes, op. cit., p. 9.

175 I. CORBIER, Classification societies and maritime security, intervention au VIIIe Colloque organisé par l'I.I.D.M., Bariloche, 29 septembre-2 octobre 2003, J.P.A., 2005, p. 12.

responsabilité l'organisme délégataire, est appliqué par une juridiction d'un État tiers. L'utilisation des règles du droit international privé peut donc conduire à une impunité légale dans l'application du droit du pavillon. Par ailleurs, une partie de la doctrine considère que l'immunité de juridiction, principe de droit international public, peut s'appliquer aux sociétés délégataires. Nous allons étudier les fondements de cette immunité de juridiction ainsi que la jurisprudence pour tenter d'infirmer cette position de la doctrine.

§ 1. Une impunité légale dans l'application du droit du pavillon

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les navires américains, craignant les attaques des sous-marin allemands, ont abandonné leur pavillon pour venir se placer sous le pavillon de Panama ou le pavillon du Honduras176. Cette initiative initialement motivée par la volonté de protéger le navire, son équipage et sa cargaison, s'est accentuée au cours des années 1950 pour des motifs tout autres. Dans le sillage du pavillon Libérien, de nombreux États accordent librement leur pavillon à des navires n'ayant aucun lien de rattachement avec l'État. L'État va recevoir une contribution financière de l'armateur ou de la compagnie maritime qui désire immatriculer son navire. En échange, les navires vont bénéficier de règles très souples en matière de droit du travail, de fiscalité, ou de responsabilité. Certains de ces États dits « complaisants » assurent même des contrôles a minima de la sécurité du navire. Cette complaisance s'exerce également à l'égard des sociétés de classification auxquelles l'État va faire appel pour effectuer les visites et délivrance de certificats du navire. En effet, certains États assurent aux sociétés une exonération de responsabilité pour les faits qui se sont produits dans le cadre de cette mission statutaire. Les deux décisions que nous allons analyser traitent de cette exonération de responsabilité conférée par le droit de l'État complaisant déléguant. Nous prenons le parti de qualifier cette pratique de complaisance car il ne nous semble pas normal qu'une exonération complète de responsabilité puisse être accordée à quelque intervenant que ce soit.

L'affaire du Sundancer illustre cette exonération de responsabilité dont peuvent parfois bénéficier les sociétés de classification dans le cadre de leur fonction statutaire. Ce navire à passagers était immatriculé aux Bahamas. Il fit naufrage en 1984 au large de la Colombie- Britannique. La société A.B.S. avait examiné la conformité du navire aux dispositions des Conventions S.O.L.A.S. et Load Lines pour qu'il puisse être immatriculé dans cet État. L'État des Bahamas déléguait ces prestations à la société A.B.S. à travers le « Bahamian Merchant Shipping

176 V. P. BONNASSIES et C. SCAPEL, Droit maritime, L.G.D.J., 2006, p. 121.

Act » de 1976. A la suite du naufrage, l'armateur du navire et son exploitant assignent en responsabilité la société de classification pour les fautes qu'elle aurait commises lors de la transformation en Suède de cet ancien transbordeur en navire de croisière.

La société de classification demande à bénéficier des dispositions du paragraphe 276 de cette Loi qui dispose que, « Tous les officiers désignés par cette Loi sont exonérés des actions relatives à tout ce qui a été fait [...] de bonne foi ou présumé de bonne foi dans l'exercice ou dans l'exécution [...] d'un devoir conféré ou imposé à lui par cette Loi ». Le procès se déroule aux Etats- Unis et le juge de première instance considère que c'est bien la Loi du pavillon qui doit s'appliquer au litige. En revanche, il refuse d'appliquer l'immunité à la société A.B. S. car elle ne rentrerait pas dans les termes de cette Loi. Néanmoins, le juge accepte de conférer l'immunité aux agents experts de la société.

Dans un arrêt Sundance Cruise v. American Bureau of Shipping177, la Cour d'appel américaine indique que les dispositions du « Bahamian Merchant Shipping Act » relatives à l'exonération de toute responsabilité s'appliquent aux agents experts mais également à la société de classification. Les juges indiquent que la société et ses experts sont des agents de l'Etat des Bahamas lorsqu'ils agissent dans le cadre de leurs prestations statutaires178.

Cette immunité, conférée par la loi de l'Etat des Bahamas a également trouvé application dans le litige né à la suite du naufrage du Scandinavian Star. Cet ancien paquebot transformé en car- ferry a pris feu le 7 avril 1990 au large du Danemark ce qui a entraîné la mort de 159 passagers. A la suite du drame, la société de classification Lloyd's Register of Shipping, précédemment responsable des fonctions de classification et de certification du navire, a été assignée en responsabilité devant les juridictions états-uniennes. En première instance, le Tribunal de Floride, faisant application du « Bahamas Merchant Shipping Act », accorde l'immunité à la société de classification. Cette décision est annulée par la Cour d'appel qui considère que les juges du lieu où s'est déroulé l'incendie sont plus compétents pour traiter de l'affaire179.

Dans ces affaires où les acteurs et les nationalités sont entremêlés, le droit du pavillon est souvent le seul élément de rattachement stable. Devant la difficulté à décider quel droit est applicable au litige, et en l'absence de convention matérielle traitant de la question, les juges

177 V. Sundance Cruise v. American Bureau of Shipping, U.S.C.A., 2nd Circ., 15 octobre 1993, L.L.R., 1994, 1, p. 207.

178 V. M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit., p. 361.

179 Ibid.

choisissent d'appliquer le droit du pavillon. C'est la raison pour laquelle les armateurs choisissent le pavillon de leur navire en connaissance de cause. Il ne s'agit donc pas d'une immunité de juridiction comme l'avance Monsieur Ferrer180 mais d'une exonération de responsabilité ou immunité conférée par l'application du droit du pavillon. L'immunité de juridiction est un principe de droit international public à la signification tout à fait différente.

§ 2. La question de l'immunité de juridiction par l'application du droit du for

Reconnaître l'immunité de juridiction à un sujet de droit consiste à interdire à un organe d'appliquer le droit normalement applicable par lui à une situation en raison de la qualité particulière du sujet considéré. En vertu du principe de droit international public par in parem non habet imperium, un État ne peut être soumis à la juridiction d'un autre État. L'octroi de l'immunité souveraine à un État dans une procédure civile ou pénale, poursuit le but légitime d'observer le droit international afin de favoriser la courtoisie et les bonnes relations entres États grâce au respect de la souveraineté d'un autre Etat181. Cette immunité des États était à l'origine considérée comme une chose absolue, mais les États ont de plus en plus assumé des activités économiques auparavant réservées aux particuliers et il fut considéré par de nombreux pays qu'ils ne pouvaient pas continuer à se prévaloir de leur qualité au détriment de leurs partenaires privés182. Dans la plupart des États, le principe de l'immunité des États étrangers n'est ni une règle absolue, ni d'une portée générale. Il faut au contraire faire une distinction suivant que l'État étranger agit en vertu de sa souveraineté par un acte dit de jure imperii ou comme titulaire d'un droit privé par un simple acte dit de jure gestionis. C'est dans le premier cas seulement que l'État peut invoquer le principe de l'immunité de juridiction. L'immunité de juridiction est donc le plus souvent limitée aux actes accomplis par son bénéficiaire dans l'exercice de ses fonctions183.

La Convention de Bâle du Conseil de l'Europe du 16 mai 1972 traite de l'immunité des États, mais elle n'a pas été ratifiée par la France et huit États seulement y sont parties (Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suisse). D'autre part, le travail

180 « Les experts des sociétés de classification qui agissent dans le cadre des fonctions statutaires de certains Etats complaisants bénéficient, en cas de négligence ou d'omission involontaire de leur part, d'une immunité de juridiction », V. M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit., p. 359 et 361.

181 V. M. PUECHAVY, note sous C.E.D.H., 21 novembre 2001, Al-Adsani v. Royaume-Uni, GAZ. PAL., 4 décembre 2001, p. 23.

182 B. AUDIT, Droit international privé, 4ème édition, EDITIONS ECONOMICA, p. 336.

183 V. J. VERHOEVEN, Les immunités propres aux organes ou autres agents des sujets du Droit international, in. Le Droit des immunités, contestation ou consolidation?, BIBLIOTHEQUE DE L'INSTITUT DES HAUTES ETUDES INTERNATIONALES DE PARIS, 2004, p. 71.

de la Commission de droit international des Nations Unies a abouti à l'élaboration d'une Convention du 17 janvier 2005 sur les immunités juridictionnelles des États et leurs biens. La France a signé cette Convention le 17 janvier 2007 mais ne l'a pas encore ratifiée.

Si les États n'ont pas ratifié de Conventions relatives à l'immunité de juridiction ou dans le flou de celles-ci, il revient aux États de choisir de faire une interprétation large ou restrictive de cette immunité de juridiction. Au XIXème siècle, les juridictions françaises se prononçaient pour une conception absolue de celle-ci184. Mais dans un arrêt de 1929 admettant qu'une saisie soit pratiquée contre la Représentation commerciale des Soviets, organisme émanant de l'État soviétique, la Chambre des requêtes indique que l'organisme pratiquait « [...] des actes de commerce auxquels le principe de souveraineté des États demeure étranger »185. La France suit le mouvement de nombreux États qui adoptent une conception plus restrictive de l'immunité de juridiction. Ils considèrent que lorsqu'un État conclut des engagements dont la nature ressort du droit privé, il n'y a aucune raison qu'ils ne soient pas jugés par les juridictions ordinaires compétentes186. De plus, un État qui fuit toujours ces obligations commerciales, en se réfugiant derrière son immunité de juridiction, n'aura plus aucune réputation d'intégrité dans ces futures relations commerciales187.

Dans certains États, le législateur est intervenu pour tracer les contours de cette immunité de juridiction188. En France, la question est traitée par la jurisprudence. Pour déterminer si la situation qui lui était soumise et qui impliquait un État étranger ou ses démembrements, pouvait être jugée devant une juridiction française, les juges ont eu recours à un critère organique puis à un critère fonctionnel. Tout en rappelant « qu'il est de principe absolu que les États étrangers, en raison de l'indépendance et de la souveraineté des nations, jouissent en France du privilège de l'immunité de juridiction »189, les juridictions françaises ont ainsi clairement opté pour une conception restrictive de l'immunité de juridiction.

Le critère organique, tiré de la personnalité juridique a été rapidement écarté car il était trop formaliste190. La Cour de cassation a indiqué dans l'arrêt Société Levant-Express de 1969 que

184 V. Cass., 22 janvier 1849, Gouvernement Espagnol contre Casaux, SIREY, 1849, I, col. 81.

185 D. P. 1929. 1. 73.; G.A.D.I.P., p. 439, § 2.

186 H. FOX, The Law of State Immunity, THE OXFORD INTERNATIONAL LAW LIBRARY, 2008, p. 64.

187 Ibid.

188 Ainsi aux Etats-unis existe le Foreign Sovereign Immunities Act de 1976 et en Australie, le Foreign States Immunities Act de 1985.

189 C. A. Aix en Provence, 23 novembre 1938, Socifross contre U.R.S.S., DALLOZ, 1939, 7ème cahier, II, p. 66.

190 V. B. AUDIT, Droit international privé, op. cit., p. 336.

« l'immunité est fondée sur la nature de l'activité et non sur la qualité de celui qui l'exerce »191. C'est ce critère fonctionnel tiré de la nature des actes en cause (ratione materiae192) qui est aujourd'hui encore utilisé par les juridictions françaises. Les actes d'autorité (jure imperii) et les actes de gestions (jure gestionis) sont opposés. Cette distinction est directement inspirée des principes utilisés par la juridiction administrative pour déterminer sa propre compétence par rapport à celle des tribunaux judiciaires.

Ce critère tiré de la nature des actes est formulé dans l'arrêt Société Levant-Express : « Attendu que les États étrangers et les organismes agissant par leur ordre ou pour leur compte ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige constitue un acte de puissance publique ou a été accompli dans l'intérêt d'un service public ».

La question se pose alors de savoir si une entité, distincte de l'État, et exerçant parfois des activités commerciales, peut bénéficier de l'immunité de l'État. Est-ce qu'une société de classification, effectuant les contrôles et la délivrance des certificats des navires au nom et pour le compte de l'État du pavillon, peut bénéficier de cette immunité de juridiction?

L'accomplissement d'une mission de service publique ou l'exécution d'un acte de puissance publique sont les éléments que doivent rechercher les juges avant d'accéder à une demande d'immunité de juridiction. Dans un arrêt de 2003, relatif à l'affiliation à la sécurité sociale française d'un professeur de l'école saoudienne de Paris, la Cour de cassation fait une reprise quasi similaire d'un attendu de l'arrêt Société Levant-Express193 : « Attendu que les États étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces États et n'est donc pas un acte de gestion ». Cette position est aussi celle de la Convention de Bâle sur l'immunité des États, du 16 mai 1972, du Conseil de l'Europe qui écarte toute immunité de juridiction pour les activités étatiques sans rapport avec l'exercice de la souveraineté, notamment actes de gestions194.

Les poursuites menées en France contre la Malta Maritime Authority à la suite du naufrage

191 Cass., civ., 25 février 1969, Société Levant-Express, G.A.D.I.P., n° 47.

192 V. H. FOX, The Law of State Immunity, op. cit., p. 102, qui distingue les immunités ratione materiae des immunités ratione personnae.

193 Cass. ch. Mixte, 20 juin 2003, J.D.I., 2003, p. 1115.

194 Cette Convention n'a pas été ratifiée par la France, huit Etats seulement y sont parties : Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suisse.

du navire Erika illustrent la question de l'application de l'immunité de juridiction à un intervenant de la sécurité maritime. Rappelons que l'Erika était un pétrolier battant pavillon maltais, construit en 1975 et affrété par la société Total-Fina-Elf. Il a fait naufrage le 12 décembre 1999 au large de la Bretagne. L'acteur ici en question, parmi beaucoup d'autres intervenants, est la Malta Maritime Authority qui avait délivré au navire et à la société gestionnaire du navire, les certificats du pavillon de Malte. Le 19 avril 2002, le juge d'instruction français en charge a délivré commission rogatoire aux autorités judiciaires de l'État de Malte avec pour mission notamment d'entendre les responsables de l'État du pavillon maltais. Après retour de la commission rogatoire, le juge d'instruction a mis en examen les 25 et 26 septembre 2003, la Malta Maritime Authority (M.M.A.) représentée par son Président ainsi que son directeur exécutif, responsable de la marine marchande, en des termes identiques des chefs de mise en danger de la vie d'autrui et de complicité de pollution. La M.M.A. a alors formé une requête en annulation de ce procès verbal.

La procédure lancée, la Chambre de l'Instruction de la Cour d'appel de Paris, le 14 juin 2002, annule les mises en examens de la M.M.A. et d'un de ses directeurs. Pour annuler les actes de poursuite à l'encontre de la M.M.A. et de son directeur exécutif, la juridiction pénale retient que même si la M.M.A. peut effectuer des actes de commerce, il est incontestable qu'elle dispose de prérogatives de puissance publique démontrant qu'elle est une émanation de l'État de Malte exerçant sous le contrôle étroit du ministre de tutelle. La Cour juge donc que la M.M.A. bénéficie de l'immunité de Juridiction reconnue à l'État de Malte195.

L'Agent judiciaire du Trésor français forme alors un pourvoi en cassation de cette décision au motif que la M.M.A. et son directeur ne peuvent pas bénéficier de l'immunité de juridiction. La chambre criminelle de la Cour de cassation rend un arrêt de rejet le 23 novembre 2004196. Les juges confirment l'annulation de la mise en examen de la M.M.A. et d'un de ses directeurs au motif que « La Coutume Internationale qui s'oppose à la poursuite des États devant les juridictions pénales d'un État étranger s'étend aux organes et entités qui constituent l'émanation de l'État ainsi qu'à leurs agents en raison d'actes, qui comme en l'espèce, relèvent de la souveraineté de l'État concerné ».

La décision de la Cour de cassation suit les traces laissées par les jurisprudences antérieures mais elle est néanmoins critiquable. Il faut noter que dès le milieu du XXème siècle, l'immunité a été octroyée à des organismes dotés d'une personnalité indépendante197. Par la suite, en 1990, la

195 V. P. BLIN, note sous arrêt C.A. Paris, 14 juin 2004, Navire Erika, D.M.F., octobre 2004, p. 862.

196 V. J.-L. RENARD, note sous arrêt Cass. ch. crim., 23 novembre 2004, Navire Erika, D.M.F., avril 2005, p. 312.

197 V. Pour une immunité accordée à des organismes bancaires privés, Cass. civ, 1ère, 3 novembre 1952, R.C.D.I.P.,

Cour de cassation accorde le bénéfice de l'immunité à un organisme doté d'une personnalité juridique distincte de celle de l'État mais également d'une indépendance budgétaire198. Concernant, la M.M.A., les juges indiquent qu'elle a été créée par une loi de l'État de Malte, qu'elle a un Ministre de tutelle qui nomme certains des membres et peut les révoquer. La M.M.A. et son directeur ont agi par l'ordre ou pour le compte des autorités de l'État de Malte. De plus, ils ont agi dans le cadre stricte de leurs fonctions et n'ont pas commis de fautes personnelles. Il s'agit donc d'émanations de l'État de Malte. La Cour a ensuite étudié la nature des actes en cause dans le naufrage de l'Erika. L'attribution du pavillon est en France un acte de puissance publique et peut donc être considérée comme un acte de jure imperii. Cet acte relève du pouvoir souverain de chaque État et l'immunité de juridiction doit être accordée lorsque de tels actes sont en cause. La Cour considère également que la délivrance et le maintien des autorisations de naviguer relèvent du pouvoir souverain de chaque État. Elle indique que « [...] l'immatriculation subséquente ainsi que le maintien des autorisations de naviguer sont des actes relevant « [...de la souveraineté [...] » de la République de Malte.

Le Professeur Ancel, cité par Monsieur Renard dans ses observations sous l'arrêt de cassation indique que « la Chambre de l'Instruction fusionne l'ensemble des opérations accomplies du chef de l'autorité publique et tendant à l'immatriculation et à la délivrance ou au maintien des autorisations de naviguer dans la qualification d'actes administratifs de puissances publiques » alors que selon lui ces actes comporteraient une dimension décisionnelle dont le caractère souverain n'est pas contesté et une dimension matérielle qui répond à « une fonction non régalienne qui est d'assurer la sécurité et la navigabilité des navires »199. Il est pourtant avéré que la M.M.A. dans son travail de certification des navires poursuit principalement des finalités d'ordre économique. Au regard des critères précédemment employés par la jurisprudence, on peut dire que la M.M.A. réalise une mission de service public, que l'acte d'immatriculation d'un navire constitue un acte de puissance publique, mais également que la M.M.A. agit dans un but commercial. C'est cette confusion des genres qui rend critiquable l'application de l'immunité de juridiction à la M.M.A. et à l'un de ses présidents. La M.M.A., émanation de l'État de Malte selon la Cour de cassation, agit également, au cours de la même mission, en représentation d'intérêts privés.

Ce même raisonnement est applicable aux sociétés de classification qui agissent sur

1953, p. 423.

198 V. Cass., 12 juin 1990, Bull., 1990, I, n° 155, p. 110.

199 Consultation du Professeur ANCEL du 4 août 2004, citée par J.-L. RENARD, note sous arrêt Cass. ch. crim., 23 novembre 2004, Navire Erika, D.M.F., avril 2005, p. 310.

délégation des États pour contrôler les navires et délivrer les certificats de conformité aux exigences internationales. L'arrêt Société Anonyme Bureau Veritas200 de 1983 avait bien indiqué que le contrôle exercé par les sociétés est une mission de service public et leur capacité d'émettre des certificats une prérogative de puissance publique. On peut alors considérer que lorsqu'elles émettent des certificats de conformité aux dispositions des Conventions internationales, « les sociétés sont des organes agissant par ordre et pour le compte [d'un État délégant], dans le cadre d'une mission de service public en exécutant des actes de puissance publique »201. La délivrance d'un certificat ne peut pas être réalisée par une personne privée202 si celle si n'en a pas reçu délégation. Cet acte doit par principe être effectuée par l'État du pavillon et, par exception, par un organisme agréé et ayant reçu délégation. Mais comme pour la M.M.A., du point de vue des sociétés de classification ayant reçu la délégation, il ne s'agit pas pour elles d'un acte de puissance publique mais d'un acte de commerce. L'immatriculation dans les pavillons de complaisance procède en priorité d'une recherche d'opportunité commerciale. Ces pavillons de complaisance sont désignés parfois comme la « gangrène »203 du commerce maritime international. L'armateur recherche les facilités sociales, fiscales ou sécuritaires du pavillon de libre immatriculation et l'organisme responsable recherche à percevoir les droits d'enregistrement. Si l'immatriculation est de facto assimilable à un acte commercial dans certains États complaisants, la certification de la conformité des navires par les sociétés de classification agréées dans ces États peut, elle aussi, se révéler éloignée de toute considération de service public.

Le jugement Erika, rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 16 janvier 2008 traite de cette question de l'immunité de juridiction invoquée par les sociétés de classification agissant sur délégation des États. Pour les juges, l'inspecteur de la société RINA a commis une faute en renouvelant, moins d'un mois avant le naufrage, le certificat de classification. Ce renouvellement a été pris « dans la précipitation et sous la pression de contraintes commerciales ». Par ailleurs, les juges voient dans la faute de l'inspecteur, qui était l'un des représentants du RINA, une faute engageant la responsabilité pénale de cette personne morale. Le Tribunal écarte le bénéfice de l'immunité de juridiction invoquée in limine litis par la société qui ne voulait pas voir ses

200 V. note n° 93.

201 V. M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit., p. 363. L'auteur considère que les critères établis par les tribunaux français s'appliquent parfaitement au régime et au domaine des prestations statutaires des sociétés. Il évoque aussi le Sovereign Immunity Act de 1976 applicable aux Etats-Unis. Il indique que « l'immunité

de juridiction pourrait s'appliquer aux sociétés de classification étatiques, c'est à dire dont l'Etat possède au moins 51% du capital social ». La majorité des sociétés de classifications, entreprises sans capitaux publics, est donc exclue de cette définition.

202 V. les développements sur les actes commerciaux des Etats, « an act which a private person may perform », H. FOX, The Law of State Immunity, op. cit., p. 506.

203 L. CARROUE, Ces espaces hors le loi du transport maritime, LE MONDE DIPLOMATIQUE, février 2000, p. 24.

responsabilités civiles et pénales engagées devant les juridictions françaises.

Les derniers arrêts rendus par des juridictions françaises à propos de l'immunité de juridiction indiquent que, pour que celle-ci soit accordée, il faut que les actes en question relèvent de la souveraineté d'un Etat étranger et soient accomplis par l'ordre ou pour le compte de ce même État. Or les juges relèvent que la société RINA est intervenue en exécution d'un contrat conclu avec le propriétaire du navire204. L'activité de la société serait donc restée d'ordre privé. Les relations de l'État de Malte avec les différentes sociétés de classification, tout comme « l'objectif de service public » prétendument poursuivi, n'avaient ni pour objet, ni pour effet de rattacher cette activité à l'exercice de la souveraineté de l'État de Malte205. C'est l'activité privée qui semble être en cause dans ce jugement du Tribunal de grande instance.

La société maltaise TENERE SHIPPING, contrôlée elle même par deux sociétés libériennes, a en effet conclu le 3 août 1998 un contrat avec le RINA pour la prise en classe du navire Erika. Il n'y a pas d'exercice d'actes de puissance publique pour la prise en classe d'un navire. En revanche, si les juges ont considéré que l'activité de certification exercée par le RINA au nom de l'Etat de Malte est une activité privée, cela constituerait un revirement de jurisprudence. Dans l'arrêt Société Anonyme Bureau Veritas, le Conseil d'Etat se considère compétent car les faits sont intervenu« [...] dans l'exercice des prérogatives de puissance publique qui lui ont été conférées pour l'exécution de la mission de service public dont elle est investie »206. Si la société de classification dispose de prérogatives de puissance publique pour cette activité de certification, elle devrait pouvoir bénéficier, au regard de la jurisprudence antérieure, de l'immunité de juridiction accordée à l'État qui lui délègue cette compétence. Ainsi, la société de classification a invoqué l'exception d'immunité de juridiction d'un État étranger au titre de cette activité au motif qu'elle est le délégataire de l'Etat maltais pour la délivrance des certificats statutaires et de sécurité. Ce moyen est écarté par les juges. En effet, lorsqu'elle consiste à vérifier la mise en oeuvre des règles de sécurité au moyen d'inspections portant sur la solidité structurelle de la coque, l'activité des sociétés de classification est d'ordre privé, réalisée à la demande du propriétaire, en exécution d'un contrat conclu avec lui. Telle est bien la situation en l'espèce et l'activité de classification ne peut être rattachée à l'exercice de la souveraineté des États dont le pavillon flotte sur les navires pris en classe par la société. La société de classification ne dispose pas d'une délégation pour retirer la certification I.S.M. et ne peut donc pas prétendre pour ces faits à l'existence d'une immunité de

204 V. P. BONNASSIES, Le droit positif en 2007, D.M.F., hors-série n°12, juin 2008, p. 22.

205 Ibid.

206 v. note n° 93.

juridiction.

Le jugement du Tribunal de grande instance de Paris n'apporte pas de réponse quant à la question de savoir si une société de classification agissant par délégation de l'Etat du pavillon peut invoquer à son bénéfice l'exception d'immunité dont ce dernier bénéficie. Il faudra un arrêt rendu par une juridiction supérieure pour que le droit soit établi en la matière. Or, au regard de la quasi inexistence de jurisprudence sur la responsabilité administrative ou civile du fait de l'exercice de compétences statutaires, il est certainement plus salutaire d'attendre une décision en matière de responsabilité pénale. Exclue du domaine de l'arbitrage, la responsabilité pénale de la société de classification ou de ses experts peut être recherchée dans le cadre d'une mission déléguée par l'État du pavillon207.

Chapitre 2. La responsabilité pénale du fait de l'exercice de compétences statutaires

La responsabilité pénale de la société de classification ou de ses experts peut être recherchée dans le cadre d'une mission déléguée par l'État du pavillon. Cette mission des sociétés qui consiste en la fourniture de prestations intellectuelles de contrôle et de surveillance n'expose pas directement autrui à un danger. Néanmoins, les infractions d'imprudence fondent des poursuites à l'encontre des sociétés (section 1). Les règles répressives du droit de l'environnement se sont de plus en plus développées et ont, elles aussi, justifié des procédures à l'encontre des organismes (section 2).

Section 1. les infractions d'imprudence comme source de la responsabilité pénale des sociétés de classification ?

Les procédures engagées contre les sociétés de classification se fondent sur les infractions volontaires d'imprudence ou de négligence. La société et son expert peuvent être poursuivis pour atteintes involontaires à la vie et à l'intégrité physique d'autrui. L'infraction de mise en danger de la vie d'autrui peut également être le fondement de l'engagement d'une procédure. Ce n'est alors pas le dommage créé qui leur est reproché mais le risque de la survenance d'un dommage. Ainsi, dans l'affaire du naufrage de l'Erika, la société de classification RINA était notamment poursuivie pour

207 V. P. BOISSON, Politiques et droit de la sécurité maritime, op. cit., p. 496.

mise en danger de la vie d'autrui.

§ 1. Atteintes involontaires à la vie et à l'intégrité physique d'autrui.

Aujourd'hui, c'est l'article 221-6 du Code pénal qui traite de l'infraction d'atteinte involontaire à la vie. Il dispose que, « le fait de causer [...], par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la Loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire [...] ». Le caractère direct du lien de causalité entre le dommage et la faute n'est pas exigé, ce qui explique que la responsabilité des sociétés et de leurs experts soit retenue sur ce fondement.

Les prestations immatérielles des sociétés n'ont pas vocation à entraîner la mort. Monsieur Ferrer note à juste titre que l'armateur est le premier et dernier responsable de la qualité de son navire et qu'il apparaît alors comme le premier responsable de la mort de personnes en cas de pertes ou d'avarie de ce dernier208. La Cour de cassation a néanmoins retenue la responsabilité pénale d'un expert du Bureau Veritas pour manquement à son devoir de substitution et de conseil envers l'acquéreur d'un navire. Par une décision de la chambre criminelle du 30 mai 1980209, un expert du Bureau Veritas est reconnu coupable d'homicide involontaire à la suite du naufrage d'une drague.

La société Union Maritime de Dragage était propriétaire de la drague Cap de la Hague. Celle-ci est mise en service pour le compte de la Société des Ballastiers et Agglomérés du Rouennais afin de transporter des matériaux à béton. Le 11 octobre 1973, alors qu'elle est chargée de matériaux criblés et essorés, la drague fait face à de mauvaises conditions météorologiques et chavire. Ce naufrage entraîne la mort de 9 des 15 membres d'équipage. Deux rapports d'expertise montreront que la drague a été utilisée conformément au franc-bord délivré par la société de classification210.

La Cour d'appel de Douai, dans son arrêt du 6 juillet 1978211 conclut que, « le Bureau Veritas qui reçut de l'armateur mission d'assurer des prestations de contrôle technique avait le devoir de se substituer à l'armateur pour toutes les interventions de son ressort, hors de la compétence de celui-ci : la vérification et la mise au point des conditions d'exploitation de la drague ». Les juges constatent

208 M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit. , p. 380.

209 V. Cass. ch. crim., 30 mai 1980, Cap de la Hague, D.M.F., 1982, observations E. Langavant et P. Boisson, p. 146.

210 Monsieur Ferrer éclaire explique bien le fond de cette affaire très complexe, V. Ibid.

211 C.A. Douai, 6 juillet 1978, D.M.F., 1982, p. 153.

que le directeur des affaires maritimes du Bureau Veritas n'a pas suivi les dispositions obligatoires de l'article 2-151 de l'arrêté du 5 août 1971 imposant la fourniture au capitaine des données d'une expérience de stabilité et de la règle 102 de la Convention internationale sur les lignes de charge qui impose les mêmes obligations212. La Cour de cassation décide donc que le Directeur des affaires maritimes du Bureau Veritas doit répondre de l'inobservation des obligations contractuelles de la société avec l'armateur et de l'inobservation des règles générales de stabilité et de sécurité. Il est condamné à 10 mois de prison avec sursis et 10 000 francs d'amende. La Cour de cassation confirmera la décision des juges du fond213 et indique que la faute pénale est constituée du fait que « la société de classification avait le devoir de se substituer à l'armateur pour la mise au point des conditions d'exploitation de la drague ; en n'étendant pas son étude à toutes les densités possibles de la cargaison, elle aurait manqué à son devoir de conseil ».

La responsabilité pénale des experts des sociétés de classification semblait rester exceptionnelle car les jurisprudences postérieures ne l'avaient pas retenue. Dans l'affaire du Snekkar Arctic214 par exemple, la Cour d'appel de Rennes a relaxé l'expert du Bureau Veritas mais l'a condamné civilement. La jurisprudence du Cap de la Hague semble donc être une exception car les experts des sociétés de classification n'ont pas été pénalement condamnés depuis cette affaire.

Depuis l'introduction de la responsabilité pénale des personnes morales215 dans le Nouveau Code Pénal de 1994 à l'article 121-3, la responsabilité des sociétés de classification peut être directement recherchée216 en plus de celle de l'expert.

La jurisprudence française a retenu la responsabilité pénale des sociétés de classification sur le fondement de la négligence commise dans l'exécution des opérations d'inspection. Ainsi l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 23 septembre 2004 Number one217 confirme la décision du Tribunal correctionnel de Saint Nazaire du 18 mai 2003 qui avait retenu le comportement fautif de la société Nippon Kaiji Kiokai au sens des articles 221-6 et 121-3 du Code pénal et l'a condamné à une peine d'amende de 225.000 euros. Le navire Number One était classé depuis sa construction par la société de classification japonaise Nippon Kaiji Kiokai (NKK) et a coulé au large du Sri Lanka le 11 juin

212 V. M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit., p. 382.

213 V . E. LANGAVANT et P. BOISSON, L'affaire du naufrage de la drague Cap de la Hague et le problème de la responsabilité des sociétés de classification, D.M.F., 1982, p. 131.

214 C.A. Rennes, 17 sept. 1998, Snekkar Artic, D.M.F., 1999, p. 110 et D.M.F., 1999, hors série, n° 4, au n° 21, observations P. Bonassies.

215 V. J. PRADEL, Droit pénal général, EDITIONS CUJAS, 2004, p. 473

216 V. J.-P. BEURIER, op. cit., p. 268.

217 V. P. BLIN, observations sous C.A. Rennes, 23 septembre 2004, Navire Number One, D.M.F. 2005, p. 44.

1999 emportant avec lui 11 personnes dont le capitaine. Les ayants droit des victimes ont porté plainte contre l'armement et ont dénoncé le mauvais état du navire.

La Cour d'appel tire argument de la structure interne de la société et des procédures de contrôle hiérarchique permettant de garantir la fiabilité des rapports pour affirmer que le représentant qui a signé les rapports était bien qualifié, et à ce titre, a engagé la responsabilité de la société de classification218. La Cour d'appel pour confirmer la culpabilité de l'organisme de contrôle retient que : « La société connaissait les graves problèmes de corrosion affectant le navire, ayant exigé dans le passé le remplacement des tôles affectées de sévères corrosions. Elle connaissait aussi les réticences du précédent armateur à réaliser les travaux nécessaires, déjà très importants en 1990 et encore en 1993, avec des délais non respectés, puis à nouveau en 1995 ». Dans un arrêt du 10 janvier 2006, la Cour de cassation rejettera le pourvoi de la société de classification qui invoquait l'absence de lien de causalité entre les fautes qui lui étaient reprochées et le dommage. La Haute Juridiction se réfère à l'appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause par le juge du fond et confirme ainsi l'arrêt d'appel.

La responsabilité pénale des sociétés de classification peut donc être retenue pour atteintes involontaires à la vie et à l'intégrité physique. La mise en cause de la responsabilité pénale d'une société de classification pour homicide involontaire est « de nature à attirer l'attention des autorités maritimes concernées par les pratiques laxistes de contrôle de certaines sociétés de classification et de les inciter à contrôler plus rigoureusement la manière dont les certificats sont délivrés »219. La garantie de sécurité issue de l'attribution d'une classe élevée ne doit pas être de façade et doit correspondre à la réalité de l'état du navire.

En revanche, il est raisonnable de penser que l'engagement de la responsabilité pénale des experts devrait demeurer exceptionnelle220.

L'article 223-1 du Code pénal définissant le délit de risques causés à autrui peut aussi servir de fondement pour rechercher la responsabilité pénale des sociétés de classification.

218 V. L. JANBON, Le naufrage du Number One, D.M.F., 2006, p. 570.

219 V. commentaire de Monsieur Polère à propos de la condamnation du NKK et publié sur le site http://www.fortunesde-mer.com

220 V. M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit., p. 386., qui considère que la Loi du 10 juillet 2000 relative à la définition des délits non-intentionnels va permettre « d'exonérer » les experts. Il indique qu'à moins de violer délibérément une loi ou un règlement, l'agent indirect du dommage ne pourra plus être jugé pénalement responsable s'il ignorait que son comportement, d'action ou d'omission, créait à l'encontre des tiers un dangers d'une particulière gravité.

§ 2. Une infraction de prévention applicable aux sociétés de classification ? : le délit de risques causés à autrui.

L'article 223-1 dispose que « le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende ».

« Par son indifférence au résultat, et donc à ses effets tangibles, cette infraction perd en certitude ce qu'elle gagne en prévention [...] »221 , il faut donc étudier en détail ses éléments constitutifs.

Il doit tout d'abord exister une obligation particulière de prudence et de sécurité, ce qui désigne toute prescription relative au fait de ne pas porter atteinte à la vie et à l'intégrité physique. Il s'agit de l'imposition d'une conduite circonstanciée222 précisant exactement la conduite à avoir dans telle ou telle situation.

Cette obligation particulière de prudence et de sécurité doit découler d'une loi ou d'un règlement. Le terme loi n'est pas d'interprétation difficile et désigne les normes votées par le Parlement. La notion de règlement est en revanche plus délicate à délimiter. L'emploi du singulier semble indiquer qu'il s'agit d'une notion générique qui désignerait donc « tous les actes administratifs à portée réglementaire y compris les arrêtés municipaux [...] »223. Concernant l'activité des sociétés de classification, la notion de règlement engloberait donc les réglementations communautaires et les règles internationales de sécurité maritime. Le jugement rendu récemment par le Tribunal de grande instance de Paris apporte des précisions sur cette question.

Ainsi, dans le jugement Erika rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 10 janvier 2008, le réquisitoire de la poursuite indiquait que la société RINA avait délibérément violé des obligations de sécurité et de prudence imposées par la Convention S.O.L.A.S. et le Code I.S.M.. Mais les juges considèrent qu'aucune de ces règles conventionnelles « [...] n'édicte, à la charge des prévenus, une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement

221 V. P. MAYAUD, observations sous Cass. ch. crim., 11 février 1998, R.S.C., 1998, p. 545.

222 V. M. PUECH, De la mise en danger d'autrui, DALLOZ, 1994, p. 154.

223 V. M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit., note n° 1441.

au sens de l'article 223-1 du Code pénal, soit en déterminant un modèle de conduite circonstanciée précisant exactement l'attitude à adopter dans une situation donnée, soit en comportant des prescriptions objectives précises, immédiatement perceptibles et clairement applicables de façon impérative, sans faculté d'appréciation individuelle par la personne qui y est soumise »224. Le délit de mise en danger de la personne n'est pas constitué.

Si l'existence d'une obligation particulière de prudence et de sécurité imposée par le loi ou le règlement avait été prouvée, il aurait également fallu que soit constatée une violation manifestement délibérée de celle-ci. Cette formule traduit « la nécessité d'une méconnaissance intentionnelle de l'obligation de sécurité imposée par la loi ou le règlement, à l'exclusion de tout manquement par imprudence ou négligence »225. Dans le cadre de l'activité des sociétés de classification, il faut que l'expert ait perçu qu'il y avait du danger à laisser naviguer un navire qu'il inspecte. Cette appréciation du travail de l'expert est faite in concreto par le juge qui cherche à savoir s'il n'a pas eu conscience d'omettre de signaler un navire sous-norme par exemple226. Selon Monsieur Ferrer, il apparaît « difficile de démontrer par le silence de l'expert sa connaissance du mauvais entretien du navire , que ce silence constitue un risque grave pour l'intégrité physique d'autrui et enfin que l'expert n'a rien fait pour remédier à la situation »227.

La violation délibérée d'une obligation particulière de sécurité et de prudence et la connaissance d'un risque ne suffisent pas à constituer l'infraction, il faut également que soit constatée l'exposition directe à un risque imminent. Concernant l'objet du risque, il s'agit du risque de mort ou de nature à entraîner une mutilation ou un infirmité. Le danger doit être certain, actuel et non hypothétique228. L'exposition à ce risque doit être directe. Il faut donc démontrer un lien de causalité directe entre la violation délibérée de l'obligation particulière et l'exposition au risque. Ce lien de causalité est ainsi constaté lorsqu'un capitaine de navire a accepté à son bord un nombre excessif de passagers229. La démonstration de ce lien de causalité est ardue concernant les sociétés de classification. Il faudrait que la délivrance d'un certificat ait permis à un navire de prendre la mer

224 V. T.G.I. Paris, 10 janvier 2008, jugement Erika, p. 299.

225 V. T.G.I. Saint-Etienne, 10 août 1994, GAZ. PAL., 7-8 décembre 1994.

226 V. M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit., p. 395. L'auteur précise qu'il est bien plus difficile d'avoir conscience du danger que représente le mauvais état d'un navire lors de l'exercice d'une simple visite annuelle que lors de la réalisation d'une visite en cale sèche. C'est la raison pour laquelle une interprétation in concreto est salvatrice.

227 Ibid.

228 V. M. PUECH, De la mise en danger d'autrui, op cit., p. 156

229 Cass. ch. crim., 11 février 1998, R.S.C., 1998, p. 545, observations de Yves Mayaud. Lors d'un contrôle effectué par la gendarmerie maritime, le navire assurait le transport de 112 personnes en surnombre et le commandant du navire fut condamné pour mise en danger de la personne.

alors que ce dernier est endommagé. Dans de telles circonstances, une forte probabilité d'accident existe et donc le risque immédiat pourrait être constaté230. Selon Monsieur Ferrer, « la délivrance d'un certificat, même basée sur une visite extrêmement négligente, ne peut créer à elle seule un danger fortement probable »231.

La responsabilité pénale des sociétés de classification et des experts semble être difficile à retenir pour les infractions d'imprudence. L'exception de l'affaire du Cap de la Hague doit en rester une car, jusqu'à présent, les simples négligences n'ont pas fondé la responsabilité pénale d'un agent. Il faudrait beaucoup plus que de simples négligences mais une réelle perception des conséquences de son action par l'agent232. Les éléments constitutifs des infractions pénales spécifiques à la pollution de l'environnement marin s'appliquent plus facilement aux missions des sociétés de classification.

Section 2. La répression des infractions aux règles pénales de l'environnement comme nouveau foyer de la responsabilité des sociétés de classification

En droit français, la loi n°83-583 du 5 juillet 1983 fixe les peines relatives à l'inobservation des prescriptions de sécurité et de prévention des pollutions et les peines qui sanctionnent le rejet d'hydrocarbure. Elle sanctionne donc l'inobservation des dispositions des Conventions internationales M.AR.P.O.L. et S.O.L.A.S. qui ont été ratifiées par la France. Les dispositions de la loi française concernent les navires naviguant sous pavillon français mais aussi, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, les navires étrangers touchant un port français. Le décret d'application est le décret n° 84-810 du 30 août 1984, sur la sauvegarde de la vie humaine en mer, l'habitabilité à bord des navires et la prévention de la pollution.

Monsieur Ferrer considère que les dispositions de la loi de 1983 ne sont pas directement applicables aux sociétés de classification car elle vise expressément le constructeur, l'armateur, le propriétaire ou le capitaine du navire233. Les règles prévues sont « spécifiques à l'observation des dispositions des différentes Conventions internationales et ne visent donc que les exploitants des navires, en d'autres termes elles ne visent que les acteurs maritimes contrôlés par les organismes classificateurs »234. Le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 10 janvier 2008

230 V. M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit., p. 400.

231 Op. cit., p. 401.

232 V. M. PUECH, De la mise en danger d'autrui, op. cit., p. 154.

233 V. M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, op. cit., p. 404.

234 Ibid. L'auteur écarte toute application des règles pénales de l'environnement maritime aux sociétés de classification.

dans l'affaire Erika traite de cette question.

Le propriétaire du navire, le shipmanager de l'Erika, la société de classification RINA et la société TOTAL arguaient que l'article 8 de la loi du 5 juillet 1983 applicable au moment des faits et réprimant le délit de pollution ne pouvait pas leur être appliqué étant contraire aux Conventions internationales, en particulier à la Convention M.A.R.P.O.L. Mais les incriminations prévues par cet article 8 sont différentes. L'infraction est constituée par la pollution des eaux territoriales consécutive à un accident de mer résultant d'une faute qui, soit l'a provoqué, soit a consisté dans l'abstention de prendre les mesures permettant de l'éviter. La loi se réfère donc expressément à la pollution résultant d'un accident de mer, lui-même défini par la Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 sur l'intervention en haute mer. Cette pollution est bien distincte de celle envisagée par la Convention M.AR.P.O.L. qui dans son article 2 traite de la question des rejets d'hydrocarbures. La loi du 5 juillet 1983 précitée établit une distinction entre l'infraction de rejet illicite et celle de pollution consécutive à un accident de mer, lui-même provoqué par une faute d'imprudence ou de négligence. « Dès lors, l'article 8 de la loi du 5 juillet 1983 prévoyant une incrimination différente de celles édictées en application de la convention MARPOL, il ne peut être fait grief à la loi nationale d'être contraire à cette convention internationale, celle-ci et celle-là délimitant des champs distincts par la détermination qui leur est propre des comportements répréhensibles, des personnes punissables ou d'éventuels faits justificatifs »235.

L'incrimination prévue à l'article 8 de la loi de 1983 réprime non seulement le capitaine du navire, son propriétaire, l'exploitant, mais aussi toute personne exerçant en son droit ou en fait un pouvoir de contrôle ou de direction dans la marche ou la gestion du navire qui par sa faute a provoqué involontairement l'accident du navire à l'origine de la pollution ou à omis de prendre les précautions pour l'éviter.

Par le biais de la visite annuelle de classification, la société RINA a donc exercé en droit et en fait un pouvoir de contrôle sur la gestion du navire236. La rédaction de l'article élargit ainsi le cercle des personnes susceptibles d'engager leur responsabilité pénale aux sociétés de classification.

L'hypothèse de la complicité de ces infractions est également mise de côté car cela impliquerait que l'expert appréciant le navire comme étant en état d'infraction par rapport aux Conventions internationales, émettrait

sciemment un certificat qui maintiendrait le navire dans cet état et donc aiderait et assisterait l'armateur. Monsieur Ferrer considère qu'il faudra une interprétation très large de cette infraction pour retenir la complicité d'une société de classification, ce qui est contraire à la notion d'interprétation stricte des textes répressifs.

235 V. T.G.I. Paris, 10 janvier 2008, jugement Erika, p. 232.

236 V. T.G.I. Paris, 10 janvier 2008, jugement Erika, p. 294.

Le Tribunal de grande instance indique « qu'en renouvelant le 24 novembre 1999 le certificat de classification dans la précipitation et sous la pression de contraintes commerciales [...], et sans prescrire les mesures d'épaisseur à effectuer aussitôt, alors que les zones suspectes de corrosion substantielle qu'il avait observées après la visite spéciale quinquennale étaient, pour un professionnel, le signe manifeste de l'état préoccupant des structures d'un navire transportant habituellement des produits polluants, l'inspecteur de la société RINA a commis une faute d'imprudence »237.

La société RINA invoquait l'existence d'une fissure invisible238, assimilable à un vice caché du navire échappant à tout bon professionnel. Le Tribunal met au contraire en avant l'existence d'une corrosion élevée et généralisée et qui n'aurait pu échapper à la vigilance de la société de l'inspecteur de la société. Les juges ont réaffirmé que cette corrosion généralisée qui se situait précisément là où s'étaient produits les dommages a été, sinon la cause immédiate ou la cause déterminante, sinon la cause nécessaire ou la cause suffisante, du moins l'une des causes qui a conduit le navire à sa ruine.

La responsabilité de la personne morale est retenue car imputable à un inspecteur qui avait le pouvoir de décider seul du renouvellement de la classe, qui l'a visé seul, et qui, à ce titre, était l'un des représentants, au sens de l'article 121-2 du Code pénal239, de la société RINA. La faute d'imprudence de l'inspecteur est de nature à engager la responsabilité pénale de cette personne morale à raison de son activité de classification.

La 11ème chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris, dans son jugement du 16 janvier 2008 déclare pénalement responsable du délit de pollution des eaux ou voies navigables par un navire citerne, l'armateur, le commandant du navire, la société de classification RINA et la société TOTAL FINA ELF. Le Tribunal les condamne solidairement à indemniser les parties civiles des préjudices subis240. Les victimes de la pollution résultant du naufrage se sont réjouies de cette décision, « car la responsabilité pénale de la Société RINA et des personnes

237 V. T.G.I. Paris, 10 janvier 2008, jugement Erika, p. 275. Il s'agit d'un extrait choisi car les développements à ce sujet sont très longs.

238 V. T.G.I. Paris, 10 janvier 2008, jugement Erika, p. 250.

239 Le premier alinéa de l'article 121-2 du Code pénal dispose que « les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement et dans les cas prévus par le loi ou le règlement, des infractions commises, pour leur

compte, par leurs organes ou représentants ».

240 V. T.G.I. Paris, 10 janvier 2008, jugement Erika, p. 300.

morales protagonistes du naufrage, ne pouvait de leur point de vue, être écartée, au profit de la responsabilité de simples lampistes »241.

Les condamnés ont interjeté appel de cette décision et il faudra attendre la décision d'une juridiction supérieure pour confirmer la possibilité d'engager la responsabilité pénale des sociétés de classification pour infractions aux règles pénales de l'environnement maritime. La confirmation de ce jugement serait d'un grand retentissement pour les sociétés de classification. Le lien de causalité entre une pollution et un accident de mer est beaucoup plus simple à déterminer. Le délit de pollution des eaux ou voies navigables par un navire citerne serait alors une nouvelle source de la responsabilité pénale des sociétés de classification.

Conclusion

La délégation du contrôle des navires aux sociétés de classification peut, le plus souvent, s'expliquer par un manque de moyen des administrations des États du pavillon et/ou un manque de compétences des inspecteurs de l'État. Mais parfois cette délégation acte une véritable volonté de l'État du pavillon de ne pas assumer ses obligations. Quelles que soient ses justifications, la délégation semble marquer un désengagement de l'État dans le contrôle de ses navires242. Cet abandon de compétence est plus ou moins marqué selon les États. En France par exemple, la délégation aux sociétés de classification ne porte, sauf cas particulier, que sur la délivrance du certificat de franc-bord. Il ne serait donc pas approprié de parler d'un désengagement de l'État. C'est la technicité des contrôles préalables à la délivrance du certificat de franc-bord qui justifie cette délégation. En revanche, dans d'autres États, lorsque l'objet de la délégation est plus étendu et recouvre la totalité des missions de contrôle et de certification, le désengagement de l'État est acté. Cette situation est parfois malheureusement relayée par une absence de contrôle sur les organismes délégataires et le travail qu'ils effectuent.

Devant la survenance de nombreux naufrages de navires contrôlés par les sociétés de classification et la multiplication des critiques, divers acteurs institutionnels ont pris des mesures pour encadrer ce contrôle et poursuivent actuellement ces efforts. L'O.M.I. élabore des accords-type pour les relations entre l'État déléguant et la société délégataire. Les sociétés de classification ont réagi elles aussi en créant l'I.A.C.S. en 1968243. Mais c'est l'Union européenne qui a pris les principales mesures pour encadrer cette délégation avec notamment la procédure de l'agrément.

L'adoption du Paquet Erika III le 11 mars 2009244 reflète ce mouvement vers un plus grand encadrement du travail statutaire des sociétés de classification.. Les développements relatifs aux organismes agréés renforcent les systèmes de contrôle des sociétés de classification ainsi que les pouvoirs d'inspection et de sanction de la Commission. La directive actuelle 94/57/CE sera divisée en une nouvelle directive et un Règlement. Cette directive reprend les normes régissant les rapports entre les Etats membres et les organismes agréés. De son côté, le Règlement reprendra le régime de l'agrément communautaire y compris l'octroi et le retrait, les critères d'agrément, les obligations des organismes agréés et le régime de sanction. Cette réforme obéit à une logique de partenariat et

242 V. note n° 140.

243 V. P. BOISSON, Politiques et droit de la sécurité maritime, op. cit., p. 133. L'auteur explique les raisons de la création de l'I.A.C.S. et indique que son rôle est de promouvoir les normes les plus élevées possibles dans le domaine de la sécurité maritime et de la prévention de la pollution du milieu marin, de coopérer avec les organisations internationales maritimes compétentes, et de maintenir une coopération étroite avec les industries maritimes sur le plan mondial.

244 V. note n° 69.

d'auto-régulation.

Le système de sanction actuel est réformé et lorsqu'une société agrée ne s'acquittera pas correctement de ses fonctions, il sera désormais possible de lui imposer une sanction financière, tout en gardant la possibilité du retrait de l'agrément dans les cas les plus graves. Le principe de reconnaissance mutuelle des certificats de classification est adopté

Les principales questions qui subsistent concernent la responsabilité du fait de l'exercice de ces compétences statutaires. Le risque contentieux des sociétés de classification est très important et la tendance est à son accroissement du fait de la diversification de leurs missions. Mais la responsabilité administrative ou civile n'est engagée ni en France ni dans les autres pays membres de l'Union européenne.

Par ailleurs, l'intervention de nouveaux acteurs dans le contrôle des navires pourrait poser à l'avenir le problème d'une dilution ou d'un partage de la responsabilité. A côté des contrôles effectués par le RINA, le navire Erika avait été inspecté par le propriétaire de la cargaison, la société Total Fina Elf qui avait effectué un « vetting » du navire. Ce contrôle est défini par l'Association française des capitaines de navire comme « une inspection externe d'un navire par un «major» pétrolier ayant pour but d'examiner soigneusement et scrupuleusement ses défauts, ceux de ses managements technique et commercial et ceux de son équipage afin de déterminer les risques que peut présenter ce navire pour la compagnie pétrolière »245. Ces inspections vetting ne comprennent pas d'examen de la structure du navire qui reste du domaine des administrations des Etats du pavillon et des sociétés de classification au titre de leur mission privée et statutaires. Le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 16 janvier 2008 dans l'affaire Erika retient la culpabilité de Total Fina Elf dans le délit de pollution du fait de l'existence de ce vetting246 ainsi que la responsabilité de la société de classification RINA pour le même délit de pollution.

C'est à la jurisprudence qu'il revient de fixer les conditions d'engagement de la responsabilité des sociétés de classification du fait de l'exercice de leurs compétences statutaires.

245 Définition donnée sur le site de l'association : http://www.afcan.org/dossier_securite/vetting.html

246 Cette activité de vérification et d'approbation des navires que les compagnies pétrolières avaient mise en place de leur propre chef et sans obligation devient une activité qui engage la responsabilité de la compagnie en cas d'incident. V. T.G.I. Paris, 16 janvier 2008, Jugement Erika ; M. NDENDE, Responsabilités pour pollutions marines par hydrocarbures, note sous T.G.I. Paris, 11ème ch. corr. 16 janvier 2008, R.D. T., mars 2008, com. p. 32.

BIBLIOGRAPHIE

Thèses

· A. BELLAYER-ROILLE, Le transport maritime et les politiques de la sécurité de l'Union européenne, EDITIONS APOGEE, 2000.

· G. ATHANASSIOU, Aspects juridiques de la concurrence maritime, PEDONE, 1996.

· P. COSSALTER, Les délégations d'activités publiques dans l'Union Européenne, L.G.D.J., 2007.

· K. LE COUVIOUR, La responsabilité civile à l'épreuve de pollutions majeures résultant du transport maritime, P.U.A.M., 2007.

· D. DA SILVA, Les aspects juridiques actuels de la sécurité maritime, A.N.R.T., 2004

· M. FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, P.U.A.M., 2001.

· L. KHODJET EL KHIL, La pollution de la mer méditerranée du fait du transport maritime de marchandises, P.U.A.M., 2003.

· J.-P. NEGRIN, L'intervention des personnes morales de droit privé dans l'action administrative, L.G.D.J., 1971.

· M. RIMABOSCHI, L'unification du droit maritime, contribution à la construction d'un ordre juridique maritime, P.U.A.M., 2006.

Ouvrages généraux

· B. AUDIT, Droit international privé, 4ème édition, EDITIONS ECONOMICA.

· J.-P. BEURIER, Droits maritimes, 2ème édition, DALLOZ ACTION.

· R. CHAPUS, Droit administratif général, 15ème édition, MONTCHRESTIEN, 2001.

· D. DANJON, Traité de droit maritime, L.G.D.J., Paris, 1910.

· G. DUPUIS, M.-J. GUEDON, P. CHRETIEN (coll.), Droit administratif, 8ème édition, ARMAND COLLIN, 2002.

· P. FAUCHILLE, Traité de droit international public, ROUSSEAU EDITIONS, 1925.

· J.-F. LACHAUME, Droit administratif, 13ème édition, P.U.F. DROIT.

· J. PRADEL, Droit pénal général, 15ème édition, EDITIONS CUJAS, 2004.

· M. REMOND-GOUILLOUD, Droit maritime, PEDONE, 1988.

· R. RODIERE et E. DU PONTAVICE, Droit maritime, 12ème édition, PRECIS DALLOZ, 1997.

Ouvrages spécialisés

· P. ANDERSON, ISM CODE: a practical guide to the legal insurance implications, LLOYD'S PRACTICAL SHIPPING GUIDES, 1998.

· M. AUBOUIN, A. TEYSSIER, J. TULARD, Histoire et dictionnaire de la police du Moyen Âge à nos jours, BOUQUINS, 2005.

· P. BOISSON, Politiques et Droits de la Sécurité Maritime, EDITIONS BUREAU VERITAS, 1998.

· COLLECTIF Association Internationale du Droit de la Mer, Le Pavillon, Colloque International, 2-3 mars 2007, PEDONE, 2008.

· COLLECTIF (dir.), A. CUDENNEC et G. GUEGUEN-HALLOUET, L'Union Européenne et la mer - vers une politique maritime de l'Union Européenne?, PEDONE, 2007.

· R. CUISIGNIEZ, La réglementation de sécurité à bord des navires marchands, INFOMER, 2004.

· P. FATTAL, Pollution des côtes par les hydrocarbures, P.U.R., 2008.

· H. FOX, The Law of State Immunity, THE OXFORD INTERNATIONAL LAW LIBRARY, 2008.

· F. LILLE et R. BAUMLER, Transport maritime, danger public et bien mondial, EDITIONS CHARLES LEOPOLD MAYER, 2005.

· M. REMOND-GOUILLOU, Du droit de détruire, 1ère édition. P.U.F., 1989.

· S. ROBERT, L'Erika : responsabilités pour un désastre écologique, PEDONE, 2003.

· (dir) J. VERHOEVEN, Le droit international des immunités, contestation ou consolidation?, BIBLIOTHEQUE DE L'INSTITUT DES HAUTES ETUDES INTERNATIONALES DE PARIS, 2004.

Articles de doctrine

· B. J. ABRAHAMS SON, « Economics of regulation in shipping », MARITIME POLICY AND MANAGEMENT, 1982, n°3, pp. 220-227

· J.-B. AUBY, C. MAUGUE, « La notion et le régime de la délégation de service, quelques précisions du Conseil d'Etat », J.C.P., 1996, Edition Générale, chron. 3941.

· B. ANNE, « Rôle, activités et reconnaissance des sociétés de classification », REVUE MARITIME, mars 2003, n°455.

· L. ATHANASSIOU, « Le rôle et la responsabilité des sociétés de classification du point de vue du droit grec », A.D.M.O., 2006, Tome XIV, pp. 103-127.

· A. BELLAYER-ROILLE, « Les réactions juridiques de la communauté européennes suite au naufrage du Prestige: étude d'une politique ambitieuse de sécurité maritime », A.D.M.A., 2003, pp. 133-184 ; « Une responsabilisation accrue des acteurs de la sécurité maritime européenne », in., Planète océane, dir. J. GUELLEC et P. LOROT, CHOISEUL, 2006, pp. 161-179.

· G. BLAKE, « Lloyd's Register of Shipping 1760-196O », PUBLICATION DU LLOYD'S REGISTER SHIPPING, 1960.

· P. BOISSON, « Responsabilité des sociétés de classification: faut-il remettre en cause les principes du droit maritime? », D.M.F., 1995, pp. 110-130 ; « La sûreté des navires et la prévention des actes de terrorisme dans le domaine maritime », D.M.F., 2003, pp. 723-73 6 ; « La politique européenne de la sécurité maritime source d'efficacité? », in. L'Union Européenne et la mer, dir. A. CUDENNEC et G. GUEGUEN HALLOUET, PEDONE, 2007, pp. 329-336 ; « La société de classification bénéficie-elle de l'exclusion prévue par l'article III de la Convention CLC? », D.M.F., 2008, pp. 696-703 ; « Etats du pavillon / société de classification », in. Le Pavillon : actes écrites du colloque des 2 et 3 mars 2007, PEDONE, 2008, pp. 3 9-53.

· P. BONASSIES, « Sociétés de classification et convention de 1969/1992 sur la responsabilité pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures », D.M.F., 2008, pp. 691-696.

· L. CARROUE, « Ces espaces hors la loi du transport maritime », LE MONDE DIPLOMATIQUE, février 2000, pp.

· I. CORBIER, « Classification societies and maritime security », intervention au VIIIe Colloque organisé par l'I.I.D.M., Bariloche, 29 septembre-2 octobre 2003, J.P.A., 2005, pp. 3-12.

· D. FRY, « Chypre, une puissance maritime », POLITIQUE INTERNATIONALE, 2007- 2008, n°118.

· L. GRARD, Sécurité et transport dans l'Union Européenne, le recours aux agences de régulation », EUROPE, octobre 2003, chr. pp. 4-7.

· P. GRECIANO, « La responsabilité de l'Etat en droit aérien, l'exemple de la France et de l'Allemagne », <tp:// www.rajf.org/spip.php?article2646>>.

· L. JANBON, « Le naufrage du Number One », D.M.F, 2006, pp. 563 -5 72.

· E. LANGAVANT et P. BOISSON, « L'affaire du naufrage de la drague Cap de la Hague et le problème de la responsabilité des sociétés de classification », D.M.F., 1981, pp. 131-145.

· Y. MAYAUD, « Des risques causés à autrui. Applications et implications, ou de la naissance d'une jurisprudence », REVUE DE SCIENCES CRIMINELLES, 1995, pp. 575-581.

· J. MOREAU, « Responsabilité du fait d'actes de tutelle et de contrôle », J.-CL, Administratif, fasc. 918, n°123.

· H.R. NAJJAR, « Sociétés de classification, responsabilité envers les tiers », B. T.L., n°2916, 19 novembre 2001, pp. 773-775.

· M. NDENDE et B. VENDE, « La transposition par les Etats de la Directive portant communautarisation du Mémorandum de Paris », D.M.F., 2000, p. 307-314 ; « L'accident de l'Erika, procédures d'indemnisation des victimes et enjeux judiciaires autour d'une catastrophe pétrolière », REVUE DE DROIT DES TRANSPORTS, février 2007, étude n° 2 ; « Le jugement de l'Erika sur les responsabilités pénales et la réparation des dommages en matière de pollution des mers », REVUE DE DROIT DES TRANSPORTS, mai 2008, étude n° 6.

· W. O'NEIL, « Raising world maritime standards », MARITIME POLICY AND MANAGEMENT, 2004, n°1, pp. 83-86.

· P. POLERE, « Sûreté maritime : Bilan et perspectives du Code ISPS », D.M.F., 2006, pp. 275-284.

· J.-M. PONTIER, « Sur la conception française du service public », DALLOZ, 1996, chroniques, pp. 9-12.

· M. PUECH, « De la mise en danger d'autrui », DALLOZ, 1994, chroniques, pp. 153-157.

· M. REMOND-GOUILLOUD, « Anatomie d'un monstre marin : la loi du 5 juillet 1983 réprimant la pollution des mers par les hydrocarbures », D.M.F., 1983, pp. 703-7 14.

· D. TRUCHET, « Le contrôle et la surveillance des délégations de service public », R.F.D.A., 1997, numéro spécial, pp. 57-63.

Notes, conclusions, et commentaires de jurisprudence

· P. BLIN, obs. sous C.A. Rennes, 23 septembre 2004, Navire Number One, D.M.F., 2005, p. 44 ; note sous Cass. crim., 14 juin 2004, Navire Erika, D.M.F., 2004, p. 862.

· P. BONNASSIES, obs. sous C.A. Rennes, 17 septembre 1998, Snekkar Arctic, D.M.F., 1999, Hors-série, n°4.

· P. CHAUMETTE, obs. sous C.E. sect., 13 mars 1998, M. Améon et autres, D.M.F., 1998, p. 790.

· E. LAFERRIERE, concl. T.C., 5 mai 1877, Lamonnier-Carriol, Rec., 1877, p. 537.

· E. LANGAVANT et P. BOISSON, obs. sous Cass. crim., 30 mai 1980, Cap de la Hague, D.M.F., 1982, p. 146.

· P. MAYAUD, obs. sous Cass. crim., 11 février 1998, R.S.C., 1998, p. 545.

· M. NDENDE, « responsabilités pour pollutions marines par hydrocarbures », note sous T.G.I. Paris, 11 ème ch. corr. 4ème section, 16 janvier 2008, REVUE DROIT DES TRANSPORTS, mars 2008, commentaires, p. 32.

· M. PUECHAVY, note sous C.E.D.H., 21 novembre 2001, Al-Adsani c. Royaume-Uni, GAZ. PAL., 21 décembre 2001, p. 23.

· ROMIEU, concl. C.E., 6 février 1903, Terrier, G.A.J.A., n° 12.

Ressources internet

· Site de l'Association française des capitaines de navire <<http://www.afcan.org/>>

· Site de la société de classification Bureau Veritas << http://www.bureauveritas.fr>>

· Site de la Commission européenne dédié au transport
<<http ://ec.
europa. eu/transport/ined_en. htm>>

· Site de l'Agence européenne pour la sécurité maritime <<http://www.emsa.europa.eu/>>

· Site Fairplay international shipping weekly <<http://www.faiplay.co.uk/>>

· Site du Germanisher lloyd <<http://www.gl-group.de/>>

· Site du Lloyd's List <<http://www.lloydslist.com/>>

· Site tradewinds <<http ://www. tradewinds. no/>>

· Site des gardes côtes des Etats-Unis d'Amérique <<http://www.uscg.mil/>>

TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE 4

ABREVIATIONS ET SIGLES 5

INTRODUCTION 7

Section 1. L'apparition de règles préventives face à l'insécurité maritime 7

Section 2. Le principe contemporain du contrôle des navires par l'Etat du pavillon 10

Section 3. Le développement de la délégation du contrôle des navires aux sociétés de classification 11

PREMIERE PARTIE : DES COMPETENCES DELEGUEES DE L'ETAT DU PAVILLON
AUX SOCIETES DE

CLASSIFICATION 16

CHAPITRE 1. L'objet de la délégation : le contrôle de la conformité aux exigences conventionnelles 1 6

Section 1. La certification de la conformité aux Conventions sur la sécurité

maritime 17

§ 1. Les visites prévues par les instruments internationaux 17

§ 2. La délivrance des certificats de conformité 22

§ 3. Le contrôle de la conformité aux Codes I.S.M. et I.S.P.S., reflet de l'extension des missions confiées aux sociétés de classification 23

Section 2. La conformité aux Conventions Internationales sur la pollution en mer : la Convention MARPOL 27

§ 1. Les diverses visites prévues par la Convention
28

§ 2. La délivrance des certificats de conformité 29

CHAPITRE 2. La particularité du régime juridique de la délégation aux sociétés de classification 32

Section 1. La nécessaire reconnaissance préalable des sociétés 33

§ 1. Les apports du droit international sur le régime juridique de la délégation
34

§ 2. La procédure d'agrément européen : écho d'une régionalisation de la sécurité maritime 36

Section 2. Une délégation originale de contrôle des navires aux sociétés de classification 44

§ 1. Identification des éléments constitutifs d'une délégation de service public 45

§ 2. Une délégation au régime juridique original 49

DEUXIEME PARTIE : LA RESPONSABILITE DU FAIT DES COMPETENCES
STATUTAIRES ; LA NECESSITE D'UNE ADEQUATION AVEC LEUR RÔLE
PREPONDERANT DANS LA GARANTIE DE LA SECURITE MARITIME
54

CHAPITRE 1. La responsabilité administrative

54

Section 1. La responsabilité administrative prévue par le droit français 55

§ 1. La compétence juridictionnelle des tribunaux administratifs : une spécificité française 55

§ 2. L'application d'une responsabilité de droit public aux sociétés de classification 57

Section 2. Existence d'obstacles à l'engagement de la responsabilité des sociétés de

classification 64

§ 1. Une impunité légale dans l'application du droit du pavillon 64

§ 2. La question de l'immunité de juridiction par l'application du droit du for 66

CHAPITRE 2. La responsabilité pénale 74

Section 1. Les infractions d'imprudence comme source de la responsabilité pénale des sociétés de classification ? 74

§ 1. Atteintes involontaires à la vie et à l'intégrité physique d'autrui 75

§2. Une infraction de prévention applicable aux sociétés de classification ? : le délit de risque causé à autrui 78

Section 2. La répression des infractions aux règles pénales de l'environnement maritime comme nouveau foyer de responsabilité pénale 80

CONCLUSION

84

BIBLIOGRAPHIE 86

TABLE DES MATIERES 92






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite