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Solto na cidade - uruguaiana

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par Florence Emberger
ENSAPB - Master 1 2009
  

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L'occupation de l'espace, entre accords et négociations

La notion de propriété

Comme il a déjà été sous entendu précédemment, il règne une ambiguïté sur le statut des camelots. Ils se déclarent propriétaires du point. La règle leur interdit strictement de louer ou vendre leur espace, mais comme nous pouvons le constater c'est malgré tout monnaie courante.

« Ils peuvent être propriétaires du box de la façon suivante; Une association a construit tout ça et leur a donné le droit d'utiliser le box en question. Mais ils ne sont pas propriétaires de la terre. La terre est la propriété de l'état. »

(Sydney - Rio Trilhos - Entretien réalisé en janvier 2008)

« Il est interdit de louer des box ici. Il est interdit de louer ou de vendre, c'est interdit par la Prefeitura. Nous on ne s'occupe pas de ça, celui qui veut un box il doit voir avec la Prefeitura»

(Rosa Alice - Actuelle présidente de l'UNIO - Entretien réalisé en décembre 2007)

Dans son discours la présidente de l'UNIO est très cohérente, consciente des limites des pouvoirs qui leurs sont donnés, et des droits des camelots. Dans la pratique on verra par la suite que l'association s'est elle même autorisée le droit de louer le sol. En ce qui concerne les camelots, l'UNIO se garde d'intervenir sur les locations de box, et comme nous l'avons vu plus haut, pour trouver un lieu de vente il est plus e cace d'avoir des contacts que de passer par l'association qui ne fait pas agence immobilière. La conséquence pour tous les camelots nouveaux arrivants est une confusion générale, il leur parait évident qu'il existe un propriétaire.

« Mais au départ il a acheté à quelqu'un ou il est arrivé là en étant directement propriétaire ? Il a été directement propriétaire.

Ah oui ? Comment ça a fonctionné ça ?

Ah, c'est très di cile je ne sais pas. Il n'y a que lui qui sait. »

(Kelly , 17 ans- vendeuse dans la quadra C depuis 14 ans - Fille du propriétaire - Entretien réalisé en janvier 2008)

Les anciens camelots a rment avec aplomb qu'ils sont propriétaire mais on peut malgré tout imaginer qu'ils sont conscient de l'ambiguïté de leur situation, et savent juste en pro ter.

« C'est le monde semi-marginal tu comprends, ils ont des contrats, mais ne sont maîtres de rien. Ils sont là parce que c'est un politique qui les a laissé faire. Comme les favelas tu vois. »

(Sydney - Rio Trilhos - Entretien réalisé en janvier 2008)

En n un tel sentiment est plus que compréhensible, puisque ce sont eux qui ont créé ce lieu et l'ont fait fonctionner. Sydney fait remarquer à juste titre que ce même débat est soulevé concernant les favelas. La di érence réside dans le fait qu'apparaissent des décrets donnant des autorisations de d'occupation de territoire à vie, revenant à un compromis entre informalité et propriété concernant les favelas. Rien n'existe encore à ce sujet concernant les lieux de commerce. Il est vrai que la question ne s'était pas encore posée, jusqu'alors les camelots n'avaient jamais pu revendiquer à un titre de propriété en occupant les rue. Cependant, ce sujet n'est pas à l'ordre du jour et face à l'importance qu'a pris le Camelódromo aujourd'hui dans la ville, il est dans l'intérêt de la majorité de la laisser fonctionner, beaucoup trop d'emplois étant en jeu.

L'organisation du camelot dans son box, ou l'art de tirer prof t du moindre espace

Comme on a pu le constater, toutes les constructions ont été faites par les camelots, et il est intéressant de noter que suivant la marchandise proposée, on peut classer les box suivant des typologies spéci~ ques.

En règle générale, on peut imaginer qu'à l'origine les box devaient être relativement identiques. Suivant leurs localisations les dimensions pouvaient légèrement varier (s'il vient s'adosser à un mur il peux béné~ cier d'une plus grande profondeur), mais le modèle classique reste de 1,50mx1,50m. Par la suite ces dimensions se sont vues modi~ ées suivant les alliances passées, devenant des multiples de 1,50. L'époque de construction in ue aussi, comme nous l'avons vu précédemment, en ce qui concerne les hauteurs sous plafond. On pourrait penser que ce n'est qu'un détail à l'échelle du box, mais en réalité cela in ue directement sur son aménagement interne. Dans la quadra A, la hauteur est très basse et inutilisable, alors que dans les autres elle est nettement supérieure et sert au stockage de marchandises, et à la mise en place de pancarte, venant jouer un grand rôle dans l'aspect des couloirs.

En matière de matériaux, les boxes sont généralement tous faits de la même manière. Un structure de poteaux métalliques vient encadrer des murs séparatifs généralement en agglomérés recouverts d'un revêtement blanc, ou en plastique fort. Le système de fermeture est identique pour tous; un rideau de fer qui se tire du haut vers le bas et vient se fermer à l'aide d'un cadenas dont l'attache est ~ xée au sol.

La quadra A, pour avoir une grande quantité de matériel de valeur est la seule qui possède un système de fermeture identique à celui des box au niveau des entrées de chaque couloir donnant sur l'extérieur, assurant ainsi une meilleur protection de la marchandise.

Une homogénéité des matériaux de construction ne va pas empêcher à ensemble à d'avoir un aspect chaotique, car ce qui dessine avant tout l'architecture d'Uruguaiana, c'est la marchandise. Suivant le type de produits vendus dans le box, l'exploitation de l'espace est di érente, mais ils ont tous le point commun d'une exploitation intensive du moindre espace. C'est ainsi que l'on va di érencier les types auxquels je faisait allusion tout à l'heure.

On note également une di érence d'utilisation de cet espace pour les clients, qui se font de trois façons,
représentées par les symboles ci-contre. Dans certains cas le client peut circuler pour observer la marchandise
par l'extérieur, soit venir fouiller à l'intérieur, ou aborder la marchandise de manière frontale, et le client reste

Figure 17

face au comptoir.

Solto na Cidade - Uruguaiana

La boutique d'informatique

Tous les box vendeurs de matériel informatique ou électronique ont opté pour une même stratégie de présentation de marchandises sur de petites étagères qui tapissent les parois séparatrices sur toute la hauteur. On trouve également le traditionnel comptoir de verre qui expose des produits à plus forte valeur marchande (logiciels, téléphones, appareils photos...)

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La boutique atelier

Très similaire à la précédente, la boutique atelier comporte quand à elle un petit plan de travail, submergée d'outils et de matériaux. Une des caractéristiques est la multiplicité des tiroirs dans lesquels le camelot garde tous ses composants. On notera à l'occasion que la seconde boutique est un des rares cas de box à double orientation, donnant sur deux couloirs, conf guration que l'on ne rencontre que dans la quadra A.

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La boutique vitrine - Stratégie du vendeur de chaussure

Cette boutique est à mes yeux la plus originale, car elle réinvente l'idée de la boutique dans laquelle on entre, et se sert de tout le volume comme d'un support d'exposition. Toutes les parois se voient utilisées pour poser des étagères autours desquelles les acheteurs tournent et font leurs choix. La partie intérieur devient un lieu de stockage auquel les clients n'ont pas accès. Pour cette raison les vendeurs de chaussures sont généralement placés en angle, multipliant ainsi la surface d'exposition.

C'est selon moi ce type de vendeur qui gagne la palme de l'usage des surfaces. La structure du boxedisparaîttotalement,tapissée d'unefoultitude de marchandise,jusquesur l'enseigne qui est généralementinexistante. Les paroisintérieuresetlorsquec'estpossibles lesextérieurségalement sont alors recouvertes de marchandises, donnant naissance à une toute autre architecture. Dans le cas suivant, la partie supérieure de la boutique sert d'entrepôt alors que toute la partie basse peut être allègrement fouillée par les clients. Sur ce relevé, le vendeur a de nombreux supports supplémentaires qu'il entrepose la nuit dans le box, et qu'il sort en journée, lui permettant ainsi d'augmenter sa surface de vente. Dans le cas présent, possible uniquement pour les vendeurs situés en bordure du Camelódromo, cette dernière est alors tout simplement doublée.

Solto na Cidade - Uruguaiana

Le vendeur accumulateur

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Les possibilités d'extension de son espace de vente

L'exemple précédent qui est loin d'être un cas isolé est la parfaite illustration de ce qui est monnaie courante dans le Camelódromo, à savoir le déploiement de la zone de vente hors des limites ~ xées initialement par le tracé de la Prefeitura. Lorsque l'on aborde le sujet les camelots aiment à plaisanter sur cet absence de limites, insistant sur les libertés que leur donne le statu de camelot, doublé par le fait qu'ils exercent dans un lieu ou les lois sont faites par eux mêmes, ce qui devient un élément de ~ erté.

« Je vois que tu as ton box ici et que tu utilises aussi toute la partie de devant. Tu as le droit de faire ça?

Non.

Mais il n'y a pas de problème pour que tu fasses ça?

Non.

Personne ne fait de remarque?

C'est que je suis un ancien ici, alors personne ne se plaint. Je m'entends bien avec tout le monde... C'est le Jeitinho Brasileiro! »

(Luis - Vendeur dans la quadra C depuis 14 ans - Propriétaire - Etretien réalisé en janvier 2008)

Il existe au Brésil un fait de notoriété publique; le Jeitinho Brasileiro, que l'on pourrait traduire par l'art de la débrouille (brésilien). C'est cet art de la négociation, de détourner les règles, de toujours tirer son épingle du jeu, qui à plus grande échelle vaut la corruption dont le Brésil sou re beaucoup. Même si un stéréotype donne cette capacité de débrouillardise aux latins en règle générale, le terme Jeitinho Brasileiro est o ciellement établi dans la culture et fait la ~ erté de son peuple, ou pour le moins des Cariocas, qui n'hésitent pas à excuser certains de leurs actes par le Jeitinho Brasileiro.

Ainsi, le jeitinho brasileiro est une des règles primordiales qui a cour au sein du camelodromo. Aussi bien face à la Prefeitura pour l'appropriation des lieux qu'entre les camelots eux même, pour la négociation des espaces.

Les aerations de metro utilisees comme support de vente

Marques au sol dans la Quadra D, af n de limiter les expensions des boxes

L'art de contourner les règles

L'une des règles principales au sein du Camelódromo est qu'un camelot n'a le droit qu'à un box. En connaissance de cette règle, on est étonné par la quantité de boxes qui ont été joints pour n'en faire qu'un seul. De même, en discutant avec des employés, ils n'est pas rare qu'ils expliquent que leur patron possède en réalité plusieurs boxes au sein du Camelódromo.

« Cette boutique est la seule de matériel de pêche?

Non, non, il y a d'autres boutiques ici. Il y en a ici d'autres propriétaires, ils y en a d'autres aussi mais du même propriétaire, mais dans d'autres endroits, dans d'autres rues, dans d'autres quadras »

(Tiago, 21 ans - vendeur dans la quadra C depuis 1an - Employé - Entretien réalisé en janvier 2008 )

Dans certains cas les employés sont plus en mesure de donner des informations sur ces multipropriétaires, et on se rend compte qu'elle peut être en réalité le fruit de plusieurs types d'alliances qui détournent habilement cette règle, tout en l'applicant.

« Il a 3 boutiques. Une là il est associé avec un mec, ici il loue, et là la grande là bas c'est à lui. Il a trois 3 boutiques ici, dans le mercado popular. Deux dans la quadra D et une dans la quadra C. »

(Fernando, 18 ans - vendeur dans la quadra D depuis 4 ans - Entretien réalisé en décembre 2007)

« Il y a combien de box ici?

Trois. Là c'en est un, entre là et là c'en est un autre, et il y en a encore un de l'autre coté. Et donc ce sont les trois frères les trois propriétaires?

Non, le propriétaire c'est que lui, le grand »

(André, 20 ans - vendeur dans la quadra C depuis 2 ans, dans la boutique « les trois frères » - Entretien réalisé en janvier 2008)

On comprend aisément que la règle « un box - un camelot » n'ait pas été très di cile à faire respecter, étant donné que chacun souhaitait pro ter de l'espace qui lui avait été attribué. Bien sur, ce n'est pas le cas de tous les box, mais généralement, ceux qui proposent un même type de marchandise sont rattachés à un réseau commun. On pourrait mettre ce réseau sur le dos de la sédentarisation du camelot dans ce lieu, ce qui lui a permis de s'organiser, de créer toute une structure de commerce. Cependant, nous reviendrons dessus un peu plus tard, le camelot n'a pas attendu d'arriver dans un Camelódromo pour s'organiser...

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard