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Solto na cidade - uruguaiana

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par Florence Emberger
ENSAPB - Master 1 2009
  

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Être camelot à Uruguaiana.

Comme il a été évoqué dans la première partie, le métier de camelot est vu par la majorité de la population comme un métier marginal. Cependant être vendeur au Camelódromo est pour ses travailleurs un symbole de réussite. La situation est assez ambiguë ; à la fois faisant partie de la grande famille des camelots, tout en étant sortis de la rue, ces vendeurs semblent occuper plusieurs statuts. Qui sont donc les vendeurs du Camelódromo ? Se sentent ils di érents des vendeurs ambulants maintenant qu'ils se sont sédentarisés ?Quel est leur quotidien ? Cette sédentarisation ouvre-t-elle une porte vers de nouvelles activités? Toute une série de questionnements qui nous permettront de mieux comprendre ce que signi~ e être vendeur à Uruguaiana.

Cette partie est les fruit de nombreux entretiens avec les camelots. Les questions posées étaient alors très simple, basées sur le mode d'arrivée dans le Camelódromo, les notions d'identités, d'appartenance et de limites du lieu, et en n la capacité d'orientation des camelots au sein de ce labyrinthe. Ces premiers essais furent concluants uniquement en ce qui concerne la notion d'identité et leur regard sur les vendeurs ambulants qui opèrent aux alentours. J'avais l'espoir que de nouveaux thèmes apparaitraient au cours des entretiens, mais lors de cette première étape les camelots se sont montrés relativement mé~ ants. Avec le recul, je me dis que commencer par des entretiens fut une grosse erreur. En e et, à partir du moment ou j'ai commencé à faire des relevés, ou encore des exercices de cartes mentales, un nouveau type de dialogue s'est instaurés avec les camelots, qui à leur tour ont commencé à me poser leurs propres questions. Une nouvelle forme de relation a vue le jour dans laquelle ces derniers se sont sentis bien plus à l'aise, et m'ont livré de nouvelles informations, notamment en ce qui concerne les associations intra-camelots, ou encore les réticence face à l'intouchable UNIO. En n le simple fait de devenir un élément du quotidien pour les camelots a probablement joué dans le gain de con ance qui s'est opéré un peu plus chaque jour.

Qui sont les vendeurs du Camelódromo ?

« Ça n'a jamais été fait, mais si on faisait un recensement de tous les gens qui travaillent aujourd'hui dans le Camelódromo, et qu'on le comparait avec la liste des camelots enregistrés en 94, je pense que l'on ne retrouverait pas beaucoup de monde ».

(Roberto Anderson - Prefeitura- Entretien réalisé en septembre 2008)

Pas si sur mon cher Roberto...

Roberto Anderson n'a pas tout à fait tord en faisant cette a rmation, dans le sens où entre 1994 et aujourd'hui, les travailleurs d'Uruguaiana ne sont plus tout à fait les mêmes. Bien évidemment, je ne me suis pas amusée à demander à chacun des travailleurs des 1600 box depuis combien de temps ils travaillaient dans le Camelódromo, mais la question a été posée au cours de chaque entretien réalisé (soit

un échantillon de 25 personnes), et je pense qu'il est déjà possible de tirer quelques conclusions.

Avant toute chose il est important de dé nir exactement ce que veut dire Roberto par « tous le gens qui travaillent aujourd'hui dans le camelódromo ». Si par cette expression il désigne les travailleurs qui peuplent de leur présence ce lieu, c'est e ectivement un fait. Si par contre il fait allusion aux travailleurs qui chaque mois touchent de l'argent par la vente de marchandise dans l'espace qui leur a été attribué, alors je pense pouvoir dire que c'est tout le contraire. La majorité des camelots qui se sont vus attribuer un emplacement à Uruguaiana a su en tirer parti, et rare sont ceux qui n'y sont plus liés. Lorsque Roberto a fait cette supposition, nous parlions du fait que les camelots se soient déclarés propriétaires du lieu (nous reviendrons sur cette notion un peu plus tard dans cette partie), et qu'ils revendaient leurs emplacements pour des sommes astronomiques. En réalité je n'ai personnellement rencontré aucun camelot qui ait pu me dire qu'il avait racheté un boxe, et les chanceux qui ont obtenu un emplacement ne sont pas près de l'abandonner. Au cours des mois passés là bas, j'ai connu un camelot qui avait renoncé à son boxe, Brad, et il n'avait pas quitté le Camelódromo pour autant. Nous reviendrons sur son cas par la suite.

Les anciens et leurs héritiers

Quinze ans après la création du Camelódromo, il est normal que sa population ait changé. Cependant, il n'est pas rare de rencontrer quelqu'un qui puisse se vanter d'avoir participé à l'aventure Uruguaiana depuis son origine. Un certain nombre de camelots tirés au sort aujourd'hui sont encore présents, et ont généralement emporté avec eux de la famille. Cela n'a rien de très étonnant car au fur des conversations on réalise qu'être camelot n'est pas qu'un choix face à un manque de travail, c'est aussi une histoire de famille. Aussi bien dans le Camelódromo que dans la rue. Il n'est pas rare que les parents se fassent aider par leurs enfants, quittes à les laisser responsables du point de vente au bout d'un certain temps. On notera au passage que ce fonctionnement familial est général, puisqu'on le constate également au sein de l'UNIO ; rappelons le, Filipe, qui a été mon principal contact avec l'association de camelots, est le ~ ls de Rosalice la présidente.

« Je travaille ici depuis très longtemps. C'est mon père qui a commencé ici il y a 17 ans. Ici c'est une boutique de famille?

De mon père oui. Je travaille ici parce que j'aime bien venir ici, et puis mon père m'a appelé pour que je vienne travailler avec lui, et je suis venue l'aider. »

(Kelly , 17 ans- vendeuse dans la quadra C depuis 14 ans - Entretien réalisé en janvier 2008)

« C'est ma tante qui été propriétaire du point ici. Elle est décédée, et mon oncle m'a proposé qu'on vienne travailler ici du coup »

(Deivid, 29 ans- vendeur dans la quadra B depuis 1 an et demi - Entretien réalisé en septembre 2008)

Un vendeur de la quadra A

« Non, mais c'est parce que le chef ici, le chef ici c'est mon cousin. Il a déjà une fabrique, la fabrique est à lui. J'ai déjà travaillé pour lui, depuis longtemps »

(Fernando, 18 ans - vendeur dans la quadra D depuis 4 ans - Entretien réalisé en décembre 2007)

Dans le Camelódromo où les lois sont bien di érentes de celles du système formel, celle de la relation familiale ou encore amicale est essentielle. Certes on ne peut pas nier que quelque-soit le monde auquel on appartient il existe toujours ces réseaux non dits. Mais à Uruguaiana, il semblerait que ce réseau soit la seule et unique clé d'accès reconnue pour pénétrer dans l'univers de ces vendeurs.

Couloir de la quadra D

Les employés ordinaires

Ces anciens ne travaillent généralement plus tous seuls. Il est courant de rencontrer un camelot qui a sous son aile quelques employés. De plus il n'est pas rare que ces camelots aient généralement plusieurs casquettes, et que le boxe qu'ils possèdent a Uruguaiana soit un point d'entrée d'argent parmi d'autres. Ainsi on rencontre souvent des employés qui donnent l'illusion d'être des vendeurs indépendants alors qu'ils sont employés d'un autre camelot qui exerce ailleurs, parfois dans le Camelódromo mais parfois aussi à l'extérieur. Dans ce cas présent, on ne peut donc pas dire que le camelot qui s'est vu attribuer un emplacement y ait renoncé. Il en pro te pour le rentabiliser de la manière qui lui convient le mieux, en employant une autre personne. Ainsi le camelot devient un patron par le simple fait qu'il se soit vu attribuer un emplacement. Ce cas est très répandu dans Uruguaiana.

Une fois encore, le réseau famille-amis semble primordiale pour accéder à ce statut d'employé dans le Camelódromo.

« Ici je suis employé.

Comment est ce que tu es arrivé ici?

Ici j'ai été présenté par l'intermédiaire d'un gars qui habite dans ma rue. Il travail déjà depuis un moment ici.

Vente de vêtements dans la quadra C

Il travaille ici?

Non, ici même non. Dans le camélodromo, mais dans une autre boutique qui est dans une autre quadra. Après il m'a présenté le gars, et j'ai commencé à travailler. »

(Tiago, 21 ans- vendeur dans la quadra C depuis 1 an - Entretien réalisé en décembre 2007)

« Je suis arrivée ici par contact avec des amis. J'ai rencontré quelqu'un à une fête, il m'a parlé d'ici et il m'a indiqué. Et maintenant je travaille ici.

Qu'est ce que tu faisais avant?

J'étais employée au mac donald. »

(Mikael, 27 ans - vendeuse dans la quadra B depuis 2 ans - Employée - Entretien réalisé en janvier 2008)

Parmi ces employés il a été très fréquents de rencontrer des étudiants qui travaillent dans le Camelódromo de façon temporaire, le temps de ~ nancer et terminer leurs études, ce qui est le cas de l'interlocutrice ci- dessus.

A propose de ces patrons, je sous-entends qu'ils sont tous des camelots de la première génération qui a été tirée au sort, car c'est la réponse que j'ai obtenu lors de mes entretiens. Cela dit en 1999 on pouvait lire que les camelots revendaient leurs boxes10, comme y faisait allusion Roberto Anderson... Cette éventualité n'est certes pas exclue mais je n'y ai quasiment jamais été confrontée. Je dis quasiment car une de mes conversations avec un des camelots m'a laissé pensé qu'il pouvait s'agir d'un de ces « nouveaux propriétaires » :

« Ça fait 7 ans que je suis là

Tu as acheté ce boxe ?

Alors là on arrive dans une partie que je ne peux pas te parler.

Pourquoi ?

Parce que non. C'est déjà quelque chose de personnel, qui ne regarde que moi. C'est entre guillemets personnel. Moi je veux bien t'aider à faire ton travail, mais pas sur ce qui concerne ma partie personnelle. »

(Adex- vendeur dans la quadra D depuis 7 an - Entretien réalisé en octobre 2008)

Le fait qu'il soit ce pendant un des ces « nouveaux acheteurs » n'en est pas pour autant évident, cependant, étant donné que le simple fait de passer un accord de location avec le propriétaire du boxe est déjà vu comme une fraude, ce camelot aurait pu vouloir simplement rester discret sur une situation de locataire similaire à tant d'autre, qui sont ceux que je quali~ e de...

La nouvelle génération de camelots

Pour ce dernier cas de camelots, il s'agit de vendeurs, généralement jeunes qui, par manque de travail et/ou simple prise d'initiative personnelle, décident de fonder leur propre entreprise de vente. Ces personnes sont des vendeurs indépendants qui n'ont rien à voir avec les employés évoqués précédemment. Pour des raisons de facilité et de stratégie commerciale, ils choisissent de louer un local dans le Mercado Popular.

Pour trouver un boxe libre dans le Camelódromo, il faut avoir ses entrées. Et aussi étonnant que cela paraisse, le passage par l'UNIO est une possibilité et non une fatalité. La transaction peut se faire directement avec le « propriétaire » légal du boxe, ce qui explique pourquoi même l'association de camelots ne possède aucun registre des travailleurs du Mercado popular. Mais là encore, attention ! Un camelot ne vend pas son box, il le loue, bien que ce soit interdit par la Prefeitura.

1 0 Werneck Antônio (20 juin 1999) « O mercado sem lei da Uruguaiana », Globo, primeiro caderno, p.12

« J'avais un ami qui travaillais ici, et il nous disait tout le temps, pô, allons travailler là, vous allez gagner de l'argent. J'ai un bon plan pour vous si vous voulez gagner vraiment de l'argent. Etc etc. Et de là, on y a cru, on s'est regroupés à trois amis

Vous êtes trois?

Oui c'est ça.

Ça coûte cher d'avoir une boutique ici?

Non. Tu loues. Tu paies un loyer par mois. Nous on paie 200 reais »

(Wellington, 21 ans- vendeur dans la quadra D depuis 3 semaines - Entretien réalisé en décembre 2007)

Quelques chi res sur les travailleurs d'Uruguaiana

Le tableau ci joint fait un compte rendu des informations tirées de 25 entretiens réalisés, relatant la quadra où le camelot exerce, son ancienneté, à quelle catégorie de camelot il appartient d'après les critères établis ci-dessus, et par quels moyens il est entré dans le Camelódromo. Il faut prendre ces résultats avec précaution car il s'agit d'un très petit échantillon de travailleurs face à la quantité présente. D'autant qu'il y a bien plus de travailleurs que de box, il n'est pas rare de rencontrer un box où travaillent le patron et ses employés, ou encore des associés. Le patron d'ailleurs n'est pas nécessairement présent dans le boxe, et nomme alors un gérant responsable du box. Ainsi, à chaque fois que l'on trouve le mot « employé », il y a fort à parier que le patron soit lui un ancien toujours rattaché de plus ou moins loin à son box.

Pour faire quelques pourcentages, on note 40% d'« anciens » (soit 10 personnes), 40% également d'employés, et seulement 20% de « nouvelle génération de camelots » auquel j'ai ajouté notre potentiel nouveau propriétaire (soit 4%). On constate qu'il semblerait que les quadras C et D soient plus accessibles aux nouveaux arrivants que les deux autres où l'on va rencontrer une majorité d'anciens et leurs employés. Cette impression peut se con rmer dans la quadra A par le fait que l'on ne rencontre que des camelots d'un âge déjà mur (entre 40 et 50 ans environ), alors que dans les 3 autres quadras le personnel a tendance à être majoritairement plus jeune (constatation personnelle, sans chi re à l'appui...)

Ainsi ce tableau mettrait en évidence que contrairement à ce que pense Roberto, les camelots enregistrés en 1994 sont toujours présents, la di érence réside dans le fait qu'ils ne sont plus en majorité, étant donné la quantité de personnes qu'ils emploient, ou à qui ils louent leur emplacement.

Rayon de soleil entre les bâches dans la quadra D

 
 

85

 

Figure 15

 

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci