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L'électrification rurale par l'énergie solaire. Etude de cas au Bénin.

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par Julie Bobée
Université Libre de Bruxelles - Master en Sciences de la Population et du Développement 2010
  

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1.2.3.2. Les « options solaires » pour les téléphones portables

Comme l'usage de la téléphonie mobile est de plus en plus répandu, y compris dans les zones lacustres les plus reculées et non électrifiées, Nature Tropicale développe une borne de recharge solaire pour les téléphones portables et fait la promotion de chargeurs solaires pour téléphones portables, MP3, appareils photos.

Le but premier est de faire savoir à la population que ces possibilités existent, fonctionnent et sont adaptées à leur situation. Il suffit de charger la batterie du chargeur au soleil pour pouvoir ensuite recharger des téléphones portables, le chargeur étant livré avec différents adaptateurs correspondant à différents modèles de téléphones portables. Ces chargeurs, produits en Chine, sont achetés sur le marché au Nigeria et les personnes intéressées peuvent les acheter auprès de Nature Tropicale pour 10 000 FCFA51. La population montre un réel enthousiasme face à cette possibilité et quelques personnes décident d'en faire l'acquisition. Ce sont les personnes parmi les plus aisées économiquement et celles devant souvent se déplacer.

L'autre option, actuellement en cours de développement par l'ONG et mise au point par l'électrotechnicien et l'ingénieur de l'ONG, est le kit multiGSM : une batterie de 12 V est reliée à un module de silicium polycristallin afin de pourvoir recharger une dizaine de téléphones portables à la fois grâce à différents adaptateurs reliés à la batterie et correspondant à la grande majorité des modèles en circulation. L'idée est de pouvoir recharger les téléphones portables de plusieurs villageois à la fois. Le coût d'un tel système est de 90 000 FCFA52 mais il est présenté comme rentable car le propriétaire d'un tel système pourrait faire payer les personnes qui utiliseraient cette borne de recharge. Des facilités de paiement sont également proposées : le kit est livré après un premier versement de 30 000 FCFA puis chaque jour le propriétaire doit verser 500 FCFA pour rembourser son achat.

51 10 000 CFA équivaut à environ 15 euros et représente le salaire d'une semaine d'une femme de ménage.

52 90 000 FCFA équivaut à environ 137 euros.

1.2.3.3. L'électrification de centres communautaires

Des kits photovoltaïques ont été installés dans différents villages par l'électrotechnicien et l'ingénieur de l'ONG. C'est ainsi que trois centres de santé, deux écoles et la mairie de la commune se sont vus dotés du photovoltaïque. Des kits ont été également installés sur le camion de l'ONG afin de pouvoir présenter lors de ses déplacements, le fonctionnement du solaire et ses éventuelles applications (une télévision, un ventilateur et une multiprise). Pour la même raison, un kit a été installé au siège de l'ONG afin de présenter aux visiteurs le photovoltaïque.

Dans la commune de Dangbo, ce sont les centres de santé qui ont reçu la majorité des kits. En effet, le centre de santé de Dekin a reçu une installation de 24 V, les deux centres de santé de Hetin-Godomey et de Hetin-Sota ont eu une installation de 12 V. Pourtant l'idée première était de faire bénéficier ces kits aux écoles, notamment aux écoles primaires. Seulement, les responsables de la commune ont souhaité que ce soit en priorité les centres de santé et les Collèges d'enseignement général (CEG) pour la raison que l'électricité est plus utile dans un centre de santé (par exemple, pour assurer une garde de nuit) que dans une école primaire. Les écoles primaires, ouvrant leurs portes de 7h à 17h, bénéficient de la lumière naturelle. Par contre, on donne classe habituellement dans les CEG, jusqu'à 19h. Or les CEG non électrifiés de la commune doivent arrêter de donner cours à 17h en raison du manque de luminosité. Deux CEG ont donc bénéficié d'installations photovoltaïques de 24 volts afin de pouvoir continuer à donner cours ou d'ouvrir une étude dans deux salles de classe. Les installations permettent d'avoir de l'électricité dans deux pièces, de faire foncionner une télévision53 et d'éclairer le couloir à l'avant du bâtiment bénéficiaire de l'installation.

53 Si la télévision est peu consommatrice d'électricité. Il faut donc avoir un poste télévision récent.

Composition type d'un kit solaire installé par Nature Tropicale

· Module : 65 Wc / 85 Wc (importé de Chine ou fourni par l'Aberme au prix subventionné)

· Batterie blindée : 12 V /100 Ah (importée de Chine)

· Convertisseur : 12 V ou 24 V / 1 000 W (fabriqué au Bénin par Guédou SARL)

· Régulateur de charge : 12 V ou 24 V (fabriqué au Bénin par Guédou SARL)

· Câbles (achetés au marché)

· Ampoules : 4 ampoules économiques par module de 12 volts (achetées au marché)

 

En matière de réception du projet, elle est très positive au niveau de la motivation des bénéficiaires pour que ces kits fonctionnent et ils sont prêts à participer au bon fonctionnement des installations.

Il est par contre plus difficile de mesurer si la maintenance sera efficace ou non étant donné que les kits ne sont installés que depuis novembre 2009. Il était prévu de donner des connaissances techniques sur le photovoltaïque à 150 jeunes de Dangbo mais ces formations, qui ont lieu dans les écoles principalement, sont plutôt de l'ordre de la sensibilisation et ne leur permettent pas de pouvoir détecter et résoudre les problèmes facilement. Par ailleurs, un bureau s'est ouvert à Hozin pour faire l'intermédiaire entre la population et le siège de l'ONG, qui se trouve à 45 km de la commune. Il peut ainsi aider à la maintenance des systèmes, il possède des pièces de rechange pour éviter de se rendre sur Cotonou voire au Nigeria (certains composants se trouvant plus facilement au Nigeria et à meilleur marché). Le bureau est un point de renseignement sur les installations solaires que l'ONG propose. Dans cette optique l'ONG a mis en place une stratégie de commercialisation des kits solaires avec trois possibilités offertes : du 12 V pour 368 000 FCFA, du 220V/300-500 W pour 660 000 FCFA ou du 220 V/1000 W pour 1.166.000 FCFA.

Pour résumer, cette ONG béninoise fait une réelle promotion des diverses possibilités offertes par le photovoltaïque. Cela va du simple kit de 6 V pour les radios au kit plus élaboré pour éclairer, faire fonctionner une télévision... Le public visé est lui aussi assez vaste car il touche toutes les couches de la commune : des notables aux paysans en passant par les jeunes. Le volet sensibilisation fonctionne relativement bien. Les populations, y compris les analphabètes, qui ont participé aux diverses activités ont maintenant connaissance de ces possibilités et semblent particulièrement intéressées. Leur intérêt se porte particulièrement sur

les chargeurs pour téléphones portables et sur les kits pour radios en raison de leur adéquation avec les besoins réels et quotidiens des villageois et de leurs coûts plus ou moins abordables. Il y a également un intérêt pour les kits solaires mais leur coût apparaît très souvent comme trop élevé.

Quant aux kits installés gratuitement dans les centres communautaires, ils permettent d'éclairer et d'avoir des prises électriques. Les bénéficiaires sont donc satisfaits de pouvoir faire fonctionner pour quelques heures de plus leurs écoles ou leurs centres de santé. Mais ces installations ne restent que ponctuelles et la question se pose de savoir si la maintenance sera suffisante pour qu'elles continuent à fonctionner d'autant plus que les installations sont éparpillées sur l'ensemble de la commune.

Par ailleurs, on ne peut pas parler d'électrification de nouveaux villages car les habitations individuelles ne bénéficient pas de l'électricité solaire et n'en bénéficieront sûrement pas ou que très peu, tout comme à Tori-Cada. Il est donc intéressant de se pencher sur les raisons de ces résultats mitigés.

2. L'électrification rurale au Bénin et les différentes options développées

L'électricité est communément considérée comme un facteur important pour le développement d'un pays. Tellement important que l'accessibilité à l'électricité est devenue une condition siné qua non pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). En effet, selon le rapport « Les Objectifs du Millénaire pour le développement au Bénin : Situation actuelle et perspectives », un des déterminants à prendre en considération pour « éliminer l'extrême pauvreté et la faim »54 au Bénin (OMD n°1) est « l'accès aux infrastructures économiques »55, c'est à dire l'accès au logement, à la santé, à l'eau, aux télécommunications et ... à l'électricité. De même, pour atteindre l'objectif d'un environnement durable (OMD n°7), le secteur de l'énergie rentre en ligne de compte avec principalement sept actions spécifiques. Parmi ces actions, on retrouve la « production d'énergie électrique, [l']extension et [la] réhabilitation du réseau électrique»56, ou encore les « systèmes électriques hors réseau dans les écoles et bâtiments sanitaires avec des stations de recharge pour les batteries »57 ainsi que l'« approvisionnement de toutes les communautés rurales [et] l'accès à des services modernes dans le domaine de l'énergie »58.

Si le secteur de l'énergie et en particulier l'électricité attire au Bénin autant l'attention aujourd'hui c'est bien parce que son accès est encore fortement limité. En effet, l'accès à cette énergie est à la fois faible, car seule 22% de la population y a accès, et inégale, ce pourcentage descendant à moins de 2% pour les zones rurales. Il est donc intéressant de voir en premier lieu en détail la situation dans les localités rurales du Bénin puis d'analyser la façon dont le Bénin tente de résoudre le problème d'accès à cette forme d'énergie dans les zones rurales. Le gouvernement béninois a élaboré pour la première fois dans les années 2000 une politique énergétique ainsi qu'une Politique d'Électrification Rurale (PER). Ces réformes s'inscrivent dans la logique de la gouvernance politique prônée aujourd'hui par toute grande instance internationale : la décentralisation. La PER sera donc basée sur l'électrification rurale décentralisée et la responsabilité de sa mise en oeuvre reviendra à l'ABERME, créée à l'occasion et anciennement Cellule de Coordination de la Pré-électrification et du Programme

54 PNUD 2009, 10

55 Ibid.

56 Id., 27

57 Ibid.

58 Ibid.

Solaire (CCPS). Il est donc nécessaire de s'arrêter sur l'organisation du secteur de l'électricité et sa décentralisation puis de regarder les options développées et prévues par la politique d'électrification rurale décentralisée.

2.1. État des lieux : des zones rurales peu électrifiées et développement de l'électrification rurale décentralisée

2.1.1. La situation de l'électrification dans les zones rurales béninoises

Au Bénin, le niveau d'accès des ménages ruraux au service de fourniture d'électricité est très faible (taux d'électrification59 inférieur à 2%) alors que leur poids démographique n'est pas négligeable. Selon le troisième recensement général de la population humaine de 2002 (RGPH3), les ruraux représentent 61,1% de la population totale, soit 4 139 781 habitants. Dans les années à venir, malgré un taux de croissance de la population urbaine prévu plus élevé que celui de la population rurale, ils représenteront toujours une part importante de la population. En effet, selon l'INSAE, la population rurale devrait représenter en 2015 encore plus de la moitié de l'ensemble avec 4 972 444 habitants (soit 51% de la population totale estimée)60. Pour autant il est peu probable que cette population rurale soit raccordée au réseau conventionnel. Cette quasi absence d'électrification dans les zones rurales dans les PED, et en particulier en Afrique sub-saharienne, s'explique par les faibles densités de population, le coût important que peut représenter l'électricité pour un ménage, le problème de maintenance, le manque de moyens au niveau national pour étendre le réseau électrique vers des zones reculées et faiblement peuplées, la diffusion lente des techniques décentralisées, etc.

2.1.1.1. Un lien entre la faible densité de la population rurale et l'électrification rurale quasi inexistante

Si on regarde de plus près la situation au Bénin en matière de densité de population, on avoisine pour l'ensemble du pays les 78 hab./km2 en 2009 (selon The World Factbook, CIA, 2009). Seulement, la situation est loin d'être homogène car la population est très inégalement

59 Le taux d'électrification représente la population effectivement desservie (c'est à dire ayant effectivement accès au service) par rapport à la population totale de la zone considérée. Il est à distinguer du taux de desserte, qui représente le rapport entre la population desservie et la population des localités électrifiées. L'échelle géographique est plus restreinte pour le taux de desserte, qu'elle ne l'est pour le taux d'électrification.

60 Ministère des Mines, de l'Énergie et de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie, s.d.b., 29

répartie. Pour ainsi dire la moitié des habitants (45,52%) vivent dans les six départements du sud, soit sur 10% du territoire61. Les parties du centre et du nord du pays ont donc une densité de population très faible, oscillant le plus souvent entre 0 et 20 hab/km2, excepté dans le département de l'Atacora autour de Natitingou. Si on compare ces données (carte de la densité de la population, Cf. Annexe 2) avec le réseau électrique existant (carte de la configuration générale des réseaux de transport d'énergie électrique proposée à l'horizon 2025, Cf. Annexe 2) on constate que les lignes électriques sont actuellement implantées (lignes pleines sur la carte) où les densités de population sont les plus élevées donc au sud du pays et dans les environs de Natitingou.

Pour une compagnie privée d'électricité, relier au réseau électrique les zones éloignées des grandes villes du sud et de Natitingou, représente un coût important (pour la mise en place des installations et pour la maintenance de celles-ci) et est peu rentable économiquement. Une faible densité de population signifie une population peu nombreuse et dispersée, des distances importantes entre habitations ou villages, des conditions d'accès parfois difficiles (peu de routes en bon état et goudronnées en dehors des axes entre les grandes villes, des zones inaccessibles lors de la saison des pluies), des pertes d'électricité importantes (les pertes étant proportionnelles à la longueur des lignes)... Par ailleurs, le prix du kilowattheure (kWh) de la SBEE étant élevé et les populations rurales ayant peu de revenus monétaires leur consommation en électricité serait sûrement faible si elles étaient raccordées, or les infrastructures sont quasiment identiques pour alimenter de gros ou de petites consommateurs. Raccorder les zones rurales dans ces conditions et face à cette faible demande potentielle solvable représente un investissement à perte pour une compagnie électrique qui prend en considération des facteurs économiques et financiers. D'où une nécessaire intervention financière de l'État car les trois paramètres (coût global du service, contraintes de disponibilité à payer et rentabilité des investissements privés) qui conditionnent l'équilibre financier global d'un projet d'électrification rurale ne sont pas conciliables dans les zones rurales d'un PED62. Par ailleurs, même dans le sud du Bénin et près de Natitingou les zones rurales sont loin d'être électrifiées comme le montrent les exemples de Tori-Cada et de Dangbo, toutes deux au sud du pays. On a ainsi des localités non raccordées au réseau de la SBEE alors que des localités voisines le sont. Le problème de l'électrification des zones rurales se pose donc sur l'ensemble du territoire.

61 Ministère des Mines, de l'Énergie et de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie, Id., 6

62 De Gouvello et al. 2000, 139-174

2.1.1.2. Les problèmes de fourniture d'énergie électrique

Il semble également important de faire remarquer qu'il y a d'autres problèmes dans le domaine de l'électricité au Bénin. En effet, la tension reçue n'est pas régulière et il y a de très nombreuses interruptions d'électricité63, en raison de l'approvisionnement difficile du Bénin en électricité64. La consommation d'électricité annuelle au Bénin est de l'ordre de 660 gigawattheure65 or la capacité interne de production électrique du Bénin est très limitée66. Le taux d'autosuffisance en énergie électrique n'est donc qu'aux alentours de 10,5% (chiffre de 200267). Cela entraîne une grande dépendance envers l'extérieur : 85% de la fourniture d'électricité provient des importations d'électricité du Nigeria et les importations de la Communauté Électrique du Bénin (CEB) viennent principalement du Ghana68. Cependant, la combinaison de la production nationale et des importations n'est pas suffisante pour couvrir les besoins actuels en électricité alors même que l'ensemble du territoire est loin d'être électrifié.

2.1.1.3. Les alternatives développées pour l'électrification rurale avant la mise en place de la politique d'électrification rurale

Si la quantité d'électricité disponible au Bénin est insuffisante et que le raccordement au réseau d'électricité conventionnel représente un coût freinant l'électrification des zones rurales par la SBEE, on pourrait envisager que d'autres systèmes aient été mis en place pour répondre aux besoins de la population rurale en matière d'électricité (besoins essentiellement domestiques).

En 1993, le gouvernement à travers le ministère de l'Énergie initia ainsi trois programmes spécifiques pour les zones rurales. Ces programmes étaient financés par le budget national et, en 1996, la CCPS a été créée pour les gérer.

L'un de ces programmes consistait en la pré-électrification par des groupes diesels de gros villages (villages avec une population dépassant les 3 000 habitants).

63 Notamment, il y a de nombreux délestages en fin d'année et en début d'année, période de fête et de sécheresse.

64 Badarou & Kouletio 2009, 21

65 La demande journalière des 345 725 abonnés est de 200 MW.

66 Le Bénin possède une micro-centrale à Yéripao au nord et des centrales thermiques principalement à Parakou, Natitingou, Porto-Novo

67 Ministère des Mines, de l'Énergie et de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie s.d.b, 16

68 La CEB importe de l'électricité en provenance du Ghana et de la Côte d'Ivoire.

Un autre programme visait la pré-électrification et l'adduction d'eau villageoise de localités frontalières.

Le troisième tentait d'améliorer les conditions de vie en milieu rurale par l'électrification solaire69. C'est ainsi que certaines localités rurales ont été électrifiées à partir du solaire photovoltaïque seulement la maintenance posa problème car elle était faite par une entreprise aux propres frais des comités de gestion70. Les installations laissées sans entretien n'ont donc plus fonctionné. De façon plus générale la gestion communautaire des équipements n'était pas adaptée, que ce soit au niveau des décisions techniques à prendre face aux problèmes techniques ou de la gestion des fonds. Ainsi la plupart des villages électrifiés sont « retournés dans le noir » en raison des systèmes de maintenance mis en place.

Ces projets pilotes qui cherchaient à « accélérer l'électrification des zones rurales à partir de projets spécifiques »71, n'ont pas beaucoup fait évoluer la situation car ils n'ont pas amené des programmes à grande échelle. A la fin 2004 seules 39 localités ont été électrifiées (soit 5 localités par an).

Des centres communautaires d'activités72 (CCA) furent également construits en 1997 dans certains villages. La gestion de leurs systèmes solaires fut déléguée à BHVE, une société privée locale de BURGEAP73 qui avait la gestion au préalable de ces projets. Selon Marcel Dossou Kohi (responsable de BHVE), les CCA font partie des rares projets d'ERD qui ont fonctionnés car ils étaient « gérés de façon professionnelle par une personne morale »74. Il ajoute que le problème principal de ces installations était principalement technique car les équipements étaient vétustes et qu'il n'y avait pas les fonds nécessaires pour les renouveler. En 2003, le responsable de BHVE préconise donc de « créer un environnement juridique et institutionnel favorable, d'exonérer de taxes douanières les équipements d'ERD, d'encourager les entreprises privées [et] d'aider les entreprises qui s'engagent dans ce secteur d'activité »75. Car finalement, bien que la CCPS fût rattachée au Ministère de l'Énergie, les actions étaient

69 Le solaire avait commencé à être introduit dans les années 1980 mais les actions commenceront réellement dans les 1990.

70 Au problème de maintenance s'ajoute des problèmes d'ordre politique car la réalisation des installations a été attribuée à une entreprise sans appel d'offre, des fonds récoltés pour assurer la maintenance ont été détournés...

71 Ministère des Mines, de l'Énergie et de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie, s.d.b., 21

72 Le CCA est un concept multiservice avec l'alimentation en eau potable, une cabine téléphonique, une buvette, un centre de télévision - vidéo, une recharge de batterie, la location de kits d'éclairage domestique et des lampadaires publics.

73 BURGEAP est une ingénierie indépendante basée essentiellement en France mais intervenant sur l'ensemble des continents.

74 Dossou Kohi 2003, 8

75 Dossou Kohi Id., 9

faites en dehors d'un cadre institutionnel et ce n'est qu'en 2004 que le Bénin se dota d'une politique d'électrification rurale.

La grande majorité de la population rurale ne possède donc ni électricité conventionnelle, ni groupe électrogène, ni électricité solaire, pour répondre à ses besoins domestiques mais également pour ses activités génératrices de revenus. En effet, l'électricité est requise pour alimenter de nombreuses machines, conserver et transformer rapidement les produits agricoles... Or, le secteur agricole est un secteur très important pour le monde rural qui tire la majorité de ses ressources des activités agricoles et ceci encore plus avec la monétarisation des conditions de vie. Par ailleurs, il est très difficile de monter une entreprise si l'on ne possède pas d'électricité. C'est pourquoi on considère communément que le développement des localités non électrifiées, voire du pays entier, est conditionné en partie par cette composante énergie.

Le service de l'électricité est donc à la croisée de diverses problématiques : celle de la rareté/abondance de l'énergie, celle du développement rural, celle des infrastructures, celle de la citoyenneté avec l'accès au service de base et celle plus large du développement social et économique.

La population a cependant recours à des alternatives pour répondre à ses besoins en électricité. Ces derniers ne sont pas négligeables étant donné que la population adopte de plus en plus des habitudes de la société de consommation. En effet, depuis quelques années, il y a une « expansion mondiale du système économique et technique issu de la révolution industrielle [...] [qui] induit des transformations dans leur cadre naturel et socioéconomique »76.

Les besoins des ménages en énergie sont principalement pour l'éclairage, l'audiovisuel et la cuisson que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain. Pour pallier à l'absence d'électricité pour l'éclairage, la population a recours principalement à la lanterne et de plus en plus aux torches à piles. Les dépenses en petits consommables sont donc importantes (pétrole pour les lanternes, piles pour les torches...). Par ailleurs, ces solutions peuvent apparaître pour les utilisateurs comme pénibles et inefficaces en comparaison avec l'éclairage électrique. Par ailleurs, du fait du mimétisme des modes de vie, de nouveaux besoins apparaissent :

76 De Gouvello et al. op.cit., 57-60

l'audiovisuel pour lequel on recourt aux batteries autos ; les radios fonctionnant à pile ; les services de santé ; les services d'éducation et la ventilation. Plus récemment, on voit également une utilisation exponentielle de la téléphonie mobile. Alors que l'on comptait un abonné pour 100 habitants en 2000, huit années plus tard ce rapport a été multiplié par 4077. Or les téléphones portables ont besoin d'être régulièrement rechargés, les villageois doivent donc se déplacer vers des endroits électrifiés où en échange de rémunérations (généralement 100 FCFA), ils peuvent recharger leur téléphone portable.

Généralement dans les villages un certain nombre d'habitants a également recours aux groupes électrogènes mais ils représentent un coût important du fait de l'achat de pétrole nécessaire à leur fonctionnement donc peu de personnes en bénéficient en plus de poser le problème de l'approvisionnement en pétrole.

Une offre du marché local existe donc pour répondre aux besoins des ménages non électrifiés ainsi qu'une demande pour le service d'électricité. Pour autant ces solutions « traditionnelles » peuvent apparaître comme insatisfaisantes pour la population (coût important, service limité, qualité faible, etc.) et pour le gouvernement étant donné qu'elles ne permettent pas une réelle électrification alors que celle-ci constitue une priorité de développement.

2.1.2. L'organisation béninoise du secteur de l'électricité ... 2.1.2.1. La situation dans les années 1990

Si on envisage la question de l'électrification dans un espace temporaire plus vaste, on se rend compte que la vision a fortement évolué. Dans les années 1950, la solution réseau avec l'intervention de l'État fut prônée pour les zones rurales des PED en se basant notamment sur la théorie des rendements croissants78. L'État - à travers les dépenses publiques - apparaissait comme un acteur central pour le « développement des PED ». C'est dans ce contexte que le Bénin - à l'époque nommé Dahomey - devint indépendant en 196079. Mais les

77 The World Bank Group, « World Development Indicators database », Septembre 2009 [ http://ddpext.worldbank.org/ext/ddpreports/ViewSharedReport? &CF=&REPORT_ID=9147&REQUEST_TYPE=VIEWADVANCED] (page consultée le 10 décembre 2009)

78 La théorie des rendements croissants vient contrebalancer le modèle de Heckscher-Ohlin-Samuelson qui privilégie la concurrence pure et parfaite, alors que la première justifie le protectionnisme pour aider un secteur à se développer et devenir concurrentiel. Le rôle de l'État joue un rôle alors déterminant pour pouvoir démarrer le processus.

79 Le Dahomey, créé en 1625, sera colonisé par les Français. En 1984, ces derniers créent la colonie du Dahomey, qui deviendra indépendante le 1er août 1960.

choses changèrent avec la crise pétrolière car les PED virent dans les années 1980 leur endettement s'accroître. Au Bénin, le secteur bancaire s'effondra et les recettes de l'État chutèrent. Le régime marxiste-léniniste (1972-1990) se retrouva alors face à une sévère crise politico économique et il devint difficile de financer les infrastructures de base comme l'électricité. Les théories du développement changèrent alors de direction et prônèrent des thèses libérales. Le « consensus de Washington », dans lequel l'État est réduit à un rôle minimal et où le marché doit être « sans entrave », apparut alors comme la solution pour les pays endettés. On passa ainsi en 1990 d'une économie régulée par l'État à une économie de marché. Au Bénin, le régime marxiste-léniniste disparut en 1990 lors d'une profonde réforme politique et administrative accompagnée de l'adoption d'une constitution fondée sur le libéralisme économique et un régime politique de démocratie pluraliste. En 1994 la Banque Mondiale préconise le modèle de délégation de gestion ou encore le « Partenariat PublicPrivé » pour gérer les services publics. L'orthodoxie libérale prévaut alors et dans ce contexte l'électrification rurale n'a pu progresser car ce n'est pas un domaine rentable où les mécanismes de marché peuvent jouer librement. Un cercle vicieux s'installe alors où l'électricité est l'un des éléments incontournables pour engendrer un développement économique des zones rurales. C'est dans ce contexte que l'on vit s'accroître la présence des ONG afin de répondre à la défaillance de l'État qui avait traditionnellement la responsabilité de l'électrification. Les ONG jouent donc un rôle croissant avec de petits projets d'électrification souvent à l'échelle villageoise, dans des lieux où l'État ne s'engage pas.

Les initiatives prises dans les années 1990 ont donc été un échec que la Direction de l'Énergie expliquait en 2004 par les éléments suivants :

- la gestion des projets

La gestion des projets a posé problème car la conception des projets d'électrification rurale ne prenait en compte que les besoins d'investissements initiaux. On se retrouvait donc dans le cas d'un affermage où la gestion est privée80 : l'opérateur n'a à charge que le service rendu et pas l'investissement assumé par l'État. Leur exploitation et leur entretien a posé problème à la fois pour la gestion technique mais également pour la gestion financière.

- l'organisation institutionnelle mise en place

80 D'après Noémie Zambeaux (Zambeaux 2006, 83-88) dans la gestion par affermage, la conception, la construction, le financement et la propriété sont publics. L'exploitation, la maintenance et la facturation sont quand à eux privés ou gérés par le privé.

L'étude APPLIMAR81 a identifié « sept familles d'acteurs devant constituer les parties prenantes de ces programmes »82 à savoir les pouvoirs publics (pour définir le cadre et arbitrer son application), les bureaux d'études, les entreprises professionnelles (pour l'installation, la gestion et la maintenance des équipements), les banques et les institutions de micro finance (gestion des mécanismes de financement), les entreprises de fourniture d'équipements, les usagers et les ONG. Or, selon le rapport, au Bénin les acteurs n'étaient pas suffisamment impliqués et il n'y avait pas de procédure pour permettre la concertation entre eux et la coordination de leurs actions.

- la définition et la planification des projets

Selon le rapport APPLIMAR, la priorité était donnée à des localités pour des raisons de sécurité (priorité aux localités frontalières) et pour éviter l'exode rural mais sans définir clairement les critères de décision. A cela s'ajoute une absence de coordination des actions de la SBEE (électrification conventionnelle) et de la CCPS (électrification rurale décentralisée), ainsi qu'aucun cadre de concertation et d'échange entre les « différents secteurs du développement ». Les projets d'électrification visaient donc essentiellement les besoins sociocommunautaires et les besoins domestiques en mettant de côté les besoins pour les activités économiques.

- le financement

Les financements provenaient de subventions du budget national ou de bailleurs de fonds internationaux. Seulement, il n'y avait aucune règle générale d'attribution donc cela se faisait au cas par cas. Le rapport APPLIMAR souligne donc que cette situation ne permet pas d'attirer les investisseurs privés qui restent méfiants.

- le cadre législatif et réglementaire de mise en oeuvre des projets

Il n'existait aucun cadre législatif et réglementaire, ni de standards techniques et de qualité, pour servir de fondement à l'électrification rurale.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci